Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.)
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Loi de finances pour 2020
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2020 (projet n° 139, rapport général n° 140, avis nos 141 à 146).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Cohésion des territoires
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Cohésion des territoires » (et articles 73 à 75).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année, la mission « Cohésion des territoires » est dotée de 15,2 milliards d’euros en crédits de paiement, de nouveau en baisse de 1,2 milliard ou, à périmètre constant, de 1,5 milliard. Les dépenses fiscales atteignent un montant équivalent.
Je vais vous présenter les crédits des programmes 177, 109, 135 et 147 couvrant les champs du logement, de l’hébergement d’urgence et de la politique de la ville, et Bernard Delcros présentera les autres programmes.
S’agissant du programme 177, les crédits du logement adapté comme de l’hébergement d’urgence sont en hausse de 100 millions d’euros, mais rappelons que nous venons d’ouvrir 180 millions en loi de finances rectificative au titre de 2019. Les crédits proposés pour 2020 sont donc, une nouvelle fois, inférieurs à ceux effectivement ouverts pour l’année en cours.
Gageons, dès maintenant, monsieur le ministre, qu’il nous faudra y revenir en cours d’année, puisque la demande d’asile explose, que les centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) sont toujours saturés et que l’hébergement d’urgence sert, malheureusement, de palliatif à cette situation.
Or, dans le même temps, on constate que le logement adapté, malgré la volonté affichée du Gouvernement, peine à prendre le relais de l’hébergement d’urgence pour sortir les personnes sans abri de la précarité. Quant à ceux qui accèdent à un logement autonome, leur nombre ne progresse pas non plus.
Le manque de solutions pérennes conduit donc à une augmentation apparemment inéluctable de l’hébergement en hôtel ; nous avons battu un nouveau record en 2019. Or il s’agit d’une solution dont le coût est très élevé malgré une absence ou un faible accompagnement des personnes ainsi hébergées.
Je dirai un mot également du projet pluriannuel de convergence tarifaire des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) dont j’ai soutenu le principe depuis plusieurs années. Cette convergence tarifaire, telle qu’elle est appliquée sur le terrain, monsieur le ministre, est mal ressentie, car elle ne prend pas en compte la totalité des facteurs objectifs de coût, notamment celui du foncier qui varie énormément d’une région à l’autre. Cette réforme manque de lisibilité et apparaît donc à beaucoup d’acteurs comme une simple recherche d’économies budgétaires. Or tel n’était pas l’objectif à l’origine.
Les crédits du programme 109 consacrés aux aides personnelles au logement expliquent quasiment à eux seuls la diminution des moyens de la mission.
Alors que ces crédits étaient de 15,5 milliards d’euros en 2017, ils ne seront plus que de 12 milliards d’euros en 2020, soit 3,5 milliards d’euros d’économies. La mission « Cohésion des territoires » et le logement, en particulier, sont donc toujours vos principales sources d’économies budgétaires.
Cette année, la diminution des crédits du programme 109 est de 1,4 milliard d’euros. Cette baisse affectera d’abord, pour 1,2 milliard d’euros, les bénéficiaires des aides personnelles au logement puisque l’article 67 vise à prévoir une revalorisation limitée à 0,3 %, bien inférieure à l’inflation. Ces bénéficiaires également seront également impactés par la « contemporanéisation » des revenus pris en compte pour le calcul des aides.
Si cette réforme est justifiée dans son principe pour ceux qui seront très au-dessus du plafond de ressource, sa mise en œuvre risque de susciter de très nombreuses incompréhensions chez ceux dont les revenus varient dans l’année et se situent à la marge du seuil de sortie du dispositif. D’un trimestre à l’autre, ils pourraient perdre l’aide personnalisée au logement (APL) pour en retrouver le bénéfice le trimestre suivant. Nous risquons de créer là une nouvelle trappe à inactivité. Monsieur le ministre, cette mesure de rendement budgétaire fragilisera à coup sûr les plus précaires.
Pour une entrée en vigueur au 1er janvier prochain, il n’est certainement plus possible, eu égard à la complexité technique de la réforme, de modifier les règles que vous avez choisies. Mais je suis certain que vous serez obligés d’y revenir afin d’en corriger les effets pour ces populations les plus précaires.
La réduction de loyer de solidarité (RLS) passe, quant à elle, de 900 millions à 1,3 milliard d’euros et s’accompagne donc d’une diminution des aides versées aux locataires.
Toutefois, en conséquence de l’accord intervenu le 25 avril 2019 avec le Gouvernement, la fameuse clause de revoyure, les bailleurs sociaux bénéficient en 2020 de mesures de compensation : l’article 73 prévoit en effet qu’Action Logement prendra en charge, l’an prochain, le financement des aides à la pierre, pour un montant de 300 millions d’euros.
Je dirai un mot justement d’Action Logement qui est très mal récompensée des efforts fournit pour compenser la RLS, puisqu’un prélèvement de 500 millions d’euros, tombé sans aucune concertation, dont la seule finalité est de réduire à due concurrence la subvention d’équilibre versée par l’État au Fonds national d’aide au logement (FNAL) est prévu à l’article 75.
Cette disposition, que le Gouvernement justifie par la bonne santé de l’organisme, pourrait en effet remettre en cause, si elle était pérennisée, les équilibres issus de la convention quinquennale signée en 2018. Le Gouvernement semble ignorer les engagements pris par Action Logement pour financer des investissements massifs, à hauteur de 9 milliards d’euros, dans le logement social et intermédiaire, mais aussi pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). La commission des finances vous proposera de supprimer ce prélèvement.
C’est également sur ce programme 109 que je vous proposerai, au nom de la commission, de rétablir l’APL accession par un virement de 50 millions d’euros. Monsieur le ministre, les chiffres du logement pour 2019 ne seront pas bons, tout juste médiocres : au mieux, entre 100 000 et 110 000 logements sociaux seront financés ; et pour la construction privée, nous sommes sur une pente toujours descendante, très loin du « choc d’offre » que vous aviez promis. Cette mesure, comme d’autres adoptées en première partie, et certaines, je l’espère, en seconde partie, pourrait contribuer à redresser ces chiffres.
Les crédits de paiement du programme 135 sont en augmentation de 65,3 millions d’euros, mais le programme bénéficie d’un transfert de 60 millions d’euros en provenance du programme 174 tendant à bonifier le dispositif « Habiter mieux sérénité » de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), dans le cadre de la réforme du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). À périmètre constant, les crédits sont donc stables.
Concernant l’ANAH, 170 millions d’euros lui sont destinés. D’aucuns peuvent penser que ce sera suffisant, mais je sais que certains collègues émettront des doutes à ce sujet.
S’agissant enfin du programme 147, relatif à la politique de la ville, je peux surtout faire observer que le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) commence enfin à prendre forme dans la mesure où plus des deux tiers des projets ont maintenant été validés.
L’État a promis en 2017 une enveloppe de 1 milliard d’euros de crédits budgétaires, soit 10 % seulement du coût du programme chiffré à 10 milliards d’euros, qui est surtout financé par Action Logement et les bailleurs sociaux : cette enveloppe budgétaire sera donc principalement à la charge du prochain quinquennat. C’est en effet vers 2023 ou 2024 que les dépenses atteindront probablement le niveau le plus élevé. Notons d’ailleurs que le rapport de gestion de l’ANRU évoque une nécessaire redéfinition des conditions de financement à cet horizon. C’est le retour de la fameuse « bosse de l’ANRU » qu’il conviendra donc d’éviter.
En conclusion, si l’on peut difficilement se satisfaire de crédits qui diminuent pour une politique essentielle aussi bien pour l’économie de notre pays que pour les Français, les crédits relatifs aux programmes que je viens de présenter correspondent en grande partie à la « clause de revoyure » signée par le Gouvernement et les acteurs du logement social.
Je vous proposerai donc l’adoption de ces crédits tels qu’ils seront modifiés par l’adoption de l’amendement que je vous présenterai concernant l’APL accession, ce qui ne vaut cependant pas, monsieur le ministre, satisfecit sur la politique que vous conduisez, laquelle ne donne manifestement pas les résultats que vous aviez promis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
Mme la présidente. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de l’Assemblée populaire nationale de Chine, conduite par M. Zhang Zhijun, membre du comité permanent de l’Assemblée populaire nationale de Chine et vice-président de la commission des affaires étrangères. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le ministre chargé de la ville et du logement se lèvent.)
Cette délégation est reçue par le groupe d’amitié France-Chine, présidé par notre collègue Claude Raynal. Elle est accompagnée en tribune par notre collègue Catherine Dumas, vice-présidente du groupe d’amitié.
Le groupe d’amitié organise cet après-midi la neuvième session de la grande commission parlementaire, qui se tient chaque année entre l’Assemblée populaire nationale de Chine et le Sénat français. Cette année, les sessions de travail porteront sur l’ouverture commerciale et le multilatéralisme, l’administration numérique et les relations entre l’Union européenne et la Chine.
En votre nom à tous, permettez-moi, mes chers collègues, de souhaiter à nos homologues chinois la plus cordiale bienvenue au Sénat et de fructueux travaux ! (Applaudissements.)
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Loi de finances pour 2020
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020, de la mission « Cohésion des territoires ».
Cohésion des territoires (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais évoquer deux programmes.
Le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », progresse en autorisations d’engagement pour 2020 de 4,9 %. Il comporte deux nouveautés pour la prochaine année.
La première nouveauté du programme 112 est la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) au 1er janvier prochain, agence qui sera dotée de près de 50 millions d’euros, dont 10 millions fléchés sur l’ingénierie territoriale. Nous soutenons cette inscription, même si elle nous paraît insuffisante, j’y reviendrai.
Il s’agit, à travers cette agence qui rassemblera plusieurs structures existantes, de mieux coordonner l’action de l’État auprès des collectivités. Les préfets de chaque département feront office de délégués territoriaux.
Monsieur le ministre, cette agence fait naître une forte attente dans les territoires, car les besoins sont réels. Dans le même temps, elle suscite également beaucoup d’interrogations et de doutes par rapport à son efficacité réelle. Voilà l’état d’esprit actuel des élus dans les territoires.
Pour ma part, je tiens à insister particulièrement sur le besoin d’ingénierie dans les territoires ruraux : les écarts en matière de capacité d’ingénierie sont source d’inégalités territoriales. C’est pourquoi je proposerai, au nom de la commission des finances, d’augmenter les crédits destinés à l’ingénierie territoriale. Nous devrons veiller à la manière dont ils seront concrètement fléchés, au plus près des territoires, car c’est là que se situent les besoins d’ingénierie. L’enjeu, nous semble-t-il, est important.
Nous serons donc attentifs à la mise en place de cette agence, dont il conviendra ultérieurement de mesurer et d’évaluer le niveau d’efficacité sur le terrain. En tout état de cause, nous sommes disposés à lui donner toutes les chances de réussite.
La deuxième nouveauté pour 2020 du programme 112 est la mise en place des maisons France services. Il s’agira, dans beaucoup de cas, de maisons de services au public (MSAP) labellisées en maisons France services : 2 millions d’euros de crédits y sont consacrés. Nous sommes évidemment favorables à l’amélioration de l’offre de services dans les territoires et les maisons France services peuvent contribuer à apporter des réponses. Mais nous veillerons également à la question du financement. Si de nouvelles missions, notamment pour le compte de l’État, par exemple à travers la réforme des trésoreries, doivent être confiées à ces maisons France services, le soutien financier de l’État devra être au rendez-vous.
Nous suivrons donc attentivement la manière dont ces structures se mettent en place. Il faudra aussi évaluer concrètement leur valeur ajoutée en termes d’offre de services dans les territoires et leurs besoins exacts de financement, notamment dans le cas où des charges leur seraient transférées.
Je voudrais évoquer trois autres sujets qui concernent le programme 112.
Premièrement, la quasi-disparition de la prime à l’aménagement du territoire (PAT) qui est une aide directe versée aux entreprises pour soutenir l’emploi dans les territoires ruraux.
Le Gouvernement propose une nouvelle baisse de 4 millions d’euros que je trouve parfaitement inopportune. Tout d’abord, il n’y a pas réellement d’enjeu financier, puisque nous parlons de 4 millions d’euros à l’échelle nationale ! Surtout, l’effet de levier de cette prime a été démontré, notamment dans le cadre de l’évaluation qui a été réalisée en 2017 et qui concluait qu’elle constitue un outil solide et pertinent pour soutenir le développement économique des territoires fragiles. Dans ce contexte, je vous le dis, la baisse proposée est incompréhensible et nous avons déposé un amendement pour revenir au niveau de 2019.
Deuxièmement, l’avenir des zones de revitalisation rurale (ZRR), dont les dispositifs fiscaux relèvent du programme 112. Les ZRR ont fait leurs preuves dans les territoires ruraux. Frédérique Espagnac, Rémy Pointereau et moi-même avons présenté un rapport et proposé de nouveaux dispositifs plus ciblés qui prennent mieux en compte les niveaux de fragilité des territoires. Dans l’attente de la mise en place de ces nouveaux dispositifs, nous avons déposé un amendement visant à proroger le droit existant jusqu’en 2021.
Troisièmement, l’avenir des outils de contractualisation entre l’État et les collectivités locales qui devraient faire l’objet d’une remise à plat au cours de l’année 2020. Ainsi, les contrats de plan État-région (CPER) qui sont dotés de 123 millions d’euros devraient être renégociés.
Nous considérons que la nouvelle génération des CPER devrait systématiquement intégrer trois volets : l’offre de soins, qui est devenue un enjeu majeur dans la quasi-totalité des territoires ; l’agriculture et la forêt – les CPER doivent être adaptés pour intégrer le nouveau contexte climatique – ; une meilleure coordination entre l’État et les régions pour renforcer la solidarité infrarégionale.
En ce qui concerne les contrats de ruralité, je me réjouis que la principale proposition que j’avais faite dans le rapport que j’ai présenté en juillet dernier ait été retenue et qu’une deuxième génération de contrats soit envisagée. En effet, leur dilution dans un contrat unique de cohésion territoriale, comme cela était prévu initialement, faisait peser un risque sur la prise en compte réelle des enjeux ruraux dans la politique contractuelle de l’État.
S’agissant des pactes de développement territorial qui ont été mis en place en 2019 dans onze territoires, ils sont dotés de 11 millions d’euros pour 2020 et devront trouver une déclinaison et une cohérence sur l’ensemble du territoire national.
Concernant le programme 162, « Interventions territoriales de l’État », quatre actions déjà inscrites en 2019 sont reconduites : celle en faveur de la Corse ; le plan littoral 21 qui sera dans sa deuxième année ; le plan gouvernemental en faveur du marais poitevin qui est uniquement doté de crédits de paiement, puisqu’il est destiné à se terminer ; enfin, le plan Chlordécone pour la Martinique et la Guadeloupe. Sur cette dernière action, nous proposerons une légère augmentation des crédits de manière à répondre aux très importants enjeux sanitaires de ces territoires.
Deux nouvelles actions sont ouvertes en 2020 sur ce programme : l’action n° 10, Fonds interministériel de transformation de la Guyane, et l’action n° 11, Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire.
En conclusion, je voudrais rappeler une fois de plus que la politique d’aménagement du territoire menée par l’État me semble trop peu lisible – ainsi, elle est dispersée sur 12 missions et 29 programmes… Je pense que tout le monde – élus, acteurs locaux et territoires eux-mêmes – aurait à gagner à une clarification. La politique nationale de développement territorial doit être plus cohérente, plus stable, plus durable, plus lisible et mieux articulée. Monsieur le ministre, nous pourrions peut-être confier cette mission à l’Agence nationale de la cohésion des territoires ; c’est une proposition que je vous soumets.
Mes chers collègues, la commission des finances et moi-même vous proposons de voter les crédits de la mission « Cohésion des territoires » pour ce qui concerne les programmes 112 et 162. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la troisième année consécutive, les crédits du logement diminuent : des économies de 1,4 milliard d’euros sont prévues pour 2020. La commission des affaires économiques a néanmoins décidé de donner un avis favorable à l’adoption de ces crédits pour trois raisons : le respect de la clause de revoyure avec le mouvement HLM ; la mise en œuvre en 2020 des APL « en temps réel » ; la poursuite des créations de places d’hébergement en faveur des personnes vulnérables.
Le projet de loi de finances pour 2020 met en œuvre la clause de revoyure. L’impact de la RLS est bien ramené de 1,5 à 1,3 milliard d’euros. Dans un esprit de responsabilité, la commission a souhaité en donner acte au Gouvernement, mais vous le savez, nous estimons que cela ne va pas assez loin, par exemple en termes de TVA réduite sur le logement social. Nous regrettons aussi que l’État ait repris ce qu’il avait donné, en ponctionnant Action Logement de 500 millions d’euros.
Au-delà de ce budget, la santé financière des bailleurs reste un sujet d’inquiétude majeur. Le revenu universel d’activité (RUA) et l’avenir de la RLS sont des épées de Damoclès, alors que l’on voit fleurir, ces derniers jours, des rapports sur le milliard d’euros d’économies que l’on pourrait encore faire chez les bailleurs sociaux ou sur l’entrée d’acteurs privés.
Comme vous le savez, par rapport aux dépenses tendancielles, ce sont 7 milliards d’euros d’économies qui seront faites entre 2016 et 2020. Il serait temps, monsieur le ministre, de dire stop à Bercy ! Le logement social n’est pas un luxe ; c’est une nécessité absolue pour des millions de nos concitoyens. Quand vous dites que vous voulez préserver le modèle français, je veux bien vous croire, mais encore faut-il que vous passiez de la parole aux actes.
La commission des affaires économiques a aussi souhaité donner son accord de principe à la réforme du calcul et du versement des APL en temps réel. Cependant, même si les paramètres sont inchangés, les simulations manquent et toutes les craintes ne sont pas levées. Vous aurez peut-être, monsieur le ministre, des éléments nouveaux à nous apporter sur ce sujet.
La commission a également voulu apporter son soutien à l’effort de création de places pour l’hébergement des personnes vulnérables. Nous avons là aussi des motifs d’insatisfaction. Les nuitées hôtelières ne cessent d’augmenter et sont à un niveau historiquement élevé. Selon les associations, le nombre des sans-abri aurait augmenté de plus de 50 % depuis 2012 dans notre pays. Enfin, nous souhaitons que l’accent soit véritablement mis sur l’accompagnement social qui est indispensable à la réinsertion.
Je voudrais enfin dire un mot du budget de l’ANAH qui se trouve sous tension en raison du succès du plan Chaudière. Un besoin de financement de 90 millions d’euros sur trois ans serait identifié. La commission aurait voulu déplafonner les quotas carbone, mais un tel amendement aurait été irrecevable. Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, d’abonder son budget ; sinon, il n’y aura pas assez de financements pour tous les programmes existants, et encore moins pour ceux à venir, comme la rénovation des centres-bourgs ruraux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Annie Guillemot, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Jean-Louis Borloo avait intitulé son rapport : Vivre ensemble pour une réconciliation nationale. Il voyait le danger de la montée, parfois violente, des revendications sociales et des expressions identitaires. Il écrivait : « Si on ajoute les territoires ruraux délaissés et certaines villes ou bassins en grave déprise, ce sont plus de 10 millions de compatriotes qui sont éloignés du moteur de la réussite. » Il ajoutait plus loin : « À défaut, fermenteront loin des yeux le recroquevillement identitaire et le repli communautaire, si trop de nos concitoyens ont le sentiment de ne pas participer au rêve républicain. »
Cela m’a fait penser, monsieur le ministre, à une autre phrase. Au XVIIe siècle, Miron, conseiller du roi, mettait Henri IV en garde en ces termes : « Il est dangereux dans une cité d’avoir les maigres et les pauvres d’un côté, les riches et les dodus de l’autre. Cela se pourrait, Sire, que des balles vinssent ricocher sur votre couronne. » Aujourd’hui, même si ce ne sont pas des balles, nous avons des émeutes et on peut craindre l’explosion. Je crois qu’il faut que vous soyez vraiment attentif à la situation de nombre de nos quartiers.
Selon moi, le budget que nous examinons n’est pas à la hauteur de cet enjeu. Naturellement, il y a dans cette enveloppe budgétaire, largement reconduite, des motifs de satisfaction, comme le bon déploiement des postes du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (Fonjep) ou la poursuite du développement des écoles de la deuxième chance, mais j’ai deux sujets d’inquiétude au regard de ce que nous vivons dans les quartiers : le sort de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Épareca) et celui de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).
Je souhaite tout d’abord vous sensibiliser aux conséquences de l’absorption de l’Épareca par l’ANCT à partir du 1er janvier. Vous nous dites, monsieur le ministre, que c’est l’Épareca qui insufflera à la nouvelle agence sa culture du terrain, de projet et du monde économique – je voudrais y croire…
Le problème, c’est qu’on a amputé l’Épareca d’une de ses deux jambes, les professionnels du commerce, qui ne seront pas représentés au conseil d’administration de l’ANCT. À ma connaissance, aucune procédure n’est prévue pour les inclure dans le processus de décision. Or je peux témoigner en tant qu’ancienne présidente de l’Épareca, mais aussi avec toute mon expérience des quartiers, que ces professionnels ont toujours été précieux et participaient étroitement aux décisions pour sélectionner les projets les plus pertinents. Si nous ne remédions pas à cette difficulté, nous aurons cassé un outil qui fonctionnait bien et ce seront les maires qui se retrouveront en première ligne sans aucun appui.
Je souhaite ensuite aborder la situation de l’ANRU. En juillet 2018, le Président de la République a réaffirmé l’engagement de l’État d’apporter un milliard d’euros dans le cadre du doublement du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Il a aussi promis 200 millions d’euros durant son quinquennat. L’ANRU s’est remise à travailler : sur les 450 quartiers concernés, 329 ont vu leurs projets validés. Je reconnais volontiers le travail qui a été accompli pour rattraper le temps perdu. Cependant, très peu de choses auront été concrètement faites dans les quartiers pendant ce mandat municipal, alors que la situation est très préoccupante, je le disais.
Dans ce contexte, je trouve grave que l’État ne respecte pas son engagement de financement de l’ANRU. Cette année, l’État aurait dû inscrire 35 millions d’euros ; seuls 25 millions sont au rendez-vous. À ce rythme, deux quinquennats seront nécessaires pour tenir la promesse initiale ! Au contraire, l’État devrait être moteur et engager les programmes par avance pour rénover écoles et collèges, par exemple.
Sous le bénéfice de ces observations, la majorité de la commission des affaires économiques a décidé de donner un avis favorable au vote des crédits de la politique de la ville. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales examine les crédits du programme 177 qui finance l’hébergement des personnes à la rue et leur accompagnement vers le logement.
La sous-budgétisation du programme se poursuit d’année en année et augmenterait même en 2019. L’écart entre les crédits ouverts pour cette année et la prévision d’exécution atteindrait 227 millions d’euros, dont 178 millions demandés dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2019.
Cette dynamique des dépenses a permis d’accroître le parc d’hébergement qui atteint 146 000 places d’accueil, sans que la demande soit totalement satisfaite. De nombreuses personnes demeurent à la rue, dans les stations de métro, voire dans certains hôpitaux parisiens. Dans ce contexte, le recours aux nuitées d’hôtel augmente inexorablement malgré la volonté de les limiter ; il s’agit aujourd’hui de plus de 48 000 places.
Pour 2020, les crédits augmentent de 5,3 %, mais demeurent inférieurs à l’exécution de l’année 2018 et à la prévision d’exécution pour 2019. Ils pourraient donc s’avérer encore insuffisants.
Ce budget pour 2020 met l’accent sur le logement adapté, conformément aux objectifs du plan Logement d’abord. Les crédits pour les places en pension de famille augmentent de 11 % et ceux pour l’intermédiation locative de 23 %, ce qui devrait permettre d’accompagner la montée en charge de ces dispositifs.
Je mentionnerai deux points d’alerte sur le logement adapté. D’une part, le forfait de 16 euros par jour et par place pour financer les pensions de famille est inchangé depuis dix ans ; il devrait être revalorisé pour faciliter leur développement. D’autre part, le budget consacré à l’aide à la gestion locative sociale est entamé chaque année par des redéploiements de crédits au profit de l’hébergement d’urgence, ce qui ne permet pas de soutenir correctement les résidences sociales.
Concernant l’hébergement d’urgence et d’insertion, les montants prévus augmentent plus modérément. Ils pourraient être insuffisants pour les places d’urgence compte tenu des 14 000 places qui seraient ouvertes cet hiver.
Concernant les CHRS, les mesures de convergence tarifaire sont à poursuivre avec précaution afin que leurs missions d’accompagnement ne soient pas mises en difficulté. La contractualisation avec les CHRS doit être appliquée avec la même vigilance pour fixer des objectifs cohérents avec la spécificité des publics accueillis.
Au total, les efforts engagés sont à poursuivre pour concilier l’inconditionnalité de l’accueil et la maîtrise des financements. La réussite du plan Logement d’abord, que nous soutenons, dépendra du maintien d’une offre d’hébergement et d’insertion à la hauteur des besoins et du renforcement des moyens d’accès au logement adapté ou social.
Par conséquent, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission.