Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice, nous sommes tous invités à la fois à moderniser l’action publique et à faire en sorte que les services rendus aux citoyens soient adaptés à leurs besoins.
La dématérialisation d’une partie des activités consulaires n’est pas conçue pour remplacer et supprimer des emplois ni pour déshumaniser le service : elle est, nous semble-t-il, bénéfique tant aux usagers qu’aux agents.
Il s’agit là, en effet, d’une possibilité supplémentaire offerte aux usagers dans leurs relations avec les services consulaires, qui ne supprime pas l’accueil au guichet.
La possibilité de s’inscrire en ligne au registre des Français résidant à l’étranger a été utilisée par 31 % de nos compatriotes inscrits en 2018, et par 44 % d’entre eux pour les onze premiers mois de l’année 2019, ce qui représente autant de nouveaux inscrits au registre qui n’auraient certainement pas tous pris le temps de se déplacer ou de prendre un rendez-vous pour se faire connaître, sachant que beaucoup d’entre eux résident à plusieurs centaines de kilomètres du premier consulat. Or nous savons combien est importante une telle inscription, notamment dans les situations de crise.
Le vote électronique, qui sera proposé l’an prochain, en plus des bureaux de vote, à l’occasion des élections consulaires, est un progrès pour la représentation des Français de l’étranger ; il facilitera la participation aux élections. Quant à France-visas, ce site améliore la vie de l’usager, l’accès à l’information, le suivi des dossiers. Nous mettrons en place également, demain, le registre d’état civil électronique pour déclarer en ligne la naissance d’un enfant ou demander la transcription d’un acte d’état civil étranger. Pour avoir moi-même été inscrite plusieurs fois auprès de consulats à l’étranger, mon expérience me laisse penser qu’il y a là des démarches positives, qui faciliteront la vie quotidienne de nos concitoyens.
Pour les agents, ces projets sont également l’occasion de bénéficier d’outils rénovés. Nous le savons : l’activité augmente dans tous nos consulats, puisqu’elle a en gros, à l’échelle du globe, doublé depuis dix ans. La dématérialisation permet aux agents de faire face à des volumes croissants d’activité. La suppression de certaines étapes leur permet de se libérer de tâches fastidieuses, notamment de la gestion du papier, et de se recentrer sur ce qui fait leur véritable valeur ajoutée, en exerçant notamment une protection consulaire – vous avez parlé de l’action sociale, qui reste pour nous une priorité. Ainsi sera offert à nos compatriotes établis hors de France un service public de proximité plus humain.
En outre – je tiens à le rappeler –, nous exerçons des fonctions régaliennes ; et aucun système informatique ou d’intelligence artificielle ne prendra de décisions régaliennes. Nous aurons toujours besoin de l’expertise poussée de nos agents, ce qui veut dire que nous continuons à investir dans leur formation. Nous avons besoin d’étudier les dossiers ; ces dossiers, d’ailleurs, ne sont pas des dossiers, mais des vies humaines, des projets, qui, à ce titre, méritent d’avoir pour interlocuteur un autre être humain. Nous ne prendrons pas de décisions par algorithmes ; ni France-visas ni le registre d’état civil ne seront remplacés par des algorithmes.
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État. Cette dématérialisation n’a donc aucune conséquence en termes d’effectifs ; elle en a, en revanche, sur la vie quotidienne de nos agents et des Français qui résident loin de nos frontières.
stratégie de fermeture des consulats
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut, auteur de la question n° 1031, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Ronan Le Gleut. Madame la secrétaire d’État, il aura fallu des trésors de mobilisation de la part des conseillers consulaires, des parlementaires, de la société civile, pour qu’enfin vous reveniez sur une très mauvaise décision que votre ministère avait prise, à savoir la fermeture du consulat de France à Moncton.
Malheureusement, vous n’êtes pas revenus, en revanche, sur la fermeture du consulat de Séville, intervenue à l’été 2019, alors que 10 000 Français sont inscrits au registre en Andalousie, et que près de 40 000 Français y vivent.
De la même manière, s’agissant de la carte consulaire en Amérique du Sud, les Français qui résident à Asunción, au Paraguay, sont rattachés à un consulat installé dans un autre pays, à Buenos Aires, en Argentine. Or, vous le savez, pour les Français de l’étranger, le consulat est comme une mairie : quand vous fermez leur consulat, vous fermez leur mairie.
Les Français de l’étranger sont des proies faciles : ils ne font pas grève ni ne portent de gilets jaunes. Les décisions que vous prenez en matière de fermeture de consulats ne provoquent pas de mobilisation contre elles de la même manière que si des décisions analogues étaient prises sur le territoire français.
J’en viens à ma question : avez-vous véritablement une stratégie pour le rayonnement de la France à l’étranger, ou votre gestion n’est-elle qu’une gestion comptable et sans vision d’avenir, à la petite semaine ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la situation du consulat de Moncton ; les décisions que vous avez évoquées s’inscrivent dans la revue que nous faisons dans le cadre de notre programme Action publique 2022. Ce programme est adossé à une vision stratégique ; il est d’ailleurs assorti de moyens de dématérialisation – je viens d’en parler – permettant, même si certains postes sont fermés, qu’un certain nombre de services restent accessibles et soient même plus pratiques d’accès qu’auparavant, y compris là où un bureau physique existait.
Je tiens à vous rassurer sur l’importance politique des consulats généraux, que nous maintenons ouverts avec de vrais moyens – nous les préférons à une multiplication de points de contact auxquels font défaut les moyens de leur rayonnement efficace.
Moncton a une histoire particulière : ce consulat avait été installé dans la ville en 1964 par le général de Gaulle pour réaffirmer nos liens avec la communauté acadienne. Comme l’a dit Jean-Yves Le Drian la semaine dernière, ce consulat sera maintenu.
Cette décision s’explique par l’attachement de la France à l’Acadie et par la volonté du Gouvernement de défendre la francophonie, puisque le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue du Canada, en plus d’être, avec le Québec, membre à part entière de l’Organisation internationale de la francophonie. Nous jouerons depuis ce consulat un rôle essentiel dans l’intégration de Saint-Pierre-et-Miquelon dans son environnement régional – je sais que vous êtes sensible à ce sujet, monsieur le sénateur.
Dans le cadre de la densification de nos relations politiques et économiques avec le Canada et notamment de l’accord économique et commercial global (CETA) entre l’Union européenne et le Canada, il nous semblait important, pour notre diplomatie économique, que ce consulat soit maintenu.
Plus largement, nous ne menons pas une politique de « planter de drapeau », mais de présence stratégique. Dans certains lieux, justement parce que nous dématérialisons les procédures, et parce que nos concitoyens eux-mêmes utilisent de plus en plus ces procédures dématérialisées, la présence physique n’est pas forcément la plus utile ; il faut, en tout cas, qu’elle évolue.
Nous cherchons dans chaque pays, avec les ambassadeurs, avec les communautés françaises, à définir le meilleur mode de présence et les meilleurs outils. Certains de nos consulats sont devenus des consulats de rayonnement culturel et scientifique ; certains ont des périmètres d’action plus restreints, lorsque cela correspond aux besoins du pays. Ce qui est certain, c’est que la stratégie française voulue par le Président de la République consiste à promouvoir une présence utile et décisive, et à apporter aux Français qui habitent à l’étranger des services modernes. D’où l’importance de la dématérialisation, de la numérisation, de l’accès à des services publics de qualité, même si cela veut dire que certains de nos concitoyens résideront plus loin, en effet, de leur consulat.
Pour avoir moi-même vécu…
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État. Je vous raconterai ma vie plus tard ! (Sourires.) Ce qui est certain, c’est que nous cherchons à construire une approche politique, économique et culturelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour la réplique.
M. Ronan Le Gleut. Madame la secrétaire d’État, j’ai écouté votre réponse avec beaucoup d’attention ; malheureusement, je ne suis pas rassuré.
Ma crainte est que se répète le scénario du moratoire fiscal : vous aviez décidé une augmentation spectaculaire des impôts des Français de l’étranger ; finalement, les élections consulaires ayant lieu l’année prochaine, en 2020, vous substituez à cette décision un moratoire fiscal d’un an. Autrement dit, vous faites de l’enfumage : vous faites en sorte que le coup de bambou arrive une fois passé le cap des élections consulaires. De la même manière, ici, deux décisions, celle de ne pas fermer l’Institut français de Norvège et celle de ne pas fermer le consulat de France à Moncton, sont prises juste avant les élections.
Je crains donc qu’il ne se passe la même chose qu’avec le moratoire fiscal : n’allez-vous pas décider, une fois les élections passées, de revenir sur vos décisions ?
fermeture annoncée du consulat de france à moncton
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 997, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Frédéric Marchand. La France avait pris la décision de fermer son consulat dans les provinces de l’Atlantique du Canada en 2022. Au lendemain de la diffusion de cette décision, l’émotion était à son comble dans la communauté française, mais aussi et surtout dans toute la communauté acadienne.
En octobre 2018, le Président de la République affirmait pourtant aux représentants de 84 nations réunis à l’occasion du sommet de la francophonie, à Erevan, que « la francophonie sera une force dans la mondialisation » et qu’« il faudra utiliser tous les outils pour cela ».
Madame la secrétaire d’État, comment la France pouvait-elle prétendre vouloir être solidaire du fait français en Amérique du Nord et, d’un même mouvement, tourner le dos aux Acadiennes et aux Acadiens en imaginant fermer ce consulat ?
Le consulat général de France dans les provinces de l’Atlantique est un outil formidable de création de richesses. Son impact a été grand, en Acadie, depuis son ouverture. Sa présence a permis de confirmer le caractère privilégié des relations entre le peuple acadien et le gouvernement français et a été à l’origine, comme vous l’avez dit, du développement de plusieurs ententes de coopération entre la France et l’Acadie.
Ce consulat a également facilité de nombreuses initiatives entre l’Acadie et la France : partage d’expertise, développement de liens économiques, mobilité des jeunes, avec la mise en œuvre de bourses, développement d’ententes entre institutions postsecondaires, mobilité et promotion d’artistes.
Le consulat est aussi un acteur clé dans le développement des relations triangulaires entre la France, l’Acadie et le Québec, tant sur le plan économique que sur le plan culturel.
Alors qu’une vingtaine de collectivités françaises entendent renouveler leurs jumelages existants avec des communautés acadiennes ou travaillent à en faire naître de nouveaux, alors que de nouvelles perspectives d’échanges apparaissent, la pertinence de cette présence consulaire est plus qu’avérée.
Si le consulat était appelé à fermer ses portes, le flux d’immigration française dans les provinces de l’Atlantique risquerait également de décliner, au moment où chacun voudrait le voir augmenter.
Les acteurs politiques, économiques, associatifs des provinces atlantiques ont donc décrété la mobilisation générale pour appeler la France à revenir sur cette décision qui aurait eu des conséquences catastrophiques et aurait été vécue comme un nouvel abandon après le tragique épisode de 1755.
Prix Goncourt 1979, Antonine Maillet a pris la plume pour rappeler au Président de la République « la ferme volonté d’une communauté de poursuivre la lutte qui dure depuis quatre siècles pour garder vivant l’un des fleurons de la France doublement millénaire transplanté en Amérique ».
Madame la secrétaire d’État, l’appel de tout un peuple pour qui l’amour de la France transcende tous les clivages a été entendu, et nous pouvons, collectivement, nous en réjouir.
Vous avez confirmé cette décision annoncée ici même par M. le ministre des affaires étrangères. Mais pouvez-vous préciser les intentions de la France, là où il s’agit de donner un nouvel élan à la coopération avec les provinces canadiennes atlantiques et de réaffirmer le lien étroit de notre pays avec l’Acadie ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur, s’agissant du consulat lui-même, j’ai déjà pu en parler avec votre collègue – nous maintenons cette présence.
Je tiens à dire que les consulats ont des rôles multiples. Ils peuvent avoir un rôle d’enregistrement des actes d’état civil, ou un rôle de proximité auprès d’une communauté française importante ; leur rôle est parfois culturel, parfois économique, parfois scientifique. Il nous importe avant tout de définir quels sont les besoins et quelle forme doit prendre la présence de la France, l’objectif étant qu’elle soit la meilleure possible.
Vous m’interrogez également sur les relations que nous cherchons à tisser avec l’Acadie et les Acadiens, ce peuple bilingue très attaché à la francophonie, avec lequel nous avons, depuis des siècles – vous l’avez rappelé –, une relation très privilégiée.
Que cherchent à faire le Président de la République et le ministre des affaires étrangères, avec les ambassadeurs et tous ceux qui portent la voix de la France à l’étranger et la représentent ? Nous devons soutenir ceux qui veulent se rapprocher de la France. Les provinces dont il est question ont à affronter des enjeux majeurs : protection de l’océan, du climat, de la biodiversité. Notre agenda diplomatique sur ces sujets est très clair et très affirmé. Il y a donc là des domaines de partenariat naturels sur lesquels nous pourrons progresser ensemble.
La Société nationale d’Acadie est, quant à elle, également très active ici, en France. Nous avons en commun une palette d’ambitions, et la feuille de route que nous partageons, autour de la promotion de la francophonie notamment, porte de nombreux fruits. Nous pourrons évidemment la compléter. Sur les grands sujets que j’ai rappelés – climat, protection des océans, protection de la biodiversité –, nous avons des choses potentiellement nouvelles à construire ; l’agenda économique et l’agenda de mobilité ne sont pas tout. Ces grands sujets ont très fortement partie liée avec ce peuple, ses engagements, son histoire.
De ce point de vue, il est aussi extrêmement important de renforcer les liens avec Saint-Pierre-et-Miquelon, ce petit bout de France présent aux portes de l’Acadie – les relations qu’entretient ce territoire français situé à des milliers de kilomètres de chez nous avec cette région du Canada sont des relations de proximité et même de voisinage.
bateaux-usines et surpêche dans la manche
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, auteure de la question n° 1016, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Corinne Féret. Des artisans pêcheurs du Calvados, département que je représente au Sénat, m’ont fait part de leurs vives inquiétudes quant aux conséquences de l’activité de chalutiers industriels géants, qu’il serait plus juste d’appeler « usines flottantes », qui sillonnent la Manche. Je souhaite ici être leur porte-parole.
Mesurant parfois plus de 140 mètres de long et pouvant collecter 250 tonnes de poissons en une seule journée, soit l’équivalent annuel de cinq bateaux normands, ces navires-usines pillent tout, détruisent une partie des fonds marins, de la flore, de la faune, avant de recommencer ailleurs.
Techniques industrielles non raisonnées, impacts écologiques catastrophiques, mise en danger des ressources et des espèces : cette pêche au large des côtes normandes est une menace pour la ressource halieutique. Tout le monde sait que la politique européenne des quotas est d’abord dictée par la préservation des espèces et de la biodiversité et par la lutte contre le gaspillage. Il est donc difficile de comprendre qu’on laisse faire de tels « ogres des mers » !
Après le passage dans la Manche d’un « monstre de la pêche » comme le Margiris, navire néerlandais, que pensez-vous qu’il reste, madame la secrétaire d’État, pour nos artisans pêcheurs qui travaillent dur et honnêtement toute l’année et qui, eux, régulent de fait leur production ?
Alors que les pêcheurs du Calvados ont su mettre en place un modèle économique pérenne et respectueux de l’environnement, il ne peut être toléré que cet équilibre vertueux, mais fragile, soit mis en danger par une telle concurrence déloyale.
Dans une période où le Brexit suscite déjà beaucoup d’inquiétudes, la France doit plus que jamais défendre sa vision d’une gestion raisonnée de la pêche : une pêche artisanale, durable et responsable.
Aussi, j’aimerais savoir si le Gouvernement compte agir au niveau européen pour demander une révision de la politique commune de la pêche et ainsi faire cesser toute pratique synonyme de désastre pour l’économie locale liée à la pêche et pour l’environnement, et, le cas échéant, dans quel cadre et à quelle échéance.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice, ce sujet est un sujet majeur. J’ai déjà pu répondre à plusieurs questions, venant d’ailleurs de toutes les travées de cet hémicycle, qui montrent qu’il y a là un enjeu à la fois territorial et stratégique.
Je tiens à excuser l’absence ce matin du ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; nous travaillons ensemble, de manière extrêmement rapprochée, pour que, à Bruxelles, dans les cadres européens, que ce soit par le biais de la filière diplomatique ou de la filière thématique de la pêche, nous puissions avancer.
Nous sommes et nous restons, avec l’Union européenne, très mobilisés contre la surpêche. Tel est le sens de la politique commune de la pêche mise en place en 2013 ; tel est le sens, également, de toutes les positions qui ont été défendues par l’Union européenne au sein des organisations internationales chargées de la pêche : s’agissant des stocks de poissons dans les eaux de l’Union, la négociation des quotas de pêche connaîtra en fin d’année une échéance importante, puisque nous réviserons les quotas pour 2020 en même temps que nous arriverons au terme du plan pluriannuel.
Nous avons donc à revoir, à réajuster, à mettre à jour, cette politique commune de la pêche. Nous le faisons avec les représentants des secteurs, avec les différents comités de pêche des bassins qui entourent notre pays, sur la base d’avis scientifiques robustes. Les négociations des prochaines semaines feront l’objet de consultations régulières, comme c’est le cas pour l’ensemble des négociations relatives à cette politique commune.
Notre message est le suivant : stabilité et réalisme. Nous devons en effet créer les conditions permettant de vivre décemment et durablement de ce métier.
Effectivement, le Brexit apporte son lot d’incertitudes, mais, en la matière, nous aurons davantage de visibilité lors du conseil des ministres qui aura lieu dans dix jours, avec la perspective – nous y croyons – de la signature d’un accord avec le Royaume-Uni d’ici à la fin de l’année. Un tel accord nous permettra de garantir la réciprocité des règles respectivement applicables dans les eaux britanniques et dans celles de l’Union européenne. Un Brexit avec accord permettrait d’aménager une période de transition et donnerait de la visibilité.
Pour ce qui concerne les bateaux dits « usines » dont vous me parlez, le fameux bateau Margiris a effectivement transité par les eaux territoriales françaises ; il a pêché dans les eaux communautaires, pas dans les eaux françaises. Il a un quota, de 2 150 tonnes ; il pêche en particulier du chinchard, et nous avons exercé, avec le Centre national de surveillance des pêches, une veille très attentive pour nous assurer qu’il respectait à la fois les normes, la réglementation et son quota.
Ce qui est pour nous primordial, c’est que tous les pêcheurs puissent pêcher partout. Cela bénéficie aux pêcheurs du Calvados, qui peuvent se rendre dans les eaux britanniques.
En tout état de cause, nous devons faire preuve de la même vigilance pour tous afin que les quotas soient respectés, et que nous puissions défendre une pêche artisanale et locale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. Madame la secrétaire d’État, j’entends que des réflexions sont en cours et que le Gouvernement travaille sur ces questions. J’aurais néanmoins aimé une réponse plus claire, condamnant fermement cette pêche industrielle déloyale et désastreuse des géants des mers.
Nos pêcheurs, dont l’activité est directement menacée, vous demandent d’agir ! L’Union européenne a le pouvoir de modifier cette politique commune de la pêche. Il faut d’urgence des règles strictes pour éviter que cette catastrophe n’ait des conséquences irréversibles sur le secteur de la pêche, notamment dans le Calvados et en Normandie.
maintien de l’éligibilité des surfaces pastorales aux aides de la politique agricole commune
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, auteure de la question n° 956, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Viviane Artigalas. Depuis 2015, la politique agricole commune (PAC) a reconnu les surfaces pastorales comme des surfaces productives. Ces surfaces correspondent à des milieux naturels et hétérogènes, ainsi qu’à une diversité de paysages – landes, estives, parcours humides – où l’herbe et les fourrages ne sont pas toujours abondants.
La France, pour tenir compte de la diversité des situations, a mis en place une méthode de calcul proratisée, qui consiste à estimer la part de surface admissible à partir du taux de recouvrement d’autres éléments non admissibles, comme les roches, les éboulis et les buissons.
Le règlement Omnibus a d’ailleurs confirmé, en 2018, la reconnaissance des surfaces pâturables où l’herbe et les autres fourrages herbacés ne sont pas nécessairement prédominants.
Dans les Hautes-Pyrénées, les surfaces pastorales, peu productives, représentent 145 000 hectares et constituent l’essentiel des surfaces alimentaires du cheptel du département. On y compte 955 éleveurs transhumants et on estime que pour 1 hectare de surface exploité en vallée ou en zone intermédiaire, ce sont près de 3 hectares qui sont valorisés et entretenus en zone pastorale. Cela participe à la qualité environnementale, à la sécurité publique et à l’économie touristique.
Comme sur l’ensemble du massif pyrénéen, la reconnaissance de l’éligibilité de ces surfaces constitue un enjeu majeur pour un modèle d’agriculture familiale et pastorale : elle est indispensable au maintien d’exploitations sur des espaces riches en biodiversité, où l’élevage est souvent la seule activité permettant la valorisation et la préservation de milieux ouverts.
Les éleveurs et les professionnels du secteur sont aujourd’hui très inquiets de la future réforme de la PAC pour la période 2021-2027. Ils craignent une remise en cause des aides aux surfaces pastorales en raison des difficultés de contrôle de ces espaces par la Commission européenne, alors même que ces aides ont largement contribué au rééquilibrage des subventions versées au monde de l’élevage.
Pouvez-vous m’indiquer, madame la secrétaire d’État, si le Gouvernement compte éviter une modification des conditions d’éligibilité des surfaces pastorales aux aides de la PAC ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice, je vous prie avant toute chose d’excuser le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, en déplacement avec le Président de la République aux assises de la mer. Une partie des questions posées par Corinne Féret ont également été traitées par le Président de la République à l’occasion de cette manifestation, qu’il s’agisse de la protection de la pêche ou de la biodiversité.
Madame Artigalas, votre question porte sur la reconnaissance des surfaces pastorales peu productives (SPP) dans le cadre de la future PAC.
L’élevage extensif pratiqué sur les SPP contribue à maintenir une activité économique cruciale dans des zones rurales où peu d’alternatives existent, notamment parce que la préservation des paysages et de la biodiversité impose ce type de pratiques agricoles essentielles. C’est pourquoi la France les a défendues farouchement et a obtenu leur reconnaissance dans le cadre de la PAC actuelle 2014-2020.
L’importance de ces zones a conduit le Gouvernement à mobiliser cette nouvelle possibilité réglementaire pour étendre la prise en compte de ces surfaces dans trente-huit départements. Je peux vous rassurer sur la volonté de la France concernant la future PAC : Didier Guillaume se battra pour conserver leur reconnaissance.
Parallèlement à ces négociations internationales, le ministre de l’agriculture a lancé un travail avec les professionnels pour faciliter et sécuriser la gestion de ces surfaces.
La bonne mise en œuvre de la réglementation est essentielle pour sécuriser juridiquement l’admissibilité de ces surfaces aux aides européennes, et promouvoir par ce biais le maintien de l’activité pastorale dans les zones concernées.
Si nous travaillons collectivement – Gouvernement, organisations professionnelles agricoles et élus –, je ne doute pas que nous réussirons pour le bénéfice de tous. Vous pouvez compter sur notre détermination pleine et entière.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Je vous remercie de cette réponse, madame la secrétaire d’État. Je voudrais néanmoins souligner à quel point le maintien de ces aides est important pour nos territoires.
À l’heure où nos concitoyens souhaitent que l’on revienne à une agriculture traditionnelle, il est indispensable de préserver ces aides pour soutenir économiquement le pastoralisme et l’élevage extensif. Vous l’avez souligné, ces activités participent au maintien de la qualité environnementale de ces espaces et de la biodiversité associée aux pratiques pastorales. Elles ont également des répercussions sur l’économie touristique des territoires de montagne. Il ne faut pas les oublier.