M. Jean-Claude Tissot. Vous avez reconnu lors de votre audition que l’État était aujourd’hui défaillant en matière de versement des aides. Comme mon collègue l’a rappelé, les aides dues au titre de l’année 2016 ne seront versées qu’au début de l’année 2019 en même temps que les aides de l’année 2017.
Toutefois, au-delà de cette défaillance, un versement différé l’année N+2 n’est pas satisfaisant. C’est pourquoi je vous propose de réfléchir à la mise en place d’un paiement mensualisé d’une partie de l’aide annuelle sur les dix premiers mois de l’année : ce serait une bouffée d’oxygène pour les trésoreries des exploitations, et les deux derniers mois de l’année permettraient un ajustement par rapport à l’aide recalculée.
Dans le même ordre d’idée, nous avons voté en première partie du projet de loi de finances un amendement, qui tend à verser 60 % du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique dès le mois de janvier, afin de prévenir les effets du prélèvement à la source sur ces exploitations. J’espère que cette mesure ne sera pas détricotée à l’Assemblée nationale avec votre appui, monsieur le ministre.
Pour rester sur cette question, je voudrais revenir sur la suppression des aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique. Vous n’aviez pas répondu à ma question lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, ici même, au Sénat.
Aussi, je vous la repose très clairement : quelle différence faites-vous entre ces aides au maintien de l’agriculture biologique et la prime au maintien de vaches allaitantes, par exemple, ou la prime à la brebis ? Pourquoi, d’après vous, le marché doit-il s’équilibrer pour certaines filières, et pas pour d’autres ?
Ces derniers temps, les préoccupations de nos concitoyens en matière de qualité et de sécurité alimentaires, ainsi que leur attention à l’impact environnemental de ce qu’ils consomment, se font plus fortes que jamais. Le modèle de production de l’agriculture biologique constitue l’une des réponses à ces attentes. Les aliments biologiques ne sont pourtant toujours pas accessibles à toutes les bourses : la suppression de ces aides, qui permettaient de rendre ce type d’aliments plus abordable, ne va donc pas dans le bon sens.
Je vous le répète, monsieur le ministre : vous aviez dit ici – nous l’avons tous entendu, puisque nous vous l’avons tous rappelé ! – que vous défendriez ce budget préparé par votre prédécesseur comme si c’était le vôtre. Cela peut se comprendre, mais entre votre prédécesseur et vous, il y a eu la démission de Nicolas Hulot et la sonnette d’alarme qu’il a tirée !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Claude Tissot. J’en termine : monsieur le ministre, qu’allez-vous apporter de différent dans ce ministère, notamment pour hâter la nécessaire transformation de notre modèle agricole ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Taillé-Polian. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Chauvin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Christine Chauvin. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2019 laissent une impression mitigée, entre le très peu de positif et une grande déception.
Le monde agricole a des défis à relever, chacun en convient. Or les actes ne sont pas à la hauteur des engagements pris.
Monsieur le ministre, je voudrais manifester ma préoccupation et mon inquiétude pour la dotation de réserve pour aléas climatiques et problèmes sanitaires, qui est en baisse de 100 millions d’euros. L’enveloppe diminue malgré les difficultés actuelles. Les aléas sont de plus en plus fréquents et importants : c’est le cas cette année avec la sécheresse, qui va causer de lourds préjudices. Il est regrettable que la ligne ouverte en 2018 ne serve pas à accompagner les éleveurs, qui subissent de plein fouet les effets de la crise.
Une grande partie de l’agriculture française sinistrée par la sécheresse doit faire face à une situation sans précédent. Certes, comme vous l’avez dit en commission, monsieur le ministre, des aides exceptionnelles sont prévues, mais les compensations versées seront-elles à la hauteur et dans quel délai ? Pour certains départements comme le Jura, par exemple, la première coupe de fourrage a été correcte ; ensuite, hélas, pas de regain et des pâturages complètement grillés ! Envisagez-vous de prendre en compte les pertes liées aux pâturages, monsieur le ministre ?
La réserve pour aléas ne couvre en fait aucun aléa agricole, puisqu’elle sert à financer les apurements communautaires. Nos rapporteurs estiment d’ailleurs à juste titre que cette provision est un alibi, qui vise à masquer des coupes budgétaires. En 2018, quelque 94 % des dépenses de la réserve ont servi au paiement des refus d’apurement communautaire. Cette réserve de crise est en réalité une auto-assurance de l’État financée par des économies réalisées au détriment des agriculteurs. Voilà la vérité ! Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous rassuriez nos agriculteurs, de plus en plus confrontés aux aléas de toute nature.
Notre agriculture est soumise également à des risques sanitaires, comme, en ce moment, le risque de propagation de la peste porcine. Hélas, ce n’est pas la pose de clôtures électriques de part et d’autre de la frontière qui arrêtera le virus ! On voit ici que la notion d’aléa va devenir de plus en plus cruciale.
En lien avec les problèmes sanitaires, je souhaiterais soulever le problème des déserts vétérinaires. En effet, les futurs vétérinaires choisissent de plus en plus fréquemment les soins pour animaux domestiques, délaissant la pratique en élevage. Que prévoyez-vous, monsieur le ministre, pour lutter contre ce phénomène ?
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Christine Chauvin. Nos agriculteurs travaillent dur pour nous nourrir et assurer notre indépendance alimentaire. Ils méritent notre reconnaissance et notre soutien. Les crédits de la mission qui sont présentés aujourd’hui ne me paraissent pas à la hauteur des enjeux agricoles à venir. Aussi je ne voterai pas ces crédits, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émorine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Paul Émorine. Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à vous dire que, en tant qu’ancien président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, j’ai beaucoup de plaisir à voir qu’un membre éminent de cette commission soit au banc des ministres, en tant que ministre de l’agriculture.
Nous avons entamé l’examen du budget de l’agriculture. Il est vrai que l’on observe une baisse globale des crédits de la mission de 260 à 300 millions d’euros, ce que nous ne pouvons toutes et tous que regretter. Toutefois, je veux rappeler devant mes collègues que l’agriculture vit une crise structurelle qui dure depuis plusieurs années. Elle n’émane pas de votre gouvernement, monsieur le ministre.
Si nous observons les chiffres des dernières années, on voit que, en 2017, le revenu mensuel moyen d’un tiers des agriculteurs était de 360 euros ; c’est une moyenne, ce qui veut dire que certains agriculteurs gagnaient peut-être 500 euros, alors que d’autres n’avaient peut-être pas de revenus du tout. Un autre tiers gagnait moins de 1 000 euros par mois et un dernier tiers parvenait à dégager un revenu convenable.
C’est cette situation qu’il faut prendre en compte. Sur la période 2007-2018, le secteur de l’agriculture a connu de nombreux suicides. Je vous rends hommage, monsieur le ministre, parce que vous avez insisté vis-à-vis de l’opinion publique dès votre prise de fonction sur cette question dont votre prédécesseur n’avait jamais pris conscience.
La situation du monde agricole est inacceptable. On observe les baisses de crédits du ministère. Les aides de la PAC qui s’élèvent à près de 9 milliards d’euros et qui permettent aujourd’hui de compenser les difficultés vont vraisemblablement baisser.
En 2018, nous n’avons pas encore les comptes des exploitations, mais, en examinant la trajectoire du premier semestre de cette année, on voit que les exploitations agricoles, surtout celles qui sont spécialisées dans l’élevage, ont une trésorerie très faible et ont des problèmes de financement.
En plus du reste, la sécheresse a posé un problème majeur aux agriculteurs, qui n’avaient plus aucun moyen de trouver des aliments pour leurs animaux faute de trésorerie, même si, parallèlement, les collectivités locales se sont mobilisées pour leur apporter des concours financiers.
On voit bien que les dispositions prises vis-à-vis de l’agriculture par le ministère, que ce soit l’exonération de la taxe sur le foncier non bâti ou le fonds de garantie des calamités agricoles, ne sont que des palliatifs par rapport à une crise structurelle.
Monsieur le ministre, le Président de la République a fait une déclaration importante, indiquant vouloir redonner du pouvoir d’achat aux agriculteurs, c’est-à-dire un revenu décent.
Vous étiez présent dans l’hémicycle lors de l’examen de la loi ÉGALIM : ce que nous avons pu constater, c’est que l’objectif qui devait être atteint dans le cadre de la contractualisation après un accord entre les différentes professions n’est pas assez ambitieux. Ici, au Sénat, nous avons regretté que l’on ne puisse prendre en compte l’observatoire de la formation des prix et des marges de FranceAgriMer. Tous ces éléments sont importants pour l’avenir de notre agriculture.
Monsieur le ministre, il faut que vous fassiez valoir que l’agriculture est un patrimoine national. L’agriculture couvre 50 % de la superficie de notre territoire. Comme vous êtes responsable du budget qui lie l’agriculture et la forêt, on peut même parler d’un espace couvrant 80 % du territoire. Il offre une qualité environnementale à nos concitoyens, mais aussi une qualité en termes alimentaires.
Monsieur le ministre, les agriculteurs ne vous demandent pas de faire 35 heures par semaine – ils travaillent plutôt 70, 80 ou 100 heures –, mais simplement de leur assurer à l’avenir un revenu décent, qui leur permette de faire vivre leurs familles correctement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier les différents orateurs de leurs interventions.
On peut, évidemment, ne pas souscrire à ce budget – il me semble, d’ailleurs, que le Sénat ne le votera pas. Mais il y a bien une chose que nous partageons : notre passion pour l’agriculture, pour les agriculteurs et les agricultrices, et la volonté, commune sur toutes ces travées, que l’agriculture se porte mieux demain.
Ce n’est pas simple ! Nous y travaillons, chacun, indépendamment des gouvernements ou des sensibilités politiques, depuis de très nombreuses années. Pourtant le constat est là : le revenu des agriculteurs ne cesse de diminuer depuis vingt ans. C’est la réalité !
M. Jean-Paul Émorine. Eh oui !
M. Didier Guillaume, ministre. Les lois successives – loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dite « LMAP », loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, loi ÉGALIM – n’y ont rien changé.
On ne peut se réjouir de cette situation. C’est pourquoi j’ai besoin de la représentation nationale, du Sénat et, en particulier, des trente-quatre sénateurs qui sont agriculteurs et qui connaissent bien ce métier. J’ai envie de leur demander : que peut-on faire, ensemble, pour aller encore plus loin que toutes les lois votées, pour améliorer ce revenu des agriculteurs et des agricultrices, qui ne fait que régresser depuis vingt ans ?
Vous avez été plusieurs à reprendre mes propos en commission. Oui, ce budget n’est pas le mien, mais je le fais mien ! Je l’assume totalement, car il répond à la situation actuelle de l’agriculture française. C’est la traduction chiffrée d’une politique, et non l’inverse.
Vous connaissez ma vision globale. Il faut que la France conserve son haut niveau de souveraineté alimentaire, dont nous pouvons toutes et tous être fiers, et que son agriculture rayonne dans le monde.
C’est le cas aujourd’hui ! Notre balance commerciale est encore excédentaire, même si, comme cela a été souligné précédemment, cet excédent diminue depuis plusieurs années, et ce mouvement doit être enrayé. Dans le même temps, il faut produire une nourriture de qualité, au juste prix pour celui qui produit et pour celui qui consomme. Or, depuis plusieurs années aussi, la situation n’évolue jamais en faveur des producteurs.
Aussi, ces crédits permettront d’accompagner les transitions qui ont été évoquées : économique, écologique, sanitaire et sociale. Ils sont suffisants pour développer la filière bois et améliorer la sécurité sanitaire.
Je partage tous les constats dressés au cours de cette discussion générale ; je n’ai rien à y redire. J’ajoute que si ce budget avait été augmenté de 30 %, 40 % ou 50 %, l’on aurait su quoi en faire – c’est, bien sûr, valable pour toutes les missions.
Pour autant, le budget que je défends aujourd’hui devant vous, s’il baisse de 500 millions d’euros en valeur comptable, ne compte, en réalité, en termes de politique effective de développement agricole, pas un centime de moins. En effet, les 400 millions d’euros qui sont transférés sur le PLFSS, ce n’est pas de l’argent en moins pour l’agriculture française. Les 100 millions d’euros de provision pour aléas – j’y reviendrai dans un instant en évoquant la sécheresse –, ce n’est pas de l’argent en moins pour gérer les aléas !
Ce budget est conçu pour relever les défis majeurs de notre agriculture.
Il s’agit de donner un avenir à l’agriculture et de faire du métier d’agriculteur un métier d’avenir.
Il s’agit de faire en sorte que, demain, notre agriculture soit rémunératrice pour les agriculteurs, et – vous avez eu raison de le souligner, sur toutes les travées – c’est loin d’être gagné.
Il s’agit de faire en sorte que, demain, nous puissions amplifier encore cette transition agroécologique que tous appellent de leurs vœux, à commencer par les paysans.
Il s’agit de faire en sorte que, demain, notre haut niveau de sécurité sanitaire soit maintenu.
La provision pour aléas créée en 2018 a été évoquée. Voici les chiffres pour cet exercice 2018 : les apurements communautaires s’élèvent à 178 millions d’euros ; les contentieux représentent 9 millions d’euros ; une somme de 25 millions d’euros est mise sur la sécheresse et 50 millions d’euros sont reportés sur 2019.
En 2019, la totalité de la dotation pour aléas sera consacrée à ces derniers, notamment à la sécheresse. Ce ne sera évidemment pas suffisant, car l’on peut d’ores et déjà considérer que les sommes attribuées à la gestion de cet épisode de sécheresse seront plus proches de 400 millions d’euros que des 200 millions d’euros inscrits au budget. C’est dire s’il faut faire la différence entre la comptabilité publique, ce que l’on inscrit dans un budget, et la volonté politique, c’est-à-dire ce que l’on donne réellement à l’agriculture lorsque celle-ci est touchée.
S’agissant des paiements liés à la politique agricole commune, la PAC, je l’ai dit publiquement, que ce soit à l’Agence de services et de paiement, l’ASP, ou au cours des auditions à l’Assemblée nationale ou au Sénat, il est anormal – c’est une défaillance de l’État – que ces aides ne puissent pas être payées en temps utile, c’est-à-dire au bout d’un an ou d’un an et demi.
L’administration est en échec, et elle n’aime pas que l’on lui dise. Ce n’est pas uniquement de sa faute, d’ailleurs. La complexité est trop grande ! Quand il faut un jour et demi à un agent de la direction départementale des territoires, la DDT, pour étudier un dossier de demande d’aides, ce n’est pas possible ! On compte 9 000 critères ; il faut réduire ce nombre. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes donc tous d’accord pour travailler à la simplification de ces dispositifs.
M. François Bonhomme. Il y a du chemin à faire !
M. Didier Guillaume, ministre. Je sais pouvoir compter sur vous dans cette affaire.
Aujourd’hui, le taux sur le premier pilier atteint 99 %. En revanche, sur le deuxième pilier, l’engagement pris par le Gouvernement en juin dernier ne sera pas tenu. Je ne m’en suis pas caché, par souci de transparence : toutes les aides PAC du deuxième pilier, notamment en bio, ne seront pas payées avant la fin de l’année, mais engagement a été pris au niveau de l’ASP pour qu’elles le soient dans les deux premiers mois de l’année 2019.
Avant d’en venir au budget en lui-même, permettez-moi de m’arrêter un instant sur les propos, très justes, que Franck Montaugé a tenus avec beaucoup de conviction. Aujourd’hui, les agriculteurs et les agricultrices de France sont dans la peine, et cela – je leur rends hommage pour cela – dans la dignité. La situation est dramatique.
C’est pourquoi je veux dire à nouveau, même si c’est du patois breton, alsacien ou bourguignon, que l’agri-bashing n’est plus possible ! Cet agri-bashing, ce n’est pas le Gouvernement qui l’entretient, ni les parlementaires ; il est le fait de la société tout entière.
Pour ma part, je ne laisserai jamais traiter un paysan de pollueur ! Je ne laisserai jamais traiter un paysan d’empoisonneur ! Je me suis rendu à Rethel, dans les Ardennes, pour rouvrir un abattoir. Je n’ai pas peur de dire que nous avons besoin d’une filière d’élevage et d’abattoirs qui fonctionnent bien, en toute sécurité.
Quoi qu’il arrive, le Gouvernement soutiendra les agriculteurs face à cet agri-bashing,…
M. François Bonhomme. Et face aux lobbys qui l’entretiennent !
M. Didier Guillaume, ministre. … car celui-ci n’est plus supportable.
Dernièrement encore, j’ai réagi à la publication d’une organisation sur ce que l’on appelle les « fermes usines ». Que ce soit au Gouvernement ou ici, nous défendons, toutes et tous, la tradition des exploitations familiales. Certaines entreprises agricoles sont plus grandes que d’autres. Mais une exploitation agricole comptant six ou huit salariés associés et cent à cent cinquante têtes de bétail, ce n’est pas une ferme usine ; c’est une exploitation familiale, avec des associés ! Je veux le dire avec force, ici, devant la représentation nationale.
De même qu’ils sont ulcérés par l’agri-bashing, les agriculteurs sont aujourd’hui fatigués par toutes ces crises, que, malgré les années, on ne parvient pas à régler. Ainsi, ayant par le passé cosigné un texte de loi sur la gestion des aléas en agriculture, je souhaite que nous puissions, dans les mois à venir, remettre l’ouvrage sur le métier.
Comme je l’indiquais à l’instant, le Gouvernement a pris la mesure de la situation actuelle, eu égard à la sécheresse. Il aidera, autant que faire se peut, les agriculteurs. Je rappelle le chiffre annoncé – autour de 400 000 euros selon les prévisions actuelles. J’ai reçu un certain nombre d’acteurs, notamment le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, l’APCA, qui compte engager un travail collectif pour avancer sur la question.
Enfin, les agriculteurs sont inquiets pour leurs revenus, et c’est le point essentiel qui doit nous occuper ici. Les négociations commerciales sont ouvertes. Elles dureront trois mois et, vraisemblablement, leur résultat sera le même que d’habitude.
Je veux le dire à cette tribune de la Haute Assemblée, ce n’est pas possible ! Non, on ne peut pas envisager que les négociations commerciales se passent comme celles des années passées ! Si tel est le cas, il faudra s’attendre à des fermetures d’exploitations agricoles par centaines, voire à pire, et moi, je ne veux plus entendre parler – Jean-Paul Émorine a eu la gentillesse d’évoquer le sujet – d’un suicide de paysan tous les deux jours, tous les cinq jours ou toutes les semaines.
C’est pourquoi, dès la semaine prochaine, je vais réunir l’ensemble de la filière, de l’amont à l’aval, – producteurs, transformateurs, industriels, distributeurs –, et, avec mon collègue de Bercy, nous allons mettre la pression sur ces négociations commerciales.
Plusieurs orateurs ont fait remarquer que la loi ÉGALIM n’avait pas produit ses effets. C’est forcé, car cette loi n’est pas encore en application. Les ordonnances ne sont pas prises. Par ailleurs, ces dispositions seront-elles suffisantes ? Je ne sais pas, mais j’ai la ferme volonté d’avancer, et le Gouvernement ne cessera pas de défendre le revenu des agriculteurs.
Sur la question de l’Europe, les agriculteurs sont crispés. Ils ont l’impression que celle-ci n’est pas vraiment pour eux, en dépit des quelque 9,5 milliards d’euros d’aides. En effet, le poids des normes et des contrôles leur semble chaque fois plus lourd.
Par ailleurs, la France est bien prête à affronter le Brexit, qu’il soit plus ou moins dur. Des postes ont déjà été créés dans les services de douane et les services vétérinaires, mais ce n’est pas dans ce budget que les autres postes seront ouverts. Nous examinerons la question avec le coordinateur national Brexit et, évidemment, l’État sera amené à recruter du personnel pour les contrôles douaniers ou vétérinaires.
Ce budget entend aller dans le sens du développement économique, avec une ambition : non pas mieux avec moins – je réponds à Mme Cécile Cukierman –, mais mieux avec autant ! Ce budget n’est pas en déprise ; il présente un montant inchangé par rapport à l’année dernière.
L’agriculture biologique a beaucoup été évoquée. Nous avons fait le choix de mettre tout le paquet sur la conversion, plutôt que sur les aides au maintien. Nous pensons, en effet, que la transition vers l’agroécologie ne peut se faire uniquement via des aides sur cinq ans, mais qu’il faut encourager, aussi, les jeunes à se tourner vers le bio. À ce titre, j’ai pris l’engagement, devant le syndicat des jeunes agriculteurs, les JA, et l’ensemble de la profession, que les aides à l’installation ne seraient pas revues à la baisse en cas de réduction des recettes liée à l’actuel épisode de sécheresse.
Pour répondre au rapporteur spécial Alain Houpert, le budget du fonds Avenir bio a été doublé ; le plan Ambition bio est doté de 1,1 milliard d’euros. On ne peut donc pas dire que rien n’est fait en matière d’agriculture biologique.
Je ne veux pas m’appesantir sur toutes les mesures fiscales. Vous savez très bien l’utilisation que nous ferons du Grand Plan d’investissement. Les baisses fiscales seront très fortes. Nous voulons aider à la compétitivité des entreprises de transformation alimentaire.
Quant à l’épargne de précaution, ce n’est pas rien ! La simplification était demandée par la profession ; elle a été mise en place dans ce budget. Certes, il sera compliqué d’épargner, pour ceux qui subissent actuellement la sécheresse et d’autres aléas, mais cette épargne de précaution est bien inscrite dans le budget. Il faudra avancer sur le sujet, car cela aura un effet positif dans de nombreux secteurs.
Plusieurs questions ont été posées à propos du secteur forêt-bois. Le 16 novembre dernier, un plan d’action concernant la filière a été présenté et un contrat de filière signé. Pour répondre aux inquiétudes exprimées sur l’ONF, je réaffirme ici que cet organisme public est un formidable outil, que nous devons conserver. Son modèle économique est très fragile – deux orateurs ont évoqué une dette exorbitante et un problème de gouvernance. Nous travaillons actuellement sur le sujet et serons à même de faire des propositions dans les semaines à venir. Franck Menonville a eu la gentillesse de signaler que plus de 250 millions d’euros dotaient ce fonds.
L’objectif en matière de politique sanitaire – je m’adresse plus particulièrement à Mme Françoise Férat – est de répondre aux enjeux de santé publique et de protéger notre agriculture. La France est en avance sur tous les autres pays dans ce domaine – ce n’est pas forcément rassurant ; on préférerait sans doute voir certains pays progresser également. Elle promeut l’interdiction de certains produits phytosanitaires, et ses propositions sont souvent suivies. Je pense, notamment, à la récente interdiction du méthamsodium.
Nous comprenons la crainte qui s’exprime à propos des accords internationaux. C’est précisément pour cette raison, du fait d’une trop grande disparité avec les pays composant cet ensemble, que la France refuse de signer les accords avec le Mercosur.
Il en va de même pour le Brexit et, plus particulièrement, pour le secteur de la pêche, évoqué par le sénateur Jean-Pierre Moga. Quoi qu’il arrive, les pêcheurs ne rencontreront aucune difficulté dans les deux ans à venir et, évidemment, nous nous battons – l’ensemble des membres du Gouvernement, dont Nathalie Loiseau – sur tous ces sujets. Le Président de la République a annoncé, lors du dernier conseil européen, que la pêche ne pourrait pas être la variable d’ajustement dans le cadre des discussions sur le Brexit et du débat européen.
Telles sont les réponses que je pouvais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’aborder l’examen des amendements.
Le Sénat risque fort de ne pas voter ce budget, mais cela ne nous empêchera pas, tout au long de l’année, de travailler ensemble au développement de notre agriculture et, de nos exploitations agricoles, afin que notre agriculture continue de rayonner en Europe et dans le monde. C’est ce qui nous est le plus cher.
Si, en plus, nous gagnons le pari de cette lutte incroyable pour une meilleure rémunération des agriculteurs, alors nous aurons fait œuvre utile pour l’agriculture française. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
2 831 337 110 |
2 920 382 846 |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
1 676 788 142 |
1 759 009 529 |
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation |
537 125 584 |
536 225 584 |
Dont titre 2 |
308 959 606 |
308 959 606 |
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture |
617 423 384 |
625 147 733 |
Dont titre 2 |
555 574 243 |
555 574 243 |
M. le président. L’amendement n° II-112 rectifié, présenté par MM. Montaugé, Cabanel, Tissot, Botrel et Kanner, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. Iacovelli et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
9 400 000 |
|
9 400 000 |
|
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
|
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
|
9 400 000 |
|
9 400 000 |
TOTAL |
9 400 000 |
9 400 000 |
9 400 000 |
9 400 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Franck Montaugé.