Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, j’entends bien votre argumentation et je ne mettais pas en cause le travail que vous avez accompli. Simplement, je constate, après avoir lu les amendements et écouté mes collègues, que votre réforme n’est pas aboutie. Au reste, vous reconnaissez vous-même qu’il vous faut encore quinze jours.
Dans leur amendement, MM. Patient et Karam ne prévoient pas de limite : ils proposent de supprimer la réforme pour revoir la concertation. Si vous estimez que, en quinze jours, vous êtes capable d’apporter des réponses précises à toutes les interrogations qui ont été soulevées, depuis toutes les travées, pourquoi pas, tentez le coup !
Reste que la commission juge sage, pour le moment, d’adopter l’amendement n° 561 et de repartir en phase de concertation. Il serait d’ailleurs bienvenu, madame la ministre, que vous rassembliez tous les sénateurs qui se sont exprimés pour essayer d’aboutir à un texte, dirons-nous, plus consensuel, puisque, à l’évidence, le Gouvernement n’a pas été entièrement compris jusqu’à présent.
Mme la présidente. Madame la ministre, si je vous ai bien comprise, vous êtes défavorable à tous les amendements en discussion commune, à l’exception, bien entendu, de l’amendement n° 612 du Gouvernement. Est-ce bien cela ?
Mme Annick Girardin, ministre. Certains de ces amendements sont satisfaits. Pour les autres, le Gouvernement en sollicite le retrait ou y est défavorable. S’agissant de Saint-Barthélemy, il s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Madame la ministre, j’aimerais comprendre votre position.
J’ai cru comprendre que vous étiez d’accord pour intégrer la comptabilité, l’ingénierie et les études techniques dans le dispositif, ainsi que pour réserver un traitement un peu particulier à la Guyane. J’ai cru comprendre également que nous étions d’accord pour ce qui concerne les services aéroportuaires et les dessertes aériennes avec la métropole, entre les DROM et avec l’environnement immédiat. Or voilà que vous formulez une demande de retrait de mon retrait.
Par ailleurs, vous êtes seule à dire que la concertation a été suffisante. Aujourd’hui, les socioprofessionnels qui ont participé à ces fameuses assises, notamment la FEDOM, sont les premiers à être vent debout compte cette réforme, en expliquant qu’elle va créer un choc fiscal considérable et que l’écart de compétitivité se creuse.
Madame la ministre, j’ai eu l’élégance de ne pas rappeler l’histoire, mais j’ai eu un conseiller budgétaire qui voulait absolument faire passer la réfaction de l’impôt sur les outre-mer. Nous avons tous deux été ministres, vous dans un gouvernement, moi dans un précédent. Nous avons travaillé ensemble, et je suis heureux que votre mémoire soit ravivée de manière opportune. Toutefois, puisque vous oubliez l’héritage, je dois vous rappeler que ce que vous faites, Bercy en a toujours rêvé !
On peut faire des réformes et trouver des compromis raisonnables, mais vous êtes fermée. Ce gouvernement est fermé. Pendant dix ans, j’ai travaillé, dans l’opposition, avec MM. Chirac et Sarkozy. Nous étions reçus par les ministres, nous discutions, nous faisions passer des amendements ; bref, nous étions écoutés et entendus.
M. Alain Joyandet. Eh oui !
M. Victorin Lurel. Aujourd’hui, j’ai l’impression que même la majorité parlementaire est écrasée et méprisée ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) Madame la ministre, si vous écoutiez plus, nous pourrions légiférer de belle et bonne manière. Malheureusement, vous êtes fermée !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Madame la ministre, chère Annick Girardin, vous savez la considération que je porte à votre personne. J’ai toujours salué votre détermination, votre franchise, votre sincérité et l’art que vous avez d’aller au fond des choses. Je comprends donc que, ce soir, vous soyez dans l’embarras le plus total : comment faire, alors que tout ce qui a été dit sur ces travées participe du bon sens ?
Nos propos relèvent d’une arithmétique sur laquelle nous avons travaillé et dont nous sommes conscients, parce que nous avons le bonheur – peut-être aussi le malheur, car nous sommes porteurs de leurs doléances – de vivre dans des pays que nous connaissons bien et dont nous sommes les meilleurs spécialistes.
En définitive, sur quoi votons-nous ? Un de mes aînés en politique aurait dit : nous sommes en train d’acheter chatte en sac – en d’autres termes, un chat dans un sac. Sur quoi votons-nous, quand vous nous assurez que, dans quinze jours, il y aura des modifications et que l’on entendra un certain nombre de choses lors du retour du texte devant l’Assemblée nationale ?
Je ne suis pas députée : je suis porteuse, ici au Sénat, de la voix de nos territoires, de la voix de mon pays. J’aimerais rentrer dans mon pays avec un certain nombre de réponses consacrant le travail que nous avons accompli.
Le débat est ouvert, et l’on n’est pas obligé d’avoir raison sur tout. Nous portons des demandes, ressentons un certain nombre de choses et vous demandons simplement de vous asseoir une dernière fois autour d’une table avec nous, car nous avons besoin de procéder à certaines rectifications.
Vous verrez que nous vous demanderons non pas des augmentations pléthoriques de budget, mais du bon sens ! C’est le bon sens, en effet, qui réclame que les seuils soient revus, parce que nous avons besoin de recruter des cadres et de faire rentrer des gens dans des pays qui se dépeuplent, comme la Guadeloupe ou la Martinique.
Nous avons besoin que les demandes qui ont été exprimées en Guyane avec une grande et légitime virulence soient entendues. Je ne parle même pas de Mayotte.
Oui, nous avons besoin d’attendre et d’avoir, main dans la main avec un gouvernement qui nous comprend et ne nous écrase pas, un dialogue raisonnable, légitimement mené par les enfants de nos pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Franck Menonville et Mme Nassimah Dindar applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. En parfaite communion avec les outre-mer, je ne puis, madame la ministre, me satisfaire des réponses que vous avez données.
Saint-Martin vous a interpellée. Or Saint-Martin était absente de votre réponse. (Mme la ministre le conteste.) Vous avez simplement dit : j’émets un avis de sagesse pour Saint-Barthélemy. D’autres amendements ont reçu votre approbation. Mais aucune réponse pour Saint-Martin, alors que la situation de mon territoire est toute particulière.
J’ai eu la courtoisie de souligner que, depuis le phénomène hors norme que nous avons connu, le Gouvernement nous accompagne, qu’il continue de le faire, mais que nous demandons un petit coup de pouce supplémentaire, tout simplement parce que la réforme proposée, selon les simulations faites par le monde économique, nous paraît moins favorable que la situation actuelle.
En pareil cas, je m’attends à ce que vous me disiez : non, c’est aussi favorable, sinon plus, que la situation actuelle. Mais l’absence de réponse ne peut me satisfaire.
Je sais, parce que vous avez visité mon territoire, que ce que je dis ne vous est pas inconnu. J’aurais donc souhaité que vous apportiez des réponses concrètes à ma demande, pour savoir si, éventuellement, j’avais des solutions de repli, au cas où celle-ci serait – ou vous paraîtrait – un peu exagérée. (Mme Catherine Conconne applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. Madame la ministre, vous avez dit : tout ce qui a été fait auparavant n’a pas marché, c’est pourquoi nous voulons réorganiser les choses, selon les grandes lignes issues des états généraux.
Les départements d’outre-mer ont bénéficié d’une évolution incroyable, grâce aux lois qu’ont fait adopter MM. Pons, Perben et Paul, ainsi que Mme Brigitte Girardin et d’autres ministres. Il faut vraiment souligner que, en moins de soixante-dix ans, la départementalisation des territoires d’outre-mer a été très réussie. Il est donc juste de rendre hommage aux parlementaires et aux gouvernements qui ont su regarder ces régions ultrapériphériques comme pouvant être des centres, qui ont fait et font rayonner la France dans plusieurs océans. Un vrai travail a été accompli, il faut aujourd’hui le saluer.
Certaines lois de défiscalisation – vous pouvez le rappeler – ont eu aussi quelques effets pervers. Mais chaque Domien a bien su quand il fallait les éviter, et il n’y a pas eu de grandes révolutions dans les DOM. Nous, territoires ultramarins, sommes tous d’accord pour dire que Mayotte et la Guyane ont encore besoin d’être accompagnées, parce qu’elles connaissent toujours des pans de pauvreté et de non-développement.
Ce que nous croyons aujourd’hui, c’est qu’il y a dans nos territoires des forces vives, des entreprises capables d’apporter de l’ingénierie et de la valeur ajoutée. Elles ont fait des efforts extraordinaires, mais ne peuvent pas, en quinze jours, trouver des solutions. C’est pourquoi j’appuie la position de sagesse de notre commission, exposée par notre rapporteur général : la réforme proposée doit être reportée, parce qu’elle n’est pas encore mûre. (Mme Victoire Jasmin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Je m’exprimerai tout d’abord sur le premier amendement soumis à notre vote, l’amendement n° 561 ; évoquer en une seule intervention l’ensemble des amendements en discussion commune serait en effet impossible.
Je voudrais faire savoir à mes collègues guyanais que je comprends le bien-fondé de leur approche. Selon eux, la démarche n’étant pas aboutie, il faudrait prolonger d’un an le dispositif en vigueur. Cela dit, nous avons tout de même une modeste expérience du Sénat : il est clair que si, aujourd’hui, nous adoptons cet amendement, tous les autres amendements qui viennent d’être défendus tomberont. C’est clair et c’est précis !
Par ailleurs, même si nous adoptons cet amendement, de fait, la France continuera sa réforme, le CICE sera supprimé et les entreprises d’outre-mer seront, l’an prochain, les grandes perdantes de toute cette réforme. Les ministres ici présents ne reviendront pas sur leur démarche.
Madame la ministre, vous évoquez un délai de quinze jours et une nouvelle lecture. Ma petite expérience me fait plutôt penser que l’on s’oriente vers l’élaboration d’un texte par une commission mixte paritaire, qui aura vite fait de trancher en faveur de l’analyse de l’Assemblée nationale.
Je veux à présent évoquer un autre aspect des choses. En ma qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances, j’ai entendu les entreprises et les organisations socioprofessionnelles des outre-mer. Comme je l’ai indiqué dans mon intervention sur l’article, ces entreprises sont inquiètes, parce que le compte n’y est pas et que le débat, à leur sens, n’est pas abouti.
Vous savez comme moi, mes chers collègues, qu’énormément de sollicitations nous sont parvenues ces quinze derniers jours : on demande que le débat se poursuive et on espère qu’il aboutisse à des modifications de seuils, celles-là mêmes qui ont été proposées à l’instant par certains de nos collègues siégeant sur toutes les travées de notre hémicycle.
C’est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de rejeter l’amendement n° 561, dont l’adoption rendrait tous les autres sans objet, et de voter pour les amendements dont l’adoption vous permettrait, madame la ministre, monsieur le ministre, de continuer le débat avec les organisations socioprofessionnelles. Ainsi, j’espère que, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, vous aurez le temps de vous mettre d’accord sur une lecture commune du problème et sur des modifications de seuils.
Je suis donc favorable à l’adoption des amendements visant à modifier ces seuils qu’ont défendus nos collègues Viviane Malet, Nassimah Dindar, Catherine Conconne et Victorin Lurel.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.
M. Georges Patient. Je suis surpris des explications fournies par notre collègue Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer.
Je suis – vous le voyez bien – membre du groupe La République En Marche. Si j’insiste ce soir, cela ne signifie pas que j’ai cessé d’appartenir à ce groupe. Simplement, comme je le fais depuis plus d’un mois, j’essaie de prévenir notre assemblée contre les effets de cette réforme sur la Guyane, mais aussi sur les autres territoires.
Cette réforme n’est pas aboutie ; nous l’avons tous constaté. Si elle l’était, cela signifierait que l’on nous cache quelque chose : jusqu’à présent, les simulations ne nous ont pas été fournies.
Prenons le cas de la Guyane, qui semble déranger notre collègue Michel Magras…
M. Michel Magras. Pas du tout !
M. Georges Patient. … et qui empêcherait toute évolution pour les autres territoires. J’ai présenté l’amendement n° 561, qui vise à supprimer la partie de l’article 8 qui concerne les outre-mer, mais aussi l’amendement n° 560 – c’était même ma première proposition –, qui tend simplement à exclure la Guyane du champ de cet article.
En effet, le Président de la République et Mme la ministre avaient pris l’engagement de faire en sorte que la Guyane bénéficie d’un traitement spécifique, compte tenu de tous ses handicaps. Or, à l’arrivée, tel n’est pas le cas, et les entreprises de Guyane s’en trouvent toutes pénalisées.
J’ai entendu Mme la ministre affirmer qu’il y aurait des gagnants et des perdants. Pour ma part, je peux montrer 1 048 simulations issues d’entreprises de Guyane appartenant à tous les secteurs : ces entreprises sont pénalisées, elles sont perdantes ! Le périmètre est constant. Dès lors, si les entreprises guyanaises sont pénalisées, cela signifie-t-il que d’autres sont avantagées ? Qu’on me le dise !
Je ne suis pas parvenu à obtenir ces chiffres, qui ne peuvent pas m’être communiqués. Je me suis rendu à plusieurs reprises au ministère des outre-mer, en compagnie de représentants des organisations socioprofessionnelles. Des promesses ont été faites quant à la communication de ces chiffres. Or, jusqu’à maintenant, cela n’a pas été fait !
Moi aussi, j’ai des comptes à rendre à ma population. Demain, il faut le savoir, toutes les organisations socioprofessionnelles de Guyane se réuniront à la chambre de commerce et toutes les associations dans un grand hôtel, pour relancer le processus que nous avons connu il y a un an. Je n’ai pas envie de revoir cela ! C’est pourquoi j’appelle régulièrement les collaborateurs de Mme la ministre pour les sensibiliser à la situation particulière de la Guyane.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Georges Patient. Si vous ne voulez pas que l’on supprime ce régime, mes chers collègues, votez au moins l’amendement n° 560, par lequel nous demandons que la Guyane soit sortie du champ de cet article.
M. Michel Amiel. Dans ce cas, il faut retirer l’amendement n° 561 !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis extrêmement sensible à tous les arguments développés par nos collègues ultramarins. Ils appellent à la réflexion et, surtout, ils nous livrent une expertise, tout en exprimant une exigence minimale pour les parlementaires que nous sommes : bénéficier de données chiffrées et d’évaluations. Toutes et tous, quels que soient leurs territoires, demandent ainsi à mener un échange d’expertise avec le Gouvernement, afin que celui-ci, en retour, les écoute et les prenne en compte. Je trouve que c’est extrêmement fort !
Évidemment, je n’ai pas la prétention de connaître les territoires ultramarins aussi bien que mes collègues. Cela dit, j’ai mené des missions sur la santé et, notamment, l’hôpital à La Réunion, en Guadeloupe et en Guyane, et j’ai été extrêmement frappée par la situation très difficile que vivent ces territoires – je ne veux parler que de ceux où je me suis rendue.
J’estime que l’actuel gouvernement, comme d’ailleurs ceux qui l’ont précédé, porte la responsabilité d’avoir laissé ces territoires subir des fractures, notamment sociales, très importantes par rapport à l’Hexagone. C’est pourquoi je suis sensible aux arguments qui nous sont donnés ce soir ; avec l’ensemble de mon groupe, j’appelle Mme la ministre à y être attentive.
Nos collègues demandent, au travers notamment des amendements défendus par Georges Parient, que l’on suspende l’application de ce texte dans leurs territoires. Pour notre part, nous voterons en faveur de ces deux amendements.
M. Alain Joyandet. Si le premier est adopté, le second tombera !
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. Le débat que nous avons ce soir est presque surréaliste. Il met surtout en exergue les divisions des outre-mer, au vu et au su de tout le monde. Nos territoires ultramarins ne sont pas uniformes : La Réunion ne ressemble pas à la Guyane, qui ne ressemble pas à Saint-Martin, qui ne ressemble pas à la Guadeloupe ou à la Martinique. Et allez voir encore les territoires du Pacifique !
Ce soir, nous avons simplement fait part de la gravité de la situation. Au moment où je vous parle, cela fait deux jours que le rectorat de la Guyane est bloqué. Au moment où je vous parle, les associations qui étaient l’an dernier à la tête des manifestations sont en train de reprendre une certaine force, car elles considèrent que l’État et le Gouvernement n’apportent pas de réponses claires à la gravité de la situation de nos territoires et, en particulier, de la Guyane.
Je veux reprendre la phrase célèbre de mon ami et collègue Paul Vergès, qui a été le doyen du Sénat : « Nous sommes, sur nos territoires, à portée de gifle des manifestants ! » On ne nous pardonnera pas ce qui va se passer ; nous avons, nous aussi, des comptes à rendre, et ce n’est pas par un exercice de voltige que l’on réglera les problèmes de l’outre-mer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je ne suis pas sûr que, quand nous avons examiné hier soir en commission l’ensemble de ces amendements, la totalité des membres de la commission aient tout compris.
M. Michel Forissier. En effet !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Nos votes ont eu lieu dans une certaine précipitation, sans que nous examinions l’ensemble des enjeux qui pouvaient naître sur ce sujet. Ce soir, ceux d’entre nous qui ne connaissent pas les territoires d’outre-mer, ou qui ne les connaissent que de loin, n’ont sans doute pas non plus tout compris à l’ensemble des problèmes qui se posent.
Si, à la suite de la commission des affaires sociales, nous adoptions l’amendement n° 561 de M. Patient, les autres amendements en discussion commune n’auraient plus d’objet, et le Sénat ne pourrait plus vraiment faire grand-chose pour améliorer la situation des territoires d’outre-mer.
J’entends bien aussi que, si le Sénat ne prenait aucune décision, bonne ou mauvaise, pour définir ce qui pourrait être, par la suite, l’action du Gouvernement, il n’aurait plus son mot à dire dans les quinze jours qui viennent. De fait, madame la ministre, au sein de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous prendrons d’autres dispositions qui, de toute évidence, ne survivront pas à une commission mixte paritaire conclusive, bien au contraire.
Je serais donc plutôt d’avis de rejeter l’amendement n° 561, afin que le Sénat puisse au moins exprimer une position ; laquelle, cela reste à définir. Ainsi, dans les quinze jours qui viennent, madame la ministre, nous pourrons discuter avec vous et avec l’Assemblée nationale sur le projet que vous voulez mettre en œuvre dans les territoires d’outre-mer.
Par ailleurs, madame la ministre, je vous ai bien écoutée et j’ai été quelque peu surpris par vos propos. Vous avez déclaré espérer mettre en place un projet dans les quinze jours qui viennent, lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. C’est oublier que vous êtes au Sénat : il serait bon que vous incluiez notre assemblée dans ces discussions ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. Au vu de la manière dont le débat s’est organisé autour de ces amendements et des nombreux sujets en cause, je n’ai pu entrer dans le détail de chaque proposition. Je reconnais que chacune d’elles aurait pu donner lieu à un débat et, ainsi, à une avancée sur chaque sujet. Vous avouerez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il y a de tout dans cet ensemble d’amendements !
Chacun le comprend, ces dispositions expriment toutes les difficultés des territoires d’outre-mer. Ce n’est pas moi, qui suis Ultramarine, qui vous dirai le contraire ! Oui, madame Cohen, les territoires d’outre-mer connaissent des situations très difficiles. Lors des Assises des outre-mer, notamment, l’ensemble des hommes et des femmes qui vivent sur ces territoires ont pu s’exprimer. Toutes les problématiques ont été évoquées, notamment les questions de santé, que vous avez évoquées.
Quand on s’occupe des territoires d’outre-mer, on voit bien combien ils sont différents les uns des autres : ils se trouvent dans des bassins maritimes différents, ils ont des voisins différents, leurs cultures sont différentes. Même des territoires très proches, tels que La Réunion et Mayotte, ne sont pas comparables, parce que ni leur histoire ni leurs conditions économiques et sociales ne sont les mêmes. Il est important de le rappeler.
Il est vrai que, pour La Réunion, la départementalisation a été une réussite, mais peut-on se satisfaire aujourd’hui d’une situation où ce territoire abrite 140 000 demandeurs d’emploi, c’est-à-dire autant, sinon plus, qu’en Seine-Saint-Denis, dont la population est le double ? On voit donc bien que l’on a encore un énorme travail à faire, et c’est exactement la même chose dans d’autres territoires. Comme je le rappelais, plus de 40 % des jeunes, dans certains territoires d’outre-mer, sont demandeurs d’emploi ; la plupart du temps, ils ne sont pas formés.
Je crois honnêtement qu’il y a là matière à un vrai débat. Il s’agit ici d’un choc non pas fiscal, mais bien social : c’est bien ce que nous portons au travers de cette réforme sociale et économique. Je crois qu’il est important de pouvoir le rappeler.
Je n’ai pas parlé de Saint-Martin, parce que, là encore, ce problème s’inscrit dans un ensemble. Monsieur Arnell, vous avez formulé une proposition ; le monde économique me demande, comme pour d’autres territoires, le retrait de la réforme pour Saint-Martin.
Nous devons avoir un débat autour de cette question dans les jours qui viennent. Je souhaiterais pouvoir démontrer au monde économique de Saint-Martin ce que vous avez déjà compris, monsieur Arnell, à savoir combien il est important d’accepter cette réforme, et que Saint-Martin sera gagnant en bout de course, notamment une fois que l’on aura fini le débat sur la modification des seuils, puisque l’on s’est engagé à une telle mesure.
Sur les chiffres, monsieur Patient, vous avez raison de dire que je suis un peu gênée. En effet, je ne peux pas produire les chiffres demandés, territoire par territoire, secteur par secteur, parce que ce secret s’oppose à moi. Même en tant que ministre, je n’ai pas accès à ces données. Je dispose des éléments macroéconomiques relatifs à l’ensemble des territoires et des secteurs, mais je ne puis entrer dans la finesse de chaque exercice.
Le même problème se pose au niveau national, comme j’ai pu le constater lors de mon arrivée ce soir dans cet hémicycle : certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, interrogeaient le Gouvernement sur des questions relatives à certains secteurs d’activité dans vos circonscriptions. C’est ici la même chose : je ne puis répondre que si chaque entreprise, chaque secteur, chaque territoire vient m’interroger avec ses propres chiffres ; alors seulement, je peux dire si, oui ou non, le modèle utilisé est le même. Je puis vous avouer que c’est la vraie difficulté que je rencontre.
Dès lors, je ne parviendrai pas forcément à vous donner dans les quinze prochains jours l’ensemble des données. Néanmoins, durant cette période, je vais travailler avec tous ceux qui, depuis déjà des mois, se livrent à un exercice de comparaison des modèles et de calcul des besoins relatifs aux modifications de seuils. Oui, certains seuils seront modifiés, mais il faut, malgré tout, mener un débat à ce sujet.
C’est pourquoi, ce soir, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de me donner un peu plus de temps pour le faire. Je le répète, je ne puis répondre sur chaque amendement tendant à modifier les seuils, parce que je ne dispose pas de tous les chiffres nécessaires pour pouvoir le faire, et je n’ai pas encore pu mener de comparaisons avec les données que me communiqueront à nouveau les différents secteurs.
Rappel au règlement
M. Victorin Lurel. Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Victorin Lurel. Sur l’article 36, madame la présidente.
Mme la présidente. Je vous donne la parole, mon cher collègue, pour un rappel au règlement.
M. Victorin Lurel. J’aimerais savoir dans quelles conditions nous travaillons !
Je viens d’entendre un président de commission désavouer son rapporteur général en faisant mine de croire que nous n’avons pas compris ce qui s’est passé.
Je viens d’assister à une division des territoires : un collègue ne veut pas que l’amendement visant Saint-Barthélemy devienne sans objet, alors que ce que notre collègue Georges Patient nous propose est rationnel.
En quinze jours, madame la ministre – tel est le sens du compromis –, vous aurez tout pu mettre à plat. Si nous adoptons l’amendement n° 561, vous aurez le temps de voir tout le monde et de faire la navette. Vous aurez le temps de travailler !
Aussi, pourquoi refuser l’adoption de cet amendement ? Est-ce pour préserver quelques intérêts territoriaux que l’on ne peut régler globalement le problème et respecter le Parlement ? Que la commission, son président et son rapporteur général s’entendent, et que l’on ne vienne pas ici faire état de divisions ! Pour ma part, je demande que nous adoptions l’amendement n° 561.
Mme la présidente. Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue, même s’il ne faut pas trop utiliser de cette façon cette procédure…
Article 8 (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cette discussion est passionnée et passionnante. Elle est compliquée, mais aussi, à certains égards, très importante pour les territoires ultramarins et leur économie.
Monsieur Lurel, le Gouvernement n’a pas d’influence particulière sur les votes du Sénat ; cela se saurait ! Les sénateurs voteront en leur âme et conscience, informés par des débats qui, à mes yeux, ont été éclairés.
Nombre de ces amendements ont certes pour thématique les exonérations issues de la loi pour le développement économique des outre-mer, ou LODEOM, mais ils sont très différents les uns des autres, que ce soit par les personnalités qui les ont portés, par leurs conséquences sur le texte, par leur finalité, ou par les milieux économiques affectés.
Puis-je donc vous demander, madame la présidente, si vous comptez les mettre aux voix un par un en rappelant, pour chacun d’entre eux, l’avis de la commission et du Gouvernement ?