Sommaire
Présidence de M. Philippe Dallier
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche, M. Daniel Dubois.
Mme Éliane Assassi ; M. le président ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
3. Financement de la sécurité sociale pour 2019. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Adoption de l’article.
Article 2 et annexe A – Adoption.
Adoption de l’ensemble de la première partie du projet de loi.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Amendement n° 393 rectifié de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Adoption de l’article.
Adoption de l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
Amendement n° 480 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 481 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 45 rectifié bis de M. Philippe Mouiller. – Rejet.
Amendement n° 174 rectifié ter de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Amendement n° 175 rectifié ter de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Amendement n° 429 rectifié de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 7
Amendement n° 482 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Hommage à Émile Reymond, sénateur mort au combat
5. Questions d’actualité au Gouvernement
Mme Samia Ghali ; M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales ; Mme Samia Ghali.
gouvernance de l’internet et cybersécurité
Mme Colette Mélot ; Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Mme Dominique Estrosi Sassone ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
perspectives pour la ligne à grande vitesse lyon-turin
M. Loïc Hervé ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports ; M. Loïc Hervé.
M. Frédéric Marchand ; M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
bilan du déploiement du plan numérique
M. Jean-Yves Roux ; M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
nouvelle offensive dans la bande de gaza
Mme Christine Prunaud ; Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes ; Mme Christine Prunaud.
M. François Grosdidier ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur.
M. Michel Amiel ; M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales ; M. Michel Amiel.
manifestation contre la hausse du prix du carburant
M. Laurent Duplomb ; M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Laurent Duplomb.
M. Jacques-Bernard Magner ; M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
réforme de la taxe d’habitation
Mme Évelyne Perrot ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Évelyne Perrot.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
7. Financement de la sécurité sociale pour 2019. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Articles additionnels après l’article 7 (suite)
Amendement n° 180 rectifié bis de M. Claude Kern. – Retrait.
Amendement n° 330 rectifié de M. Michel Amiel. – Retrait.
Amendement n° 485 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
Amendement n° 375 rectifié ter de M. Hervé Marseille. – Devenu sans objet.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
Amendement n° 489 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 488 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 176 rectifié ter de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 333 rectifié de M. Martin Lévrier. – Adoption.
Amendement n° 252 rectifié de M. Michel Raison. – Retrait.
Amendement n° 483 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 318 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° 561 de M. Georges Patient
M. Victorin Lurel ; Mme la présidente.
Amendement n° 561 de M. Georges Patient (suite). – Rejet.
Amendement n° 560 de M. Georges Patient. – Adoption.
Amendement n° 199 rectifié bis de M. Michel Magras. – Adoption.
Amendement n° 36 rectifié de Mme Nassimah Dindar. – Adoption.
Amendement n° 433 rectifié de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.
Amendement n° 432 rectifié ter de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.
Amendement n° 282 rectifié de M. Michel Magras. – Adoption.
Amendement n° 212 rectifié de Mme Catherine Conconne. – Devenu sans objet.
Amendement n° 196 rectifié de M. Michel Magras. – Adoption.
Amendement n° 297 rectifié bis de M. Antoine Karam. – Devenu sans objet.
Amendement n° 562 de M. Georges Patient. – Adoption.
Amendement n° 295 rectifié bis de M. Antoine Karam. – Adoption.
Amendement n° 296 rectifié bis de M. Antoine Karam. – Adoption.
Amendement n° 612 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendement n° 209 rectifié de M. Guillaume Arnell. – Devenu sans objet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Philippe Dallier
vice-président
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche,
M. Daniel Dubois.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l’article 36 de notre règlement.
Je n’étais pas présente dans cet hémicycle hier après-midi, mais j’ai suivi la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Mes amies et camarades Laurence Cohen et Cathy Apourceau-Poly sont toutes les deux intervenues, l’une pour défendre une motion d’irrecevabilité, l’autre pour exprimer le point de vue de notre groupe sur ce texte majeur.
Madame la ministre, quand nous intervenons dans l’hémicycle, nous exerçons pleinement notre mandat de parlementaire. Nous portons, non pas une idéologie, mais la voix de celles et ceux qui, comme nous, défendent un autre projet, un projet alternatif, celui d’un système de sécurité sociale juste et pérenne.
Or, madame la ministre, cette voix ne semble pas vous intéresser. Hier, vous avez pris le temps de répondre à tous nos collègues des autres groupes, sauf à Laurence Cohen et à Cathy Apourceau-Poly, représentantes du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Pourquoi, madame la ministre ? Nous attendons vos réponses ou, pour le moins, votre point de vue sur la philosophie que nous portons. Si vous ne nous répondiez pas, nous pourrions penser que vous méprisez celles et ceux qui s’inquiètent de l’avenir de notre sécurité sociale. C’est d’autant plus vrai que la philosophie que j’évoquais s’accompagne d’un certain nombre de propositions, lesquelles sont issues notamment, mais pas que, de rencontres avec les professionnels et les usagers de la sécurité sociale et, particulièrement, des hôpitaux. Je vous rappelle que nous avons entamé un tour de France des hôpitaux : nous avons beaucoup de choses à dire sur le sujet !
Alors, madame la ministre, j’espère que, dans la suite du débat, vous nous regarderez de temps en temps.
M. Roger Karoutchi. Elle est là ! Elle vous regarde !
Mme Éliane Assassi. Surtout, j’espère que vous prendrez le temps de répondre aux amendements que nous avons déposés sur un texte qui, je le rappelle, nous semble majeur : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Acte est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Assassi, il n’est pas tout à fait vrai que je n’ai pas répondu à vos collègues. J’ai répondu en fait globalement à votre groupe, en disant : « à ma gauche ».
Mme Éliane Assassi. Non ! Vous ne regardez pas à gauche !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame Assassi, s’il vous plaît, je vous ai laissée parler !
J’ai déclaré hier que, à ma gauche, on ne considère le budget de l’assurance maladie qu’en proposant l’augmentation des budgets. À la suite de vos visites dans les hôpitaux, vous ne faites d’ailleurs qu’une seule proposition : augmenter le budget de l’assurance maladie.
Pour ma part, j’ai déclaré que faire simplement référence à une augmentation tendancielle de 4 % de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, revient à nier l’existence de problèmes organisationnels dans le monde de la santé. Cela mène également à tout considérer sous l’angle budgétaire : il faudrait simplement rajouter de l’argent dans une marmite qui fuit et qui est mal faite par rapport aux problématiques de santé de nos concitoyens.
Cette augmentation tendancielle de 4 % de nos dépenses de santé est en partie due à notre mauvaise organisation. Si l’on acceptait simplement d’augmenter le budget de l’assurance maladie de 4 % par an pour suivre cette augmentation tendancielle – c’est ce que vous proposez, c’est ce à quoi j’ai répondu hier –, on augmenterait la part des dépenses de santé dans le PIB de 1 % tous les deux ans. On admettrait ainsi que la part des dépenses de santé dans le budget de la Nation augmente progressivement, au détriment des autres dépenses qu’exigent l’éducation nationale, la sécurité, l’armée ou que sais-je encore.
C’est pourquoi, comme je l’ai expliqué hier, je ne vois pas comment on peut aujourd’hui défendre une réforme qui serait uniquement fondée sur l’augmentation des budgets.
Je ne nie pas qu’il faille plus d’argent – c’est pour ce faire que nous fixons à 2,5 % l’augmentation de l’ONDAM –, mais je propose une autre réforme en réponse à votre tour de France des établissements de santé : une réorganisation globale de notre système de santé qui ne mise pas tout sur la seule augmentation des budgets.
J’ai donc répondu au groupe communiste républicain citoyen et écologiste !
3
Financement de la sécurité sociale pour 2019
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2019 (projet n° 106, rapport n° 111 [tomes I à III], avis n° 108).
Je rappelle que la discussion générale a été close. Nous passons donc à la discussion des articles.
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2017
Article 1er
Au titre de l’exercice 2017, sont approuvés :
1° Le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Maladie |
203,1 |
208,0 |
-4,9 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
14,4 |
13,2 |
1,2 |
|
Vieillesse |
232,7 |
230,7 |
2,0 |
|
Famille |
49,8 |
50,0 |
-0,2 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
486,2 |
488,1 |
-1,9 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches), y compris Fonds de solidarité vieillesse |
483,7 |
488,6 |
-4,8 |
; |
2° Le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Maladie |
201,3 |
206,2 |
-4,9 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
12,9 |
11,7 |
1,1 |
|
Vieillesse |
126,6 |
124,8 |
1,8 |
|
Famille |
49,8 |
50,0 |
-0,2 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
377,6 |
379,8 |
-2,2 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches), y compris Fonds de solidarité vieillesse |
376,5 |
381,6 |
-5,1 |
; |
3° Le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Fonds de solidarité vieillesse |
16,6 |
19,6 |
-2,9 |
; |
4° Les dépenses constatées relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, s’élevant à 190,7 milliards d’euros ;
5° Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, lesquelles sont nulles ;
6° Le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, s’élevant à 15,0 milliards d’euros.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma prise de parole sur l’article 1er vaudra en même temps explication de vote.
La discussion générale menée au cours de l’après-midi d’hier a montré que la non-compensation par l’État de mesures d’exonération qui diminuent les recettes de la sécurité sociale sera l’un des fils rouges de nos débats à venir.
Or des mesures de non-compensation affectent déjà les résultats de l’exercice 2017.
Le solde de l’exercice 2017 a évolué depuis sa première évaluation : de moins 1,4 milliard d’euros en septembre 2017, le solde est passé à moins 5,2 puis à moins 5,1 milliards d’euros.
Cette dégradation, qui n’est pas mineure, tient au fait que deux mesures n’ont pas été mises en œuvre.
La première concerne la compensation du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, ou CITS, qui avait été créé en faveur de l’économie sociale et solidaire. Cette mesure, d’un montant de 600 millions d’euros, n’a pas été mise en œuvre en 2018.
La seconde concerne le non-versement par les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros des sommes qui avaient été prévues en anticipation d’une partie de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S. La contribution sociale supplémentaire de solidarité sur les sociétés, ou la C4S, puisque c’est ainsi qu’elle avait été nommée, a été supprimée avant même sa mise en place : le manque à gagner qui en résulte pour les comptes de la sécurité sociale s’élève à 500 millions d’euros.
Au total, donc, si l’on prend en compte d’autres mesures, la dégradation des comptes due particulièrement à de telles absences de compensation est de 800 millions d’euros sur l’exercice 2017.
Le groupe socialiste et républicain s’abstiendra donc sur l’article 1er : voter contre un article qui présente simplement les comptes de 2017 n’aurait pas, à mon avis, beaucoup de sens.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2 et annexe A
article 2
Est approuvé le rapport figurant en annexe A à la présente loi présentant un tableau, établi au 31 décembre 2017, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits, tels qu’ils sont constatés dans les tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2017 figurant à l’article 1er.
Annexe A
Rapport retraçant la situation patrimoniale, au 31 décembre 2017, des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents et la couverture des déficits constatés pour l’exercice 2017
I. – Situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2017
(En milliards d’euros) |
|||||
Actif |
2017 (net) |
2016 (net) |
Passif |
2017 |
2016 |
Immobilisations |
7,4 |
7,0 |
Capitaux propres |
-88,5 |
-101,4 |
Immobilisations non financières |
5,0 |
4,5 |
Dotations |
23,7 |
25,9 |
Régime général |
0,2 |
0,6 |
|||
Prêts, dépôts de garantie |
1,5 |
1,6 |
Autres régimes |
5,8 |
5,4 |
Caisse d’amortissement de la dette sociale CADES) |
0,2 |
0,2 |
|||
Avances/ prêts accordés à des organismes de la sphère sociale |
0,9 |
0,9 |
Fonds de réserve pour les retraites (FRR) |
17,6 |
19,7 |
Réserves |
18,8 |
16,5 |
|||
Régime général |
2,9 |
2,6 |
|||
Autres régimes |
8,1 |
6,9 |
|||
FRR |
7,7 |
7,0 |
|||
Report à nouveau |
-143,5 |
-155,6 |
|||
Régime général |
-3,4 |
-1,3 |
|||
Autres régimes |
-4,0 |
-3,7 |
|||
FSV |
-0,1 |
-0,1 |
|||
CADES |
-136,0 |
-150,4 |
|||
Résultat de l’exercice 2016 en instance d’affectation |
-3,6 |
||||
FSV |
-3,6 |
||||
Résultat de l’exercice |
12,6 |
8,1 |
|||
Régime général |
-2,2 |
-4,1 |
|||
Autres régimes |
0,2 |
0,7 |
|||
Fonds de solidarité vieillesse (FSV) |
-2,9 |
-3,6 |
|||
CADES |
15,0 |
14,4 |
|||
FRR |
2,4 |
0,7 |
|||
Écart d’estimation (réévaluation des actifs du FRR en valeur de marché) |
3,5 |
3,7 |
|||
Provisions pour risques et charges |
17,2 |
15,8 |
|||
Actif financier |
55,6 |
55,1 |
Passif financier |
158,5 |
173,1 |
Valeurs mobilières et titres de placement |
44,7 |
46,8 |
Dettes représentées par un titre (obligations, billets de trésorerie, europapiers commerciaux) |
152,0 |
161,2 |
Régime général |
0,0 |
0,0 |
Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) |
27,3 |
20,4 |
Autres régimes |
8,7 |
8,3 |
CADES |
124,7 |
140,8 |
CADES |
1,0 |
4,0 |
Dettes à l’égard d’établissements de crédits |
5,7 |
5,2 |
FRR |
35,0 |
34,5 |
Régime général (ordres de paiement en attente) |
4,2 |
3,8 |
Encours bancaire |
9,1 |
7,6 |
Autres régimes |
0,5 |
0,4 |
Régime général |
0,9 |
1,1 |
CADES |
1,0 |
1,0 |
Autres régimes |
4,0 |
2,9 |
|||
FSV |
0,0 |
0,9 |
Dépôts reçus |
0,5 |
1,1 |
CADES |
3,2 |
1,6 |
ACOSS |
0,5 |
1,1 |
FRR |
0,9 |
1,1 |
|||
Créances nettes au titre des instruments financiers |
1,9 |
0,7 |
Dettes nettes au titre des instruments financiers |
0,2 |
0,5 |
CADES |
1,3 |
0,3 |
ACOSS |
0,2 |
0,5 |
FRR |
0,6 |
0,4 |
Autres |
0,1 |
5,2 |
Autres régimes |
0,0 |
0,0 |
|||
CADES |
0,1 |
5,1 |
|||
Actif circulant |
82,1 |
80,2 |
Passif circulant |
57,9 |
54,9 |
Créances de prestations |
9,0 |
8,7 |
Dettes et charges à payer à l’égard des bénéficiaires |
29,8 |
28,8 |
Créances de cotisations, contributions sociales et d’impôts de sécurité sociale |
8,9 |
10,5 |
Dettes et charges à payer à l’égard des cotisants |
2,7 |
2,0 |
Produits à recevoir de cotisations, contributions sociales et autres impositions |
47,6 |
40,9 |
|||
Créances sur entités publiques et organismes de sécurité sociale |
10,7 |
10,5 |
Dettes et charges à payer à l’égard d’entités publiques |
7,8 |
8,8 |
Produits à recevoir de l’État |
0,8 |
0,5 |
|||
Autres actifs |
5,1 |
9,1 |
Autres passifs |
17,6 |
15,3 |
Total de l’actif |
145,1 |
142,4 |
Total du passif |
145,1 |
142,4 |
Sur le champ des régimes de base, du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de la Caisse d’amortissement de la dette publique (CADES) et du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), le passif net (ou « dette ») de la sécurité sociale, mesuré par ses capitaux propres négatifs, et qui recouvre pour l’essentiel le cumul des déficits passés restant à financer, s’élevait à 88,5 milliards d’euros au 31 décembre 2017. L’encours de dette sur les produits techniques est de l’ordre de 18 %, soit environ 2 mois de recettes.
Après une dégradation très marquée à la fin de la précédente décennie, en partie imputable à la crise économique, le passif net est en diminution depuis quatre exercices. Cette inversion de tendance s’est confirmée et s’est amplifiée en 2016 et en 2017 (baisse de 7,9 milliards d’euros entre 2015 et 2016, puis de 12,8 milliards d’euros entre 2016 et 2017). Cette amélioration se traduit en particulier par un résultat consolidé positif sur le périmètre d’ensemble de la sécurité sociale retracé ci-dessus (12,6 milliards d’euros en 2017 contre 8,1 milliards d’euros en 2016). Elle reflète la réduction continue des déficits des régimes de base et du FSV (4,8 milliards d’euros en 2017, contre 7,0 milliards d’euros en 2016, 10,2 milliards d’euros en 2015, 12,8 milliards d’euros en 2014 et 16,0 milliards d’euros en 2013) dans un contexte de maintien d’un niveau élevé d’amortissement de la dette portée par la CADES (15,0 milliards d’euros en 2017 après 14,4 milliards d’euros en 2016).
Le financement du passif net de la sécurité sociale est assuré à titre principal par un recours à l’emprunt, essentiellement porté par la CADES et l’ACOSS. L’endettement financier net de la sécurité sociale, qui correspond à la différence entre les dettes financières et les actifs financiers placés ou détenus en trésorerie, suit donc en premier lieu les mêmes tendances que le passif net auquel il est fait référence ci-dessus, en subissant secondairement les effets de la variation du besoin en fonds de roulement lié au financement des actifs et passifs circulants (créances et dettes) et des acquisitions d’actifs immobilisés, qui ont également un impact sur la trésorerie. Après l’infléchissement observé en 2015 et 2016, l’endettement financier recule ainsi fortement entre 2016 et 2017 (102,9 milliards d’euros contre 118,0 milliards d’euros fin 2016), en cohérence avec l’évolution du passif net.
Évolution du passif net, de l’endettement financier net et des résultats comptables consolidés de la sécurité sociale depuis 2009
(En milliards d’euros) |
|||||||||
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Passif net au 31/12 (capitaux propres négatifs) |
-66,3 |
-87,1 |
-100,6 |
-107,2 |
-110,9 |
-110,7 |
-109,5 |
-101,4 |
-88,5 |
Endettement financier net au 31/12 |
-76,3 |
-96,0 |
-111,2 |
-116,2 |
-118,0 |
-121,3 |
-120,8 |
-118,0 |
-102,9 |
Résultat comptable consolidé de l’exercice (régimes de base, FSV, CADES et FRR) |
-19,6 |
-23,9 |
-10,7 |
-5,9 |
-1,6 |
+1,4 |
+4,7 |
+8,1 |
+12,6 |
II. – Couverture des déficits et affectation des excédents constatés sur l’exercice 2017
Dans le cadre fixé par la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a organisé le transfert à la CADES, dès l’année 2011, des déficits 2011 des branches maladie et famille du régime général. Elle a également prévu la reprise progressive, à compter de 2012, des déficits des années 2011 à 2018 de la branche vieillesse du régime général et du FSV, dans la double limite de 10 milliards d’euros chaque année et de 62 milliards d’euros au total.
L’article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a modifié ce schéma et supprimé le plafond annuel de 10 milliards d’euros afin de tenir compte de conditions de financement à moyen et long termes particulièrement favorables. Il a ainsi ouvert la possibilité d’une saturation du plafond de 62 milliards d’euros dès 2016 et d’une reprise anticipée dont les modalités de mise en œuvre ont été précisées par le décret n° 2016-110 du 4 février 2016 et un arrêté du 14 septembre 2016.
Un montant total de 23,6 milliards d’euros a été repris en 2016, correspondant au transfert de la totalité des déficits de la branche famille et de la branche maladie au titre de 2013 et 2014 et de ceux de la branche vieillesse et du FSV au titre de 2015, ainsi que d’une partie du déficit de la branche maladie au titre de 2015.
Le plafond de reprise par la CADES étant désormais saturé après les transferts intervenus en 2016, c’est l’ACOSS qui porte en dette à court terme les déficits qui ne sont pas financés par la CADES. L’endettement financier brut de l’ACOSS s’est de fait accru de 6,4 milliards d’euros à fin 2017 par rapport à 2016, sous l’effet du financement des déficits 2017 des branches du régime général et du FSV.
Au titre de l’exercice 2017, le résultat cumulé des régimes de base autres que le régime général s’est élevé à 0,2 milliard d’euros. La plupart de ces régimes présentent par construction des résultats annuels équilibrés ou très proches de l’équilibre. Il en est ainsi des branches et régimes intégrés financièrement au régime général (ensemble des branches maladie des différents régimes de base depuis la mise en œuvre, en 2016, de la protection universelle maladie, branches vieillesse de base du régime des salariés agricoles depuis 1963 et du régime social des indépendants depuis 2015), des régimes de retraite équilibrés par des subventions de l’État (SNCF, RATP, régimes des mines et des marins) et des régimes d’employeurs (fonction publique de l’État, industries électriques et gazières), équilibrés par ces derniers. Concernant le régime des mines, les déficits passés cumulés de la branche Maladie ont par ailleurs été transférés à la CNAM à hauteur de 0,7 milliard d’euros en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.
Plusieurs régimes ne bénéficiant pas de tels mécanismes d’équilibrage ont néanmoins enregistré en 2017 des résultats déficitaires. S’agissant de la branche retraite du régime des exploitants agricoles, le déficit s’est élevé à 0,2 milliard d’euros en 2017, en léger recul par rapport au résultat 2016, portant le montant des déficits cumulés depuis 2011 (les déficits 2009 et 2010 ayant été repris par la CADES en 2011) à 3,7 milliards d’euros. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a prévu que ce déficit puisse être financé par des avances rémunérées de trésorerie octroyées par l’ACOSS, en complément des financements bancaires auxquels avait recours jusque-là la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) pour couvrir ces déficits cumulés. Au 31 décembre 2017, ces déficits ont été financés en totalité (3,7 milliards d’euros) par une avance de l’ACOSS.
Enfin, les excédents du régime de retraite des professions libérales (0,3 milliard d’euros en 2017) et de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (0,01 milliard d’euros en 2017) s’inscrivent en net recul (– 0,3 milliard d’euros par rapport à 2016 pour chacun des deux régimes). À l’inverse, celui de la branche vieillesse du régime de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires s’est accru (0,09 milliard d’euros en 2017 contre 0,03 milliard d’euros en 2016), cependant que le solde positif du régime de base de la caisse nationale des barreaux français reste globalement stable (0,07 milliard d’euros en 2017). Ces excédents sont affectés aux réserves des régimes concernés.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 2 et de l’annexe A.
(L’article 2 et l’annexe A sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
(La première partie du projet de loi est adoptée.)
DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2018
Article 3
Au III de l’article 73 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, le montant : « 105 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 125 millions d’euros ». – (Adopté.)
Article 4
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 138-16 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « de la contribution » sont remplacés par les mots : « des contributions » et les mots : « , dû au titre du taux (Lv), » sont supprimés ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
2° Au 8° de l’article L. 221-1, la référence : « L. 221-1-1, » est supprimée ;
3° L’article L. 221-1-1 est abrogé.
II. – Le second alinéa du III de l’article 95 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 est supprimé.
III. – Les modalités de suivi et de comptabilisation des recettes et dépenses mentionnées aux II et III de l’article L. 221-1-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, telles que mises en œuvre pour l’exercice 2017, sont maintenues pour l’établissement des comptes des régimes obligatoires de base d’assurance maladie de l’exercice 2018.
Le montant de la dotation des régimes obligatoires de base d’assurance maladie, comptabilisée par ces derniers et incluse dans le champ des dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, correspond au solde des recettes et dépenses mentionnées au premier alinéa du présent III.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’article 4 supprime le fonds de financement de l’innovation pharmaceutique qu’avait créé le précédent gouvernement à l’occasion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. Ce dispositif aura donc connu une courte existence ! On nous avait expliqué à l’époque que son objectif était de retracer plus clairement les dépenses liées à la prise en charge des médicaments innovants et de lisser sur plusieurs années les dépenses de médicaments liés à l’innovation pharmaceutique.
Dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, vous traduisez, madame la ministre, les recommandations de la Cour des comptes. La Cour avait critiqué ce fonds, estimant qu’il s’agissait d’un mécanisme dangereux de débudgétisation.
En effet, la dotation initiale de ce fonds – 875 millions d’euros, rappelons-le – a été prélevée sur le Fonds de solidarité vieillesse et traitée en recettes dans les comptes de l’assurance maladie pour 2017.
Ce jeu de vases communicants a donc amélioré de façon artificielle les comptes de l’assurance maladie ; par un autre jeu de vases communicants, cela permettait d’afficher un ONDAM plus contraint qu’il n’était en réalité et ainsi d’afficher une belle maîtrise des dépenses publiques. Car cette maîtrise vous est aussi très chère, madame la ministre : je ne sais si nous chargeons au niveau de la sécurité sociale, mais vous, vous chargez au niveau des restrictions budgétaires !
Nous prenons acte de la disparition de ce dispositif. Je profite de l’occasion pour souligner combien il est indispensable d’évaluer les expériences qui sont tentées. En effet, en tant que parlementaires, nous sommes tous et toutes très intéressés par les évaluations des expériences. Or, souvent, nous ne disposons pas de ces évaluations, et nos demandes de rapports sont rejetées. C’est donc quelque peu compliqué pour nous.
Je veux donc insister, madame la ministre, et attirer votre attention sur ce problème : quand nous demandons des évaluations, un bilan ou un rapport, on pourrait nous donner gain de cause plutôt que, par exemple, nous répondre qu’on a créé une commission, où ne siège aucun parlementaire, qui s’occupera de la question et rendra ses conclusions.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, sur l’article.
M. Michel Amiel. J’étais déjà intervenu l’année dernière sur ce fonds d’innovation ; je l’avais alors défini comme une simple écriture comptable. Et la Cour des comptes a demandé que ce fonds d’innovation soit réintégré dans le cadre général de l’ONDAM.
Il faut selon moi se féliciter de la suppression de ce fonds, et ce pour des raisons de lisibilité comptable plus générales, même s’il existe bien une possibilité que, si vous me passez l’expression, cela dope la dynamique de l’ONDAM.
Il n’en reste pas moins qu’en termes de lisibilité purement financière et comptable, c’est selon moi une bonne chose que l’ONDAM englobe la totalité des dépenses liées à l’innovation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. M. le sénateur Amiel m’a devancée : en effet, c’est purement comptable, et la Cour des comptes recommande la suppression de ce fonds.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
I. – Au titre de l’année 2018, sont rectifiés :
1° Les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Maladie |
211,9 |
212,8 |
-0,9 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
14,2 |
13,3 |
0,9 |
|
Vieillesse |
236,9 |
236,6 |
0,4 |
|
Famille |
50,5 |
50,1 |
0,4 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
499,9 |
499,2 |
0,7 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches), y compris Fonds de solidarité vieillesse |
498,2 |
499,6 |
-1,4 |
; |
2° Les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Maladie |
210,4 |
211,3 |
-0,9 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
12,8 |
12,0 |
0,8 |
|
Vieillesse |
134,5 |
133,7 |
0,8 |
|
Famille |
50,5 |
50,1 |
0,4 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
395,2 |
394,1 |
1,1 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches), y compris Fonds de solidarité vieillesse |
394,6 |
395,7 |
-1,0 |
; |
3° Les prévisions de recettes, les prévisions de dépenses et le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Fonds de solidarité vieillesse |
16,8 |
18,9 |
-2,1 |
; |
4° L’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale qui est fixé à 15,4 milliards d’euros ;
5° Les prévisions des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, lesquelles sont nulles.
II. – En 2018, par dérogation à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, le crédit d’impôt prévu à l’article 231 A du code général des impôts ne fait pas l’objet d’une compensation à la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. L’article 5 traduit l’activité de l’année 2018, qui a été marquée par d’importants transferts entre la sécurité sociale, l’État et l’UNEDIC.
Le bilan peut être lu de la façon suivante.
Pour les régimes de sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, la hausse de la CSG a représenté en 2018 un gain de 22,4 milliards d’euros, pour partie compensé par une réduction des cotisations sociales, de 7,6 milliards d’euros.
Le bilan net est donc un surcroît global de prélèvements sociaux de 14,8 milliards d’euros. L’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, verse à l’UNEDIC, en contrepartie de la diminution des ressources de l’assurance chômage, une compensation de 9,4 milliards d’euros. Le gain en recettes pour les régimes de la sécurité sociale et le FSV est ainsi ramené à 5,4 milliards d’euros.
Ce supplément de recettes de la sécurité sociale lié à la mesure qui a partiellement substitué la CSG aux cotisations sociales est intégralement restitué à l’État en 2018 sous forme d’une fraction de TVA et du prélèvement de solidarité sur les revenus du capital.
Mes chers collègues, je ne peux m’empêcher de penser que les retraités, par l’augmentation qu’a connue la CSG en 2018, ont ainsi participé au budget général et, en particulier, à des mesures d’allégement de fiscalité qui étaient destinées à d’autres catégories sociales. Si l’objectif était bien la suppression des cotisations sociales pour les salariés au cours de l’année 2018, il n’y avait pas nécessité, madame la ministre, monsieur le ministre, d’augmenter la CSG de 1,7 point pour les retraités dès le 1er janvier !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 381 rectifié est présenté par MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, M. Fichet, Mme Guillemot, M. Magner, Mmes S. Robert et Monier, MM. Kerrouche, Tissot, Antiste, J. Bigot, P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 479 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 381 rectifié.
M. Yves Daudigny. L’article 5, qui rectifie les objectifs relatifs à l’exercice 2018, prévoit, comme pour 2017, de ne pas compenser le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires. La perte qui résulte de cette seule mesure pour les comptes de la sécurité sociale s’élève à 600 millions d’euros, soit nettement plus que le montant dégagé par la hausse de l’ONDAM et censé améliorer la situation de l’hôpital.
En fait, cet article doit être rapproché de l’article 19 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et de l’article 38 du projet de loi de finances pour 2019, bref de toutes ces mesures qui siphonnent les comptes de la sécurité sociale pour alimenter le budget de l’État.
Madame la ministre, vous tablez sur une manne qui, d’ailleurs, n’existe pas encore, et ce non pas pour améliorer la santé des Français ou la situation de nos concitoyens les plus fragiles - même si vous venez d’annoncer un plan de lutte contre la pauvreté -, mais pour alimenter les caisses de l’État déficitaire.
Jusqu’à maintenant, quand une cotisation était supprimée ou réduite, l’État compensait cette perte pour la sécurité sociale ; certes, ce n’était peut-être pas toujours une compensation intégrale, mais le principe même était respecté.
C’est à cette règle que vous mettez fin. Vous tirez d’ores et déjà les conséquences du rapport sur la rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale : par ce système de vases communicants, la sécurité sociale et son projet de loi de financement sont mis au service de la réduction du déficit.
Nous refusons que Bercy détermine à quel niveau les besoins des Français en matière de protection sociale seront couverts à l’avenir, sauf à accepter qu’ils se réduisent à une prise en charge forfaitaire, soit à un panier de base. C’est pourquoi l’autonomie financière de la sécurité sociale, garantie du haut niveau de prise en charge de nos concitoyens, sera le fil rouge de notre appréhension de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 479.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 5 rectifie les prévisions de recettes et de soldes ainsi que les objectifs de dépenses relatifs à l’année en cours. Or son alinéa 10 prévoit, comme en 2017, la non-compensation en 2018 du CITS, dont le montant s’élève à 600 millions d’euros.
Le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires a été créé par la loi de finances pour 2017 en miroir du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui ne s’adressait qu’au secteur lucratif. Cet article prévoit donc qu’en 2018 les organisations non lucratives bénéficieront d’exonérations de cotisations sociales.
Outre que cette décision ne repose sur aucune étude scientifique ou économique démontrant des effets positifs sur l’emploi, cette non-compensation du CITS par l’État va aggraver la situation de la sécurité sociale.
La compensation par l’État des baisses de cotisations de la sécurité sociale constitue un principe fondamental de l’autonomie des finances sociales, comme ma collègue Laurence Cohen a eu l’occasion de le rappeler en défendant notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. L’absence de compensation des exonérations est d’autant plus grave que les montants en cause sont très élevés.
Je rappelle, à titre de comparaison, que ces 600 millions d’euros non compensés représentent une fois et demie l’augmentation du budget de la santé prévue par le Gouvernement quand il fixe le taux d’augmentation de l’ONDAM à 2,5 %.
Nous refusons l’étatisation et l’affaiblissement de la sécurité sociale : ils remettent en question l’avenir de notre système de sécurité sociale, auquel nous sommes profondément attachés.
Tel est le sens de notre amendement de suppression de cette disposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements identiques, qui visent à rétablir le versement à la sécurité sociale d’une compensation pour le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, ont reçu de la commission un avis défavorable.
Certes, le procédé consistant à demander cette non-compensation en deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année suivante n’est pas satisfaisant. Toutefois, le CITS s’éteint de toute façon à la fin de cette année, et il n’était déjà pas compensé auparavant. Il ne relève donc pas à proprement parler de la rénovation des relations entre l’État et la sécurité sociale pour les années à venir, rénovation dont nous débattrons lors de l’examen de l’article 19.
Je confirme donc l’avis défavorable de la commission sur ces amendements identiques, mais je tiens à souligner que le concept de non-compensation nous intéresse sur le fond.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. En effet, nous aurons sans doute ce débat lors de l’examen de l’article 19. J’estime néanmoins utile, comme M. Dussopt et Mme Buzyn l’ont fait hier, de dire quelques mots sur ce sujet à l’invitation de M. Daudigny et de Mme Apourceau-Poly.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur général : le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur ces amendements, parce que la disposition ici prolongée existait déjà l’année dernière et s’éteindra demain pour les raisons que vous avez évoquées.
Cela dit, plus largement, la question posée par M. Daudigny est celle de la relation entre l’État et la sécurité sociale. C’est une relation importante, complexe et parfois opaque, qui répond à des exceptions désormais très largement devenues des règles.
Agnès Buzyn et ce gouvernement – je pense que c’est à mettre à son crédit – ont eu le courage de commander un rapport sur ce sujet à MM. Dubertret et Charpy afin d’apporter un éclairage net sur ces relations toujours plus complexes, opaques et multiples entre l’État et la sécurité sociale.
Monsieur le sénateur Daudigny, je ne peux pas tout à fait laisser vos propos sans réponse. D’abord, aujourd’hui, les compensations versées par l’État à la sécurité sociale sont de l’ordre de 36 milliards d’euros ; les non-compensations, de 2 milliards d’euros. Il faut savoir rester raisonnable dans les comparaisons !
De manière plus générale, la sécurité sociale ne vit pas dans une bulle. Elle vit notamment grâce à la croissance de l’économie et de la matière sociale au sens des cotisations sociales, par le biais de la masse salariale soumise à taxation.
Parfois, pour qu’augmente cette masse salariale, il faut baisser certains prélèvements et donc toucher à ce qu’on appelle la fiscalité de l’État. Quand on baisse l’impôt sur les sociétés, quand on met en avant un certain nombre de dispositions visant à relancer l’économie, telles que la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune ou la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, on permet à l’économie de croître à un rythme de 1,7 % – ce chiffre a été confirmé dans le projet de loi de finances rectificative que j’ai présenté hier à l’Assemblée nationale. Ainsi, la masse des cotisations sociales et de la CSG est plus importante que lorsqu’on raisonne en vase clos.
Il me faut mentionner une autre chose à laquelle chacun est attaché : si les débats parlementaires sont séparés entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il n’y a en revanche, bien sûr, qu’un seul contribuable, qui paye son impôt de manière générale. C’est tellement vrai que, quand je présente au nom du Gouvernement l’état des comptes publics et que vous le commentez, en bien ou en mal, vous parlez bien du déficit public toutes administrations publiques confondues, y compris la sécurité sociale ; il en est de même du taux de prélèvements obligatoires et du taux de dépense publique, à l’évidence compris toutes administrations publiques confondues.
Faut-il pour autant mettre fin à l’autonomie de la sécurité sociale ? La réponse est non, évidemment. D’ailleurs, la réforme constitutionnelle présentée par le Gouvernement ne prévoit pas la fusion des textes financiers. En effet, nous respectons, comme la Constitution le prévoit, l’autonomie de la sécurité sociale, même si cela peut parfois prêter à confusion et qu’on aurait pu imaginer que le débat sur les recettes soit mis en commun. Ce n’est pas le choix qu’ont fait le Gouvernement et le Parlement dans leurs réflexions constitutionnelles : il y a bien des textes séparés, dans chacun desquels figurent recettes et dépenses.
Faut-il pour autant maintenir les règles telles que nous les connaissons ? La réponse est non. Ainsi, Mme la ministre des solidarités et de la santé et moi-même compensons l’intégralité des allégements généraux. Quand nous décidons de transformer le CICE en allégement de charges – zéro charge sur le SMIC ! –, ce qui représente 20 milliards d’euros, nous le faisons avec l’argent de l’État, si vous me permettez cette expression.
Cela pousse d’ailleurs M. Albéric de Montgolfier, dans un propos sans doute plus rapide que de coutume – j’imagine d’ailleurs qu’il le corrigera en séance publique –, à nous reprocher d’avoir dégradé le déficit de l’État. Mais nous ne l’avons pas dégradé ; nous ne faisons que prendre en charge les effets que les allégements de charges ont eus sur la sécurité sociale. S’il n’y avait pas les allégements de charges, s’il n’y avait pas de compensation de l’État à la sécurité sociale, à la suite de la réforme très structurante du CICE, bousculé en allégement de charges, le déficit de l’État serait inférieur à celui de l’année dernière.
Nous ne sommes pas ici pour faire de la comptabilité, mais bien pour remettre, sinon l’église au milieu du village – je ne le dirais pas dans une enceinte républicaine et laïque –, mais le Sénat au milieu du jardin du Luxembourg, si vous me permettez cette expression. (Sourires.)
Et nous n’avons pas aujourd’hui à rougir de la gestion de la sécurité sociale. C’est ce qu’a démontré la commission des comptes de la sécurité sociale, qui a constaté un léger excédent, entre 600 et 700 millions d’euros. Nous y reviendrons après le débat parlementaire, monsieur le rapporteur général. Ce léger excédent n’est pas la fin de la dette sociale, puisque nous devons encore 126 milliards d’euros, mais il nous incombe de désendetter notre pays comme la sécurité sociale ; le contribuable désendette les deux !
Oui, la réforme de simplification que nous proposons s’inspire du rapport de MM. Dubertret et Charpy. Oui, c’est un débat très important, que nous aurons encore, peut-être, lors de l’examen de l’article 19. Mais non, nous n’utilisons pas les deniers de l’État et la fiscalité de l’État pour nous défausser sur la sécurité sociale, bien au contraire : 36 milliards d’euros d’une part, 2 milliards de l’autre. Je crois qu’il faut savoir rester raisonnable dans ses comparaisons !
L’avis du Gouvernement sur ces amendements, je le répète, est donc défavorable, et les précisions que j’ai apportées sur les relations entre l’État et la sécurité sociale serviront peut-être pour d’autres amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 381 rectifié et 479.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
Au titre de l’année 2018, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs sont rectifiés ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
|
Sous-objectif |
Objectif de dépenses |
Dépenses de soins de ville |
89,5 |
Dépenses relatives aux établissements de santé |
80,5 |
Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées |
9,2 |
Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées |
11,1 |
Dépenses relatives au Fonds d’intervention régional |
3,3 |
Autres prises en charge |
1,7 |
Total |
195,4 |
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Je souhaite, à l’occasion de l’examen de cet article, qui traite de l’ONDAM, évoquer la situation plus qu’inquiétante des hôpitaux.
Pour 2019, le taux de progression de l’ONDAM est de 2,5 %, au lieu de 2,3 % en 2018. Malheureusement, cette augmentation doit être relativisée, notamment au regard de la dette de 30 milliards d’euros de nos hôpitaux. Au quotidien, ces derniers doivent faire toujours plus avec moins.
C’est d’autant plus marquant dans ma région, la Normandie : la croissance de la population y est inférieure à la moyenne nationale, et cette population vieillissante présente des pathologies lourdes et un taux de mortalité plus important qu’au niveau national. Dans ma région, le déficit des établissements hospitaliers devrait être cette année de 92 ou 93 millions d’euros. En 2017, 40 hôpitaux normands sur 54 étaient déjà en déficit ; en 2018, quasiment tous le seront.
D’un côté, madame la ministre, vous imposez une baisse des tarifs de remboursement des actes en expliquant que cela sera compensé par la hausse du nombre d’actes ; de l’autre, vous demandez aux hôpitaux de développer l’activité ambulatoire, qui a vocation à réduire la durée des séjours. Les tarifs vont donc encore baisser en même temps que les volumes : cela n’est pas tenable !
Malgré leurs efforts de gestion, indéniables et continus, les hôpitaux n’ont plus les marges de manœuvre qui leur permettraient d’investir dans les nouveaux outils nécessaires pour mener à bien leur mission de soin. Que doivent donc faire nos hôpitaux ? Baisser encore la masse salariale, alors que leur personnel est déjà sous tension ? Et le service public de santé, dans tout cela ? Tout le monde sait qu’aujourd’hui c’est le personnel des hôpitaux – infirmiers et médecins – qui porte le système à bout de bras ; si les établissements tiennent encore debout, c’est uniquement grâce au professionnalisme du personnel.
Des propositions vous ont été faites par les fédérations d’établissements de santé et d’hôpitaux. Je ne suis bien sûr pas opposée au virage ambulatoire, mais ne voyez-vous pas le décalage entre, d’une part, les effets à en attendre sur la situation économique du système de soins et, d’autre part, la situation de nos hôpitaux ?
Madame la ministre, il vous appartient d’entendre le personnel des hôpitaux publics et de gérer ce décalage dans le temps.
L’hôpital est plus que jamais en péril. En effet, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale – cela a déjà été dit –, le niveau de prise en charge des patients serait dégradé, et de nouvelles réductions d’emplois seraient menées, aggravant encore le découragement des professionnels, sans parler d’une baisse accrue des capacités d’investissement, pourtant absolument indispensables pour pratiquer une médecine moderne.
Il devient urgent d’agir avant d’atteindre le point de non-retour ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. L’amendement n° 393 rectifié, présenté par MM. Tourenne, Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et Blondin, M. Fichet, Mme Guillemot, M. Magner, Mmes S. Robert et Monier, MM. Kerrouche, Tissot, Antiste, J. Bigot, P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La répartition entre les sous-objectifs est établie sur la base de l’effort commun demandé à chacun des fonds et cette répartition sera fixée par décret.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Nous proposons par cet amendement une meilleure ventilation des efforts, ou des augmentations de crédits affectés à chacun des domaines de l’assurance maladie.
Ainsi, on s’aperçoit que, pour les soins de ville, l’ONDAM, qui est pourtant plus généreux, est régulièrement dépassé ; ce sont les ONDAM des hôpitaux et des établissements médico-sociaux qui viennent compenser, par un prélèvement s’effectuant chaque année. Les projets du Gouvernement pour 2019 sonnent comme un encouragement à dépenser encore davantage : les soins de ville sont favorisés, et bénéficient d’un taux de progression de l’ONDAM de 2,7 %, quand les hôpitaux ne reçoivent qu’un taux de 2,4 %. Ce taux ne prend d’ailleurs pas en compte l’annulation de 200 millions de crédits, qui va ramener à 2,2 % ou 2,3 % le taux d’augmentation de l’ONDAM pour les hôpitaux. C’est la même chose pour les établissements médico-sociaux. On vient de le dire, on vient de le montrer.
Je me souviens que, après les grandes manifestations du personnel des EHPAD, nous avions tous pris position et affirmé que cela ne pouvait pas continuer ainsi. Les situations sont absolument intolérables et il faut que nous apportions des solutions, ne serait-ce que pour nos concitoyens qui sont résidents de ces établissements et pour les personnels, qui n’en peuvent plus.
Or la traduction qui en est faite au travers de la répartition des sous-objectifs de l’ONDAM est totalement incompatible avec les grandes déclarations du Gouvernement, mais également de l’ensemble des membres de cette assemblée.
Le présent amendement vise donc à renvoyer à un décret la fixation d’une répartition plus équitable des objectifs des différentes catégories de dépenses d’assurance maladie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur Tourenne, les enjeux que vous soulevez sont importants, mais, le rééquilibrage ne pouvant se faire en cours d’exécution, ils appellent de notre part quelques réserves.
Nous partageons votre constat selon lequel des efforts de régulation s’imposent et qu’ils ne doivent pas se faire uniquement au détriment des établissements de santé. Je soutiens également les propos de Mme Féret concernant ces derniers. Il faut qu’un mécanisme équivalent existe pour les soins de ville.
Permettez-moi toutefois de préciser que M. Revel, directeur général de la CNAM, nous a indiqué lors de son audition qu’il n’existait pas de séparation très nette entre les dépenses de ville et les dépenses de l’hôpital.
Par exemple, l’ONDAM de ville inclut des dépenses prescrites par les établissements hospitaliers, notamment dans les cas de rétrocession de médicaments, ou des éléments de rémunération des praticiens. Il faut en être conscient.
Par ailleurs, nous avons noté la volonté du Gouvernement de mieux prendre en compte ces enjeux, en appliquant une réserve prudentielle de 120 millions d’euros sur l’ONDAM de ville.
Nous nous interrogeons toutefois, madame la ministre, monsieur le ministre, sur le caractère opérationnel de cette mesure. Si elle traduit une volonté de mieux partager l’effort, que nous soulignons, peut-être faudrait-il éviter que ces régulations n’interviennent qu’ex post. Un ajustement des dépenses en cours d’année permettrait ainsi d’éviter de ne faire que constater un déficit plus important des dépenses de soins de ville.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. C’est une discussion quelque peu étonnante que celle qui est engagée par le groupe socialiste et républicain sur la politique de baisse des tarifs accompagnée d’une demande d’augmentation du nombre d’actes, car c’est exactement celle qu’a menée le précédent gouvernement pendant cinq ans. Ce que je propose est justement de sortir du système de tarification à l’activité pour éviter cette course à l’acte. Cela n’a pas été fait avant.
Vous évoquez un ONDAM « indécent » par rapport aux besoins, monsieur le sénateur. Or je rappelle qu’il s’agit de l’ONDAM le plus élevé depuis six ans, puisque son taux de progression se situait autour de 2 % durant les cinq années qui ont précédé.
Donnez-nous au moins acte de notre volonté de changer le système, les modes de tarification et les modes d’organisation. C’est vraiment un mauvais procès que vous faites au Gouvernement, monsieur Tourenne, surtout venant de vous.
S’agissant du médico-social, l’ONDAM relatif aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, a été fixé à 3,2 %. Il a été spécifiquement augmenté afin de permettre la mise en œuvre de la feuille de route pour relever le défi du vieillissement et le plan d’urgence pour les EHPAD, que j’ai présentés le 30 mai dernier.
Par ailleurs, l’autorisation d’augmentation des dépenses a été portée à 2,7 % en 2019, contre 2,4 % en 2018.
L’ONDAM médico-social permettra ainsi d’accélérer la gestion de la charge en soins dans les établissements médico-sociaux.
Comme le rapporteur général l’a souligné, l’ONDAM de ville ne se limite pas aux soins de ville. Il comprend bien davantage, puisqu’il inclut les indemnités journalières, dont la progression est connue et sur laquelle nous aurons l’occasion de débattre, les frais de transport, la rémunération d’actes de professionnels de santé effectués dans les établissements de santé et les médicaments prescrits à l’hôpital.
Contrairement à l’image sainte que l’on peut en avoir, il s’agit non pas d’opposer la médecine de ville et l’hôpital public, mais simplement de répartir des pôles de dépenses nommés « ville » et « hôpital » indépendamment du prescripteur.
Aujourd’hui, nous devons consentir un effort particulier pour restructurer les soins de ville. C’est ce que nous faisons au travers du virage ambulatoire, dans un objectif non pas financier, mais de qualité des soins et de qualité de vie pour les malades, notamment afin d’éviter les maladies nosocomiales.
Ce qui va permettre de mieux équilibrer l’hôpital public, c’est de diversifier son mode de financement. C’est ce que nous faisons avec la diminution progressive de la part de la tarification à l’activité, ou T2A.
J’aurais souhaité que mon ministère dispose dans ses tiroirs de données suffisantes pour mettre en œuvre ce virage et cette diversification plus rapidement.
L’avis sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Madame la ministre, je crois qu’il ne faut pas entrer dans ce débat de façon quelque peu politicienne, comme vous le faites.
Prenez acte du fait que nous avons accueilli le plan « Ma santé 2022 », annoncé par le chef de l’État à l’Élysée, de manière favorable et bienveillante, parce que nous en partageons les grandes orientations. Nous n’adoptons donc pas une posture de critique pour la critique.
Concernant les déficits de la sécurité sociale, nous vous donnons acte du quasi-retour à l’équilibre.
Je vous invite toutefois à regarder dix ans en arrière : après le pic de la crise de 2008, le déficit des comptes sociaux, qui s’élevait à 29 milliards d’euros, s’est résorbé d’année en année durant la seconde partie du quinquennat de Nicolas Sarkozy et durant tout le quinquennat de François Hollande. C’est un continuum heureux de l’action publique : les différents gouvernements ont travaillé à rétablir les comptes de la sécurité sociale. Si vous pouvez aujourd’hui afficher des comptes à l’équilibre, c’est grâce à tout le travail accompli les années précédentes. Les comptes parlent d’eux-mêmes.
La vraie question est à présent de savoir ce que nous allons faire collectivement de ce retour à l’équilibre que nous approuvons tous. Comment allons-nous investir dans la santé de demain une fois la dette sociale apurée, si tant est qu’elle ne se reconstitue pas ?
Concernant l’ONDAM, permettez-moi de rappeler que, s’il était de 1,8 % en 2016, l’inflation n’était alors que de 0,2 %. Les hôpitaux et le système de santé n’échappant pas aux conséquences de l’évolution du coût de la vie, afficher un ONDAM de 2,5 % ou de 2,3 % quand l’inflation en glissement annuel se situe autour de 2 % ne constitue pas un desserrement spectaculaire.
Mais quittons un peu les chiffres. La réalité est que les hôpitaux sont dans une situation intenable, et notre système de santé sous grande tension.
Travaillons ensemble à sortir de cette situation et, par pitié, cessez d’utiliser ce qui a été fait entre 2002 et 2007 ou entre 2007 et 2012 comme l’argument suprême. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
(La deuxième partie du projet de loi est adoptée.)
TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2019
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. En cette période de célébration du centenaire de la guerre de 14-18, les échanges entre Mme la ministre et M. Jomier, que j’ai écoutés attentivement, m’ont rappelé cette phrase de Clemenceau : « En politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables. » (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 témoigne du paradoxe et des limites de la politique du « en même temps ». Peut-on en même temps baisser les recettes et tenir l’équilibre, baisser les dépenses et résorber la dette ?
C’est à tout le moins un exercice délicat, et je me permets d’émettre certaines réserves sur la capacité du Gouvernement, et de tout gouvernement quel qu’il soit, à y parvenir rapidement.
Le levier des recettes n’est pas le plus difficile à manier. La commission des affaires sociales a approuvé les mesures de baisse des prélèvements sur les entreprises au bénéfice de la compétitivité et de l’emploi. Je ne doute pas que les débats qui vont suivre témoigneront de l’inventivité dont on peut faire preuve dans ce domaine. Le Gouvernement a ouvert la voie avec plus de 20 milliards d’euros, ce qui ne saurait manquer de susciter des initiatives.
L’équilibre des comptes sociaux semble enfin à la portée de notre pays, qui n’a pas connu une telle situation depuis vingt ans. Nous le devons avant tout à l’amélioration de la masse salariale du secteur privé et à l’amélioration de la situation de l’emploi.
Nous ne pouvons que saluer cet équilibre retrouvé. Dans l’intérêt même de notre protection sociale, nous devons nous efforcer de le préserver.
Dans ses différentes composantes, un système de santé tout à la fois de pointe et solidaire, des retraites décentes et une politique de soutien aux familles, la protection sociale appartient à l’identité même de notre pays. Laisser filer les déficits, c’est évidemment la mettre en péril.
L’équilibre des comptes permet-il d’envisager la résorption de la dette sans en faire porter le poids sur les générations futures ? Pour la partie transférée dans le mécanisme d’amortissement pour le moins original de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, ou CADES, très certainement. Pour le reste, évalué par notre rapporteur général à quelque 14 milliards d’euros en fin de période couverte par le présent texte, rien n’est moins sûr.
Nous avons du mal à comprendre le choix, clairement assumé par le Gouvernement, de laisser perdurer cette dette, certes compensée en trésorerie par les excédents consolidés de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, car, nous semble-t-il, ni l’un ni l’autre ne sont justifiés.
La commission des affaires sociales insiste beaucoup sur ces paramètres, qui devront impérativement être intégrés dans les relations financières entre l’État et le champ social. Peut-être le Gouvernement souhaite-t-il laisser cette dette à la sécurité sociale comme aiguillon pour l’inciter à la vertu budgétaire.
Vous n’avez pas fait mystère, monsieur le ministre, du souhait du Gouvernement de voir disparaître le texte que nous examinons aujourd’hui, afin de pouvoir enfin piloter ces dépenses aussi bien que celles de l’État.
Le montant de 100 milliards d’euros atteint par les niches fiscales me semble témoigner du fait que les règles de compensation des pertes de recettes de la sécurité sociale sont une corde de rappel indispensable pour la responsabilisation des acteurs. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Chapitre Ier
Mesures en faveur du soutien à l’activité économique et des actifs
Article 7
I. – L’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale est ainsi rétabli :
« Art. L. 241-17. – I. – Ouvrent droit à une réduction des cotisations salariales d’origine légale mentionnées à l’article L. 241-3 :
« 1° Les rémunérations versées aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies aux articles L. 3121-28 à L. 3121-39 du code du travail et, pour les salariés ayant conclu la convention de forfait en heures sur l’année prévue au deuxième alinéa de l’article L. 3121-56 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures ;
« 2° Les rémunérations versées au titre des heures mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 3123-2 du même code ;
« 3° Les rémunérations versées au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3121-41 du même code, à l’exception des heures effectuées en deçà de 1 607 heures lorsque la durée annuelle fixée par l’accord mentionné à cet article est inférieure à ce niveau ;
« 4° La majoration de rémunération versée aux salariés ayant conclu la convention de forfait en jours sur l’année prévue à l’article L. 3121-58 du même code, en contrepartie de leur renonciation, au-delà de la limite du nombre de jours fixée en application du 3° du I de l’article L. 3121-64 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-59 du même code ;
« 5° Les rémunérations versées aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail accomplies en application des articles L. 3123-8, L. 3123-9, L. 3123-20 et L. 3123-21, du dernier alinéa de l’article L. 3123-22 et des articles L. 3123-28 et L. 3123-29 du même code ;
« 6° Les rémunérations versées aux salariés des particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;
« 7° Les rémunérations versées aux assistants maternels définis à l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;
« 8° Les rémunérations versées aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours sur l’année, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés auront renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.
« II. – Le montant de la réduction, prévue au I, de cotisations salariales d’origine légale mentionnées à l’article L. 241-3 du présent code est égal au produit d’un taux fixé par décret et des rémunérations mentionnées au même I, dans la limite des cotisations d’origine légale et conventionnelle dont le salarié est redevable au titre des heures concernées. La réduction est imputée sur le montant des cotisations salariales d’origine légale mentionnées à l’article L. 241-3 dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération définie à l’article L. 242-1 pour les périodes au titre desquelles elle est attribuée et ne peut dépasser ce montant.
« III. – Les I et II sont également applicables, selon des modalités prévues par décret :
« 1° Aux éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires et non titulaires au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;
« 2° À la rémunération des heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1.
« IV. – La réduction prévue au I s’applique :
« 1° Aux rémunérations mentionnées au I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :
« a) Des taux prévus par la convention ou l’accord collectif applicable mentionné au I de l’article L. 3121-33 du code du travail s’agissant des heures supplémentaires et à l’article L. 3123-21 ou au dernier alinéa de l’article L. 3123-22 du même code s’agissant des heures complémentaires ;
« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :
« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou de 50 % prévus, selon les cas, à l’article L. 3121-36 du même code ;
« – pour les heures complémentaires, des taux de 10 % ou de 25 % prévus, selon les cas, au dernier alinéa de l’article L. 3123-22 ou à l’article L. 3123-29 du même code ;
« 2° Aux éléments de rémunération mentionnés au 1° du III dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.
« V. – Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article L. 242-1, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.
« VI. – Le cumul de la réduction prévue au présent article avec l’application d’une exonération totale ou partielle de cotisations salariales de sécurité sociale ou avec l’application de taux réduits, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ne peut être autorisé, dans la limite mentionnée au II, que dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les salariés concernés. »
II. – Les deuxième à dernier alinéas du I de l’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale sont remplacés un alinéa ainsi rédigé :
« La réduction s’applique au titre des heures mentionnées aux 1° à 3° du I de l’article L. 241-17. »
III. – À l’article L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime, la référence : « L. 241-18 » est remplacée par la référence : « L. 241-17, ».
III bis (nouveau). – Le présent article est applicable à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans la limite des taux de cotisations en vigueur dans ces territoires.
IV. – Le présent article s’applique aux cotisations dues pour les périodes courant à compter du 1er septembre 2019.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Le présent article prévoit l’exonération de la part salariale des cotisations sociales sur les heures supplémentaires et complémentaires, et ce sans prévoir une quelconque contrepartie pour les comptes publics de la sécurité sociale.
Nous ne pouvons souscrire à une telle mesure.
En effet, les organismes sociaux fonctionnent grâce aux recettes engrangées par le prélèvement des cotisations, tant salariales que patronales. Lorsque la sécurité sociale perd des moyens financiers, seules deux issues sont possibles : l’endettement croissant ou la baisse de la qualité des services.
Madame la ministre, alors que notre pays compte près de 9 millions de citoyens précaires, ne vous semble-t-il pas déraisonnable de dégrader ainsi le bon fonctionnement de notre sécurité sociale ?
Nous ne pouvons non plus souscrire à la logique de l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, dans la mesure où cela inciterait les employeurs à davantage y avoir recours.
Cette mesure va à rebours des politiques menées depuis des décennies en matière de temps de travail. Alors que notre pays compte 9 % de chômeurs et que nous entrons progressivement dans une société de la raréfaction de l’emploi, tous les indicateurs devraient inciter à la réduction du temps de travail.
Vous vous livrez à une pratique opposée à tout bon sens, que vous justifiez par un gain de pouvoir d’achat pour les travailleurs, qui sera pourtant, selon toute vraisemblance, anéanti par la sous-indexation des prestations sociales prévue dans le PLFSS.
Mes chers collègues, il y a dix ans, Nicolas Sarkozy nous proposait de travailler plus pour gagner plus.
M. Roger Karoutchi. Bonne référence !
Mme Esther Benbassa. Avec l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, M. Darmanin nous présente désormais « le travailler plus pour ne pas perdre en pouvoir d’achat ». De mieux en mieux, dirions-nous, non sans ironie…
M. le président. L’amendement n° 480, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise à supprimer l’article 7, qui procède à des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires.
Nous nous opposons à cette mesure pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, elle prive les organismes sociaux d’une partie des ressources pourtant nécessaires à leur fonctionnement. La défiscalisation des heures supplémentaires constitue un manque à gagner, qui se répercute sur ces organismes, les conduisant à creuser leurs déficits et à s’endetter davantage.
Cette mesure favorise également la fiscalisation des financements, à laquelle nous nous étions déjà opposés lors du précédent PLFSS, qui avait affecté la CSG au budget de la sécurité sociale.
Cette politique revient sur la logique assurantielle ayant présidé à la création de la sécurité sociale et qui repose sur un principe simple, selon lequel les cotisations ouvrent droit à une protection.
En diminuant la part des cotisations et en augmentant la part fiscale du budget de la sécurité sociale, on en fait un simple pôle de dépenses de l’État, pouvant être augmenté, mais surtout réduit, selon les besoins. Le risque est donc que les salariés soient dépossédés de leurs droits.
Enfin, cette mesure ne nous semble pas en adéquation avec les objectifs de lutte contre le chômage.
En effet, afin de lutter contre le chômage, dont le taux s’élève actuellement à 9 %, il paraît plus cohérent de mener des politiques favorisant les embauches nouvelles plutôt que d’inciter à l’augmentation du temps de travail des salariés ayant un emploi.
Quant à l’argument employé par le Gouvernement, selon lequel ces exonérations permettront un gain de pouvoir d’achat, il est contestable.
Si les salariés en emploi à temps plein n’arrivent pas à vivre correctement, c’est qu’il est temps de revaloriser les salaires, notamment le SMIC, et d’arrêter de rogner sur les prestations familiales plutôt que de leur demander d’allonger leur temps de travail.
Pour toutes les raisons énoncées, nous demandons la suppression de l’article 7. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Dans sa grande majorité, la commission s’est prononcée en faveur de l’adoption de l’article 7, qui propose d’instaurer une exonération des cotisations salariales sur les heures supplémentaires. Contrairement à ce que vous dites, madame la sénatrice, nous pensons qu’une telle mesure améliore le pouvoir d’achat des salariés.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. S’il y a une chose que la majorité d’hier a mal faite, c’est bien de supprimer les heures supplémentaires désocialisées et défiscalisées pour les ouvriers et pour les employés de notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. Manuel Valls le disait lui-même lorsqu’il était encore Premier ministre, et je crois que le président Hollande a fortement regretté d’avoir, par idéologie, cassé une mesure d’autant plus difficile à mettre en place lors de la loi TEPA qu’elle n’a pas été supprimée au moment de la crise financière.
C’était par idéologie, parce que vous considérez que le travail est un gâteau qui se partage, alors que le travail est une dynamique. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Rachid Temal. Ce n’est pas vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est pourtant évident. Si la mesure a autant profité aux ouvriers et aux employés de ce pays, c’est bien parce que les heures supplémentaires étaient à la fois défiscalisées et désocialisées.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. Depuis l’année dernière, nous assumons également notre volonté de passer d’un système assurantiel à un système universel de financement, notamment de la protection sociale.
Les choses ont changé depuis 1945. Il ne vous aura pas échappé qu’il y a moins d’actifs qu’il n’y en avait hier, que les taux de croissance ne sont pas les mêmes que dans les années 1950 à 1970, que le chômage n’est pas le même que dans les années 1950 à 1980, que les pensions ne sont pas les mêmes non plus et que les personnes, et c’est heureux, vivent plus longtemps.
Monsieur Jomier, vous avez reproché à Mme la ministre de faire de la politique,…
M. Bernard Jomier. De la politique politicienne !
M. Gérald Darmanin, ministre. … tout en en faisant d’ailleurs vous-même. C’était assez ironique, mais j’imagine que c’est le jeu du débat parlementaire qui veut cela.
M. Bernard Jomier. Politique politicienne !
M. Gérald Darmanin, ministre. Parole d’expert, monsieur le sénateur !
Si les équilibres des comptes sociaux ont été rétablis, c’est bien parce qu’une réforme des retraites a été menée de 2007 à 2010, réforme que vous avez combattue avant de l’accélérer en augmentant les cotisations lorsque vous étiez en responsabilité.
Ce n’est pas honteux de le dire. Nous sommes tous en responsabilité. L’opposition ou les oppositions qui seront en responsabilité demain seront confrontées à la même difficulté de concilier ce changement de paradigme et le souci, que M. le président de la commission a décrit avec justesse, de ne pas faire dériver les comptes sociaux tout en continuant de soutenir la politique familiale, de protéger des Français dans les difficultés des temps présents et d’encourager le travail.
Nous assumons cet encouragement au travail. La désocialisation des heures supplémentaires n’est que l’une des mesures présentées par le Gouvernement.
Une autre mesure est la suppression des cotisations salariales, notamment maladie. Elle a permis l’augmentation du pouvoir d’achat de nos concitoyens depuis le mois d’octobre. C’est d’ailleurs pour cela, et je le dis en me tournant vers l’autre partie de l’hémicycle, que nous n’avons pas fait le choix de la défiscalisation en même temps que celui de la désocialisation.
Nous refusons de toucher à certaines recettes fiscales, telles que l’impôt sur le revenu ou les cotisations sur les heures supplémentaires désocialisées. Mais la suppression des cotisations sociales de tous les salariés et la désocialisation des heures supplémentaires représentent un effort bien plus généreux et largement supérieur aux mesures budgétaires de la loi TEPA, qui avaient le défaut de ne profiter qu’à ceux qui payaient l’impôt sur le revenu.
Or, vous le savez, 40 % des ouvriers et des employés français ne payent pas l’impôt sur le revenu. Si la loi TEPA pouvait être regardée avec un œil bienveillant, ce que propose le Gouvernement est encore plus juste socialement pour la France qui travaille. Nous avons une différence fondamentale. Oui, nous aidons les ouvriers et les employés qui font des heures supplémentaires à mieux gagner leur vie.
Lorsque nous nous rendons dans les usines, les ouvriers nous disent à quel point ils regrettent la suppression de ces heures désocialisées. Emmanuel Macron et le Gouvernement les rétablissent.
M. le président. L’amendement n° 481, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 3 du chapitre 2 du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 242-… ainsi rédigé :
« Art. L. 242-… – Les entreprises, d’au moins vingt salariés dont le nombre de salariés à temps partiel, de moins de vingt-quatre heures, est égal ou supérieur à 20 % du nombre total de salariés de l’entreprise, sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble de leurs salariés à temps partiel de moins de vingt-quatre heures. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à créer une majoration des cotisations dues par les entreprises qui emploient à temps partiel, de moins de vingt-quatre heures, un nombre de salariés supérieur à un seuil correspondant à 20 % du nombre total de salariés de l’entreprise.
Cette mesure vise à sanctionner le recours abusif au temps partiel subi par une partie des salariés français, notamment les femmes.
Le travail à temps partiel, en particulier lorsqu’il est subi, place les salariés dans une situation de vulnérabilité. En effet, selon une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, les salariés à temps partiel subi occupent plus souvent des emplois précaires, en CDD ou en intérim, que ceux à temps partiel choisi ou à temps complet. Ils sont également plus exposés au risque de chômage et accèdent moins facilement à la formation professionnelle. Enfin, leurs horaires de travail sont souvent plus irréguliers.
La mesure que nous proposons vise à mieux protéger les salariés à qui on impose une situation de précarité, mais surtout à mieux protéger les femmes.
Permettez-moi de le rappeler, depuis le 6 novembre, à quinze heures trente-cinq, en France, les femmes travaillent gratuitement en raison des inégalités salariales.
Malgré l’inscription dans la loi du principe d’égalité salariale depuis 1972, les femmes gagnent 23,7 % de moins que les hommes, elles constituent 80 % des salariés à temps partiel et subissent ce temps partiel pour un tiers d’entre elles.
Elles sont donc sujettes en quelque sorte à une double trappe à pauvreté : parce qu’elles sont des femmes, elles sont statistiquement moins bien payées que les hommes, et parce qu’elles sont des femmes, elles sont souvent contraintes à travailler à temps partiel.
Cette situation est inacceptable, surtout à l’heure des politiques de lutte contre le chômage. Il n’est pas normal que des salariés souhaitant travailler plus ne puissent pas le faire, du fait d’entreprises qui, souvent, abusent du recours au temps partiel.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la création de ce dispositif de majoration des cotisations patronales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer l’exonération des cotisations sur les heures supplémentaires. De plus, ses auteurs ouvrent un autre débat sur le temps partiel. Pour ces raisons, une telle mesure n’est pas raisonnable. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je ne peux entendre l’argument selon lequel ce n’est pas raisonnable. Nous sommes ici pour faire la loi. À chaque fois qu’il s’agit d’essayer de travailler ensemble pour progresser en termes d’égalité professionnelle, ce n’est jamais raisonnable, ce n’est jamais le bon vecteur, ce n’est jamais le bon amendement.
Mes chers collègues, permettez-moi d’attirer votre attention sur le nombre d’entreprises qui contreviennent à la loi et à son principe d’égalité professionnelle et salariale. La loi n’est pas appliquée, mais ce n’est absolument pas grave ! Il est vrai qu’il n’est question que de la moitié de la population, et que ce ne sont que des femmes !
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement n° 149 rectifié est présenté par MM. Morisset, Mouiller et Adnot.
L’amendement n° 173 rectifié ter est présenté par MM. Karoutchi, Brisson, Hugonet et Poniatowski, Mmes Gruny et Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Micouleau, MM. Sol et Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Bascher, Revet, Lefèvre, Savin et Ginesta, Mme Thomas, MM. Huré, de Legge, Genest et Dallier, Mmes Raimond-Pavero, Renaud-Garabedian et Di Folco, MM. B. Fournier, Calvet et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi et Lopez, M. Magras, Mme Malet, MM. Mandelli, Meurant, Sido, Vaspart, Vogel, Regnard et Cambon, Mme Lherbier et MM. Buffet et Gremillet.
L’amendement n° 307 rectifié est présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme Ghali, M. Lalande, Mmes Conway-Mouret, Grelet-Certenais, Artigalas et Perol-Dumont, M. Mazuir, Mme Guillemot et M. Roger.
L’amendement n° 594 rectifié est présenté par MM. Corbisez, Arnell, A. Bertrand, Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve et MM. Léonhardt, Menonville, Requier, Roux et Vall.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les rémunérations versées au titre des heures supplémentaires définies aux articles L. 3122-9 et L. 3122-10 du même code dans leurs rédactions antérieures à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, à l’exception des heures effectuées en deçà de 1 607 heures lorsque la durée annuelle fixée par l’accord mentionné à ces articles est inférieure à ce niveau ;
II. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les rémunérations versées aux salariés à temps partiel au titre des heures de dépassement de leur durée de travail fixée au contrat définies aux articles L. 3123-25 et L. 3123-28 dans leurs rédactions antérieures à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour présenter l’amendement n° 149 rectifié.
M. Jean-Marie Morisset. Le dispositif d’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et complémentaires prévu par l’article 7 doit permettre de renforcer le pouvoir d’achat des actifs et d’améliorer l’attractivité du travail. Il convient pour cela qu’il s’applique à tous les salariés, quel que soit le mode d’organisation de la durée du travail.
Or l’article 7 ne vise pas les accords collectifs de modulation du temps de travail. Ce dispositif a certes été abrogé par la loi du 20 août 2008, mais il demeure applicable dès lors que les accords collectifs le mettant en place ont été conclus avant ladite loi, et cela sans limitation de durée.
Cette lacune est d’autant plus regrettable que, sous le régime de la modulation, les heures de dépassement du temps de travail des salariés à temps partiel ne sont pas qualifiées d’heures complémentaires, mais relèvent d’un régime spécifique. Dès lors, ne pas mentionner ces heures de dépassement reviendrait à les exclure du dispositif d’exonération, problématique qui s’était déjà posée lors de la mise en œuvre des dispositifs dits « TEPA ».
Afin de lever toute ambiguïté, cet amendement vise à introduire dans le texte la référence à la modulation du temps de travail, pour les salariés aussi bien à temps plein qu’à temps partiel, afin d’éviter l’exclusion de ces derniers d’une mesure qui se veut pourtant générale.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 173 rectifié ter.
M. Roger Karoutchi. J’ai le désagrément de voir mon amendement « amiral » sur cet article, l’amendement n° 172 rectifié bis, déclaré irrecevable au titre de l’article 41. Étant l’un des auteurs de la réforme du règlement, je ne vais pas m’opposer au fait qu’on me l’applique !
Les amendements « escorteurs » de mon amendement amiral n’ayant pas été déclarés irrecevables, je défendrai donc le présent amendement, effectivement identique à plusieurs autres.
Monsieur le ministre, j’ai été très sensible aux propos que vous avez tenus sur la réforme TEPA de 2007 et sur l’erreur – je le dis tout à fait sereinement à mes collègues socialistes – qu’a été l’annulation décidée en 2012. De nombreux responsables socialistes, y compris des ministres, ont d’ailleurs eux-mêmes reconnu que ce n’était sans doute pas la meilleure mesure prise par le gouvernement précédent.
En revanche, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous quand vous refusez la défiscalisation des heures supplémentaires, au motif qu’une partie de ceux qui devraient gagner plus ne payent pas l’impôt sur le revenu et ne seraient par définition pas concernés. La défiscalisation était une mesure à la fois formelle et dynamique, pour inciter les salariés à s’impliquer davantage.
En 2012, annuler cette mesure a été une lourde erreur.
J’aurais préféré que le Gouvernement revienne complètement sur l’ensemble des dispositions, y compris la défiscalisation. Monsieur le ministre, il existait d’autres moyens d’améliorer le pouvoir d’achat de ceux qui ne payent pas l’impôt. En tout cas, pour ceux qui le payent et qui subissent aujourd’hui de plein fouet – pardonnez-moi cette expression – les charges fiscales, c’eût été une mesure plus complète, plus dynamique et plus mobilisatrice pour l’économie française.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour présenter l’amendement n° 307 rectifié.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement a pour objet d’éviter les disparités entre les salariés. L’article 7 ne vise pas les accords collectifs de modulation du temps de travail qui ont été mis en place antérieurement à la loi du 20 août 2008, et ce sans limitation de durée.
Dès lors, afin de lever toute ambiguïté, il s’agit d’introduire dans le texte la référence à la modulation du temps de travail pour les salariés à temps plein comme pour ceux qui sont à temps partiel, afin d’éviter l’exclusion de ces derniers d’une mesure qui se veut pourtant générale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour présenter l’amendement n° 594 rectifié.
M. Jean-Pierre Corbisez. L’article 7 affiche l’objectif de renforcer le pouvoir d’achat des salariés, en exonérant de cotisations sociales la part salariale de la rémunération en cas de réalisation d’heures supplémentaires et complémentaires. Néanmoins, à ce jour, il comporte une lacune : la référence explicite à la modulation du temps de travail, telle qu’elle a pu être mise en place par des accords collectifs antérieurs à la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
Or il est un secteur où cette modulation, qu’elle concerne des salariés à temps plein ou des salariés à temps partiel, est particulièrement présente ; c’est celui de l’aide à domicile. On le sait, la profession souffre d’un déficit d’attractivité au regard non seulement de sa pénibilité – elle est particulièrement éprouvante –, mais aussi de la faiblesse des rémunérations qu’elle propose, sans parler du problème des déplacements non rémunérés. Il ne serait pas admissible de pénaliser davantage ce secteur, en ne se prémunissant pas de toute interprétation restrictive des dispositions de l’article 7.
L’amendement a donc pour objet de lever toute ambiguïté quant à l’application de ce dispositif d’exonération de charges aux salariés placés sous un régime de modulation du temps de travail.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 284 rectifié est présenté par Mmes C. Fournier, Dindar et Guidez, MM. Henno, Mizzon et les membres du groupe Union Centriste.
L’amendement n° 329 est présenté par M. Amiel, Mme Schillinger, MM. Lévrier et Patriat, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Hassani, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Rauscent, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les rémunérations versées aux salariés à temps partiel au titre des heures de dépassement de leur durée de travail au contrat définies aux articles L. 3123-25 et L. 3123-28 dans leurs rédactions antérieures à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;
II – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 284 rectifié.
M. Olivier Henno. Il s’agit là aussi d’étendre le caractère général de l’article 7, notamment à l’égard des salariés à temps partiel qui accomplissent également des heures supplémentaires, mais plus encore des stagiaires, dans la mesure où ceux-ci – pour avoir vu des feuilles de paie de stagiaires, j’en atteste – payent la CSG et n’ont pas bénéficié de cet avantage salarial et de cette augmentation du pouvoir d’achat.
Il s’agit donc là d’une mesure de simple justice.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour présenter l’amendement n° 329.
Mme Françoise Cartron. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que les précédents. J’insisterai toutefois sur un point particulier.
Dans le secteur paramédical, les emplois à temps partiel sont surtout occupés par des femmes, qui perçoivent par conséquent des rémunérations très souvent en deçà du SMIC et qui se dévouent totalement à leur tâche. Les heures complémentaires visent à répondre à des besoins particuliers qui n’ont pas pu être envisagés au moment de l’organisation du temps de travail.
Dans le cadre des aides à domicile, ce peut être une personne qu’il faut aller aider en urgence. Il s’agit donc d’un complément d’heures que ces femmes ne rechignent jamais à accomplir, parce qu’elles font montre d’un très haut niveau d’engagement dans l’accomplissement de leur tâche. Pourtant, elles sont exclues de l’exonération des cotisations sur ces heures supplémentaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Selon les éléments dont je dispose et qui ont fait l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale, ces amendements visant à appliquer les exonérations de cotisations aux accords de modulation de temps de travail sont soit satisfaits sur le volet des heures supplémentaires – les salariés étant compris dans le champ de l’article 7, c’est ce qui a été précisé à l’Assemblée nationale –, soit inopérants sur le volet des heures complémentaires, puisque de tels accords de modulation, notamment dans le cas de temps partiels, d’emplois d’aides à domicile ou de stagiaires, n’en permettent pas l’octroi.
Toutefois, avant de demander le retrait de ces amendements, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement, qui pourra confirmer ou infirmer ces éléments de réponse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je confirme les propos du rapporteur général. Il a été plusieurs fois fait écho aux débats à l’Assemblée nationale.
Monsieur Karoutchi, je ne vous répondrai pas sur la défiscalisation et la désocialisation : nous aurons sans doute ce débat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, lors de l’examen du volet défiscalisation. J’imagine en effet que votre groupe déposera des amendements. (M. Roger Karoutchi opine.)
Je souhaite en revanche revenir sur les questions relatives à la modulation du temps de travail et aux heures supplémentaires, notamment en ce qui concerne les métiers d’aide à domicile et l’action du Gouvernement pour les aider dans ce travail difficile, par exemple par l’allégement de charges.
Les heures supplémentaires se déclenchent à partir du moment où existe un accord sur la durée légale du temps de travail ou un accord qui pourrait changer la règle générale. Je le dis avec d’autant plus de malice – mais une malice sympathique que chacun me connaît, en particulier du côté droit de l’hémicycle (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) – que c’était l’une des raisons pour lesquelles François Fillon, lors de la campagne présidentielle, était défavorable au déclenchement des heures supplémentaires. Il voulait revenir sur la durée même du temps de travail et laisser aux branches ou à l’entreprise le soin de la fixer, avec un maximum qui aurait été précisé par le code du travail et qui correspondait à la moyenne européenne des heures ouvrées. À ce titre, les heures supplémentaires ne pouvaient se déclencher qu’à partir d’un certain nombre d’heures : 41 heures ou 42 heures maximum, si je ne me trompe.
Cela ne signifiait pas que ce candidat voulait que l’on travaille autant d’heures. Les heures supplémentaires auraient été déclenchées au-delà de ce plafond. C’était une façon d’en limiter le coût pour les finances publiques, puisqu’une telle perte de recettes n’est évidemment pas sans incidence.
La position de ce candidat consistait donc à laisser à l’entreprise ou à la branche la discussion du temps de travail. Cela signifiait mettre de côté les heures supplémentaires, qui correspondaient à la vie de 2007, mais plus à celle de 2017. Je caricature un peu, mais c’est autour de cette question que s’est articulé le débat présidentiel.
La modulation du temps de travail, c’est quoi ? Un accord, qui est conforme au code du travail, est trouvé sur le temps de travail. Il prévoit des périodes où le salarié travaille plus, périodes compensées par d’autres où il travaille moins. À ce titre, il ne me semble pas opportun de prévoir une désocialisation ou une défiscalisation particulière de ces heures, qui s’inscrivent dans la durée légale du temps de travail, même si elles se déploient dans des périodes différentes de l’année ou du mois. Il est assez logique de ne pas désocialiser ou défiscaliser des heures qui sont non pas des heures supplémentaires, mais des heures complémentaires venant compléter la durée légale du temps de travail que le code du travail ou l’accord prévoit.
Il n’est donc, à mon sens, pas nécessaire d’adopter ces amendements, sauf à considérer qu’il faut retirer toute forme de charge ou toute forme d’impôt lorsque l’on travaille.
Monsieur le sénateur Henno, j’en viens à votre question particulière sur les stagiaires. Certains d’entre eux peuvent se voir proposer des modulations de leur temps de travail : selon le lieu où ils accomplissent le stage, on peut leur demander de travailler un peu plus à un moment donné et un peu moins à un autre. J’avoue bien volontiers mon ignorance – légère (Sourires.) – sur ce point.
Madame la sénatrice Cartron, nous ne pouvons pas émettre d’avis favorable sur l’amendement n° 329, pour les raisons que j’ai évoquées. Ce dont il est question, au fond, c’est le geste que pourrait faire le Parlement en faveur des aides à domicile.
Un amendement a été voté en ce sens par l’Assemblée nationale ; vous en discuterez bientôt. Le Gouvernement l’a soutenu à l’Assemblée nationale après des rencontres avec les professionnels de la profession, comme disait Godard : il prévoit une exonération totale des charges jusqu’à 1,2 SMIC, ce qui concerne la quasi-totalité, pour ne pas dire l’intégralité, des salariés du secteur. Ce sont les fédérations elles-mêmes qui l’ont demandé au regard des difficultés que rencontrent ces salariés. Au début des discussions, le Gouvernement était moins généreux.
Madame la sénatrice, votre interrogation concernant les salariés à domicile est ainsi largement traitée dans les articles suivants.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission demande le retrait de ces amendements, puisque le Gouvernement a confirmé l’analyse à laquelle elle-même avait procédé à la suite du débat à l’Assemblée nationale ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Pour autant, la question n’est pas réglée pour les stagiaires. Certes, nous allons revenir sur l’aide à domicile, mais, monsieur le ministre, que préconisez-vous concernant les stagiaires : revoir le dispositif ou les y intégrer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne crois pas qu’il soit question de cela, mais, comme je connais votre sérieux, monsieur le rapporteur général, je m’engage à examiner ce sujet. Au pire, s’il apparaît, au cours de la navette parlementaire, qu’une correction s’impose pour les stagiaires, afin que ces derniers puissent bénéficier des heures supplémentaires désocialisées, nous y procéderons.
Soyons clairs, s’il s’agit d’heures complémentaires qui sont au-dessus de l’accord mais comprises dans l’accord, c’est l’accord qui doit changer et non la loi générale. Nous prendrions sinon le contre-pied de ce que fait le Gouvernement depuis désormais dix-sept mois, à savoir essayer de décentraliser la discussion. L’accord doit prévoir le déclenchement des heures supplémentaires ; en deçà, ce sont des heures complémentaires.
M. le président. Monsieur Morisset, l’amendement n° 149 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Morisset. Monsieur le ministre, vous m’encouragez à maintenir mon amendement. Dans votre argumentaire, vous avez indiqué que la suppression des cotisations s’adressait à tous les salariés.
On ne peut pas tenir deux messages différents, dire, d’un côté, que tous les salariés sont concernés, et exclure, de l’autre, ceux qui sont à temps partiel, en soutenant que des heures supplémentaires sont réalisées dans le cadre d’un accord collectif prévoyant une modulation du temps de travail.
À titre personnel, je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il s’agit là d’un point philosophique intéressant, monsieur le sénateur, et je comprendrais que la question que vous posez émane de l’autre côté de l’hémicycle.
Que dit le Gouvernement ? Oui, il faut discuter du temps de travail, notamment du moment à partir duquel sont déclenchées les heures supplémentaires. La question qui se pose ensuite est celle du régime social et fiscal qui y est attaché.
Si la durée du temps travail est de 35 heures, la 36e heure est une heure supplémentaire. Faut-il la défiscaliser, la désocialiser ou les deux ? Le Gouvernement propose un débat sur ce sujet.
Toutefois, certaines heures ne sont pas des heures complémentaires, mais sont comprises dans un accord. Je ne me mettrai pas à la place des partenaires sociaux ou à la place de l’entreprise. S’il faut changer l’accord, je n’ai rien contre, mais il serait déresponsabilisant que l’État s’occupe de tout à tout instant et déclenche lui-même la négociation, branche par branche ou entreprise par entreprise.
Je respecte tout à fait votre position, monsieur le sénateur, mais cela ne me paraît pas conforme à l’esprit philosophique et économique que je croyais voir prévaloir de votre côté de l’hémicycle.
M. le président. Monsieur Karoutchi, l’amendement n° 173 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. J’entends bien ce qui est dit et je comprends la réflexion de mon collègue Jean-Marie Morisset, mais, dans la pratique, ce n’est pas le sujet ! Plus exactement, le Gouvernement, dans sa réponse, nous met clairement en garde : nous pouvons décider de remettre en cause la durée du temps de travail et le nombre d’heures ; cela étant, ne revenons pas sur ce sujet et sur la campagne présidentielle. En réalité, le niveau des charges est à l’identique, ce qui signifie que l’amendement est superfétatoire par rapport au système proposé.
En conséquence, comme je n’ai pas l’habitude de défendre des amendements dont l’objet est déjà intégré dans le texte et dont l’adoption n’apportera rien, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 173 rectifié ter est retiré.
Madame Jasmin, l’amendement n° 307 rectifié est-il maintenu ?
Mme Victoire Jasmin. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Corbisez, l’amendement n° 594 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Corbisez. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a indiqué que nous allions évoquer l’aide à domicile : ou il en parle tout de suite ou je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 149 rectifié, 307 rectifié et 594 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 284 rectifié et 329.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, j’ai une question complémentaire. Ces métiers de l’aide à domicile ont pour spécificité, aux termes de la convention qui est signée, de ne pouvoir être exercés sur la base de 35 heures hebdomadaires. Il faut donc multiplier les intervenants pour une même famille, qui travaillent le matin ou le soir, mais pas toute la journée.
Il n’est donc pas possible d’augmenter le temps de travail quand on signe le contrat de travail. Toutefois, au regard des aléas qui surgissent, il peut être nécessaire d’ajouter ponctuellement des heures pour répondre à un besoin spécifique. Ces heures non prévues par le contrat de travail sont vécues comme des heures supplémentaires. Pourquoi ne bénéficieraient-elles pas alors du même avantage ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il s’agit là d’un point à la fois technique et important, et je comprends les questions qu’il suscite.
Il faut distinguer le temps de travail de l’organisation du travail. Le temps de travail, c’est la loi qui le fixe. Quant à l’organisation du travail, elle est décidée, à défaut d’accord, par la loi ou la branche professionnelle des salariés, leurs syndicats, les partenaires sociaux.
Je voudrais rappeler que la loi TEPA, pourtant très généreuse dans la désocialisation ou la défiscalisation, n’a jamais prévu vos propositions. C’est bien que le législateur avait conscience de la différence entre le temps de travail et ce qui est supplémentaire au temps de travail.
Sauf erreur de ma part, madame la sénatrice, il convient de faire la distinction entre, d’une part, ce qui relève des exonérations de charges patronales – nous le verrons à l’article 8 et nous avons été, pour les aides à domicile, à l’écoute des professionnels bien au-delà de ce que nous avions prévu au début du PLFSS, puisque nous allons jusqu’à 1,2 SMIC d’exonération totale de charges –, et, d’autre part, ce qui relève des charges salariales.
Si le métier d’aide à domicile, dont je comprends la spécificité, implique des horaires atypiques, comme vous me le faites remarquer,…
Mme Françoise Cartron. Oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. … mais que c’est prévu dans le contrat de travail, la salariée qui travaille un peu plus une semaine ou un mois en fera un peu moins le mois d’après. Si tel n’est pas le cas, ce sont des heures supplémentaires qui sont alors accomplies au-delà de son temps de travail.
Mme Françoise Cartron. Voilà !
M. Gérald Darmanin, ministre. Si la salariée connaît une organisation différente, c’est peut-être prévu dans l’accord professionnel.
Je viens d’avoir une discussion in petto avec le sénateur assis derrière moi. Je sais que cela ne se fait pas, monsieur le président, mais je l’avoue : maxima mea culpa ! (Sourires.)
Il y a aujourd’hui une discussion autour de l’assurance chômage, des contrats courts, des questions des branches. Si vous pensez que la situation n’est pas juste, il faut pousser à la renégociation de ces accords au bénéfice des salariés. Soit on croit au dialogue social et à la relation entre les travailleurs et le patronat – permettez-moi de parler à l’ancienne –, soit, malheureusement, on règle tout par la loi.
Il ne semble pas que, même pour le secteur de l’aide à domicile, mais c’est vrai pour les saisonniers comme pour un grand nombre de professions, nous puissions prévoir une exception, sauf à considérer, et c’est un point très important, qu’il faut revoir un accord pour qu’il soit plus favorable aux salariés.
Je maintiens donc l’avis défavorable du Gouvernement sur votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. J’ignorais que M. le ministre dévoilerait notre conversation ! (Sourires.)
Je tiens à préciser que nous sommes dans une logique de temps partiel annualisé. Le problème, c’est que les accords dont nous parlons sont inférieurs à ce qu’offre la loi. Pour ma part, j’invite très fortement les entreprises et les branches concernées à réviser leurs accords, puisque c’est là que cela se joue, en fonction de la loi et à les revoir lorsque ceux-ci sont moins favorables.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. J’entends les arguments des sénateurs de La République En Marche, que j’imagine très partagés sur ces travées. Les salariés du secteur de l’aide à domicile connaissent des difficultés très fortes et, pour parler comme les marxistes, se trouvent dans un rapport de force négatif vis-à-vis de ceux qui pourraient les employer. Je comprends la difficulté d’obtenir un nouvel accord.
C’est à Mmes Pénicaud et Buzyn de le décider, mais, si, d’ici à l’année prochaine, dans le cadre des discussions que nous menons à propos de l’UNEDIC, un accord plus favorable à ces salariés n’est pas trouvé, le Gouvernement pourra se montrer à l’écoute d’une mesure législative, en collaboration avec votre commission des affaires sociales, en faveur de ces salariés dont la situation est atypique.
Toutefois, je ne crois pas qu’il faille pour l’instant préempter le dialogue social.
Par conséquent, madame la sénatrice, peut-être pourriez-vous retirer cet amendement et vous tourner vers le président de la commission des affaires sociales, pour qu’un travail soit engagé avec Mmes Buzyn et Pénicaud et moi-même.
M. le président. Madame Cartron, l’amendement n° 329 est-il maintenu ?
Mme Françoise Cartron. Au regard de cette promesse d’un travail approfondi avec Mme la ministre sur cette spécificité (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.),…
M. Roger Karoutchi. Ah !
Mme Françoise Cartron. … - il faut travailler sur cette question ! - je retire cet amendement, monsieur le président.
M. Roger Karoutchi. Il faut travailler plus !
M. le président. L’amendement n° 329 est retiré.
Monsieur Henno, l’amendement n° 284 rectifié est-il maintenu ?
M. Olivier Henno. Nous nous rendons à la sagesse du rapporteur et retirons cet amendement. S’agissant des stagiaires, je transmettrai à M. le ministre les éléments dont j’ai eu connaissance.
M. le président. L’amendement n° 284 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 45 rectifié bis, présenté par M. Mouiller, Mme Deromedi, M. Sol, Mme Chauvin, M. Bonhomme, Mme Bruguière, M. Guerriau, Mme L. Darcos, MM. Milon, Daubresse, Kern, Kennel, A. Marc et B. Fournier, Mmes Malet et Lanfranchi Dorgal, MM. Morisset et Canevet, Mme Puissat, MM. Bascher, Bazin, Revet, Frassa et Henno, Mmes Gruny et Micouleau, MM. Cuypers, Bouloux, Lefèvre, Pierre, Poniatowski, Perrin et Raison, Mme A.M. Bertrand, MM. Rapin, D. Laurent, Nougein et Chasseing, Mmes Imbert et Deseyne, M. Saury, Mme Lassarade, M. Piednoir, Mme Guidez, MM. Joyandet, Karoutchi, Gilles, Decool, Mayet, L. Hervé, Brisson et Wattebled, Mme Canayer, MM. Mandelli, Laménie, Dériot, J.M. Boyer, Genest, Darnaud, Moga et Gremillet, Mme Duranton et M. Sido, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 23
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au premier alinéa du I de l’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « cinquante ».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. À partir du mois de septembre 2019, les cotisations salariales sur les heures supplémentaires seront exonérées.
Il s’agit de faire en sorte que les entreprises employant moins de cinquante salariés puissent également bénéficier d’une déduction forfaitaire des cotisations patronales. Je rappelle que cette possibilité existe aujourd’hui pour les entreprises de moins de vingt salariés. Il s’agit de faire évoluer cette situation. Cela me paraît une mesure modérée.
M. le président. L’amendement n° 174 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Hugonet, Poniatowski et Cambon, Mmes Gruny et Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Micouleau, MM. Sol et Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Bascher, Revet, Lefèvre, Savin et Ginesta, Mme Thomas, MM. Huré, de Legge, Genest, Joyandet et Dallier, Mmes Raimond-Pavero, Renaud-Garabedian et Di Folco, MM. B. Fournier, Calvet et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi et Lopez, M. Magras, Mme Malet, MM. Mandelli, Meurant, Sido, Vaspart, Vogel, Regnard et Brisson, Mme Lherbier et MM. Buffet et Gremillet, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 24 et 25
Remplacer ces alinéas par dix-sept alinéas ainsi rédigés :
II. – L’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application de l’article L. 241-17, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.
« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I du présent article est également applicable dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné au 3° du I de l’article L. 3121-64 du code du travail, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-59 du même code.
« III. – Les déductions mentionnées aux I et II du présent article sont imputées sur les sommes dues par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peuvent dépasser ce montant.
« IV. – Les déductions mentionnées aux I et II du présent article sont cumulables avec des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.
« Les I et II du présent article sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.
« Les I et II du présent article ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article L. 242-1 du présent code, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.
« De même, ils ne sont pas applicables :
« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-13 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;
« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3121-41 du même code.
« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II du présent article est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.
« V. – Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II du présent article est subordonné, pour l’employeur, à la mise à la disposition des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime d’un document en vue du contrôle de l’application du présent article.
« VI. – Les dispositions du présent article sont applicables :
« a) Dans la limite du contingent annuel d’heures supplémentaires défini à l’article L. 3121-30 du code du travail et prévu par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche ;
« b) Dans la limite de la durée maximale des heures complémentaires pouvant être accomplies, mentionnée à l’article L. 3123-20 du même code.
« À défaut d’accord, ou si les salariés ne sont pas concernés par des dispositions conventionnelles, la limite annuelle est fixée par décret.
« VII. – Les dispositions du présent article sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail accomplies à compter du 1er janvier 2019. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement a le même objet. Il s’agit de ne pas soumettre aux cotisations patronales les salaires versés au titre des heures supplémentaires.
Là encore, tout ce qui peut aider à favoriser les heures supplémentaires afin que celles-ci rapportent au maximum au salarié va dans le bon sens.
C’est un amendement de pouvoir d’achat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 45 rectifié bis vise à étendre aux entreprises de moins de cinquante salariés le dispositif de déduction forfaitaire des cotisations patronales sur les heures supplémentaires. J’insiste sur le fait qu’il s’agit des cotisations patronales. Jusqu’à présent, nous avons discuté de l’exonération des cotisations salariales, dispositif évidemment favorable au pouvoir d’achat des salariés.
Avec cette proposition de déduction des cotisations patronales, on entre dans une autre logique. Celle-ci a d’ailleurs un coût, qui n’est pas précisé.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est très élevé et il faut le compenser.
Je le répète, on sort de la logique qui présidait à toutes les dispositions antérieures, à savoir le pouvoir d’achat des salariés, et on incite, d’une certaine façon, les entreprises à recourir aux heures supplémentaires. Il n’est pas certain que ce soit nécessaire, compte tenu de l’état du marché du travail.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de ces deux amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements.
Si j’ose dire, le sénateur Karoutchi coûte plus cher que son collègue (Sourires.) : …
M. Roger Karoutchi. J’ai toujours été très cher ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. … 300 millions d’euros contre 220 millions d’euros. C’est normal, ce ne sont pas les mêmes entreprises qui sont concernées.
Monsieur Karoutchi, ce n’est pas une question de pouvoir d’achat, puisqu’il est question des charges patronales.
M. Roger Karoutchi. C’est une incitation !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce peut être une incitation, en effet, mais ce n’est pas directement une mesure de pouvoir d’achat, comme le permet la désocialisation des heures supplémentaires.
Qu’a fait le gouvernement précédent ? J’ai parlé d’idéologie : il a supprimé la défiscalisation et la désocialisation prévues par la loi TEPA, mais il a gardé l’allégement des heures supplémentaires pour les petites entreprises, qui le lui réclamaient à cor et à cri, sinon il n’était vraiment pas intéressant pour elles de mettre en place ce dispositif.
C’est pourquoi est resté dans la loi l’allégement pour les petites entreprises. En revanche, les incitations pour les salariés et pour les ouvriers ont été retirées, ce qui montrait la difficulté du système.
Pourquoi n’avons-nous pas fait le choix de prévoir, en miroir, le retrait des charges sociales et fiscales pour les entreprises ?
D’abord, il existait toujours la mesure qu’avait gardée le gouvernement nommé par M. Hollande. Ensuite, nous procédons pour notre part à l’allégement de charges générales, par le biais de la transformation du CICE.
Je rappelle tout de même que, pour la première fois dans l’histoire capitaliste de notre pays, pour les salariés au SMIC, il y aura zéro euro de charges patronales l’année prochaine. Il ne nous semblait donc pas, surtout à un moment où le chômage est autour de 9 % et même s’il importait d’inciter les ouvriers à gagner plus en travaillant plus, qu’il fallait utiliser l’arme de la décharge des heures supplémentaires, alors que nous avions décidé déjà – d’aucuns parleraient de cadeau – 20 milliards d’euros de baisses de charges aux entreprises.
Je remercie M. le rapporteur général de cette position de sagesse à l’endroit des finances publiques.
Si ce genre de mesures peut être intéressant au moment où les comptes publics de notre pays seront en équilibre et où le chômage se situera à 5 % ou 6 %, soit quasiment un chômage frictionnel, nous pourrons sans idéologie l’examiner. Nous en sommes un peu loin.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l’amendement n° 174 rectifié ter.
M. Roger Karoutchi. Je viens de voter l’amendement précédent ; je ne retirerai donc pas le mien.
Monsieur le ministre, je comprends tout à fait votre démonstration, très brillante, comme toujours. Vous avez raison sur le fond. Vous dites à juste titre que, le jour où cela ira mieux, nous pourrons ouvrir le débat sur d’autres sujets, y compris celui-là.
M. Roger Karoutchi. Reste que, par moment, au Parlement, il convient de prendre position. Je sais bien que l’amendement, même voté ici, serait écarté à l’Assemblée nationale. Cela ne doit pas nous empêcher de dire que, si la mesure est difficilement envisageable aujourd’hui, il ne faudra pas l’oublier le jour venu.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 174 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. Roger Karoutchi. Quelle tristesse ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 175 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Hugonet, Poniatowski et Cambon, Mmes Gruny et Garriaud-Maylam, MM. Mayet, Bascher et Courtial, Mmes Berthet et Micouleau, MM. Sol, Daubresse, Dallier, Joyandet, Genest, de Legge et Huré, Mme Thomas, MM. Ginesta et Savin, Mme Raimond-Pavero, MM. Lefèvre, Revet, Brisson, Regnard, Vogel, Vaspart, Sido, Meurant et Mandelli, Mme Malet, M. Magras, Mmes Lopez et Deromedi, MM. de Nicolaÿ, Calvet et B. Fournier, Mmes Di Folco, Renaud-Garabedian et Lherbier et MM. Buffet et Gremillet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 28
Remplacer le mot :
septembre
par le mot :
janvier
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Je crains de ne pas rencontrer non plus un succès colossal avec cet amendement. (Exclamations amusées.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous êtes encore plus cher ! (Sourires.)
Mme Esther Benbassa. Il y a des jours comme ça !
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas le bon jour. Je reviendrai demain, mais cela ne fait rien : je suis venu et j’irai jusqu’au bout ! (Nouveaux sourires.)
L’objet de cet amendement est très simple. Il s’agit de rendre effective l’exonération des cotisations salariales, et non plus patronales, au 1er janvier 2019. Tant qu’à faire, monsieur le ministre ! Je comprends ce que la date du 1er septembre 2019 fait gagner, mais vous me direz combien je coûte !
Une entrée en vigueur de cette mesure au 1er janvier sera reconnue comme un geste de la part du Gouvernement par les salariés qui, aujourd’hui, ne sont pas forcément très satisfaits de leur condition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur Karoutchi, je comprends bien votre intention, qui est d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés ; nous la partageons d’ailleurs sur le fond.
L’adoption de cet amendement coûterait 1,3 milliard d’euros en 2019 et deux fois plus – ce serait même plutôt 3 milliards d’euros – en 2020. Cela suffirait à faire replonger les comptes de la sécurité sociale dans le rouge.
C’est pourquoi, en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, j’en demande le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Roger Karoutchi. En 2020, je n’y suis pour rien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le rapporteur général, ne mettez pas sur mes frêles épaules les 3 milliards d’euros que coûtera cette mesure en 2020 ! Avancer l’entrée en vigueur de cette mesure au 1er janvier 2019 ne change rien à son coût en 2020.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 175 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 429 rectifié, présenté par M. Tissot, Mme Taillé-Polian, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet, Antiste, J. Bigot et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes S. Robert et M. Filleul, MM. P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter par cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le présent article donne lieu à compensation intégrale par le budget de l’État aux régimes de la sécurité sociale concernés pendant toute la durée de son application.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. J’ignore si j’aurai plus de chances que mon collègue Karoutchi, car c’est le premier amendement que je défends.
L’article 7 figure au nombre des articles de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale qui remettent en cause l’autonomie financière de la sécurité sociale comme garantie du haut niveau de prise en charge de nos concitoyens.
Cet amendement vise donc à garantir la compensation par l’État à la sécurité sociale de l’ensemble des exonérations de cotisations prévues par cet article.
Une telle compensation est conforme à la loi Veil de 1994. Elle garantit l’autonomie du budget de la sécurité sociale, ainsi qu’un financement exclusif et affecté de la sécurité sociale.
Le principe de compensation est d’autant plus important que le budget de la sécurité sociale revient à l’équilibre en 2018 et dégagera même des excédents en 2019, selon les projections faites par le Gouvernement, monsieur le ministre, et la Cour des comptes. Ces excédents, s’ils se confirment, seront une source incontournable pour le financement de la protection sociale du futur, laquelle doit être préservée afin d’avoir une vision à long terme sur les questions liées à la santé, à la jeunesse, à la perte d’autonomie, à la petite enfance et à l’hôpital public.
Il est donc indispensable d’affirmer le principe de compensation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à poser un principe plus général de compensation des exonérations, notamment des allégements de cotisations salariales. Nous aurons à l’article 19 un débat sur les relations entre l’État et la sécurité sociale et sur le principe même des compensations.
Je vous demande donc, cher collègue, de retirer cet amendement afin de ne pas entrer en contradiction avec les conclusions auxquelles nous parviendrons, peut-être, sur la philosophie à observer en matière de relations entre l’État et la sécurité sociale, s’agissant notamment des compensations. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je crois comprendre que, de manière générale, les parlementaires communistes (Exclamations amusées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)…
M. Jean-Claude Tissot. Je suis socialiste !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pardon ! Il faut bien avouer que, parfois, vos positions se confondent. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Ce n’est pas une insulte ! « C’est un joli nom, camarade »…
Il me semble que la position que vous défendez, qui est donc aussi celle des communistes, notamment à l’Assemblée nationale, est de s’opposer, de manière générale, aux compensations, pour des raisons philosophiques, ce qui peut se comprendre compte tenu de l’histoire de la construction de la sécurité sociale et de la cotisation.
Nos positions étant irréconciliables, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Tissot, l’amendement n° 429 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Tissot. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 7
M. le président. L’amendement n° 482, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 5° bis de l’article L. 213-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le recouvrement de la contribution mentionnée à l’article L. 245-17 ; »
2° Le chapitre 5 du titre 4 du livre 2 est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières
« Art. L. 245-17. – Les revenus financiers des prestataires de service mentionnés au livre V du code monétaire et financier entendus comme la somme des dividendes bruts et des intérêts nets reçus, sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.
« Les revenus financiers des sociétés tenues à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés conformément à l’article L. 123-1 du code de commerce, à l’exclusion des prestataires mentionnés au premier alinéa du présent article, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus, sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisations salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.
« Les contributions prévues au présent article ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse. »
II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. En 2014, notre ancienne collègue du Nord, Mme Demessine, a dirigé une mission d’information sénatoriale sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises : en vingt ans d’existence et de généralisation des exonérations, la courbe des emplois industriels ne s’est pas inversée, bien au contraire.
Pourquoi persistez-vous donc à proposer des mesures inopérantes pour l’emploi et bénéfiques pour les seuls actionnaires ?
Je rappelle que la France est le pays au monde où les entreprises cotées en bourse reversent la plus grande part de leurs bénéfices en dividendes aux actionnaires, contre 5,3 % aux salariés, et où elles ne consacrent que 27,3 % au réinvestissement. Nous proposons donc de changer cette logique en mettant à contribution les revenus financiers des sociétés financières et non financières, en allant chercher directement l’argent dans les revenus du capital. Nous défendons cet amendement chaque année, sans obtenir de réponse sur le fond de la part du Gouvernement.
Il s’agirait d’une contribution additionnelle aux cotisations sociales, au même titre que la CSG. À l’inverse du Gouvernement, qui augmente la CSG pour les retraités, y compris pour les plus modestes d’entre eux, nous proposons une contribution additionnelle plus juste, qui reposerait sur les dividendes.
Ce financement nouveau, qui serait source d’importantes rentrées financières, suffirait largement pour combler les besoins de réduction de la dette de la sécurité sociale. Nous pourrions enfin mener une politique ambitieuse de remboursement des besoins actuels et futurs, car nombreux sont les défis à relever.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à créer une contribution d’assurance vieillesse sur les revenus financiers des entreprises. La commission y est défavorable.
Non seulement ce dispositif serait peu opérationnel, mais il aurait également un coût massif pour l’économie du pays. Les revenus financiers entrant dans la formation du bénéfice des entreprises, ils sont déjà taxés à ce titre, madame Apourceau-Poly.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 121 rectifié est présenté par Mme Troendlé, MM. Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mmes Bonfanti-Dossat et Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Buffet et Cambon, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Chatillon, Courtial et Cuypers, Mme Chauvin, MM. Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Frassa et B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, M. Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert, Hugonet, Husson et Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lanfranchi Dorgal, Lassarade et Lavarde, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Lherbier, Lopez et M. Mercier, M. Meurant, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Paccaud, Perrin, Piednoir, Pierre, Poniatowski et Priou, Mmes Puissat et Raimond-Pavero et MM. Raison, Revet, Savin, Saury, Segouin, Sido, Sol et Vaspart.
L’amendement n° 182 est présenté par M. L. Hervé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 241-… ainsi rédigé :
« Art. L. 241-… – I. – Pour chaque salarié sapeur-pompier volontaire employé, les cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des assurances sociales et des allocations familiales, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, les contributions mentionnées à l’article L. 834-1, les cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires mentionnés à l’article L. 921-4, la contribution mentionnée au 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles et les contributions à la charge de l’employeur dues au titre de l’assurance chômage prévues à l’article L. 5422-9 du code du travail qui sont assises sur les rémunérations ou gains inférieurs au salaire minimum de croissance majoré de 60 % font l’objet d’une réduction de 3000 euros par an pendant cinq ans, dans la limite de 15 000 euros par an.
« II. – Le montant de la réduction est calculé chaque année civile, pour chaque salarié sapeur-pompier volontaire et pour chacun de leur contrat de travail.
« La rémunération prise en compte est celle définie à l’article L. 242-1 du présent code. Toutefois, elle ne tient compte des déductions au titre de frais professionnels calculées forfaitairement en pourcentage de cette rémunération que dans des limites et conditions fixées par arrêté.
« III. – Le montant total de la réduction est calculé chaque année civile, pour chaque entreprise, selon un système déclaratif. L’octroi de l’attribution prévue au second alinéa du II est subordonné à la présentation, par l’employeur, d’une attestation délivrée par le service d’incendie et de secours dont relève le sapeur-pompier volontaire.
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2019. Il est applicable à tout salarié nouvellement recruté ou ancien salarié devenu sapeur-pompier volontaire après l’entrée en vigueur du même I.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l’amendement n° 121 rectifié.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement, proposé par Catherine Troendlé, fait suite aux travaux de la mission pour la relance du volontariat. Il s’inscrit dans un ensemble cohérent d’amendements destinés à favoriser le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires par les entreprises et les collectivités territoriales.
Il s’agit aujourd’hui de reconnaître l’investissement de ces hommes et de ces femmes et des structures qui les emploient. En effet, employer un citoyen engagé en tant que sapeur-pompier volontaire peut entraîner certaines contraintes d’organisation, ce sapeur-pompier étant susceptible d’être appelé pour une intervention ou en cas de crise, ce qui peut constituer un frein à l’embauche.
Cet amendement pragmatique a pour objectif de permettre une exonération annuelle de charges patronales d’un montant de 3 000 euros par employé sapeur-pompier volontaire, dans la limite de 15 000 euros par an et par structure.
Ce mécanisme s’appliquera pendant cinq ans à tout nouveau sapeur-pompier volontaire recruté à compter du 1er janvier 2019 ou à tout salarié devenu sapeur-pompier volontaire à cette date. Il permettra de valoriser les entreprises vertueuses qui s’inscrivent dans une démarche citoyenne en soutenant l’engagement.
Parallèlement, il contribuera à freiner la crise du volontariat, laquelle constitue un véritable problème pour notre société aujourd’hui, en levant certains blocages et en faisant du volontariat un critère de valeur au sein tant de la société que de l’entreprise.
M. le président. L’amendement n° 182 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 121 rectifié ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous comprenons évidemment l’intention des auteurs de cet amendement, Mme Troendlé et M. Mouiller, qui est d’encourager le volontariat et d’inciter à l’embauche de sapeurs-pompiers volontaires. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut multiplier leur nombre, car nous en manquons.
Cela étant, s’il était adopté, l’amendement ferait peser des contraintes sur l’organisation du travail. Surtout, il aurait un coût élevé pour l’État et la sécurité sociale. Or vous n’en parlez absolument pas. M. le ministre va sans doute nous le confirmer, mais ce coût pourrait s’élever à plusieurs centaines de millions d’euros pour la sécurité sociale.
Le présent texte n’est sans doute pas le meilleur vecteur qui soit pour favoriser l’embauche de sapeurs-pompiers volontaires. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je précise à M. le sénateur, et à travers lui, à l’ensemble du Sénat, qu’il ne s’agit pas de supprimer les cotisations salariales des sapeurs-pompiers, lesquels en sont déjà exonérés. Ce que vous proposez, monsieur Mouiller, c’est d’exonérer les employeurs des cotisations patronales. Voilà un point important : il ne s’agit pas de rogner le pouvoir d’achat des sapeurs-pompiers.
Si elle était adoptée, cette mesure coûterait, c’est vrai, 500 millions d’euros, ce qui est beaucoup. Je constate en outre que l’amendement n’est pas gagé. De plus, je ne vois pas en quoi la mesure favoriserait le volontariat, sachant que les sapeurs-pompiers ont déjà été largement encouragés sous les majorités précédentes.
Le véritable problème, c’est la charge que représentent ces questions pour les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, notamment pour certains d’entre eux. Il y a là matière à débat, mais pas dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, d’abord parce que la mesure proposée coûterait cher, ensuite parce qu’elle ne bénéficierait pas aux sapeurs-pompiers eux-mêmes, qui sont déjà exonérés de cotisations, enfin parce que l’objet du présent texte n’est pas de résoudre les difficultés que rencontrent les départements et les SDIS pour embaucher des sapeurs-pompiers.
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.
M. Cédric Perrin. Monsieur le ministre, je pense qu’il y a confusion. La problématique soulevée est celle du frein à l’embauche. Que ferait un chef d’entreprise s’il devait choisir entre deux candidats ayant un CV identique – deux clones ! –, entre un candidat sapeur-pompier volontaire par ailleurs et, à ce titre, susceptible d’effectuer de nombreuses sorties, et un candidat qui ne le serait pas ? L’objectif, c’est d’inciter les employeurs à favoriser au maximum l’embauche de sapeurs-pompiers volontaires.
La même question s’est posée dans la loi de programmation militaire concernant le nombre de jours de réserve autorisé pour les militaires. Fallait-il en autoriser dix ou cinq ? Si on en prévoyait dix, la France pouvait bénéficier d’un plus grand nombre de jours de réserve, et les militaires partir plus souvent. Si on en prévoyait cinq, cela pouvait malgré tout être un frein à l’embauche. Il est en effet difficile d’expliquer à un futur patron que l’on va devoir s’absenter un grand nombre de jours pour servir dans l’armée. C’est exactement la même chose pour les pompiers.
L’objectif, aujourd’hui, est de favoriser le recrutement et, donc, le volontariat. J’ai rencontré hier, lors des cérémonies patriotiques, un certain nombre de chefs de centre d’incendie et de secours, qui m’ont fait part de leurs difficultés à recruter.
Le dispositif proposé permettrait à notre système de secours, fondé sur le volontariat, de perdurer. Il est important de l’adopter, sachant en outre que l’arrêt du 21 février dernier de la Cour de justice de l’Union européenne ne va pas favoriser le volontariat.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. L’argument que vous avancez, monsieur le sénateur, ne sert pas la cause que vous défendez. Vous suggérez que les sapeurs-pompiers volontaires seraient moins employables que les autres. Or la solution que vous proposez entraînerait une très forte rupture d’égalité devant l’embauche. On ne peut pas en effet se prévaloir en la matière de ses engagements extérieurs.
La question se pose, monsieur le sénateur, pour les élus – nous réfléchissons d’ailleurs au statut de l’élu –, mais également pour toute personne, pas seulement les sapeurs-pompiers volontaires, ayant par ailleurs une charge que vous pourriez considérer d’intérêt général.
Cette question ne peut être réglée dans un texte financier. Donner des garanties aux militaires, aux pompiers, comme on réfléchit à un statut pour les élus, sachant que le code général des collectivités territoriales prévoit déjà certaines choses, pourquoi pas ? Mais pas dans un vecteur tel que le texte que nous examinons aujourd’hui. Je le répète, l’incitation financière que vous proposez pour les employeurs coûterait cher et entraînerait une rupture d’égalité.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Monsieur le ministre, nous manquons cruellement de sapeurs-pompiers volontaires et il est vrai que les entreprises, si elles ne rechignent pas à les embaucher, méritent un petit coup de pouce.
Certes, je vous l’accorde, la mesure proposée aurait un coût, mais les secours n’ont pas de prix. Combien cela coûterait-il de remplacer les sapeurs-pompiers volontaires, qui, je le rappelle, gagnent une misère de l’heure lorsqu’ils sont en intervention, par des entreprises privées ?
Je vois bien que vous n’êtes pas d’accord avec nous et que vous n’accepterez pas cet amendement, mais, sincèrement, les sapeurs-pompiers volontaires sont face au mur. Des mesures très volontaristes sont nécessaires afin de leur permettre de se faire embaucher dans les entreprises.
Je trouve cet amendement exceptionnellement bon. Je le soutiendrai évidemment.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je voterai aussi pour cet amendement, même si ce n’est qu’un amendement d’appel, et je vais vous dire pourquoi.
En milieu rural, lorsqu’un accident ou une maladie survient le week-end ou la nuit, en l’absence de médecin de garde et quand toutes les ambulances sont à l’hôpital, il ne reste le plus souvent que les sapeurs-pompiers. Or on constate une importante baisse des recrutements de sapeurs-pompiers dans les zones rurales, alors qu’on a impérativement besoin d’eux pour y préserver des vies et maintenir la sécurité.
Leur situation n’est pas comparable à celle des militaires ou des autres fonctionnaires, monsieur le ministre, elle est spécifique. Il faut absolument inciter les entreprises à garder les sapeurs-pompiers volontaires lorsqu’elles les ont embauchés. Enfin, il faut surtout que ces pompiers puissent partir en cas d’urgence ou lorsque de prompts secours doivent être organisés.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai objectivement du mal à comprendre notre débat. Comme vous, en tant qu’élu sur le territoire, j’ai constaté des problèmes de vocation et de recrutement de sapeurs-pompiers, mais la solution que vous proposez me paraît doublement de nature à ne pas permettre d’atteindre le but qui est le vôtre.
D’abord, il faut aider les sapeurs-pompiers, et non les gens qui les emploient par ailleurs, ce qui n’aurait pas beaucoup de sens. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Gilbert Bouchet. Mais si !
M. Gérald Darmanin, ministre. Quitte à dépenser 500 millions d’euros, autant revaloriser directement le traitement des sapeurs-pompiers.
Ensuite, imaginez l’usine à gaz que vous allez monter.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Il y en a d’autres !
M. Christophe Priou. Faites confiance à Bercy !
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, ce n’est pas Bercy qui vous parle. Comme disait ma mère, j’ai deux bacs, un pour laver, un pour rincer. Mon bon sens, c’est mon curriculum vitae ! Je peux dire des choses indépendamment de mon administration. (Exclamations sur de nombreuses travées.)
Je vous prie donc, même si nous ne sommes pas d’accord, de bien vouloir comprendre que celui qui vous parle n’est pas le monstre froid que vous avez tendance à dépeindre au motif qu’il est ministre des comptes publics. De manière générale, j’essaie d’avancer des arguments de bon sens. Comme vous, j’aime les sapeurs-pompiers. Il n’y a donc pas de problème !
Que va-t-il se passer ? Grâce à l’exonération que vous proposez, vous allez faire embaucher un sapeur-pompier volontaire plutôt qu’une personne qui ne l’est pas. C’est bien ce que vous recherchez en proposant une exonération ?
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Mais non !
M. Gérald Darmanin, ministre. L’exonération que vous proposez vise à favoriser les sapeurs-pompiers volontaires par rapport à ceux qui ne le sont pas ! Sinon, ce n’est pas la peine de dépenser 500 millions d’euros.
M. Rachid Temal. Caricature !
M. Gérard Cornu. C’est une discrimination positive !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous la qualifiez de positive, mais avouez donc que vous mettez en place un système d’exonération de cotisations patronales en faveur des sapeurs-pompiers volontaires. Vous leur permettrez ainsi d’être mieux intégrés professionnellement que ceux qui ne le sont pas. Tel est le but de l’amendement, ce n’est pas le caricaturer que de le présenter ainsi.
Lorsqu’une personne cessera d’être sapeur-pompier, ce qui sera son droit le plus strict, rétablirez-vous alors les charges patronales ? Devra-t-elle déclarer qu’elle n’est plus sapeur-pompier volontaire ? Cela ne regarde en aucun cas l’employeur. (Mais si ! sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. Rachid Temal. Démagogie !
M. le président. Mes chers collègues, seul M. le ministre a la parole.
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous proposez une mauvaise réponse, par cette non-recette, à la question de la crise des vocations, qui est certaine.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui, s’il était adopté, entraînerait une évidente rupture d’égalité entre des candidats en concurrence sur un poste et ne permettrait pas du tout d’atteindre l’objectif que vous évoquez.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendlé. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis sur le point de me rendre à Strasbourg – j’ai un train à prendre ! –, car, au Sénat, nous avons l’habitude de prendre nos responsabilités. J’ai rendez-vous avec Mme Thyssen, commissaire européenne à l’emploi, pour défendre la cause des sapeurs-pompiers volontaires et éviter que la directive européenne ne s’applique à leur statut. (Bravo ! et applaudissements sur de nombreuses travées.) Je serai donc très brève.
Monsieur le ministre, j’ai été nommée comme l’un des cinq corapporteurs de la mission pour la relance du volontariat mise en place par Gérard Collomb à la demande du Président de la République. Ce dernier avait annoncé quelques mois auparavant qu’il fallait relancer le volontariat. Le dispositif français est exceptionnel, car il permet aujourd’hui de garantir une présence de proximité dans un contexte de désertification médicale, la seule en nuit profonde et dans les zones rurales.
Nous avons travaillé. À partir des plus de 27 000 réponses que nous avons reçues à nos questionnaires, nous avons élaboré des mesures pragmatiques et logiques. Vous les connaissez sans doute puisque vous vous intéressez également aux sapeurs-pompiers.
Un des volets du rapport de la mission porte sur les employeurs et sur ce qu’on peut faire pour qu’ils laissent davantage partir leurs sapeurs-pompiers lorsqu’ils sont appelés sur un accident. Nous avons, entre autres, proposé un allégement de charges patronales.
Monsieur le ministre, je demande des explications. Le Président de la République demande à son ministre de l’intérieur de mandater un travail approfondi, qui a été fait, puis largement vendu par ce dernier lors du congrès de Bourg-en-Bresse voilà quelques semaines, sous les applaudissements. Pour ma part, je suis présidente du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, qui associe le collège des employeurs à ses travaux. La problématique est réelle et, aujourd’hui, nous avons l’occasion de mettre en œuvre l’une de nos propositions. Je ne comprends pas pourquoi, monsieur le ministre, en réponse à la commande qui nous a été faite, vous ne nous suivez pas. À quoi ont donc servi nos travaux ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Morisset. J’apporte mon soutien à cet amendement. Nous avons tous l’occasion de rencontrer nos sapeurs-pompiers. Les SDIS font preuve d’imagination pour renforcer leurs liens avec les entreprises et les inciter à recruter.
Cet amendement vise en fait à reconnaître la participation des chefs d’entreprise, avec lesquels nos services départementaux d’incendie et de secours mettent de plus en plus souvent en place des conventions. On peut lier cet amendement à un certain nombre de conditions, mais, sur le principe, on se doit de reconnaître qu’en apportant un soutien aux chefs d’entreprise on défend la disponibilité des salariés.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, devons-nous encourager le volontariat chez les sapeurs-pompiers ? La réponse est unanime : oui !
Est-ce une situation favorable lorsqu’un sapeur-pompier volontaire est employé dans une entreprise privée ? La réponse est également oui.
L’entreprise privée, du fait de la présence, parmi ses employés, de sapeurs-pompiers volontaires, subit-elle un préjudice, des désagréments, une désorganisation de son travail ? La réponse est oui.
Cet amendement vise donc à apporter une compensation à l’entreprise qui emploie, parmi ses salariés, des sapeurs-pompiers volontaires. Le groupe socialiste et républicain le soutiendra. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre, si je prends quelques instants la parole, c’est parce que je suis un peu gêné avant le vote. J’aimerais bien que le président de la commission des affaires sociales nous dise quelques mots.
Au fond, la question qui est au cœur de nos débats est la suivante : peut-on aider les employeurs à aider les sapeurs-pompiers volontaires ? L’amendement tend effectivement à mettre en œuvre une mesure de discrimination positive, afin de permettre une meilleure employabilité de nos sapeurs-pompiers.
À titre personnel, je suis d’accord avec tout ce qu’ont dit nos collègues, mais, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, je note que cette mesure, dont le coût est évalué pour l’instant à 500 millions d’euros, n’est pas financée dans le projet de loi. Si j’écoute le sénateur rural que je suis, je vote l’amendement, mais si j’écoute le rapporteur pour avis de la commission des finances, je me dis qu’il est peut-être préférable d’attendre d’avoir trouvé le financement de cette mesure. Je suis donc très embêté au moment de voter !
La commission saisie au fond étant la commission des affaires sociales, je renverrais bien la « patate chaude » à son président, afin qu’il nous dise, in fine, à l’issue de ce débat très dense, ce qu’il recommande à tous ceux qui se sont intéressés à ce sujet.
Loin de moi l’idée de discriminer le rapporteur général du PLFSS, qui nous a déjà donné son avis. Il serait maintenant intéressant de connaître celui de M. le président Milon.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Comme l’a dit M. le ministre, c’est une mesure à 500 millions d’euros, non compensée dans le budget de la sécurité sociale, qui accuserait de ce fait un déficit du même ordre. Dans ces conditions, je vous demande de trouver aussi les 800 millions d’euros manquants pour combler le déficit des hôpitaux cette année. Il me semble qu’il est plus important de faire le nécessaire pour les hôpitaux que de prendre des mesures visant à inciter les employeurs à embaucher des sapeurs-pompiers volontaires.
En tant que conseillers départementaux ou maires, vous savez combien vous coûtent les SDIS. Chaque fois que vous recevez la note, vous râlez, comme je l’ai fait pendant des années.
Je ne suis donc pas favorable à la mesure qui nous est proposée. Je préférerais attendre de voir comment cela se passe dans le temps. En tout état de cause, il ne me semble pas raisonnable d’imposer un déficit de 500 millions d’euros à la sécurité sociale pour cette mesure-là. (M. Olivier Henno applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. On ne peut qu’approuver les interventions qui viennent d’être faites concernant les sapeurs-pompiers volontaires. Cela étant, faut-il mettre en œuvre une exonération des cotisations patronales et amoindrir encore le budget de la sécurité sociale ?
Depuis le début, notre groupe affirme avec constance que les exonérations patronales ne sont pas la solution. Et là, on en rajoute !
Comme l’a très bien dit le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, nous avons tous dans nos territoires des hôpitaux à genoux, asphyxiés. Mme la ministre des solidarités et de la santé n’arrête pas de nous dire qu’il n’y a pas d’argent et que ce n’est de toute façon pas la solution.
Et il faudrait tout à coup adopter une mesure qui pèserait gravement sur le budget de la sécurité sociale ?
Notre groupe n’est pas favorable à ces exonérations patronales et ne soutiendra pas cet amendement. Nous ne voterons pas contre, nous nous abstiendrons.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Hommage à Émile Reymond, sénateur mort au combat
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en ce mois de novembre 2018, alors que s’achèvent les commémorations du centenaire de la fin de la Grande Guerre, j’ai tenu à conclure ces cérémonies en rendant un hommage particulier au sénateur mort au combat au cours de la Première Guerre mondiale, Émile Reymond, décédé dans des circonstances héroïques le 22 octobre 1914 à la suite d’une mission de reconnaissance aérienne au-dessus des lignes allemandes. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent.)
Émile Reymond fut jusqu’à son dernier jour un homme passionné, qui se voua à de multiples engagements, toujours au service de l’intérêt général, comme médecin, comme élu, comme aviateur, comme militaire. Ayons aussi à l’esprit son engagement républicain et social, qui a marqué toute sa vie.
Né le 9 avril 1865 à Tarbes, fils de Francisque Reymond, député puis sénateur de la Loire, Émile Reymond a « fait ses humanités » au lycée de Versailles, puis aux lycées Condorcet et Henri-IV, à Paris. Il poursuivit ensuite l’étude des mathématiques et opta finalement pour la faculté de médecine de Paris.
Ce fut d’abord un grand chirurgien, dans ses fonctions à l’hôpital de Sèvres puis, à partir de 1903, à la « Maison départementale de Nanterre », où son service fut l’un des plus importants de ce que l’on appelait la région parisienne.
Élu local, il devint conseiller général du canton de Boën et présida le conseil général de la Loire, puis il succéda en 1905 à son père, récemment décédé, comme sénateur de la Loire, département d’élection de nos collègues Bernard Bonnne, Cécile Cukierman, Bernard Fournier et Jean-Claude Tissot. Réélu sénateur en 1906, il exerça les fonctions de secrétaire du Sénat à partir de 1912.
Au Sénat, c’est tout naturellement qu’il mit à profit son expérience et sa compétence de médecin pour intervenir dans les différents débats concernant la santé publique.
Émile Reymond fut un passionné d’aéronautique. Il avait obtenu son brevet de pilote en 1910. Il fit de nombreuses randonnées en avion en France, ainsi qu’une exploration aérienne du Sahara.
Cette passion pour l’aéronautique se concrétisa par sa participation au groupe de l’aviation du Sénat, en tant que vice-président, au Comité national de l’aviation militaire et au Conseil supérieur de l’aérostation militaire. Elle le conduisit surtout à jouer un rôle majeur dans le développement de l’aviation militaire, dont il pressentait l’importance potentielle pour la défense nationale.
Ainsi, il lançait depuis la tribune de notre hémicycle des « appels pressants » et adressait des « sommations impérieuses » « aux hommes des bureaux et à leurs hésitations temporisatrices ». Il parlait naturellement de défense.
Les efforts d’Émile Reymond débouchèrent sur la création d’une direction de l’aéronautique au ministère de la guerre, au sujet de laquelle il présenta, comme rapporteur, l’avis favorable de la commission sénatoriale de l’armée en 1913.
Lorsque les hostilités éclatèrent, il choisit de servir en première ligne comme observateur en aéroplane dans une escadrille de l’armée de l’Est, plutôt que comme chirurgien à l’arrière. La lecture de ses carnets de guerre montre qu’Émile Reymond rongeait souvent son frein lorsqu’il était confronté aux ordres limitant les départs en reconnaissance aérienne et qu’il déplorait « l’obstination » que l’on mettait, selon lui, à ne pas tirer parti de l’aviation.
Cela ne le découragea pas de continuer à mener des reconnaissances aériennes. Ainsi, le 13 septembre 1914, il partit seul en reconnaissance en dépit d’un vent violent et constata à cette occasion que l’ennemi avait quitté une région que l’on croyait encore occupée. Cette mission intrépide lui valut sa première citation.
Le 21 octobre 1914, le destin lui fut malheureusement moins favorable. Alors qu’il s’était chargé d’une reconnaissance périlleuse qui ne pouvait être accomplie qu’à très basse altitude, son avion fut contraint d’atterrir entre les positions allemandes et les lignes françaises. Il fut immobilisé en lisière du bois de Mort-Mare, dans le département de Meurthe-et-Moselle, cher à nos collègues Véronique Guillotin, Jean-François Husson, Philippe Nachbar et Olivier Jacquin, à quelques centaines de mètres seulement de l’endroit où se trouve aujourd’hui l’exploitation agricole de ce dernier. Une stèle mémorielle pourrait y être érigée, marquant la reconnaissance du Sénat, cent ans après la motion du 22 décembre 1918.
Exposé à un feu nourri, Émile Reymond fut grièvement blessé par une balle qui lui perfora le corps, alors que le pilote qui l’accompagnait était tué. Il réussit, à la faveur de la nuit tombée, à gagner en rampant les lignes françaises, d’où il put être emmené à l’hôpital de Toul. Malgré ses blessures, il trouva l’énergie de faire un compte rendu très précis de sa reconnaissance. Il mourut le lendemain, vers seize heures, après que son général l’eut décoré de la Légion d’honneur.
La mort héroïque d’Émile Reymond fait honneur à la patrie, au Sénat, comme sa vie tout entière. Nous nous sommes inclinés ce matin devant deux autres anciens sénateurs morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale, Alfred Mézières et Charles Sébline, décédés alors qu’ils étaient otages.
Je vous propose, en cet instant, d’observer un moment de recueillement en leur mémoire, en y associant le souvenir des fonctionnaires du Sénat et de tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour le pays au cours de cette Grande Guerre qui s’est achevée voilà maintenant un siècle. Nous en avons fait mémoire le 11 novembre autour du Président de la République ; cette mémoire n’est pas simplement historique, c’est aussi une mémoire pour l’avenir. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)
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Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
J’appelle chacun de vous à être attentif au respect des uns et des autres, particulièrement aujourd’hui, ainsi qu’au respect du temps de parole.
habitat insalubre à marseille
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Samia Ghali. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Fabien, Niasse, Simona, Cherif, Julien, Ouloume, Taher, Marie-Emmanuelle ont perdu la vie à Marseille, victimes de l’habitat indigne.
Plus de 400 personnes sont dans le désarroi, dans la crainte de nouveaux effondrements. Vos ministres sont venus à Marseille ; ils ont constaté la catastrophe qui s’est abattue sur le « ventre » de notre ville.
L’enquête ouverte par le procureur de la République de Marseille déterminera les responsabilités, mais les Marseillaises et les Marseillais qui vivent dans ces terribles conditions ont besoin de réponses rapides et de l’aide du Gouvernement. Certains quartiers sont clairement dans une situation de non-assistance à personnes en danger.
Au regard de la gravité des faits, du désarroi de la population et de l’étendue de la tâche, je vous demande, monsieur le Premier ministre, de décréter un état d’urgence sanitaire et sociale pour lutter contre l’habitat indigne en lançant une opération de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national – ORCOD-IN – et une opération d’intérêt national sur le périmètre du grand centre-ville.
Ces deux opérations permettront de mobiliser des moyens humains et financiers exceptionnels, de mutualiser les procédures d’intervention, de centraliser les actions des différents intervenants institutionnels et associatifs, en somme de poser enfin les bases d’une démarche pragmatique et efficace, à la hauteur des enjeux liés aux difficultés traversées par la deuxième ville de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Madame la sénatrice Samia Ghali, nous partageons bien sûr l’émotion qu’a suscitée la survenue de ce drame, la semaine dernière. Nous exprimons notre reconnaissance et notre soutien aux forces de secours et aux forces de l’ordre, qui sont intervenues avec beaucoup de courage et dans les délais les plus rapides.
Comme vous l’avez dit, madame Ghali, une enquête judiciaire est bien évidemment en cours, et le Gouvernement ne saurait se prononcer sur les responsabilités et sur les circonstances de ce drame.
Plusieurs actions ont été conduites depuis la semaine dernière, en lien avec la métropole Aix-Marseille Provence et la commune de Marseille, en particulier une expertise et une sécurisation des immeubles dans le périmètre immédiat de l’effondrement. Des instruments de mesure ont été mis en œuvre et il a été procédé à des évacuations par précaution. Depuis hier, la totalité des personnes évacuées ont été relogées et les enfants ont pu reprendre le chemin de l’école.
Un audit de sécurité sera ensuite mené immeuble par immeuble, dans un périmètre beaucoup plus large. Des équipes des services de l’État sont d’ores et déjà à disposition de la ville de Marseille.
Il faudra, au-delà, prendre un certain nombre de mesures fortes. Vous avez évoqué le lancement d’une opération d’intérêt national, madame la sénatrice. Jacqueline Gourault et Julien Denormandie sont en ce moment même en train d’envisager avec Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille, quels outils pourront être mis en place dans les prochains jours pour apporter une réponse forte.
Le problème de l’habitat insalubre ne concerne pas que Marseille. Julien Denormandie a fait des annonces au mois d’octobre dernier, précisément dans cette ville. Ainsi, le plan « initiative copropriétés » sera doté de 3 milliards d’euros. En outre, la loi ÉLAN permet de s’attaquer aux marchands de sommeil, qui portent une lourde responsabilité. Enfin, un comité de travail est à l’œuvre pour raccourcir les délais et simplifier les procédures, afin de permettre aux collectivités territoriales de faire face plus facilement à ces difficultés.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour la réplique.
Mme Samia Ghali. Je comprends de votre réponse, monsieur le ministre, que l’opération d’intérêt national sera lancée. Tant mieux pour les Marseillais, mais sachez que toutes les personnes évacuées n’ont pas encore été relogées : on vous a fourni de fausses informations à ce sujet, car nombre d’entre elles sont encore hébergées dans des hôtels. Telle est la réalité que vivent les Marseillais : je vous invite à le vérifier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
gouvernance de l’internet et cybersécurité
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Colette Mélot. Ma question s’adresse à Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Madame la ministre, le Forum sur la gouvernance de l’internet se déroule en ce moment même à l’UNESCO. Le Président de la République y a lancé hier l’appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace. Son objectif est de faire du cyberespace un espace de paix, soumis à des règles, pour tous les acteurs : États, entreprises et citoyens.
Aujourd’hui, où en sommes-nous ? Le cyberespace est un far west où des hackers russes s’attaquent à nos démocraties, où des hackers chinois s’attaquent à nos entreprises, où des États s’affrontent dans le silence et l’anonymat des programmes informatiques. Le droit international ne s’y applique pas, ou si peu. La confiance entre les acteurs y est inexistante. La criminalité y est galopante. Le terrorisme et la haine y trouvent un terreau propice aux entreprises de destruction…
Ces dernières années, les grands États autoritaires de la planète ont renforcé leur contrôle sur le monde numérique : la Chine a construit sa « grande muraille » numérique, la Russie développe son propre internet… Un mouvement de balkanisation et de fragmentation du web est à l’œuvre.
Seule l’Europe tente de proposer un autre modèle : celui d’un cyberespace de liberté et d’échange, où le respect de la vie privée des citoyens est la priorité. C’est l’objet du RGPD, le règlement général sur la protection des données, entré en vigueur cette année.
Mais cet effort n’est pas suffisant. Dès lors, madame la ministre, comment renforcer les normes internationales du cyberespace sans la Chine, sans la Russie, sans l’Inde, sans les États-Unis, qui n’ont pas signé l’appel de Paris ? Comment la France et l’Europe peuvent-elles dépasser les incantations pour défendre un modèle numérique ouvert et protecteur des citoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice Colette Mélot, la France accueille pour la première fois le Forum sur la gouvernance de l’internet. Ce forum est un lieu de dialogue entre les États, mais aussi avec le secteur privé et la société civile. Il réunit au total plus de 4 000 personnes.
Internet est aujourd’hui au cœur de nos vies. Riche d’opportunités, il comporte aussi, comme vous l’avez très bien dit, des risques majeurs – cyberharcèlement, diffusion de contenus haineux ou incitant au terrorisme, cyberattaques, désinformation – qui menacent les fondements de notre démocratie. C’est en effet une arme redoutable entre des mains mal intentionnées, officines d’États ou groupes criminels.
La France est en première ligne dans ce combat. Le Président de la République l’a rappelé hier en ouverture du forum : le web ne peut être laissé sans gouvernance.
Nous refusons le choix binaire entre autogestion et contrôle méconnaissant l’État de droit et les principes démocratiques. Notre priorité, c’est la protection des citoyens utilisateurs d’internet. C’est dans cet esprit que nous travaillons avec nos partenaires européens sur la protection des élections ou sur l’obligation, pour les plateformes, de retirer un message appelant au terrorisme en moins d’une heure.
Ce cadre européen est indispensable, mais, comme vous l’avez dit, il ne suffit pas, d’où l’importance de l’appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace, lancé hier par la France et déjà soutenu par près de 370 entités, en majorité du secteur privé et de la société civile, mais aussi par plus de 50 États, dont tous les États membres de l’Union européenne.
Cet appel condamne les cyberactivités malveillantes et marque la mobilisation de tous les acteurs pour y mettre fin. Nous allons poursuivre nos efforts pour que le cyberespace devienne un espace où le droit international est pleinement applicable et appliqué. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
menace terroriste
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Voilà trois ans, les attentats du 13 novembre 2015 faisaient 130 morts et plus de 400 blessés au stade de France, sur les terrasses des restaurants et au Bataclan.
La barbarie islamiste a fait couler le sang d’innocents à Paris, mais aussi à Nice, à Marseille, à Toulouse, à Saint-Étienne-du-Rouvray, à Carcassonne, à Trèbes.
Nous pensons très fort, en ce jour, aux victimes et aux familles, toujours dans la douleur. Nous rendons hommage aux policiers, aux gendarmes et aux membres des services de secours qui ont vécu l’horreur absolue de ces crimes.
La guerre contre la barbarie et le terrorisme islamistes n’est pas finie, et les cinquante-cinq projets d’attentats déjoués sur notre sol depuis 2013, dont six cette année, attestent que la menace est toujours bien présente.
Comment gagner ce combat, monsieur le Premier ministre, comment lutter contre ce fléau, quand votre ministre de l’intérieur se refuse à désigner les racines de cette menace : l’islamisme radical et le communautarisme, terreau fertile de la radicalisation ? Ils sont ce nouvel antisémitisme dont votre gouvernement refuse de parler. Quand allez-vous prendre conscience qu’il faut réarmer moralement notre pays, qu’il faut reconquérir les esprits, au nom de la République et de tous ceux qui se reconnaissent en elle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, ce matin, avec des parlementaires de Seine-Saint-Denis et de Paris, issus de toutes les familles politiques, nous avons rendu hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, à Saint-Denis puis sur les autres lieux où ont frappé les terroristes.
À l’occasion de ces cérémonies, l’émotion était forte chez les victimes et leurs familles, qui, comme beaucoup d’entre elles me l’ont dit, revivent tous les jours ces attaques. L’émotion était très forte aussi chez les policiers, singulièrement ceux de la brigade de recherche et d’intervention, les pompiers, les médecins du SAMU et des différents hôpitaux parisiens, les secouristes et, plus généralement, tous ceux qui conservent un souvenir très vif de ces actes terroristes. Je m’associe à l’hommage rendu par le Sénat à tous ceux qui, ce jour-là, ont fait de leur mieux, et souvent bien plus encore, pour être à la hauteur des enjeux et du drame qui se nouait.
Vous affirmez, madame la sénatrice, que nous nous refusons à nommer la menace à laquelle nous sommes confrontés. Or ce débat est clos et révolu : ce gouvernement, comme ceux qui l’ont précédé, a clairement indiqué que l’ennemi était connu, qu’il prenait la forme du terrorisme islamiste et que notre objectif était de le combattre et de faire prévaloir ce que nous sommes.
En effet, madame la sénatrice, les terroristes qui ont attaqué notre pays le 13 novembre 2015 ne voulaient pas « conquérir » un territoire ou défaire les institutions de la République ; ils voulaient s’en prendre à ce que nous sommes, à notre liberté, à notre façon de vivre, à notre sens de la fête, à notre capacité à débattre et à ne pas être d’accord le cas échéant, à ce qui fonde la démocratie et la République française.
C’est cela que nous devons défendre, d’abord en continuant à être nous-mêmes, en affirmant et en assumant ce que nous sommes, ensuite en dotant nos forces de sécurité intérieures et nos armées des moyens dont elles ont besoin pour garantir la sécurité des Français.
Un certain nombre d’attentats ont effectivement été déjoués depuis le 13 novembre 2015. Madame la sénatrice, la menace que vous évoquez n’a pas disparu, nous en sommes tous parfaitement conscients, au sein tant du Gouvernement que de la représentation nationale.
C’est la raison pour laquelle nous essayons, dans la continuité de ce qui a déjà été fait, de réarmer notre pays, pour faire en sorte que les forces de sécurité disposent de plus de moyens et d’effectifs. C’est un élément de réponse indispensable.
Nos forces armées doivent également pouvoir disposer de moyens bien plus importants qu’auparavant, pour être en mesure de faire prévaloir nos intérêts à l’extérieur de nos frontières.
Mais ce combat n’est pas simplement sécuritaire ; c’est aussi un combat culturel et social, un combat républicain. En tous points du territoire et dans tous les domaines, nous devons regarder la menace et la réalité en face. Nous le faisons sans esprit polémique, madame la sénatrice, avec beaucoup de détermination, en engageant des moyens qui ont peut-être fait défaut à une certaine époque, pour garantir à nos concitoyens non pas le risque zéro – ce ne serait pas réaliste –, mais le plus haut niveau de sécurité possible. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le Premier ministre.
J’entends que vous ne seriez plus dans le déni ; ce n’était pas le cas jusqu’à présent, force est de le constater. (Murmures sur les travées du groupe La République En Marche.) Le déni n’est pas une solution ! Quand on ne désigne pas l’islamisme radical, on ne peut traiter le sujet à fond. Le silence n’a que trop duré ! J’espère que vous êtes vraiment résolu à en sortir, monsieur le Premier ministre, car le silence a jusqu’à présent empêché la France de lutter efficacement contre ce fléau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En Marche.)
perspectives pour la ligne à grande vitesse lyon-turin
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Loïc Hervé. Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée des transports. Elle porte sur le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin.
Plusieurs signaux inquiétants ont récemment été émis en Italie, mais ce projet, vital sur le plan économique à l’échelle européenne comme à celle du massif alpin, ne doit pas être abandonné.
Son importance est aussi écologique. On ne peut pas, d’un côté, dire qu’il faut relancer le fret ferroviaire, désengorger les routes, taxer les poids lourds et, de l’autre, ne pas faire la ligne Lyon-Turin : ce serait totalement contradictoire.
Madame la ministre, vous avez rencontré votre homologue italien. Il fait face à une menace de blocage du chantier par le Mouvement 5 étoiles et souhaite diligenter une nouvelle analyse coûts-avantages.
Devant cette mobilisation, la France doit donner des signes de fermeté et rester le garant de la dynamique de ce chantier, qui bénéficie du soutien de l’Union européenne.
Quelle est la position de la France sur ce dossier, madame la ministre ? Quel calendrier défendez-vous ? Entendez-vous différer le lancement des appels d’offres, et dans l’affirmative selon quel phasage ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, comme vous le savez, la réalisation de la ligne Lyon-Turin a fait l’objet d’un traité international entre la France et l’Italie, ratifié en février 2017. Le Président de la République a confirmé notre engagement lors du sommet franco-italien de septembre 2017.
Je me suis en effet entretenue avec mon homologue italien hier, pour faire le point sur ce dossier. Le Gouvernement italien a souhaité engager une étude sur les coûts et les avantages de ce projet avant de déterminer sa position, conformément à son programme de coalition. J’ai indiqué que la France prenait acte de cette décision, mais j’ai aussi rappelé que le calendrier de l’étude et les décisions à suivre devront être cohérents avec les contraintes liées à nos engagements internationaux conjoints, notamment en termes de financement européen, l’Union européenne s’étant déclarée prête à porter sa participation à 50 % du coût du projet.
Parallèlement, nous continuons à agir pour améliorer l’ensemble des dessertes ferroviaires alpines. Ainsi, nous investissons pour améliorer les transports du quotidien, avec par exemple la mise en service du Léman Express, qui est un véritable RER reliant Genève à la France, et la réalisation de travaux dans différentes gares, en particulier celle de Lyon Part-Dieu, pour renforcer les dessertes entre Lyon et les départements alpins.
Mme Cécile Cukierman. Les gares ferment, la région est sinistrée !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je vous confirme que nous avons inscrit l’ensemble de ces projets dans la programmation des investissements qui sera intégrée à la future loi d’orientation des mobilités, qu’il s’agisse des transports du quotidien ou de la ligne Lyon-Turin et de ses accès.
En conclusion, la position du Gouvernement est claire : respect des engagements internationaux comme du processus de décision de nos voisins italiens ; investissements pour les transports du quotidien et le report modal dans les Alpes. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.
M. Loïc Hervé. Pour préserver les Alpes et leurs habitants de la pollution de l’air, il faut que cette infrastructure et ses voies d’accès se réalisent selon le calendrier annoncé. C’est une question de crédibilité internationale et c’est un enjeu géopolitique, à la hauteur de celui du tunnel sous la Manche.
Il faut aussi accélérer les investissements ferroviaires dans les vallées alpines pour faciliter les déplacements du quotidien, vous l’avez dit. Je pense en particulier à la vallée de l’Arve : le début des travaux d’automatisation de la ligne est annoncé pour 2028 ; on marche sur la tête ! Soyons aussi ambitieux que les Suisses et les Autrichiens ! Pour cela, tenons nos engagements et accélérons les investissements qui ne dépendent pas des relations bilatérales. On aimerait tellement voir le bout du tunnel… (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
territoires du nord
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, je vous remercie, au nom des habitants et des élus du département du Nord, pour l’attention toute particulière réservée à notre territoire, au travers notamment de la récente visite du Président de la République. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) C’était la première fois depuis 1959 qu’un Président de la République se rendait à Maubeuge. Vous-même, monsieur le Premier ministre, serez à Dunkerque jeudi pour une réunion du comité interministériel consacré à la mer. (Nouvelles exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
Doublement de la route nationale 2 avec un engagement de l’État à hauteur de 17,2 millions d’euros, 450 millions d’euros d’investissements et création de 200 emplois dans le secteur de l’automobile, signature d’un contrat de transition écologique et solidaire avec les élus de la Sambre et de l’Avesnois (Huées sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, qui couvrent la voix de l’orateur.), engagement du Président de la République aux côtés des salariés d’Ascoval (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), réaffirmation du rôle du port de Dunkerque dans la politique maritime française : autant d’engagements qui ont été gravés dans le marbre !
Ma question sera simple (Ah ! sur de nombreuses travées.) : ces engagements, qui étaient attendus par les habitants et les élus du département, seront-ils suivis d’effets financiers dès le 1er janvier 2019 ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Oui, monsieur le sénateur Marchand, les engagements qui ont été pris seront tenus ! (Exclamations amusées sur de nombreuses travées. – Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Vincent Éblé. La parole est à M. le père Noël…
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ils le seront d’autant plus que les projets en question sont soutenus, bien souvent depuis des années, par des élus locaux tant socialistes ou communistes que membres de l’UDI ou des Républicains. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Cette itinérance mémorielle a été l’occasion pour l’État de s’engager là où il ne l’avait pas toujours été suffisamment dans le passé. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
C’est vrai en particulier pour les Hauts-de-France. Le doublement de la route nationale 2 était une demande ancienne de Xavier Bertrand, relayée par Gérald Darmanin au sein du Gouvernement (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) et par un certain nombre de parlementaires, dont le sénateur Daubresse, par exemple.
Le contrat de transition écologique que vous avez évoqué, monsieur le sénateur Marchand, est le deuxième signé dans la région, après celui d’Arras, concernant notamment les métiers de l’agriculture.
Beaucoup d’argent est ainsi mis sur la table ; les montants que vous avez indiqués sont exacts, je n’y reviens pas. Ces sommes sont bel et bien inscrites en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Le Gouvernement – n’en déplaise à certains – s’engage pour les territoires, en particulier pour ceux qui ont été trop longtemps oubliés ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
bilan du déploiement du plan numérique
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Yves Roux. Que l’on me permette tout d’abord de saluer la mémoire des 130 personnes décédées lors des attentats du 13 novembre 2015 ; elles ont été victimes de la barbarie la plus inhumaine.
Ma question s’adresse à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
Il y a quelques jours, sur l’initiative du groupe RDSE, le Sénat votait la création de l’Agence nationale de cohésion des territoires. Pour nous, il s’agissait de mobiliser, dans un souci d’égalité territoriale, des agences de l’État autour de projets de développement économique majeurs.
Dans cette perspective, nous avons plaidé pour l’intégration rapide de l’Agence du numérique au sein de la future agence. Mes chers collègues, je sais que ce sentiment est partagé ici : sans accès égal au numérique et à la téléphonie mobile, l’égalité territoriale n’existe pas. En effet, comme l’énonçait Léon Gambetta, ce qui constitue la démocratie, ce n’est pas de reconnaître des égaux, mais d’en faire.
Monsieur le Premier ministre, le 14 décembre 2017, à Cahors, vous avez indiqué vouloir instaurer, dans la continuité du plan France Très haut débit, « la garantie de l’accès à tous au bon débit et la généralisation de la couverture mobile de qualité d’ici à 2020 ». À cette fin, vous avez lancé il y a quelques semaines un appel à manifestation d’engagements locaux.
Par ailleurs, l’accord signé le 14 janvier 2018 avec les quatre opérateurs – un accord contraignant, ce que je salue – prévoyait bien une couverture mobile totale d’ici à 2020, avec la construction de 5 000 sites, ainsi que le déploiement de la 4G en trois ans. Cet engagement des opérateurs n’est pas le moindre.
Enfin, nous venons d’apprendre que, à partir de demain, les lignes de téléphonie fixe ne seront plus commercialisées et que les 9 millions d’utilisateurs actuels devront disposer d’un accès internet d’ici à quatre ans.
Monsieur le ministre, près d’une année s’est écoulée depuis le lancement de ce plan et la signature de cet accord. Dans ce contexte d’accélération de la dématérialisation, où en êtes-vous de l’identification des sites prioritaires et de la rédaction de l’arrêté qui déclenchera l’intervention effective des opérateurs ? Comment comptez-vous accompagner le glissement de la téléphonie fixe traditionnelle vers le numérique pour les particuliers, notamment les plus fragiles d’entre eux, les administrations et les entreprises ? Pourrez-vous tenir les objectifs ambitieux fixés pour les territoires ruraux, d’outre-mer et de montagne ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Roux, voilà un sujet sur lequel l’ensemble de nos territoires doivent pouvoir se retrouver.
Nos objectifs sont d’assurer l’accès de tous à un bon débit d’ici à 2020, au très haut débit d’ici à 2022 et de généraliser la couverture mobile de qualité.
En ce qui concerne la téléphonie mobile, l’accord que Julien Denormandie a conclu en janvier dernier avec les opérateurs au nom du Gouvernement est effectivement contraignant. Depuis lors, les choses avancent bien : 2 500 pylônes 4G ont été installés en juillet dernier, 480 sites supplémentaires ont été arrêtés, entre 700 et 900 autres seront identifiés pour l’année prochaine.
En ce qui concerne l’internet fixe, là aussi les engagements des opérateurs, en l’occurrence Orange et SFR sur les zones d’initiative privée, seront contraignants et leur non-respect sera sanctionnable. Par ailleurs, les 3,3 milliards d’euros du plan France très haut débit alloués aux réseaux d’initiative publique sont sécurisés.
En ce qui concerne le réseau téléphonique commuté – la téléphonie fixe par le cuivre, pour le dire plus simplement –, la commercialisation de nouveaux accès cesse en effet ce mois-ci, mais les accès existants sont bien sûr maintenus. Le service sera arrêté par plaques à partir de 2022, les zones concernées étant annoncées cinq ans à l’avance. Une transition douce et adaptée sera ménagée pour chaque territoire. Enfin, il n’est aucunement question de démanteler le réseau cuivre, tant que l’ensemble du réseau à très haut débit n’est pas installé et stabilisé.
En conclusion, il s’agit là d’un bel exemple de partenariat entre les collectivités territoriales et l’État. Une collectivité ou l’État ne pourrait déployer seul le très haut débit. Quand tout le monde s’entend bien, les choses avancent beaucoup plus vite ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
nouvelle offensive dans la bande de gaza
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Christine Prunaud. Depuis nos dernières interventions sur la situation dans la bande de Gaza, le conflit s’est aggravé. Nous assistons à un engrenage de violences, à la suite de l’infiltration, ce dimanche, des forces spéciales israéliennes dans la bande de Gaza. L’armée israélienne a mobilisé des avions de combat, des hélicoptères d’attaque, et déployé des batteries antimissiles supplémentaires. Des chars seraient en route pour la bande de Gaza. À ce niveau, chers collègues, il s’agit non plus de représailles, mais de guerre, et, comme dans toutes les guerres, les civils sont les premières victimes…
La situation serait tout autre si l’État palestinien était reconnu. Cette reconnaissance a été portée avec succès par mon groupe, puisque le Sénat a adopté en 2014 sur son initiative une proposition de résolution en ce sens.
Dans le cas présent, il ne s’agirait plus alors d’une simple intrusion dans un territoire, mais d’un conflit entre deux États, et la réponse diplomatique de notre pays serait complètement différente.
Madame la ministre, nous sommes face à un conflit intolérable. Israël poursuit son unique objectif : une terre sans Palestiniens. C’est bien de cela qu’il s’agit !
Que compte faire le Gouvernement pour imposer une trêve,…
M. Roger Karoutchi. C’est fait !
Mme Christine Prunaud. … placer les Palestiniens sous protection de l’ONU, abroger le blocus de Gaza et reconnaître enfin l’État palestinien ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice, vous avez raison, la situation qui prévaut entre Israël et le Hamas est très préoccupante : la violence a atteint son niveau le plus élevé depuis le conflit de l’été 2014.
La France a fermement condamné hier les tirs de roquette revendiqués par le Hamas : plus de 400 – encore 70 ce matin – ont visé, depuis la bande de Gaza, des cibles civiles en territoire israélien. Les habitants du sud d’Israël vivent dans la peur ; cette peur doit cesser.
Mais ce qui doit également cesser, c’est la violence disproportionnée à l’encontre des Palestiniens. N’oublions pas que, depuis le mois de mars, la réaction des forces israéliennes aux manifestations de Gaza a fait plus de 170 morts et des milliers de blessés. Ce niveau de violence est injustifiable, quel que soit notre attachement à la sécurité d’Israël.
Au-delà de la violence, ce dont souffre Gaza, c’est d’une accumulation de crises.
Une crise humanitaire tout d’abord : subie par 2 millions de Gazaouis, elle ne cesse de s’aggraver. Pour y mettre fin, il faut effectivement lever le blocus et faire en sorte qu’Israël obtienne des garanties de sécurité crédibles. Cette crise est aggravée par le retrait américain de l’UNRWA, l’agence des Nations unies qui vient en aide à une grande partie de la population de Gaza. La France a d’ailleurs annoncé une aide d’urgence de 2 millions d’euros et doublera l’année prochaine son soutien, pour le porter à 20 millions d’euros.
La crise dont souffre Gaza est aussi politique. Elle prend sa source dans la désespérance que suscite le blocage du processus de paix. C’est particulièrement vrai à Gaza, territoire peuplé de 70 % de réfugiés et de descendants de réfugiés.
La situation est connue, son règlement passe par des négociations sérieuses pour mettre en œuvre la solution à deux États vivant dans la paix et la sécurité au sein de frontières reconnues, avec Jérusalem pour capitale. C’est l’objectif que nous poursuivons, en amis d’Israël et des Palestiniens. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – MM. Loïc Hervé et Alain Joyandet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour la réplique.
Mme Christine Prunaud. Nous sommes en partie d’accord avec vos propos, madame la ministre, mais M. Macron avait dit qu’il fallait attendre un moment propice pour reconnaître l’État palestinien : je pense que ce moment est arrivé ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, j’ai le cœur gros, comme tous les policiers qui pleurent Maggy Biskupski, présidente de la mobilisation des policiers en colère. Maggy s’est suicidée hier, quelques jours après un gendarme – chez vous, à Matignon – et un policier de la police aux frontières.
Cela ne s’arrête pas, malgré toutes les mesures de prévention des risques psychosociaux. Cela ne s’arrête pas parce que les raisons de cette situation sont beaucoup plus profondes et que le Gouvernement n’a pas voulu les voir.
Ces raisons, anciennes ou récentes, notre commission d’enquête les a décrites et analysées. Nous avons fait trente-deux propositions concrètes et réalistes ; vous avez refusé de les prendre en considération, et même de nous en donner acte dans cet hémicycle, lors de la séance du 5 juillet dernier.
N’esquivez plus ! Ne répondez plus à la marge, quand le problème est au fond : policiers et gendarmes consacrent les deux tiers de leur temps aux tâches procédurales, ils prennent toujours plus de risques et ce, au bout du compte, pour rien, en l’absence de réponse pénale adaptée. Ils se posent la question du sens de leur mission et de leur vie.
Maggy était venue au Sénat, le 7 février dernier, avec son collègue Guillaume Lebeau, nous expliquer cette réalité. Sincère, franche, courageuse, généreuse, lucide, mais tellement déçue, elle gardait pourtant la foi en sa mission et un sens du devoir intact. Nous l’avions écoutée avec gravité, au contraire de vous : vous l’avez fait entendre par l’Inspection générale de la police nationale, l’IGPN, pour atteinte à l’image de la police…
Monsieur le Premier ministre, allez-vous écouter et comprendre les policiers ? Allez-vous entendre, à titre posthume, le cri de détresse de Maggy ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Grosdidier, vous m’interpellez sur un événement tragique, la mort d’une femme gardienne de la paix, engagée pour défendre la cause des policiers. Attendons les résultats de l’enquête qui a été diligentée pour connaître les raisons de son geste avant de commenter celles-ci.
Au-delà, vous m’interrogez sur le mal-être dans la police. Ce mal-être est réel, nous le savons, et je ne vous opposerai pas le fait que le nombre de suicides dans la police est en forte baisse cette année par rapport à l’année précédente.
Il y a quelques jours, j’étais avec Laurent Nunez à Viry-Châtillon, d’où est parti ce cri de colère que Maggy Biskupski a su incarner, voulant défendre les forces de police. Une quinzaine de jeunes y avaient attaqué deux véhicules de police, tentant d’empêcher leurs occupants d’en sortir et lançant des cocktails Molotov pour les faire mourir brûlés vifs. Ce fut un véritable acte de guerre.
J’ai rencontré Vincent, l’une des victimes, qui se reconstruit lentement, difficilement. Il m’a parlé de la nécessaire reconquête du territoire. Avec Laurent Nunez, nous avons aussi rencontré l’ensemble des forces de l’ordre qui étaient présentes sur site. Elles sont intervenues très vite pour porter secours et ont ensuite mené une enquête remarquable : aujourd’hui, treize des jeunes responsables présumés de l’attaque sont en prison. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
J’ai également rencontré deux maires de couleurs politiques très différentes, qui prônent avec force la reconquête républicaine de ce quartier. En deux ans, des moyens ont été mis en œuvre sur place. À l’époque des faits, M. Cazeneuve avait dépêché immédiatement une centaine de policiers pour ne laisser aucun espace à ceux qui voudraient faire reculer la République.
Monsieur le sénateur, il est aujourd’hui nécessaire de renforcer les moyens. C’est ainsi que le budget augmente de plus d’un milliard d’euros en deux ans, que 300 millions d’euros sont investis dans l’immobilier et que l’équipement en véhicules atteint un niveau jamais vu auparavant. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Christophe Castaner, ministre. En outre, Mme la garde des sceaux vous a présenté la semaine dernière un projet de réforme de la procédure pénale visant à éviter que les policiers y consacrent trop de temps et à permettre qu’ils puissent ainsi être davantage sur le terrain, comme ils le souhaitent. J’ai vu aussi, monsieur le sénateur, quels choix politiques ont été faits dans cette assemblée… (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe La République En Marche.
M. Michel Amiel. Ma question s’adresse à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
Je voudrais tout d’abord m’associer au deuil des familles frappées par l’effondrement d’immeubles rue d’Aubagne, dans le centre-ville de Marseille. Je partage leur peine, je comprends leur colère.
Pour autant, il n’est pas question pour moi de polémiquer ni d’accabler quiconque. Je voudrais simplement soulever les problèmes auxquels les maires – j’en fus longtemps un – se trouvent confrontés.
Les délais pour agir contre la détérioration des constructions sont trop longs. Certes, nous devons nous féliciter qu’un amendement du Gouvernement crée une aide fiscale pour l’amélioration de l’habitat ancien dans les centres-villes dégradés, mais ce dispositif, pour nécessaire qu’il soit, ne suffit pas.
Par ailleurs, le relogement en urgence des locataires est souvent difficile, et les maires peuvent être amenés à devoir se substituer aux propriétaires, qui sont souvent des marchands de sommeil, pour le paiement des travaux.
Quels dispositifs pourrait-on envisager de mettre en place pour répondre à ces problèmes auxquels les maires se trouvent confrontés souvent dans des situations d’urgence, sans pour autant les exonérer de mener une politique volontariste de lutte contre l’habitat insalubre ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous avez raison, la lutte contre l’habitat insalubre ou dégradé est naturellement l’affaire des propriétaires et des occupants, mais c’est aussi celle de la puissance publique, en particulier des élus locaux et des maires, qui sont en première ligne.
Votre question précise appelle des réponses précises. Des voies et moyens existent déjà pour que les collectivités territoriales puissent recouvrer l’ensemble des frais engagés, y compris en matière de maîtrise d’ouvrage, à l’occasion des procédures de relogement ou de travaux, lorsque la commune doit se substituer à des propriétaires défaillants.
Pour aider les collectivités locales, l’État apporte un soutien financier important à ces opérations, notamment via l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, qui subventionne les travaux d’office de remédiation réalisés par les communes au titre de diverses procédures, par exemple à la suite du non-respect d’un arrêté de péril ordinaire concernant un immeuble d’habitation. Cette subvention reste acquise à la commune, même après recouvrement complet des sommes engagées auprès du propriétaire ; c’était une demande ancienne des élus locaux.
Quand le problème concerne un immeuble en copropriété – situation toujours plus délicate –, l’ANAH est en mesure de subventionner les travaux d’office décidés par le maire en substitution des seuls copropriétaires défaillants qui ne paieraient pas leur quote-part de travaux.
Lorsque les communes se trouvent confrontées à des situations plus difficiles, par exemple quand des bâtiments placés durablement sous arrêté de péril ne font l’objet d’aucune action de la part des propriétaires, elles peuvent organiser, avec l’aide d’un opérateur spécialisé tel qu’un établissement public foncier, une opération de recyclage immobilier et foncier. Le déficit pourra être en partie financé par l’ANAH, qui a d’ailleurs prévu un budget de 15 millions d’euros au titre de 2019 pour ce type d’opérations.
Pour ce qui est de l’hébergement d’urgence, la commune peut demander l’aide du fonds d’aide au relogement d’urgence, le FARU, qui dépend du ministère de l’intérieur, de façon à assurer les dépenses urgentes.
La loi ÉLAN, qui vient d’être adoptée, offre de nouvelles solutions pour faciliter l’action des collectivités, ainsi que des moyens financiers supplémentaires pour mieux dépister ces situations par le transfert du bénéfice des astreintes imposées pour que les travaux soient réalisés.
Enfin, comme je le disais, il faut aussi travailler sur les délais, en prenant des mesures de simplification pour permettre à un maire qui veut aller vite de le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour la réplique.
M. Michel Amiel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse assez précise. J’ajouterai que, pour reconquérir des quartiers où, bien souvent, l’espoir n’existe plus, il faut aussi faire reculer la pauvreté. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Mmes Sophie Joissains et Françoise Laborde applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre, rappelez-vous la fameuse discussion entre Colbert et Mazarin :
Colbert. – Pour trouver de l’argent, il arrive un moment où tripoter ne suffit plus. J’aimerais que M. le surintendant m’explique comment on s’y prend pour dépenser encore quand on est déjà endetté jusqu’au cou…
Mazarin. – Quand on est un simple mortel, bien sûr, et qu’on est couvert de dettes, on va en prison. Mais l’État…
Colbert. – Et comment en trouver quand on a déjà créé tous les impôts imaginables ?
Mazarin. – On en crée d’autres.
Colbert. – Nous ne pouvons pas taxer les pauvres plus qu’ils ne le sont déjà.
Mazarin. – Les riches, non plus. Ils ne dépenseraient plus. Il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres ni riches… Des Français qui travaillent, rêvant d’être riches et redoutant d’être pauvres ! C’est ceux-là que nous devons taxer, encore plus, toujours plus ! Ceux-là ! Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser… C’est un réservoir inépuisable. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas qu’aujourd’hui le réservoir est épuisé ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Duplomb, nous ne sommes plus tout à fait à l’époque de Colbert et de Mazarin… (On le conteste sur des travées du groupe Les Républicains.) Peut-être y êtes-vous restés, je n’en sais rien…
M. Jacques Grosperrin. En tout cas, il y a un roi-soleil… (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François de Rugy, ministre d’État. Pour notre part, nous avons mis les choses sur la table et dit aux Français la vérité sur ce que nous ferions une fois élus. Moins taxer le travail, l’emploi, les entreprises, davantage taxer la pollution et les émissions de carbone : c’est ce que nous avions annoncé, c’est ce que nous avons fait.
Nous avons pris des mesures d’accompagnement des Français dans ce changement. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Il est vrai que, à l’époque de Mazarin et de Colbert, on ne devait guère se préoccuper du dérèglement climatique…
Nous avons ainsi permis à 250 000 Français de changer de voiture (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.), grâce à une prime à l’achat de 1 000 ou de 2 000 euros. Pour ma part, je m’en félicite !
Un million de Français ont pu réaliser cette année des travaux en vue d’économiser l’énergie, grâce au crédit d’impôt ; je pense que c’est aussi une excellente chose.
Enfin, 3,6 millions de Français ont bénéficié du chèque énergie. Un tel dispositif est nécessaire pour passer ce cap difficile. (Nouvelles protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cécile Cukierman. Pendant ce temps-là, les entreprises font des milliards de profits !
M. François de Rugy, ministre d’État. Monsieur le sénateur, puisque vous aimez les citations, je vais à mon tour vous en livrer une. Hier, j’étais au lycée Clemenceau de Nantes et j’ai donné aux élèves la définition du courage selon Georges Clemenceau (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) :
« Le courage, c’est d’aller tout droit devant soi. On doit en souffrir, on sera haï, détesté, méprisé. On recevra de la boue, on n’aura pas d’applaudissements, mais il faut savoir choisir entre les applaudissements d’aujourd’hui, qui sont d’un certain prix, et ceux qu’on se donne à soi-même, quand, avant d’entrer dans le néant, on peut se dire : j’ai donné à mon pays ce que je pouvais. » (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour la réplique.
M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre, n’entendez-vous pas le ras-le-bol des Français ? Ils payent plus pour le carburant, plus pour le gaz, plus pour la CSG, alors que, dans le même temps, votre gouvernement est incapable de contenir le déficit public, annoncé à près 100 milliards d’euros en 2019, et de maîtriser la dette, qui atteindra bientôt 100 % du PIB.
Votre gouvernement se permet néanmoins de donner des leçons à tout le monde : aux élus pour leur gestion, aux automobilistes pour leur conduite, à ceux qui fument des clopes et roulent au diesel, à ceux qui ne seraient pas assez écologistes ou progressistes !
Gardez-vous, monsieur le Premier ministre, de faire la même erreur que Marie-Antoinette, qui pendant la disette de 1789 avait conseillé à ceux qui n’avaient pas de pain de manger de la brioche ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
grève des enseignants
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jacques-Bernard Magner. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, mais je prends acte que c’est M. le secrétaire d’État chargé de la jeunesse qui me répondra.
Hier, pour la première fois depuis bien longtemps, tous les syndicats d’enseignants ont appelé à une grève unitaire, ce qui traduit le malaise des enseignants devant vos projets de suppression de postes pour 2019.
Alors que les effectifs vont continuer à augmenter au collège et au lycée, de 30 000 élèves pour cette rentrée et de 40 000 pour chacune des deux suivantes, vous supprimez 2 650 postes d’enseignant dans l’enseignement secondaire public, 550 dans l’enseignement secondaire privé, 400 emplois administratifs et techniques et 50 emplois dans l’enseignement technique agricole.
Cette diminution des postes budgétaires va entraîner une augmentation du nombre moyen d’élèves par classe, dans un contexte de réforme du baccalauréat et des programmes de lycée et de mise en œuvre de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. S’ajoute à tout cela la réduction des moyens destinés à la formation des enseignants.
La seule mesure positive de votre budget, c’est l’octroi d’une prime de 2 000 euros aux enseignants des réseaux d’éducation prioritaire renforcés, les REP+, mais ce n’est que l’application mécanique de l’accord « parcours professionnel, carrières et rémunérations » conclu par le précédent gouvernement.
En ce qui concerne le primaire, les enseignants ne sont pas dupes : les postes créés en 2019 ne permettront même pas d’assurer la moitié des dédoublements de classes de CP et de CE1 non encore mis en place dans les REP+. Pour honorer cet objectif, il aurait fallu au moins 4 000 postes supplémentaires, quand vous en créez seulement 1 800.
Vos orientations budgétaires sont contradictoires avec les réformes que vous avez déjà engagées ; elles en entament la crédibilité. Quand annoncerez-vous enfin des mesures qui donnent de l’espoir à nos enseignants ? Quand donnerez-vous à l’école de la République les moyens dont elle a besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Magner, je vous prie d’excuser l’absence de Jean-Michel Blanquer, qui défend en ce moment même à l’Assemblée nationale son projet de budget. Celui-ci donne à notre système éducatif les moyens de fonctionner, avec 850 millions d’euros supplémentaires prévus pour 2019.
L’objectif qui nous mobilise depuis deux ans, c’est de renforcer le premier degré, de sorte que les élèves puissent bénéficier d’un encadrement de qualité pour l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul et du respect d’autrui. Cet effort s’est traduit par des créations de postes. J’entends ce que vous dites, monsieur le sénateur, mais les faits sont là : avec 60 000 élèves de moins depuis deux ans, nous aurions dû supprimer 3 000 classes si nous avions appliqué arithmétiquement les règles en vigueur ; or nous avons créé 8 200 postes depuis deux ans, ce qui montre bien que l’investissement est réel et que la baisse démographique n’entame pas le taux d’encadrement des élèves partout en France, y compris dans les secteurs ruraux. Nous poursuivrons l’effort budgétaire en 2019.
Vous avez évoqué le mouvement social qui a eu lieu hier.
M. Martial Bourquin. Énorme !
M. Martial Bourquin. Non, au moins 50 % !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Il faut les écouter, mais il faut aussi considérer les 90 % qui n’ont pas fait grève. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Ce mouvement de grève que vous qualifiez d’« énorme » est d’une bien moindre ampleur que celui qui avait été suscité par la réforme du collège d’il y a quelques années, que vous souteniez ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Roger Karoutchi applaudit.)
Pourquoi 90 % des professeurs n’ont-ils pas fait grève ? Parce que quand on renforce le premier degré et que les élèves savent lire, écrire, compter et respecter autrui à leur entrée en sixième, cela fait du bien au second degré. Les professeurs du second degré nous disent que l’important pour eux est que les élèves présentent ces acquis à leur arrivée en sixième.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. C’est dans cette perspective que nous défendons un projet de budget en hausse de 850 millions d’euros. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Jean-Paul Émorine, Roger Karoutchi et Bruno Sido applaudissent également.)
réforme de la taxe d’habitation
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Évelyne Perrot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
À une semaine de l’ouverture du 101e congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, les maires n’ont encore reçu aucune information concernant le remplacement de la taxe d’habitation.
Le coût de sa suppression à l’horizon 2020 s’élèverait –faut-il le rappeler ? – à 10 milliards d’euros pour les finances locales.
M. Philippe Dallier. Plus !
Mme Évelyne Perrot. Le président de l’Association des maires de France, François Baroin, l’a redit, les maires auraient aimé accueillir le Président de la République afin de pouvoir échanger directement avec lui.
Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous éclairiez la Haute Assemblée sur l’état de vos réflexions sur la question. Les élus locaux craignent pour leur autonomie fiscale, déjà fortement altérée.
Quelles mesures allez-vous prendre dans le cadre de la loi de finances rectificative que l’on nous promet pour la fin du mois de mars ? Certains maires aimeraient baisser le taux de la taxe d’habitation dans leur commune, mais ils ne savent pas comment cette baisse sera compensée. Le sera-t-elle en fonction du taux en vigueur en 2017 ?
De nombreuses questions se posent. Nous sommes dans la situation pénible où les élus ne peuvent plus assurer sereinement la gestion de leurs affaires au niveau communal ou intercommunal. Nous ne pouvons plus rester dans cette situation : monsieur le ministre, il est urgent que les élus puissent connaître la stratégie du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Évelyne Perrot, je veux rassurer les élus locaux sur le devenir de leurs ressources, à court terme et à long terme.
À court terme, le Président de la République a pris l’engagement, que le Gouvernement met en œuvre, de supprimer la taxe d’habitation pour 80 %, puis 100 %, des ménages. Pendant cette période de suppression, la perte de ressources pour les collectivités est compensée par un dégrèvement. (M. Philippe Dallier s’esclaffe.) Les élus locaux ont pu constater sur les douzièmes de fiscalité qu’ils perçoivent que le dégrèvement est la méthode la plus protectrice de leurs ressources.
Cette période de transition doit nous permettre de penser d’une nouvelle manière la fiscalité locale. Nous avons, à l’occasion de la conférence nationale des territoires du 4 juillet dernier, présenté les hypothèses sur lesquelles le Gouvernement travaille. Le Premier ministre les a lui-même évoquées devant les nombreuses associations d’élus représentées, seules deux ou trois ne l’étant pas.
Quelles sont les quatre hypothèses sur lesquelles nous travaillons de manière privilégiée ?
La première est de supprimer la taxe d’habitation uniquement pour les résidences principales et de la maintenir pour les résidences secondaires et les logements vacants.
La deuxième est d’affecter aux communes le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, actuellement perçu par les départements.
La troisième est d’affecter une ressource fiscale dynamique aux intercommunalités pour qu’elles puissent faire face à leurs charges.
La quatrième est de compenser la recette qui serait perdue par les départements par l’affectation, là aussi, d’une ressource dynamique, qui pourrait être une fraction d’impôt national.
Le Premier ministre avait précisé, à l’occasion de cette conférence du 4 juillet, que les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, seraient maintenus aux départements et qu’il ne suivrait pas, en cela, la proposition qui avait pu être formulée par ailleurs.
La concertation va se poursuivre sur cette base avec Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin, Jacqueline Gourault, moi-même et l’ensemble des élus, de manière que nous puissions trouver la méthode la plus juste pour respecter l’engagement pris par le Président de la République…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … devant le Congrès des maires, voilà bientôt un an, de garantir aux communes des ressources pérennes, dynamiques et équitables. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour la réplique.
Mme Évelyne Perrot. Monsieur le secrétaire d’État, les élus restent tout de même inquiets. Ils attendent vraiment beaucoup de vous. Vous le savez, en matière fiscale, la taxe d’habitation était le principal levier des maires. Ils entendent que l’État rembourse à l’euro près le manque à gagner pour les communes, comme l’avait promis le président Emmanuel Macron. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 22 novembre 2018, à quinze heures.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de sénateurs du Cambodge, conduite par Mme Ty Borasy, présidente de la commission des affaires étrangères et de la coopération internationale du Sénat cambodgien. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent.)
La délégation est accompagnée par M. Vincent Éblé, président de la commission des finances et président du groupe interparlementaire d’amitié France-Cambodge du Sénat.
Dans le cadre du protocole de coopération technique interparlementaire entre nos deux assemblées, la délégation effectue actuellement un séjour de deux jours en France sur les thèmes du travail en commission et de la mission d’information et de contrôle du Parlement.
Après des entretiens au Sénat hier et aujourd’hui, elle a été reçue pour un déjeuner de travail par notre collègue Vincent Éblé et les membres du groupe d’amitié France-Cambodge.
Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt que la délégation porte à notre institution dans le cadre des relations anciennes et fructueuses entre nos deux assemblées.
Au nom du Sénat de la République, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue et je forme des vœux pour que son séjour en France lui soit profitable et contribue à renforcer encore les liens qui unissent nos deux pays. (Applaudissements.)
7
Financement de la sécurité sociale pour 2019
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2019.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein du chapitre Ier du titre Ier de la troisième partie, des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 7.
TROISIÈME PARTIE (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2019
TITRE Ier (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Chapitre Ier (suite)
Mesures en faveur du soutien à l’activité économique et des actifs
Articles additionnels après l’article 7 (suite)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 280 rectifié quater est présenté par Mme Gruny, M. Sol, Mme Renaud-Garabedian, MM. Bazin, Sido et Ginesta, Mmes M. Mercier et Deromedi, M. Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat et Malet, M. Frassa, Mme Lopez, MM. D. Laurent, Magras, Perrin, Raison et Calvet, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Lefèvre et Cuypers, Mme Estrosi Sassone, MM. Joyandet et Chaize, Mme Micouleau, MM. Vaspart, Bascher, Daubresse, Morisset et Mandelli, Mmes Berthet et Morhet-Richaud, M. H. Leroy, Mmes Duranton, Lanfranchi Dorgal et Delmont-Koropoulis, MM. Genest, del Picchia, Husson, Laménie, Longuet, Duplomb et Priou, Mmes Deseyne et Imbert et MM. de Nicolaÿ, Gremillet et Poniatowski.
L’amendement n° 331 est présenté par Mme Schillinger, MM. Amiel, Lévrier et Patriat, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Hassani, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Rauscent, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 871-1 du code de la sécurité sociale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le bénéfice des dispositions des sixième et huitième alinéa de l’article L. 242-1 est en outre subordonné à la condition que les opérations d’assurance concernées respectent les prestations et tarifs définis le cas échéant par les conventions collectives. »
II. – Au 5° de l’article L. 2253-1 du code du travail, les mots : « à l’article L. 912-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 912-1 »
III. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2020.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° 280 rectifié quater.
Mme Pascale Gruny. La loi du 14 juin 2013 a prévu la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés par accord de branche fixant les garanties minimales et les tarifs maximaux et par contrat souscrit entreprise par entreprise, en conformité avec les garanties de la branche professionnelle à laquelle l’entreprise se rattache. La loi n’a toutefois prévu aucun mécanisme de contrôle de la conformité de ces contrats aux obligations posées par la branche.
On estime que 14 millions de salariés, sur un total de 16 millions, sont aujourd’hui couverts par un accord de branche. Toutefois, les premières analyses montrent que la proportion de contrats d’entreprise conformes aux accords de branche se situe entre 15 % et 50 %. Autrement dit, plus de la moitié des salariés ne bénéficient pas d’une couverture au moins aussi favorable que les accords de branche le prévoient.
Pour garantir l’application de la loi, il est proposé de subordonner la qualité de « contrat responsable » au respect des garanties de branche. Ce dispositif, qui offre une incitation fiscale à respecter les garanties de branche, donne de fait compétence aux URSSAF pour contrôler le respect de ce critère dans les entreprises.
Une période transitoire d’un an est prévue pour permettre à tous les assureurs de renégocier leurs contrats avec les entreprises concernées.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 331.
Mme Patricia Schillinger. Il a été très bien défendu par Mme Gruny.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis favorable, ces amendements nous semblant aller dans le bon sens. J’espère que cet avis est partagé par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Je vais mettre fin immédiatement à un suspense insoutenable : le Gouvernement ne partage pas l’opinion du rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce travail de contrôle de la conformité de ces contrats aux accords de branche ne répond pas à la vocation des URSSAF.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Les contrats responsables donnant droit à des exonérations de charges patronales, nous sommes bien dans le champ du PLFSS, et je juge nécessaire de défendre des complémentaires santé de haute qualité pour les salariés. Je maintiens l’amendement.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Les URSSAF contrôlent déjà le versement transport, les contributions à Pôle emploi, etc. Je ne vois donc pas pourquoi elles ne pourraient pas contrôler la conformité de ces contrats aux accords de branche. Ou alors, que l’on nous dise qui peut exercer ce contrôle, et nous modifierons l’amendement en conséquence, mais il n’est pas logique d’inscrire dans la loi la nécessité d’une telle conformité sans prévoir un contrôle.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je partage tout à fait l’avis de Mmes Gruny et Schillinger. Je ne vois vraiment pas pourquoi les URSSAF ne pourraient pas exercer cette mission de contrôle. Je demande à M. le ministre d’écouter un peu le Parlement et de revoir sa position.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne reviendrai pas sur la position du Gouvernement, dont la volonté, qui me semble assez partagée dans cet hémicycle, est plutôt d’alléger les contrôles. Mesdames les sénatrices, il appartient à l’inspection du travail, dont c’est le cœur de métier, d’exercer ce contrôle de la conformité des contrats aux accords de branche.
Mme Patricia Schillinger. Elle ne le fait pas !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je vous laisse la responsabilité de cette affirmation, mais, en tout état de cause, ce n’est pas une raison pour attribuer cette mission aux URSSAF ! Si vous considérez que l’administration fait mal son travail, il est de votre rôle de parlementaire de le relever.
L’avis du Gouvernement reste défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 280 rectifié quater et 331.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 180 rectifié bis, présenté par MM. Kern, Janssens, Détraigne et Louault, Mme Goy-Chavent, M. Laurey, Mme Guidez, M. Canevet, Mme Billon, M. L. Hervé, Mme Vullien, M. Prince, Mme de la Provôté, M. Delcros et Mmes Perrot et Létard, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la section 4 du chapitre Ier du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail est insérée une section ainsi rédigée :
« Section …
« Prise en charge des frais de transport partagé
« Art. L. 3261-6. – L’employeur peut prendre en charge, dans une proportion et des conditions déterminées par décret, les frais engagés par ses salariés pour leurs déplacements ou leurs trajets entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, réalisés en covoiturage en tant que passagers.
« Le bénéfice de cette prise en charge peut être cumulé avec celle prévue à l’article L. 3261-2 lorsque les trajets covoiturés aboutissent à un arrêt du réseau de transport public utilisé pour terminer le déplacement. »
II. – La section 1 du chapitre 1er du titre 3 du livre 1 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 131-… ainsi rédigé :
« Art. L. 131-… – Sont exonérées des cotisations et contributions prévues par la législation du travail et de la sécurité sociale les contributions versées par l’employeur mentionnées à l’article L. 3261-6 du code du travail, dans la limite de 400 euros par an. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Le présent amendement vise à stimuler le développement du covoiturage entre le domicile et le lieu de travail. En effet, aujourd’hui, deux tiers des salariés se rendent individuellement au travail en voiture. Ils sont largement captifs, surtout en milieu rural, de ce moyen de déplacement non optimal du point de vue économique et environnemental. En permettant à l’employeur de contribuer aux frais engendrés par les trajets en covoiturage, sans que cette contribution entre dans le calcul de l’assiette des cotisations salariales et des charges patronales, vous soutiendrez le développement du code covoiturage et, par là même, vous promouvrez une action en faveur du plan climat.
M. le président. L’amendement n° 330 rectifié, présenté par M. Amiel, Mme Schillinger, MM. Lévrier et Patriat, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Hassani, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Rauscent, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la section 4 du chapitre Ier du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail est insérée une section ainsi rédigée :
« Section …
« Prise en charge des frais de transport partagé
« Art. L. 3261-6. – L’employeur peut prendre en charge, dans une proportion et des conditions déterminées par décret, les frais engagés par ses salariés pour leurs déplacements ou leurs trajets entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, réalisés en covoiturage en tant que passagers.
« Le bénéfice de cette prise en charge peut être cumulé avec celui prévu à l’article L. 3261-2 lorsque les trajets covoiturés aboutissent à un arrêt du réseau de transport public utilisé pour terminer le déplacement. »
II. – La section 1 du chapitre 1er du titre 3 du livre 1 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 131-… ainsi rédigé :
« Art. L. 131-… – Sont exonérées des cotisations et contributions prévues par la législation du travail et de la sécurité sociale les contributions versées par l’employeur mentionnées à l’article L. 3261-6 du code du travail, dans la limite de 400 euros par an et par salarié. »
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Cette proposition s’inscrit dans une logique écologique. Alors que les salariés sont remboursés de 50 % de leurs frais de transport en commun, ceux qui se déplacent en automobile ne bénéficient d’aucun remboursement. Il me paraîtrait assez sain et intelligent de prévoir un dispositif spécifique pour les automobilistes qui pratiquent le covoiturage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements ont pour objet de permettre aux employeurs de contribuer aux frais de covoiturage de leurs salariés sans que les sommes en jeu puissent entrer dans le calcul de l’assiette des cotisations sociales. Cette proposition est intéressante. Le covoiturage mérite d’être encouragé, pourquoi pas en permettant aux employeurs de prendre en charge une partie des frais engagés par leurs employés en tant que passagers. L’avis de la commission est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis sensible aux arguments avancés. Dans les prochaines heures, le Premier ministre aura d’ailleurs l’occasion d’évoquer un certain nombre de sujets sur lesquels le Gouvernement a travaillé.
J’attire néanmoins votre attention sur une difficulté, comme je l’ai fait à l’Assemblée nationale où des amendements à peu près semblables, issus de la majorité comme de l’opposition, ont été présentés avant que leurs auteurs ne se rendent aux arguments du Gouvernement.
Il m’apparaît délicat d’introduire une mesure fiscale « verte » dans le PLFSS : ce serait une première. Ce n’est pas, me semble-t-il, la bonne manière d’organiser l’accompagnement du covoiturage. Il vaut mieux le faire dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, qui traite d’incitations fiscales et d’indemnités kilométriques. Verdir la fiscalité dans le cadre du PLF est déjà assez compliqué comme cela. Vouloir protéger l’environnement en jouant sur les cotisations sociales pourrait mener assez loin et je ne suis pas sûr que cela serve le système de sécurité sociale, qui repose sur le paiement de cotisations ouvrant des droits.
Le Gouvernement n’est donc pas favorable à un verdissement de la fiscalité sociale. Cela ne pourrait être envisagé qu’à l’issue d’un débat au cours duquel tout aurait été soigneusement mesuré, monsieur le président de la commission. En revanche, ces amendements pourraient trouver leur place dans le débat sur le PLF à venir. Comme je l’ai déjà dit à l’Assemblée nationale, j’émettrai alors un avis favorable.
Pour l’heure, je sollicite le retrait de ces amendements, même si, sur le fond, je ne peux être en désaccord.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le second amendement diffère légèrement du premier en ce qu’il précise que la contribution versée par l’employeur sera limitée à 400 euros par an et par salarié. Les détails comptent.
J’entends bien votre engagement, monsieur le ministre, de donner un avis favorable à l’inscription d’une mesure équivalente de caractère fiscal dans le PLF. Il appartient aux auteurs des amendements de décider de les retirer ou non. En tout état de cause, je rappelle que la commission a émis un avis favorable, approuvant cette intention de promouvoir le covoiturage.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je confirme bien volontiers cet engagement, monsieur le rapporteur général, d’autant que l’Assemblée nationale a déjà adopté, lors de l’examen du PLF, des amendements tendant à favoriser le covoiturage via des dispositions fiscales. Je suis prêt à améliorer le dispositif avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous souhaitez poursuivre dans cette voie positive pour la mobilité de demain. Nous pourrions d’ailleurs peut-être de la sorte anticiper un certain nombre de débats liés à la loi LOM d’orientation sur les mobilités.
Je le redis, ce n’est pas pour des raisons de fond que je demande le retrait de ces amendements. Il ne me semble simplement pas souhaitable d’introduire une mesure de fiscalité verte dans le PLFSS, car cela risquerait, pour l’heure, de nous mener un peu trop loin. Peut-être faudra-t-il le faire demain, mais je crois que, pour l’instant, nous n’avons pas encore mesuré l’incidence d’un verdissement des cotisations sociales.
M. le président. Monsieur Kern, l’amendement n° 180 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Claude Kern. J’ai bien entendu les arguments de M. le ministre et, surtout, l’engagement qu’il a pris. Je serai très vigilant lors de l’examen du projet de loi de finances. Pour l’heure, je retire cet amendement d’appel.
M. le président. L’amendement n° 180 rectifié bis est retiré.
Monsieur Lévrier, l’amendement n° 330 rectifié est-il maintenu ?
M. Martin Lévrier. Nous le retirons, pour les mêmes raisons.
M. le président. L’amendement n° 330 rectifié est retiré.
L’amendement n° 485, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À titre expérimental et jusqu’au 31 décembre 2020, un dispositif d’exonération de cotisations, nommé « Objectif 32 heures », est institué. Il est mis en œuvre au bénéfice des entreprises situées sur le territoire national qui embauchent, en contrat à durée déterminée, un salarié pour une durée de trente-deux heures, payée trente-cinq heures, dans des territoires dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’emploi, de santé et du budget.
Les conditions de mise en œuvre de ce dispositif sont définies par décret.
Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2019.
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation au plus tard le 15 septembre 2020.
II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à permettre l’expérimentation d’un passage du temps de travail à 32 heures dans les entreprises volontaires. Nous sommes – entendez-moi bien ! – favorables à ce que ces entreprises puissent alors bénéficier d’exonérations de cotisations sociales.
Cet amendement est inspiré par l’expérience du passage de la semaine de travail à 35 heures, seule mesure ou peu s’en faut qui ait permis, dans un passé récent, la création d’emplois dans notre pays. Un rapport de mai 2016 de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, qui n’a malheureusement pas été publié indiquait que les 35 heures avaient permis la création de 350 000 emplois – des emplois que nos concitoyens ne trouvent pas en traversant la rue, comme certains le croient ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) –, bien que leur mise en œuvre ne se soit pas déroulée partout de manière absolument parfaite, en particulier dans le secteur hospitalier. Le passage à la semaine de 35 heures demeure donc une mesure de progrès social. Ajoutons que la création d’emplois est l’un des moyens les plus efficaces d’augmenter les ressources de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement très ambitieux ! Je me demande d’ailleurs si sa portée n’excède pas quelque peu le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale…
J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Manifestement, chers collègues, le débat sur le temps de travail est clos aux yeux de certains d’entre vous.
Voilà des années que l’on nous explique que les 35 heures, loin de créer une dynamique, ont nui à la compétitivité française. En réalité, nous le savons tous, le déclin de l’industrie dans notre pays n’a strictement rien à voir avec la réduction du temps de travail ! En termes de compétitivité, l’expérience du CICE, qui n’a, hélas, pas permis un regain industriel pour notre pays, a montré que le coût du travail n’est pas l’élément déterminant. Malgré le CICE et autres allégements de cotisations sociales, l’industrie française continue d’aller mal, essentiellement à cause de l’absence de stratégies de filières en matière d’investissement et de montée en gamme. Telle est la réalité !
Depuis quinze au moins, on ne cesse de nous enjoindre d’attendre que les allégements de charges, les cadeaux fiscaux aux plus riches, etc., aient créé par ruissellement de l’emploi, de la croissance, suscitant le rebond que nous espérons tous. Mais nous ne voyons rien venir, et le problème de l’emploi et du retour de la croissance demeure. Sur le continent européen, la croissance est nettement inférieure en moyenne à ce qu’elle est aux États-Unis depuis la mise en œuvre de l’acte unique.
Nous sommes donc aujourd’hui devant une alternative : soit on se contente de continuer comme avant, soit on cherche à explorer des pistes nouvelles. Ce que nous proposons au travers de cet amendement, c’est non pas de s’engager tête baissée dans un passage général et sans transition aux 32 heures, mais de permettre une expérimentation en vue de pouvoir ouvrir un débat sérieux entre les partenaires sociaux, les Français et les collectivités locales sur la contribution que pourrait apporter la réduction du temps de travail à la résorption du chômage ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Théoriquement, en effet, diminuer le temps de travail entraîne la création d’emplois. Cependant, dans la pratique, les choses ne se passent pas tout à fait comme cela ! Bien que le taux de chômage soit aujourd’hui supérieur à 9 %, les TPE ou PME, notamment en milieu rural, qui cherchent des collaborateurs pour occuper des emplois qualifiés, voire non qualifiés, n’en trouvent pas. C’est ce que l’on observe sur le terrain !
C’est dans cet esprit que nous nous sommes prononcés en faveur du dispositif de l’article 7, relatif aux heures supplémentaires, malgré l’absence de compensation. Les entreprises doivent être compétitives par rapport à leurs concurrentes européennes : l’emploi ne se décrète pas, il se crée si le carnet de commandes se développe ! Les 35 heures n’ont créé aucun emploi, le seul effet de leur mise en œuvre a été de désorganiser l’hôpital ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est faux !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 485.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 7 bis (nouveau)
I. – La section 5 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 131-6-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-6-3. – Les avantages relevant des activités sociales et culturelles établies dans les entreprises, accordés par les conseils d’entreprise définis au titre II du livre III de la deuxième partie du code du travail, ne sont pas pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations et contributions sociales définie aux articles L. 136-2 et L. 242-1 du présent code, dans les conditions mentionnées aux quatre derniers alinéas du présent article, à moins qu’une disposition législative ne le prévoie dans des conditions et dans des limites différentes :
« 1° Lorsque ces avantages sont versés à l’occasion d’événements ayant trait à la vie extraprofessionnelle de ces salariés, dans la limite, par événement, de 5 % de la valeur mensuelle du plafond mentionné à l’article L. 241-3, sous réserve que leur montant global n’excède pas, au cours d’une année civile, les limites prévues au 2° du présent article ;
« 2° Lorsque ces avantages sont versés aux salariés pour l’exercice d’une activité sportive, pour l’accès aux biens et prestations culturels ou au titre d’aides aux vacances, sous réserve que leur montant global n’excède pas, au cours d’une année civile et par salarié, 10 % de la valeur mensuelle du plafond mentionné à l’article L. 241-3. Ce plafond est majoré en fonction du nombre d’enfants mineurs à la charge du salarié au sens de l’article L. 513-1, dans la limite de 20 % de la valeur mensuelle du plafond mentionné à l’article L. 241-3.
« Le présent article est également applicable aux employeurs privés qui ne sont pas soumis à l’obligation mentionnée à l’article L. 2311-2 du code du travail ou, dans des conditions fixées par décret, qui ne disposent pas de conseils d’entreprise, ainsi qu’aux employeurs publics, au titre des avantages versés par eux-mêmes ou par une structure exerçant pour leur compte les activités mentionnées ci-dessus.
« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »
II. – La première phrase de l’article L. 411-9 du code du tourisme est ainsi modifiée :
1° Le début est ainsi rédigé : « Dans les entreprises mentionnées à l’article L. 411-1, et pour… (le reste sans changement). » ;
2° Après la seconde occurrence du mot : « employeur », sont insérés les mots : « et le cas échéant du comité d’entreprise » ;
3° Après le mot : « exception », sont insérés les mots : « , pour la seule part octroyée par l’employeur, ».
III. – Aux 2° et 3° de l’article L. 411-10 et à la première phrase de l’article L. 411-11 du code du tourisme, après le mot : « employeur », sont insérés les mots : « et le cas échéant du comité d’entreprise ».
IV. – Le présent article entre en vigueur pour les avantages octroyés au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l’article.
M. Xavier Iacovelli. L’Assemblée nationale a introduit un nouvel article qui modifie le code du travail. Aux termes de cet article 7 bis, toutes les activités sociales et culturelles organisées par les comités d’entreprise ayant pour objet les loisirs, l’exercice d’une pratique sportive ou les séjours de vacances seront désormais soumises à cotisations.
En clair, les comités d’entreprise se trouveront amenés de facto à réduire le volume de ces activités en raison de leur renchérissement. Cela aura un triple impact, sur les partenaires économiques des comités d’entreprise, notamment les organisateurs de spectacles, sur les collectivités locales, que nous représentons ici, puisqu’elles bénéficient actuellement des activités organisées par les comités d’entreprise sur leur territoire – je pense notamment aux centres de séjour –, et, bien entendu, sur les salariés, en particulier les plus modestes d’entre eux.
Prenons l’exemple d’un ménage avec trois enfants disposant de 31 000 euros de revenus, qui part en vacances deux fois par an grâce à une subvention de 2 000 euros du comité d’entreprise, le reste à charge pour la famille étant de 700 euros. Si le dispositif de l’article entre en vigueur, cette famille de trois enfants ne pourra plus partir en vacances.
Quant à l’objectif affiché de récupérer de 1 milliard à 1,7 milliard d’euros qui échapperaient aujourd’hui à la sécurité sociale, il n’existe aucune étude d’impact permettant d’affirmer qu’il pourrait être atteint. Pourtant, le 2 septembre 2016, le gouvernement précédent a demandé à l’Inspection générale des finances de désigner un de ses membres pour conduire une mission de consultation sur l’évolution du régime social des avantages versés par les comités d’entreprise dans le cadre de leurs activités culturelles et sociales. Il est temps, monsieur le ministre, de publier ce rapport, qui doit être en votre possession…
L’introduction d’un tel article ne semble pas de nature à permettre d’atteindre les objectifs affichés, qu’il s’agisse de la sécurisation de la situation budgétaire, de la lutte contre l’attribution de salaires déguisés ou de l’élargissement de l’offre d’activités culturelles et sociales pour tous les employeurs. Il suffit d’appliquer la loi actuelle pour sécuriser la situation.
Monsieur le ministre, après avoir émis un avis de sagesse à l’Assemblée nationale, sous réserve de l’adoption de votre sous-amendement, vous avez rétropédalé en indiquant que, au Sénat, vous vous déclareriez favorable à la suppression de cet article. Nous en prenons acte, mais peut-être aurait-il fallu être clair dès le départ. On ne peut toucher aux activités sociales et culturelles des comités d’entreprise dans la précipitation ; cela nécessite une réelle concertation avec les partenaires sociaux.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, sur l’article.
M. Hervé Marseille. J’entends ce que dit notre collègue. L’amendement adopté à l’Assemblée nationale est inabouti, certes, mais il est pertinent.
Un certain nombre d’amendements de suppression de l’article ayant été déposés, je préfère m’exprimer dès maintenant, car je n’aurai sans doute pas l’occasion de défendre le mien !
Je rappelle que les avantages accordés par les comités d’entreprise, en particulier les chèques-cadeaux et les chèques-vacances délivrés par l’employeur aux salariés, n’ont pas de base juridique. C’est ce qui a justifié, à l’origine, le débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale. Peut-être la démarche était-elle maladroite, mais l’objectif n’était pas d’ennuyer les comités d’entreprise ou les bénéficiaires de ces cadeaux : il s’agissait de donner à ceux-ci une base juridique.
Pour l’heure, tout repose sur une simple circulaire, une tolérance permettant à ces bienfaits d’échapper à l’impôt ou aux cotisations sociales auxquels ils devraient normalement être soumis. Mais certains employeurs, notamment de petites entreprises dépourvues de comité d’entreprise, ont subi des redressements fiscaux, les URSSAF considérant parfois ces chèques comme une forme de salaire déguisé : c’est ce qui a suscité ce débat. La Cour de cassation, dans un arrêt du 30 mars 2017, a estimé que tous ces cadeaux devaient être taxés, même s’il existe encore une forme de tolérance de l’administration suivant les régions.
Du fait de cette insécurité juridique, certaines petites entreprises hésitent à faire bénéficier leurs salariés de tels cadeaux, notamment en fin d’année, ce qui crée une autre sorte d’injustice. L’intention de nos collègues députés était de mettre en place un cadre normatif. Le dispositif était maladroit parce qu’il incluait toutes les aides délivrées par les comités d’entreprise, sans distinction. Son adoption en l’état a été vécue comme une atteinte.
Après avoir consulté l’Agence des chèques-vacances, j’ai déposé un amendement n° 375 rectifié ter sécurisant le dispositif et visant les seuls chèques-vacances et chèques-cadeaux, avec des plafonds non discriminatoires.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Hervé Marseille. En l’état, l’article est en effet insatisfaisant, mais il faut le modifier et non le supprimer, car il importe d’instituer une base juridique. (M. Olivier Henno applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je crois qu’une petite discussion générale sur cette affaire s’impose…
M. Marseille a tout à fait raison de souligner qu’il n’existe aujourd’hui pas de base juridique et que l’incertitude juridique en résultant pèse sur des entreprises qui ont une démarche sociale et qui font parfois l’objet de contrôles. Je précise qu’il s’agit en l’occurrence non de contrôles fiscaux, mais de contrôles sociaux, puisqu’ils sont conduits par les URSSAF.
Lorsque j’étais maire, des chefs d’entreprise venaient me voir pour me faire part de leur incompréhension et se plaindre du manque de clarté des textes. Les redressements qu’ils subissaient les incitaient à renoncer à attribuer des chèques-vacances à leurs salariés et à mener un certain nombre de démarches sociales, ce qui est pour le moins dommage.
À cet égard, le député Paul Christophe a eu raison de déposer son amendement. Sans doute le dispositif proposé n’était-il pas parfait ; il l’a reconnu lui-même. Au nom du Gouvernement, j’ai alors présenté un sous-amendement et pris un engagement. Rendons à César ce qui appartient à César : le groupe MODEM de l’Assemblée nationale a attiré l’attention du Gouvernement et de la majorité sur le fait qu’il fallait prendre garde à ne pas porter atteinte à la politique familiale et sociale de ces entreprises en cédant à la tentation de tout fiscaliser et de tout soumettre à cotisations sociales.
Monsieur le sénateur, c’est de la bonne légistique que nous faisons ici ! Le constituant a institué la navette entre les deux chambres afin de leur permettre d’améliorer les textes pour le bien de la Nation.
Les choses n’étant pas claires, le Gouvernement propose de supprimer l’article, mais le débat devra bien être tranché un jour. Pour ma part, je propose de réunir, peut-être dans le cadre des commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat, les représentants des URSSAF, des entreprises et des syndicats de salariés en vue de combler le vide juridique.
Dans la pratique, aujourd’hui, les contrôles sociaux des URSSAF peuvent ou non, selon les cas, conduire à des redressements extrêmement sévères qui découragent des chefs d’entreprise de poursuivre leur politique sociale au bénéfice de leurs salariés. L’insécurité juridique n’est bonne pour personne. Les grandes entreprises sont en mesure de faire face, mais il n’en va pas de même pour les petites entreprises. Je pense notamment au cas d’un chef d’entreprise qui avait attribué des chèques-cadeaux à des employés travaillant à temps partiel : on lui avait fait observer, lors d’un contrôle, que ces chèques-cadeaux n’auraient pas été considérés comme un complément de rémunération et qu’il n’aurait pas été redressé à ce titre si les bénéficiaires avaient été employés à temps complet… Les choses ne sont claires ni pour les chefs d’entreprise ni pour les contrôleurs sociaux.
M. Xavier Iacovelli. Il existe une circulaire des organismes de sécurité sociale !
M. Gérald Darmanin, ministre. La circulaire est, objectivement, soit inutile, soit répétitive. Ce qui fait foi, c’est la loi de la République, le règlement et la jurisprudence. Pour ma part, je refuse souvent de signer les circulaires que l’on me soumet, considérant qu’elles vont souvent à l’encontre de l’intention du législateur. Lorsque j’étais parlementaire, je pestais contre les circulaires que prenaient parfois les ministres pour interpréter la loi. Ce qu’il faut, c’est travailler ensemble à bien rédiger la loi. En l’espèce, il ne me semble pas que la circulaire ait réglé quoi que ce soit. Elle n’a de poids particulier que dans l’éducation nationale, en raison du fonctionnement même du ministère. Pour ma part, je ne crois pas que ce soit par des circulaires de plusieurs pages que l’on arrivera à simplifier la vie des entreprises.
Le dispositif n’étant pas mûr, je donnerai un avis favorable à la suppression de l’article 7 bis et je proposerai, en lien avec Mme la ministre du travail, au président et aux membres de la commission des affaires sociales, à M. Paul Christophe et aux représentants tant des URSSAF que des branches professionnelles, de nous réunir assez rapidement pour travailler à une solution d’ici à la commission mixte paritaire la nouvelle lecture ou alors l’année prochaine.
En attendant, je donnerai des consignes claires aux URSSAF, en concertation avec Mme la ministre du travail et Mme la ministre des solidarités et de la santé, pour bien leur faire comprendre que la volonté du législateur n’est pas de soumettre ces prestations à cotisations sociales. Il faudra cependant que le Parlement et le Gouvernement règlent cette question une fois pour toutes, car elle est d’importance. Pour l’heure, je le redis, le Gouvernement est favorable à la suppression de l’article.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, sur l’article.
M. Martin Lévrier. Je rejoins complètement M. Marseille et M. le ministre. Il me paraît essentiel de constituer au plus vite un groupe de travail sur cette question. En effet, pour les entreprises, il est difficilement acceptable qu’une circulaire de l’ACOSS fasse office de loi. Il y a un vrai travail à conduire en urgence avec les partenaires sociaux. Nous sommes prêts à y participer.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, sur l’article.
M. Rachid Temal. Il faut élargir un peu le débat, car il est aussi question ici du pouvoir d’achat des salariés et du principe des vacances pour tous. Malgré les initiatives de Jean Zay en 1936, les vacances pour tous ne sont pas encore une réalité, en particulier s’agissant des catégories populaires. Les comités d’entreprise et les chèques-vacances permettent à de plus en plus de Français de partir en vacances. Il ne faut pas oublier que les chèques-vacances représentent 1,5 milliard d’euros par an de fait investis dans l’économie touristique française. Sachant que la dépense touristique est effectuée en France à hauteur des deux tiers, on mesure l’incidence du dispositif des chèques-vacances pour l’ensemble des territoires de notre pays. Ce débat concerne donc aussi les hôtels, les campings, les offices de tourisme, l’ensemble des aménagements et des aménageurs. Il faudra associer à ce groupe de travail des parlementaires, des élus locaux, des représentants des syndicats et des professionnels… On le voit bien, tout cela est plus complexe qu’il n’y paraît.
Le tourisme représente en France 2 millions d’emplois directs et indirects. Je ne suis pas certain que nous puissions régler une question aussi importante d’ici à la fin du mois de décembre. Je suis favorable à la constitution d’un groupe de travail, si nécessaire, mais encore faut-il définir l’objectif. Si nous donnons la priorité aux vacances pour tous et au pouvoir d’achat, comme je le souhaite, il convient de s’opposer au dispositif de l’article introduit par l’Assemblée nationale. On ne peut pas, d’un trait de plume, réduire à néant les efforts faits depuis des années pour promouvoir les vacances pour tous et développer ainsi le secteur du tourisme, lequel représente 7 % du PIB français. Les acteurs privés et publics de l’une des industries majeures de notre économie nationale méritent, à mon sens, un peu plus de considération.
Il serait bon que chacun puisse disposer du rapport que l’Inspection générale des finances a consacré en 2016 à cette question et qui se prononçait contre l’assujettissement à cotisations sociales de ces avantages accordés aux salariés. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.
M. Gérard Longuet. Une fois n’est pas coutume, je soutiens le point de vue du ministre !
Je pense très sincèrement que cette affaire mérite une réflexion beaucoup plus approfondie. Il y a, sur le plan économique, une vérité : les entreprises qui pourvoient les comités d’entreprise en chèques-cadeaux créent, par l’achat de masse et la négociation qu’il permet, un pouvoir d’achat collectif qui est ensuite redistribué dans l’entreprise.
J’ajoute que l’entreprise, à travers son comité d’entreprise ou en dehors de ce dernier, permet aussi à ses salariés d’accéder, en matière de loisirs, de culture, de vacances, à des possibilités qui leur seraient fermées autrement.
Cela étant, le débat est ouvert. Monsieur le ministre, je pense que nous ne pourrons régler cette affaire d’ici à Noël. L’article introduit par l’Assemblée nationale aura au moins eu le mérite de poser le problème. Le vôtre aura été de prendre l’engagement d’organiser le groupe de travail qui permettra d’aller plus loin dans la réflexion, dans l’esprit évoqué par mon excellent collègue Hervé Marseille.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Toutes ces questions ont déjà été soulevées en commission des affaires sociales la semaine dernière. Nous n’avions alors pas trouvé de réponse satisfaisante, d’où l’idée de M. le rapporteur général de déposer un amendement de suppression de l’article, qui a été adopté par la commission des affaires sociales.
La commission des affaires sociales est dans le droit fil de ce qu’a proposé M. le ministre. Nous acceptons le principe de la création d’un groupe de travail sur le sujet. Comme l’a dit Gérard Longuet, il semble quasi impossible d’aboutir avant Noël ; en revanche, il me paraît beaucoup plus raisonnable de se fixer pour échéance le début de l’année prochaine.
En attendant, je demande, monsieur le président, l’examen en priorité de l’amendement n° 54 de la commission.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques.
L’amendement n° 23 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Requier, Roux, Vall et Adnot.
L’amendement n° 54 est présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 130 rectifié quater est présenté par MM. Segouin, Bonhomme et Courtial, Mme Garriaud-Maylam, MM. J.M. Boyer, Paccaud, Grosdidier et Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat, Lavarde, Gruny et de Cidrac, M. Charon, Mmes A.M. Bertrand et Boulay-Espéronnier, MM. Darnaud, Genest et Laménie, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Babary, Sido et Gremillet et Mme Noël.
L’amendement n° 183 est présenté par M. L. Hervé.
L’amendement n° 332 est présenté par M. Amiel, Mme Schillinger, MM. Lévrier et Patriat, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Hassani, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Rauscent, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 384 rectifié est présenté par M. Daudigny, Mmes G. Jourda, Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet et Vaugrenard, Mme Artigalas, M. Dagbert, Mmes Espagnac, Perol-Dumont et Préville, MM. Temal et Marie, Mme Guillemot, M. Magner, Mmes S. Robert et Monier, MM. Kerrouche, Tissot, Antiste, J. Bigot, P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 486 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié bis.
Mme Nathalie Delattre. L’article 7 bis introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale vise à instaurer des plafonds d’exonération de cotisations sociales pour les avantages versés aux salariés par les comités d’entreprise ou l’employeur au titre des activités culturelles et sociales, telles que le sport, les séjours de vacances, l’achat de biens ou prestations culturels, les loisirs.
Hormis les chèques-cadeaux, pour lesquels la limite est fixée à 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale depuis trente ans, aucune prestation sociale servie par les comités d’entreprise ne faisait jusqu’à présent l’objet d’un plafonnement. Ces avantages avaient toujours été préservés en raison de leur utilité sociale et de leur caractère redistributif.
Or les plafonds prévus à l’article 7 bis sont particulièrement bas. Ce dispositif plafonne à 331 euros par an et par salarié le montant de ces subventions, soit 10 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, le PMSS. L’article prévoit toutefois une majoration à 662 euros par an et par salarié en fonction du nombre d’enfants mineurs à charge, soit 20 % du PMSS.
Cette mesure présentée comme une mesure de pouvoir d’achat – que je pense relative – va entraîner la disparition de nombreux emplois. Je citerai notamment le secteur du tourisme, dans lequel 1 euro de subvention génère 4, voire 6 euros de retombées économiques pour nos territoires.
Compte tenu de son impact sur l’économie des territoires, une telle mesure mériterait de faire l’objet d’une véritable étude en vue de s’accorder sur un dispositif équilibré, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, dans la perspective du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme vous l’avez proposé, monsieur le ministre.
Dans cette attente, je demande par mesure de précaution, au nom du groupe du RDSE, la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 54.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour présenter l’amendement n° 130 rectifié quater.
M. Vincent Segouin. Je n’ai rien à ajouter à ce qui a été dit.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 183.
M. Loïc Hervé. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour présenter l’amendement n° 332.
M. Michel Amiel. Il est également défendu.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 384 rectifié.
M. Yves Daudigny. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 486.
Mme Christine Prunaud. Je me réjouis que la grande majorité des groupes politiques demande la suppression de cet article 7 bis issu de l’adoption d’un amendement du député UDI Paul Christophe.
Pour l’heure, les prestations accordées par les comités d’entreprise ne sont soumises ni à impôt ni à cotisations sociales, en vertu d’une simple tolérance de facto.
Si l’on peut comprendre la volonté du député Paul Christophe de sécuriser juridiquement les avantages accordés par les comités d’entreprise, la création d’une franchise de 331 euros ou de 662 euros par an et par salarié en fonction du nombre d’enfants présents au sein du ménage est une attaque grave contre le droit aux vacances, l’accès à la culture, au sport pour toutes et tous.
J’espère donc qu’une majorité d’entre nous votera la suppression de l’article 7 bis. Cependant, ce vote ne réglera pas tout. Je pense notamment au risque de voir revenir un tel amendement au détour d’un texte sur le travail.
Le Gouvernement doit mener une réelle concertation avec les acteurs concernés, notamment les syndicalistes et les associations de tourisme et de colonies de vacances. Il est urgent d’attendre pour trouver une solution et sécuriser juridiquement les prestations des comités d’entreprise.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23 rectifié bis, 54, 130 rectifié quater, 183, 332, 384 rectifié et 486.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 7 bis est supprimé, et les amendements nos 375 rectifié ter, 24 rectifié et 131 rectifié quater n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 375 rectifié ter, présenté par MM. Marseille et Henno, Mme Vullien, M. Mizzon, Mmes Guidez et Billon, MM. Le Nay, Kern, Prince, Bonnecarrère, Laugier et Détraigne, Mme de la Provôté, M. Janssens, Mme Férat, MM. Cazabonne et Moga, Mmes Goy-Chavent, Morin-Desailly, Perrot et Vérien et M. Cadic, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
1° Après le mot :
avantages
insérer les mots :
prenant la forme de cadeaux, titres-cadeau ou bons d’achat
2° Remplacer les mots :
aux quatre derniers alinéas du
par le mot:
au
3° Supprimer les mots :
, à moins qu’une disposition législative ne le prévoie dans des conditions et dans des limites différentes
II. – Alinéa 3
Après la référence :
L. 241-3
supprimer la fin de cet alinéa.
III. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Lorsque ces avantages sont versés à l’occasion d’événements récurrents ayant trait à la vie extraprofessionnelle de ces salariés, dans la limite, par événement et par ayant-droit, de 5 % de la valeur mensuelle du plafond mentionné à l’article L. 241-3.
IV. – Alinéas 7 à 12
Remplacer ces alinéas par treize alinéas ainsi rédigés :
II. – L’article L. 411-9 du code du tourisme est ainsi modifié :
1° La première phrase est ainsi modifiée :
a) Les mots : « de moins de cinquante salariés, dépourvues de comité d’entreprise et qui ne relèvent pas d’un organisme paritaire mentionné à l’article L. 411-20 » sont remplacés par les mots : « , les organismes mentionnées à l’article L. 411-18 » ;
b) Après les mots : « l’employeur, », sont insérés les mots : « du particulier employeur ou des organismes mentionnés à l’article L. 411-18 » ;
c) Après la référence : « L. 411-1 », est insérée la référence : « et L. 411-19 » ;
d) Après le mot : « exception », sont insérés les mots : « , pour la seule part octroyée par l’employeur, » ;
2° À la seconde phrase, les mots : « à 30 % du » sont remplacés par le mot : « un ».
III. – L’article L. 411-10 du code du tourisme est ainsi modifié :
1° Au 1° , les mots : « prise en charge par l’employeur » sont supprimés ;
2° Au 2° , les mots : « dans les entreprises de moins de cinquante salariés » sont supprimés ;
3° Au 3° , les mots : « de l’employeur » sont supprimés.
IV. – La dernière phrase de l’article L. 411-11 du code du tourisme est supprimée.
V. – Le présent article entre en vigueur pour les avantages octroyés au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019.
Les amendements nos 24 rectifié et 131 rectifié quater sont identiques.
L’amendement n° 24 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve et MM. Léonhardt, Menonville, Requier et Vall.
L’amendement n° 131 rectifié quater est présenté par MM. Segouin, Bonhomme et Courtial, Mme Garriaud-Maylam, MM. J.M. Boyer, Paccaud, Grosdidier et Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat, Lavarde, Gruny et de Cidrac, M. Charon, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Darnaud, Genest et Laménie, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Babary, Sido et Gremillet et Mme Noël.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
, sous réserve que leur montant global n’excède pas, au cours d’une année civile, les limites prévues au 2° du présent article
II. – Alinéa 4
1° Première phrase
Supprimer les mots:
, sous réserve que leur montant global n’excède pas, au cours d’une année civile et par salarié, 10 % de la valeur mensuelle du plafond mentionné à l’article L. 241-3
2° Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
III. – Pour compenser la perte éventuelle de recettes résultant du I et du II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Article 8
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Au dernier alinéa de l’article L. 131-7, la référence : « L. 241-6-4, » est supprimée ;
1° Le second alinéa du I de l’article L. 133-1 est ainsi modifié :
a) À la fin de la deuxième phrase, les mots : « ou par l’agent chargé du contrôle mentionné à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime » sont supprimés ;
b) La dernière phrase est complétée par les mots : « ou par l’agent chargé du contrôle mentionné à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime » ;
2° L’article L. 241-2-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « mentionnées au 1° du II l’article L. 241-2 » sont remplacés par les mots : « d’assurance maladie » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La réduction est également applicable aux rémunérations des salariés mentionnés aux 3° ou 6° de l’article L. 5424-1 du code du travail affiliés à un régime mentionné à la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre VII du présent code. » ;
3° À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 241-5, après le mot : « mentionnée », sont insérés les mots : « au III de l’article L. 241-10 et » ;
4° L’article L. 241-6-1 est ainsi modifié:
a) Les mots : « mentionnées au 1° de l’article L. 241-6 » sont remplacés par les mots : « d’allocations familiales » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La réduction est également applicable aux rémunérations des salariés mentionnés au 3° de l’article L. 5424-1 du code du travail affiliés à un régime mentionné à la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre VII du présent code. » ;
5° L’article L. 241-6-4 est abrogé ;
6° Le III de l’article L. 241-10 est ainsi modifié :
a) Après le 3° , sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les structures mentionnées aux 1° et 3°, lorsqu’elles constituent des employeurs de droit privé, sont en outre exonérées, pour les rémunérations versées aux aides à domicile employées dans les conditions définies au premier alinéa du III, de la contribution mentionnée au 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles, des contributions mentionnées à l’article L. 834-1 du présent code, des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles à hauteur du taux fixé par l’arrêté mentionné à la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 241-5, des cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des régimes de retraite complémentaire et des contributions à la charge de l’employeur dues au titre de l’assurance chômage prévues à l’article L. 5422-9 du code du travail.
« Pour les structures mentionnées au cinquième alinéa du présent III, lorsque la rémunération est inférieure à un seuil égal au salaire minimum de croissance annuel majoré de 20 %, le montant de l’exonération est égal au montant des cotisations et contributions à la charge de l’employeur. À partir de ce seuil, la part de la rémunération sur laquelle est calculée l’exonération décroît et devient nulle lorsque la rémunération est égale au salaire minimum de croissance annuel majoré de 60 %. » ;
b) Au cinquième alinéa, les mots : « Cette exonération s’applique » sont remplacés par les mots : « Ces exonérations s’appliquent » ;
7° L’article L. 241-11 est abrogé ;
8° Le VII de l’article L. 241-13 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les salariés expatriés mentionnés au a de l’article L. 5427-1 du code du travail et les salariés mentionnés au e du même article L. 5427-1, le montant de la réduction s’impute en outre, selon les mêmes règles, sur les cotisations recouvrées par l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du même code.
« Pour les salariés mentionnés à l’article L. 133-9 du présent code, le montant de la réduction s’impute en outre, selon les mêmes règles, sur les cotisations recouvrées par l’organisme de recouvrement habilité par l’État en application du même article L. 133-9. » ;
9° Au début du II de l’article L. 243-6-1, les mots : « Le I est également applicable lorsque le cotisant » sont remplacés par les mots : « La procédure d’arbitrage prévue au I est également applicable lorsque le cotisant, qu’il possède un ou plusieurs établissements, » ;
9° bis (nouveau) Au II de l’article L. 243-6-1 et au deuxième alinéa de l’article L. 243-6-7, après la référence : « L. 241-13 », sont insérés les mots : « , des dispositions prévues aux articles L. 241-10 et L. 752-3-2, » ;
9° ter (nouveau) Au II de l’article L. 243-6-2, à la seconde phrase du premier alinéa du III de l’article L. 243-6-3 et à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 243-6-7, après la référence : « L. 241-13 », sont insérés les mots : « , sur les dispositions prévues aux articles L. 241-10 et L. 752-3-2 » ;
10° L’article L. 752-3-2 est ainsi modifié :
a) Les I à IV sont ainsi rédigés :
« I. – En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, les employeurs, à l’exclusion des entreprises publiques et établissements publics mentionnés à l’article L. 2233-1 du code du travail et des particuliers employeurs, sont exonérés du paiement des cotisations et contributions mentionnées au I de l’article L. 241-13 du présent code dans les conditions définies au présent article.
« II. – L’exonération s’applique :
« 1° Aux employeurs occupant moins de onze salariés. Si l’effectif vient à atteindre ou dépasser le seuil de onze salariés, le bénéfice intégral de l’exonération est maintenu dans la limite des onze salariés précédemment occupés ou, en cas de départ, remplacés. Un décret fixe les conditions dans lesquelles le bénéfice de l’exonération est acquis dans le cas où l’effectif passe au-dessous de onze salariés ;
« 2° Quel que soit leur effectif, aux employeurs des secteurs du bâtiment et des travaux publics, de l’industrie, de la restauration, de la presse, de la production audiovisuelle, de l’environnement, de l’agronutrition, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l’information et de la communication et des centres d’appel, de la pêche, des cultures marines, de l’aquaculture, de l’agriculture, du tourisme, de la restauration de tourisme y compris les activités de loisirs s’y rapportant, de l’hôtellerie, de la recherche et du développement, ainsi qu’aux entreprises bénéficiaires du régime de perfectionnement actif défini à l’article 256 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union ;
« 3° (nouveau) Aux employeurs de transport aérien assurant :
« a) La liaison entre la métropole et la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin ;
« b) La liaison entre ces départements ou collectivités, ainsi qu’entre La Réunion et Mayotte ;
« c) La desserte intérieure de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin.
« Seuls sont pris en compte les personnels des employeurs concourant exclusivement aux dessertes mentionnées au c du présent 3° et affectés dans des établissements situés dans l’un de ces départements, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin ;
« 4° (nouveau) Aux employeurs assurant la desserte maritime ou fluviale de plusieurs points de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin, ou la liaison entre les ports de ces départements ou collectivités ou la liaison entre les ports de La Réunion et de Mayotte. »
« III. – A. – Pour les employeurs mentionnés aux 1°, 3° et 4° du II et ceux mentionnés au 2° du même II relevant des secteurs du bâtiment et des travaux publics, de la presse et de la production audiovisuelle, lorsque le revenu d’activité de l’année tel qu’il est pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242-1 est inférieur à un seuil égal au salaire minimum de croissance annuel majoré de 30 %, le montant de l’exonération est égal au montant des cotisations et contributions à la charge de l’employeur, mentionnées au I de l’article L. 241-13. À partir de ce seuil, la part du revenu d’activité annuel sur laquelle est calculée l’exonération décroît et devient nulle lorsque le revenu d’activité est égal au salaire minimum de croissance annuel majoré de 100 %.
« B. – Pour les employeurs, quel que soit leur effectif, relevant des secteurs mentionnés au 2° du II, à l’exception des secteurs du bâtiment et des travaux publics, de la presse et de la production audiovisuelle, et pour les entreprises bénéficiaires du régime de perfectionnement actif défini à l’article 256 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 précité, lorsque le revenu d’activité de l’année est inférieur à un seuil égal au salaire minimum de croissance annuel majoré de 40 %, le montant de l’exonération est égal au montant des cotisations et contributions à la charge de l’employeur mentionnées au I de l’article L. 241-13. À partir de ce seuil, la part du revenu d’activité annuel sur laquelle est calculée l’exonération décroît et devient nulle lorsque le revenu d’activité est égal au salaire minimum de croissance annuel majoré de 140 %.
« IV. – Le montant de la réduction est calculé chaque année civile, pour chaque salarié et pour chaque contrat de travail, en fonction des revenus d’activité tels qu’ils sont pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242-1.
« Pour les salariés qui ne sont pas employés à temps plein ou qui ne sont pas employés sur toute l’année, la valeur du salaire minimum de croissance prise en compte pour la détermination de l’exonération est celle qui correspond à la durée de travail prévue au contrat au titre de la période pendant laquelle ils sont employés.
« Lorsque les exonérations mentionnées au III sont décroissantes, le montant de celles-ci est déterminé par l’application d’une formule de calcul définie par décret. La valeur maximale du taux de l’exonération est fixée par décret, dans la limite de la somme des taux des cotisations mentionnées au I pour une rémunération égale au salaire minimum de croissance. » ;
b) Le VIII est abrogé.
I bis (nouveau). – Les exonérations prévues aux 6° et 10° du I donnent lieu à compensation par le budget général de l’État.
II. – Le chapitre Ier du titre IV du livre VII du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 741-5 est abrogé ;
2° (nouveau) L’article L. 741-16 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« I. – Les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles sont exonérés des cotisations mentionnées au I de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale pour les travailleurs occasionnels qu’ils emploient.
« Pour l’application du premier alinéa du présent I, les cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires mentionnés à l’article L. 921-4 du code de la sécurité sociale figurant à l’article L. 241-13 du même code sont remplacées par les cotisations de la retraite complémentaire obligatoire des salariés versées aux institutions de retraite complémentaire mentionnées à l’article L. 727-2 du présent code. » ;
– après le deuxième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Cette exonération est déterminée conformément à un barème dégressif linéaire fixé par décret.
« Pour les cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2019, l’exonération est totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale au salaire minimum de croissance majoré de 15 % et devient nulle pour une rémunération mensuelle égale ou supérieure au salaire minimum de croissance majoré de 60 %.
« Pour les cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2020, l’exonération est totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale au salaire minimum de croissance majoré de 10 % et devient nulle pour une rémunération mensuelle égale ou supérieure au salaire minimum de croissance majoré de 60 %. » ;
– la première phrase du troisième alinéa est supprimée ;
b) Au VII, les mots : « l’exonération prévue à l’article L. 741-5 du présent code et de » sont supprimés ;
3° Le même article L. 741-16 est abrogé le 1er janvier 2021 ;
4° L’article L. 741-16-1 est abrogé.
III. – L’article L. 5553-11 du code des transports est ainsi modifié :
1° Les mots : « battant pavillon français » sont remplacés par les mots : « dirigés et contrôlés à partir d’un établissement stable situé sur le territoire français, battant pavillon français ou d’un autre État membre de l’Union européenne, d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, et » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice des exonérations prévues au premier alinéa est conditionné au fait que les membres de l’équipage des navires sur lesquels des marins sont concernés par l’exonération sont, dans une proportion d’au moins 25 %, des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse. Cette proportion est calculée sur la base de la fiche d’effectif et s’apprécie sur l’ensemble de la flotte composée des navires embarquant au moins un marin pour lequel l’employeur bénéficie de l’exonération prévue au présent article. »
IV. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au début du 1° de l’article L. 5134-31, les mots : « Des cotisations » sont remplacés par les mots : « Pour les personnes morales mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 5134-21, des cotisations » ;
2° Après le mot : « prévus », la fin du premier alinéa de l’article L. 5134-59 est ainsi rédigée : « à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. » ;
3° À la fin de la seconde phrase de l’article L. 6227-8, la référence : « au second alinéa du II de l’article L. 6243-2 » est remplacée par la référence : « à l’article L. 6243-3 » ;
4° Après le même article L. 6227-8, il est inséré un article L. 6227-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6227-8-1. – L’employeur de l’apprenti est exonéré de la totalité des cotisations sociales d’origine légale et conventionnelle qui sont à sa charge, à l’exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. » ;
5° L’article L. 6243-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6243-2. – L’apprenti est exonéré de la totalité des cotisations salariales d’origine légale et conventionnelle pour la part de sa rémunération inférieure ou égale à un plafond fixé par décret. » ;
6° Les quatre premiers alinéas de l’article L. 6243-3 sont supprimés ;
7° L’article L. 6261-1 est abrogé ;
8° La section 5 du chapitre V du titre II du livre III de la sixième partie est abrogée ;
9° (nouveau) L’article L. 6523-5-2 est abrogé.
IV bis (nouveau). – L’article 1599 ter C du code général des impôts est abrogé.
V. – L’article 20 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 est ainsi modifié :
1° Le II est abrogé ;
2° Au début du 1° du A du IV, les mots : « Des cotisations » sont remplacés par les mots : « Pour les employeurs publics mettant en place des ateliers et chantiers d’insertion conventionnés par l’État en application de l’article L. 5132-15 dudit code, des cotisations ».
VI. – A. – Pour les rémunérations dues au titre des salariés relevant de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, la valeur maximale du coefficient mentionné au troisième alinéa du III du même article L. 241-13 est limitée, pour l’année 2019, à la somme des taux des cotisations et des contributions mentionnées au I dudit article L. 241-13, à l’exception des contributions à la charge de l’employeur dues au titre de l’assurance chômage prévues à l’article L. 5422-9 du code du travail.
Pour les rémunérations de ces salariés, un coefficient limité au taux des contributions à la charge de l’employeur dues au titre de l’assurance chômage prévues au même article L. 5422-9 s’ajoute, pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2019, au coefficient mentionné au premier alinéa du présent A.
Chacun des coefficients mentionnés aux deux premiers alinéas du présent A est calculé, en fonction de la rémunération annuelle totale prise en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
B. – Le A n’est pas applicable aux rémunérations dues pour des salariés employés :
1° Par les associations intermédiaires mentionnées à l’article L. 5132-7 du code du travail et par les ateliers et chantiers d’insertion mentionnés à l’article L. 5132-15 du même code ;
2° Au titre des contrats d’apprentissage mentionnés à l’article L. 6221-1 du code du travail et des contrats de professionnalisation mentionnés à l’article L. 6325-1 du même code conclus avec des demandeurs d’emploi de quarante-cinq ans et plus ou conclus par les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification mentionnés à l’article L. 1253-1 dudit code ;
3° Par les employeurs occupés aux activités mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime ;
4° Par les employeurs localisés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.
VII. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2019. L’article L. 243-6-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant du 9° du I s’applique aux contrôles engagés à compter du 1er janvier 2019.
Par dérogation au premier alinéa du présent VII, les dispositions de l’article L. 5553-11 du code des transports dans sa rédaction résultant du III entrent en vigueur dès lors que la Commission européenne a confirmé que celles-ci sont compatibles avec le droit de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, sur l’article.
M. Georges Patient. Depuis des semaines, les socioprofessionnels de Guyane font part de leurs inquiétudes à propos de la mise en œuvre de la réforme des aides économiques à la compétitivité des entreprises ultramarines.
Ils ont participé à plusieurs réunions au ministère des outre-mer et démontré à cette occasion, chiffres à l’appui, que les effets quantifiables de la mise en œuvre des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, si le texte devait être appliqué tel qu’il a été transmis au Sénat, induiraient une augmentation d’environ 62 millions d’euros du montant des cotisations sociales patronales, en tenant compte de l’augmentation de la masse salariale pour cette année.
Les différents dispositifs d’exonération de cotisations sociales –ceux de la LOOM, la loi d’orientation pour l’outre-mer, de la LOPOM, la loi de programme pour l’outre-mer, de la LODEOM, la loi pour le développement économique des outre-mer, et même de la loi Fillon – ont tous conduit à des améliorations, jamais à une réduction d’avantages.
Ce que le Gouvernement propose ici pour la Guyane, en augmentant le montant des cotisations patronales, et donc en diminuant le niveau d’aide acquis depuis de nombreuses années, est une première. Une telle disposition est-elle légale alors que le coût du travail baisse dans l’Hexagone et qu’il faut créer 5 000 emplois en Guyane chaque année si l’on veut éviter l’explosion sociale ? Pourquoi léser ainsi les entreprises guyanaises, alors qu’il était entendu que la Guyane bénéficierait, à l’instar de Mayotte, d’un traitement différencié, surtout après l’état des lieux réalisé en août 2017 par l’IGA, l’Inspection générale de l’administration, l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, et l’IGF, l’Inspection générale des finances ? On a reconnu la spécificité de Mayotte, pourquoi ne pas le faire pour la Guyane, dont le produit intérieur brut n’atteint que 50 % de la moyenne nationale ?
Nous demandons que la Guyane continue à bénéficier du dispositif de la LODEOM durant l’année 2019, le temps que les différents techniciens, ceux du ministère des outre-mer et les nôtres, vérifient les données transmises par la Guyane, les analysent et les confirment ou les modifient en accord avec celle-ci.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. La réforme de l’écosystème économique des territoires d’outre-mer est globale, elle forme un tout.
Sur le quinquennat, le Gouvernement prévoit d’engager 400 millions d’euros pour le développement économique des outre-mer. Ce montant est issu du redéploiement intégral d’un ancien dispositif, la TVA NPR – non perçue récupérable –, qui était très opaque.
Sur cette même période, il consacrera également 280 millions d’euros supplémentaires à l’investissement public, grâce aux marges de manœuvre dégagées via une mesure de justice sociale relative à l’impôt sur le revenu, à savoir la prolongation de la défiscalisation en outre-mer jusqu’en 2025. Par ailleurs, les zones franches d’activité seront mieux ciblées et dopées, puisqu’elles permettront aux entreprises des secteurs éligibles de bénéficier d’un taux d’impôt sur les sociétés de 6 %, ce qui est une première.
Je tenais à rappeler le contexte général, mais nous sommes bien sûr aussi là pour évoquer la réforme des dispositifs d’allégement du coût du travail : il s’agit d’une réforme qui nous oblige, puisqu’elle s’appliquera à l’échelon national au 1er janvier 2019 et qu’elle concerne également l’outre-mer.
Deux objectifs ont été assignés à cette réforme.
Le premier est de réduire massivement le coût du travail pour les salaires proches du SMIC, en ramenant à zéro les charges patronales dans les zones les plus intenses en matière d’emploi. Favoriser l’emploi, en particulier dans les territoires d’outre-mer, là où le taux de chômage est plus élevé que partout ailleurs, notamment chez les jeunes, c’est le combat de ce gouvernement. J’assume ce choix de réduire le coût du travail pour les plus bas salaires, car il s’agit aussi d’un moyen de lutter contre le travail illégal et le travail dissimulé. Je l’assume d’autant plus que 53 % des salariés ultramarins gagnent moins de 1,4 fois le SMIC et 85 % moins de 2,5 fois le SMIC. Vous le voyez, nous proposons là une réponse adaptée à la situation de tous ces jeunes peu formés que nous rencontrons dans les territoires d’outre-mer.
Le second objectif est de réaliser cette réforme à coûts constants. Les engagements du Gouvernement ne seront pas inférieurs en 2019 à ce qu’ils ont été en 2018.
Mme Laurence Cohen. Il en faudrait davantage !
Mme Annick Girardin, ministre. Les secteurs de production locale que sont le BTP, la pêche, l’industrie ou le tourisme seront les grands gagnants de la réforme.
Cette réforme me semble juste, mais elle inquiète ; nous l’avons entendu. Les chiffres du Gouvernement, issus des travaux qu’il a menés avec l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, sont mis en question, car ils sont parfois différents de ceux que produisent les socioprofessionnels des différents territoires. J’ai pris l’engagement de rouvrir le dialogue et annoncé, à l’Assemblée nationale, que nous apporterions des réponses, ici au Sénat, si nous étions en mesure de le faire.
Nous répondrons ainsi à propos de la Guyane, monsieur le sénateur Patient, et de Mayotte. La décision a été prise d’exclure Mayotte du champ de la réforme, les dispositifs s’y appliquant en matière de cotisations sociales n’ayant rien à voir avec ceux qui en vigueur dans les autres territoires d’outre-mer.
À l’Assemblée nationale, nous avons déjà apporté certaines réponses en renforçant les dispositifs d’exonération de charges applicables aux secteurs de la presse, de l’audiovisuel, du transport maritime et aérien, afin de les rendre plus compétitifs. Nous apporterons également un certain nombre de réponses aujourd’hui. Néanmoins, il nous reste un important travail à faire avec les entreprises ; nous nous y attellerons dans les dix jours qui viennent.
Il est important que nous puissions bien identifier ensemble les gagnants et les perdants de cette réforme et disposer de chiffres justes sur lesquels s’accordent les milieux économiques et le Gouvernement.
Nous avons le souci d’écouter les acteurs et d’agir en toute transparence. C’est pourquoi, avec Gérald Darmanin et ses services, nous continuerons d’approfondir la réflexion pendant les dix jours qui nous séparent d’un nouvel examen du texte à l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, sur l’article.
Mme Nathalie Delattre. Madame, monsieur les ministres, vous connaissez la tempérance qui est la nôtre dans cet hémicycle. Pourtant, nous nous mobilisons avec force et conviction à propos de l’article 8 et des TO-DE, les travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi. C’est la preuve qu’il s’agit là d’un sujet majeur.
J’étais aux côtés de Didier Guillaume quand celui-ci, alors sénateur, alertait le gouvernement sur le danger que recelait le projet de mettre fin à l’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de main-d’œuvre saisonnière agricole. Il disait que mettre fin à cette exonération, ce serait mettre fin à l’agriculture.
Le 23 octobre dernier, dans cet hémicycle, Didier Guillaume m’annonçait, en tant que ministre cette fois-ci, vouloir trouver un compromis. Mais quand on fait le calcul, le compromis ne satisfait personne, car il n’est pas à la hauteur des enjeux.
La France a déjà du mal à recruter des personnes qualifiées, de la main-d’œuvre saisonnière locale issue du bassin d’emploi. Ce n’est pas en renchérissant le coût du travail saisonnier agricole, l’un des plus élevés en Europe, que nous parviendrons à répondre à ces problématiques d’emploi.
Mon territoire, en Gironde, comme l’ensemble des territoires agricoles et viticoles, n’échappe pas aux difficultés économiques qui sont devenues structurelles dans notre pays. Ce sont nos petits exploitants, le terreau de notre économie, qui sont à nouveau touchés de plein fouet !
Je prendrai un seul exemple, pas forcément le plus connu, celui des pépiniéristes viticoles français. Nos 600 pépiniéristes sont redevenus les leaders mondiaux cette année, devant l’Italie, avec 232 millions de plants greffés. Si la réforme était mise en œuvre, ces 600 pépiniéristes devraient faire face à une charge supplémentaire de 5 millions d’euros, soit plus de 8 000 euros par pépinière !
Avec l’exonération totale de charges pour les salaires jusqu’à 1,15 fois le SMIC prévue pour 2019 par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le compte n’y est pas. Avec l’abaissement du plafond de salaire à 1,1 fois le SMIC en 2020, puis la suppression totale du dispositif d’exonération en 2021, le compte n’y est pas du tout !
Cette réforme ne trace aucune perspective positive pour nos filières ; elle ne fait que créer une instabilité législative de plus, une instabilité fiscale de plus. La France rurale grogne. J’ai bien peur qu’elle ne se mette sérieusement à gronder. Alors, je vous le demande purement et simplement : maintenez le dispositif existant en l’état, c’est la seule voie vers une sortie de crise !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l’article.
Mme Marie-Pierre Monier. En première lecture à l’Assemblée nationale, la suppression du dispositif TO-DE a été adoptée.
Devant la mobilisation des agriculteurs contre ce renchérissement des coûts de production, les députés ont adopté une mesure de sortie progressive du dispositif, afin de laisser deux ans aux employeurs de saisonniers agricoles pour s’adapter.
Cette disposition constitue une avancée significative, nous le mesurons. Cependant, elle ne répond pas à l’exigence de rattrapage des distorsions de concurrence subies par les productions agricoles françaises et le plafond de l’exonération dégressive reste inférieur à ce qu’il est dans le dispositif actuel, à savoir 1,25 fois le SMIC. Elle ne permettra donc pas de compenser totalement la suppression du dispositif TO-DE.
Maraîchage, horticulture, arboriculture, viticulture : pour l’ensemble de ces secteurs agricoles, les pertes sont estimées à 39 millions d’euros pour les employeurs de saisonniers. Pour la viticulture, premier employeur de main-d’œuvre saisonnière, avec environ 45 % des contrats saisonniers agricoles chaque année, les pertes s’élèveraient à près de 13 millions d’euros. Dans mon département, la Drôme, les emplois saisonniers sont nombreux : on y a compté 31 175 contrats à durée déterminée, contre 6 012 contrats à durée indéterminée, en 2016. Le dispositif TO-DE concerne 29 623 de ces contrats à durée déterminée, ce qui représente près de 6 millions d’heures travaillées, dans plus de 2 000 établissements drômois.
Vous nous avez dit, madame la ministre, qu’il fallait faire les comptes de la réforme et déterminer les gagnants et les perdants. Eh bien, dans la Drôme, cette réforme accroîtra le coût du travail de 50 euros par salarié et par mois ! Il s’agit donc d’une catastrophe pour l’économie agricole drômoise, qui a fait le choix de privilégier des exploitations de taille moyenne et le recrutement de saisonniers locaux.
C’est pourquoi le groupe socialiste et républicain présentera un amendement visant à revenir au dispositif TO-DE tel qu’il existe actuellement, avec compensation intégrale et pérenne des six points de CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Dans un contexte de concurrence accrue avec les autres pays européens, notamment l’Italie, l’Espagne, la Pologne et l’Allemagne, chaque euro compte, et un alourdissement des charges est inenvisageable sauf à mettre en péril la survie de nombreuses exploitations agricoles.
Mes chers collègues, j’espère que vous adopterez ce dispositif de compensation intégrale pour nos producteurs, pour notre agriculture et pour nos territoires ! (Mme Michelle Meunier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. Je voudrais évoquer la méthode du Gouvernement. Madame la ministre, exprimer un point de vue différent ne constitue pas une déclaration d’hostilité. Écouter les parlementaires, ne pas les mépriser, ce n’est pas une infamie ! (M. Roger Karoutchi rit.) En outre, respecter sa propre majorité me semble être de bonne et sage politique.
Jusqu’à présent, on a eu l’impression que toute expression d’une différence était ressentie par le Gouvernement comme une agression. C’est comme s’il attendait des parlementaires qu’ils se sabordent.
Je soutiendrai l’amendement de mon collègue Georges Patient, qui appartient désormais au groupe La République En Marche. Pour ma part, je n’ai jamais changé de position politique, même si je reste un modéré, qui cherche des compromis raisonnables.
À cet égard, il me semble que trouver un compromis raisonnable avec les parlementaires grandirait le Gouvernement. Pour l’heure, pardonnez-moi de contester, madame la ministre, votre affirmation selon laquelle l’économie ultramarine constituerait un écosystème global. Lors des assises organisées par vos soins – le mot « assises » était bien choisi en l’occurrence, puisqu’il s’agissait de faire tomber un véritable couperet sur l’avenir de nos économies –, nous avions défini une stratégie à long terme pour nos économies. Cela est consigné à l’article 1er de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, qui dispose très explicitement que, avant d’envisager une réforme ou un choc budgétaire, fiscal et social aussi important, il convient de procéder à une remise à plat. Nous étions convenus qu’il fallait instituer des zones franches globales. Un rapport devait d’ailleurs être remis au Parlement avant le mois de juillet 2018, en vue d’une entrée en vigueur en janvier 2019.
Aujourd’hui, je constate qu’aux mesures récessives prévues pour l’ensemble de l’Hexagone, on ajoute la réfaction de l’impôt sur le revenu, la suppression de la TVA NPR.…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Victorin Lurel. … et d’un certain nombre de dispositifs de défiscalisation relatifs à l’amélioration de l’habitat privé ou intéressant les organismes de logements sociaux, l’exclusion des secteurs de la comptabilité, de l’ingénierie et des études techniques. Bref, il s’agit d’un ensemble de mesures récessives qui vont affecter nos économies.
M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole de trente secondes, c’est beaucoup trop !
M. Victorin Lurel. Avec cette réforme, le Gouvernement va déclencher une véritable déflation économique en outre-mer. Ce n’est pas acceptable ! (Mmes Catherine Conconne et Victoire Jasmin applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, sur l’article.
M. Michel Magras. Le dispositif d’exonération de cotisations sociales pour l’outre-mer prévu à l’article 8 du présent projet de loi ne peut que soulever des inquiétudes.
Certes, cet article renforce le taux d’exonération, mais le recentrage sur les bas salaires est un signal contradictoire avec une volonté de développement.
Dans des économies se caractérisant par un niveau moyen de revenus relativement bas, le dispositif proposé créera un effet d’aubaine qui incitera à embaucher des personnes à un salaire inférieur à 1,4 fois le SMIC, et surtout à maintenir les rémunérations en dessous de ce seuil. Cela revient à créer, ni plus ni moins, une trappe à bas salaires.
Or on ne cesse de déplorer le sous-encadrement des économies ultramarines. Celles-ci ne pourront pas se développer – je ne parle pas de croissance économique, mais d’une dynamique structurelle de long terme – dans ces conditions.
Le point de sortie du dispositif actuel, même réduit du fait de l’entrée en vigueur du CICE, permettait tout de même d’inclure dans le champ de l’exonération les salaires d’encadrement et d’expertise, si je puis m’exprimer ainsi. En revanche, le texte que vous nous soumettez constitue une remise en cause de l’encouragement à l’encadrement.
En outre, on ne peut que craindre que le recentrage proposé ait pour conséquence, parmi d’autres, d’accentuer la tendance des diplômés, en particulier les jeunes, à préférer des carrières à l’étranger où, à compétence égale, ils se verront proposer une meilleure rémunération.
Enfin, la baisse de six points des cotisations d’assurance maladie ne compensera pas, à elle seule, ce revirement, puisqu’elle s’éteint à 2,5 fois le SMIC, comme en métropole.
Toutes ces raisons m’amènent à considérer que l’on ne peut plus modifier le cadre économique des outre-mer au gré des exigences de court terme, qui finissent à la longue par coûter très cher. J’espère que le débat sur l’article 8 permettra de faire évoluer le texte initial.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, sur l’article.
M. Claude Kern. Mes propos rejoindront ceux de mes collègues Nathalie Delattre et Marie-Pierre Monier.
Effectivement, pour nos agriculteurs, le compte n’y est pas ! La perte par rapport au dispositif actuel s’élèvera à 189 euros par mois et par un salarié. Or les exploitants alsaciens ont de gros besoins en main-d’œuvre. Plus petites que la moyenne française, leurs exploitations ont beaucoup diversifié leur production, avec des cultures à forte valeur ajoutée comme l’asperge, le houblon, le chou à choucroute, la vigne. La main-d’œuvre représente 40 % de leurs coûts de production. C’est le cas, par exemple, pour la production de pommes. Quant à l’agriculture biologique, elle nécessite le double de main-d’œuvre, voire le triple.
Vous comprendrez donc que la suppression du dispositif actuel représente pour nos agriculteurs un coup de massue, d’autant qu’il résultait d’une initiative alsacienne destinée à limiter les distorsions de concurrence avec l’Allemagne, où le coût du salaire horaire est beaucoup plus bas. Cette suppression revient à ôter toute compétitivité à nos exploitations.
À titre d’exemple, le marché français de l’asperge a chuté de 56 % en 2018, quand le marché allemand progressait de 12 %. À l’échelle de la région Grand Est, où l’on dénombre quelque 155 000 contrats de saisonnier par an, la perte atteindra environ 20 millions d’euros. Cela montre que l’on ne peut pas appliquer des mesures de manière uniforme : les territoires ont tous leur spécificité, ils sont tous singuliers, et il faut veiller à ne pas les appréhender via le même prisme, au risque de les étouffer complètement. Or c’est exactement ce que fait le Gouvernement par le truchement de cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.
M. Daniel Chasseing. Je m’associe aux propos qui viennent d’être tenus.
L’article 8 prévoit la transformation du CICE et du CITS, le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, en baisse pérenne de cotisations sociales pour les employeurs. Pour certains secteurs, notamment celui de l’aide à domicile avec l’exonération totale de cotisations patronales jusqu’à 1,1 fois le SMIC, la réforme proposée représente une amélioration. En revanche, elle est très défavorable pour les employeurs de travailleurs saisonniers, tels que les pomiculteurs, nombreux dans mon département. Cette réforme fera donc beaucoup de perdants. C’est pourquoi je plaide pour que l’on revienne au dispositif en vigueur.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l’article.
M. Laurent Duplomb. Je voudrais exprimer mon étonnement, mon agacement et mon incompréhension devant la suppression du dispositif TO-DE prévue par l’article 8.
Comment peut-on, sans donner soi-même l’exemple, vouloir supprimer des allégements de charges ? Pas plus tard que la semaine dernière, le ministre des finances s’est présenté devant la commission des affaires sociales du Sénat accompagné d’une vingtaine de collaborateurs… La moindre des choses, quand on prétend engager une nouvelle politique, c’est de donner l’exemple !
Par ailleurs, comme on l’a encore vu lors de l’élaboration de la loi ÉGALIM, on se livre à un travail de sape incessant du métier d’agriculteur et de l’agriculture d’aujourd’hui, en affirmant qu’il faut changer de modèle, être plus vertueux, développer l’agriculture biologique. Prenons l’exemple d’un verger : cesser de recourir au glyphosate implique d’embaucher davantage de main-d’œuvre pour faire le travail à la main. Le coût du kilo de pommes s’en trouvera renchéri de 10 à 15 centimes d’euro. Les agriculteurs français sont peut-être prêts à s’engager dans cette démarche, mais ils sont en concurrence avec les producteurs de pommes de Pologne, où les charges sociales seront 75 % moins élevées qu’en France si l’on supprime le dispositif TO-DE, qui concerne particulièrement les travailleurs saisonniers ! Aujourd’hui, le kilo de pommes polonaises coûte déjà 99 centimes d’euro à l’étalage en France, contre 2,5 euros pour le kilo de pommes françaises.
Monsieur le ministre, cherchez l’erreur, trouvez les solutions, et ne croyez pas que la dégressivité fera passer la pilule aux agriculteurs. En effet, elle revient tout simplement à les étrangler progressivement, en leur expliquant qu’ils ont deux ans pour s’habituer à l’idée de mourir… En 2020, quand ils mourront effectivement, ils sauront pourquoi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 404 rectifié bis est présenté par MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, M. Fichet, Mme Guillemot, M. Magner, Mmes S. Robert et Monier, MM. Kerrouche, Tissot, Antiste, J. Bigot, P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, MM. Duran, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 487 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 404 rectifié bis.
M. Jean-Louis Tourenne. Nous sommes opposés à la substitution d’allégements de charges sociales au CICE et au CITS, car elle présente un certain nombre d’inconvénients sur lesquels je souhaite attirer votre attention.
En cette période, il est normal d’annoncer les cadeaux de Noël. Pour les entreprises, cette réforme constituera une aubaine considérable, puisqu’en 2019 elles bénéficieront à la fois du CICE, celui-ci étant versé avec un an de décalage, et de 20 milliards d’euros de baisses de cotisations sociales, soit un total de 40 milliards d’euros pour la même année.
Dans les temps de difficultés budgétaires que nous vivons, on aurait quand même pu envisager une autre utilisation de ces 20 milliards d’euros supplémentaires, par exemple au bénéfice de l’hôpital ou des EHPAD, dont les besoins ont été évoqués.
Par ailleurs, il me semble qu’il serait intéressant de sortir de cette logique selon laquelle les prescripteurs ne sont pas forcément les payeurs. Il est de bonne gestion, au contraire, que celui qui prescrit paie. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui, que ce soit pour le CITS, que l’on a oublié de rembourser, pour les exonérations de charges sociales des heures supplémentaires ou pour le forfait social, qui ne sont pas compensés. Dans cet hémicycle, on nous a assuré que des compensations seraient prévues, mais nous savons, pour avoir eu à gérer des collectivités locales, ce que valent ces engagements : la première année, on rembourse à l’euro près, puis les choses se dégradent progressivement…
Enfin, dès lors qu’il n’y a plus de participation financière des entreprises et des salariés, la tentation existe de mettre progressivement fin au paritarisme, on le sait bien. C’est le cas aujourd’hui pour l’UNEDIC, ce sera certainement le cas demain pour la gestion de la sécurité sociale.
Lorsque M. le ministre nous explique que l’État apporte déjà 36 milliards d’euros à la sécurité sociale et, bien entendu, je le crois, mais j’aimerais savoir s’il s’agit d’un dû ou d’un cadeau consenti par l’État. (Mme Sabine Van Heghe et M. Yves Daudigny applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 487.
M. Pascal Savoldelli. Je voudrais faire un petit rappel : en 2012, lors de l’examen de la loi de finances rectificative, la majorité du Sénat avait sans équivoque rejeté la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Monsieur le ministre, vous étiez alors député, et vous aviez voté contre…
M. Pascal Savoldelli. Les temps ont changé !
Monsieur le ministre, j’ai fait de petits calculs avec mes modestes moyens. Un emploi que je considère comme mal payé coûte aujourd’hui environ 25 000 euros par an aux finances publiques, contre 60 000 euros à terme pour un emploi aidé par le biais du pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Cela dénote une curieuse conception du libéralisme ! Au total, au travers de cet article, on nous demande, à nous parlementaires, de voter une dépense de 20 milliards d’euros pour financer la création de 318 000 emplois à moyen terme. Il y a de quoi s’interroger : est-ce là une allocation juste et efficace de l’argent public ?
Selon le rapport du comité de suivi placé auprès de France Stratégie, « à court terme, la mise en place du nouvel allégement de cotisations sociales patronales et la consommation du CICE au titre des créances se traduirait par un gain en trésorerie significatif pour les entreprises. Selon les travaux les plus récents de la Direction générale du Trésor, cette “année double” induite par la bascule se traduirait par une relance de près d’un point de PIB, non reconduite. Dans le scénario central de la Direction générale du Trésor, les effets de la bascule vers le nouveau dispositif seraient positifs sur l’activité et l’emploi à court-moyen terme, avec 0,2 point de PIB et 100 000 emplois supplémentaires à horizon 2020-2021. »
Mes chers collègues, imaginez qu’il soit nécessaire de consentir chaque année pendant trois ans à des pertes de recettes supplémentaires de 20 milliards à 25 milliards d’euros pour créer 100 000 emplois ! Vous comprendrez pourquoi nous demandons la suppression de l’article 8.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission est défavorable à ces amendements identiques.
Mme Laurence Cohen. C’est étonnant !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La mise en place d’allégements renforcés de cotisations et contributions patronales en lieu et place du CICE a été organisée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, avec entrée en vigueur au 1er janvier 2019. L’article 8 prévoit, d’une part, de repousser du 1er janvier au 1er octobre l’intégration des contributions chômage dans les allégements généraux, et, d’autre part, de prendre en compte la situation particulière de certains secteurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Il s’agit, si on peut le dire ainsi, d’amendements de principe.
Comment cela s’est-il passé pour le CICE ?
M. Roger Karoutchi. Mal !
M. Gérald Darmanin, ministre. Le dispositif a été introduit dans le projet de loi de finances rectificative du mois de décembre 2012, en écho au rapport dit « de la Rotonde ». Il s’agissait d’améliorer la compétitivité de l’économie française après les mauvaises décisions prises par la majorité élue en 2012. En particulier, des mesures fiscales décourageantes avaient plombé l’économie.
Le CICE était donc une mesure d’urgence, prise sur proposition de Jean-Marc Ayrault avant même l’adoption du PLF et du PLFSS par la nouvelle majorité, en vue de réaliser une dévaluation fiscale et de compenser de précédentes mesures fiscales. Le CICE a donc été inventé pour compenser une surcharge de fiscalité imposée aux entreprises…
C’est un système très « shadokien » : on a d’abord alourdi la fiscalité et les charges sociales pour les entreprises, puis, quand on s’est aperçu que l’on était allé trop loin, pour ne pas se dédire, on a instauré le CICE par le projet de loi de finances rectificative !
Pour ma part, j’étais opposé à cette mesure et je suis très heureux d’en proposer aujourd’hui la suppression. En effet, j’ai toujours considéré que, si le CICE avait permis, durant le précédent quinquennat, de remédier à la surcharge fiscale et sociale imposée aux entreprises, il fallait cependant le transformer en allégement de charges pérenne. Le CICE n’est qu’un pis-aller.
Si l’on croit, comme nous, que c’est l’entreprise qui crée l’emploi, on comprend qu’il est nécessaire, à ce titre, de réduire les charges patronales au minimum pour qu’elle puisse embaucher, notamment dans un contexte de compétition internationale intense. Pour la première fois dans l’histoire capitaliste de notre pays, les salaires au niveau du SMIC ne supporteront aucune charge !
Cette baisse des charges concernera aussi les coopératives agricoles et le secteur associatif employeur – elle atteindra, pour ce dernier, 1,4 milliard d’euros –, au contraire du CICE, qui ne profitait qu’aux entreprises.
En résumé, nous préférons instaurer une baisse des charges pérenne, plutôt que de maintenir une subvention qui s’apparente à une dévaluation fiscale. La proposition du Gouvernement est cohérente et courageuse. Effectivement, nous consacrons beaucoup d’argent à la compétitivité de nos entreprises, parce que nous croyons que ce sont elles qui créent la croissance, l’emploi, et permettent ainsi le financement du système social que vous voulez protéger, les cotisations étant assises sur la masse salariale. Je rappelle d’ailleurs que la CSG est un impôt social qui touche aussi les transferts de capitaux.
Je sais que nous avons, à cet égard, une profonde différence d’approche économique, monsieur Savoldelli, mais cela devrait vous rassurer…
Mme Laurence Cohen. Je ne sais pas si cela nous rassure !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour ma part, je ne me considère pas comme un libéral stricto sensu, mais je pense que c’est l’entreprise qui crée la richesse. De ce fait, j’assume complètement la suppression du CICE et l’instauration d’un allégement structurel de charges.
Effectivement, monsieur Tourenne, les entreprises bénéficieront des deux dispositifs en 2019. Ce n’est pas un cadeau que nous leur faisons : j’y insiste, ce sont elles qui créent les emplois.
Mme Laurence Cohen. Cela ne marche pas !
M. Gérald Darmanin, ministre. Quand des régimes ont voulu confier à d’autres entités que les entreprises le soin de créer de la richesse et de l’emploi, cela s’est plutôt mal terminé pour les citoyens, les contribuables et les institutions des pays concernés, pardonnez-moi de vous le faire observer ! Churchill disait que ce qui distingue les pays capitalistes des pays communistes, c’est que dans les premiers on manque de parkings, et dans les seconds de voitures. (M. Bruno Sido rit.) Pour ma part, je préfère manquer de parkings plutôt que de voitures !
Néanmoins, le dispositif peut être amélioré. C’est pourquoi nous vous proposons de suivre les créations d’emplois. Nous n’aurons rien à cacher au Parlement lorsqu’il s’agira de dresser le bilan de la politique économique et fiscale du Gouvernement.
L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir pris le temps de développer votre argumentation.
Nous débattions précédemment des avantages consentis aux salariés par le biais des comités d’entreprise. On voit comme les salariés se sont enrichis grâce à ces cadeaux !
D’après les derniers chiffres dont je dispose, le CICE a rapporté aux entreprises de 110 milliards à 111 milliards d’euros. On ne s’est pas trop posé la question des contrôles !
M. Pascal Savoldelli. Avez-vous par exemple retiré le bénéfice du CICE au groupe Carrefour quand ce dernier a supprimé des emplois ? Quand des emplois ne sont pas pourvus à La Poste, récupère-t-on le CICE ?
M. Pascal Savoldelli. C’est à vous que je le demande, monsieur le ministre. Vous êtes tout de même au Gouvernement depuis deux ans !
Par ailleurs, où va l’argent ? Comment expliquer que deux départements captent 20 % du CICE ? Je vois mon collègue Roger Karoutchi tourner la tête, au risque d’attraper un torticolis !
M. Roger Karoutchi. Je n’ai rien, je suis un pauvre ! (Sourires.)
M. Pascal Savoldelli. Il est très bien placé, puisque les Hauts-de-Seine sont l’un de ces deux départements, l’autre étant Paris. Cette situation – le nouveau dispositif la corrigera-t-il, monsieur le ministre ? – tient au fait que ces deux départements accueillent la plupart des sièges sociaux des grands groupes.
M. Roger Karoutchi. Ben oui…
M. Pascal Savoldelli. Mais nos territoires urbains, ruraux, périurbains ne contribuent-ils pas à l’attractivité des entreprises ? Ne sommes-nous pas à leurs côtés quand nous aménageons le territoire, quand nous construisons des crèches ou d’autres équipements ? C’est aussi pour cette raison que nous réagissons de la sorte ! En moyenne, les grandes entreprises ont touché 21,3 milliards d’euros au titre du CICE tous les ans, contre 3 900 euros en moyenne pour les petites, qui pourtant créent elles aussi de la valeur ajoutée et de l’emploi.
M. Pascal Savoldelli. Au travers de notre critique de vos projets, nous défendons les recettes de l’État. Tout cela est une gabegie !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. Chez vous, dans le Nord, monsieur le ministre, ce sont 100 millions d’euros de crédit d’impôt qui ont été accordés aux entreprises industrielles, et 294 millions d’euros aux entreprises du secteur commercial. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Nous sommes parfaitement d’accord, monsieur le ministre… au moins sur un point ! Je voudrais couper le cou à un canard : nous pensons nous aussi que ce sont les entreprises qui créent l’emploi !
M. Jean-Louis Tourenne. C’est d’ailleurs dans cette perspective que le CICE a été créé.
Là où nous sommes moins d’accord, voire pas du tout, c’est lorsque l’on fait des cadeaux fiscaux aux personnes les plus riches, à ceux qui paient l’ISF. Ceux-là ne créent pas d’emplois !
M. Jean-Louis Tourenne. Ils investissent l’argent où ils peuvent, dans des paradis fiscaux…
C’est ce qui nous différencie, monsieur le ministre, mais nous sommes d’accord sur le rôle des entreprises. C’est pourquoi nous les avons aidées, et vous avez ainsi hérité, à votre arrivée au pouvoir, d’une situation largement meilleure que celle que nous avions trouvée en 2012. Vous oubliez de le dire parce que vous avez une certaine faculté de récupération…
Vous omettez aussi de dire que si le budget de la sécurité sociale est aujourd’hui à l’équilibre, c’est grâce à la trajectoire tracée sous le précédent quinquennat et aux efforts considérables accomplis depuis 2014.
M. Jean-Louis Tourenne. Il ne serait pas mal que vous rendiez de temps en temps justice à la précédente majorité, monsieur le ministre, au lieu de vous attribuer tous les mérites !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Vos propos sur le rôle des entreprises, monsieur le ministre, ne me choquent pas du tout.
Quand nous considérons, les uns et les autres, l’évolution de la balance commerciale de la France, en particulier hors secteurs de l’aéronautique et des produits de luxe, l’inquiétude demeure.
Nous le savons, la compétitivité des entreprises tient à deux éléments au moins : le coût du travail et la qualité.
Selon des statistiques récentes, pour l’industrie manufacturière, le coût du travail est plus élevé en France que dans la moyenne des pays de la zone euro, mais plus faible qu’en Allemagne, dont la balance commerciale est pourtant excédentaire : cherchez l’erreur !
En ce qui concerne la qualité, nous savons que les entreprises françaises produisent un peu trop cher des produits de moyenne gamme, qui ne sont pas compétitifs sur les marchés européens et mondiaux.
Ce qui nous choque, monsieur le ministre, c’est le cumul en 2019 du CICE et des allégements de charges sociales, pour un montant total de 40 milliards d’euros. Vous auriez pu éteindre le CICE en 2019, verser, du fait du décalage d’un an, 20 milliards d’euros au titre de 2018, et ne mettre en place les allégements de charge qu’en 2020. Les entreprises ne se seraient pas trouvées en difficulté, car elles auraient continué à percevoir une aide de l’ordre de 20 milliards d’euros par an, et cela aurait permis d’éviter un choc pour le budget de l’année 2019 et de consacrer, le cas échéant, 20 milliards d’euros à d’autres investissements.
C’est là que réside notre désaccord, monsieur le ministre. Je voterai la suppression de l’article 8, tout en partageant en grande partie votre argumentation économique.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. M. le ministre a sans doute oublié que le Président de la République a été l’un des grands artisans de la mise en œuvre du CICE. Je défendais, pour ma part, une position contraire à la sienne, et nous avons eu à l’époque des débats assez houleux, et en tout cas sérieux.
Le CICE a été institué non pas pour créer de l’emploi, mais pour améliorer la compétitivité des entreprises. Un débat politique assez serré s’est tenu pour savoir comment mettre en application les préconisations du rapport Gallois, qui faisait effectivement la part belle à l’amélioration de la compétitivité coût. De fait, rien ou presque n’a été entrepris pour améliorer la compétitivité hors coût, et nous enregistrons encore un retard gravissime en matière de robotisation, d’investissement, de recherche, de développement de filières industrielles. Des choix dramatiques ont été faits – je pense notamment au cas d’Alstom. On peut toujours baratiner sur la compétitivité, mais, quand on n’a plus d’entreprises, la question ne se pose plus !
Il y avait eu un débat pour déterminer si le bénéfice du CICE devait être général ou ciblé et assujetti à des critères, afin que l’argent n’aille pas à des entreprises n’en ayant pas besoin, par exemple celles de la grande distribution. Pour s’opposer à un tel ciblage, on a prétendu qu’il serait inconstitutionnel. De mon point de vue, cet argument ne vaut pas, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un allégement de cotisations sociales. Le CICE étant un crédit d’impôt, son octroi pouvait être conditionné, par exemple, à la conclusion d’un accord de branche ou de filière garantissant une amélioration de la compétitivité.
Le choix que vous faites aujourd’hui change encore la nature de cette affaire, car le CICE pourrait être requalifié en aide publique. Je le redis, le CICE étant un crédit d’impôt, et non un allégement général de cotisations, son octroi pourrait être subordonné à certains critères. Par exemple, un remboursement partiel pourrait être demandé en cas de délocalisation. Mais dès lors qu’on le transforme en allégement de cotisations, on se prive de toute possibilité de poser des conditions, de fixer des critères, d’exiger des contreparties ou de demander un remboursement en cas de délocalisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 404 rectifié bis et 487.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 15 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 89 |
Contre | 252 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2019.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 8, à l’amendement n° 489.
Article 8 (suite)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 489, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à supprimer les exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires, qui grèvent le budget de la sécurité sociale à hauteur de 23 milliards d’euros en 2018 et contribuent à maintenir une partie des travailleurs à de bas niveaux de rémunération et de qualification.
Le renforcement des allégements généraux de cotisations patronales sur les salaires modestes prévus par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 conduira à un tassement des salaires en dessous de 1,4 fois le SMIC pour que les entreprises puissent bénéficier des exonérations sociales.
Or 23 milliards d’euros, c’est la somme qui manque à notre enseignement professionnel et à nos universités pour former les ouvriers, cadres et techniciens de demain ; c’est aussi la somme qui manque pour financer la réinsertion sociale, la reconversion professionnelle, la renaissance même de celles et de ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi ; c’est enfin la somme qui manque aujourd’hui pour assurer l’égalité salariale entre les hommes et les femmes ou la reconnaissance des acquis professionnels. Voilà pourquoi nous proposons l’abrogation de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
Mme la présidente. L’amendement n° 488, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-2. – I. – Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont également constituées par des cotisations assises sur :
« 1° Les avantages de retraite, soit qu’ils aient été financés en tout ou partie par une contribution de l’employeur, soit qu’ils aient donné lieu à rachat de cotisations ainsi que les avantages de retraite versés au titre des articles L. 381-1 et L. 742-1, à l’exclusion des bonifications ou majorations pour enfants autres que les annuités supplémentaires ;
« 2° Les allocations et revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 131-2 ;
« 3° Le produit de la contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, prévue par l’article L. 245-13 ;
« 4° Le produit de la contribution mentionnée à l’article L. 137-15.
« Des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par arrêté ministériel pour certaines catégories de travailleurs salariés ou assimilés.
« Les cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont à la charge des employeurs et des travailleurs salariés et personnes assimilées ainsi que des titulaires des avantages de retraite et des allocations et revenus de remplacement mentionnés aux 1° et 2° du présent article.
« II. – Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont en outre constituées par :
« 1° Une fraction égale à 38,81 % du droit de consommation prévu à l’article 575 du code général des impôts ;
« 2° Le remboursement par la caisse nationale des allocations familiales des indemnités versées en application des articles L. 331-8 et L. 722-8-3 du présent code. »
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Le Gouvernement souhaite remplacer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, créé en 2012, par une suppression définitive des cotisations des entreprises à la branche famille de la sécurité sociale. Or cette mesure entraînera un manque à gagner pour le budget de la sécurité sociale.
De plus, il est à craindre que le CICE, une fois qu’il aura été transformé en exonération de cotisations sociales, ne soit aussi inefficace qu’il l’a été sous sa forme actuelle de crédit d’impôt. Rien ne justifie que les entreprises bénéficient de tels cadeaux fiscaux, a fortiori lorsque, dans le même temps, le Gouvernement demande aux plus vulnérables de se serrer la ceinture en ne revalorisant quasiment pas les prestations sociales, en maintenant la hausse de la CSG pour les personnes à la retraite et en supprimant un certain nombre d’aides destinées aux personnes en situation de handicap notamment.
Le groupe CRCE estime que les entreprises doivent continuer à participer au financement de l’ensemble du régime de sécurité sociale, dans la mesure où elles sont directement bénéficiaires de prestations familiales. Cette position s’inscrit dans la logique qui a prévalu lors de la création de la sécurité sociale et selon laquelle chacun doit cotiser selon ses moyens et recevoir selon ses besoins.
Pour ces raisons, nous proposons de rétablir la version antérieure de l’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, qui prévoyait la mise à contribution des entreprises au financement de la branche famille. Une telle disposition permettrait, comme l’a précisé Mme Apourceau-Poly, de récupérer 23 milliards d’euros, une somme qui pourrait être utilisée pour mettre en place une véritable politique de protection sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 489. Les allégements généraux de cotisations sociales ont un effet favorable sur l’emploi, aux dires du Conseil d’orientation pour l’emploi et de nombreux experts économiques.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 488, dont l’adoption nuirait de façon massive à la compétitivité de nos entreprises, que notre objectif est au contraire d’améliorer pour créer de l’emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 176 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Hugonet, Poniatowski et Cambon, Mmes Gruny et Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Micouleau, MM. Sol et Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Bascher, Revet, Lefèvre, Savin et Ginesta, Mme Thomas, MM. Huré, de Legge, Genest, Joyandet et Dallier, Mmes Raimond-Pavero, Renaud-Garabedian et Di Folco, MM. B. Fournier, Calvet et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Magras, Mandelli, Meurant, Sido, Vaspart, Vogel, Regnard et Brisson, Mme Lherbier et MM. Buffet et Gremillet, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le nombre : « 2,5 » est remplacé par le nombre : « 3 » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Si je connaissais un petit succès ce soir, après mes quatre échecs de cet après-midi, je pourrais me dire que j’ai bien fait de venir… (Sourires.)
Cet amendement, sans aucun doute, va faire l’unanimité.
M. Roger Karoutchi. Mais je ne l’ai même pas encore présenté ! (Rires.)
Je n’étais pas un grand partisan du CICE à l’époque de sa création – c’est le moins que l’on puisse dire –, mais j’ai lu les préconisations du rapport Gallois concernant les allégements de charges. Ceux qui sont prévus à l’article 8 s’appliqueraient pour les salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC. Si l’on veut créer de l’emploi et attirer des talents dans un certain nombre de secteurs ouverts à la compétition internationale, il faut aller un peu au-delà. C’est pourquoi, par mon amendement, dont M. le rapporteur général dira, je le sais, qu’il coûte les yeux de la tête,…
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas faux…
M. Roger Karoutchi. … je propose de porter le plafond de salaire pour le bénéfice des allégements de charges à 3 fois le SMIC. Ce serait un beau geste, reconnaissez-le, pour la création d’emploi et les entreprises ! D’ailleurs, je ne partage pas l’opinion selon laquelle ces dernières ne feraient pas d’efforts pour contribuer au bien-être national. Si tout le monde en faisait autant qu’elles, on n’en serait pas là !
Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une situation de blocage de l’économie française. Porter le plafond de salaire à 3 fois le SMIC, ce n’est pas considérable. On va me rétorquer qu’une telle mesure est coûteuse, mais le CICE coûte 20 milliards d’euros par an. Or, au moment de sa création, personne n’a jugé qu’un tel montant était insoutenable. Vous voyez, monsieur le rapporteur général, que je suis encore petit joueur…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. M. Karoutchi a pensé pour nous, puisqu’il s’attend à un avis défavorable ; il n’a pas tort… (Sourires.)
Le coût de la mesure est extrêmement élevé – M. le ministre nous donnera certainement des chiffres plus précis – et elle s’écarte de la logique de compensation du CICE, qui concerne les salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC.
De surcroît, les experts que je sollicitais tout à l’heure estiment qu’une telle disposition n’aurait pas sur l’emploi un effet aussi massif qu’on veut bien le prétendre. Selon eux, accorder des allégements de charges n’est vraiment opportun que pour les bas salaires.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Quand on propose une mesure d’un coût de 7 milliards d’euros, je me lève pour donner l’avis du Gouvernement… (Sourires.)
Indépendamment des arguments de fond frappés au coin du bon sens donnés par M. le rapporteur général, si cet amendement était adopté, monsieur Karoutchi, vous feriez passer à vous seul, nuitamment, le déficit du pays de 2,8 % à 3,1 % ou 3,2 %, puisque 7 milliards d’euros représentent à peu près de 0,3 à 0,4 point de déficit !
Plus sérieusement, la question des allégements de charges se pose pour les bas salaires. Bien sûr, certaines entreprises ont du mal à recruter des cadres, notamment en Île-de-France, où l’on constate une pénurie. La loi de l’offre et de la demande fonctionne à plein, la compétition pour attirer les cadres est internationale, et il n’y a pas d’armée de réserve, pour parler comme Marx. Cependant, monsieur Karoutchi, lorsque l’on hésite entre Londres, Paris, New York et Singapour, on a des prétentions salariales bien supérieures à trois fois le SMIC.
Les difficultés que nous rencontrons au sein de nos territoires industriels tiennent, d’une part, à l’inadéquation entre les qualifications des demandeurs d’emploi et les attentes des entreprises, d’où les 15 milliards d’euros que nous consacrons au plan de Mme Pénicaud pour la formation professionnelle, et, d’autre part, au montant trop élevé des charges pour les salaires proches du SMIC. C’est pourquoi nous voulons concentrer les allégements de charges sur les bas salaires.
Même si nous avions les moyens d’alléger les charges pour les salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC, je ne suis pas certain que ce serait une bonne utilisation de l’argent public, car ce n’est pas une telle mesure qui incitera les entreprises à recruter du personnel plus qualifié. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Décidément, la commission et le Gouvernement ne veulent pas de ma proposition… J’ai déjà été battu quatre fois, je ne vais pas risquer un cinquième échec. On diffusait, il y a longtemps, une série américaine dont le titre était L’homme qui valait trois milliards. Je ne voudrais pas gêner en coûtant à moi tout seul 7 milliards, et je retire donc cet amendement. (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 176 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 38 rectifié ter est présenté par M. Delcros, Mme Billon, MM. Bockel, Cigolotti et Détraigne, Mme Guidez, MM. Henno, L. Hervé, Janssens, Kern, Laugier, Le Nay, Longeot, Moga et Prince et Mme Vullien.
L’amendement n° 100 rectifié est présenté par Mme Costes, MM. Arnell, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve et MM. Menonville, Requier, Roux et Vall.
L’amendement n° 161 rectifié sexies est présenté par Mmes Vermeillet et Vérien, MM. Bonnecarrère et Cazabonne, Mme Loisier, MM. Médevielle, Cadic et Delahaye, Mmes de la Provôté et C. Fournier, M. Lafon et Mme Morin-Desailly.
L’amendement n° 326 rectifié ter est présenté par MM. Babary et Houpert, Mmes Lassarade et Bruguière, MM. B. Fournier, Morisset, Sido, Courtial et Chatillon, Mme Chain-Larché, M. Joyandet, Mmes Deromedi et Gruny, MM. Lefèvre, Hugonet, Brisson, Vogel, Bazin et Bonhomme, Mmes A.M. Bertrand, Raimond-Pavero et Duranton, M. H. Leroy, Mmes Delmont-Koropoulis, Lamure et Morhet-Richaud et M. Mouiller.
L’amendement n° 478 rectifié bis est présenté par MM. Duplomb, J.M. Boyer et Bas, Mmes Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Cardoux, Chaize, Charon, Cuypers et Dallier, Mme L. Darcos, MM. Darnaud, Genest, Grand, Gremillet et Huré, Mme Imbert, M. D. Laurent, Mme Lopez, M. Mandelli, Mme M. Mercier et MM. Perrin, Pierre, Pointereau, Raison et Sol.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 9
Après la référence :
3°
insérer la référence :
, 4°
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié ter.
M. Bernard Delcros. Monsieur le ministre, vous avez décidé de substituer au CICE un allégement de charges sur les salaires jusqu’à 2,5 fois le SMIC. Je suis personnellement favorable à une telle mesure, qui devrait conduire à des créations d’emplois. Elle s’appliquera évidemment à toutes les entreprises, petites ou grandes, et elle permettra aussi d’élargir le champ des bénéficiaires, notamment au secteur associatif et aux coopératives agricoles.
Toutefois, il est une catégorie d’employeurs qui reste exclue du dispositif d’allégement des charges : les chambres d’agriculture et autres chambres consulaires. Or les chambres consulaires développent de plus en plus d’activités dans le champ concurrentiel, où elles se trouvent forcément en compétition avec des entreprises privées qui, elles, bénéficieront des allégements de charges.
Le présent amendement vise donc, pour instaurer une concurrence équitable, à permettre aux chambres consulaires de bénéficier des mêmes allégements de charges que les entreprises privées.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 100 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Les membres du groupe RDSE trouvent injuste que les chambres consulaires soient exclues du champ du dispositif, alors qu’elles rémunèrent du personnel dans les mêmes conditions que tout employeur du secteur privé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour présenter l’amendement n° 161 rectifié sexies.
Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement vise lui aussi à faire bénéficier les chambres consulaires des exonérations qui devraient leur revenir à la suite de la suppression du CICE. Les chambres consulaires assurent elles-mêmes le coût de l’indemnisation chômage de l’ensemble de leurs agents, qu’ils relèvent du droit public ou du droit privé, mais elles ne bénéficieront pas de l’allégement de charges. Il serait inéquitable qu’elles soient exclues du bénéfice de mesures dont l’application leur permettrait d’employer et de rémunérer du personnel exerçant une activité dans le champ concurrentiel dans les mêmes conditions que tout employeur du secteur privé et qu’elles assurent, en plus, le coût de l’indemnisation chômage en cas de privation d’emploi, du fait de la fin d’un contrat à durée déterminée ou d’un licenciement.
En outre, les chambres consulaires sont les seuls établissements de France sur lesquels pèse la charge de compenser la hausse de la CSG en 2018, faute de dispositif exonérant leurs employeurs des charges correspondantes. Le rapport gouvernemental au Parlement prévu à l’article 112 de la loi de finances initiale de 2018, qui devait être remis avant le 30 juin 2018, n’a jamais été produit.
Si le CICE a été créé pour compenser les charges fiscales des entreprises, monsieur le ministre, sa suppression ne doit pas créer de nouvelles iniquités. Il n’est pas acceptable que, parmi les structures qui ne bénéficiaient pas du CICE, certaines aient droit demain à l’allégement de charges, et d’autres non. Les chambres consulaires doivent aussi pouvoir en bénéficier.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Babary, pour présenter l’amendement n° 326 rectifié ter.
M. Serge Babary. Les chambres consulaires voient leurs financements publics diminuer de façon considérable. Les priver de cet allégement de charges ajouterait à leurs difficultés.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour présenter l’amendement n° 478 rectifié bis.
M. Laurent Duplomb. Je ne comprends pas pourquoi les chambres d’agriculture devraient être privées du bénéfice de l’allégement de charges en ce qui concerne ceux de leurs salariés qui sont employés dans les mêmes conditions que les salariés du secteur privé. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que, dans votre grande sagesse, vous allez remédier à cette injustice en donnant un avis favorable à cet amendement. Merci, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces organismes ne bénéficiant pas du CICE, il ne serait pas cohérent, à l’évidence, qu’ils bénéficient de la compensation de sa suppression. Par conséquent, la commission sollicite le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. Laurent Duplomb. C’est la double peine !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement fait sien l’excellent argument de M. le rapporteur général et y ajoute un second : l’allégement de charges est conçu pour le secteur concurrentiel.
M. Laurent Duplomb. Parce que les chambres consulaires ne sont pas dans le champ concurrentiel ?
M. Gérald Darmanin, ministre. À ma connaissance, contrairement aux entreprises, les chambres consulaires ou les chambres d’agriculture ne se concurrencent pas entre elles.
M. Laurent Duplomb. Ah bon ?
M. Laurent Duplomb. Et les associations ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Les associations bénéficient du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS. Les chambres consulaires, elles, ne bénéficient ni du CITS ni du CICE, et elles ne perdent donc rien avec leur suppression. En outre, je le redis, elles ne sont pas dans le champ concurrentiel.
Si vous voulez tirer argument du fait que leurs salariés ont droit à l’assurance chômage parce qu’elles versent des cotisations, cela nous renvoie au débat sur la réforme des chambres de commerce et d’industrie promue par le ministre de l’économie et des finances. Nous avons décidé d’ouvrir le droit à l’indemnisation chômage aux salariés dont les CCI seront amenées à se séparer bien qu’elles ne paient pas de cotisations.
Monsieur le sénateur Duplomb, peut-être souhaitez-vous transformer le statut des chambres consulaires pour les assujettir à cotisations à l’assurance chômage, mais c’est un tout autre débat. Nous parlons ici des entreprises et des activités exercées par les associations dans le champ concurrentiel.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Techniquement, il est possible que des problèmes se posent, mais, quoi qu’il en soit, le financement public des chambres consulaires s’est considérablement réduit.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas une raison !
M. Daniel Chasseing. Elles sont confrontées à de grandes difficultés, notamment dans le monde rural. On peut même se demander si l’on veut vraiment que les chambres consulaires, notamment les CCI, continuent à exister.
Les chambres consulaires jouent un rôle de conseil auprès des agriculteurs, des artisans, des petites communautés de communes et des entreprises qui n’ont pas les moyens de se doter d’une ingénierie propre. Il me paraît incroyable de diminuer autant leur financement public, alors qu’elles jouent un rôle très important. Une part de leur activité s’exerce dans le champ concurrentiel, et il serait tout à fait normal et juste qu’elles bénéficient des allégements de charges.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le ministre, je suis au regret de vous dire que vous vous trompez : les chambres consulaires contribuent déjà, aujourd’hui, à l’assurance chômage de leurs salariés. Il n’y a pas si longtemps de cela, quand j’étais encore président de la chambre d’agriculture du département des Vosges, nous avons mis en place un système d’assurance chômage équivalent à celui du secteur privé.
Par ailleurs, il faut être cohérent : un article de la loi ÉGALIM que nous avons adoptée voilà peu impose la séparation du conseil et de la vente.
Mme Sophie Primas. Exactement !
M. Daniel Gremillet. Seules les chambres d’agriculture peuvent conseiller les agriculteurs, par exemple pour diminuer l’usage des pesticides.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Daniel Gremillet. On est totalement dans le champ concurrentiel, puisque ce service est facturé, comme le sont les prestations des autres acteurs du développement agricole.
On ne peut pas à la fois exiger de la profession agricole qu’elle réponde à une attente très forte de la société et refuser de lui donner les moyens d’être au service de nos territoires et efficace économiquement.
Cet amendement a tout son sens, d’autant qu’il est cohérent avec les dispositions de la loi ÉGALIM. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. J’ai été, pour ma part, président de la chambre d’agriculture de la Haute-Loire.
Monsieur le ministre, je vous citerai un exemple typique, que tout le monde peut comprendre. Dans un département, on trouve une chambre d’agriculture qui délivre des conseils aux agriculteurs et un centre d’économie rurale. Ce dernier facture par exemple son intervention pour l’établissement des déclarations au titre de la PAC. Il bénéficie du CICE, au contraire de la chambre d’agriculture, alors que les deux structures effectuent exactement le même travail.
On se trouve bien dans le champ concurrentiel, puisqu’un agriculteur peut s’adresser, pour faire sa déclaration au titre de la PAC, soit au centre d’économie rurale, soit à la chambre d’agriculture. À l’avenir, le premier bénéficiera de l’allégement de charges, au contraire de la seconde : comment justifier une telle distorsion de concurrence ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas le même statut.
M. Laurent Duplomb. Monsieur le rapporteur général, vous feriez bien de venir sur le terrain constater la réalité des choses !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je l’ai fait sans vous attendre !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les propos de nos collègues. Je rappelle que nous débattons du volet recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Si nous diminuons les recettes de la sécurité sociale, il faudra obligatoirement réduire les dépenses à due concurrence. Or nous avons besoin d’affermir la situation de nos hôpitaux, de lutter contre la désertification médicale, de former des professionnels de santé. Si vous réduisez les recettes, ne venez pas vous plaindre, ensuite, de la fermeture ou du mauvais fonctionnement de vos hôpitaux locaux et de l’existence de déserts médicaux ! Excusez-moi de le dire ainsi, dans un langage peu diplomatique, mais c’est ce que je ressens.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 rectifié ter, 100 rectifié, 161 rectifié sexies, 326 rectifié ter et 478 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 333, présenté par MM. Lévrier et Amiel, Mme Schillinger, M. Patriat, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Hassani, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Rauscent, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les structures définies à l’article L. 5132-7 du code du travail, lorsque la rémunération est inférieure ou égale au salaire minimum de croissance annuel majoré de 30 %, le montant de l’exonération est égal au montant des cotisations et contributions à la charge de l’employeur. À partir de ce seuil, la part de la rémunération sur laquelle est calculée l’exonération décroît et devient nulle lorsque la rémunération est égale au salaire minimum de croissance annuel majoré de 60 % ».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Mes chers collègues, nous souhaitons attirer votre attention sur la situation des associations intermédiaires, qui demeurent des acteurs indispensables de l’insertion économique par l’activité, dans le cadre de l’économie sociale et solidaire.
Ces associations assurent l’accueil, le suivi et l’accompagnement des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières. En vue de faciliter leur insertion professionnelle, elles les mettent, à titre onéreux, à la disposition de personnes physiques ou morales.
L’article 8 prévoit la suppression de l’exonération de charges spécifique dont bénéficient aujourd’hui les entreprises intermédiaires. Ainsi, c’est désormais l’allégement général de droit commun sur les bas salaires qui leur sera appliqué. Or cet allégement de 40 % ne pourra s’appliquer pleinement pour les associations intermédiaires versant des salaires compris entre 1,1 et 1,3 fois le SMIC que si la dégressivité de l’allégement commence à partir de 1,3 SMIC.
Cet amendement vise donc à compenser l’effet négatif de la dégressivité en faisant commencer le bénéfice de l’exonération de charges patronales à 1,3 fois le SMIC pour les associations intermédiaires. En permettant à ces associations de bénéficier de l’exonération générale à taux plein jusqu’à ce niveau de salaire, l’on contribuera à l’augmentation des salaires des personnes en situation de grande précarité et de grande vulnérabilité sociale qu’elles accueillent.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 153 rectifié est présenté par MM. Morisset et Mouiller.
L’amendement n° 321 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Cukierman.
L’amendement n° 390 rectifié est présenté par Mmes Lubin et Grelet-Certenais, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe, Tocqueville et Blondin, MM. Fichet et Vaugrenard, Mmes Artigalas, Perol-Dumont et Guillemot, M. Magner, Mmes S. Robert et Monier, MM. Kerrouche, Tissot, Antiste, J. Bigot, P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 21
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
7° L’article L. 241-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-11. – Pour les structures définies à l’article L. 5132-7 du code du travail, lorsque la rémunération est inférieure ou égale au salaire minimum de croissance annuel majoré de 30 %, le montant de l’exonération est égal au montant des cotisations et contributions à la charge de l’employeur. À partir de ce seuil, la part de la rémunération sur laquelle est calculée l’exonération décroît et devient nulle lorsque la rémunération est égale au salaire minimum de croissance annuel majoré de 60 %. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour présenter l’amendement n° 153 rectifié.
M. Jean-Marie Morisset. Sans reprendre les arguments cités par M. Lévrier, j’insisterai sur le fait que, avec la nouvelle exonération générale des charges patronales, les associations intermédiaires ne s’y retrouvent pas du tout. Au regard de l’exonération spécifique dont elles bénéficient actuellement, elles sont pénalisées.
Pour bien connaître les associations intermédiaires et le travail qu’elles accomplissent sur le terrain, je peux vous assurer qu’elles sont déjà fragilisées financièrement, ne serait-ce que parce qu’elles ont perdu des partenariats avec les collectivités territoriales.
Mme la présidente. L’amendement n° 321 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour présenter l’amendement n° 390 rectifié.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Le régime actuel exonère de cotisations patronales de sécurité sociale les rémunérations versées par les employeurs que sont, notamment, les associations intermédiaires.
Nous déplorons que l’article 8 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoie d’abroger ces dispositions, et donc de mettre fin à cette exonération. Si l’on soumettait les associations intermédiaires au régime de droit commun, leur offre auprès des publics vulnérables pourrait perdre son caractère avantageux. C’est en tout cas la crainte que ces structures ont manifestée. Leur efficacité est reconnue, il faudrait en augmenter le nombre ; or, avec ces dispositions, l’on met en péril un instrument indispensable. On ne peut que s’en inquiéter.
Les associations intermédiaires ont une utilité sociale qu’il convient de mieux reconnaître au travers de ce PLFSS. À des personnes fragiles, très éloignées de l’emploi, elles permettent de remettre le pied à l’étrier via les structures de l’insertion par l’activité économique. Elles seules sont en mesure de le faire. Les inclure dans le champ de l’exonération générale de charges patronales leur ferait perdre un avantage fiscal par rapport au secteur marchand concurrentiel. De fait, leur rôle spécifique d’insertion risquerait d’être fragilisé.
C’est pourquoi nous proposons de porter à 1,3 SMIC le plafond pour l’exonération de charges à taux plein et de rendre cette exonération dégressive, ensuite, jusqu’à 1,6 fois le SMIC.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les auteurs de ces amendements soulignent qu’ils connaissent bien les associations intermédiaires. Pour ma part, je les invite à examiner la dispersion des salaires au sein de ces structures : ils constateront qu’elles comptent très peu de salariés percevant plus de 1,2 fois le SMIC.
Les dispositions que l’Assemblée nationale a adoptées par voie d’amendement me paraissent donc satisfaisantes. À mon sens, un bon point d’équilibre a été trouvé pour les associations intermédiaires. Franchement, étant moi-même engagé dans plusieurs associations travaillant en faveur de l’insertion, je ne vois pas ce qu’apporterait, en pratique, le fait de porter le seuil à 1,3 fois le SMIC. Je serais donc tenté de solliciter le retrait de ces trois amendements, mais souhaiterais auparavant entendre l’avis du Gouvernement. Avec un seuil fixé à 1,1 fois le SMIC, le coût pour les finances publiques de l’exonération était de 33 millions d’euros. Les associations intermédiaires seront gagnantes si le seuil est établi à 1,2 fois le SMIC.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Lévrier, j’entends votre question. Il s’agit de savoir si cette réforme fera des perdants. Nous souhaitons tous qu’il n’y en ait pas ; comme M. le rapporteur général, je pense qu’il n’y en aura pas.
M. Jean-Louis Tourenne. Si, il y en aura !
M. Gérald Darmanin, ministre. Le choix entre 1,2 et 1,3 fois le SMIC représente peut-être l’extrême limite de la négociation. Cette dernière devrait être menée ailleurs qu’ici, étant donné les appuis techniques qu’elle exige, et en lien avec ces associations.
J’y insiste : à ma connaissance, il n’y aura pas de perdants. Les calculs de M. le rapporteur général vont dans le même sens. De plus, dans le cadre du projet de loi de finances, nous renforçons un certain nombre de dispositifs afin par exemple d’accroître les crédits dédiés à l’insertion par l’activité économique, l’IAE. Néanmoins, il convient de bien vérifier les différents éléments avant la deuxième lecture, en lien avec les associations concernées.
Dans cette perspective, retrait ou sagesse pour ce qui concerne l’amendement n° 333 et avis défavorable sur les amendements nos 153 rectifié et 390 rectifié.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je me rallie bien volontiers à l’avis de sagesse de M. le ministre, pour laisser prospérer l’amendement n° 333 et essayer de trouver le bon point d’équilibre : le but, c’est que personne ne soit perdant, et même, si c’est possible, qu’il y ait des gagnants…
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Certes, monsieur le ministre ! Mais cette exonération devrait représenter tout au plus quelques millions d’euros. Avec un seuil à 1,1 SMIC, son coût s’élève à 33 millions d’euros. Si on porte le seuil à 1,2 ou 1,3 SMIC, le surcoût sera très faible.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Quelques millions d’euros, c’est une dizaine de médecins qui ne seront pas formés…
Mme la présidente. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage sur l’amendement n° 333 ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 333 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 153 rectifié et 390 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 252 rectifié, présenté par MM. Raison, Perrin, Mouiller et Vaspart, Mme M. Mercier, M. Dallier, Mme Gatel, MM. Buffet, Darnaud et Magras, Mme Bories, MM. Gremillet, Poniatowski, A. Bertrand, Cuypers et Gilles, Mme Lavarde, MM. Luche et Longeot, Mme Vullien, M. Sol, Mme Delmont-Koropoulis, MM. D. Laurent, Genest, Calvet, Duplomb, Kern et Grosdidier, Mme L. Darcos, MM. B. Fournier et Hugonet, Mmes Imbert et Deromedi, MM. Babary et Pointereau, Mme Renaud-Garabedian, MM. Sido, Charon et Morisset, Mme Gruny, M. Chaize, Mme Thomas, MM. Meurant, Lefèvre et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Regnard, Mme Garriaud-Maylam, MM. Laménie, Chatillon, Priou et Moga, Mme Perrot, M. Segouin et Mmes Berthet, C. Fournier, Lamure, N. Delattre et Lherbier, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 22
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
8° L’article L. 241-13 est ainsi modifié :
a) À la dernière phrase du deuxième alinéa du III, après le mot : « année, », sont insérés les mots : « et à l’exception des salariés travaillant de façon permanente en équipes successives selon un cycle de travail continu en application des articles L. 3132-14 et L. 3132-15 du code du travail, » ;
b) Le VII est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement, déposé par Michel Raison, a pour objet de clarifier la situation des salariés travaillant en continu, au regard des dispositions législatives relatives à la réduction générale de cotisations et de contributions sociales figurant à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
Un exemple illustrera les situations très particulières que provoquent les difficultés de coordination entre le code du travail et le code de la sécurité sociale : celui de la verrerie artisanale de La Rochère, en Haute-Saône.
Créée en 1475, cette entreprise emploie encore 145 salariés, qui sont des ouvriers qualifiés. Son processus de fabrication, reposant sur des coulées, impose un travail en continu dans un environnement très pénible, justifiant des temps de travail réduits, que le code du travail reconnaît logiquement, en raison de la pénibilité, comme des temps complets.
Pourtant, le juge judiciaire a pu assimiler ces ouvriers à des salariés exerçant à temps partiel, alors même qu’ils bénéficient d’une équivalence « temps plein » en vertu de leur contrat de travail. Cette situation a pu conduire à des redressements d’entreprises par les URSSAF.
Aussi convient-il de préciser, dans le code de la sécurité sociale, que les salariés travaillant en continu doivent être considérés comme des salariés exerçant à temps complet pour la détermination du montant de l’allégement de cotisations et de contributions sociales auquel leur employeur peut prétendre.
M. Raison a participé à une réunion de concertation au ministère du travail, le 11 octobre 2017. Un accord de principe a été trouvé à cette occasion, mais aucune évolution législative n’est intervenue depuis cette date.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si j’ai bien compris, ces dispositions concernent une entreprise bien particulière, à savoir une verrerie artisanale de Haute-Saône.
M. Alain Joyandet. Ce n’est qu’un exemple !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Peut-être existe-t-il d’autres cas : dans cette hypothèse, pour connaître la portée financière de cet amendement, je préfère demander l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le rapporteur général, nous ne connaissons pas l’impact financier de cet amendement.
Monsieur Mouiller, je comprends que M. Raison cite en exemple une entreprise de son territoire. Sans doute d’autres entreprises sont-elles dans la même situation. Aucune n’est mentionnée dans les documents dont j’ai pu avoir connaissance, mais nous ne savons pas tout. Quoi qu’il en soit, il ne me semble pas de bonne pratique de légiférer pour un cas particulier. Mieux vaudrait procéder d’une autre manière : je m’engage à vous recevoir, peut-être avec les représentants de l’entreprise concernée, pour voir s’il est possible de résoudre le problème. Si, dans l’intervalle, d’autres cas particuliers se faisaient jour, nous pourrions envisager d’élaborer une mesure législative, d’ici à la deuxième lecture. Dans ce cas, il faudrait bien sûr en mesurer l’impact financier.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Toutes les fonderies risquent d’être concernées, et d’autres entreprises encore…
M. Gérald Darmanin, ministre. J’entends bien, monsieur le rapporteur général, mais, puisque vous avez joué les Ponce Pilate, il faut bien que je prenne une position ! (Sourires.)
Pour l’heure, monsieur Mouiller, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il existe sans doute d’autres entreprises travaillant à feu continu, telles que des fonderies, qui sont concernées. Ayant eu l’occasion de travailler dans de telles entreprises, je ne crois pas que le cas de cette verrerie artisanale de Haute-Saône soit unique. Cela m’amène à être prudent.
Je ne suis pas opposé par principe à une telle mesure, mais il faut en mesurer l’impact. À cet égard, la proposition de M. le ministre est intéressante. Il ne s’agit en aucun cas de botter en touche, mais d’étudier la question plus à fond.
La commission demande donc, elle aussi, le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. J’ignore ce que comptent faire les signataires de cet amendement, mais je voudrais leur donner deux bonnes raisons, au moins, de le maintenir en vue de la navette.
Tout d’abord, la verrerie en question, située dans le département de la Haute-Saône, n’est évidemment pas la seule entreprise concernée : on n’élabore pas un amendement pour traiter d’une situation unique.
Ensuite et surtout, Michel Raison se trouve en ce moment même sur un lit d’hôpital : adopter cet amendement serait le meilleur moyen de lui faire plaisir ce soir. (Exclamations.) Il a été opéré hier matin, et il va très bien : c’est un battant, comme tous les habitants de la Haute-Saône, d’ailleurs. (Sourires.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit donc de faire plaisir à Michel Raison !
M. Alain Joyandet. Je sais que Michel Raison nous regarde en cet instant précis ; je le salue, en espérant que nos collègues lui feront le plaisir de voter son amendement ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 252 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Mouiller. Cette question se pose depuis longtemps ; apparemment, tout le monde souhaite qu’elle soit résolue, mais ces intentions n’ont encore été suivies d’aucun effet. Cela étant, M. le ministre propose d’organiser une rencontre avant la fin de la séquence budgétaire. Fort de cet engagement, je retire l’amendement, madame la présidente.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 252 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 483 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 24
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le VII de l’article L. 241-13, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – La réduction est supprimée lorsque l’employeur n’a pas conclu d’accord relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code ou qu’il n’a pas établi le plan d’action mentionné à l’article L. 2323-47 dudit code. Cette diminution de 100 % du montant de la réduction est cumulable avec la pénalité prévue à l’article L. 2242-7 du même code. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, je n’ai pas compris ce qui vient de se passer : dès lors que le Gouvernement et la commission avaient demandé le retrait de l’amendement n° 252 rectifié, il n’y avait plus lieu de donner la parole pour explication de vote à un sénateur qui n’en était pas signataire. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Moi aussi, j’avais demandé la parole : soit on la donne à tous ceux qui la demandent, soit on ne la donne à personne !
Mme la présidente. Madame Cohen, j’ai simplement donné la parole en respectant l’ordre des demandes.
Mme Laurence Cohen. Mais moi, je ne peux plus prendre la parole, étant donné que l’amendement a été retiré ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. C’est le règlement, ma chère collègue.
Mme Laurence Cohen. Non, ce n’est pas le règlement du Sénat !
Cela étant dit, je rappelle que nous débattons du budget de la sécurité sociale. Or, depuis un bon moment, il n’est plus question que d’exonérations de cotisations, autant de mesures qui tendent à appauvrir la sécurité sociale.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
Mme Laurence Cohen. Je crains que, au bout du compte, il ne reste plus grand-chose dans les caisses de la sécurité sociale… Mais peut-être garderez-vous la même attitude, mes chers collègues, pour lutter contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes en instaurant la possibilité de supprimer les allégements de cotisations pour les entreprises qui ne respectent pas les obligations légales en la matière.
Malgré les lois successives concernant l’égalité professionnelle, une profonde inégalité salariale persiste entre les femmes et les hommes. Cette situation est absolument inacceptable, même si, visiblement, elle ne pose guère problème à la Haute Assemblée…
Normalement, la loi impose aux entreprises de plus de cinquante salariés de négocier un accord d’entreprise ou d’élaborer un plan d’action en matière d’égalité salariale. Pourtant, seules 60 % d’entre elles se sont pliées à cette obligation.
Un régime de sanctions est prévu pour les entreprises récalcitrantes. Lorsqu’elle constate qu’une entreprise a manqué à ses obligations, l’inspection du travail peut la mettre en demeure. Elle peut entendre les justifications du chef d’entreprise et, en dernier recours, décider d’appliquer une pénalité, dont le montant varie selon les circonstances. Or cette pénalité n’est appliquée que dans 0,2 % des cas…
Afin de contraindre réellement les entreprises contrevenantes, nous proposons donc d’instituer une sanction systématique. Les inégalités salariales doivent être réprimées à la hauteur de leur gravité. Cette mesure permettra en outre de procurer à la sécurité sociale des recettes non négligeables, qui pourraient contribuer à la mise en œuvre d’une véritable politique sociale.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 318 rectifié, présenté par Mmes Lienemann et Cukierman, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 24
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le VII de l’article L. 241-13, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – La réduction est supprimée lorsque l’employeur n’a pas conclu d’accord ou de plan relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-1 et L. 2242-3 du code du travail. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Depuis le 3 novembre, les femmes de notre pays travaillent en quelque sorte gratuitement. De fait, le nombre de jours nous séparant du 31 décembre marque, de façon très concrète, l’importance des inégalités salariales entre hommes et femmes dans notre pays.
Tous les 8 mars, on évoque largement cette question. J’ai moi-même, pendant cinq ans, été chargée du dossier de l’égalité entre les femmes et les hommes à la région Rhône-Alpes. Chaque année, nous organisions des colloques, nous menions des réflexions et des opérations de sensibilisation.
Comme dans tous autres domaines, quand la loi n’est pas respectée, il faut savoir agir et, le cas échéant, sévir. Il faut parfois rappeler la règle, y compris à ceux qui ne veulent pas l’appliquer.
Aujourd’hui, certaines entreprises jouent le jeu, et d’autres non. Je ne reviendrai pas sur la faiblesse du nombre d’inspecteurs du travail réellement disponibles pour contrôler l’application des diverses réglementations au sein des entreprises.
Nous n’avons jamais été opposés à ce que l’argent public soit mis au service du développement économique et de l’emploi, mais cela ne peut pas se faire sans condition et sans contrôle. Les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations légales en matière d’égalité salariale ne doivent pas pouvoir continuer à profiter des dispositifs d’exonérations de charges. Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut trouver de l’argent pour sauver notre système de sécurité sociale : cet amendement le permet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements sont très proches : il s’agit, dans un cas, de l’égalité salariale, et, dans l’autre, de l’égalité professionnelle. Il faudrait d’ailleurs m’expliquer ce que ces notions recouvrent précisément…
Cela étant dit, madame Cukierman, il existe déjà des sanctions, avec des pénalités graduées selon la gravité des manquements constatés. En cas de récidive, lorsque l’employeur n’a pas rempli l’obligation de négociation sur les salaires effectifs, elles peuvent atteindre le montant des allégements généraux dont bénéficie l’entreprise.
Cet argument vaut pour les deux amendements, qui appellent donc, de la part de la commission, un avis défavorable. Peut-être M. le ministre pourra-t-il nous dresser le bilan de l’application de ces mesures de sanctions ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En tout cas, il serait intéressant de pouvoir établir un tel bilan, notamment pour ce qui concerne les pénalités infligées aux entreprises en cas de récidive. Ainsi, il serait possible de répondre aux interrogations de nos collègues du groupe CRCE.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Eh bien, madame Cohen, vous voyez que vous l’avez, la parole !
Mme Laurence Cohen. Cher collègue, je l’ai quand on regarde de mon côté… Ce n’est pas la peine d’en rajouter !
Mme la présidente. Je le répète, nous avons tout simplement respecté l’ordre des demandes de parole.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le rapporteur général, vous demandez qu’un bilan soit fait, mais ce bilan, nous l’avons : la pénalité n’est appliquée que dans 0,2 % des cas. On peut se demander pourquoi elle n’est pas plus souvent mise en œuvre. Ma collègue et moi-même avons apporté un certain nombre d’explications, fondées notamment sur les difficultés que rencontre l’inspection du travail pour accomplir ses missions.
Ce qu’il faut, c’est engager les moyens nécessaires pour que la loi soit appliquée. Il ne s’agit pas d’un petit problème, et nos propositions ne vont pas réduire les recettes de la sécurité sociale. Ce que je retiens, c’est qu’il est difficile, dans ce pays, de faire appliquer la loi en matière d’égalité professionnelle, tout particulièrement pour ce qui concerne l’égalité salariale. Nous sommes en 2018 : combien de lois ont déjà été votées pour que cette égalité progresse ? Il faudra encore attendre, faute de volonté politique.
Mme la présidente. Je suis saisie de dix-neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 561, présenté par MM. Patient et Karam, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 28 à 45
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 46
Remplacer les références :
aux 6° et 10°
par la référence :
au 6°
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Les entreprises des outre-mer bénéficiaient depuis 2009 d’un dispositif particulier d’exonérations de charges mis en place par la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, plus adapté à leur contexte local que le régime général.
Pour simplifier ce dispositif et pour mettre davantage l’accent sur la création d’emplois, le Gouvernement a décidé de le revoir. Cette volonté est louable, au vu du taux de chômage dans les outre-mer, qui s’élève à 23 % en moyenne et à 50 % chez les jeunes.
Il avait été toutefois annoncé que cette réforme se ferait à périmètre constant et sans renchérissement du coût du travail. Or tel n’est pas le cas.
En Guyane seulement, d’après les études microéconomiques réalisées par les socioprofessionnels, le coût du travail augmentera de 62 millions d’euros en raison de la suppression d’une disposition de la LODEOM qui plaçait par principe toutes les entreprises éligibles dans le secteur renforcé.
Quant à l’engagement d’une réforme à périmètre constant, plusieurs analyses montrent qu’il n’a pas été tenu. L’étude Mazars, commandée par la fédération des entreprises d’outre-mer, la FEDOM, met en évidence une perte de 180 millions d’euros pour l’outre-mer, effet fiscal inclus. L’étude macroéconomique réalisée par les socioprofessionnels de La Réunion fait ressortir, quant à elle, une perte de 200 millions d’euros. Le rapporteur général du Sénat évalue lui-même le gain pour les finances publiques à 66 millions d’euros.
Nous n’avons reçu aucune réponse du ministère confirmant ou infirmant ces chiffres. Madame la ministre, je veux affirmer ici avec force que, pour pouvoir travailler, il nous faut des données. Je demande depuis plusieurs mois, par exemple, que me soit communiqué le rapport des inspections générales qui a servi de base à cette réforme, en vain.
De même, lors de la réunion du 6 novembre dernier avec votre cabinet au ministère des outre-mer, l’engagement avait été pris de nous communiquer les chiffres et les simulations de l’administration sur cette réforme, afin de les confronter à ceux qu’a produits le monde économique. À ce jour, nous n’avons toujours rien reçu. Ces données ont pourtant été rendues anonymes ; elles ne sont donc pas confidentielles.
Ce manque de transparence est inacceptable et contre-productif. Il laisse à penser qu’il y a des choses à cacher. Madame la ministre, la réforme présentée aujourd’hui n’est pas aboutie ; elle nécessite encore des discussions et de la concertation. C’est pourquoi je me vois dans l’obligation de vous en demander le report.
Cet amendement vise donc à supprimer la réforme des exonérations de charges dans les outre-mer afin de poursuivre les discussions et d’aboutir à un texte accepté par tous les acteurs économiques des territoires concernés, qui pourrait alors être adopté, par exemple dans le PLFSS pour 2020.
Mme la présidente. L’amendement n° 560, présenté par MM. Patient et Karam, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 30
Supprimer les mots :
en Guyane,
II. – Alinéa 35
Supprimer les mots :
la Guyane,
III. – Alinéa 37
Supprimer les mots :
de la Guyane,
IV. – Alinéa 39
Supprimer les mots :
de la Guyane,
V. – Après l’alinéa 45
Insérer trente-et-un alinéas ainsi rédigés :
11° Après l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 752-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 752-3-… – I. – En Guyane, les employeurs, à l’exclusion des entreprises publiques et établissements publics mentionnés à l’article L. 2233-1 du code du travail, sont exonérés du paiement des cotisations à leur charge au titre de la législation de sécurité sociale à l’exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, dans les conditions définies au présent article.
« II. – L’exonération s’applique :
« 1° Aux entreprises, employeurs et organismes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2211-1 du même code, occupant moins de onze salariés. Si l’effectif vient à atteindre ou dépasser le seuil de onze salariés, le bénéfice intégral de l’exonération est maintenu dans la limite des onze salariés précédemment occupés ou, en cas de départ, remplacés. Un décret fixe les conditions dans lesquelles le bénéfice de l’exonération est acquis dans le cas où l’effectif d’une entreprise passe au-dessous de onze salariés ;
« 2° Aux entreprises, quel que soit leur effectif, du secteur du bâtiment et des travaux publics, de l’industrie, de la restauration, de la presse, de la production audiovisuelle, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l’information et de la communication et des centres d’appel, de la pêche, des cultures marines, de l’aquaculture, de l’agriculture, y compris les coopératives agricoles et sociétés d’intérêt collectif agricoles et leurs unions, ainsi que les coopératives maritimes et leurs unions, du tourisme, de la restauration de tourisme y compris les activités de loisirs s’y rapportant, et de l’hôtellerie ;
« 3° Aux entreprises de transport aérien assurant :
« a) La liaison entre la métropole et la Guyane ;
« b) La liaison entre la Guyane et la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon ou Mayotte ;
« c) La desserte intérieure de la Guyane.
« Seuls sont pris en compte les personnels de ces entreprises concourant exclusivement à ces dessertes et affectés dans des établissements situés en Guyane.
« 4° Aux entreprises assurant la desserte maritime ou fluviale de plusieurs points de la Guyane, ou la liaison entre les ports de la Guyane et ceux de la Guadeloupe, de la Martinique, de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin.
« III. – A. – Pour les entreprises mentionnées au I de l’article 244 quater C du code général des impôts et, au titre des rémunérations définies aux quatrième et cinquième phrases du même I, pour les organismes mentionnés à l’article 207 du même code, l’exonération est calculée selon les modalités suivantes :
« Le montant de l’exonération est calculé chaque mois civil, pour chaque salarié, en fonction de ses revenus d’activité tels qu’ils sont pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242-1 du présent code. Lorsque la rémunération horaire est inférieure à un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 30 %, le montant de l’exonération est égal au montant des cotisations de sécurité sociale à la charge de l’employeur. À partir de ce seuil, la part de la rémunération sur laquelle est calculée l’exonération décroît et devient nulle lorsque la rémunération horaire est égale au salaire minimum de croissance majoré de 100 %.
« Pour les entreprises, employeurs et organismes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2211-1 du code du travail et occupant moins de onze salariés, lorsque la rémunération horaire est inférieure à un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 40 %, le montant de l’exonération est égal au montant des cotisations de sécurité sociale à la charge de l’employeur. Lorsque la rémunération horaire est égale ou supérieure à ce seuil et inférieure à un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 60 %, la rémunération est exonérée des cotisations de sécurité sociale à la charge de l’employeur, dans la limite de la part correspondant à une rémunération horaire égale au salaire minimum de croissance majoré de 40 %. Au-delà d’un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 60 %, la part de la rémunération sur laquelle est calculée l’exonération décroît et devient nulle lorsque la rémunération horaire est égale au salaire minimum de croissance majoré de 130 %.
« B. – Pour les entreprises, employeurs et organismes autres que ceux mentionnés au A :
« 1° Le seuil de la rémunération horaire mentionné au deuxième alinéa du A en deçà duquel la rémunération est totalement exonérée de cotisations à la charge de l’employeur est égal au salaire minimum de croissance majoré de 40 %. Le seuil de la rémunération horaire mentionné au même deuxième alinéa du A à partir de laquelle l’exonération devient nulle est égale au salaire minimum de croissance majoré de 200 % ;
« 2° Le seuil de la rémunération horaire mentionné au dernier alinéa du A en deçà duquel la rémunération est exonérée, dans la limite de la part correspondant à une rémunération horaire égale au salaire minimum de croissance majoré de 40 %, est égal au salaire minimum de croissance majoré de 100 %. À partir de ce seuil, la part de la rémunération sur laquelle est calculée l’exonération décroît et devient nulle lorsque la rémunération horaire est égale au salaire minimum de croissance majoré de 200 %.
« IV. – Par dérogation au III, le montant de l’exonération est calculé selon les modalités prévues aux deux derniers alinéas du présent IV pour les entreprises situées en Guyane respectant les conditions suivantes :
« 1° Employer moins de deux cent cinquante salariés et avoir réalisé un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros ;
« 2° Avoir une activité principale relevant de l’un des secteurs d’activité éligibles à la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts ou correspondant à l’une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques à destination des entreprises, recherche et développement ou technologies de l’information et de la communication ;
« 3° Être soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d’imposition ;
« Les conditions prévues aux 1° et 2° s’apprécient à la clôture de chaque exercice.
« Pour les entreprises mentionnées au présent IV, lorsque la rémunération horaire est inférieure ou égale au salaire minimum de croissance majoré de 70 %, le montant de l’exonération est égal au montant des cotisations de sécurité sociale à la charge de l’employeur. Lorsque la rémunération est supérieure à un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 70 % et inférieure à un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 150 %, la rémunération est exonérée des cotisations de sécurité sociale à la charge de l’employeur, dans la limite de la part correspondant à une rémunération égale au salaire minimum de croissance majoré de 70 %. À partir du seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 150 %, la part de la rémunération sur laquelle est calculée l’exonération décroît et devient nulle lorsque la rémunération horaire est égale au salaire minimum de croissance majoré de 250 %.
« Par dérogation à l’avant-dernier alinéa du présent IV, pour les employeurs mentionnés au B du III du présent article, la rémunération horaire à partir de laquelle l’exonération devient nulle est égale au salaire minimum de croissance majoré de 350 %.
« V. – Pour l’application du présent article, l’effectif pris en compte est celui qui est employé par l’entreprise dans chacune des collectivités mentionnées au I, tous établissements confondus dans le cas où l’entreprise compte plusieurs établissements dans la même collectivité. L’effectif est apprécié dans les conditions prévues par les articles L. 1111 -2 et L. 1251-54 du code du travail.
« Lorsque dans une même entreprise ou un même établissement sont exercées plusieurs activités, l’exonération est applicable au titre de l’activité exercée par chacun des salariés employés.
« VI. – Le bénéfice de l’exonération prévue au présent article est subordonné au fait, pour l’employeur, d’être à jour de ses obligations déclaratives ou de paiement à l’égard de l’organisme de recouvrement. La condition de paiement est considérée comme remplie dès lors que l’employeur a, d’une part, souscrit et respecte un plan d’apurement des cotisations restant dues et, d’autre part, acquitte les cotisations en cours à leur date normale d’exigibilité.
« Les exonérations prévues par le présent article ne peuvent être cumulées avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale, à l’exception de la déduction forfaitaire prévue à l’article L. 241-18 du présent code.
« VII. – Le bénéfice de l’exonération prévue au présent article, ainsi que de tous autres allégements et exonérations de cotisations patronales prévus par le présent code, est subordonné au fait, pour l’entreprise ou le chef d’entreprise, de ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation pénale passée en force de chose jugée soit pour fraude fiscale, soit pour travail dissimulé, marchandage ou prêt illicite de main-d’œuvre, en application des articles L. 5224-2, L. 8224-1, L. 8224-3, L. 8224-4, L. 8224-5, L. 8224-6, L. 8234-1 et L. 8234-2 du code du travail.
« Lorsqu’un organisme chargé du recouvrement est avisé, par la transmission du procès-verbal établi par un des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du même code, de la commission d’une des infractions mentionnées à l’alinéa précédent, il suspend la mise en œuvre des exonérations prévues par le présent article jusqu’au terme de la procédure judiciaire.
« VIII. – Lorsque les exonérations mentionnées aux III et IV sont dégressives, le montant de celles-ci est déterminé par l’application d’une formule de calcul définie par décret. La valeur maximale du coefficient de dégressivité retenu pour cette formule est fixée par décret, dans la limite de la somme des taux des cotisations mentionnées au I pour une rémunération égale au salaire minimum de croissance. »
VI. – Alinéa 46
Remplacer la référence :
et 10°
par les références :
10° et 11°
VII. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à VI, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Cet amendement vise à exclure la Guyane des dispositions de l’article 8.
En effet, il avait été clairement décidé auparavant que la Guyane devait bénéficier d’un traitement spécifique. Or, finalement, elle se retrouve soumise au droit commun, avec d’autres outre-mer dont le PIB est pourtant nettement supérieur, ce qui la pénalise énormément.
Mme la présidente. L’amendement n° 199 rectifié bis, présenté par M. Magras, Mme Malet, MM. Darnaud et Gremillet, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam et Lassarade, MM. Chaize et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Grand, Mandelli et de Nicolaÿ, Mmes A.M. Bertrand, Lamure et Boulay-Espéronnier et MM. Genest et Dallier, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 30 et 38
Supprimer les mots :
, à Saint-Barthélemy
II. – Alinéa 35
Supprimer le mot :
, Saint-Barthélemy
III. – Alinéas 37 et 39
Supprimer les mots :
, de Saint-Barthélemy
IV. – Alinéa 39
Compléter cet alinéa par les mots :
ou de Saint-Martin et Saint-Barthélemy
V. – Après l’alinéa 45
Insérer dix-neuf alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 752-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 752-3-… I. – À Saint-Barthélemy, les employeurs, à l’exclusion des entreprises publiques et établissements publics mentionnés à l’article L. 2233-1 du code du travail et les particuliers employeurs, sont exonérés du paiement des cotisations à leur charge au titre de la législation de la sécurité sociale, à l’exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles dans les conditions définies au présent article.
« II.- L’exonération s’applique :
« 1° Aux employeurs occupant moins de onze salariés. Si l’effectif vient à atteindre ou dépasser le seuil de onze salariés, le bénéfice intégral de l’exonération est maintenu dans la limite des onze salariés précédemment occupés ou, en cas de départ, remplacés. Un décret fixe les conditions dans lesquelles le bénéfice de l’exonération est acquis dans le cas où l’effectif passe au-dessous de onze salariés ;
« 2° Quel que soit leur effectif, aux employeurs des secteurs du bâtiment et des travaux publics, de l’industrie, de la restauration, de la presse, de la production audiovisuelle, de l’environnement, de l’agronutrition, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l’information et de la communication et des centres d’appel, de la pêche, des cultures marines, de l’aquaculture, de l’agriculture, du tourisme, de la restauration de tourisme y compris les activités de loisirs s’y rapportant, de l’hôtellerie, de la recherche et du développement ;
« 3° Aux employeurs de transport aérien assurant :
« a) La liaison entre la métropole, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ;
« b) La liaison entre Saint-Barthélemy et ces départements ou collectivités.
« Seuls sont pris en compte les personnels des employeurs concourant exclusivement aux dessertes mentionnées au b du présent 3° et affectés dans des établissements situés dans l’un de ces départements, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin ;
« 4° Aux employeurs assurant la desserte maritime de Saint-Barthélemy, ou la liaison entre les ports de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
« III. – A. – Pour les employeurs mentionnés aux 1° , 3° et 4° du II du présent article et ceux mentionnés au 2° du même II relevant des secteurs du bâtiment et des travaux publics, de la presse et de la production audiovisuelle, lorsque le montant du revenu d’activité de chaque mois civil, pour chaque salarié, tel qu’il est pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242-1 du présent code est inférieur à un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 40 %, le montant de l’exonération est égal au montant des cotisations et contributions à la charge de l’employeur, mentionnées au I. À partir de ce seuil, la part du revenu d’activité de sur laquelle est calculée l’exonération décroît et devient nulle lorsque le revenu d’activité est égal au salaire minimum de croissance majoré de 200 %.
« B. – Pour les employeurs, quel que soit leur effectif, relevant des secteurs mentionnés au 2° du II, à l’exception des secteurs du bâtiment et des travaux publics, de la presse et de la production audiovisuelle, lorsque le montant du revenu d’activité de chaque mois civil, pour chaque salarié, tel qu’il est pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242-1 est inférieur à un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 70 %, le montant de l’exonération est égal au montant des cotisations et contributions à la charge de l’employeur mentionnées au I. Lorsque la rémunération est supérieure à un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 70 % et inférieure à un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 150 %, la rémunération est exonérée des cotisations de sécurité sociale à la charge de l’employeur, dans la limite de la part correspondant à une rémunération égale au salaire minimum de croissance majoré de 70 %. À partir du seuil égal au salaire minimum majoré de 150 %, la part du revenu d’activité sur laquelle est calculée l’exonération décroît et devient nulle lorsque le revenu d’activité est égal au salaire minimum de croissance majoré de 350 %.
« V. – Pour l’application du présent article, l’effectif pris en compte est celui qui est employé par l’entreprise à Saint-Barthélemy, tous établissements confondus dans le cas où l’entreprise y compte plusieurs établissements. L’effectif est apprécié dans les conditions prévues par les articles L. 1111-2 et L. 1251-54 du code du travail.
« Lorsque dans une même entreprise ou un même établissement sont exercées plusieurs activités, l’exonération est applicable au titre de l’activité exercée par chacun des salariés employés.
« VI. – Le bénéfice de l’exonération prévue au présent article est subordonné au fait, pour l’employeur, d’être à jour de ses obligations déclaratives ou de paiement à l’égard de l’organisme de recouvrement. La condition de paiement est considérée comme remplie dès lors que l’employeur a, d’une part, souscrit et respecte un plan d’apurement des cotisations restant dues et, d’autre part, acquitte les cotisations en cours à leur date normale d’exigibilité.
« Les exonérations prévues par le présent article ne peuvent être cumulées avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale, à l’exception de la déduction forfaitaire prévue à l’article L. 241-18 du présent code.
« VII. – Le bénéfice de l’exonération prévue au présent article, ainsi que de tous autres allégements et exonérations de cotisations patronales prévus par le présent code, est subordonné au fait, pour l’entreprise ou le chef d’entreprise, de ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation pénale passée en force de chose jugée soit pour fraude fiscale, soit pour travail dissimulé, marchandage ou prêt illicite de main-d’œuvre, en application des articles L. 5224-2, L. 8224-1, L. 8224-3, L. 8224-4, L. 8224-5, L. 8224-6, L. 8234-1 et L. 8234-2 du code du travail.
« Lorsqu’un organisme chargé du recouvrement est avisé, par la transmission du procès-verbal établi par un des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail, de la commission d’une des infractions mentionnées à l’alinéa précédent, il suspend la mise en œuvre des exonérations prévues par le présent article jusqu’au terme de la procédure judiciaire.
« VIII. – Lorsque les exonérations mentionnées aux III et IV sont dégressives, le montant de celles-ci est déterminé par l’application d’une formule de calcul définie par décret. La valeur maximale du coefficient de dégressivité retenu pour cette formule est fixée par décret, dans la limite de la somme des taux des cotisations mentionnées au I pour une rémunération égale au salaire minimum de croissance. »
VI. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, cet amendement vise à ajuster le dispositif d’exonérations de cotisations patronales à la situation de Saint-Barthélemy, dans une logique de différenciation territoriale à laquelle, vous le savez, je suis très attaché.
Cette adaptation est d’abord nécessaire. En effet, s’il est vrai que l’économie de Saint-Barthélemy affiche des indicateurs plutôt rassurants, une augmentation de la fiscalité sociale ne serait pas sans conséquence et ne se justifierait pas.
De fait, après le passage du cyclone Irma, cette modification ne peut qu’être un facteur déstabilisant, deux ans seulement après l’extension à Saint-Barthélemy de l’exonération des secteurs de compétitivité renforcée.
En outre, la ventilation des salaires montre que le dispositif issu de la LODEOM assure aux entreprises une réduction du coût du travail plus ajustée à la répartition moyenne de la masse salariale par entreprise, eu égard aux taux d’encadrement.
Pour cette raison, le nouveau régime proposé provoquerait, pour les entreprises de Saint-Barthélemy, une augmentation des charges, au contraire de son objectif, qui est de les réduire.
Je rappelle que l’économie de Saint-Barthélemy est intégralement dépendante des importations, qu’elle comprend, en raison de son positionnement, une importante proportion de services et qu’elle est donc fortement employeuse de main-d’œuvre. Le coût du travail est, dès lors, un des principaux leviers de compétitivité des entreprises, en particulier de celles du secteur touristique et de sa périphérie, qui doivent, de surcroît, faire face à l’émergence de la concurrence des îles voisines, dont on connaît les écarts en matière de coût du travail.
Antérieurement, Saint-Barthélemy ne pouvait évidemment prétendre au CICE, qui était une disposition fiscale. C’est pour tenir compte de la part du coût du travail dans son PIB que le bénéfice des mesures de compétitivité renforcée lui avait été accordé, il y a seulement deux ans.
En matière de cotisations et de contributions sociales, Saint-Barthélemy relève du droit commun et, à ce titre, peut légitimement bénéficier des dispositifs de réduction du coût du travail. L’amendement que je vous soumets apparaît donc comme un compromis raisonnable.
Enfin, cette adaptation est possible parce que les missions tenant à la sécurité sociale et au recouvrement des cotisations ont été confiées à la mutualité sociale agricole, la MSA.
Mme la présidente. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par Mmes Dindar et Malet, MM. Marseille, L. Hervé, Janssens, Lafon et Longeot, Mme de la Provôté, M. Moga, Mme Loisier et MM. Détraigne et Kern, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 30
Supprimer les mots :
et des particuliers employeurs
II. – Après l’alinéa 44
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les particuliers employeurs, l’exonération se cumule avec la déduction forfaitaire mentionnée au 3° du I bis de l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale. » ;
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nassimah Dindar.
Mme Nassimah Dindar. Cet amendement vise les particuliers employeurs dans les départements d’outre-mer, dont le nombre s’élève à peu près à 53 000, soit 1,9 % du total national, alors que les territoires et départements d’outre-mer représentent presque 4 % de la population française. Il existe donc là un important gisement d’emplois, qui nécessite un dispositif d’aide à la hauteur des enjeux.
Il importe, en outre, d’accroître les rémunérations des actifs en question, qui sont particulièrement basses, donc peu attractives, afin de lutter contre le travail dissimulé avec le complément du RSA.
La pièce maîtresse de ce dispositif est la déduction forfaitaire qui s’élève, dans les DOM, à 3,7 euros par heure de charges patronales, contre 2 euros en métropole. Néanmoins, cette mesure ne peut être cumulée avec aucune autre exonération, sauf pour certains publics spécifiques.
Le présent amendement vise à la fois à inclure les particuliers employeurs dans les exonérations découlant de la LODEOM, comme c’était le cas jusqu’à présent, et à autoriser un cumul de ces exonérations avec la déduction forfaitaire afin, précisément, de corriger la tendance à allier travail au noir et RSA.
Mme la présidente. L’amendement n° 433 rectifié, présenté par M. Tissot, Mme Taillé-Polian, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet, Antiste, J. Bigot et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes S. Robert et M. Filleul, MM. P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En annexe au décret, sont présentés les effets de l’allégement général pour les rémunérations suivantes : 1 SMIC ; 1,1 SMIC ; 1,2 SMIC ; 1,3 SMIC ; 1,4 SMIC ; 1,5 SMIC et 1,6 SMIC. Est également présentée l’articulation entre allégement général et exonérations de cotisations sociales de 6 points.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le ministre, vous proposez, dans cet article, de remplacer le CICE par une exonération de cotisations sociales patronales, qui se cumule avec des allégements Fillon existants. On peut donc se demander comment vont s’articuler ces deux régimes.
Le Gouvernement semble avoir perçu cette difficulté, puisque le présent article ne contient pas la formule de calcul nécessaire à l’application de cette nouvelle exonération, mais renvoie sa définition à un décret.
Afin de bien comprendre les impacts de cet article et d’identifier les gagnants et les perdants de la mesure, il me semble indispensable que le Gouvernement nous fournisse un éclaircissement précis et chiffré.
Mme la présidente. L’amendement n° 432 rectifié ter, présenté par Mme Jasmin, MM. Antiste et J. Bigot, Mme Conconne, MM. Lurel, Daudigny et Kanner, Mmes Féret et Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mme S. Robert, M. Tissot, Mme M. Filleul, MM. P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran, Mme Ghali, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 33
Après le mot :
de la restauration
insérer les mots :
, de l’accueil et de l’hébergement des personnes âgées
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Nos territoires et collectivités connaissent, comme le montrent les données démographiques, un vieillissement malheureusement irréversible de leur population. Tout en tenant compte de l’objectif de maîtrise des dépenses de la sécurité sociale, il nous faut donc tout mettre en œuvre pour permettre un accueil décent des personnes âgées.
À cette fin, cet amendement vise à inclure les lieux d’accueil et d’hébergement des personnes âgées dans l’alinéa 33. Il tend ainsi à introduire la possibilité pour les employeurs privés dans le secteur de l’accueil et de l’hébergement des personnes âgées, localisés dans les collectivités et les départements d’outre-mer, d’être éligibles aux exonérations.
Cette mesure apparaît d’autant plus nécessaire que beaucoup d’investisseurs privés ouvrent des maisons d’accueil pour ces populations, parce que l’État, ainsi qu’il le reconnaît souvent lui-même, n’a pas les moyens de prendre en charge leurs besoins.
Mme la présidente. L’amendement n° 282 rectifié, présenté par M. Magras, Mme Malet, MM. Darnaud, Gremillet et Vaspart, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam et Lassarade, MM. Chaize et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Grand, Mandelli et de Nicolaÿ, Mmes Lamure et Boulay-Espéronnier et MM. Genest et Dallier, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 33
Après le mot :
loisirs
insérer les mots:
et de nautisme
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Cet amendement vise à ajouter le nautisme aux secteurs éligibles au dispositif de compétitivité renforcée. En effet, ce secteur participe à l’attractivité des outre-mer et occupe une place stratégique dans l’économie bleue, dont le potentiel de croissance est un axe important du développement de ces territoires.
De plus, la planification de l’espace maritime d’ici à 2021 rendra nécessaire la formalisation de l’inclusion de ce secteur dans la politique maritime, ce qui devrait contribuer à son essor.
Le nautisme est donc bien un levier de compétitivité pour les économies ultramarines, et, à ce titre, il convient de le rendre éligible aux exonérations prévues pour les secteurs dits « de compétitivité renforcée ».
Mme la présidente. L’amendement n° 212 rectifié, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel et Iacovelli, Mme G. Jourda, M. Duran, Mme Conway-Mouret, M. Lalande, Mme N. Delattre, MM. Manable et P. Joly et Mme Artigalas, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 33
Après les mots :
s’y rapportant
insérer les mots :
et de nautisme
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je cherche la cohérence ! Aujourd’hui, on nivelle par le bas l’attractivité des salaires. Comment l’expliquer ? Est-ce parce que nous sommes loin et que nous sommes petits que nous avons droit à des mesures si éloignées de notre réalité, des mesures qui, disons-le franchement, jouent « petit bras » ? Je cherche la cohérence de tout cela !
J’aurai tout à l’heure l’occasion de développer ce point en défendant un autre de mes amendements, mais savez-vous, madame la ministre, que 51 % des demandeurs d’emploi sont des personnes sans qualification ou peu qualifiées, qui demeurent dans le chômage pendant des années ?
Comment faire pour permettre aujourd’hui à nos enfants merveilleusement formés, qui font le bonheur d’entreprises dans le monde entier, de rentrer chez nous ? Nous ne pouvons pas les rapatrier au pays, tout simplement parce que nous ne pouvons pas leur offrir des salaires décents.
On demande à des secteurs comme l’agriculture, l’agroalimentaire, la recherche-développement ou le tourisme de mettre en place un encadrement leur permettant de se développer en montant en gamme. Comment réussir cela, quand vous plaidez, conformément à votre projet, pour limiter les exonérations à 1,4 SMIC en dehors du secteur renforcé, au motif que cela concerne l’essentiel des demandeurs d’emploi ?
Les dispositions de cet amendement vont donc dans le même sens que celui que vient de présenter notre collègue Magras. Lorsqu’un ministre visite la Martinique, il se rend au Marin et admire le travail magnifique réalisé par l’ancien sénateur Désiré, le maire de cette commune, qui a refusé la fatalité de la pauvreté, de la misère et du désespoir au sortir de la crise sucrière, faisant de sa ville un pôle tourné vers la mer. Tout le monde en débat et s’exclame : « C’est magnifique, monsieur le maire ! »
Pourquoi, dès lors qu’il s’agit de mettre en œuvre une logique basée sur la capacité à créer de la valeur et de l’emploi, le nautisme ne figurerait-il pas dans le régime de compétitive renforcé ? Pardonnez-moi, mais cela me pose un vrai problème de cohérence.
Au travers de cet amendement, je demande donc que cette activité soit rattachée à cet autre régime, plus intéressant, qui est aujourd’hui mis à l’honneur par votre nouvelle donne économique pour les outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 196 rectifié, présenté par M. Magras, Mme Malet, MM. Darnaud et Gremillet, Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Chaize et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Grand, Mandelli et de Nicolaÿ, Mmes Lamure et Boulay-Espéronnier et MM. Genest et Dallier, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 33
Après le mot :
hôtellerie,
insérer les mots :
des services aéroportuaires,
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Cet amendement vise à ajouter les services aéroportuaires à l’alinéa 33. En effet, ce secteur regroupe des activités essentielles au fonctionnement du transport aérien – lequel a été inclus dans cet alinéa par l’Assemblée nationale – et donc, indirectement, au tourisme.
De plus, les entreprises du secteur aérien sous-traitant largement leurs services aéroportuaires, la réduction des charges salariales se répercutera bien entendu en baisse des coûts.
Mme la présidente. L’amendement n° 297 rectifié bis, présenté par MM. Karam, Théophile et Patient, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 33
Après le mot :
développement,
insérer les mots :
des services d’assistance aéroportuaire,
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de la création d’une exonération spécifique de cotisations est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Dans un contexte de concurrence internationale, le présent article entend soutenir les secteurs économiquement fragiles, tels que le tourisme et, dans une certaine mesure, le transport aérien.
Considérant que, par la sous-traitance, le secteur des services d’assistance aéroportuaire fait partie intégrante de l’économie du transport aérien, donc indirectement de celle du tourisme, cet amendement vise à l’intégrer au dispositif prévu, de manière à soutenir la compétitivité de l’ensemble de la filière.
Mme la présidente. L’amendement n° 562, présenté par MM. Patient et Karam, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 33
Compléter cet alinéa par les mots :
et celles exerçant une activité de comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques à destination des entreprises
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Le tissu économique ultramarin est, plus majoritairement encore qu’en métropole, constitué de très petites entreprises, ou TPE, qui sont peu structurées et mal accompagnées.
Un nombre important de prestations juridiques et comptables auxquelles elles ont recours sont réalisées dans l’illégalité. Les professionnels du conseil, les consultants, les bureaux d’études techniques et les experts-comptables ayant une activité légale sur les territoires ultramarins sont encore trop rares. La Réunion compte cent soixante experts-comptables, la Martinique et la Guadeloupe quatre-vingts chacune, et la Guyane seulement dix-sept.
En Guyane, on observe une corrélation entre la hausse du nombre d’experts-comptables, de onze en 2009 à dix-sept aujourd’hui, et la hausse du taux de déclarations fiscales, passé, dans la même période, de 50 % à 75 %. Néanmoins, ces efforts ne peuvent combler le retard important des territoires ultramarins sur la métropole.
S’agissant des bureaux d’études, les difficultés rencontrées dans ces territoires sont comparables. Les secteurs privé et public peinent à faire émerger des projets, à les piloter et à assurer leur suivi effectif. L’État se voit obligé de sortir de ses compétences de droit commun, afin de fournir un soutien en ingénierie aux collectivités locales.
Il est donc indispensable qu’un appui soit apporté aux activités de comptabilité, de conseil aux entreprises, d’ingénierie ou d’études techniques.
Mme la présidente. L’amendement n° 295 rectifié bis, présenté par MM. Karam, Théophile et Patient, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 36
Remplacer les mots :
entre La Réunion et Mayotte
par les mots :
avec les pays de leurs environnements régionaux respectifs
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Le secteur du transport aérien est actuellement éligible aux exonérations spécifiques aux départements d’outre-mer prévues à l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, dites « exonérations LODEOM ».
Le régime de droit commun se traduirait par un renchérissement du coût du travail pour ces employeurs, malgré le renforcement des allégements généraux. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à leur appliquer le barème spécifique aux entreprises de moins de onze salariés et du secteur du bâtiment et des travaux publics : maintien d’une exonération de cotisations totale jusqu’à 1,3 SMIC, puis dégressivité jusqu’à 2 SMIC.
Cependant, la rédaction actuelle ne prend pas suffisamment en compte le transport régional, plus particulièrement les liaisons entre les territoires ultramarins et leur environnement régional direct.
Aussi le présent amendement vise-t-il à intégrer cette dimension, afin de mieux considérer la réalité de ces entreprises, mais également d’encourager l’ouverture de nouvelles dessertes entre les outre-mer et leurs voisins régionaux.
Pour rappel, l’article 1er de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 a consacré la stratégie de la Nation en faveur de l’égalité réelle outre-mer, avec le déploiement de politiques de convergence favorisant « l’inclusion des territoires dans leur environnement régional ». À cet égard, l’intégration régionale des outre-mer constitue une priorité à laquelle les entreprises du transport aérien participent activement.
Mme la présidente. L’amendement n° 296 rectifié bis, présenté par MM. Karam, Théophile et Patient, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 38
Remplacer les mots :
des employeurs concourant exclusivement aux dessertes mentionnées au c du présent 3°
par les mots :
de ces entreprises concourant à ces dessertes
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de la création d’une exonération spécifique de cotisations est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. En pratique, il apparaît très difficile pour les entreprises de différencier leurs effectifs en fonction des destinations, les personnels n’opérant jamais de manière exclusive sur les liaisons visées.
Il convient, en outre, de soutenir davantage les entreprises régionales du secteur du transport aérien confrontées à une concurrence internationale extrêmement rude, les compagnies étrangères étant soumises à des règles moins contraignantes que la réglementation européenne, avec, de surcroît, des niveaux de rémunération nettement inférieurs.
Aussi, cet amendement tend, d’une part, à supprimer le terme « exclusivement », qui méconnaît la réalité des entreprises du transport aérien, et, d’autre part, à étendre le dispositif aux personnels des employeurs concourant aux deux autres dessertes visées par le présent 3°, c’est-à-dire à la liaison entre la métropole et la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ainsi qu’à la liaison entre les territoires ultramarins eux-mêmes.
Mme la présidente. L’amendement n° 612, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. Après l’alinéa 39
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 5° En Guyane, aux employeurs ayant une activité principale relevant de l’un des secteurs d’activité éligibles à la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts, ou correspondant à l’une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques. »
II. Alinéa 41, première phrase
Après le mot :
audiovisuelle,
insérer les mots :
pour les employeurs mentionnés au 5° du II,
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis un peu surprise de la manière dont s’organise la discussion, dans la mesure où je m’apprête à défendre un amendement sans que nous ayons débattu des différents sujets évoqués. Je vais toutefois me plier à cet exercice.
Vous en avez parlé, monsieur Patient, la Guyane a besoin d’un dispositif particulier prenant en compte ses spécificités. Nous rencontrons les acteurs du monde économique depuis un an et demi et nous en débattons. Nous avons comparé nos chiffres au niveau macroéconomique en juin dernier, avant d’entrer dans le détail secteur par secteur et entreprise par entreprise en septembre. Vous le savez, nous n’avons pas encore achevé notre réflexion.
Le Gouvernement est à l’écoute. Nous avons déjà répondu, à l’Assemblée nationale, à une partie des demandes et, aujourd’hui, nous allons satisfaire la volonté de la Guyane de se voir traiter de manière particulière.
Cet amendement vise donc à rétablir en Guyane l’éligibilité au régime de compétitivité renforcé des secteurs également éligibles à la défiscalisation des investissements productifs, ainsi que les activités de comptabilité – certains d’entre vous l’ont demandé à l’instant –, de conseil aux entreprises et d’ingénierie d’études techniques.
En clair, en Guyane, toutes les entreprises qui bénéficiaient précédemment de la LODEOM renforcée seront placées en compétitivité renforcée. Vous comprendrez tous ce choix, compte tenu de la situation particulière que connaît ce territoire, dont le produit intérieur brut est inférieur de plus de dix points à celui des autres départements ou territoires d’outre-mer et ne représente que 49 % de la moyenne nationale.
Il était donc nécessaire de mettre en place un dispositif particulier afin de rattraper ce retard. Nous avons entendu les entreprises guyanaises. Nous avons discuté avec l’ensemble des élus. Et je vous avais déjà indiqué, monsieur Patient, que le Gouvernement allait répondre à vos sollicitations en déposant cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 209 rectifié, présenté par MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 40
Après la référence :
A. –
insérer les mots :
En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Saint-Barthélemy,
II. – Alinéa 41
Après la référence :
B. –
insérer les mots :
En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Saint-Barthélemy,
III. – Après l’alinéa 41
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… – À Saint-Martin, les seuils mentionnés aux A et B du présent III sont respectivement portés à 70 % et 150 % et à 90 % et 220 %.
IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à III, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’article 8 du PLFSS pour 2019 prévoit de recentrer et de simplifier le dispositif actuel d’exonérations de cotisations figurant à l’article 753-2-1 du code de la sécurité sociale.
Sans revenir sur les chiffres qui ont motivé la fusion des barèmes des exonérations LODEOM, il me semble important d’attirer votre attention, madame, monsieur les ministres, sur le fait qu’une application directe de cet article 8 ne prendrait pas en considération le contexte économique spécifique dans lequel évoluent les entreprises de Saint-Martin depuis le passage du cyclone majeur Irma au début du mois de septembre 2017.
Pour être tout à fait honnêtes, nous mesurons pleinement le soutien apporté par le Gouvernement dans le cadre de la reconstruction de Saint-Martin, ainsi que de son accompagnement constant depuis le passage des catastrophes naturelles précédemment évoquées.
Toutefois, le Gouvernement ne peut disconvenir que la première année qui a suivi ces événements a été consacrée, dans le territoire de Saint-Martin, à la stabilisation d’une économie qui a été touchée à plus de 80 %, et que la deuxième année, celle de la réactivation, commence tout juste.
Le Gouvernement ne saurait non plus nier que nous subissons une réelle crise du logement, à la suite, notamment, de ces cyclones majeurs, qui a affecté les rémunérations consenties aux salariés, ainsi qu’une augmentation des rémunérations destinée à attirer des compétences d’excellence sur le territoire. Dans le passé, la moyenne de salaires de Saint-Martin était plutôt plus élevée que le SMIC, et les circonstances actuelles vont encore l’accroître.
En outre, la nouvelle définition de la rémunération déterminant le franchissement des seuils, donc l’impact des exonérations de charges qui seront consenties, notamment à Saint-Martin, tient compte d’une base de rémunération annuelle globale brute intégrant primes et avantages en nature, et non plus d’un salaire pondéré, calculé au taux horaire brut mensuel. Ce changement aura pour conséquence d’imposer un différentiel de 30 % en sus.
Cette nouvelle définition, ajoutée aussi aux circonstances que je viens de rappeler, va entraîner la dégressivité accélérée des exonérations, voire leur suppression dans certains cas, rendant ce dispositif moins favorable que le droit existant.
Dans ces conditions, et sans remettre en cause l’essence même de cet article 8, nous ne voyons d’autre issue que de solliciter a minima un relèvement de 30 % des seuils qui y sont inscrits. Cela permettrait de consentir à Saint-Martin un régime équitable d’exonérations de charges et donnerait à ce territoire le temps d’envisager une véritable reprise de son secteur économique, indispensable à sa réactivation.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 208 est présenté par Mmes Malet et Dindar.
L’amendement n° 438 rectifié bis est présenté par Mme Conconne, MM. Antiste et Lurel, Mme Jasmin, MM. J. Bigot, Daudigny et Kanner, Mmes Féret et Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mme S. Robert, M. Tissot, Mme M. Filleul, MM. P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 40
1° Première phrase
Remplacer le taux :
30 %
par le taux :
60 %
2° Seconde phrase
Remplacer le taux :
100 %
par le taux :
150 %
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Viviane Malet, pour présenter l’amendement n° 208.
Mme Viviane Malet. Avec l’article 8 et dans le cadre de la suppression du CICE, le Gouvernement revoit les aides économiques à la compétitivité des entreprises ultramarines et propose un nouveau régime d’exonérations de charges sociales patronales applicable outre-mer.
Le Gouvernement opère ainsi un recentrage général sur les bas salaires, ce qui provoquera une augmentation importante des coûts salariaux. Or ce sont les entreprises de moins de onze salariés et celles du BTP, qui concentrent le gros de la masse salariale entre 1,4 SMIC et 2 SMIC, qui seront les plus affectées.
Par ailleurs, le resserrement des seuils proposé renforcera considérablement l’effet de trappe à bas salaires, constituant un frein au développement des entreprises les plus exposées à la concurrence régionale et internationale.
C’est pourquoi le présent amendement vise à relever le seuil applicable aux entreprises du nouveau dispositif dit « de compétitivité renforcée ». Ainsi, le seuil de début de dégressivité linéaire serait porté de 1,3 à 1,6 SMIC, tandis que le point de sortie passerait de 2 à 2,5 SMIC.
En adoptant cet amendement, nous redonnerions de l’oxygène à nos entreprises, de l’espoir à nos jeunes diplômés et un avenir aux salariés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour présenter l’amendement n° 438 rectifié bis.
Mme Catherine Conconne. Cet amendement va dans le même sens que celui de ma collègue Viviane Malet, qui vit dans un département d’outre-mer et dont les préoccupations sont proches des miennes. Plutôt que d’en relire l’objet, je vais travailler mon argumentaire pour tenter de convaincre, une fois de plus.
Je m’adresse, cette fois, au ministre des comptes publics, qui disait précédemment que les cadres ne manquaient pas, que l’on ne peinait pas à en recruter et que, à la limite, en France hexagonale, on pourrait se passer d’exonération sur certains niveaux de salaire. En Martinique, en Guadeloupe, en outre-mer, c’est exactement le contraire, monsieur le ministre.
Nous avons besoin de cadres ! Quelque 51 % des personnes inscrites à Pôle emploi sont sans qualification ou très peu qualifiées et ne répondent pas aux besoins de main-d’œuvre de nos territoires. Aujourd’hui, nous avons besoin d’ingénieurs, de comptables, de gestionnaires financiers, de professionnels qu’il faut rémunérer à la juste valeur de leurs diplômes et de leurs qualifications. Comment devons-nous faire ?
Quand des jeunes reviennent passer des entretiens de recrutement, ils repartent à toute vitesse, parce que nos entreprises, qui prennent à peine leur envol, ne peuvent pas supporter de tels niveaux de charges sociales. Résultat : nos pays se dépeuplent. Ainsi, le mien perd 3 500 à 5 000 personnes par an, essentiellement des jeunes en âge de procréer, en sorte que la fertilité dans le pays décroît à une vitesse incroyable.
Madame la ministre, donnez-nous les moyens de structurer l’encadrement de nos entreprises, d’afficher les indicateurs d’un pays en développement et, de grâce, cessez de croire qu’il suffirait d’instaurer des exonérations plus fortes pour que le chômage baisse, car c’est exactement le contraire qui se passe. Je vous demande de regarder non pas la partie pleine du verre, mais celle qui reste vide, à savoir les besoins en main-d’œuvre non satisfaits pour des salaires auxquels correspondent des niveaux de charges que nos entreprises ne peuvent pas supporter.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 213 est présenté par Mmes Dindar et Malet.
L’amendement n° 436 rectifié bis est présenté par M. Lurel, Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, MM. J. Bigot, Daudigny et Kanner, Mmes Féret et Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mme S. Robert, M. Tissot, Mme M. Filleul, MM. P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 41
1° Première phrase
Remplacer le taux :
40 %
par le taux :
80 %
2° Seconde phrase
Remplacer le taux :
140 %
par le taux :
200 %
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour présenter l’amendement n° 213.
Mme Nassimah Dindar. Madame, monsieur les ministres, vous constatez que l’ensemble des sénateurs ultramarins défend des amendements visant la réforme des aides économiques voulue par le Gouvernement et inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Madame la ministre, je vous ai bien écoutée : vous expliquez que cette réforme a pour vocation majeure de protéger les secteurs d’activité générateurs d’emplois dans les DOM – ils ne sont pas les mêmes dans les différents départements que nous représentons – et le plus grand nombre d’entreprises, en l’occurrence celles de moins de onze salariés.
Or nous pensons que les seuils retenus pour le calcul des exonérations qui seront appliquées en 2019, avec le recentrage sur les bas salaires dont ma collègue Conconne vient de parler, entraînent une baisse substantielle du coût de travail mettant en péril bon nombre d’entreprises dans nos territoires, qu’elles relèvent du régime de compétitivité ou du régime de compétitivité renforcée.
Viviane Malet et moi-même proposons, dans la continuité des suggestions émises par nos collègues Patient et Karam, de relever les seuils à des niveaux de salaire plus élevés. Cette mesure serait financée par les 200 millions d’euros que nous ne retrouvons pas dans l’enveloppe de 1,7 milliard d’euros annoncée. Je ne reviens pas sur les simulations faites par la FEDOM, la Fédération des entreprises des outre-mer, sur la base de l’étude Mazars ; Georges Patient en a déjà parlé.
La proposition du Gouvernement cassera, nous en sommes sûrs, la dynamique actuelle de montée en gamme de nos activités, dont nous savons la nécessité pour mieux affronter la concurrence. En effet, tous nos territoires sont voisins de pays où le niveau de vie est moins élevé et les salaires bien plus bas, ce qui entraîne une forte concurrence pour nos entreprises.
La solution que nous préconisons a pour mérite de faire progresser ensemble les secteurs d’activité des DOM qui nécessitent des efforts spécifiques, dans leur diversité et leur pluralité : notre collègue Magras a parlé du nautique, l’expertise comptable a été évoquée par notre collègue Patient, et je pense aussi au transport régional inter-DOM. Nous estimons que la création d’un étage supplémentaire pour distinguer quelques secteurs nuirait à la simplicité, à la lisibilité et à l’efficacité voulues par le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 436 rectifié bis.
M. Victorin Lurel. J’aurais pu me contenter de dire que cet amendement était défendu, car, on le voit, de toutes les travées de cet hémicycle s’élève une contestation, ferme quoique courtoise : nous disons au Gouvernement que sa mesure est précipitée.
Même sa propre majorité reconnaît que le Gouvernement n’a pas fourni d’éléments suffisants : je n’ai pas le talent de Georges Patient pour dire, moi qui suis dans l’opposition, la même chose que lui… De fait, les propositions qui nous sont faites ne sont ni documentées ni étayées.
Je sais que Bercy rêve depuis longtemps de cette réforme, si l’on peut parler de réforme. Et voilà que, aujourd’hui, notre ministre des outre-mer la fait. Madame la ministre, vous allez créer un choc budgétaire, fiscal et social considérable. Alors que la croissance est tirée par la consommation, vous allez la réduire considérablement. Alors que certaines productions sont exportées, l’écart de compétitivité ne sera plus préservé.
Quand on fait le calcul, avec les documents fournis, de la transformation du CICE en allégements de charges, qu’il s’agisse du secteur général ou du secteur renforcé, le compte n’y est pas ! Quand on vous le fait remarquer, madame la ministre, vous le vivez très mal, mais vous n’avez pas fourni les documents attendus.
Depuis toujours, les sénateurs de toutes sensibilités demandent une mise à plat des dispositifs fiscaux dans les outre-mer : ce travail devrait être fait avant toute réforme unilatérale et brutale, comme celle qui est aujourd’hui imposée.
C’est la raison pour laquelle les auteurs de cet amendement proposent de revoir la dégressivité et de porter le seuil de 2,3 à 3 SMIC.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, j’ai écouté patiemment, comme vous, la présentation de ces amendements, qui émanent, comme il a été souligné, de toutes les travées.
Par son amendement n° 561, M. Patient propose de supprimer la réforme des régimes spécifiques d’exonération issus de la LODEOM. Après un long débat, la commission a considéré que cette réforme n’avait pas, à ce stade, fait l’objet d’une concertation suffisante. Je crois d’ailleurs avoir entendu Mme la ministre, il y a quelques instants, confirmer en quelque sorte ce constat, ou en tout cas ne pas l’infirmer.
La concertation n’a pas été suffisante, il me semble, avec les acteurs locaux.
M. Victorin Lurel. Dites plutôt qu’elle n’a pas eu lieu !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Manifestement, il y a des exceptions territoriales qu’il faut envisager. Vous-même, madame la ministre, proposez une exception pour la Guyane. D’autres amendements visent Saint-Martin ou Saint-Barthélemy.
On propose d’intégrer d’autres catégories professionnelles, comme les particuliers employeurs et les conseils en entreprise, et d’autres secteurs, en particulier l’hébergement des personnes âgées, les aéroports, le transport aérien et le nautisme. Excusez cet inventaire à la Prévert, mais c’est ce que j’ai entendu. On a parlé aussi d’élargir la fourchette des exonérations jusqu’à quatre fois le SMIC pour intégrer les cadres et les cadres supérieurs.
À l’évidence, les inquiétudes des entreprises ultramarines concernées ne sont pas levées. C’est pourquoi il nous a semblé plus sage de revenir sur ce sujet l’année prochaine, avec un texte mieux compris. Tel est l’objet de l’amendement n° 561. Notre objectif, qui est aussi celui du Gouvernement, est de simplifier, mais, à mon sens, la réforme proposée ne simplifie pas. Essayons donc de revoir cette copie.
M. Victorin Lurel. C’est cela : prenons le temps de la réflexion.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Aussi, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 561, qui vise à la suppression de cette réforme. Par cohérence, elle est défavorable à tous les autres amendements, qui, de toute manière, deviendront sans objet si l’amendement n° 561 est adopté.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, ministre. L’amendement n° 561 vise à reporter d’une année la réforme défendue par le Gouvernement. Permettez-moi de rappeler le sens de cette réforme.
Il s’agit d’opérer, en outre-mer comme dans le reste du pays, le basculement du CICE vers des exonérations de charges sociales. Des spécificités des territoires d’outre-mer ont d’ailleurs déjà été prises en compte dans la LODEOM. Nous partons de beaucoup moins loin que dans le reste du pays.
Dès lors que le premier étage de la fusée de la réforme nationale s’impose aussi aux territoires d’outre-mer, nous avons essayé de travailler sur la manière de prendre en considération les spécificités de ceux-ci, de répondre à leurs besoins dans le cadre d’une enveloppe constante, puisque tel était l’exercice auquel nous devions nous livrer : faire des propositions de réforme à enveloppe constante.
L’enveloppe est bien constante. Nous n’avons pas aujourd’hui les mêmes chiffres que ceux qui sont fournis par un certain nombre d’études, mais nous travaillons depuis plusieurs mois pour rapprocher les chiffres et faire des exercices pratiques, entreprise par entreprise, secteur par secteur.
Voilà de nombreuses semaines que nous rencontrons le milieu économique, et je crois honnêtement que nous allons arriver à une issue la plus juste possible. Il serait dommage de ne pas pouvoir y parvenir.
On a parlé de secteurs importants, comme le BTP. Oui, le BTP est dans cette réforme, il en est même l’un des gagnants : pas sur la totalité des salaires, puisque des seuils sont prévus, mais il en sera tout de même un grand gagnant. De même, le tourisme, dont vous avez tous parlé, sera un grand gagnant de cette réforme, y compris la plaisance. Posons-nous donc les vraies questions !
J’entends bien que l’on nous demande de prendre plus de temps, mais je crois honnêtement que, en quinze jours, soit d’ici à la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, nous sommes en mesure, avec l’ensemble des entreprises, d’arriver à une proposition satisfaisante.
En première lecture à l’Assemblée nationale, nous avons apporté une première réponse à des secteurs qui n’avaient pas été, ou pas suffisamment, pris en compte, comme la presse, les transports maritimes, les transports aériens et la communication. Nous avançons aujourd’hui une proposition forte pour la Guyane, qui répond à une demande spécifique de ce territoire.
Nous savons que les cas de Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont un peu différents, puisqu’il n’y a pas de CICE dans ces territoires. Nous avons donc une réponse différente à apporter, et j’entends bien la proposition formulée par le sénateur Magras pour Saint-Barthélemy. Il est vrai qu’elle répond à une réalité de ce territoire, mais tous les territoires ont leurs réalités, et des secteurs qui méritent que nous échangions ensemble davantage encore. Nous allons le faire dans les quinze prochains jours.
Il faut se dire les choses clairement : si nous supprimons cette réforme pour l’année prochaine, ceux qui aujourd’hui ne parlent pas beaucoup, parce qu’ils en sont les gagnants – vous savez très bien que les gagnants s’expriment peu, mais que les quelques perdants s’expriment avec force, moyennant quoi il faut les écouter, ce que je fais en les voyant régulièrement –, il faudra leur expliquer que, de gagnants, ils deviendront perdants !
L’année prochaine, ils auront la possibilité de cumuler la réforme des exonérations et les 500 millions d’euros de CICE. Prenons bien en compte ces 500 millions d’euros de CICE pour les territoires d’outre-mer : cela n’est pas banal et n’arrivera pas deux fois.
Prenons en compte également le fait que, dans les territoires d’outre-mer, la vraie difficulté est le taux de chômage des jeunes ; à cet égard, madame Conconne, je ne suis pas d’accord avec vous. Dans certains territoires ultramarins, ce taux dépasse les 40 %, avec des jeunes très peu formés ! Si l’on avait su répondre à ce problème par le passé, on n’aurait pas ces taux-là. C’est donc que les réformes mises en œuvre jusqu’ici n’étaient pas au bon niveau.
L’attractivité des territoires, ce n’est pas seulement les salaires : ce sont aussi les écoles, les routes, l’eau et l’assainissement. Le Gouvernement propose aussi d’agir dans ces domaines, en accompagnement de la réforme des exonérations. Permettez-moi de passer en revue rapidement les différentes propositions.
Pour la Guyane, vous l’avez entendu, la réponse est là. Je pense honnêtement que, avec le travail complémentaire qui va être accompli sur les seuils, la Guyane sortira de cette réforme, au total, dans une situation identique à celle qu’elle connaît actuellement grâce aux aides. C’est d’ailleurs normal, compte tenu des conditions de ce territoire.
S’agissant plus spécifiquement de l’accueil et de l’hébergement des personnes âgées, Madame Jasmin, votre amendement est satisfait, puisque les exonérations accordées à ce secteur vont passer de 46 à 65 millions d’euros par an.
Madame Conconne, monsieur Magras, vous avez soulevé la question de l’économie bleue. La France possède le deuxième domaine maritime au monde et le premier en Europe. Vous savez que mon combat est celui-là depuis les années 2000. Ce secteur sera largement pris en compte à l’issue des négociations en cours. Nous y travaillons aussi en matière de défiscalisation ; vous le savez, des réponses seront apportées sous peu.
En ce qui concerne les services aéroportuaires, il s’agit en effet d’une activité peu délocalisable. On voit bien que l’on a fait des choix de secteurs, qui tiennent compte de la compétitivité, bien sûr, mais aussi du bassin dans lequel chaque territoire peut se développer avec ses entreprises. En l’occurrence, il n’y a pas de délocalisation possible.
Pour ce qui est des billets d’avion, une question à laquelle je vous sais sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs, nous menons une action résolue contre la vie chère. Comme ministre, M. Lurel avait d’ailleurs fait adopter une loi sur la régulation économique. Nous avons besoin aujourd’hui de l’évaluer, pour voir quelles en ont été les conséquences et comment l’on peut aller plus loin.
À propos des structures et des besoins en Guyane, monsieur Patient, plus particulièrement dans certains secteurs, je vous ai précédemment répondu sur le transport aérien. N’oublions pas que, dans ce secteur, une réglementation internationale et européenne s’applique, qui est indispensable et que nous devons surveiller de près. D’où la difficulté pour le Gouvernement d’émettre un avis favorable sur votre amendement.
J’ai déjà parlé du BTP et du tourisme ; je n’y reviens pas.
S’agissant des différents scénarii qui vous seront présentés d’ici à la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, ceux-ci devraient répondre à la préoccupation exprimée sur les seuils. Il nous faut lutter contre le chômage de masse des jeunes non formés. Au-delà du plan formation, nous devons leur donner leur première chance. C’est pourquoi nous allons jusqu’au « zéro charge », un dispositif particulier à l’outre- mer que je soutiens largement. Nous prendrons en compte certaines spécificités, à travers des changements dans les seuils.
On a affirmé qu’il n’y avait pas eu une concertation suffisante, ni suffisamment de chiffres fournis. Je ne suis pas d’accord. Les chiffres macroéconomiques ont été donnés en juin dernier, les chiffres microéconomiques en septembre dernier : c’est tard, mais ils ont été donnés. D’autres chiffres devaient être fournis, mais je fais face au secret statistique, qui m’empêche de fournir un certain nombre de données généralisées ou par secteur. En revanche, je puis répondre à des cas particuliers venant des différents territoires d’outre-mer et des différents secteurs ; c’est ce que nous faisons depuis quelques mois déjà et que nous allons continuer à faire dans les quinze jours qui viennent.
Je ne m’énerve pas plus que cela quand on me fait des remarques, monsieur Lurel ! Ainsi, l’outre-mer a vécu en 2013 un coup de rabot sur les exonérations de 90 millions d’euros ; j’étais parlementaire à l’époque et je me souviens qu’il n’y a pas eu plus d’échanges que cela. En 2015, quand l’outre-mer a subi un nouveau rabot sur les exonérations, de 80 millions d’euros, il n’y a pas eu de concertation non plus.
Les mauvais exemples ne sont pas obligatoirement à reprendre, mais je crois honnêtement que, dans les quinze jours qui sont devant nous, nous pouvons travailler tous ensemble pour aboutir à une réforme à la hauteur de ce que les territoires d’outre-mer attendent et, surtout, qui réponde aux objectifs du Gouvernement et assure la cohérence entre le cadre national et la prise en compte de la différenciation voulue par le Président de la République dans les territoires d’outre-mer.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, j’entends bien votre argumentation et je ne mettais pas en cause le travail que vous avez accompli. Simplement, je constate, après avoir lu les amendements et écouté mes collègues, que votre réforme n’est pas aboutie. Au reste, vous reconnaissez vous-même qu’il vous faut encore quinze jours.
Dans leur amendement, MM. Patient et Karam ne prévoient pas de limite : ils proposent de supprimer la réforme pour revoir la concertation. Si vous estimez que, en quinze jours, vous êtes capable d’apporter des réponses précises à toutes les interrogations qui ont été soulevées, depuis toutes les travées, pourquoi pas, tentez le coup !
Reste que la commission juge sage, pour le moment, d’adopter l’amendement n° 561 et de repartir en phase de concertation. Il serait d’ailleurs bienvenu, madame la ministre, que vous rassembliez tous les sénateurs qui se sont exprimés pour essayer d’aboutir à un texte, dirons-nous, plus consensuel, puisque, à l’évidence, le Gouvernement n’a pas été entièrement compris jusqu’à présent.
Mme la présidente. Madame la ministre, si je vous ai bien comprise, vous êtes défavorable à tous les amendements en discussion commune, à l’exception, bien entendu, de l’amendement n° 612 du Gouvernement. Est-ce bien cela ?
Mme Annick Girardin, ministre. Certains de ces amendements sont satisfaits. Pour les autres, le Gouvernement en sollicite le retrait ou y est défavorable. S’agissant de Saint-Barthélemy, il s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Madame la ministre, j’aimerais comprendre votre position.
J’ai cru comprendre que vous étiez d’accord pour intégrer la comptabilité, l’ingénierie et les études techniques dans le dispositif, ainsi que pour réserver un traitement un peu particulier à la Guyane. J’ai cru comprendre également que nous étions d’accord pour ce qui concerne les services aéroportuaires et les dessertes aériennes avec la métropole, entre les DROM et avec l’environnement immédiat. Or voilà que vous formulez une demande de retrait de mon retrait.
Par ailleurs, vous êtes seule à dire que la concertation a été suffisante. Aujourd’hui, les socioprofessionnels qui ont participé à ces fameuses assises, notamment la FEDOM, sont les premiers à être vent debout compte cette réforme, en expliquant qu’elle va créer un choc fiscal considérable et que l’écart de compétitivité se creuse.
Madame la ministre, j’ai eu l’élégance de ne pas rappeler l’histoire, mais j’ai eu un conseiller budgétaire qui voulait absolument faire passer la réfaction de l’impôt sur les outre-mer. Nous avons tous deux été ministres, vous dans un gouvernement, moi dans un précédent. Nous avons travaillé ensemble, et je suis heureux que votre mémoire soit ravivée de manière opportune. Toutefois, puisque vous oubliez l’héritage, je dois vous rappeler que ce que vous faites, Bercy en a toujours rêvé !
On peut faire des réformes et trouver des compromis raisonnables, mais vous êtes fermée. Ce gouvernement est fermé. Pendant dix ans, j’ai travaillé, dans l’opposition, avec MM. Chirac et Sarkozy. Nous étions reçus par les ministres, nous discutions, nous faisions passer des amendements ; bref, nous étions écoutés et entendus.
M. Alain Joyandet. Eh oui !
M. Victorin Lurel. Aujourd’hui, j’ai l’impression que même la majorité parlementaire est écrasée et méprisée ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) Madame la ministre, si vous écoutiez plus, nous pourrions légiférer de belle et bonne manière. Malheureusement, vous êtes fermée !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Madame la ministre, chère Annick Girardin, vous savez la considération que je porte à votre personne. J’ai toujours salué votre détermination, votre franchise, votre sincérité et l’art que vous avez d’aller au fond des choses. Je comprends donc que, ce soir, vous soyez dans l’embarras le plus total : comment faire, alors que tout ce qui a été dit sur ces travées participe du bon sens ?
Nos propos relèvent d’une arithmétique sur laquelle nous avons travaillé et dont nous sommes conscients, parce que nous avons le bonheur – peut-être aussi le malheur, car nous sommes porteurs de leurs doléances – de vivre dans des pays que nous connaissons bien et dont nous sommes les meilleurs spécialistes.
En définitive, sur quoi votons-nous ? Un de mes aînés en politique aurait dit : nous sommes en train d’acheter chatte en sac – en d’autres termes, un chat dans un sac. Sur quoi votons-nous, quand vous nous assurez que, dans quinze jours, il y aura des modifications et que l’on entendra un certain nombre de choses lors du retour du texte devant l’Assemblée nationale ?
Je ne suis pas députée : je suis porteuse, ici au Sénat, de la voix de nos territoires, de la voix de mon pays. J’aimerais rentrer dans mon pays avec un certain nombre de réponses consacrant le travail que nous avons accompli.
Le débat est ouvert, et l’on n’est pas obligé d’avoir raison sur tout. Nous portons des demandes, ressentons un certain nombre de choses et vous demandons simplement de vous asseoir une dernière fois autour d’une table avec nous, car nous avons besoin de procéder à certaines rectifications.
Vous verrez que nous vous demanderons non pas des augmentations pléthoriques de budget, mais du bon sens ! C’est le bon sens, en effet, qui réclame que les seuils soient revus, parce que nous avons besoin de recruter des cadres et de faire rentrer des gens dans des pays qui se dépeuplent, comme la Guadeloupe ou la Martinique.
Nous avons besoin que les demandes qui ont été exprimées en Guyane avec une grande et légitime virulence soient entendues. Je ne parle même pas de Mayotte.
Oui, nous avons besoin d’attendre et d’avoir, main dans la main avec un gouvernement qui nous comprend et ne nous écrase pas, un dialogue raisonnable, légitimement mené par les enfants de nos pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Franck Menonville et Mme Nassimah Dindar applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. En parfaite communion avec les outre-mer, je ne puis, madame la ministre, me satisfaire des réponses que vous avez données.
Saint-Martin vous a interpellée. Or Saint-Martin était absente de votre réponse. (Mme la ministre le conteste.) Vous avez simplement dit : j’émets un avis de sagesse pour Saint-Barthélemy. D’autres amendements ont reçu votre approbation. Mais aucune réponse pour Saint-Martin, alors que la situation de mon territoire est toute particulière.
J’ai eu la courtoisie de souligner que, depuis le phénomène hors norme que nous avons connu, le Gouvernement nous accompagne, qu’il continue de le faire, mais que nous demandons un petit coup de pouce supplémentaire, tout simplement parce que la réforme proposée, selon les simulations faites par le monde économique, nous paraît moins favorable que la situation actuelle.
En pareil cas, je m’attends à ce que vous me disiez : non, c’est aussi favorable, sinon plus, que la situation actuelle. Mais l’absence de réponse ne peut me satisfaire.
Je sais, parce que vous avez visité mon territoire, que ce que je dis ne vous est pas inconnu. J’aurais donc souhaité que vous apportiez des réponses concrètes à ma demande, pour savoir si, éventuellement, j’avais des solutions de repli, au cas où celle-ci serait – ou vous paraîtrait – un peu exagérée. (Mme Catherine Conconne applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. Madame la ministre, vous avez dit : tout ce qui a été fait auparavant n’a pas marché, c’est pourquoi nous voulons réorganiser les choses, selon les grandes lignes issues des états généraux.
Les départements d’outre-mer ont bénéficié d’une évolution incroyable, grâce aux lois qu’ont fait adopter MM. Pons, Perben et Paul, ainsi que Mme Brigitte Girardin et d’autres ministres. Il faut vraiment souligner que, en moins de soixante-dix ans, la départementalisation des territoires d’outre-mer a été très réussie. Il est donc juste de rendre hommage aux parlementaires et aux gouvernements qui ont su regarder ces régions ultrapériphériques comme pouvant être des centres, qui ont fait et font rayonner la France dans plusieurs océans. Un vrai travail a été accompli, il faut aujourd’hui le saluer.
Certaines lois de défiscalisation – vous pouvez le rappeler – ont eu aussi quelques effets pervers. Mais chaque Domien a bien su quand il fallait les éviter, et il n’y a pas eu de grandes révolutions dans les DOM. Nous, territoires ultramarins, sommes tous d’accord pour dire que Mayotte et la Guyane ont encore besoin d’être accompagnées, parce qu’elles connaissent toujours des pans de pauvreté et de non-développement.
Ce que nous croyons aujourd’hui, c’est qu’il y a dans nos territoires des forces vives, des entreprises capables d’apporter de l’ingénierie et de la valeur ajoutée. Elles ont fait des efforts extraordinaires, mais ne peuvent pas, en quinze jours, trouver des solutions. C’est pourquoi j’appuie la position de sagesse de notre commission, exposée par notre rapporteur général : la réforme proposée doit être reportée, parce qu’elle n’est pas encore mûre. (Mme Victoire Jasmin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Je m’exprimerai tout d’abord sur le premier amendement soumis à notre vote, l’amendement n° 561 ; évoquer en une seule intervention l’ensemble des amendements en discussion commune serait en effet impossible.
Je voudrais faire savoir à mes collègues guyanais que je comprends le bien-fondé de leur approche. Selon eux, la démarche n’étant pas aboutie, il faudrait prolonger d’un an le dispositif en vigueur. Cela dit, nous avons tout de même une modeste expérience du Sénat : il est clair que si, aujourd’hui, nous adoptons cet amendement, tous les autres amendements qui viennent d’être défendus tomberont. C’est clair et c’est précis !
Par ailleurs, même si nous adoptons cet amendement, de fait, la France continuera sa réforme, le CICE sera supprimé et les entreprises d’outre-mer seront, l’an prochain, les grandes perdantes de toute cette réforme. Les ministres ici présents ne reviendront pas sur leur démarche.
Madame la ministre, vous évoquez un délai de quinze jours et une nouvelle lecture. Ma petite expérience me fait plutôt penser que l’on s’oriente vers l’élaboration d’un texte par une commission mixte paritaire, qui aura vite fait de trancher en faveur de l’analyse de l’Assemblée nationale.
Je veux à présent évoquer un autre aspect des choses. En ma qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances, j’ai entendu les entreprises et les organisations socioprofessionnelles des outre-mer. Comme je l’ai indiqué dans mon intervention sur l’article, ces entreprises sont inquiètes, parce que le compte n’y est pas et que le débat, à leur sens, n’est pas abouti.
Vous savez comme moi, mes chers collègues, qu’énormément de sollicitations nous sont parvenues ces quinze derniers jours : on demande que le débat se poursuive et on espère qu’il aboutisse à des modifications de seuils, celles-là mêmes qui ont été proposées à l’instant par certains de nos collègues siégeant sur toutes les travées de notre hémicycle.
C’est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de rejeter l’amendement n° 561, dont l’adoption rendrait tous les autres sans objet, et de voter pour les amendements dont l’adoption vous permettrait, madame la ministre, monsieur le ministre, de continuer le débat avec les organisations socioprofessionnelles. Ainsi, j’espère que, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, vous aurez le temps de vous mettre d’accord sur une lecture commune du problème et sur des modifications de seuils.
Je suis donc favorable à l’adoption des amendements visant à modifier ces seuils qu’ont défendus nos collègues Viviane Malet, Nassimah Dindar, Catherine Conconne et Victorin Lurel.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.
M. Georges Patient. Je suis surpris des explications fournies par notre collègue Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer.
Je suis – vous le voyez bien – membre du groupe La République En Marche. Si j’insiste ce soir, cela ne signifie pas que j’ai cessé d’appartenir à ce groupe. Simplement, comme je le fais depuis plus d’un mois, j’essaie de prévenir notre assemblée contre les effets de cette réforme sur la Guyane, mais aussi sur les autres territoires.
Cette réforme n’est pas aboutie ; nous l’avons tous constaté. Si elle l’était, cela signifierait que l’on nous cache quelque chose : jusqu’à présent, les simulations ne nous ont pas été fournies.
Prenons le cas de la Guyane, qui semble déranger notre collègue Michel Magras…
M. Michel Magras. Pas du tout !
M. Georges Patient. … et qui empêcherait toute évolution pour les autres territoires. J’ai présenté l’amendement n° 561, qui vise à supprimer la partie de l’article 8 qui concerne les outre-mer, mais aussi l’amendement n° 560 – c’était même ma première proposition –, qui tend simplement à exclure la Guyane du champ de cet article.
En effet, le Président de la République et Mme la ministre avaient pris l’engagement de faire en sorte que la Guyane bénéficie d’un traitement spécifique, compte tenu de tous ses handicaps. Or, à l’arrivée, tel n’est pas le cas, et les entreprises de Guyane s’en trouvent toutes pénalisées.
J’ai entendu Mme la ministre affirmer qu’il y aurait des gagnants et des perdants. Pour ma part, je peux montrer 1 048 simulations issues d’entreprises de Guyane appartenant à tous les secteurs : ces entreprises sont pénalisées, elles sont perdantes ! Le périmètre est constant. Dès lors, si les entreprises guyanaises sont pénalisées, cela signifie-t-il que d’autres sont avantagées ? Qu’on me le dise !
Je ne suis pas parvenu à obtenir ces chiffres, qui ne peuvent pas m’être communiqués. Je me suis rendu à plusieurs reprises au ministère des outre-mer, en compagnie de représentants des organisations socioprofessionnelles. Des promesses ont été faites quant à la communication de ces chiffres. Or, jusqu’à maintenant, cela n’a pas été fait !
Moi aussi, j’ai des comptes à rendre à ma population. Demain, il faut le savoir, toutes les organisations socioprofessionnelles de Guyane se réuniront à la chambre de commerce et toutes les associations dans un grand hôtel, pour relancer le processus que nous avons connu il y a un an. Je n’ai pas envie de revoir cela ! C’est pourquoi j’appelle régulièrement les collaborateurs de Mme la ministre pour les sensibiliser à la situation particulière de la Guyane.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Georges Patient. Si vous ne voulez pas que l’on supprime ce régime, mes chers collègues, votez au moins l’amendement n° 560, par lequel nous demandons que la Guyane soit sortie du champ de cet article.
M. Michel Amiel. Dans ce cas, il faut retirer l’amendement n° 561 !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis extrêmement sensible à tous les arguments développés par nos collègues ultramarins. Ils appellent à la réflexion et, surtout, ils nous livrent une expertise, tout en exprimant une exigence minimale pour les parlementaires que nous sommes : bénéficier de données chiffrées et d’évaluations. Toutes et tous, quels que soient leurs territoires, demandent ainsi à mener un échange d’expertise avec le Gouvernement, afin que celui-ci, en retour, les écoute et les prenne en compte. Je trouve que c’est extrêmement fort !
Évidemment, je n’ai pas la prétention de connaître les territoires ultramarins aussi bien que mes collègues. Cela dit, j’ai mené des missions sur la santé et, notamment, l’hôpital à La Réunion, en Guadeloupe et en Guyane, et j’ai été extrêmement frappée par la situation très difficile que vivent ces territoires – je ne veux parler que de ceux où je me suis rendue.
J’estime que l’actuel gouvernement, comme d’ailleurs ceux qui l’ont précédé, porte la responsabilité d’avoir laissé ces territoires subir des fractures, notamment sociales, très importantes par rapport à l’Hexagone. C’est pourquoi je suis sensible aux arguments qui nous sont donnés ce soir ; avec l’ensemble de mon groupe, j’appelle Mme la ministre à y être attentive.
Nos collègues demandent, au travers notamment des amendements défendus par Georges Parient, que l’on suspende l’application de ce texte dans leurs territoires. Pour notre part, nous voterons en faveur de ces deux amendements.
M. Alain Joyandet. Si le premier est adopté, le second tombera !
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. Le débat que nous avons ce soir est presque surréaliste. Il met surtout en exergue les divisions des outre-mer, au vu et au su de tout le monde. Nos territoires ultramarins ne sont pas uniformes : La Réunion ne ressemble pas à la Guyane, qui ne ressemble pas à Saint-Martin, qui ne ressemble pas à la Guadeloupe ou à la Martinique. Et allez voir encore les territoires du Pacifique !
Ce soir, nous avons simplement fait part de la gravité de la situation. Au moment où je vous parle, cela fait deux jours que le rectorat de la Guyane est bloqué. Au moment où je vous parle, les associations qui étaient l’an dernier à la tête des manifestations sont en train de reprendre une certaine force, car elles considèrent que l’État et le Gouvernement n’apportent pas de réponses claires à la gravité de la situation de nos territoires et, en particulier, de la Guyane.
Je veux reprendre la phrase célèbre de mon ami et collègue Paul Vergès, qui a été le doyen du Sénat : « Nous sommes, sur nos territoires, à portée de gifle des manifestants ! » On ne nous pardonnera pas ce qui va se passer ; nous avons, nous aussi, des comptes à rendre, et ce n’est pas par un exercice de voltige que l’on réglera les problèmes de l’outre-mer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je ne suis pas sûr que, quand nous avons examiné hier soir en commission l’ensemble de ces amendements, la totalité des membres de la commission aient tout compris.
M. Michel Forissier. En effet !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Nos votes ont eu lieu dans une certaine précipitation, sans que nous examinions l’ensemble des enjeux qui pouvaient naître sur ce sujet. Ce soir, ceux d’entre nous qui ne connaissent pas les territoires d’outre-mer, ou qui ne les connaissent que de loin, n’ont sans doute pas non plus tout compris à l’ensemble des problèmes qui se posent.
Si, à la suite de la commission des affaires sociales, nous adoptions l’amendement n° 561 de M. Patient, les autres amendements en discussion commune n’auraient plus d’objet, et le Sénat ne pourrait plus vraiment faire grand-chose pour améliorer la situation des territoires d’outre-mer.
J’entends bien aussi que, si le Sénat ne prenait aucune décision, bonne ou mauvaise, pour définir ce qui pourrait être, par la suite, l’action du Gouvernement, il n’aurait plus son mot à dire dans les quinze jours qui viennent. De fait, madame la ministre, au sein de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous prendrons d’autres dispositions qui, de toute évidence, ne survivront pas à une commission mixte paritaire conclusive, bien au contraire.
Je serais donc plutôt d’avis de rejeter l’amendement n° 561, afin que le Sénat puisse au moins exprimer une position ; laquelle, cela reste à définir. Ainsi, dans les quinze jours qui viennent, madame la ministre, nous pourrons discuter avec vous et avec l’Assemblée nationale sur le projet que vous voulez mettre en œuvre dans les territoires d’outre-mer.
Par ailleurs, madame la ministre, je vous ai bien écoutée et j’ai été quelque peu surpris par vos propos. Vous avez déclaré espérer mettre en place un projet dans les quinze jours qui viennent, lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. C’est oublier que vous êtes au Sénat : il serait bon que vous incluiez notre assemblée dans ces discussions ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. Au vu de la manière dont le débat s’est organisé autour de ces amendements et des nombreux sujets en cause, je n’ai pu entrer dans le détail de chaque proposition. Je reconnais que chacune d’elles aurait pu donner lieu à un débat et, ainsi, à une avancée sur chaque sujet. Vous avouerez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il y a de tout dans cet ensemble d’amendements !
Chacun le comprend, ces dispositions expriment toutes les difficultés des territoires d’outre-mer. Ce n’est pas moi, qui suis Ultramarine, qui vous dirai le contraire ! Oui, madame Cohen, les territoires d’outre-mer connaissent des situations très difficiles. Lors des Assises des outre-mer, notamment, l’ensemble des hommes et des femmes qui vivent sur ces territoires ont pu s’exprimer. Toutes les problématiques ont été évoquées, notamment les questions de santé, que vous avez évoquées.
Quand on s’occupe des territoires d’outre-mer, on voit bien combien ils sont différents les uns des autres : ils se trouvent dans des bassins maritimes différents, ils ont des voisins différents, leurs cultures sont différentes. Même des territoires très proches, tels que La Réunion et Mayotte, ne sont pas comparables, parce que ni leur histoire ni leurs conditions économiques et sociales ne sont les mêmes. Il est important de le rappeler.
Il est vrai que, pour La Réunion, la départementalisation a été une réussite, mais peut-on se satisfaire aujourd’hui d’une situation où ce territoire abrite 140 000 demandeurs d’emploi, c’est-à-dire autant, sinon plus, qu’en Seine-Saint-Denis, dont la population est le double ? On voit donc bien que l’on a encore un énorme travail à faire, et c’est exactement la même chose dans d’autres territoires. Comme je le rappelais, plus de 40 % des jeunes, dans certains territoires d’outre-mer, sont demandeurs d’emploi ; la plupart du temps, ils ne sont pas formés.
Je crois honnêtement qu’il y a là matière à un vrai débat. Il s’agit ici d’un choc non pas fiscal, mais bien social : c’est bien ce que nous portons au travers de cette réforme sociale et économique. Je crois qu’il est important de pouvoir le rappeler.
Je n’ai pas parlé de Saint-Martin, parce que, là encore, ce problème s’inscrit dans un ensemble. Monsieur Arnell, vous avez formulé une proposition ; le monde économique me demande, comme pour d’autres territoires, le retrait de la réforme pour Saint-Martin.
Nous devons avoir un débat autour de cette question dans les jours qui viennent. Je souhaiterais pouvoir démontrer au monde économique de Saint-Martin ce que vous avez déjà compris, monsieur Arnell, à savoir combien il est important d’accepter cette réforme, et que Saint-Martin sera gagnant en bout de course, notamment une fois que l’on aura fini le débat sur la modification des seuils, puisque l’on s’est engagé à une telle mesure.
Sur les chiffres, monsieur Patient, vous avez raison de dire que je suis un peu gênée. En effet, je ne peux pas produire les chiffres demandés, territoire par territoire, secteur par secteur, parce que ce secret s’oppose à moi. Même en tant que ministre, je n’ai pas accès à ces données. Je dispose des éléments macroéconomiques relatifs à l’ensemble des territoires et des secteurs, mais je ne puis entrer dans la finesse de chaque exercice.
Le même problème se pose au niveau national, comme j’ai pu le constater lors de mon arrivée ce soir dans cet hémicycle : certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, interrogeaient le Gouvernement sur des questions relatives à certains secteurs d’activité dans vos circonscriptions. C’est ici la même chose : je ne puis répondre que si chaque entreprise, chaque secteur, chaque territoire vient m’interroger avec ses propres chiffres ; alors seulement, je peux dire si, oui ou non, le modèle utilisé est le même. Je puis vous avouer que c’est la vraie difficulté que je rencontre.
Dès lors, je ne parviendrai pas forcément à vous donner dans les quinze prochains jours l’ensemble des données. Néanmoins, durant cette période, je vais travailler avec tous ceux qui, depuis déjà des mois, se livrent à un exercice de comparaison des modèles et de calcul des besoins relatifs aux modifications de seuils. Oui, certains seuils seront modifiés, mais il faut, malgré tout, mener un débat à ce sujet.
C’est pourquoi, ce soir, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de me donner un peu plus de temps pour le faire. Je le répète, je ne puis répondre sur chaque amendement tendant à modifier les seuils, parce que je ne dispose pas de tous les chiffres nécessaires pour pouvoir le faire, et je n’ai pas encore pu mener de comparaisons avec les données que me communiqueront à nouveau les différents secteurs.
Rappel au règlement
M. Victorin Lurel. Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Victorin Lurel. Sur l’article 36, madame la présidente.
Mme la présidente. Je vous donne la parole, mon cher collègue, pour un rappel au règlement.
M. Victorin Lurel. J’aimerais savoir dans quelles conditions nous travaillons !
Je viens d’entendre un président de commission désavouer son rapporteur général en faisant mine de croire que nous n’avons pas compris ce qui s’est passé.
Je viens d’assister à une division des territoires : un collègue ne veut pas que l’amendement visant Saint-Barthélemy devienne sans objet, alors que ce que notre collègue Georges Patient nous propose est rationnel.
En quinze jours, madame la ministre – tel est le sens du compromis –, vous aurez tout pu mettre à plat. Si nous adoptons l’amendement n° 561, vous aurez le temps de voir tout le monde et de faire la navette. Vous aurez le temps de travailler !
Aussi, pourquoi refuser l’adoption de cet amendement ? Est-ce pour préserver quelques intérêts territoriaux que l’on ne peut régler globalement le problème et respecter le Parlement ? Que la commission, son président et son rapporteur général s’entendent, et que l’on ne vienne pas ici faire état de divisions ! Pour ma part, je demande que nous adoptions l’amendement n° 561.
Mme la présidente. Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue, même s’il ne faut pas trop utiliser de cette façon cette procédure…
Article 8 (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cette discussion est passionnée et passionnante. Elle est compliquée, mais aussi, à certains égards, très importante pour les territoires ultramarins et leur économie.
Monsieur Lurel, le Gouvernement n’a pas d’influence particulière sur les votes du Sénat ; cela se saurait ! Les sénateurs voteront en leur âme et conscience, informés par des débats qui, à mes yeux, ont été éclairés.
Nombre de ces amendements ont certes pour thématique les exonérations issues de la loi pour le développement économique des outre-mer, ou LODEOM, mais ils sont très différents les uns des autres, que ce soit par les personnalités qui les ont portés, par leurs conséquences sur le texte, par leur finalité, ou par les milieux économiques affectés.
Puis-je donc vous demander, madame la présidente, si vous comptez les mettre aux voix un par un en rappelant, pour chacun d’entre eux, l’avis de la commission et du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur le ministre, si ces amendements ont fait l’objet d’une discussion commune, le vote se fait amendement par amendement.
Afin que les votes se déroulent de la manière la plus claire et que nos collègues aient la meilleure compréhension possible du débat, je demanderai, pour chaque amendement, que la commission et le Gouvernement rappellent leurs avis.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous rappeler l’avis de la commission sur l’amendement n° 561 ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je crois l’avoir dit suffisamment : il est favorable !
Mme la présidente. Quant à l’avis du Gouvernement, je rappelle qu’il est défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 561.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission avait émis un avis favorable sur l’amendement n° 561. En effet, son adoption me paraissait la meilleure façon de régler ce problème, qui est, on l’a bien vu, d’une extrême complexité, et dont la solution n’est pas aboutie. On s’engage donc à présent dans une série de votes surréalistes…
M. Alain Joyandet. Mais c’est fait, c’est voté !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Certes ! Cela dit, dès lors que l’amendement n° 561 a été rejeté, on peut adopter tous les autres amendements. Pour ma part, je ne prends plus la responsabilité de m’exprimer au nom de la commission.
Vous êtes-vous rendu compte, mes chers collègues, des mesures visées par ces amendements ? Faire passer les seuils d’une à quatre fois le SMIC, cela va coûter des fortunes ! Alors, allez-y de bon cœur ! De toute façon, tout sera rétabli dans le désordre par l’Assemblée nationale. (Exclamations.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote sur l’amendement n° 560.
M. Georges Patient. Mon amendement n° 561 semblait gêner. L’amendement n° 560, quant à lui, ne vise que la Guyane. Nous pouvons donc le voter, puisque nous avons tous reconnu qu’il fallait un régime spécifique pour la Guyane. Ainsi, cette dernière sera exclue du dispositif.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 612 et 209 rectifié n’ont plus d’objet.
Avant de mettre aux voix l’amendement n° 199 rectifié bis, je souhaiterais que soit rappelés les avis de la commission et du Gouvernement.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je suis favorable à tous les amendements ! Certes, j’essaie de me conformer aux choix de la commission, mais celle-ci n’a pas été suivie. À titre personnel, j’émets donc un avis favorable sur tous les amendements restant en discussion. (Exclamations.)
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’amendement n° 36 rectifié, je souhaiterais que soient rappelés les avis de la commission et du Gouvernement.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À titre personnel, j’y suis favorable, comme à tous les autres amendements. La commission ne s’est pas prononcée à proprement parler, puisqu’elle avait donné un avis favorable sur l’amendement n° 561.
Nous avons été battus, mes chers collègues, parce que vous n’avez pas voulu suivre la commission. Aussi, prenez vos responsabilités !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente. Madame la ministre, pouvez-vous rappeler l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 433 rectifié ?
Mme la présidente. Madame la ministre, pouvez-vous rappeler l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 432 rectifié ter ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. S’il est satisfait, peut-être y a-t-il lieu de le retirer…
Mme la présidente. Madame Jasmin, l’amendement n° 432 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement concerne les employeurs privés. Selon Mme la ministre, il est satisfait. N’ayant pas le temps de vérifier ses dires, je m’en remets à sa parole. Si, après vérification, tel n’est pas le cas, je le ferai savoir ! (Sourires.)
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 432 rectifié ter est retiré.
Madame la ministre, pouvez-vous rappeler l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 282 rectifié ?
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 212 rectifié n’a plus d’objet.
Madame la ministre, pouvez-vous rappeler l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 196 rectifié ?
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 297 rectifié bis n’a plus d’objet.
Madame la ministre, pouvez-vous rappeler l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 562 ?
Mme la présidente. Madame la ministre, pouvez-vous rappeler l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 295 rectifié bis ?
Mme la présidente. Madame la ministre, pouvez-vous rappeler l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 296 rectifié bis ?
Mme la présidente. Madame la ministre, pouvez-vous rappeler l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 208 et 438 rectifié bis ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 208 et 438 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, je vous mets face à vos responsabilités. Si je me réfère à l’objet des amendements identiques nos 208 et 438 rectifié bis, les dispositions prévues portent sur les fourchettes d’exonération dans tous les territoires d’outre-mer. Elles ont donc un coût.
Madame la ministre, vous avez dit maîtriser les chiffres macroéconomiques. Pouvez-vous nous les donner ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Par ailleurs, les amendements identiques nos 213 et 436 rectifié bis tendent à fixer le point de sortie des charges sociales patronales à trois fois le SMIC…
Mme la présidente. Madame la ministre, pouvez-vous rappeler l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 213 et 436 rectifié bis ?
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Ce que nous sommes en train de faire est parfaitement cohérent, à mon sens.
Lors de mon intervention, j’ai clairement indiqué que des discussions sur les seuils étaient en cours avec les professionnels. Madame la ministre, vous ne pouvez pas le nier, vous l’avez d’ailleurs confirmé. (Mme la ministre acquiesce.)
Pour ma part, j’ai simplement demandé au Sénat de voter ces amendements identiques, issus des deux côtés de l’hémicycle : ce que propose Mme Malet, Mme Conconne le propose ; ce que propose Mme Dindar, M. Lurel le propose. Leur adoption permettra un débat en commission mixte paritaire, même si deux points de vue différents sur les seuils s’affronteront : celui de l’Assemblée nationale et celui du Sénat. À l’issue des discussions qui auront eu lieu chez la ministre, la commission mixte paritaire pourra trancher librement.
Monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, je souhaite revenir sur les coûts que vous évoquez. Pour mémoire, le système actuel pour les personnes qui bénéficient du CICE s’éteint à 3,5 fois le SMIC pour les entreprises qui bénéficient du CICE et à 4,5 fois le SMIC pour celles qui n’en bénéficient pas.
Mme Nassimah Dindar. C’est exact !
M. Michel Magras. Par conséquent, ce que nous proposons ce soir n’engage pas de dépenses supplémentaires.
Mme Nassimah Dindar. Oui !
M. Michel Magras. Cette mesure est même en dessous de ce qui existe aujourd’hui. Au contraire, les sommes issues du CICE auraient dû être ajoutées dans les exonérations de charges, non celles qui sont prévues par la LODEOM, mais les exonérations de charges telles que vous les avez définies à l’échelon national, pour compléter la volonté du Gouvernement d’agir sur les bas salaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme Nassimah Dindar. C’est exactement cela !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. Je ne voudrais pas que l’on fasse peur. Avec son amendement, Mme Malet ne propose rien d’autre que l’existant. Mes chers collègues, vous avez tout simplement voté le maintien de ce qui existe aujourd’hui dans la LODEOM. Il ne s’agit pas de 20 millions d’euros supplémentaires. Ce serait mentir que de soutenir cela.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je souhaite revenir sur un certain nombre de points. Le débat a été nourri. Le Sénat adopte un certain nombre d’amendements. Une discussion est en cours entre Mme la ministre, les organisations socioprofessionnelles et les élus ultramarins.
Sans être Nostradamus, on peut imaginer que la commission mixte paritaire sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne sera pas conclusive. Ce n’est pas bien grave : une nouvelle lecture, donc une nouvelle discussion, aura lieu.
Toutefois – les élus ultramarins le savent bien, eux qui ont suivi nos discussions, notamment sur les crédits budgétaires qui relèvent de la mission « Outre-mer » –, la situation est la suivante : il y a moins de niches fiscales.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, nous aurons sans doute le même débat autour de l’impôt sur le revenu et des dispositions relatives aux niches fiscales dans ce cadre. Certes, cela ne s’appliquera pas partout, ni à Saint-Barthélemy, monsieur Magras, ni en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie, puisque ces territoires ont des fiscalités propres. En revanche, cela concernera tous les territoires où s’applique la fiscalité nationale.
Nous aurons donc ce débat, comme nous avons ce soir celui sur les niches sociales, puisque c’est de cela que nous parlons. Il y a partout sur le territoire national des niches sociales ; il y en a particulièrement, et c’est normal, dans les territoires ultramarins en raison des spécificités de ces derniers.
En revanche, monsieur Magras, je suis en désaccord avec vous, comme je le suis avec Mme la sénatrice de La Réunion : il n’est pas vrai de dire que ce ne sont pas des dépenses supplémentaires ou des recettes en moins supplémentaires qui dégradent les comptes publics.
Qu’avons-nous fait ? Nous avons proposé – on peut ne pas être d’accord – moins de niches sociales et moins de niches fiscales pour les transformer en crédits budgétaires pour la mission « Outre-mer ». Dans le projet de budget que nous vous présentons, nous avons prévu une augmentation de 20 % de crédits pour les outre-mer. Nous transformons donc des dépenses fiscales en crédits budgétaires.
L’un des problèmes des outre-mer – je dis bien des outre-mer, parce que la réalité est très différente selon les territoires et, comme je n’y vis pas, je ne voudrais pas faire de leçons de morale en matière de comptabilité publique –, c’est que, depuis très longtemps, le ministère en charge de ces territoires s’appuie essentiellement sur des dépenses fiscales et sociales ; il dispose de peu de crédits budgétaires.
Aussi, lorsque des interventions sur le terrain s’imposent, nous sommes liés par un certain nombre de niches fiscales et sociales, dont nous pensons qu’elles ne sont pas toutes efficaces. Sur l’impôt sur le revenu, c’est assez largement démontré, puisque seuls 4 % des plus riches en profitent – je ne m’attarde pas sur ce sujet, si vous en êtes d’accord, car nous aurons largement l’occasion d’en débattre lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019.
Pour ce qui est des niches sociales, nous profitons de la bascule du CICE. M. Lurel a raison de dire que, puisque le Gouvernement a supprimé le CICE, si vous n’adoptez pas des amendements, des difficultés surgiront l’année prochaine. Il faut savoir où placer le curseur, et c’est tout l’objet de cette discussion.
Reste que, si vous maintenez des exonérations qui existaient auparavant et que nous faisons de la dépense publique supplémentaire par des crédits budgétaires, la situation ante demeurant, comme nous ne reprendrons pas les crédits budgétaires dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, on a bien de la dépense publique en plus ou des niches fiscales ou sociales en plus. À moins naturellement que vous nous proposiez des suppressions de crédits pour la mission qui vous concerne ; dans ces conditions, je veux bien revenir tard dans la nuit, dans les prochaines semaines pour le constater moi-même, monsieur Lurel, mais je doute qu’un tel amendement vienne de vos rangs…
Bien sûr, votre vote est souverain, mesdames, messieurs les sénateurs, mais il est impossible de soutenir que la situation est pareille avant et après, puisque vos décisions se traduisent par un coût budgétaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, je suis en désaccord persistant avec vous. Bien sûr, nous aurons un débat sur le projet de loi de finances et la réfraction de l’impôt.
Que disons-nous ? Vous prévoyez à peu près 569 millions d’euros en dépenses fiscales sur ce sujet et mettez 296 millions d’euros dans la mission budgétaire « Outre-mer », mais il n’y a pas un centime d’argent frais. Il est vrai que, aujourd’hui, on peut sortir du régime spécifique d’exonération de charges patronales à 4,5 fois le SMIC lorsque l’on n’est pas bénéficiaire au titre des secteurs prioritaires.
Il faut que mes collègues sachent que la réforme qui est proposée, c’est la sortie du dispositif non plus à 3,5 fois le SMIC, mais à 2,4 fois le SMIC. Entre 1,6 fois le SMIC et 2,4 fois le SMIC, c’est étal.
Monsieur le ministre, vous dites qu’il y a une équivalence entre le CICE, tel qu’il existe aujourd’hui, et les allégements de charges qui nous sont proposées. Je n’en crois pas un mot, pas un seul ! En effet, dans votre simulation et les études d’impact que vous nous avez données, vous n’en avez pas fait la démonstration. Ce n’est ni documenté ni étayé.
Même si je suis en général en désaccord avec Michel Magras, je pense qu’il a raison sur ce point : on peut voter cette disposition – on l’a fait, du reste – et vous trouverez, je l’espère, monsieur le ministre, un compromis raisonnable.
M. Victorin Lurel. Admettez que vous n’avez pas fait en amont le travail de concertation préalable. Vous n’avez pas respecté le Parlement, ni les députés ni les sénateurs.
Ayez l’humilité – ce n’est pas une faiblesse –…
M. Victorin Lurel. … de reconnaître que ce travail n’a pas été fait, que les Assises des outre-mer avaient été déjà prédéterminées et prédécidées, que l’on avait déjà supprimé la TVA non perçue récupérable, fait la réfraction d’impôts, supprimé la dégressivité des charges patronales de sécurité sociale.
Pour ma part, je demande que nous votions et que nous trouvions au cours de la navette parlementaire, comme vous l’avez proposé et dans le délai que vous avez fixé, monsieur le ministre, un accord et un équilibre qui soient plus raisonnables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Monsieur le ministre, s’il est des termes que je n’aime pas, ce sont bien ceux de niche fiscale et de niche sociale. Ces notions sont connotées.
Nous avons des territoires différents. On me parle d’égalité, voire d’égalité réelle, mais lorsqu’un département comme la Martinique – je parle de celui que je connais le mieux – affiche un taux de chômage qui oscille entre 20 % et 25 %, on est forcé d’avoir des mesures de correction.
Mme Catherine Conconne. Cela s’appelle l’équité. Cela s’appelle retrouver des marges de manœuvre pour sortir la tête de l’eau.
Parler de niche fiscale ou de niche sociale renvoie à un registre lexical qui sème le doute et donne à la terre entière l’impression que ce sont des petits arrangements dans lesquels on se vautre.
Mme Catherine Conconne. C’est bien connu, les niches, on se vautre dedans. Ce sont des effets d’aubaine. Non ! Si l’on n’a pas ces dispositifs, on crève, monsieur le ministre ! Il faut le savoir.
Ces niches ne sont pas un petit service rendu aux riches, comme je l’ai entendu, pour qu’ils puissent payer moins d’impôts. C’est une obligation de la République que de garantir l’égalité à tous ses enfants ; sinon, ce n’est pas la peine d’être Français. C’est une obligation de la République que de rétablir les équilibres et un minimum d’équité. Aussi, de grâce, n’utilisons pas ces termes.
Par ailleurs, Mme la ministre a pris un certain nombre d’engagements. Il est surtout question de quinze jours. Quoi ? Comment ? Quand ? Y aura-t-il une nouvelle convocation des élus ? Je suis prête à y répondre. Y aura-t-il une nouvelle concertation entre les élus et les organisations socioprofessionnelles ? Y aura-t-il des corrections sur un certain nombre de dispositions qui partent peut-être d’un bon sentiment, mais on sait que l’enfer est pavé de bonnes intentions ? Comment faisons-nous pour nous revoir, et quelles sont les garanties qui nous sont désormais données sur ces quinze jours ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame la présidente, je ne préside pas la séance, mais il est zéro heure treize et je ne pense pas que, à cette heure, nous allons engager le débat sur le dispositif « travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi » ou TO-DE. Nous allons finir le débat sur l’outre-mer.
Madame Conconne, permettez-moi de vous répondre, car je ne peux pas tout à fait entendre ce que vous dites, même si cela ne veut évidemment pas dire qu’il n’est pas possible d’avoir des différends sur ce que propose le Gouvernement. Vous avez tenu des propos totalement contradictoires.
Tout d’abord, ce n’est pas moi qui ai choisi les expressions de « niche fiscale » et de « niche sociale ». Elles sont utilisées partout, pour tous les territoires.
Mme Catherine Conconne. C’est connoté !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne connais pas très bien votre territoire, madame la sénatrice, je ne suis pas sûr que vous connaissiez très bien le mien. Cela ne nous empêche pas pour autant de nous respecter.
Madame la sénatrice, vous ne pouvez pas dans la même phrase exiger le maintien des niches fiscales, dont sont bénéficiaires ceux qui payent l’impôt sur le revenu – les niches sociales, c’est encore autre chose, elles concernent les entreprises – et reconnaître qu’il y a plus de 50 % des personnes qui – c’est tout à fait vrai – connaissent des difficultés sociales très fortes dans votre territoire et sont sous le seuil de l’impôt sur le revenu.
Les niches fiscales profitent à ceux qui payent l’impôt sur le revenu. Et les crédits budgétaires aident en général la population dans son intégralité.
Mme Catherine Conconne. Ce sont des mesures d’équité !
M. Gérald Darmanin, ministre. Oui, c’est cela, l’équité : avoir plus de crédits budgétaires pour l’outre-mer et un peu moins de niches fiscales. En effet, les crédits budgétaires profitent à tous, alors que les niches fiscales ne profitent qu’à ceux qui payent l’impôt sur le revenu. Après, il doit y avoir un équilibre – je suis mille fois d’accord avec vous.
Annick Girardin a raison : du point de vue philosophico-politique, s’il devait y avoir des contestations, elles devraient venir de l’autre côté de l’hémicycle plutôt que du vôtre. Prévoir des crédits budgétaires à la place des niches fiscales, c’est plutôt une réforme sociale.
Mme Catherine Conconne. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre !
M. Gérald Darmanin, ministre. Mais je comprends très bien !
Madame la sénatrice, tout d’abord, même à cette heure tardive, on peut faire preuve d’un peu d’humour, ce n’est pas très grave. Par ailleurs, quand bien même j’ai très bien compris ce que vous dites, permettez-moi de ne pas être convaincu par vos propos.
Mme Catherine Conconne. Vous faites semblant !
M. Gérald Darmanin, ministre. Non ! La niche fiscale profite à ceux qui payent l’impôt. L’un des problèmes de votre territoire, c’est que de nombreux foyers ne le payent pas, en raison des fortes difficultés sociales qui existent. C’est pour cela qu’il faut des crédits budgétaires, et pas des niches.
Mme Catherine Conconne. Je parle des niches sociales !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. Cette réforme est compliquée, tout le monde l’a bien compris. Elle transforme en profondeur les territoires d’outre-mer. Il était donc évident que ce débat aurait lieu. Il doit se poursuivre, car cette réforme suscite des inquiétudes. C’est légitime, il faut les entendre, et je les entends.
N’en déplaise à certains, voilà un an et demi que je coconstruis avec ceux qui sont présents aujourd’hui. Beaucoup – peut-être pas tous – sont venus débattre avec moi de ces dossiers. Il faut maintenant que l’on trouve un bon point d’équilibre.
Pourquoi quinze jours ? C’est le temps que je me suis donné avec les entreprises pour parvenir, par nos différents modes de calcul, à des chiffres sinon communs, du moins acceptés par les uns et par les autres. Voilà ce qui se passera pendant les quinze premiers jours.
Ensuite, au regard des mesures que nous pourrons prendre en accord avec les entreprises, il sera important de revenir vers les élus de l’Assemblée nationale et vous-mêmes, au Sénat, pour vous tenir informés de ce qui a été convenu avec les socioprofessionnels et entendre vos corrections, vos remarques ou vos dernières propositions avant que nous puissions, ensemble, défendre cette réforme, qui, sur le fond, est véritablement de gauche. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’en suis d’ailleurs assez fière, je l’assume. En effet, il y a beaucoup de social dans cette réforme, et même énormément, et vous y contribuez, mesdames, messieurs les sénateurs. Je me suis rendu compte aujourd’hui que vous étiez beaucoup plus à la pointe que d’autres sur ces sujets. Cela m’a beaucoup étonnée, parce que je connais beaucoup d’entre vous depuis très longtemps. Certaines positions qui se sont exprimées ce soir m’ont surprise.
Mme Catherine Conconne. Merci de ces précisions !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 213 et 436 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 70 amendements au cours de la journée ; il en reste 356.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 novembre 2018, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106, 2018-2019) ;
Rapport de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général, Mme Catherine Deroche, MM. Bernard Bonne, Gérard Dériot, René-Paul Savary et Mme Élisabeth Doineau, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 111, 2018-2019) :
- Tome I : exposé général ;
- Tome II : examen des articles ;
- Tome III : tableau comparatif ;
Avis de M. Alain Joyandet, fait au nom de la commission des finances (n° 108 ; 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 14 novembre 2018, à zéro heure vingt.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD