Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel.
M. Michel Amiel. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’allocation aux adultes handicapés a pour vocation de garantir un minimum de ressources aux personnes handicapées ne disposant d’aucun revenu ou ayant de faibles revenus.
Cette allocation est subsidiaire : avant d’en demander le bénéfice, la personne handicapée doit faire prioritairement valoir ses droits, soit à l’invalidité, dans le cas de la pension d’invalidité, soit aux avantages vieillesse ; ce n’est que si les droits à l’assurance vieillesse ou à l’invalidité perçue par le demandeur se révèlent inférieurs au montant de l’AAH qu’elle pourra en bénéficier. Elle est différentielle : son montant s’ajuste aux autres revenus perçus par l’allocataire après divers abattements. Elle est familiarisée : elle tient compte de la composition du foyer de l’allocataire. Elle est non contributive : elle est versée sans contrepartie de cotisations. Elle relève de la solidarité.
La proposition de loi pose un problème à la fois de financement, du fait du montant de l’allocation, mais surtout de nature de ce que doit être l’AAH. Doit-elle être considérée comme une aide individualisée ? C’est ce que suggère la proposition de loi du groupe CRCE, qui vise à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH, supprimant de ce fait l’articulation entre solidarité nationale et solidarité familiale, notamment la solidarité entre époux, pourtant reconnue par le droit civil, comme Mme la secrétaire d’État le rappelait.
Cette logique de solidarité nationale ou familiale s’articule aussi avec une logique de compensation, sans considération de ressources ou de foyer, et qui indemnise le préjudice subi par la personne handicapée. L’indemnisation est assurée par la prestation de compensation du handicap, la PCH, versée par les conseils départementaux, un dispositif situé hors du champ de la présente proposition de loi. Pourrait ainsi se poser la question de savoir si l’AAH, qui fait partie des minima sociaux, devrait devenir une prestation compensatoire.
Venons-en aux chiffres. Conformément à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, le montant de l’AAH est passé de 810 euros à 819 euros au 1er avril 2018. Il passera à 860 euros, puis à 900 euros au 1er novembre 2019. Cela représente un investissement total de 2 milliards d’euros.
L’augmentation s’est en effet accompagnée d’un abaissement du plafond des revenus pour un couple, avec toutefois un coefficient de 1,9 pour l’AAH, contre 1,5 pour le RSA en 2018, et 1,8 en 2019. En d’autres termes, le montant de l’allocation a augmenté, mais le taux de cumul a diminué.
L’objectif du gel du plafond est de faire bénéficier de l’augmentation ceux qui en ont le plus besoin, en particulier les personnes seules.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas la proposition de loi. De surcroît, celle-ci n’aborde le sujet – cela a été souligné – que de manière parcellaire et quelque peu réductrice, même si l’intention est évidemment louable.
Reste à poursuivre le chantier engagé sur la question plus générale des minima sociaux et la réflexion sur la reconnaissance de la spécificité de l’AAH telle que voulue, par exemple, par l’Association des paralysés de France. Reste au-delà à mettre en œuvre une véritable réflexion sur la place des personnes handicapées, en particulier les personnes handicapées vieillissantes, sans doute les plus démunies ; selon moi, elles devraient bénéficier de structures d’accueil spécifiques. Reste enfin, dans le cadre de la refonte des minima sociaux autour peut-être du revenu universel d’activité, à réfléchir à la notion de minima sociaux différenciés en fonction de critères objectifs selon l’âge, les territoires, le statut des bénéficiaires.
D’une manière plus générale, le but vers lequel il faut tendre est que plus personne ne vive sous le seuil de pauvreté.
Mme Noëlle Rauscent. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe a fait le choix de déposer au Sénat la proposition de loi qui a été portée à l’Assemblée nationale par notre amie et collègue députée Marie-George Buffet, du groupe Gauche démocrate et républicaine.
Comme cela a été souligné, le texte a été cosigné par des députés issus de groupes politiques extrêmement divers, allant des Républicains à la France insoumise, en passant par l’UDI, le Modem et les socialistes ; il a même été signé par des députés du groupe La République En Marche. Nous pensions donc pouvoir trouver un accord pour faire avancer les droits des personnes en situation de handicap au Sénat.
Alors qu’il y avait à l’évidence un large rassemblement sur le sujet, nous avons été surpris et déçus par le vote négatif de la commission des affaires sociales du Sénat sur notre proposition de loi, dont l’auteur est mon amie Laurence Cohen.
Nous avons bien entendu les arguments de la majorité sénatoriale, qui reproche notamment le coût de la mesure et préférerait une refonte complète de l’ensemble des dispositifs existants, au lieu de se limiter, comme nous le proposons, à la suppression de la prise en compte des revenus des conjoints dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés.
Mes chers collègues, oui, notre proposition de loi a un coût ! Oui, une réforme globale des aides sociales pour lutter contre le non-recours est indispensable ! Mais notre objectif est avant tout d’envoyer un signe positif aux personnes en situation de handicap, qui, malheureusement, se sentent trop souvent rejetées et regardées comme des citoyens de seconde zone dans notre pays.
Il faut remettre de l’humain au cœur des décisions politiques et en finir avec le sentiment de mépris que subissent les personnes en situation de handicap, auxquelles on a promis l’égalité en 2005. Nous devons faire un geste pour leur rendre la dignité qui leur est due.
Le Président de la République a effectivement dit que le handicap était une priorité de son quinquennat. Mais, au-delà des paroles, il faut passer aux actes.
Après l’annonce de la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés à 900 euros à grand renfort de communication par le Gouvernement, les personnes handicapées – faut-il le rappeler ? – ont subi depuis un an une série de reculs : suppression du complément de ressources au 1er janvier 2019, soit 179 euros en moins chaque mois pour les futurs allocataires ; baisse de l’obligation de 100 % à 20 % de logements neufs accessibles dans la loi ÉLAN ; suppression de la prise en charge des sorties thérapeutiques pour les personnes rejoignant leur famille le week-end. À ces mesures spécifiques aux personnes en situation de handicap, il faut encore ajouter la baisse des APL, la hausse de la CSG, la désindexation des pensions de retraite, qui concernent tous les Français. Ces mesures dégradent encore davantage les conditions de vie des personnes en situation de handicap, qui ne sont pas toutes en situation d’employabilité, madame la secrétaire d’État.
La Haute Assemblée doit envoyer un signe positif en supprimant l’injustice qui consiste à prendre en compte dans un couple les revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés. C’est une question de respect de la dignité des personnes que d’accorder cette allocation à l’ensemble des hommes et des femmes qui ont un taux d’incapacité supérieur à 80 %.
Aujourd’hui, si le conjoint a des revenus supérieurs à 1 126 euros, le montant de l’AAH devient dégressif. Si les revenus sont supérieurs à 2 200 euros par mois, l’AAH n’est plus versée aux allocataires. Il convient donc d’individualiser l’allocation. Peu importe la situation familiale, car la personne qui supporte l’invalidité, ce n’est pas le conjoint ; c’est la personne handicapée.
Je pense par exemple au témoignage de Marie. Hémiplégique gauche depuis dix ans, elle n’a le droit ni à la pension d’invalidité ni à l’allocation aux adultes handicapés, car son mari a des revenus supérieurs aux critères, ce qui la met dans une situation de dépendance vis-à-vis de lui. Publié par l’Association des paralysés de France, le témoignage de Marie vient rappeler que des personnes handicapées se retrouvent privées d’aides et donc dépendantes financièrement de leur conjoint à l’âge de soixante ans.
Le cas de Marie n’est pas un cas isolé, et vous le savez : nous avons tous autour de nous des personnes handicapées qui ne peuvent compter que sur l’aide des familles pour payer leur loyer, leurs frais de santé ou leurs courses, car la solidarité nationale est défaillante. Sans la solidarité familiale, les individus seraient dans l’incapacité de faire face aux démarches du quotidien.
Madame la secrétaire d’État, l’État doit prendre ses responsabilités et s’engager en faveur des personnes handicapées pour garantir des conditions de vie dignes.
Mes chers collègues, préférez-vous faire un pas pour que la situation des personnes handicapées progresse ou rester au point mort et les maintenir dans l’injustice ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue le travail de l’auteur de cette proposition de loi, Laurence Cohen, et de ses collègues du groupe CRCE.
Comme cela a été rappelé, le calcul de l’allocation aux adultes handicapés est un sujet particulièrement sensible. Instaurée par la loi du 11 février 2005, l’AAH est une aide financière permettant d’assurer un minimum de ressources aux personnes en situation de handicap. Son attribution est conditionnée par différents critères : incapacité, âge, résidence et ressources, etc.
Aujourd’hui, pour déterminer les ressources, on se fonde sur les revenus : ceux du demandeur, mais aussi ceux de son conjoint, concubin ou pacsé. La présente proposition de loi vise à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint pour le versement de l’AAH et l’établissement du plafond de ressources.
Nous entrons dans la période d’examen des textes budgétaires, qu’il s’agisse du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou du projet de loi de finances. Nous devons tenir compte des enjeux sociaux de solidarité. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, nos collègues Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ont insisté sur le soutien en faveur des populations les plus fragiles. L’AAH représente un montant de 9,7 milliards d’euros pour 2018. Nous examinerons sous peu les crédits des missions pour 2019.
Il convient d’avoir une concertation avec les acteurs concernés : les associations, les fédérations d’associations et d’employeurs, y compris le Conseil national consultatif des personnes handicapées. Il est à craindre que les mesures de revalorisation, promesse de campagne du Président de la République, ne se heurtent à des réalités budgétaires non anticipées. Les rapporteurs spéciaux ont en effet souligné que l’AAH n’était pas un minimum social comme les autres.
Si ce débat concerne à la fois la commission des affaires sociales et la commission des finances, je souhaite également y associer la délégation aux droits des femmes – nous sommes plusieurs ici à en faire partie –, qui œuvre avec dévouement face à des situations particulièrement sensibles. (Marques d’approbation sur plusieurs travées.)
Notre collègue Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », a expliqué pourquoi il n’était pas souhaitable de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint pour le calcul de l’AAH. Celle-ci est nettement distincte de la PCH. Il convient donc de raisonner en termes de « foyer ».
Par conséquent, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances pour 2019 – il s’agit de montants particulièrement importants, et la solidarité doit tenir une place prépondérante –, il faut, parallèlement aux revalorisations de l’AAH, réviser les périmètres et montants de la PCH et veiller au maintien des compléments de ressources.
Je respecte totalement nos collègues du groupe CRCE ; il m’arrive même souvent d’être à titre personnel d’accord avec eux. Mais, en l’occurrence, je me rallierai à la position de mon groupe et de la commission des affaires sociales. Ayant fait partie de cette dernière de 2007 à 2014, je me souviens de l’esprit d’efficacité, du sens de la réflexion en commun et du bon climat qui caractérisent ses travaux. Notre groupe ne votera pas la présente proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés
Article 1er
À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « est marié ou vit maritalement ou est lié par un pacte civil de solidarité et » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote sur l’article.
M. Maurice Antiste. Au mois de mai dernier, j’attirais l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l’indispensable modification des règles de calcul pour l’attribution de l’AAH, qui pénalisent les personnes en situation de handicap vivant en couple dès lors que les revenus du conjoint dépassent 1 126 euros mensuels et qui conduisent à la suppression de l’AAH dès que les revenus du conjoint atteignent 2 252 euros mensuels.
La réponse apportée était loin de me satisfaire, puisqu’il était indiqué qu’à l’occasion de la revalorisation exceptionnelle de l’AAH à 860 euros le 1er novembre 2018 le coefficient multiplicateur passerait à 190 %, puis à 180 % le 1er novembre 2019 lors de la seconde hausse à 900 euros.
En clair, la baisse du coefficient multiplicateur compense la hausse du plafond pour une personne seule, l’objectif étant de rapprocher les règles entre minima sociaux. Cela renforce ni plus ni moins la dépendance financière dans laquelle sont maintenues les personnes en situation de handicap à l’égard de leur conjoint, ce qui est inacceptable et honteux ! Ainsi, 250 000 allocataires en couple ne vont pas bénéficier du gain de 90 euros qu’a fait miroiter le candidat Macron, ce qui permettra au Gouvernement d’économiser en moyenne 450 millions d’euros par an, soit 80 % du coût de l’augmentation de l’AAH, estimée à 550 millions d’euros en année pleine.
De même, pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d’État, le devenir du complément de ressources dont bénéficient 65 000 personnes environ, soit 6 % des allocataires ? S’il devait disparaître au profit de la majoration pour la vie autonome, ce qui reviendrait à conserver le complément le moins avantageux, ce serait un coup de massue supplémentaire pour les allocataires lourdement handicapés, qui perdraient une partie de la hausse promise par le candidat Macron !
Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi est vitale pour nos concitoyens atteints d’un handicap, auxquels nous nous devons d’apporter des gages de sécurité financière au nom de la justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Cohen. J’appelle l’attention de tous nos collègues : si l’article 1er n’est pas adopté, c’est toute la proposition de loi qui tombe !
Mme la secrétaire d’État affirme que le Gouvernement fait un effort financier considérable en direction des personnes en situation de handicap. Elle évoque le chiffre de 2 milliards d’euros pour la durée du quinquennat. Si mes calculs sont exacts, cela fait 400 millions par an. C’est une somme assez modeste face aux difficultés dont nous parlons.
J’aimerais vous citer un chiffre – vous allez me dire que je suis un peu obnubilée par le budget de la sécurité sociale. L’exonération des cotisations patronales, qui prive le budget de la protection sociale d’un certain nombre de ressources, représente un cadeau de 20 milliards d’euros par an aux entreprises, prétendument pour créer des emplois, que l’on attend toujours… Vous le voyez, c’est 20 milliards d’euros d’un côté, contre 400 millions d’euros de l’autre !
L’effort financier me paraît extrêmement modeste. De surcroît, si le Gouvernement revalorise effectivement l’AAH, il abaisse les plafonds qui permettent d’en bénéficier, reprenant d’une main ce qu’il a donné de l’autre.
Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué le revenu universel d’activité. Mais quid des personnes en situation de handicap qui n’ont pas d’activité professionnelle ?
Vous en conviendrez donc, les arguments qui nous sont opposés ne sont pas de nature à infirmer le bien-fondé de notre proposition de loi, qu’il me semble extrêmement important de voter. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’insiste à mon tour avec force sur l’importance de la présente proposition de loi. Je ne comprends pas que nos collègues de droite ne soutiennent pas une telle initiative. D’ailleurs, on les sent relativement embarrassés. Quand on discute sur le fond, ils trouvent assez juste que le principe de dignité et d’autonomie des personnes soit affirmé à travers une allocation qui ne soit pas liée au revenu du conjoint.
Cela nous renvoie à la philosophie de cette allocation. Vise-t-elle à compenser le handicap ou à apporter une aide sociale en cas de revenus insuffisants ? En l’occurrence, il s’agit bien d’une aide compensatoire du handicap qui garantit l’autonomie de la personne handicapée. Cette philosophie devrait nous rassembler.
On nous rétorque qu’il faut une vision plus globale. Mais qui peut le plus peut le moins ! Aujourd’hui, de nombreuses personnes sont dans une telle situation. Au demeurant, comme vient de le souligner Mme Cohen, du fait du changement des plafonds, les prétendues améliorations liées à la revalorisation de l’AAH vont concerner beaucoup moins de monde que le Gouvernement ne le prétend.
J’insiste lourdement sur ces politiques du handicap. Tout est rogné petit à petit ! Par exemple, notre pays subit une carence d’orthophonistes. Je pourrais vous citer des villes où il n’y a plus que cinq praticiens alors qu’il y en avait encore huit ou dix voilà cinq ans. Les parents pleurent quand on leur dit que leurs enfants ne pourront réussir à l’école qu’en allant voir un orthophoniste, alors qu’il n’y a pas d’orthophoniste chez eux ou, quand il y en a un, que son agenda est déjà saturé. Il y a toujours la possibilité de déménager quand on en a les moyens, ce qui est rarement le cas. Les instituts médico-éducatifs et d’autres structures accueillant des personnes handicapées manquent cruellement de personnels. Ainsi, dans l’Essonne, le nombre de salariés de l’éducation nationale à la disposition des instituts médico-éducatifs recule.
Tous ces problèmes s’accumulent, alors que la société a énormément de difficultés à faire reconnaître que les différences sont une chance, et non un handicap, et que chaque personne apporte quelque chose. L’autonomie des personnes handicapées est une question majeure pour notre projet de société. Et l’effort financier demandé est dérisoire au regard de bien d’autres cadeaux fiscaux beaucoup moins utiles qui sont faits actuellement ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, il n’est pas exact de dire que notre proposition de loi exclut des personnes du bénéfice de l’AAH du seul fait de la suppression d’un plafond doublé. Je vous le rappelle, quel que soit le plafond de ressources, le montant individuel de l’AAH ne peut pas dépasser le plafond individuel, même lorsque le bénéficiaire est en couple. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’article.
Mme Esther Benbassa. En complément de ce qu’a indiqué ma collègue Marie-Noëlle Lienemann, je souligne que l’autonomie de la femme handicapée est également très importante. Il est aberrant de la faire dépendre des revenus du conjoint au moment où nous réclamons l’égalité partout, qu’il s’agisse des salaires ou des carrières. Cette idée totalement surannée ne correspond plus à la place que les femmes occupent aujourd’hui dans la société. Elles représentent la moitié de l’humanité ! Et cela inclut aussi les femmes handicapées ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote sur l’article.
M. Arnaud Bazin. En tant que rapporteur spécial, avec Éric Bocquet, des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », je peux parfaitement comprendre l’inspiration d’une telle proposition de loi.
Vouloir rendre une personne handicapée indépendante des ressources de son conjoint semble en effet une excellente idée. Sauf que la mesure n’est absolument pas financée ! Mme la secrétaire d’État nous a donné des chiffres : l’adoption de ce texte aurait pour conséquence d’aggraver sévèrement le déficit, déjà très important, de notre pays.
En revanche, je souhaite que l’examen du projet de loi de finances permette de mettre un terme au jeu de bonneteau auquel se livre le Gouvernement. Celui-ci prétend donner 90 euros de prestations supplémentaires au titre de l’AAH de la main droite et, « en même temps », les reprend de la main gauche. Je pourrais évoquer la suppression du complément de ressources ou la désindexation sur l’inflation de la prestation, qui sera réévaluée de 0,3 % seulement, avec un calendrier d’augmentation en deux fois, très décalé, et surtout très défavorable. Et l’évolution du plafond de ressources du couple, qui va se rapprocher de celui du RSA, permettra, certes, à deux personnes handicapées de cumuler deux AAH, mais si l’une des deux personnes du couple n’est pas handicapée et a le malheur de travailler, elle en verra la sanction dans les revenus du couple !
Tout cela est totalement illogique. Il faut mettre un terme à ce jeu de bonneteau. Les personnes handicapées ont entendu que leur situation allait s’améliorer. Or, pour nombre d’entre elles, au bout du bout, ce ne sera pas le cas.
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. Arnaud Bazin. C’est donc, me semble-t-il, en loi de finances que nous pourrons agir face au malentendu extrêmement désagréable qui s’annonce pour les personnes handicapées. Cette proposition de loi, elle, n’est pas financée et ne prospérera pas.
Mme Laurence Cohen. Alors, choisissez l’abstention, pas le vote contre !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. J’ai beaucoup apprécié les propos de Mme Duranton sur le sujet de l’AAH et de la PCH ; je pense qu’il existe en effet tant de prestations de toutes sortes qu’il faudra essayer, à un moment ou à un autre, de clarifier les choses afin que chacun puisse y voir clair, y compris d’ailleurs les handicapés eux-mêmes.
Je souhaite évoquer maintenant un tout autre sujet. Un scrutin public a été demandé ; sur Twitter se manifeste en ce moment même une volonté de dénoncer nommément ceux d’entre nous qui ne voteraient pas cette proposition de loi. Cela me semble particulièrement scandaleux, et je n’apprécie pas du tout cette méthode ! En tant que parlementaires, nous prenons nos responsabilités et nous sommes protégés par notre statut ; je souhaiterais que chacun le respecte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Avec tout le respect que je lui dois, je ne peux laisser passer ce que vient de dire le président Alain Milon.
Le résultat du scrutin public, qui fait état du vote émis par chaque votant, sera publié au Journal officiel.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. C’est suffisant !
Mme Éliane Assassi. C’est ce que je dis ! Quelqu’un a-t-il exprimé l’intention, dans cet hémicycle, de publier par d’autres voies les noms de celles et de ceux qui voteraient contre ce texte ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Et Twitter ?...
Mme Éliane Assassi. Je ne m’appelle pas Mme Twitter, notre groupe n’est pas Twitter ! Le résultat du scrutin public figurera au Journal officiel : c’est une démarche citoyenne, pas une dénonciation ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Laurence Cohen. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 6 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 269 |
Pour l’adoption | 99 |
Contre | 170 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 2
À la fin du premier alinéa de l’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale, les mots : « et, s’il y a lieu, de son conjoint, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité dans la limite d’un plafond fixé par décret, qui varie selon qu’il est marié, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité et a une ou plusieurs personnes à sa charge » sont supprimés.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 n’est pas adopté.)
Article 3
Le Gouvernement remet au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la situation sociale et financière des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 n’est pas adopté.)
Article 4
Les éventuelles conséquences financières résultant pour les organismes de sécurité sociale sont compensées, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.