Article unique
Dossier législatif : proposition de loi relative à la désignation aléatoire des comités de protection des personnes
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier notre groupe et son président, Bruno Retailleau, d’avoir demandé l’inscription, dans l’espace qui lui est réservé, de cette proposition de loi votée à l’Assemblée nationale en mai dernier.

En effet, il est indispensable de renforcer l’efficacité du tirage au sort des comités de protection des personnes institué par la loi dite Jardé.

Dans le rapport d’information qu’Yves Daudigny, Véronique Guillotin et moi-même avons présenté en juin dernier et intitulé Médicaments innovants : consolider le modèle français daccès précoce, une partie est consacrée aux essais cliniques, et notamment aux CPP.

Notre attention a été attirée sur les difficultés rencontrées par les CPP pour accomplir leur mission, les 39 CPP présentant un niveau d’expertise et de réactivité inégal, voire insuffisant, en dépit de l’engagement bénévole et du dévouement de leurs membres : manque d’expertise pour les essais particulièrement complexes, en particulier ceux qui sont spécifiques aux cancers, devenus extrêmement techniques ; forte hétérogénéité des niveaux et des pratiques ; dysfonctionnements administratifs liés à un manque de moyens.

Notre proposition n° 16 vise à renforcer ces CPP et leur expertise en adaptant le tirage au sort en fonction du domaine de l’essai, en mettant en place des formations adaptées et à disposition des experts si besoin, en poursuivant l’harmonisation des procédures d’évaluation et en renforçant les moyens administratifs.

La France dispose de scientifiques de haut niveau, d’établissements d’excellence et de prises en charge de qualité. Néanmoins, on ne saurait nier une perte de vitesse de notre pays, des inégalités territoriales et, surtout, l’effet de cliquet que peut engendrer la réalisation d’un essai de phase 1 dans un autre pays que la France sur les phases suivantes.

La proposition de loi que notre commission a examinée en procédure de législation en commission la semaine passée répond à ces difficultés en mettant en place ces deux critères d’attribution d’un dossier à un CPP : la disponibilité et la compétence.

Je salue le travail de notre rapporteur, Jean Sol, qui a dressé un tableau pragmatique de la situation actuelle, mais aussi posé des exigences pour l’avenir. La ministre Mme Agnès Buzyn a pris des engagements forts ; nous serons vigilants sur la suite qui y sera donnée.

Si le tirage au sort des CPP n’est effectif que depuis novembre 2016, les équipes de recherche clinique d’excellence s’en inquiétaient bien avant. En septembre 2015, le service des essais cliniques de Gustave-Roussy s’en était fait l’écho auprès du président Larcher lors de sa visite à Villejuif.

En tant que présidente du groupe « cancer », créé en juin 2016, j’avais, dès juillet 2016, relayé auprès de Mme Marisol Touraine, alors ministre de la santé, les inquiétudes du département de recherche clinique de Gustave-Roussy et de son directeur sur le projet de décret d’application de la loi Jardé et ses conséquences sur les essais de phase 1 en oncologie pédiatrique, dont la méthodologie est très innovante. Par exemple, il faut savoir que l’essai AcSé-ESMART aurait subi un retard majeur, voire un refus, avec la procédure actuelle de tirage au sort d’un CPP n’ayant jamais évalué un tel essai de médecine de précision. Je soutenais à l’époque la proposition d’un tirage au sort parmi un nombre de CPP limité pour les essais cliniques complexes en cancérologie, afin d’avoir un système d’autorisation fluide et efficace.

C’est resté lettre morte, mais, aujourd’hui, grâce au vote conforme proposé en commission législative, un frein va être levé. Chercheurs, équipes soignantes, patients et familles de patients, laboratoires et biotechs l’attendaient. J’espère, madame la secrétaire d’État, que les délais réglementaires et opérationnels seront très courts – plus courts que ceux de la loi Jardé.

Lors du Comité stratégique des industries de santé – CSIS – de juillet dernier, le Premier ministre s’est engagé à faire de la France le premier pays européen de recherche clinique en cinq ans. À l’heure où débute l’examen du PLFSS et du PLF 2019, nous serons attentifs sur ce que prévoit le Gouvernement sur ce sujet majeur.

L’accélération des innovations est inouïe, notamment avec de nouvelles thérapies – immunothérapie, médecine personnalisée – permettant d’améliorer les taux de survie de patients atteints de cancers ou de maladies rares, ainsi que leur qualité de vie.

Soutenir l’innovation est un devoir dans un contexte budgétaire contraint, mais l’équilibre est délicat à trouver entre l’impératif de sécurité et le défi de la soutenabilité financière de notre système d’assurance maladie.

Dans notre rapport d’information figurent cinq axes de propositions. Un premier pas est fait aujourd’hui, et j’aurai une pensée particulière notamment pour les équipes de chercheurs et les associations qui étaient attachées à cette évolution. La route est encore longue, mais ils peuvent compter sur notre mobilisation. Nous formons le vœu que le Gouvernement accompagne cette route pour lever les freins et relever le défi de l’innovation en santé.

Bien entendu, notre groupe votera en faveur de ce texte. (MM. Jean-Paul Émorine et Bruno Sido, ainsi que Mme Véronique Guillotin applaudissent.)

M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.) (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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Politique énergétique

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la politique énergétique, organisé à la demande du groupe Les Républicains.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur du débat disposera d’un temps de parole de huit minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.

Dans le débat, la parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, trois ans après l’adoption de la loi Transition énergétique, et quelques semaines avant la présentation de la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie, ou PPE, il a paru essentiel au groupe Les Républicains de revenir, à l’occasion de ce débat, sur les grandes orientations de notre politique énergétique.

Ce temps démocratique est d’autant plus nécessaire que le Parlement n’est aujourd’hui pas associé à la déclinaison des grands objectifs dans la PPE, malgré les sommes considérables qu’elle engage, qui justifieraient pleinement la discussion régulière d’une véritable loi de programmation, comme le réclame à raison notre collègue Jean-François Husson.

Un tel débat permettrait d’ailleurs de remettre un peu de cohérence et de lisibilité dans une politique dont on dissémine les mesures au gré des projets de loi, le plus souvent sans lien avec leur objet : ces derniers mois, on aura discuté des éoliennes en mer dans la loi « droit à l’erreur », du droit à l’injection du biogaz dans la loi ÉGALIM– on y reviendra encore dans la loi Mobilités –, ou encore de la suppression des tarifs réglementés dans la loi PACTE. Ce n’est ni sérieux ni à la hauteur des enjeux !

Nous disposons désormais des premiers chiffres publiés par votre ministère pour évaluer les effets des choix faits en 2015. Que révèlent-ils pour 2016 et 2017 ? Précisément ce que le Sénat n’avait cessé de dire à l’époque, c’est-à-dire que les objectifs visés étaient, au mieux irréalistes, au pire néfastes pour certains d’entre eux.

Sur ces deux années, notre taux d’indépendance énergétique aura baissé de trois points du fait de la moindre disponibilité de nos centrales nucléaires, ce qui a contribué, avec la hausse des cours internationaux, à un rebond de 23 % de la facture énergétique française l’année dernière.

En 2017, la consommation énergétique finale a aussi progressé de près de 1 % grâce à la croissance économique, ce dont on ne peut que se réjouir, mais je rappelle que la loi visait une division par deux en 2050… Et dans le même temps, en raison du recours accru aux centrales thermiques pour compenser la baisse du nucléaire, les émissions de CO2 du secteur énergétique ont augmenté en 2017 de 4 % à climat constant, ce qui est une première depuis le milieu des années 2000.

En nous donnant un avant-goût des effets d’une réduction trop brutale de la part du nucléaire, ces données démontrent que le Sénat avait eu raison de plaider pour une diversification plus progressive du mix électrique. On regrettera qu’il ait fallu plus de deux ans au Gouvernement pour admettre que la date de 2025 n’était pas tenable, sauf à augmenter nos émissions

Si nous sommes favorables au maintien d’un socle fort de nucléaire dans notre mix électrique, ce n’est pas parce que le Sénat serait une assemblée de « nucléocrates » béats, comme nous sommes trop souvent caricaturés. Nous n’ignorons pas que le nucléaire n’est pas une énergie comme les autres, et c’est pourquoi la sûreté nucléaire en France est parmi les plus exigeantes au monde. Mais nous n’ignorons pas non plus que c’est le nucléaire qui nous a permis de disposer de l’électricité la moins chère d’Europe et du mix électrique le moins carboné derrière la Suède, tout en assurant notre sécurité d’approvisionnement.

Ce qui était vrai hier l’est encore aujourd’hui avec l’essor des énergies renouvelables. Même ses adversaires, comme votre prédécesseur, monsieur le ministre d’État, l’ont reconnu : le nucléaire a l’immense avantage de faciliter la transition vers un mix énergétique plus renouvelable sans qu’il faille recourir à des moyens thermiques pour compenser l’intermittence de certaines énergies renouvelables, ni mettre en péril notre indépendance énergétique. Il est temps, comme nous l’avions plaidé à l’époque, de remettre de la raison dans ce débat où les passions aveuglent et font perdre le sens des réalités : qu’on le veuille ou non, la lutte contre le réchauffement climatique, qui est notre priorité, passe, aussi, par le nucléaire.

Or, depuis l’annonce de l’abandon de la date de 2025, la ligne gouvernementale est floue : on nous parle tantôt de 2035, tantôt de 2030 ; on ne sait pas si la loi de 2015 sera modifiée, et, si oui, quand ; nous savons encore moins ce que contiendra la prochaine PPE, alors que la précédente avait tout simplement ignoré le sujet. Monsieur le ministre d’État, vous engagez-vous à ce que la PPE comporte le nombre, voire le nom des réacteurs à fermer et leur calendrier de fermeture ?

Qu’adviendra-t-il ensuite ? Là encore, on ne sait pas où l’on va : un rapport d’experts commandé par le Gouvernement a récemment préconisé la création de six EPR à partir de 2025 pour assurer la relève et maintenir les compétences industrielles. Quelles suites y donnerez-vous ?

Remettre de la raison, c’est aussi rappeler que le « tout-nucléaire » est un mythe, car le nucléaire n’a jamais représenté, au mieux, que les trois quarts d’une énergie, l’électricité, qui ne couvre elle-même qu’un quart de notre consommation énergétique finale, dont, je le rappelle, les deux tiers sont en réalité couverts par les énergies fossiles.

C’est pourquoi nous pensons qu’au lieu de s’arc-bouter sur le nucléaire il vaut mieux s’engager résolument pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles, ce qui sera bon non seulement pour la planète, mais aussi pour notre balance commerciale. Or, sur cette question, monsieur le ministre d’État, nous partageons le même objectif, mais nous ne prônons définitivement pas la même méthode.

Là où nous souhaitons donner des solutions aux Français, vous leur donnez de nouveaux impôts ; là où nous voulons orienter les comportements, y compris par l’outil fiscal, vous voulez les contraindre, alors que nos concitoyens, en particulier dans les campagnes, n’ont souvent pas d’autre choix que de prendre leur voiture diesel pour aller travailler, ou de remplir leur cuve à fioul pour se chauffer.

M. Daniel Gremillet. Votre gouvernement a pourtant décidé de les assommer avec une fiscalité énergétique qui explose sous l’effet de la taxe carbone et d’une convergence des tarifs de l’essence et du diesel qui fonctionne uniquement à la hausse.

L’an dernier, nous avions calculé qu’entre 2018 et 2022 la pression fiscale augmenterait en cumulé de 46 milliards d’euros par le seul effet de la fiscalité énergétique. Vous aurez beau expliquer que la hausse sera compensée par ailleurs, les Français le constatent : le compte n’y est pas !

M. Daniel Gremillet. Vous dites vouloir une fiscalité écologique qui soit incitative et non punitive, mais le Gouvernement ne vise en réalité qu’un objectif de rendement budgétaire.

On a beau jeu de justifier ces mesures par le soutien massif des Français à la cause environnementale, mais on ne leur explique pas que la transition a un coût, qu’il est élevé, et que ce sont eux qui la paient sur leur facture d’électricité et à la pompe.

En matière de fiscalité énergétique, il est temps d’entendre nos appels à la compensation et à la modération, sans quoi vous casserez la croissance en cassant le moral des Français.

Pour réduire la consommation d’énergies carbonées, il y a pour nous deux priorités : le bâtiment et les transports. Dans le bâtiment, les aides à la rénovation énergétique ne sont pas à la hauteur des ambitions ;…

Mme Fabienne Keller. C’est vrai !

M. Daniel Gremillet. … elles manquent surtout de lisibilité et de stabilité. Nous attendons en particulier depuis maintenant deux ans que l’engagement présidentiel de transformation du crédit d’impôt en prime, censée aider les plus modestes, soit tenu. Pour 2019, c’est raté, mais pouvez-vous au moins vous engager sur 2020 ? Nous pensons aussi qu’il faut mettre le paquet sur le verdissement du gaz, en favorisant la méthanisation et l’injection de biogaz dans les réseaux, ainsi que sur le soutien public aux énergies renouvelables thermiques, notamment au travers du fonds chaleur.

En matière de transports, enfin, il faut là aussi miser sur un bouquet de solutions : l’électricité pour les usages urbains, mais aussi l’hybridation, les biocarburants, le bioGNV et, plus tard, l’hydrogène renouvelable pour les transports longue distance.

M. le président. Il faut conclure.

M. Daniel Gremillet. J’en termine d’un mot sur un enjeu qui englobe tout : celui de la solidarité, non seulement envers les plus modestes de nos concitoyens, mais aussi entre les territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il n’y aura pas de réplique possible, mon cher collègue.

La parole est à M. le ministre d’État, pour huit minutes maximum.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Merci, monsieur le président. Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, je dois d’abord vous dire que je suis très heureux d’intervenir dans ce débat. La petite histoire retiendra que ma première intervention à la tribune du Parlement en tant que membre du Gouvernement se sera faite au Sénat. J’en suis très heureux, car, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans mes précédentes fonctions, je suis très attaché au bicamérisme, qui m’apparaît très utile à notre démocratie. (Marques dapprobation sur diverses travées.) J’en profite d’ailleurs pour saluer votre président, Gérard Larcher, avec qui j’ai beaucoup travaillé pendant quatorze mois en tant que président de l’Assemblée nationale.

Concrètement, je souhaite travailler avec tous les parlementaires, sénateurs et députés de tous bords, qui veulent participer à la transformation écologique de notre pays. Monsieur le sénateur Gremillet, je vous remercie d’avoir fait inscrire ce débat à l’ordre du jour. Je dois dire qu’il tombe à point nommé dans notre calendrier, puisque nous allons bientôt présenter la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui sera la traduction concrète de la loi de 2015 sur la transition énergétique.

J’ai bien entendu votre souhait qu’il y ait une loi de programmation. Je ne sais pas si vous en voulez une tous les cinq ans, comme la loi de programmation militaire, mais il se trouve que nous avons déjà un cadre législatif qui est celui de la loi de 2015. Nous avions dit avant les élections présidentielle et législatives que nous nous inscririons dans ce cadre. Nous serons amenés, bien sûr, à la modifier légèrement en ce qui concerne la date, puisque mon prédécesseur et le Gouvernement ont fait œuvre de vérité sur l’incapacité à réaliser l’objectif en 2025. En revanche, nous gardons le reste du cadre de la loi de 2015.

Vous le savez, notre politique énergétique doit traduire en actes, et non pas simplement en objectifs ou en paroles, la stratégie climat qui a été élaborée par la France, à savoir, à l’horizon 2050, une stratégie de neutralité carbone. C’est en fait la traduction en France des objectifs auxquels nous avons souscrit lors de l’Accord de Paris sur le climat de décembre 2015. À partir de là, il faut mettre en place une sorte de rétroplanning à partir de 2050 jusqu’à aujourd’hui. Évidemment, plus on se rapproche, plus on est dans un futur proche, plus il faut être précis.

Vous n’êtes pas sans savoir que notre premier objectif, c’est la maîtrise des consommations et l’efficacité énergétique. C’est le premier pilier de notre politique. En la matière, nous ne pouvons pas être flous : nous nous sommes donc fixé pour but de baisser nos consommations de 45 % sur l’ensemble des consommations énergétiques à l’horizon 2050.

C’est évidemment un effort important, mais c’est aussi pour rappeler que l’énergie la moins polluante, celle qui n’émet pas de gaz à effet de serre, l’énergie la moins chère, c’est celle que l’on ne consomme pas. Il est important de le rappeler. C’est valable aussi bien pour nos entreprises, dont beaucoup s’y sont déjà mises, que pour nos concitoyennes et nos concitoyens en tant que particuliers. La baisse des consommations, c’est en quelque sorte un bouclier contre les augmentations et les variations de prix. On peut critiquer, et j’y reviendrai, la fiscalité écologique, la fiscalité carbone, mais force est de constater que même si on ne faisait rien, on subirait les variations, qui sont quand même tendanciellement à la hausse, des prix de l’énergie sur le marché, que ce soient le pétrole, le gaz ou l’électricité. C’est à mon sens très important. Nous avons d’ailleurs présenté récemment, avec mon collègue Julien Denormandie, secrétaire d’État à la cohésion des territoires, la campagne « Faire », pour « faciliter, accompagner, informer pour la rénovation énergétique ». C’est l’outil que nous nous sommes donné pour sensibiliser les Français à l’utilité pour eux de faire des travaux de rénovation énergétique. Nous avons un objectif, vous le savez, de 500 000 logements rénovés par an.

Sur la question des véhicules, nous avons aussi la volonté, à l’échelle européenne, mais aussi à l’échelle française, de réduire la consommation des véhicules, puisque, aujourd’hui, le transport routier – véhicules particuliers, camions, bus, cars – est l’une des premières sources d’émission de gaz à effet de serre.

M. Jean-François Husson. Ce n’est pas la première !

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Il se trouve que nous sommes à quelques jours du Salon de l’automobile de Paris, et le Président de la République réunissait hier soir des grands dirigeants de l’industrie automobile française, européenne et même mondiale. Je participais à cette rencontre et nous avons discuté concrètement avec eux de la façon d’atteindre des objectifs de baisse des gaz à effet de serre dans le secteur des transports individuels.

Bien sûr, vous l’avez dit vous-même, monsieur le sénateur Gremillet, il y a la voiture électrique. Nous n’allons pas non plus promettre aux Français qu’il va y avoir un basculement massif vers la voiture électrique dans les cinq ans qui viennent. Ce serait quelque chose de totalement irréaliste. En revanche, à l’échelle de 2050, c’est bien notre objectif d’avoir des transports qui soient totalement décarbonés. D’ici là, il faut diversifier les solutions, et je crois que nous sommes d’accord sur ce point. Cela passe à la fois par l’électrique, l’hybride, l’hybride électrique et même le gaz naturel, notamment pour les bus – c’est déjà le cas –, pour les cars ou les camions, pour lesquels les motorisations électriques ne sont pas adaptées aujourd’hui.

Sur la fiscalité écologique,…

M. Jean-François Husson. Ah ! Parlons-en !

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Je veux en dire un mot, car j’ai entendu tout à l’heure les questions d’actualité au Gouvernement posées dans cette enceinte.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut savoir ce que l’on veut. En tant que parlementaire, j’ai entendu pendant des années des discours pour en réclamer plus. On reprochait aux différents gouvernements de ne rien faire sur la fiscalité écologique. Le mot d’ordre était : on ne pourra rien faire si on ne donne pas un prix au carbone. Quand on reste sur ce genre de généralité, tout le monde est d’accord. Quand on parle plus précisément de taxe carbone, il y a déjà moins de gens d’accord. Et quand il s’agit de voter concrètement une fiscalité sur le carbone, avec une assiette, un taux, il y a encore moins de monde. Enfin, quand il s’agit de l’appliquer, il n’y a quasiment plus personne pour la défendre.

M. Bruno Sido. Effectivement.

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Moi, je l’assume, c’est un choix que nous avons voulu, que nous avons fait en toute transparence. Cela n’avait jamais été fait de donner une trajectoire, avec une augmentation annuelle, pour prévenir les Français, qu’il s’agisse des particuliers, des entreprises ou même des collectivités locales et de l’État, qui sont aussi consommateurs d’énergie. Voilà quelle sera la trajectoire ! Voilà quelle sera la tendance ! Nous assumons pleinement notre préférence, qui avait été présentée dans nombre de discours, pour une baisse de la taxation du travail, de la production, et pour une augmentation de la taxation de la pollution. Il faut faire les deux en même temps. En effet, si on baisse la taxation du travail et si on ne dispose pas de recettes compensatrices, il n’est plus possible de financer le budget de l’État, des collectivités locales et de la protection sociale.

Nous insistons aussi sur les changements de comportement que cela entraîne. On le constate déjà dans beaucoup de pays. J’étais à New York à l’Assemblée générale des Nations unies et j’ai vu dans quelles voitures étaient transportées les délégations. Pourquoi les Américains roulent-ils dans de grosses cylindrées qui consomment beaucoup plus qu’en Europe, où nous avons depuis très longtemps fait le choix de voitures plus sobres, plus compactes ? C’est évidemment parce que le carburant est beaucoup moins cher aux États-Unis, comme dans d’autres pays.

On le constate de manière systématique : le signal prix est extrêmement important pour permettre des transformations. Mais nous ne nous en tenons pas là.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre d’État.

M. François de Rugy, ministre dÉtat. On m’avait dit que j’avais dix minutes de temps de parole…

M. le président. Non, huit minutes !

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Il aurait fallu me le signaler plus tôt,…

M. le président. Ce fut le cas !

M. François de Rugy, ministre dÉtat. … lors de la préparation du débat.

M. Jean-François Husson. Vous avez dépassé votre temps de parole !

Mme Fabienne Keller. De la sobriété, monsieur le ministre d’État ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Cela étant, je reviendrai sur ce point en répondant aux questions relatives aux énergies renouvelables.

M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur le ministre d’État !

M. François de Rugy, ministre dÉtat. En la matière, nous organisons l’accompagnement des Français, entreprises et particuliers, pour la baisse de la consommation énergétique, et avec des outils concrets, au titre du logement comme des transports.

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur peut intervenir pour deux minutes maximum pour présenter sa question, et que le Gouvernement dispose de deux minutes pour répondre.

Mes chers collègues, si vous souhaitez répliquer, vous disposez alors de trente secondes supplémentaires, si et seulement si vous n’avez pas dépassé les deux minutes.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Monsieur le ministre d’État, le débat que nous consacrons aujourd’hui à la politique énergétique aura sans doute le mérite de renforcer encore la promotion et l’utilisation des énergies renouvelables.

Toutefois, à mon sens, le développement de ces énergies se heurte à un obstacle majeur : l’hostilité de nombre de nos compatriotes à voir se développer, ici un projet d’éolienne, là une unité de méthanisation, à proximité de leurs lieux de vie.

Comme vous, je l’expérimente très régulièrement dans le département dont je suis issu ; en Isère, je suis régulièrement interpellé par des citoyens rassemblés en association. Alors que la très grande majorité des Français voient d’un œil extrêmement favorable l’essor de ces énergies vertes, les élus, les collectivités qui portent ou soutiennent de tels projets se retrouvent face au syndrome « partout, mais pas dans mon jardin ».

Je souhaite plus particulièrement évoquer le sujet de la méthanisation, lequel est extrêmement prometteur, notamment pour le monde agricole.

Les conclusions du groupe de travail « méthanisation », mené par Sébastien Lecornu, ont très clairement souligné tous les enjeux du développement de cette filière, pour donner aux agriculteurs les moyens de compléter leurs revenus, tout en réglant les problèmes de mise aux normes de leurs bâtiments d’élevage, et injecter une part de gaz propre, décarboné, dans le mix énergétique du pays.

Des actions importantes avaient alors été annoncées. J’en rappelle quelques-unes : la mise en place d’un complément de rémunération pour les petites installations ; la facilitation de l’accès au crédit pour la méthanisation agricole ; l’utilisation des biogaz par les engins agricoles ; ou encore la mise en place d’un soutien financier pour les méthaniseurs, qui alimentent les bus et les camions.

Ce sont là autant de mesures dont nous pouvons évidemment nous réjouir, mais qui se heurtent à l’hostilité des populations. Il semble pourtant important de faire adhérer ces dernières au procédé de méthanisation qui favorise une énergie verte promise à un bel avenir.

Aussi, monsieur le ministre d’État, pourriez-vous nous éclairer sur la manière dont votre ministère pourrait s’engager, au-delà des actions présentées en mars dernier, pour soutenir les projets développés et défendre une méthode permettant d’effacer, ou d’atténuer, les craintes des opposants en promouvant une pédagogie de grande ampleur dans cette filière ?