Mme la présidente. L’amendement n° 859 est retiré.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 708 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 858 est présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – Avant le 1er décembre 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’adaptation juridique des notions de lieu, de charge et de temps de travail liées à l’utilisation des outils numériques.

La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 708.

M. Dominique Watrin. Notre amendement est simple. Il consiste à réintroduire une demande de rapport, que la droite a supprimée en commission. Nous connaissons la position de la commission quant aux rapports qu’elle juge superflus, mais il nous semble que le sujet dont il est question ici, à savoir le développement du télétravail et du travail à distance grâce aux nouveaux outils numériques, nécessite un état des lieux pour pointer les évolutions juridiques à entreprendre.

Le rapport de Bruno Mettling, remis en septembre 2015, a mis en évidence les enjeux de la transformation numérique sur le contrat de travail, la qualité de vie au travail et le management. Cette mutation en cours est à la fois une opportunité pour développer de nouveaux modes d’organisation internes à l’entreprise et un possible facteur de tensions.

Le code actuel n’a évidemment pas pu prévoir et anticiper toutes les conséquences de ce développement, et certains aspects en sont forcément absents. Je pense notamment à la notion de lieu de travail, qui est, dans ce cas, assez variable et large, ou bien encore à la notion de charge et de temps de travail.

Notre droit actuel étant nécessairement inadapté de ce point de vue, ce vide juridique risque évidemment d’entraîner des dérives et d’avoir des conséquences négatives, tant pour les salariés que pour les employeurs.

Nous sommes de celles et de ceux qui souhaitent le développement du télétravail – nous sommes positifs, monsieur Cadic ! –, car nous considérons qu’il peut participer à une amélioration des conditions de travail.

Les chiffres sont éloquents à ce titre, avec 37 minutes de temps moyen gagné par jour de télétravail et 45 minutes de sommeil supplémentaire par jour de télétravail. Et comment ne pas évoquer également, ce qui fera plaisir à M. Desessard, les impacts positifs sur l’environnement avec une importante baisse des émissions de CO2 ?

L’impact sur l’articulation entre les vies privée, familiale et professionnelle est également positif. Je pense ici tout particulièrement aux effets du télétravail sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’entreprise.

Malgré tous ces atouts, nous constatons que ce mode d’organisation reste assez peu développé en France par rapport à d’autres pays européens. Si l’on veut encourager son développement, la loi doit suivre, dans l’intérêt de toutes et tous. À cet égard, un rapport faisant état des évolutions juridiques nécessaires nous paraît être un bon outil.

Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 858.

M. Jean Desessard. Cela me fait d’autant plus plaisir, monsieur Watrin, que je défends le même amendement que vous. Pour ne pas reprendre tout l’argumentaire, je me contenterai de dire que nous demandons de rétablir ce rapport afin d’avoir une vision plus précise des conséquences du développement des outils numériques sur les conditions de travail des salariés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis est favorable. Nous avons eu une discussion sur la simplification juridique, par exemple de la notion de jour, qui peut être calendaire, ouvré ou ouvrable. On voit bien qu’il y a un besoin de clarification.

En l’occurrence, je pense que les notions de lieu, de charge et de temps de travail liées à l’utilisation des outils numériques doivent aussi être adaptées juridiquement et clarifiées, la jurisprudence posant un certain nombre de problèmes sur ces points. (M. le président de la commission des affaires sociales s’exclame.) Monsieur le président Milon, c’est effectivement un rapport de plus, mais, comme pour les jours, on ne peut pas rester avec des notions aussi complexes. Il faut faire un effort de simplification.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 708 et 858.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 709, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… – Le quatrième alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le télétravail doit être mentionné sur le registre unique du personnel. »

… – L’article L. 1222-10 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et le matériel de bureau (siège ergonomique, bureau) » ;

2° Le début du cinquième alinéa est ainsi rédigé : « De suivre régulièrement la charge de travail du salarié, » ;

3° Le sixième alinéa est complété par les mots : « qui ne peuvent être supérieures à son temps de travail » ;

4° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« …° De mettre en place un système de décompte du temps de travail ;

« …° De reconnaître tout accident survenu durant les plages horaires où le salarié est joignable comme accident de travail. Pour les télétravailleurs dont le domicile est éloigné des locaux de l'entreprise où ils sont tenus de se rendre (régulièrement ou occasionnellement), un accord de branche doit définir les modalités de compensation du trajet (en temps et en salaire). »

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement vise à apporter quelques protections et garanties aux salariés assujettis au télétravail.

Bien entendu, lorsque ce phénomène en pleine expansion est évoqué, on a tendance à mettre en avant ses aspects positifs, comme cela vient encore d’être le cas dans cet hémicycle : liberté d’organisation, possibilité de profiter de la vie familiale, absence de transport, et bien d’autres éléments.

Cependant, comme l’indique le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, M. Christophe Sirugue, « Les nouvelles formes de travail liées aux technologies de l’information et de la communication peuvent fragiliser la distinction entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Le travail à distance rend plus difficile la vérification du temps de repos pour le salarié et la préservation des temps de récupération. Le temps et le lieu de travail sont dès lors plus difficiles à identifier et brouillent la frontière entre le domicile et le lieu de travail. »

Le télétravail, qui, bien entendu, peut être utile et nécessaire, mais seulement s’il est strictement encadré, pousse à l’individualisation et à la déréglementation. Selon certaines études, la disparition du lieu de travail et du collectif freine d’ailleurs le développement du travail à distance, en particulier chez les femmes, que l’on imaginait pourtant très attirées par ce type d’activité.

C’est la raison pour laquelle, dans notre amendement, nous abordons plusieurs points clés : l’officialisation du temps de travail, les conditions matérielles, l’estimation de la charge de travail, la comptabilisation du temps de travail et, enfin, point très important, la problématique des accidents du travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. L’objet de l’article est d’ouvrir une concertation sur le télétravail, et non de commencer à modifier la réglementation en vigueur. L’encadrement prévu dans cet amendement me paraît tout à fait excessif, et je reste modéré, lorsqu’il s’agit « de reconnaître tout accident survenu durant les plages horaires où le salarié est joignable comme accident de travail ». Cette proposition me paraît tout à fait hors sol.

L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. C’est également un avis défavorable. Si je souhaite imposer des thèmes à la négociation, je ne veux absolument pas préempter le résultat des discussions. Je ne souhaite imposer aucune direction, juste des sujets : le télétravail, le travail à distance, le fractionnement du repos quotidien.

En tout cas, il était temps qu’une concertation ait lieu, puisque le dernier ANI remontait à 2006, il y a dix ans !

Mme la présidente. Monsieur Vera, maintenez-vous cet amendement malgré les deux avis défavorables ?

M. Bernard Vera. Oui, il est maintenu, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 709.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 26.

(L'article 26 est adopté.)

Article 26
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Discussion générale (début)

Articles additionnels après l'article 26

Mme la présidente. L'amendement n° 376, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Après l’article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase de l’article L. 1222-11 du code du travail, les mots : « ou en cas de force majeure » sont remplacés par les mots : « , en cas de force majeure ou en cas de pic de pollution mentionné à l’article L. 223-1 du code de l’environnement ».

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Une étude publiée mardi 21 juin par l’agence Santé publique France a révélé que, avec au moins 48 000 victimes par an, les polluants atmosphériques constituent une préoccupation de santé publique majeure. Jamais une étude aussi précise n’avait été disponible.

Je vous rappelle également que notre assemblée s’est penchée sur ce problème. Je pense bien sûr au rapport de ma collègue Leila Aïchi sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.

Ces deux études parmi tant d’autres soulignent qu’il y a urgence à agir, et le présent texte nous en donne l’occasion. Aussi, nous vous proposons de faciliter le télétravail en cas de pic de pollution.

Cette mesure simple est de nature à limiter significativement le nombre de trajets quotidiens. Les déplacements pendulaires dans les grandes agglomérations, notamment en voiture, sont en effet une source majeure de polluants atmosphériques. Au demeurant, ce moyen réactif et efficace s’insère de manière cohérente dans la lettre de l’article L. 1222–11 du code du travail, puisqu’il vise à garantir la santé des salariés.

Mes chers collègues, l’enjeu de santé publique auquel nous tentons de répondre avec notre proposition dépasse les clivages partisans. Je vous invite donc à voter cet amendement dans l’intérêt de la défense de l’environnement et, surtout, de la santé de nos concitoyens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Malgré une difficulté de mise en œuvre, cet amendement constitue une approche intéressante, mais je ferai remarquer à ses auteurs que la rédaction actuelle de l’article L. 1222–11 du code du travail n’interdit pas le recours au télétravail en cas de pic de pollution, qui peut être considéré comme une circonstance exceptionnelle.

Il appartient donc au pouvoir réglementaire de définir ces circonstances exceptionnelles. Un décret était prévu. Ainsi, l’amendement serait satisfait si le Gouvernement voulait bien intégrer cet élément dans le décret à venir.

Je sollicite donc le retrait de l’amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. J’invite aussi M. le sénateur Jean Desessard à retirer son amendement, car je m’engage ici, devant le Sénat, à ce que les pics de pollution soient clairement identifiés dans le décret.

Il y a bien évidemment un lien entre le télétravail et le déplacement motorisé des salariés. De nombreux accords mentionnent déjà des circonstances exceptionnelles, comme les pandémies ou les grèves dans les transports collectifs, mais établir aujourd’hui une liste de cas particuliers dans lesquels il est recommandé de développer le télétravail relève plus du niveau réglementaire que du niveau législatif.

Mme la présidente. Monsieur Desessard, l’amendement n° 376 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Si je comprends bien, madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous souhaitez tous deux que je retire mon amendement, Mme la ministre s’engageant à le reprendre dans le décret précisant la liste des circonstances favorisant le recours au télétravail.

Mme la présidente. C’est bien cela !

M. Jean Desessard. Dans ces conditions, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 376 est retiré.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)

Articles additionnels après l'article 26
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Discussion générale (interruption de la discussion)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Discussion générale (suite)

12

Communication relative à deux commissions mixtes paritaires

M. le président. J’informe le Sénat :

- d’une part, que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature est parvenue à l’adoption d’un texte commun ;

- d’autre part, que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

13

Conférence des présidents