Sommaire
Présidence de Mme Isabelle Debré
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac, M. Jackie Pierre.
3. Candidatures à une mission d'information
4. Candidatures à un groupe de travail
5. Communication du Conseil constitutionnel
Mme Éliane Assassi ; Mme la présidente
7. Mise au point au sujet d’un vote
8. Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 973 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 1035 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1030 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
9. Nomination des membres d'une mission d'information
10. Nomination des membres d'un groupe de travail
11. Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article additionnel après l’article 23
Amendement n° 697 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 1034 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1026 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1033 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1029 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1032 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1050 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 1027 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1028 de la commission. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l’article 23 ter
Amendement n° 673 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 702 de M. Dominique Watrin. – Retrait.
Amendement n° 968 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Articles additionnels après l’article 23 quater
Amendement n° 96 rectifié bis de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Amendement n° 177 de M. Michel Bouvard. – Rejet.
Amendement n° 703 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 196 rectifié de M. Georges Patient. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Amendement n° 243 rectifié de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 33 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
Amendement n° 966 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 321 de M. Yves Rome. – Retrait.
Amendement n° 704 de M. Dominique Watrin. – Retrait.
Amendement n° 190 rectifié bis de M. Gaëtan Gorce. – Rejet.
Amendement n° 323 de Mme Nicole Bricq. – Retrait.
Amendement n° 322 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
Amendement n° 324 de M. Yves Rome. – Rejet.
Amendement n° 705 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 25 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 326 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Rejet.
Amendement n° 133 rectifié ter de M. François Commeinhes. – Retrait.
Amendement n° 859 de M. Jean Desessard. – Retrait.
Amendement n° 709 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 26
Amendement n° 376 de M. Jean Desessard. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
12. Communication relative à deux commissions mixtes paritaires
14. Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 26 (suite)
Amendement n° 377 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Retrait.
Amendement n° 711 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 354 de Mme Nicole Bricq. – Rejet.
Amendement n° 712 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 713 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 714 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 715 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 27
Amendement n° 848 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 716 rectifié bis de M. Dominique Watrin. – Retrait.
Amendement n° 964 rectifié du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 27 bis
Amendement n° 864 rectifié bis de M. Jean Bizet. – Retrait.
Amendement n° 268 de Mme Catherine Deroche. – Adoption par scrutin public.
Amendement n° 923 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 717 de M. Dominique Watrin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 369 de M. Jean-François Rapin. – Retrait.
Amendement n° 388 de M. Jean Desessard. – Retrait.
Amendement n° 718 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 389 de M. Jean Desessard. – Rectification.
Amendement n° 389 rectifié de M. Jean Desessard. – Adoption.
Amendement n° 390 de M. Jean Desessard. – Retrait.
Amendement n° 365 rectifié ter de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur de la commission des affaires sociales
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 28
Amendement n° 146 de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Amendement n° 147 de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Articles 28 bis AA (nouveau) et 28 bis A – Adoption.
Articles additionnels après l'article 28 bis A
Amendement n° 602 rectifié de M. Dominique Watrin. – Retrait.
Amendement n° 130 rectifié bis de M. Philippe Dominati. – Retrait.
Amendement n° 391 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 1039 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 720 de M. Dominique Watrin. – Rectification.
Amendement n° 720 rectifié de M. Dominique Watrin. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 722 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 55 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 1037 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 29 bis
Articles additionnels après l'article 29 ter
Amendement n° 737 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 723 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
15. Ordre du jour
COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac,
M. Jackie Pierre.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt d'un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les règles applicables aux exportations et aux importations de bois et de produits fabriqués en bois, en particulier en matières phytosanitaires.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires économiques et à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
3
Candidatures à une mission d'information
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des membres de la mission d’information sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles, créée sur l’initiative du groupe écologiste en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 110 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.
Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
4
Candidatures à un groupe de travail
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté.
La liste des candidats établie par les groupes a été publiée.
Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
5
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 22 juin 2016, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État lui avait adressé une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (suppression de la clause de compétence générale des départements ; 2016 565 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
6
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après le tollé provoqué par l’interdiction de manifester à Paris, demain, annoncée ce matin par la préfecture de police, le Gouvernement a enfin entendu raison. Un accord a été trouvé en fin de matinée entre les organisations syndicales et le ministre de l’intérieur, pour permettre à une manifestation de se dérouler dans un périmètre défini.
Nous nous félicitons de cet accord et nous saluons la responsabilité dont a fait preuve l’intersyndicale, face à la fuite en avant autoritaire observée ce matin.
Cela étant, la question de fond demeure : peut-on poursuivre dans ces conditions la discussion du projet de loi Travail ? Dans la population, le rejet de ce texte est massif. Il atteint même 80 % parmi les jeunes.
Malgré une vaste campagne de dénigrement, la mobilisation elle-même bénéficie d’un soutien nettement majoritaire. Il faut rappeler que ce projet de loi n’a pas été discuté sérieusement avant sa présentation en conseil des ministres et qu’il n’a pas obtenu de majorité à l’Assemblée nationale, le 49.3 ayant conclu ce premier épisode.
Le débat en cours au Sénat est hors sol. Derrière le simulacre d’opposition, un accord profond se fait jour entre la majorité gouvernementale et la majorité sénatoriale quant à « la philosophie même du texte » – je reprends l’expression du rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne.
Or cet accord a pour toile de fond le rejet massif qu’expriment nos concitoyens. La crise qu’a fait éclater ce matin l’interdiction de manifester prouve bien qu’il est grand temps de suspendre ce débat parlementaire, pour permettre l’ouverture de réelles négociations avec l’ensemble des organisations syndicales. C’est là le seul moyen d’examiner toutes les propositions formulées. Il semble que le Gouvernement n’a pas encore répondu à certaines d’entre elles…
Mon intervention s’adresse au Sénat, bien sûr, mais aussi au Gouvernement : aujourd’hui, la raison devrait l’emporter. Madame la ministre, demandez à M. Valls de suspendre immédiatement ce débat !
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame Assassi, je vous laisse l’entière responsabilité des termes que vous venez d’employer. Permettez-moi de ne pas m’inscrire à mon tour dans un registre que j’estime inutilement polémique.
Mme Éliane Assassi. Je ne vois pas ce que j’ai dit de polémique !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Pour ma part, je ne m’exprimerai que sur le fond.
Les débordements et les violences constatés ces derniers mois,…
Mme Éliane Assassi. C’est reparti !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … lors des différentes manifestations qui se sont déroulées dans le pays, se sont révélés nombreux. À chaque fois, le Gouvernement a mobilisé pleinement les forces de l’ordre, dans des conditions souvent très difficiles, précisément afin de garantir la liberté de manifestation de nos concitoyens.
Toutefois, il faut le rappeler, ce droit va nécessairement de pair avec l’impérieuse nécessité de garantir la sécurité des personnes et des biens, a fortiori dans un contexte dominé par la menace terroriste.
Dès lors que les conditions de cet impératif n’étaient pas réunies, dès lors que les organisateurs n’avaient pas accepté les propositions qui leur étaient soumises, le préfet de police de Paris a indiqué que, en l’état, il n’était pas possible d’autoriser un nouveau mouvement.
Soyez-en certaine : en tant que ministre chargée du dialogue social, je suis profondément attachée à la liberté syndicale, au droit de grève et à la liberté de manifester.
Mme Éliane Assassi. Dès lors, pourquoi ces menaces d’interdiction ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Ce sont là des conquêtes essentielles de notre histoire sociale. Je ne pouvais donc pas accueillir avec enthousiasme la perspective d’une interdiction, même si chacun peut comprendre que nous faisons face à un motif incontournable – j’y insiste – de sécurité.
En conséquence, nous pouvons tous nous réjouir de l’issue trouvée à la faveur d’un dialogue direct avec les organisations syndicales concernées. La réunion qui s’est tenue place Beauvau, ce matin, au cours de laquelle le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a reçu les représentants syndicaux, a permis d’aboutir à un compromis honorable, sur la base d’un parcours de substitution proposé par le Gouvernement.
Ainsi, le respect de la liberté de manifester est parfaitement garanti, et le cheminement proposé est plus propice à une sécurisation adaptée.
Vous le savez, au cours des dernières semaines, j’ai moi-même reçu au ministère du travail l’ensemble des représentants syndicaux. Nos discussions ont été animées d’une véritable volonté d’échange. Dans tous les cas, le dialogue a été franc, loyal et constructif.
À l’instar de l’accord conclu aujourd’hui, cette démarche confirme, loin des caricatures, l’attachement du Gouvernement à une expression démocratique féconde.
Cela étant, n’oublions jamais que la démocratie suppose également le respect de l’ordre et de la sécurité pour tous. Le Gouvernement a veillé au rappel de ces principes. J’espère que chacun assumera ses responsabilités et que les manifestations, annoncées pour demain et pour le 28 juin prochain, se dérouleront dans le calme, de manière maîtrisée et conforme à nos valeurs républicaines.
Enfin, j’invite la Haute Assemblée à poursuivre le débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Robert del Picchia. Très bien !
7
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, au titre du scrutin public n° 331, Mme Chantal Jouanno a été comptabilisée comme votant contre, alors qu’elle souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Ma chère collègue, acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
8
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (projet n° 610, texte de la commission n° 662, rapport n° 661).
TITRE III (SUITE)
Sécuriser les parcours et construire les bases d’un nouveau modèle social à l’ère du numérique
Chapitre Ier (SUITE)
Mise en place du compte personnel d’activité
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier du titre III, l’examen de l’article 23.
Article 23 (suite)
I. – Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé de la section 3 est ainsi rédigé : « Accompagnement des jeunes vers l’autonomie par l’emploi » ;
2° La division et l’intitulé des sous-sections 1 et 2 de la même section 3 sont supprimés ;
3° (Supprimé)
4° L’article L. 5131-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131-4. – L’accompagnement mentionné à l’article L. 5131-3 peut prendre la forme d’un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi conclu avec l’État et mis en œuvre par les organismes mentionnés aux articles L. 5314-1 à L. 5314-4 du code du travail, élaboré avec le jeune et adapté à ses besoins identifiés lors d’un diagnostic. Le contrat d’engagements est signé préalablement à l’entrée dans le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi. » ;
5° L’article L. 5131-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131-5. – Afin de favoriser son insertion professionnelle, le jeune qui s’engage dans un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi peut bénéficier d’une allocation versée par l’État et modulable en fonction de la situation de l’intéressé.
« Cette allocation est incessible et insaisissable.
« Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat. » ;
6° (Supprimé)
7° L’article L. 5131-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131-7. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent chapitre, en particulier :
« 1° Les modalités du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi, ainsi que la nature des engagements de chaque partie au contrat ;
« 2° Les modalités de fixation de la durée et de renouvellement du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie ;
« 3° Les modalités d’orientation vers les différentes modalités du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi, ainsi que leurs caractéristiques respectives ;
« 4° Les modalités d’attribution, de modulation, de suppression et de versement de l’allocation prévue à l’article L. 5131-5. » ;
8° L’article L. 5131-8 est abrogé.
I bis. – Au deuxième alinéa de l’article L. 5134-54 du même code, les mots : « titulaires du contrat d’insertion dans la vie sociale » sont remplacés par les mots : « ayant conclu un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi ».
I ter. – Au 2° du I de l’article 244 quater G du code général des impôts, après le mot : « décret », sont insérés les mots : « en Conseil d’État ».
II. – Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2017. Les contrats d’insertion dans la vie sociale conclus antérieurement continuent à produire leurs effets dans les conditions applicables avant cette date, jusqu’à leur terme.
Mme la présidente. L'amendement n° 973, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
Accompagnement des jeunes vers l’autonomie
par les mots :
Droit à l’accompagnement des jeunes vers l’emploi et l’autonomie
II. – Alinéa 4
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° À l’article L. 5131-3, après le mot : « accompagnement », sont insérés les mots : « vers l’emploi et l’autonomie » et les mots : « , ayant pour but l’accès à la vie professionnelle » sont supprimés ;
III. – Alinéas 6, 8, 14, 16 et 19
Remplacer les mots :
vers l’autonomie par l’emploi
par les mots :
vers l’emploi et l’autonomie
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Le présent amendement tend à réinscrire dans ce projet de loi l’objectif d’un accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, que la commission a remplacé par un objectif d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi.
L’accès à l’autonomie est une notion plus large que le simple accès à l’emploi. On le constate concrètement avec le développement de la garantie jeunes : l’établissement du dossier permettant de bénéficier de ce dispositif soulève la question de l’accès au logement et, plus largement, appelle notre attention sur tous les freins périphériques entravant l’accès à l’emploi.
Ces différents facteurs doivent être pris en compte concomitamment. C’est là un enjeu essentiel. La maîtrise des codes d’un entretien d’embauche, l’obtention du permis de conduire sont autant d’étapes dans le parcours conduisant les jeunes vers la vie active.
Dès lors, l’efficience des dispositifs qui leur sont offerts ne peut être évaluée en mesurant le seul accès à l’emploi : ce facteur dépend en partie du contexte du marché du travail, des diverses étapes franchies et des compétences sociales et professionnelles acquises qui les rapprochent du marché du travail.
À cet égard, dans la garantie jeunes, les six semaines de coaching collectif que deux conseillers des missions locales consacrent à des groupes de quinze jeunes sont tout particulièrement intéressantes. Elles permettent de prendre en compte chacune des situations individuelles et d’œuvrer à une meilleure orientation professionnelle. Il s’agit là d’un temps précieux.
Aussi, je souhaite que la notion d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie soit de nouveau inscrite dans le présent texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ce point à la fois rédactionnel et philosophique ne change en rien le dispositif élaboré.
Aussi, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Stéphanie Riocreux, pour explication de vote.
Mme Stéphanie Riocreux. Madame la ministre, vous l’avez souligné : au travers de son article 23, ce projet de loi réaffirme le droit à l’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans qui éprouvent des difficultés et se trouvent confrontés à un risque d’exclusion professionnelle. Ce droit peut être mis en œuvre dans le cadre d’un parcours contractualisé conclu avec l’État.
Reprenant un amendement présenté par nos soins, la commission a inscrit dans le présent texte le principe selon lequel ce travail serait confié aux missions locales.
Créées en 1982, ces structures exercent une mission de service public de proximité. Le but ici est essentiel : accompagner les jeunes dans leur parcours d’insertion professionnelle et sociale.
Chacun reconnaît le rôle joué par les missions locales dans le déploiement de nombreux dispositifs comme les emplois d’avenir ou le droit à l’accompagnement renforcé. Ainsi, en affirmant que la mise en œuvre de ce parcours d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie est assurée par les missions locales, nous garantissons l’application effective et cohérente de ce droit sur le territoire national tout entier.
À l’heure où un grand nombre de collectivités manifestent la volonté de poursuivre leur engagement via des contrats pluriannuels signés avec la mission locale intervenant sur leur territoire, il est cohérent de reconnaître cette exclusivité au réseau des missions locales.
À ce titre, je fais miens les propos de notre collègue député Jean-Patrick Gille, président de l’union des missions locales : sur l’ensemble du territoire, la mission locale offre une égalité d’accès à un réseau à des jeunes qui, justement, sont privés de réseaux.
De plus, l’expérimentation de la garantie jeunes est d’ores et déjà confiée aux missions locales. Faut-il prévoir des dérogations au principe d’exclusivité, au motif que l’une des 450 missions locales existantes éprouverait des difficultés à intervenir ? Ne vaut-il pas mieux tout mettre en œuvre pour renforcer ces structures, au nom du principe d’égalité qu’elles défendent ?
Madame la ministre, je sais toute l’attention que vous accordez aux besoins exprimés par le réseau des missions locales, et qui verra sa traduction dans le prochain projet de loi de finances.
Bien entendu, nous voterons cet amendement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Hier, à une heure tardive, j’ai exposé l’analyse que les élus du groupe CRC font du présent article.
Bien sûr, je ne retranche rien à mes propos. Toutefois, mes collègues et moi-même jugeons tout à fait positives les dispositions du présent amendement.
Au reste, contrairement à ce qu’a déclaré M. le rapporteur, il ne s’agit pas d’un simple amendement rédactionnel. La terminologie ici proposée traduit une autre conception, voire une philosophie différente. Nous sommes donc bien face à une question de fond ! (Mme Stéphanie Riocreux acquiesce.)
L’objectif d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie est plus large que le but énoncé par la commission, et nous soutenons donc tout à fait cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.
Mme Agnès Canayer. Hier soir, j’ai moi aussi pris la parole pour exposer notre opposition philosophique à ces dispositions, qui, je le souligne à mon tour, ne sauraient se limiter à une correction rédactionnelle.
Si elle est ouverte sans condition, la garantie jeunes conduira à une forme d’assistanat.
Mme Nicole Bricq. Oh !
Mme Agnès Canayer. Elle se résumera à une allocation versée systématiquement.
Or un tel choix reviendrait à dévoyer le rôle des missions locales. Ces dernières sont avant tout chargées de l’accompagnement vers l’emploi. Elles doivent donner aux jeunes tous les moyens possibles pour entrer sur le marché du travail.
En distinguant, parmi les jeunes, d’une part, ceux qui peuvent et doivent être insérés dans l’emploi, et, de l’autre, ceux dont une allocation garantira l’autonomie, on aboutira à un résultat foncièrement opposé à notre conception de la garantie jeunes.
Je le répète : de même que les missions locales, ce dispositif a pour but premier l’insertion dans l’emploi !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Pour ma part, je préside une mission locale, et je suis de surcroît un groupe de garantie jeunes.
Je l’ai déjà dit : je suis intimement persuadé du caractère bénéfique de ce dispositif. Néanmoins, des améliorations sont encore nécessaires, notamment en matière d’accompagnement. (Mme la ministre le concède.) En particulier, la qualité des animateurs est essentielle.
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la ministre, vous avez insisté avec raison sur l’importance du travail collectif. S’y ajoute, bien entendu, l’enjeu de la démarche vers l’entreprise.
Si je formule ce rappel, c’est pour que tout le monde saisisse bien la portée de la garantie jeunes : ce dispositif est assez innovant, en ce sens que les jeunes eux-mêmes sont appelés à rechercher les stages d’immersion répartis tout au long de leur parcours.
Il s’agit là d’une formidable chance ! Mais si cette démarche n’est pas accompagnée, si elle ne permet pas cette expérience de l’autonomie, au-delà des 460 euros mensuels alloués, on ne pourra pas aboutir au résultat que nous attendons tous, à savoir que ces jeunes, à l’origine très éloignés du monde du travail, trouvent enfin un emploi.
Aussi, gardons-nous de toute confusion en parlant de « généralisation » : tous les jeunes désireux de trouver un emploi ne sont pas appelés à bénéficier de ce dispositif. Ce dernier est, au contraire, réservé à ceux qui sont le plus loin du marché du travail, à ceux que l’on nomme familièrement les « décrocheurs ». Tel est le public ciblé.
Mes chers collègues, nous ne nous battons pas sur les chiffres : Mme la ministre les a déjà cités. L’enjeu est désormais de pouvoir évaluer précisément la garantie jeunes. C’est la raison pour laquelle la commission, suivant ses rapporteurs, a prévu de lui consacrer un bilan d’étape en 2017, avant sa généralisation.
Nous restons convaincus qu’il s’agit là d’un bon dispositif, à condition que l’encadrement soit au rendez-vous et que les missions locales soient à même de cibler les populations réellement visées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je tiens à réagir aux propos de Mme Canayer. Je serai brève, car M. Vanlerenberghe leur a déjà opposé un démenti.
Il suffit de lire l’objet de cet amendement pour constater que le parcours d’accompagnement proposé est assorti de droits et de devoirs. Cette précision est clairement apportée !
De surcroît, lundi dernier, l’INSEE a publié une étude consacrée aux jeunes de 18 à 24 ans et à leur réussite, selon qu’ils sont, ou non, aidés par leurs parents. Les conclusions de cette enquête sont extrêmement intéressantes. Elles valent pour l’ensemble de l’article 23, notamment pour la garantie jeunes.
Le public visé par l’ensemble de ces dispositifs est précisément formé de ceux qui ne bénéficient pas d’un soutien familial : en la matière, une profonde inégalité frappe de nombreux jeunes dès leur majorité. Tel est le constat dressé par cette enquête.
Dès lors, monsieur le rapporteur, cette disposition est peut-être philosophique, mais elle est surtout éminemment politique.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. Aussi, je vous félicite d’avoir émis un avis de sagesse. Vous avez compris l’importance de cet amendement.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ah ! Un bon point pour M. Forissier ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Bricq. L’enjeu est bien le suivant : tourner vers l’activité ces jeunes qui n’ont rien, que la vie a souvent mal servis et que leur famille elle-même n’aide pas.
A contrario, beaucoup de parents aident leurs enfants, en particulier ceux qui jouissent d’une certaine aisance financière. Cette situation entraîne de grandes inégalités ! J’insiste sur cette réalité, qui me paraît essentielle. Nous devons collectivement réussir à surmonter ce handicap, qui est à la fois social et économique. (M. Michel Bouvard applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr, dans l’absolu, chaque homme, chaque femme a droit à l’autonomie, chaque homme, chaque femme a droit à un travail. Toutefois, en l’occurrence, nous débattons non des droits de l’homme mais du code du travail, en vertu duquel seul un emploi permet d’acquérir l’autonomie ! Si l’on réfute ce postulat, on peut renoncer à élaborer tout code du travail… Voilà pourquoi je souscris pleinement aux propos de Mme Canayer.
À la suite de l’avis de sagesse émis par M. Forissier, je demande aux uns et aux autres de bien réfléchir à leur vote : les jeunes doivent acquérir l’autonomie par l’emploi, dans le cadre du code du travail ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’insiste sur le fait que ce dispositif innovant permet d’atteindre des publics qui, auparavant, demeuraient à l’écart : en tout, 80 % des jeunes concernés ne sont en situation ni d’emploi, ni d’études, ni de formation.
Mme Nicole Bricq. Oui !
Mme Myriam El Khomri, ministre. En outre, 22 % de ces publics sont issus des quartiers ciblés par la politique de la ville. Dans ces secteurs, le taux de chômage des jeunes dépasse les 40 %. Cet indicateur s’établit même à 70 % dans le quartier de la Castellane, à Marseille.
Au surplus, avant d’obtenir la garantie jeunes, quelque 18 % des bénéficiaires n’étaient pas connus des missions locales. Ils ont été dirigés vers ce dispositif par l’aide sociale à l’enfance ou encore par la protection judiciaire de la jeunesse.
Dès lors, pourquoi parlons-nous de généralisation ? La garantie jeunes n’est pas une simple allocation. Elle relève de la solidarité, non de l’assistanat. Elle assure un accompagnement : si les jeunes rompent le contrat qu’ils ont conclu avec la mission locale, ils perdent le bénéfice de leurs prestations.
Parallèlement, le premier pas vers l’accès à l’emploi consiste à acquérir des compétences en matière d’autonomie.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Mais c’est un enjeu d’éducation !
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’apprentissage des codes et des moyens d’effectuer une recherche de stage sont des fondements de l’autonomie. Cette dernière est, quant à elle, un pas essentiel pour aller vers l’emploi. Tel est le sens des six semaines de coaching que j’ai évoquées en présentant cet amendement. Cet encadrement ne relève en rien du loisir ou de l’occupationnel !
En généralisant ce dispositif, nous dirons à tout jeune Français privé d’emploi, ne suivant ni une formation ni des études, subissant de surcroît une situation de précarité, qu’il a droit, où qu’il se trouve, à la garantie jeunes.
Aujourd’hui, seuls 80 % des missions locales proposent ce dispositif. D’ici au 1er janvier 2017, l’ensemble du territoire français doit être couvert !
Je tenais à insister sur ce point capital : l’accès à l’autonomie est un pas vers l’emploi. Surtout, la garantie jeunes ne se résume pas à une simple allocation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Yves Daudigny. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Mes chers collègues, nous allons bien sûr voter en faveur de cet amendement. Je précise néanmoins que les écologistes sont favorables à un RSA sans condition d’âge. Ainsi, à partir de dix-huit ans, tous les jeunes pourraient bénéficier d’un revenu. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas le sujet !
M. Jean Desessard. La mission d’information relative à la pauvreté et à l’exclusion l’a clairement constaté : parmi les habitants les plus défavorisés de notre pays, les jeunes sont extrêmement nombreux. Et, comme par hasard, ce sont ceux qui n’ont pas droit au RSA !
Plutôt que d’élaborer des systèmes compliqués assortis de diverses conditions, mieux vaudrait partir du principe suivant : dès lors que l’on a dix-huit ans, l’on est majeur et l’on bénéficie des mêmes droits que tout citoyen.
M. Patrick Abate. Ce serait le bon sens !
Mme Nicole Bricq. Mais ce serait un changement de logique !
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je tiens à réagir aux propos de M. Desessard : pour l’heure, le revenu de solidarité active, comme l’ensemble de notre modèle social, est financé à crédit. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Dominique de Legge. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Ce n’est toujours pas le sujet !
M. René-Paul Savary. On ne parvient déjà pas à respecter les engagements souscrits, et l’on donne de nouveaux cadeaux aux jeunes en laissant peser leur coût sur le dos des suivants ! Il ne faut pas occulter cette réalité.
Madame la ministre, le système d’accompagnement que vous nous présentez me paraît intéressant. Néanmoins, comme pour le RSA, il faut se poser la question de la sortie du dispositif : c’est là tout le problème.
Pourquoi sommes-nous face à un blocage au sujet du RSA ? Cette prestation devait inciter à la reprise d’emploi… Le résultat obtenu est contestable ! Elle devait permettre de réduire la part de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Sur ce front, l’efficacité n’est pas non plus redoutable au regard du coût supporté…
À présent, le Gouvernement nous propose un nouvel outil. Il est très intéressant sur le plan philosophique. Toutefois, rendra-t-il service aux jeunes, dès lors que l’on ignore comment ils sortiront du dispositif ? Voilà ce qui nous interpelle. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Louis Nègre. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Par souci d’équilibre, je tiens à dire tout le bien que nous pensons de ce dispositif.
Non, il ne s’agit pas d’assistanat. Non, il ne s’agit pas d’un doublon du RSA. Non, il ne s’agit d’argent perdu ou gaspillé, distribué sans contrepartie.
M. Vanlerenberghe, Mme Bricq et Mme la ministre l’ont déjà expliqué de manière très claire et très complète : chaque fois qu’un jeune de ce pays éprouvant de graves difficultés recevra un appui, sera aidé, guidé, conduit à prendre des initiatives pour se former, pour contacter des entreprises, son propre sort s’améliorera : une voie vers l’emploi et vers l’intégration s’ouvrira pour lui. L’action sociale s’en trouvera renforcée. Et, dans le même temps, la société tout entière s’enrichira.
L’argent consacré aujourd’hui à la garantie jeunes, qui – j’y insiste – n’a rien d’une allocation, est un excellent investissement pour notre pays ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.
M. Yannick Vaugrenard. Mes chers collègues, gardons bien à l’esprit que ce dispositif se fonde sur une démarche volontaire de la part des jeunes et que, parallèlement, ces derniers doivent être soutenus pour tracer des perspectives d’avenir, alors qu’ils traversent une existence particulièrement difficile. Le système proposé par Mme la ministre n’a donc rien à voir avec l’assistanat.
Par ailleurs, souvenons-nous que les citoyens de la République française ne sont pas assistés par principe : ils sont des ayants droit, en tant que membres de la communauté nationale. C’est précisément en tant qu’ayants droit, et non en tant qu’assistés, qu’ils bénéficient des aides sociales.
Mme Stéphanie Riocreux. Bien sûr !
M. Yannick Vaugrenard. À cet égard, la rédaction proposée par le Gouvernement a toute son importance. Elle est même fondamentale : elle responsabilise tout le monde, notamment les jeunes qui font face à une situation difficile.
Permettez-moi d’insister sur un fait trop souvent méconnu : statistiquement, la pauvreté est héréditaire. On pourrait s’imaginer que celles et ceux qui sont pauvres le sont du fait du contexte économique difficile que nous traversons, mais la réalité n’est malheureusement pas celle-là : ceux qui ont des parents ou des grands-parents pauvres ont plus de chances de l’être à leur tour.
Cet amendement vise à responsabiliser les jeunes, tout en faisant en sorte que la collectivité publique leur apporte l’aide dont ils ont besoin pour s’en sortir et pour pouvoir ensuite trouver un emploi.
Vous nous rétorquez que les jeunes ne trouveront pas un emploi du jour au lendemain pour autant. C’est une évidence ! Toutefois, il dépend des politiques publiques et de notre volonté à tous, quelles que soient nos orientations politiques, de faire en sorte qu’il y ait le maximum d’emplois. C’est vrai pour les jeunes, mais cela l’est tout autant pour d’autres ; c’est une évidence absolue.
De grâce, ayons ce souci, primordial, me semble-t-il, dans la République qui est la nôtre, d’aider les jeunes ! Nous le savons, leur génération se trouve aujourd’hui dans une situation inédite, puisque, pour la première fois, ils risquent de vivre moins bien que les générations d’hier et d’avant-hier. C’est la première fois dans l’histoire de notre pays que nous connaissons cette situation, et c’est pourquoi nous devons nous montrer particulièrement attentifs.
Tel est le sens de cet amendement, que je vous invite à adopter, mes chers collègues, pour des raisons politiques, mais aussi humanistes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Nicole Bricq. Le président Larcher a recommandé aux candidats à la primaire de prendre le social en considération !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 973.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1035, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Première phrase
Supprimer les mots :
et mis en œuvre par les organismes mentionnés aux articles L. 5314-1 à L. 5314-4 du code du travail
2° Après la première phrase
insérer deux phrases ainsi rédigées :
Ce parcours est mis en œuvre par les organismes mentionnés à l’article L. 5314-1. Toutefois, par dérogation, un autre organisme peut être désigné par le représentant de l'État dans le département, lorsque cela est justifié par les besoins de la politique d'insertion sociale et professionnelle des jeunes.
La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur.
M. Michel Forissier, rapporteur. Au travers de cet amendement, la commission souhaite apporter une précision nécessaire.
Lors de nos débats en commission, nous avons unanimement décidé qu’il reviendrait aux missions locales de porter ce dispositif.
Cet amendement vise à préciser que les missions locales sont appelées à mettre en œuvre le parcours contractualisé, mais que, si nécessaire, un autre organisme peut être désigné. Dans les cas où cela sera justifié par les besoins de politique d’insertion sociale et professionnelle des jeunes, ou dans des cas exceptionnels où il n’y aurait pas de couverture suffisante du territoire, cet organisme désigné sera le représentant de l’État dans le département.
Permettez-moi de souligner que nous considérons ce dispositif avec bienveillance. Si je ne souhaite pas l’inscrire dès aujourd'hui dans le marbre de la loi et préfère à ce stade un décret, c’est tout simplement pour le parfaire et l’affiner.
Madame la ministre, je serai très clair avec vous. Nos collègues du groupe CRC nous ont fait part, hier, des difficultés financières de mise en œuvre de ce dispositif. Or le coût à supporter par les missions locales se répercute sur les collectivités territoriales, comme j’ai pu l’observer dans mon territoire, où la mission locale a demandé un financement pour mettre en place ce dispositif de manière correcte, ce qui n’est pas normal.
Le Gouvernement devrait s’appliquer la fameuse règle d’or budgétaire. Le financement de tous les dispositifs qui sont mis en place sur son initiative devrait être clarifié au préalable, car il y a des besoins de financement pour rendre le dispositif efficace.
Le dispositif du parcours contractualisé nécessitera des locaux et des personnels dédiés, donc des recrutements. Il concerne aujourd'hui 40 000 jeunes et pourrait en concerner 60 000 supplémentaires. Vos objectifs sont, en effet, de l’ordre de 150 000 jeunes.
Nous souscrivons à votre ambition, mais, de grâce, si vous voulez que ce dispositif soit efficace, veillez à l’aspect financier des choses. Compte tenu de l’état des finances des collectivités locales, j’attire votre attention le problème qui va se poser.
M. René-Paul Savary. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement présenté par M. le rapporteur. En effet, la disposition qu’il vise à introduire permettra de mettre en œuvre la garantie jeunes lorsqu’un territoire n’est pas couvert par une mission locale.
Permettez-moi de saluer tous les professionnels qui travaillent dans les missions locales et de vous apporter des éléments très concrets sur la question du budget de ces missions.
Mme Cohen a indiqué hier soir que le budget alloué par l’État aux missions locales avait baissé de 60 millions d’euros. C’est faux. (M. Michel Bouvard s’exclame.) Le budget de l’État a été maintenu, et a même augmenté de 13 % avec la garantie jeunes, ce qui a, en partie, compensé la baisse du financement lié à l’arrêt de l’« ANI jeunes », l’Accord national interprofessionnel jeunes, et la baisse de 2 % des dépenses « socle », mais aussi – je vous réponds là de manière très transparente –, le désengagement de certaines collectivités locales s’agissant des missions locales. Telle est la réalité.
Que faire, vu que l’État augmente les financements et que l’on demande aux missions locales de prescrire des contrats d’avenir dans le cadre de la garantie jeunes ? La question du modèle économique des missions locales pose des difficultés depuis de nombreuses années. Dès que les crédits du Fonds social européen, le FSE, se font attendre, ou qu’une collectivité locale se désengage, une fragilité s’en ressent sur le terrain.
À la demande des syndicats représentant le personnel des missions locales, j’ai donc diligenté une mission de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, sur le modèle économique des missions locales. Je lui ai demandé de me transmettre ses conclusions d’ici au mois de septembre prochain, pour que nous puissions prendre ensemble des mesures visant à consolider le budget des missions locales lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2017.
Nous disposerons donc d’une analyse très transparente, avec des focus sur certains bassins d’emplois dont les missions locales sont dans une situation plus inquiétante, comme à la Réunion ou à Marseille. Au moins, nous pourrons savoir en toute transparence qui diminue les crédits des missions locales.
Le Gouvernement a effectivement donné des missions supplémentaires aux missions locales avec la garantie jeunes. Ces dernières se voient allouer en moyenne 1 600 euros par jeune pris en charge, mais l’impact n’est pas le même, par exemple en termes de locaux, à Paris et dans une ville moyenne.
Toutes ces questions sont posées de façon très claire. L’objectif du Gouvernement est que, à partir du 1er janvier 2017, tout jeune qui n’est pas en situation de formation, d’emploi ou de poursuite d’études supérieures et qui se trouve dans une situation de précarité puisse demander à entrer dans la garantie jeunes.
Il ne s’agit donc pas des 700 000 jeunes dits « NEET », ni scolarisés, ni en emploi, ni en formation, puisque tous ne sont pas en situation de précarité et que tous ne sont pas volontaires et motivés. La garantie jeunes est, je le répète, un contrat donnant-donnant entre la mission locale et le jeune. C’est un dispositif d’accompagnement particulièrement intensif qui s’adresse à des jeunes volontaires et motivés.
Quoi qu’il en soit, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, pour que la transparence soit complète, permettez-moi, à mon tour, de me livrer à ce petit exercice de justification.
Les argumentaires qui sont développés par le groupe CRC sont bien sûr contestables pour qui n’est pas d’accord avec nous, mais nous essayons toujours de varier nos sources, afin de ne pas être taxés d’être partisans. Les chiffres que j’ai cités hier ont été repris de notre collègue député Jean-Patrick Gille, qui n’a pas la même sensibilité politique que nous et qui exerce des responsabilités importantes au niveau des missions locales. Il serait donc étonnant qu’ils soient faux !
Par ailleurs, madame la ministre, la proposition que vous faites est certes intéressante, dans la mesure où elle permettrait à des jeunes qui sont particulièrement en difficulté de remettre le pied à l’étrier, si je puis m’exprimer ainsi, mais le problème de la précarité qui sévit au sein de la jeunesse n’est pas réglé pour autant.
Comme je l’ai souligné hier, si votre proposition est très ambitieuse, les moyens qui lui sont alloués ne sont pas au rendez-vous. Il faut donc raison garder ! En tout cas, nous resterons vigilants jusqu’au bout, pour voir cela tient la route.
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.
Mme Agnès Canayer. Je voudrais revenir sur la question de la qualité de l’accompagnement, en réponse à Mme Bricq, qui avait l’air de dire que je ne jaugeais pas la qualité.
Pour avoir pris part à de nombreux ateliers dans la mission locale que je préside, j’ai pu observer que de nombreux jeunes y trouvent un accès à la citoyenneté. Nous en sommes d’accord, la qualité de l’accompagnement est ce qui permet de tirer les jeunes vers le haut, même les plus décrocheurs, et de les faire accéder à l’emploi.
Toutefois, nous constatons aujourd'hui que le potentiel de jeunes est très supérieur au nombre de jeunes accompagnés. Dans ma mission locale, nous accompagnons quelque 500 jeunes, alors que le potentiel non pas simplement de jeunes décrocheurs, mais de volontaires est de 2 000 jeunes.
Quand bien même disposerions-nous de 1 600 euros par jeune, nous n’aurions jamais les moyens d’offrir à ces 2 000 jeunes la même qualité d’accompagnement qu’aux 500 jeunes que nous aidons aujourd'hui. Cet accompagnement demande des moyens humains et des locaux. Or les financements des missions locales baissent.
Nous venons d’avoir notre dialogue de gestion, et c’est donc seulement au mois de juin que nous connaissons les financements pour les actions de la mission locale. Or nous perdons au moins 2,5 % de nos ressources hors FSE.
Dans un contexte de baisse des financements de l’État et de déséquilibre de notre modèle économique, nous n’avons pas les moyens d’accompagner l’ensemble des jeunes qui peuvent bénéficier de la garantie jeunes à la hauteur de ce que nous proposons aujourd'hui. Même avec une augmentation du FSE, ce qui entraînerait d’autres contraintes administratives et de gestion des fonds pesant sur le fonctionnement des missions locales, nous n’en aurions pas les moyens.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame la ministre, j’ai l’impression que vous faites de la politique sur le dos des collectivités locales.
Vos ambitions sont grandes, et on peut les partager, car, dans nos territoires, nous sommes confrontés à cette population en difficulté, plus spécialement d’ailleurs dans les communes et intercommunalités que dans les départements, car ce public est relativement séparé du point de vue de la prise en charge. Toutefois, encore faut-il donner aux collectivités locales les moyens d’assumer leurs responsabilités. C’est un véritable problème.
D’un côté, vous baissez la DGF et dénoncez encore les charges de fonctionnement des collectivités locales. De l’autre, vous leur demandez de répondre aux ambitions de l’État. Pardonnez-moi l’expression, qui n’est pas adaptée, mais il s’agit là d’un comportement schizophrénique ! Même si l’on partage votre volonté et vos ambitions, nous n’avons pas les moyens de les réaliser.
Par ailleurs, comme vous l’avez dit, ne faut-il pas territorialiser le financement, puisque le coût de la vie est différent en province et à Paris ? C’est un point important pour le jeune, s’il veut s’en sortir.
Certains pays le font, parmi lesquels le Royaume-Uni, qui, comme nous l’avons appris hier dans le cadre de la commission d’enquête sur le chômage, amorce la territorialisation des aides et des accompagnements.
Il semble important de réfléchir à un dispositif permettant de prendre en compte le pouvoir d’achat de la personne qui reçoit des aides pouvant être différentes d’une collectivité à l’autre. Je ne cherche pas à faire de polémique, mais vous n’obtiendrez pas de résultat si nous n’avons pas les moyens de prendre en charge les jeunes sur le terrain.
Enfin, j’évoquerai le FSE. Vous le savez, madame la ministre, il y a deux ans de décalage ; il faut donc le préfinancer.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. René-Paul Savary. Les départements peuvent certes être des autorités organisatrices de second rang pour le compte des communes ou des associations, mais des questions de préfinancement se posent, là aussi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Après les éclaircissements de ma collègue Laurence Cohen, je voudrais répéter que nous ne sommes pas favorables à cet amendement présenté par notre rapporteur.
Madame la ministre, nous nous étonnons que vous donniez un avis favorable sur cet amendement, dont je rappelle que l’objet est de permettre à d’autres organismes que les missions locales de mettre en œuvre ces parcours contractualisés pour nos jeunes.
Cela nous semble d’autant plus inquiétant que vous avez diligenté une mission d’analyse du modèle économique des missions locales auprès de l’IGAS. Vous contestez les chiffres de M. Jean-Patrick Gille, qui est tout de même président de l’Union nationale des missions locales et qui se dit très inquiet de la baisse de son budget. Et alors même que la mission d’analyse que vous avez diligentée est en cours, vous donnez un avis favorable à un amendement du rapporteur, donc de la droite, qui vise à élargir à d’autres organismes que les missions locales la possibilité de mettre en œuvre cette garantie jeunes…
Cet avis favorable nous inquiète donc beaucoup, et nous ne voterons pas en faveur de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Pour que les choses soient très claires, je répète que le budget de l’État en direction des missions locales a augmenté. Si les financements n’ont pas été suffisants par rapport aux charges nouvelles des missions locales, c’est dû au désengagement de certains partenaires et à des situations complexes dans les territoires.
L’ambition que je porte n’est pas la mienne, ni celle de l’État ; c’est une ambition pour notre pays et pour nos jeunes. La garantie jeunes est un dispositif qui va chercher ceux qui en ont le plus besoin.
En contractualisant avec ces jeunes, ce dispositif permet de les rapprocher de l’entreprise, de les mettre en situation professionnelle ou de les renvoyer vers l’apprentissage. Voilà une réponse intelligente, qui ne consiste pas à demander aux jeunes d’entrer dans une boîte, mais qui s’efforce de s’adapter au profil de chacun de ces jeunes, en ne les lâchant pas tant qu’une solution n’a pas été trouvée.
J’ai en effet diligenté l’IGAS pour une mission d’analyse du modèle économique des missions locales, notamment en ce qui concerne les coûts réels de fonctionnement. Je crois que cela répond à votre question sur les locaux, madame Canayer : quel est le coût réel des mesures nationales au regard des budgets qui leur sont consacrés ?
Une telle transparence permettra de déterminer si les missions locales ont la capacité d’assurer leur mission de service public et de faire face aux échéances qui arrivent. Nous disposerons de toutes ces informations lors du prochain débat budgétaire.
Je le répète, cet amendement vise à préciser que ce sont les missions locales qui doivent mettre en œuvre la garantie jeunes, mais que, par dérogation, un autre organisme peut être désigné par le représentant de l’État dans le département.
Comme vous le savez, la vie associative est parfois difficile, et il arrive que des associations mettent la clef sous la porte. J’ai émis un avis favorable sur cet amendement, parce qu’il peut arriver qu’il n’y ait pas ou plus de mission locale sur un territoire, et parce que je refuse que les jeunes de ces territoires ne puissent pas entrer dans la garantie jeunes pour cette raison.
C’est donc de façon tout à fait responsable que j’ai donné cet avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Il y a quelques minutes, j’ai voté l’amendement n° 973 du Gouvernement, parce que l’article 23 prévoit que seul le jeune engagé dans un parcours contractualisé vers l’autonomie par l’emploi peut bénéficier d’une allocation. J’ai d’ailleurs compris que celle allocation pouvait être suspendue ou supprimée si le jeune ne se maintenait pas dans l’emploi.
Je suis toutefois conscient des difficultés des missions locales, qui demandent chaque année une augmentation des dotations des communes ou des communautés de communes, parce que celle de l’État diminue.
Je voterai donc en faveur de cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 320 est présenté par Mmes D. Gillot et Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Lozach, Botrel, Magner et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 893 rectifié est présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 11
Rétablir le 6° dans la rédaction suivante :
6° L'article L. 5131-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131-6. - La garantie jeunes est une modalité spécifique du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie.
« Elle est mise en œuvre par les organismes mentionnés à l'article L. 5314-1. Toutefois, par dérogation, un autre organisme peut être désigné par le représentant de l'État dans le département, lorsque cela est justifié par les besoins de la politique d'insertion sociale et professionnelle des jeunes.
« Elle comporte un accompagnement intensif du jeune, ainsi qu'une allocation dégressive en fonction de ses ressources d'activité. Cette allocation est incessible et insaisissable. Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat.
« La garantie jeunes est un droit ouvert aux jeunes de seize à vingt-cinq ans qui vivent hors du foyer de leurs parents ou au sein de ce foyer sans recevoir de soutien financier de leurs parents, qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas une formation et n'occupent pas un emploi et dont le niveau de ressources ne dépasse pas un montant fixé par décret, dès lors qu'ils s'engagent à respecter les engagements conclus dans le cadre de leur parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie. » ;
II. – Alinéa 17
Remplacer la référence :
à l'article L. 5131-5
par les références :
aux articles L. 5131-5 et L. 5131-6
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour présenter l’amendement n° 320.
Mme Dominique Gillot. Au-delà de la précision rédactionnelle sur le niveau, la mise en œuvre et les objectifs, cet amendement vise à rétablir la généralisation de la garantie jeunes, telle qu’elle issue des travaux de l’Assemblée nationale et supprimée par la commission des affaires sociales du Sénat.
Au regard de la situation générale dans notre pays, la situation des jeunes est objectivement plus difficile. Pourtant, ils ne sont pas résignés, ils ont foi en l’avenir et aspirent à en faire la preuve, qu’ils soient en situation d’emploi, de formation, de poursuite d’études supérieures ou dans aucun de ces trois derniers cas.
Les organisations de jeunesse l’ont démontré en investissant le débat sur cette loi qui, au départ, ne leur était pas destinée, et en portant dans l’espace public leurs difficultés, leurs besoins pour construire leur vie. Notre société doit être inclusive et réellement prendre en compte sa jeunesse dans l’ensemble de ses politiques publiques : l’instauration de la clause d’impact jeunesse, qui oblige à analyser l’effet de chaque loi sur cette partie essentielle de la population, est un signal fort du Gouvernement.
Toutefois, il reste du chemin à faire pour accompagner la jeunesse dans la conquête de son autonomie : le taux de chômage des 18-25 ans est bien plus qu’inquiétant.
La garantie jeunes, c’est un dispositif d’accompagnement vers l’emploi assorti d’une aide financière, filet de sécurité pour ceux qui n’ont pas encore trouvé leur premier travail, qui n’ont pas le soutien de leur famille et qui sont volontaires pour ce partenariat bienveillant et efficient.
La garantie jeunes, c’est 250 millions d’euros dans notre budget 2016, à savoir 461 euros par mois pour chaque bénéficiaire. Comme cela a été expliqué précédemment, cette somme est assortie d’obligations et d’un suivi. Est-ce trop pour permettre à ces jeunes de vivre à peu près dignement ? Est-ce de l’assistanat, comme on a pu l’entendre sur certaines travées ?
La garantie jeunes portée par le Gouvernement dans ce projet de loi s’inscrit dans la dynamique européenne, et elle est à ce titre éligible aux 10 milliards d’euros du Fonds social européen pour la période 2014-2020. Pour les comptables convaincus dans cet hémicycle – ils s’expriment assez souvent –, le rapport d’Eurofound estime le coût du chômage des jeunes à 153 milliards d’euros pour l’Union européenne, soit sept fois plus que la mise en place de la garantie jeunes dans toute l’Union européenne.
La généralisation de la garantie jeunes n’est pas une charge. C’est un investissement !
Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Dominique Gillot. La commission des affaires sociales du Sénat a estimé que l’expérimentation en cours dans les départements était suffisante.
Mes chers collègues, je vous propose de faire preuve d’une plus grande détermination pour l’avenir de notre jeunesse en votant cet amendement qui réintroduira la garantie jeunes au niveau de la loi, ce qui est tout de même plus sûr qu’une expérimentation, même très large.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l'amendement n° 893 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être défendu, mais je le défendrai malgré tout, car il n’est pas inutile de faire valoir ses propres arguments.
L’article 23 vise notamment à généraliser la garantie jeunes mise en place en octobre 2013 pour aider les jeunes dans la recherche d’emploi et de formation, tout en leur apportant un soutien financier. Madame la ministre, comme vous l’avez dit, c’est un contrat « donnant-donnant ».
La garantie jeunes s’adresse aux 18-25 ans pas ou peu diplômés, qui ne sont ni en cycle d’études, ni en formation et dont les ressources ne dépassent pas le plafond du revenu de solidarité active. Ce sont des jeunes « très désocialisés » et vulnérables sur le marché du travail, confrontés à un risque de marginalisation sociale.
Au 31 décembre dernier, quelque 46 000 jeunes avaient bénéficié de cette mesure. Aujourd’hui, ce sont quatre-vingt-onze départements qui sont couverts par le dispositif.
La généralisation et l’inscription de ce dispositif dans la loi sont donc de bonnes choses. C’est pourquoi le groupe RDSE propose de rétablir la généralisation de la garantie jeunes, supprimée par la commission des affaires sociales du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 437 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard, Mmes Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L'amendement n° 971 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Rétablir le 6° dans la rédaction suivante :
6° L’article L. 5131-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131-6. – La garantie jeunes est une modalité spécifique du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie.
« Elle est mise en œuvre par les organismes mentionnés à l’article L. 5314-1. Toutefois, par dérogation, un autre organisme peut être désigné par le représentant de l’État dans le département, lorsque cela est justifié par les besoins de la politique d’insertion sociale et professionnelle des jeunes.
« Elle comporte un accompagnement intensif du jeune, ainsi qu’une allocation dégressive en fonction de ses ressources d’activité, dont le montant et les modalités de versement sont définis par décret. Cette allocation est incessible et insaisissable. Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat.
« La garantie jeunes est un droit ouvert aux jeunes de seize à vingt-cinq ans qui vivent hors du foyer de leurs parents ou au sein de ce foyer sans recevoir de soutien financier de leurs parents, qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas une formation et n’occupent pas un emploi et dont le niveau de ressources ne dépasse pas un montant fixé par décret, dès lors qu’ils s’engagent à respecter les engagements conclus dans le cadre de leur parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie. » ;
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 437.
Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement a été rédigé par ma collègue Aline Archimbaud, chef de file de notre groupe sur ce sujet.
Le dispositif de la garantie jeunes a déjà été expérimenté. Il était très étendu dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale, et il nous semble préjudiciable de le supprimer.
Cela été dit précédemment, mais il est utile de le rappeler, car les chiffres ont leur importance, quelque 15 %, soit environ 2 millions de jeunes de 15 à 29 ans – un sur six, c’est énorme –, ne sont ni en situation d’études ni en formation active ni en situation d’emploi.
Il est indispensable de pérenniser cette garantie jeunes qui leur rend estime d’eux-mêmes, occupation, autonomie et qui crée le lien social dont ils ont besoin pour sortir de l’isolement, devenir membres de la société à part entière, chercher un avenir.
Ce dispositif n’est absolument pas de l’assistanat, bien au contraire. La garantie jeunes est un contrat donnant-donnant pendant un an. En contrepartie d’une aide financière du montant du RSA, le jeune s’engage à suivre rigoureusement la démarche organisée par une mission locale. Ce contrat repose sur la notion de confiance et de responsabilité. Il s’agit de réapprendre à vivre dans un collectif et à devenir autonome, capable d’initiative.
L’aide financière est strictement conditionnée au respect d’engagements exigeants. Au début, un accompagnement collectif intensif de six semaines nécessite que le jeune se rende chaque jour de la semaine et toute la journée à diverses activités.
C’est un accompagnement global dans le champ de la vie sociale en général, et bien sûr de la formation et de la recherche d’une activité économique. Nous le savons, les chances sont minces de s’insérer durablement dans le marché du travail lorsque l’on est sorti du système scolaire très jeune et a fortiori sans diplôme.
Nous pensons que la garantie jeunes est une chance pour tous ces jeunes qui ne se sont pas trouvés en situation de réussite et qui n’ont pas trouvé à l’école ce qu’ils y cherchaient. Nous proposons donc de la réinscrire dans le texte, tel qu’il était rédigé avant le travail de la commission.
M. Jean Desessard. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 971.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Dans le sens de ce qui vient d’être dit par les différents orateurs, cet amendement vise à rétablir le droit universel à la garantie jeunes. Il faut que notre droit soit lisible et que tout jeune répondant aux différents critères puisse être en capacité de demander la garantie jeunes.
Mon premier objectif est que, au 1er janvier 2017, la totalité des missions locales soit prête à accueillir ces jeunes. Mon second objectif est que, lors des débats sur le projet loi de finances pour 2017, nous puissions assurer le financement d’au moins 150 000 jeunes sur l’année 2017, sachant que, aujourd’hui, quelque 65 000 jeunes en ont bénéficié.
Concernant l’évaluation, il ne s’agit pas de déterminer s’il faut ou non généraliser le dispositif. Je pense que tout le monde ici conviendra que la garantie jeunes permet de rapprocher les jeunes de l’entreprise, en partie grâce aux employés de la mission locale, qui font le lien entre le dedans et le dehors. Elle a également permis de mettre en situation professionnelle beaucoup de jeunes. La question du lien entre l’entreprise et les missions locales est donc centrale.
Nous avons mis en place un comité scientifique pour procéder à une évaluation non pas quantitative, mais qualitative : il assure pendant deux ans le suivi d’une cohorte de jeunes qui ne bénéficient pas de la garantie jeunes, en comparaison avec ceux qui en bénéficient depuis la mise en place de l’expérimentation en 2013. Cette instance va évaluer plusieurs éléments – je peux vous en communiquer la liste exhaustive, si vous le souhaitez –, notamment les pratiques des professionnels par rapport à l’extérieur et aux entreprises, la question de la confiance et le retour à l’emploi de ces jeunes.
Une première étape de ce bilan sera faite en septembre prochain. Toutefois, les salariés des missions locales m’ont d’ores et déjà fait part, à de nombreuses reprises, d’une certaine lourdeur administrative.
Ainsi, le dossier à constituer pour bénéficier de la garantie jeunes demande parfois un accompagnement des jeunes ; c’est la question de l’autonomie évoquée précédemment. C’est pourquoi nous simplifions actuellement les démarches : nous permettons aux jeunes de signer une attestation sur l’honneur, puis nous les aidons à rassembler tous les papiers nécessaires à la constitution du dossier.
Certes, le dispositif est innovant, nous le modifions, nous l’avons expérimenté, mais nous répondons au fil de l’eau à toutes les critiques liées à la lourdeur administrative et aux contraintes.
La garantie jeunes qui sera mise en place au 1er janvier 2017 ne sera pas la même que celle qui a été expérimentée en 2013. Le comité de pilotage permanent évalue le dispositif et apporte les améliorations nécessaires, afin de rapprocher beaucoup plus les jeunes du monde de l’entreprise. C’est nécessaire, car cela leur permet aussi, avec les mises en situation professionnelle, de retrouver confiance en eux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Mon avis sera le même pour les quatre amendements en discussion commune, car, en réalité, les deux premiers sont très similaires aux deux autres.
J’aimerais que l’on ne se trompe pas de débat. Or tous les arguments que je viens d’entendre, y compris les vôtres, madame la ministre, me confortent dans ma position. Il nous faut peut-être encore lever un malentendu : nous ne sommes pas défavorables à la garantie jeunes. « La droite », comme dit Mme David d’un air quelque peu méprisant – mais j’ai l’habitude ! –,…
Mme Annie David. Non, jamais, monsieur le rapporteur ! Je respecte chacun.
M. Michel Forissier, rapporteur. … la droite, donc, n’est pas du tout antisociale et ne s’intéresse pas aux jeunes que de loin. Bien au contraire, dans nos territoires, de nombreux élus sont impliqués dans les missions locales et dans les différents dispositifs.
Toutefois, alors que vous attendez, comme vous l’avez expliqué dans votre argumentation, les résultats d’évaluation de l’IGAS, vous nous demandez de graver ce dispositif dans le marbre de la loi. Pardonnez-moi, mais ce n’est pas ma manière de travailler ; ce n’est pas justement celle de la droite ! C’est peut-être ainsi que procède la gauche, mais, pour notre part, nous préférons avoir les résultats avant de nous engager. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annie David. Ce n’est pas toujours le cas !
M. Michel Forissier, rapporteur. En fait, nous ne voulons pas, en quelque sorte, vous donner un chèque en blanc, madame la ministre. La gauche, y compris le groupe CRC, y est peut-être prête.
Mme Laurence Cohen. Vous nous avez déjà vus signer des chèques en blanc ? Ce n’est pas notre habitude !
M. Michel Forissier, rapporteur. Néanmoins, pour ce qui nous concerne, vous vous en doutez bien, chers collègues, il n’en est pas question ! Nous voulons avoir les résultats des expérimentations et nous souhaitons connaître les coûts induits pour les collectivités locales. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Aujourd'hui, vous l’avez très bien dit, vous faites un effort considérable : dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, vous allez doubler les crédits, en les faisant passer d’un peu moins de 300 millions d’euros à 600 millions d’euros. Nous avons pris en compte cet élément dans l’excellent rapport de quelque 700 pages que j’ai commis avec mes deux collègues rapporteurs. Je vous invite d’ailleurs à lire le volet important que nous avons consacré à cette question, car tout y est expliqué.
Là est le vrai débat. Aujourd'hui, il n’y a pas d’urgence, même pas d’urgence électorale – ce dispositif n’a pas un impact que je qualifierai de « grand public ». La raison veut que l’on dispose des résultats de l’évaluation avant de graver ce dispositif dans le marbre de la loi. Après, ce sera beaucoup plus compliqué. Et, s’ils sont bons, pourquoi ne pas aller plus loin ?
Mme Nicole Bricq. Ils sont bons !
M. Michel Forissier, rapporteur. Madame la ministre, je pense que vous n’avez pas bien compris la question que je vous ai posée précédemment sur le financement des missions locales. Concernant les crédits européens, notre visibilité s’arrête à la fin de l’année 2016.
M. Gérard Longuet. Tout à fait !
M. Michel Forissier, rapporteur. Il serait donc souhaitable d’avoir plus de visibilité en la matière.
Les collectivités, je puis le dire pour en gérer une, se sont toujours substituées au désengagement de l’État, quel qu’il soit. Néanmoins, à un moment donné, elles n’y arrivent plus. Aujourd'hui, nous avons besoin d’avoir les bilans ; nous voulons connaître la réalité, avant de nous engager d’une manière définitive dans la loi.
C’est pour cette raison que j’émets un avis résolument défavorable sur ces quatre amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 320 et 893 rectifié ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer, au profit des amendements identiques nos 437 et 971.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je soutiens les amendements de mes collègues socialistes et du Gouvernement, qui visent à rétablir la garantie jeunes. On est là au cœur d’un débat qui n’a pas suffisamment eu lieu depuis le début de l’examen de ce projet de loi.
Certes, il y a l’organisation du marché de l’emploi. Mais, aujourd'hui, le problème majeur, c’est que les jeunes n’ont plus accès au travail, et ils y ont encore moins accès lorsqu’ils ont décroché : ils s’éloignent du marché du travail, parce qu’ils sont sans formation ou sont confrontés, eux ou leur famille, à d’extrêmes difficultés. Il ne s’agit donc pas là d’un point mineur. La garantie jeunes universelle témoigne aussi de la nature de cette loi ; elle montre l’intention.
Bien sûr, il s’agit ici et là de faire évoluer des dispositifs, mais il est aussi question de faire un pas vers une nouvelle conquête sociale. D’ailleurs, je regrette que cela n’ait pas été suffisamment souligné, notamment sur les travées de gauche. Pourtant, celle-ci applaudit en général les conquêtes sociales ! Surtout, il ne faut pas relativiser. Il ne faut pas faire comme s’il s’agissait d’un élément parmi d’autres, car cette garantie est fondamentale pour les jeunes, et ce pour deux raisons.
Premièrement, il y a un véritable accompagnement individualisé des jeunes. C’est pour eux, on le sait, la seule façon d’obtenir un emploi. Il ne s’agit pas de laisser des jeunes dans l’assistanat, comme certains le disent, pendant quelques années. C’est le cas parfois avec les contrats divers et variés expérimentés depuis quarante ans. Non, il est ici question de les sécuriser réellement dans l’emploi : quand un emploi est proposé, des jeunes peuvent y répondre.
Aujourd'hui, il n’y a pas assez de propositions d’emplois. Toutefois, dans certains secteurs, des emplois ne sont pas pourvus, car les jeunes n’ont pas la formation adéquate.
Deuxièmement, la garantie jeunes est assortie d’une rémunération. On a sous-estimé le fait que des jeunes complètement largués ou abandonnés puissent suivre un parcours vers l’emploi. C’est relativement difficile et exigeant, parce qu’il faut se structurer : il faut se rendre aux rendez-vous, avoir des horaires, et tout cela sans cette autonomie financière qui donne le respect de soi-même et donne envie d’aller de l’avant.
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.
Mme Agnès Canayer. Cette question s’ordonne autour de deux axes.
Le premier concerne la généralisation de la garantie jeunes. Nous en sommes tous d’accord, ce dispositif est plutôt bon et fonctionne bien, même si l’on voit que des marges d’amélioration sont encore possibles, notamment en ce qui concerne les contraintes administratives imposées à la fois par les financements européens et parfois l’« administrativisation » du dispositif.
La généralisation sera possible, même si l’on en reste au stade de l’expérimentation. On peut continuer à étendre ce dispositif à certains territoires. Cependant, avant de le graver dans le marbre de la loi, il importe, comme l’a souligné à juste titre notre rapporteur, de disposer des évaluations et d’avoir les conclusions des études scientifiques, en vue de corriger les imperfections qui sont apparues après les premières pratiques.
Le second axe a trait à l’universalisation. Pour ma part, je pense que celle-ci risque aujourd'hui d’altérer ou d’édulcorer très largement la qualité de l’accompagnement mis en œuvre auprès des jeunes, d’autant que les missions locales ont déjà été fortement déstabilisées. En effet, la mise en œuvre d’un tel dispositif exige une nouvelle forme d’organisation et de fonctionnement et implique une nouvelle dynamique. C’est une source de déstabilisation, car cela suppose une réorganisation, pour donner une impulsion et du dynamisme dans les missions locales.
L’universalisation risque de déstabiliser encore plus le modèle des missions locales, qui ne sont pas stabilisées d’un point de vue financier, comme cela a été relevé. Celles qui ont déjà commencé à mettre en œuvre ce dispositif sont simplement en train de le « digérer », si je puis dire, et n’ont pas la capacité de l’étendre sur leur territoire aux autres jeunes qui seront en droit d’y recourir et d’en bénéficier, si l’on s’en tient à votre proposition.
Ces deux raisons me conduisent aujourd'hui à préférer le maintien de l’expérimentation, en attendant les évaluations et une stabilisation du dispositif, avant une éventuelle extension.
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Tout le monde reconnaît, me semble-t-il, qu’il est urgent de répondre au besoin de trouver un travail pour les jeunes.
Le travail, c’est l’engagement citoyen, c’est l’épanouissement citoyen. Le travail, c’est redonner l’espoir, dégager l’horizon. Monsieur le rapporteur, vous nous dites qu’il n’y a pas urgence, que l’on peut encore attendre. Mais, au risque de vous contrarier ou de vous contredire, trouver un emploi, c’est avoir une autonomie financière et, donc, la liberté !
Les jeunes ont soif de liberté. Ils ne veulent pas de l’assistanat ; ils veulent être libres pour pouvoir s’engager dans la vie et fonder une famille. Bref, ils veulent pouvoir être des citoyens ordinaires, avec les mêmes droits que ceux, plus âgés, qui ont un travail.
Cette question n’est pas nouvelle. Voilà six ou sept ans, j’avais demandé à M. Fillon, à l'Assemblée nationale, si nous allions faire quelque chose, ensemble, pour faire en sorte que les jeunes n’aient pas pour seul horizon le chômage ou, au mieux, le statut de travailleur pauvre. Ce n’est pas un horizon ! Ce n’est pas ce qui redonne espoir.
La garantie jeunes donnera de l’espoir non seulement aux jeunes, mais aussi à leurs familles, à leur père, à leur mère, et même, fait plus important encore, à leurs grands-parents : c’est un échec fondamental pour eux que de voir un jeune sans emploi, malgré sa formation.
Madame la ministre, je voterai votre amendement des deux mains. Faites un effort, monsieur le rapporteur ! Vous ne pouvez pas dire que l’on peut attendre. Depuis hier, chaque fois que nous proposons un progrès social, vous nous dites qu’il n’y a pas urgence et qu’il faut attendre. Eh bien, les jeunes vous répondent : monsieur le rapporteur, il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur, je ne veux pas que vous nous fassiez, à nous qui sommes favorables à la généralisation de la garantie jeunes, un procès en incompétence. (M. le rapporteur s’exclame.)
Vous avez parlé d’expérimentation, mais celle-ci a été lancée en 2013, au second semestre. Lorsque nous voterons les dépenses du projet de budget en décembre prochain, ce dispositif aura donc trois ans d’existence, ce qui correspond à une durée importante. Actuellement, quelque 65 000 jeunes en bénéficient déjà. Dans ces conditions, au regard tant de la durée de cette expérimentation que du nombre de bénéficiaires, nous pourrons interroger Mme la ministre. D’ailleurs, je la remercie de s’être battue pour obtenir un bon arbitrage de Bercy.
Le potentiel estimé s’élève à 150 000 jeunes, mais tous ne vont pas demander la garantie jeunes. Madame Canayer, il ne s’agit pas d’un revenu d’assistance. C’est une démarche volontaire. Nous voulons acter dans la loi – aujourd'hui au Sénat, si possible ou, en tout cas, au mois de juillet – la généralisation de la garantie jeunes.
Madame Canayer, vous êtes élue d’une très belle ville, Le Havre,…
M. Gérard Longuet. Belle ville grâce à son maire !
Mme Nicole Bricq. … qui retrouve son dynamisme, car elle a su revitaliser son port. Toutefois, vous le savez, votre ville compte encore beaucoup de pauvres. C’est eux que nous devons aider au travers de la garantie jeunes, et vous en êtes d’accord.
Si vous nous faites ce procès d’intention, alors je serais tentée de vous en intenter un autre : vous voulez passer le cap de 2017, pour ne pas généraliser cette mesure.
Mme Annie David. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. Si vous pouvez le faire en 2017, après les élections, alors vous pouvez tout aussi bien le faire maintenant ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je tiens à apporter une précision.
Le retour à l’emploi des moins de vingt-six ans passe d’abord par un plus grand nombre de créations d’emplois.
M. Michel Forissier, rapporteur. Oui !
Mme Laurence Cohen. Concernant la généralisation du dispositif, soyez attentif, monsieur le rapporteur, et ne faites pas dire au groupe CRC ce qu’il ne dit pas : nous ne signons aucun chèque en blanc à quiconque.
La généralisation de ce dispositif pose effectivement un véritable problème, car l’expérimentation en cours n’a pas encore été évaluée. Dans notre pays, on a tendance à ne pas évaluer les dispositifs que l’on met en place, ce qui est vraiment très ennuyeux.
Par ailleurs, on risque un empilement de dispositifs et, partant, une illisibilité de l’offre, mais, surtout, comme je l’ai déjà souligné, une surcharge de travail pour les missions locales.
Comme les chiffres de notre collègue député ne semblent pas justes, j’en citerai d’autres. Dans un rapport récent, la Cour des comptes a chiffré le coût total de la garantie jeunes à 360 millions d’euros au minimum pour 100 000 jeunes. Cela montre bien l’effort qui doit être fourni et soutenu au long cours par l’État. Or je ne suis pas persuadée de la pérennisation des financements.
En outre, toutes les organisations de jeunesse, sauf la FAGE, la Fédération des associations générales étudiantes, sont contre la généralisation de cette garantie, car celle-ci ne correspond pas à la demande de la génération la plus diplômée.
Aujourd'hui, les jeunes ont pour exigences d’avoir une formation de qualité, de voir leurs diplômes reconnus et d’avoir un emploi. Dans ce contexte, généraliser ce dispositif ne répond pas aux enjeux des jeunes et de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je ne reviendrai pas sur la pertinence et l’intérêt du dispositif, car je crois les avoir démontrés précédemment.
Parmi la dizaine de dispositifs proposés par les missions locales, la garantie jeunes est certainement celui qui me semble correspondre le mieux aux besoins des jeunes les plus éloignés de l’emploi, dont tout le monde a parlé ici.
Sans revenir sur l’intérêt que nous manifestons pour la généralisation du dispositif, je rappelle que l’expérimentation, initialement prévue jusqu’au 31 décembre 2015, a été prolongée par le Gouvernement lui-même jusqu’au 31 décembre 2017.
Tout ce que nous demandons, c’est que le Gouvernement applique tout simplement ses propres règles et ne précipite pas le mouvement. On sait pourquoi il a agi ainsi. Pour tenir une promesse devant la montée de la fronde des jeunes lors des dernières manifestations ! On a cru que la bonne réponse était la garantie jeunes, et, apparemment, cela fonctionne.
Néanmoins, pour ma part, je reste sur ma position, qui m’apparaît légitime et scientifique : il faut pouvoir mesurer l’efficacité de la garantie, en termes tant d’utilisation de l’argent public que de retour ou, tout au moins, de solution vers l’emploi, au sortir du dispositif. Là est l’essentiel, et vous l’avez d’ailleurs, me semble-t-il, relevé tout à l'heure, madame la ministre.
C’est à l’aune de ces critères que l’on pourra mesurer la véritable efficacité de ce dispositif. Croyez-moi, on a trop souvent négligé cet aspect des choses, et je m’en suis souvent inquiété auprès de la mission locale.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Notre groupe a déposé un amendement identique à celui du Gouvernement. La généralisation de la garantie jeunes, vers un RSA pour tous les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, sans conditions, va dans la bonne voie. C’est un pas vers le revenu universel, je le dis en présence du rapporteur de la mission commune d’information sur ce sujet, une autre mesure que nous proposons. Il s’agit donc non pas d’une expérimentation, mais d’une extension d’un revenu, en faveur de tous les jeunes.
Certains parlent d’assistanat. Toutefois, chers collègues, je voudrais que vous m’expliquiez ce que vous entendez par là. Si je comprends bien, les uns travailleraient beaucoup, tandis que les autres ne feraient rien, n’auraient pas envie de travailler et attendraient d’être aidés, en vivant aux crochets de la société…
On ne rencontre pas les mêmes jeunes dans nos circonscriptions ! Moi, je rencontre des jeunes qui ont envie de travailler. Vous dites vouloir faire quelque chose pour ces jeunes. Dès que l’un d’entre eux vient vous voir, vous lui trouvez donc un travail ?… Cela signifie-il que vous êtes aujourd'hui capables de donner un travail à tous les jeunes qui se présentent dans vos permanences ? Là, franchement, je suis prêt à les rencontrer pour voir comment vous faites.
Les jeunes que je rencontre, moi, ont des difficultés à trouver un emploi. Aujourd'hui, la société n’est pas capable de leur offrir un emploi. Il ne s’agit donc pas d’assistanat ; il est simplement question ici de solidarité de la société à l’égard des jeunes qui n’ont pas les moyens de trouver un emploi et qui ne peuvent pas s’insérer.
Préférez-vous que les jeunes soient à la charge de leurs parents, même si ceux-ci sont pauvres et vivent déjà dans une situation difficile ? Préférez-vous qu’ils deviennent des marginaux vivant dans la rue ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-François Husson. Arrêtez ! Quelle caricature !
M. Jean Desessard. Que signifie la notion d’« assistanat » quand on n’est pas capable de fournir du travail aux jeunes ? Ne parlez plus d’assistanat, mais parlez plutôt d’une solidarité nécessaire de la société à l’égard des jeunes, car elle n’est pas capable de leur fournir un emploi !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. À propos d’une demande budgétaire, le Premier ministre François Fillon avait répondu, dans un mouvement d’exaspération : « Monsieur, je suis à la tête d’un État en faillite ».
Je veux simplement indiquer que cette vérité est toujours d’actualité, avec un budget largement déficitaire. La dépense que vous nous proposez aujourd'hui en faveur des jeunes, madame la ministre, devra précisément être payée par eux. C’est en effet l’endettement de l’État qui pèse sur leurs épaules. Avant même qu’ils n’aient commencé à travailler, cher Jean Desessard, ils auront la certitude de devoir s’acquitter de cette facture, qu’ils auront sinon à rembourser, du moins à honorer au titre des frais financiers.
Dans ce contexte, il faut se demander quelle est la meilleure façon de dépenser l’argent public pour favoriser l’emploi.
Rapporteur spécial pour l’enseignement scolaire, je puis vous dire, après un rapide calcul, que le RSA généralisé sur la base de 6 000 euros par an…
Mme Nicole Bricq. On ne parle pas du RSA !
M. Gérard Longuet. … représente en gros la moitié de la dépense que l’éducation nationale consent chaque année pour chaque élève du primaire. Or nous savons que l’école primaire est insuffisamment dotée en France, ce qui explique le décrochage prématuré des jeunes enfants, qui ne parviennent pas à maîtriser la lecture, l’écriture et le calcul, et prépare leur échec.
Madame la ministre, les moyens de l’État ne sont pas illimités. Nous sommes dans une phase expérimentale, et je ne suis même pas certain de la pertinence de l’extension de cette expérimentation.
Toutefois, puisque votre gouvernement a proposé de la prolonger, comme l’a rappelé à juste raison Jean-Marie Vanlerenberghe, faisons-le et, surtout, comparons le coût et le rendement de tous les investissements que l’on peut faire pour les jeunes, depuis l’école primaire jusqu’aux revenus de complément, pour voir ce qui rapporte.
Concernant la garantie jeunes, on parle de 6 000 euros par an, mais c’est le double de ce que dépense l’État en moyenne pour un apprenti. Dans ces conditions, ne vaut-il pas mieux soutenir l’apprentissage ? C’est la moitié de ce que l’éducation nationale dépense en moyenne pour les élèves du primaire et c’est le tiers de ce qui est dépensé pour le secondaire.
Madame la ministre, je propose que nous adoptions l’amendement de la commission, afin de savoir quelle mesure est la plus susceptible de donner des chances de succès aux jeunes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Si la version soutenue par M. Desessard était adoptée, cela signifierait que l’on donnerait la garantie jeunes à tout le monde. Pourtant, j’avais compris que cette mesure devait être uniquement fondée sur l’insertion, en lien avec la mission locale, pour conduire le jeune vers l’emploi.
Mme Annie David. Si vous donniez un emploi aux jeunes, ils n’en auraient pas besoin !
M. Daniel Chasseing. C’est un point absolument capital. Si l’on donne un revenu aux jeunes, ce sera catastrophique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Alain Néri. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !
M. Daniel Chasseing. À entendre certains, nous ne connaîtrions pas les jeunes, nous ne les rencontrerions pas dans nos circonscriptions ! Mais bien sûr que si ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Et il faut faire une autre politique pour l’emploi : il faut baisser les charges, pour que les entreprises puissent absorber peu à peu un plus grand nombre de jeunes.
Pour ma part, j’étais favorable à cette expérimentation et je suis favorable à la philosophie qui sous-tend la garantie jeunes pour amener les jeunes en grande difficulté vers l’emploi, mais je suis défavorable à l’universalisation de cette mesure, comme le propose M. Desessard.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Pour ce qui me concerne, je ne suis pas hostile par principe à l’extension de la garantie jeunes ; c’est même plutôt une bonne idée. Toutefois, j’ai besoin de comprendre un nombre de choses avant de voter ; je veux voir si l’expérimentation est satisfaisante.
Tout d’abord, je constate – le projet de loi de règlement arrivera en discussion dans quelques jours – que 132 millions d’euros avaient été inscrits dans la loi de finances initiale de 2015, alors que l’on n’aura dépensé que 94 millions d’euros.
Mme Annie David. Oui !
M. Michel Bouvard. Par conséquent, soit on fait de la cavalerie, soit il y a eu moins de demandes que prévu. Dans ce dernier cas, avec un écart de cette importance, il convient de s’interroger.
Et comment allons-nous financer la garantie jeunes ? Aujourd'hui, le dispositif – cela fait d’ailleurs partie des expérimentations – fonctionne, y compris, comme vous le savez, avec les missions locales, avec des systèmes d’avance ; c’est l’État qui supporte les avances et le risque financier. Néanmoins, à partir du 1er janvier 2017, l’initiative européenne en faveur de l’emploi des jeunes cessera. Or une partie des financements est apportée dans le cadre de l’initiative pour l’emploi des jeunes, l’IEJ.
On s’apprête donc à étendre ce dispositif alors même qu’une partie des ressources européennes mobilisées pour l’expérimentation va disparaître. Aussi, j’aimerais savoir de quelle manière on envisage de financer l’extension de ce dispositif.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Permettez-moi de verser deux éléments à notre débat, qui est un beau débat, d’ailleurs. (Mme Nicole Bricq acquiesce.) On mélange un peu tout. Aussi, il convient de réaffirmer ce qui fait l’objet de notre discussion.
Je rappelle que, pour bénéficier du dispositif, un jeune doit remplir quatre conditions : vivre hors du foyer de ses parents ou au sein de celui-ci sans recevoir de soutien financier de leur part ; ne pas être étudiant, occuper un emploi ou suivre une formation ; avoir un niveau de ressources inférieur à un niveau fixé par décret ; s’engager à respecter les engagements réciproques inclus. Ce n’est donc pas le revenu universel qui est en discussion dans l’hémicycle en cet instant.
Par ailleurs, vous avez raison, monsieur le rapporteur, de nous inviter à consulter votre volumineux rapport. On peut y lire notamment la position de la Cour des comptes, dont personne ne peut soupçonner ici la complaisance à l’égard de dispositifs sociaux : « La Cour des comptes indique que ce dispositif pourrait ″devenir un dispositif de droit commun pertinent, en mesure de répondre aux besoins des jeunes en difficulté d’insertion″. » (MM. Éric Jeansannetas et Christian Manable applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.
M. Yannick Vaugrenard. Il me semble que nos débats et le sujet sur lequel ils portent sont suffisamment importants pour que l’on ne donne pas dans la caricature. L’un des orateurs précédents s’est demandé si nous rencontrions les jeunes. Bien sûr que nous les rencontrons, comme nous tous !
La question qui nous occupe est, d’une certaine manière, une question de solidarité intergénérationnelle. En effet, alors que jamais les jeunes n’ont été autant en difficulté qu’aujourd’hui, nous savons pertinemment que nous ne trouverons pas du jour au lendemain un emploi pour chacun d’eux, vu qu’on est beaucoup plus exigeant aujourd’hui qu’hier sur les niveaux de diplôme qu’ils doivent atteindre. Il y a là, mes chers collègues, une injustice terrible, qu’aucun d’entre nous n’a connue !
Si donc la question est bien entendu financière, comme toujours, il s’agit avant tout d’une question de droit humanitaire vis-à-vis d’une génération qui risque, demain, d’être en désespérance, parce qu’un quart des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage.
Même si la question que Jean Desessard a posée il y a quelques instants, et que d’autres aussi ont soulevée, n’est pas l’objet du débat de cet après-midi, elle me conduit à ouvrir une parenthèse. À dix-huit ans, on obtient le droit politique, pas le droit social : on a le droit de voter, mais pas celui d’être aidé. Il y a là un problème de fond, sur lequel nous devrons nous pencher le moment venu. De ce constat découle le débat sur le revenu de base minimal, qui est, certes, un autre débat.
À cet instant, il s’agit, je le répète, de solidarité intergénérationnelle. N’oublions pas que les jeunes en état de désespérance sont parfois sensibles aux discours de ceux qui disent tout et n’importe quoi et qui peuvent les pousser à des comportements extrêmes ; aussi bien, il ne faut pas considérer seulement les aspects sociaux de la question, mais aussi ses aspects sociétaux.
J’ajoute que le dispositif prévoit un acte volontaire, ce qui est important.
Adopter maintenant l’amendement que la commission a repoussé est une nécessité. Certains disent : il est urgent d’attendre. Non, mes chers collègues : dans la situation actuelle, il est urgent d’agir pour notre jeunesse ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – M. Patrick Abate applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Ce sujet est, en effet, extrêmement important.
Moi non plus je ne suis pas hostile à un accompagnement des jeunes dépourvus de ressources. Simplement, on s’est mis d’accord pour qu’une expérimentation soit menée, et elle l’est depuis 2013. Dès lors, il me paraît important que, avant d’envisager la généralisation du dispositif, la représentation nationale dispose de données complètes sur les résultats de cette expérimentation. Il serait insensé de prendre une décision sans être en mesure d’analyser la situation !
De toute évidence, on cherche des solutions à court terme, alors que, comme Gérard Longuet l’a fort justement fait observer, d’autres solutions sont possibles. Ainsi, dans mon département, le Finistère, quatre cents places sont disponibles au sein du CFA du bâtiment, un secteur qui se redresse et où l’on risque d’être à court de main-d’œuvre, et trois cents autres au sein du CFA polyvalent, notamment dans le domaine de l’alimentaire. Or ces filières offrent aux jeunes la possibilité d’accéder à des situations professionnelles durables. (M. Gérard Longuet opine.)
Hier soir, à la chambre de métiers et de l’artisanat, où je participais à la remise des prix de maître d’apprentissage, l’intérêt de la formation en alternance et de l’apprentissage pour l’insertion professionnelle des jeunes a été bien souligné. (M. Alain Néri s’exclame.) Par ailleurs, samedi dernier, j’ai lu dans mon quotidien préféré que, alors que cinquante emplois sont à pourvoir dans le secteur du Cap Sizun, l’animatrice économique n’a reçu aucun CV !
Devant cette réalité, mes chers collègues, nous devons nous interroger sur l’adéquation entre les offres des employeurs et les candidatures qui peuvent leur être proposées. Faute d’une telle réflexion, des employeurs sont hors d’état de faire tourner leur entreprise, tandis que, hélas, des jeunes et des moins jeunes se trouvent gravement démunis, faute d’emploi.
Plus largement, pour résoudre réellement la question de l’emploi dans notre pays, il nous faudra aller beaucoup plus loin : redonner confiance aux employeurs (M. Christian Manable s’exclame.) en rendant le cadre du code du travail beaucoup moins strict et réduire fortement les charges sociales pour être compétitifs au plan international. Il faudra y arriver ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains. – M. Jean Desessard s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur.
M. Michel Forissier, rapporteur. Je tiens à rappeler le motif de notre divergence. Tout ce que j’ai entendu converge plutôt, tant il est vrai que nous sommes tous favorables au dispositif.
Mme Nicole Bricq. Nous, nous y sommes favorables pour tout de suite !
M. Michel Forissier, rapporteur. Ma chère collègue, veuillez me laisser poursuivre ; si vous me répondez avant que j’aie terminé, vous me faites un procès d’intention. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Michel Canevet applaudissent également.)
On s’est beaucoup référé à la conclusion de la Cour des comptes que j’ai reproduite dans mon rapport, selon laquelle le dispositif dont nous parlons pourrait – au conditionnel – être étendu et même généralisé. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Si j’ai cité cette position, c’est que j’y souscris ; au demeurant, nous y souscrivons tous.
Par ailleurs, il n’est pas question de généraliser le RSA. Il est question d’un dispositif spécifique voulu par le Gouvernement, un dispositif dont je répète qu’il est bon. Qu’on ne prétende donc pas que certains seraient contre : nous sommes tous pour !
Ce qui est en question, c’est l’opportunité de s’en tenir au domaine réglementaire ou de graver le dispositif dans la loi. Tel est le point exact où nous divergeons. (Mme la ministre opine.)
Je rappelle qu’un premier décret, paru en octobre 2013, couvrait dix départements. Deux ans plus tard, le dispositif a été prolongé et élargi à soixante-deux départements. Du temps a donc été nécessaire, ce dont je ne fais nullement grief au Gouvernement. Dix-neuf nouveaux départements ont rejoint le dispositif au début de cette année. Il en résulte, madame la ministre, que le dispositif dans sa forme actuelle n’est déployé que depuis six mois.
Le décret en vigueur devant s’appliquer jusqu’à la fin de 2017, je maintiens qu’il n’y a pas urgence à graver le dispositif dans la loi. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas urgence à parfaire celui-ci. Or un dispositif de nature réglementaire peut être transformé ou adapté par le Gouvernement d’un trait de plume, alors que, s’il est gravé dans la loi, toute modification devra être examinée par les deux assemblées.
M. Alain Néri. C’est tout de même une garantie !
M. Michel Forissier, rapporteur. Mon cher collègue, je n’ai pas dit un mot pendant le débat qui vient d’avoir lieu ; ayez donc à votre tour la courtoisie de ne pas m’interrompre. (MM. Jackie Pierre et Jacques Genest applaudissent.)
Notre divergence de vues tient donc simplement au caractère réglementaire ou législatif qui doit s’attacher au dispositif.
Chers collègues de l’opposition sénatoriale, j’ai succédé, dans le cadre d’une alternance démocratique, à un homme politique que vous avez bien connu : Jean Poperen. Celui-ci me disait : monsieur Forissier, pour être bien compris, il faut souvent se répéter. Sans doute parlait-il des gens de gauche… (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Je me répéterai donc : il n’est pas question pour la droite – car j’ai bien le droit de me revendiquer de droite, comme vous de gauche ! – d’adopter une attitude asociale. Nous voulons simplement établir un dispositif gérable au mieux des deniers publics, acceptable et qui fonctionne aussi bien que possible. De ce point de vue, je pense que le décret est la bonne solution ; la loi viendra plus tard, il n’y a pas d’urgence. Je maintiens donc les avis que j’ai émis sur les amendements. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Alain Néri. Quelqu’un se noie et vous attendez pour lui lancer la bouée ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. Monsieur Néri, vous n’avez pas la parole !
La parole est à Mme la ministre, et à elle seule.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Si nous voulons inscrire la garantie jeunes dans la loi, c’est parce que nous voulons affirmer qu’elle est un droit pour tous les jeunes qui sont en situation de précarité, qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, et pour qu’elle soit mise en œuvre sur l’ensemble du territoire.
Les interventions que j’ai entendues ont porté sur les modalités pratiques de la garantie jeunes, mais le projet de loi défendu par le Gouvernement ne traite pas de ces modalités.
En ce qui concerne le bilan de l’expérimentation, je tiens à souligner qu’un reporting est mené. D’ailleurs, un orateur de la majorité sénatoriale a lui-même reconnu que les missions locales pour l’emploi sont chargées d’un travail particulièrement lourd de communication de données.
M. Gérard Longuet. C’est de l’affichage !
Mme Myriam El Khomri, ministre. De fait, depuis trois ans que le dispositif existe, nous disposons de nombreuses données à son sujet.
Un problème récurrent se pose dans notre pays en matière d’évaluation : nous procédons rarement à des suivis de cohortes,…
M. Michel Bouvard. C’est vrai !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … par exemple dans le domaine de la délinquance, mais aussi dans de nombreux autres. C’est pourquoi le comité scientifique d’évaluation a été chargé de mener une enquête statistique sur le profil et le devenir des jeunes éligibles à la garantie jeunes ; il s’agit d’analyser ce qu’ils sont devenus après six mois, après douze mois, en comparant leurs parcours avec ceux de jeunes dans une situation identique, mais n’ayant pas bénéficié du dispositif. Comme je l’ai expliqué précédemment, nous disposerons des résultats de ce travail important en septembre ; nous pourrons alors modifier les modalités pratiques du dispositif.
Il y a bien une distinction entre le droit à la garantie jeunes et ses modalités de mise en œuvre !
Monsieur Bouvard, vous m’avez demandé pourquoi le budget réalisé en 2015 a été inférieur à celui prévu dans le projet de loi de finances. C’est une excellente question.
M. Michel Bouvard. Merci !
Mme Myriam El Khomri, ministre. La raison de cet écart est tout simplement que certaines personnes entrent dans le dispositif en cours d’année.
Mme Nicole Bricq. C’est évident !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il faut deux conseillers de mission locale pour quinze jeunes. Après les six semaines d’accompagnement collectif, les jeunes partent en entreprise ou en formation. Un nouveau groupe entre alors dans la garantie jeunes. Tous les jeunes concernés n’entrent donc pas dans le dispositif au 1er janvier de l’année. De là la différence qui a été signalée.
Pour 2016, ce sont bel et bien 300 millions d’euros qui ont été prévus par l’État pour la mise en œuvre de la garantie jeunes.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, vous affirmez que seule la FAGE soutient la garantie jeunes. Je regrette, mais cela est faux. Pour avoir mené des concertations avec les organisations de jeunesse, je puis vous assurer que le Mouvement rural de jeunesse chrétienne, le MRJC, qui représente les jeunes en milieu rural, soutient le dispositif, de même que la Jeunesse ouvrière chrétienne, la JOC.
Vous faites valoir aussi que le dispositif ne concerne pas les jeunes diplômés. Précisément ! Notre réussite est d’avoir bien ciblé le public qui avait le plus besoin d’aide, c’est-à-dire les jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, ceux qui sont sortis du système scolaire ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Très juste !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Non, la garantie jeunes n’est pas destinée aux jeunes diplômés ; d’autres aides sont conçues pour eux.
Je le répète : nous avons ciblé les jeunes sortis du système scolaire. Si nous avons coutume de dire qu’ils en sortent à l’âge de seize ans, nous savons bien que, en pratique, certains en sortent dès quatorze ans ; je connais bien ce problème pour avoir été secrétaire d’État à la politique de la ville. Or nous avons réussi à réduire le nombre des jeunes qui sortent du système scolaire sans aucune formation, puisque de 150 000 il est passé à 110 000, ce qui certes est encore beaucoup trop.
Par ailleurs, je ne vois absolument pas d’opposition entre l’apprentissage et la garantie jeunes. Je puis, pour vous convaincre, avancer des données très concrètes : au bout de deux mois, 60 % des bénéficiaires de la garantie jeunes ont eu une mise en situation professionnelle ; au bout de quatre mois, ils sont 80 % dans ce cas. En vérité, ce dispositif est un pas vers l’apprentissage : un jeune qui souhaite devenir mécanicien est envoyé une semaine dans un garage en vue d’entrer ensuite au CFA. La garantie jeunes est un formidable levier pour orienter vers l’apprentissage, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, où 5 % à peine des jeunes sont en apprentissage ! Il s’agit d’une forme de sas, dans lequel la relation à l’entreprise, la préparation à l’entreprise et à la formation sont placées au cœur de l’accompagnement.
On m’a très justement interrogée sur l’initiative européenne pour la jeunesse, dans le cadre de laquelle nous avons reçu 60 millions d’euros pour nous aider à mettre en œuvre la garantie jeunes. J’ai rencontré la commissaire Thyssen et nous sommes plusieurs ministres de l’emploi de l’Union européenne à demander la reconduction de ce programme. Je pense que nous serons fixés à ce sujet au moment du projet de loi de finances pour 2017, lorsque nous connaîtrons aussi les conclusions du comité scientifique d’évaluation, non seulement sur le suivi de cohortes, mais aussi sur les enjeux institutionnels et organisationnels de la garantie jeunes, c’est-à-dire sur les contacts avec le monde de l’entreprise et les CFA.
À cet égard, les réactions du monde de l’entreprise sur la garantie jeunes sont excellentes. Je vous assure que l’on travaille beaucoup mieux dans le cadre de ce dispositif.
La question des offres d’emploi non pourvues, soulevée par M. Canevet, est au cœur du sujet. D’ailleurs, dans le cadre du plan « 500 000 formations », nous sommes partis des besoins des employeurs bassin d’emploi par bassin d’emploi. Ce travail fin accompli avec les présidents de région sur les offres d’emploi non pourvues à l’échelle des régions nous permet ensuite de construire avec Pôle emploi et les missions locales pour l’emploi des parcours d’orientation adaptés.
Il y a des jeunes qui n’ont strictement aucune idée de ce qu’ils veulent faire. Quand la mission locale pour l’emploi analyse les besoins du bassin d’emploi, il est possible de les orienter vers des formations ou des mises en situation professionnelles – une semaine dans une crèche ou une usine – pour qu’ils sachent si le métier leur plaît, avant d’enchaîner avec la formation correspondante.
La garantie jeunes repose sur ce principe : l’emploi d’abord ; mais, surtout, les jeunes ne sont pas lâchés tant qu’ils ne tiennent pas quelque chose. Ils sont très entourés, fortement encadrés et intégrés à un collectif, ce qui est le meilleur des accompagnements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrais vous fournir, grâce au reporting qui est mené, une multitude de chiffres sur les 65 000 jeunes qui ont bénéficié du dispositif. Le comité scientifique d’évaluation mène un travail différent, touchant aux relations institutionnelles et aux relations avec les entreprises, ainsi qu’au suivi de cohortes. Ce travail beaucoup plus fin nécessite de revenir sur l’année qui a précédé la garantie jeunes et de disposer d’un recul suffisant sur le dispositif ; les résultats, je le répète, nous en seront prochainement communiqués.
J’invite le Sénat à adopter l’amendement du Gouvernement, plus complet que les amendements nos 320 et 893 rectifié, qui, d’autre part, font référence à un décret en Conseil d’État, alors qu’un décret simple suffirait pour fixer les modalités pratiques de la garantie jeunes. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Si je comprends bien, madame la ministre, vous sollicitez le retrait des amendements nos 320 et 893 rectifié au profit de l’amendement du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Parfaitement, madame la présidente, car l’amendement du Gouvernement est plus précis.
Mme la présidente. Monsieur Arnell, l’amendement n° 893 rectifié est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Non, madame la présidente, je le retire au profit de l’amendement du Gouvernement.
Mme Dominique Gillot. Je fais de même avec l’amendement n° 320, madame la présidente !
Mme la présidente. Les amendements nos 320 et 893 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 437 et 971.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 368 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Pour l’adoption | 134 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 1030, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Après le mot :
impôts,
insérer les mots :
les mots : « de l’accompagnement personnalisé et renforcé » sont remplacés par les mots : « du parcours contractualisé d’accompagnement » et,
La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur.
M. Michel Forissier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23, modifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'article 23.)
9
Nomination des membres d'une mission d'information
Mme la présidente. Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidats pour la mission d’information sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, la liste des candidats est ratifiée et je proclame Mme Delphine Bataille, M. Jérôme Bignon, Mmes Annick Billon, Marie-Christine Blandin, M. Jean-Pierre Bosino, Mme Corinne Bouchoux, MM. Patrick Chaize, Roland Courteau, Mme Evelyne Didier, MM. Alain Duran, François Grosdidier, Jean-François Longeot, Didier Mandelli, Patrick Masclet, Pierre Médevielle, Mme Colette Mélot, M. Gérard Miquel, Mme Patricia Morhet-Richaud, MM. Cyril Pellevat, Rémy Pointereau, Mme Catherine Procaccia, MM. Daniel Raoul, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. André Trillard et Raymond Vall membres de la mission d’information.
10
Nomination des membres d'un groupe de travail
Mme la présidente. Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidats pour le groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, la liste des candidats est ratifiée et je proclame Mmes Aline Archimbaud, Maryvonne Blondin, Agnès Canayer, M. Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Cartron, Hélène Conway-Mouret, MM. Philippe Dallier, René Danesi, Francis Delattre, Mme Catherine Di Folco, M. Daniel Dubois, Mme Dominique Estrosi-Sassone, M. Christian Favier, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Françoise Gatel, M. Loïc Hervé, Mmes Corinne Imbert, Françoise Laborde, M. Jean-Claude Lenoir, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jacques Mézard, Louis Pinton, Hugues Portelli, Mmes Sophie Primas, Christine Prunaud, MM. Alain Richard, Yves Rome, Jean-Pierre Sueur, Henri Tandonnet, René Vandierendonck, Michel Vaspart, Alain Vasselle, Yannick Vaugrenard et Mme Evelyne Yonnet membres du groupe de travail.
Il appartiendra au Sénat de transformer ce groupe de travail en commission spéciale, après la transmission du projet de loi, conformément à l’article 16 de notre règlement.
11
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Pour votre parfaite information, mes chers collègues, je vous annonce que je suspendrai la séance à dix-huit heures trente, puisque la conférence des présidents se réunira. Selon toute vraisemblance, la séance sera reprise à vingt et une heures.
Article additionnel après l’article 23
Mme la présidente. L'amendement n° 697, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail, il est inséré une sous-section 5 et son article L. 2241-… ainsi rédigés :
« Sous-section 5 : Prise en compte des qualifications
« Art. L. 2241-… – La qualification est la référence de base dans le cadre des conventions collectives et elle correspond au niveau de diplôme ou certification du demandeur d’emploi. La modulation est définie par conventions collectives de branche. »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Un rapport de 2014 du Centre d’études et de recherches sur les qualifications souligne que la référence au diplôme dans les conventions collectives, si elle subsiste, est en constante diminution ; en outre, lorsque cette reconnaissance existe, elle est prise en compte de façons très diverses en fonction du type de grille adoptée. Or l’analyse des grilles en vigueur aujourd’hui fait apparaître la modération du rôle du diplôme dans la définition de la qualification.
Le même rapport montre aussi que les branches aménagent leur système de qualification en fonction de leur production de certifications paritaires de branche. Ainsi, de nombreuses conventions contiennent des clauses de principe très générales, lesquelles se bornent à stipuler la reconnaissance des formations professionnelles suivies par les salariés. Il existe très peu de textes faisant référence à la reconnaissance des diplômes acquis.
C’est pourquoi de très nombreux jeunes craignent le déclassement, qu’il soit social ou scolaire ; ils dénoncent l’inadéquation entre l’évolution de la structure des diplômes et celle de la structure des emplois et des niveaux de rémunération, une inadéquation susceptible de conduire à une situation de précarité structurelle grandissante.
Pour lutter efficacement contre le déclassement et la déqualification, qui sont des composantes du dumping social que de nombreux jeunes subissent à l’heure actuelle, nous proposons que la qualification soit la référence de base dans le cadre des conventions collectives et qu’elle corresponde au niveau de diplôme ou certification du demandeur d’emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement porte sur la prise en compte des qualifications dans les classifications de branche. Son adoption rigidifierait ces classifications, sans que puisse être reconnue l’expérience acquise au cours de leur carrière par des salariés peu diplômés. Par ailleurs, l’amendement fait référence aux demandeurs d’emploi, alors que les classifications s’appliquent aux salariés de la branche. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Il est également défavorable, même si je souscris tout à fait à l’objectif des auteurs de l’amendement, qui consiste à lutter contre le déclassement subi par de nombreux jeunes diplômés. C’est aux partenaires sociaux, dans le cadre de leurs accords de branche, de déterminer librement les grilles de classification. Établir un lien entre la qualification et les diplômes relève de leur choix ; la loi n’a pas à le leur imposer.
Par ailleurs, je ne souhaite pas que les employeurs tiennent compte du seul diplôme pour évaluer la qualification d’un salarié. Le projet de loi vise au contraire à renforcer la validation des acquis de l’expérience. On dit souvent que, dans notre pays, le diplôme compte beaucoup ; il est important que l’expérience professionnelle acquise soit également reconnue !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 697.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 23 bis A
L’article L. 822-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut assurer la gestion d’aides en faveur des jeunes à la recherche de leur premier emploi. » ;
2° La dernière phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : « ainsi que les conditions dans lesquelles le présent article bénéficie aux titulaires de la carte d’étudiant des métiers mentionnée à l’article L. 6222-36-1 du code du travail. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1034, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il peut accorder des aides en faveur des jeunes à la recherche de leur premier emploi et en assurer la gestion. » ;
Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1026, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au dixième alinéa, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième ».
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À l'article 1042 B du code général des impôts, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « huitième ».
C’est un amendement de coordination.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23 bis A, modifié.
(L'article 23 bis A est adopté.)
Article 23 bis B
I. – Le code du service national est ainsi modifié :
1° L’article L. 130-3 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « montant », sont insérés les mots : «, net des contributions mentionnées au II » ;
c) Le dernier alinéa est remplacé par des II et III ainsi rédigés :
« II. – L’allocation et la prime sont soumises aux contributions prévues à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale et à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
« Le versement de ces contributions est assuré par l’établissement public d’insertion de la défense mentionné à l’article L. 3414-1 du code de la défense.
« III. – L’allocation et la prime sont exonérées de l’impôt sur le revenu. » ;
2° L’article L. 130-4 est ainsi modifié :
a) Le I est abrogé ;
b) Au début du premier alinéa du II, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le volontaire pour l’insertion » ;
c) Au IV, la référence : « L. 351-12 » est remplacée par la référence : « L. 5424-1 » et la référence : « L. 351-3 » est remplacée par la référence : « L. 5422-1 ».
II. – Au 3° du III de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, les références : « a à d et f » sont remplacées par les références : « a, b, d et f ».
III. – Les I et II entrent en vigueur au titre des cotisations dues pour les périodes courant à compter du 1er janvier 2016.
Mme la présidente. L'amendement n° 1033, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 130-2, après les références : « aux 1° et 2° », est insérée la référence : « du I » ;
II. – Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au III de l’article L. 130-5, après la référence : « au 2° », est insérée la référence : « du I ».
Il s’agit, là encore, d’un amendement de coordination.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23 bis B, modifié.
(L'article 23 bis B est adopté.)
Article 23 bis C
I. – La section 1 du chapitre IV du titre II du livre III du code du travail applicable à Mayotte est ainsi modifiée :
1° L’intitulé de la sous-section 1 est complétée par les mots : « des jeunes vers l’emploi et l’autonomie » ;
2° À l’article L. 324-1, après le mot : « accompagnement », sont insérés les mots : « vers l’emploi et l’autonomie » et, à la fin, les mots : «, ayant pour but l’accès à la vie professionnelle » sont supprimés ;
3° La sous-section 2 de la section 1 du chapitre IV du titre II du livre III est supprimée ;
4° Les articles L. 324-2 à L. 324-5 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 324-2. – L’accompagnement mentionné à l’article L. 324-1 peut prendre la forme d’un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie conclu avec l’État, élaboré avec le jeune et adapté à ses besoins identifiés lors d’un diagnostic.
« Art. L. 324-3. – Afin de favoriser son insertion professionnelle, le jeune qui s’engage dans un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie peut bénéficier d’une allocation versée par l’État et modulable en fonction de la situation de l’intéressé.
« Cette allocation est incessible et insaisissable.
« Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat.
« Art. L. 324-4. – La garantie jeunes est une modalité spécifique du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie.
« Elle comporte un accompagnement intensif du jeune, ainsi qu’une allocation dégressive en fonction de ses ressources d’activité, dont le montant et les modalités de versement sont définis par décret. Cette allocation est incessible et insaisissable. Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat.
« La garantie jeunes est un droit ouvert aux jeunes de seize à vingt-cinq ans qui vivent hors du foyer de leurs parents ou au sein de ce foyer sans recevoir de soutien financier de leurs parents, qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas une formation et n’occupent pas un emploi et dont le niveau de ressources ne dépasse pas un montant fixé par décret, dès lors qu’ils s’engagent à respecter les engagements conclus dans le cadre de leur parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie.
« Art. L. 324-5. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent chapitre, en particulier :
« 1° Les modalités du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, ainsi que la nature des engagements de chaque partie au contrat ;
« 2° Les modalités de fixation de la durée et de renouvellement du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie ;
« 3° Les modalités d’orientation vers les différentes modalités du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, ainsi que leurs caractéristiques respectives ;
« 4° Les modalités d’attribution, de modulation, de suppression et de versement de l’allocation prévue à l’article L. 324-3. » ;
5° (Supprimé)
II. – Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2017. Les contrats d’insertion dans la vie sociale conclus avant le 1er janvier 2017 continuent à produire leurs effets dans les conditions applicables avant cette date, jusqu’à leur terme.
Mme la présidente. L'amendement n° 1029, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° L'intitulé de la sous-section 2 est ainsi rédigé :
« Parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie » ;
Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23 bis C, modifié.
(L'article 23 bis C est adopté.)
Article 23 bis D
Une aide à la recherche du premier emploi, non imposable et exonérée de charges sociales, est accordée pour une durée de quatre mois, sur leur demande, aux jeunes de moins de vingt-huit ans qui ont obtenu, depuis moins de trois mois à la date de leur demande, un diplôme à finalité professionnelle et qui sont à la recherche d’un emploi. Cette aide est réservée aux jeunes qui, ayant obtenu leur diplôme par les voies scolaire et universitaire ou par l’apprentissage, bénéficiaient d’une bourse nationale du second degré ou d’une bourse de l’enseignement supérieur au cours de la dernière année de préparation du diplôme et, sous condition de ressources équivalentes à celles permettant de bénéficier des bourses nationales du second degré ou des bourses de l’enseignement supérieur, aux jeunes qui ont obtenu leur diplôme par l’apprentissage.
Un décret détermine les conditions et les modalités d’attribution de cette aide, ainsi que la liste des diplômes à finalité professionnelle ouvrant droit à l’aide. Le montant maximal des ressources permettant aux jeunes qui ont obtenu leur diplôme par l’apprentissage de bénéficier de l’aide à la recherche du premier emploi et le montant mensuel de l’aide sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et du budget.
L’autorité académique et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires compétents pour accorder l’aide à la recherche du premier emploi peuvent vérifier l’exactitude des informations fournies à l’appui des demandes tendant au bénéfice de l’aide. Outre le reversement de l’aide accordée auquel il donne lieu, le fait d’établir de fausses déclarations ou de fournir de fausses informations pour bénéficier de l’aide à la recherche du premier emploi est puni des peines prévues à l’article 441-6 du code pénal.
L’autorité académique et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires qui assurent la gestion de l’aide à la recherche du premier emploi peuvent en confier l’instruction et le paiement à l’Agence de services et de paiement.
Mme la présidente. L'amendement n° 1032, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
quatre
La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur.
M. Michel Forissier, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’allonger le délai entre l’obtention du diplôme et le dépôt de la demande en faveur du dispositif de l'aide à la recherche du premier emploi, l’ARPE. Il vise à permettre aux étudiants qui sont diplômés avant l’interruption estivale des cours de ne pas être lésés par les délais de traitement nécessairement plus longs en été.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte avec cet amendement pour appeler l’attention du Gouvernement sur un point particulier du dispositif de l’ARPE.
Il est prévu que l’ARPE soit ouverte aux étudiants diplômés jusqu’à l’âge de 28 ans. Parallèlement, un étudiant boursier peut être très fréquemment éligible au RSA, une fois l’âge de 25 ans atteint. Or il est ressorti de mes échanges avec l’administration que le RSA et l’ARPE ne sont pas cumulables pour un même demandeur, au motif que ces ressources ne visent pas le même objectif, à savoir une allocation de subsistance pour le RSA, et une aide ponctuelle pour le premier emploi, s’agissant de l’ARPE.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je suis très favorable à cet amendement, qui vise à donner un mois supplémentaire aux jeunes diplômés pour déposer leur demande pour l’Arpe.
S’agissant de votre remarque sur le cumul entre l’ARPE et le RSA, monsieur le rapporteur, je tiens à préciser que l’ARPE a vocation à aider financièrement des jeunes diplômés d’origine modeste, qui entrent sur le marché du travail en situation d’inactivité. Elle vient donc principalement pallier l’absence de droit à l’indemnisation chômage des jeunes primo-demandeurs d’emploi, en l’absence d’éligibilité au RSA des jeunes de moins de 25 ans.
En revanche, il est très clair que l’ARPE n’a pas vocation à être cumulée avec d’autres dispositifs de soutien à l’insertion professionnelle qui visent un objectif similaire, comme le RSA ou la garantie jeunes. Le décret de mise en œuvre de l’ARPE, actuellement en cours de préparation, explicitera les incompatibilités en matière de cumul des prestations.
Dans les faits, le choix d’un jeune diplômé qui a entre 25 ans et 28 ans résultera d’un arbitrage qui dépendra du montant mensuel de l’ARPE. Le montant de l’aide sera plus élevé que celui du RSA pour les seuls bénéficiaires d’une bourse sur critères sociaux, c’est-à-dire ceux qui ont droit à une bourse d’échelon 5, d’échelon 6 ou d’échelon 7.
En tout cas, la mise en œuvre de l’ARPE s’accompagnera d’une communication très explicite en direction de ses bénéficiaires sur les incompatibilités qui existent en matière de cumul de prestations.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23 bis D, modifié.
(L'article 23 bis D est adopté.)
Article 23 bis
(Supprimé)
Article 23 ter
I. – L’article L. 243-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rétabli :
« Art. L. 243-1. – I. – Les personnes handicapées, nécessitant un accompagnement médico-social pour s’insérer durablement dans le marché du travail, en particulier les travailleurs handicapés accueillis dans un établissement ou service d’aide par le travail mentionné au a du 5° du I de l’article L. 312-1 et ayant un projet d’insertion en milieu ordinaire de travail, peuvent bénéficier de l’appui d’un dispositif d’emploi accompagné spécifique, après évaluation par l’équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L. 146-8 ou au titre du sixième alinéa de l’article L. 146-3 et en complément de la décision de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 et, le cas échéant, en lien avec le service public de l’emploi.
« Dans ce cas, cette commission désigne, après accord de l’intéressé ou de ses représentants légaux, un dispositif d’emploi accompagné.
« L’emploi accompagné est un dispositif d’appui pour les personnes en situation de handicap en vue de leur permettre d’accéder et de se maintenir dans l’emploi rémunéré sur le marché du travail. Sa mise en œuvre comprend un soutien et un accompagnement du salarié, ainsi qu’un appui et un accompagnement de l’employeur.
« La personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné spécifique conclut une convention de gestion avec au moins une personne morale gestionnaire d’un établissement ou service mentionné aux 5° ou 7° du I de l’article L. 312-1 du présent code, ainsi qu’avec l’un des organismes désignés aux articles L. 5214-3-1, L. 5312-1 et L. 5314-1 du code du travail. Cette convention précise les apports de chacune des parties.
« Une convention individuelle d’accompagnement, conclue entre la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné spécifique, la personne accompagnée ou son représentant légal et son employeur, précise notamment les modalités d’accompagnement du travailleur handicapé, notamment sur son lieu de travail, ainsi que les modalités de soutien à l’employeur.
« II. – Un décret définit les modalités d’application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné ou, le cas échéant, la personne morale gestionnaire d’un établissement ou service d’aide par le travail, conclut une convention de financement ou un avenant au contrat mentionné à l’article L. 313-11 avec le directeur de l’agence régionale de santé.
« III. – Le modèle de ces conventions est fixé par arrêté des ministres chargés des affaires sociales et de l’emploi. »
II. – La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code du travail est complétée par un article L. 5213-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5213-2-1. – Les travailleurs handicapés reconnus au titre de l’article L. 5213-2 peuvent bénéficier d’un dispositif d’emploi accompagné qui est un dispositif d’appui pour les personnes en vue de leur permettre d’accéder et de se maintenir dans l’emploi rémunéré sur le marché du travail. Sa mise en œuvre comprend un soutien et un accompagnement du salarié, ainsi qu’un appui et un accompagnement de l’employeur.
« Ce dispositif peut être sollicité tout au long du parcours professionnel par le travailleur handicapé et, lorsque celui-ci est en emploi, par l’employeur.
« Il est mis en œuvre sur décision de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles en complément d’une décision d’orientation, notamment dans les conditions fixées à l’article L. 243-1 du même code et sur prescription des organismes désignés aux articles L. 5214-3-1, L. 5312-1 et L. 5314-1 du présent code.
« Le dispositif d’emploi accompagné est mobilisé en complémentarité des services, aides et prestations existants.
« Un décret précise les modalités de mise en œuvre du dispositif d’emploi accompagné, de contractualisation notamment entre le salarié, l’employeur et le prestataire chargé du dispositif mentionné au premier alinéa et les financements pouvant être mobilisés dans ce cadre. »
III et IV.– (Supprimés)
Mme la présidente. L'amendement n° 1050, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 243-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rétabli :
« Art. L. 243-1. – Les personnes handicapées nécessitant un accompagnement médico-social pour s’insérer durablement dans le marché du travail, en particulier les travailleurs handicapés accueillis dans un établissement ou service d’aide par le travail mentionné au a du 5° du I de l’article L. 312-1 du présent code et ayant un projet d’insertion en milieu ordinaire de travail, peuvent bénéficier de l’appui d’un dispositif d’emploi accompagné mentionné à l’article L. 5213-2-1 du code du travail. »
II. – La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code du travail est complétée par un article L. 5213-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5213-2-1. – I. – Les travailleurs handicapés reconnus au titre de l’article L. 5213-2 peuvent bénéficier d’un dispositif d’emploi accompagné comportant un accompagnement médico-social et un soutien à l’insertion professionnelle, en vue de leur permettre d’accéder et de se maintenir dans l’emploi rémunéré sur le marché du travail. Sa mise en œuvre comprend un soutien et un accompagnement du salarié, ainsi que de l’employeur.
« Ce dispositif, mis en œuvre par une personne morale gestionnaire qui respecte les conditions d’un cahier des charges prévu par décret, peut être sollicité tout au long du parcours professionnel par le travailleur handicapé et, lorsque celui-ci est en emploi, par l’employeur.
« Le dispositif d’emploi accompagné est mobilisé en complément des services, aides et prestations existants.
« II. – Le dispositif d’emploi accompagné est mis en œuvre sur décision de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles en complément d’une décision d’orientation, le cas échéant sur proposition des organismes désignés aux articles L. 5214-3-1, L. 5312-1 et L. 5314-1. Cette commission désigne, après accord de l’intéressé ou de ses représentants légaux, un dispositif d’emploi accompagné.
« Une convention individuelle d’accompagnement conclue entre la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné, la personne accompagnée ou son représentant légal et son employeur, précise notamment les modalités d’accompagnement et de soutien du travailleur handicapé et de l’employeur, notamment sur le lieu de travail.
« III. – Pour la mise en œuvre du dispositif, la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné conclut une convention de gestion :
« 1° D’une part, avec l’un des organismes désignés aux articles L. 5214-3-1, L. 5312-1 et L. 5314-1 du présent code ;
« 2° Et, d’autre part, lorsqu’il ne s’agit pas d’un établissement ou service mentionné au 5° ou 7° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, avec au moins une personne morale gestionnaire d’un de ces établissement ou service.
« Cette convention précise les engagements de chacune des parties.
« IV. – Le décret mentionné au I du présent article précise notamment les modalités de mise en œuvre du dispositif d’emploi accompagné, de contractualisation entre le salarié, l’employeur et la personne morale gestionnaire du dispositif, les financements pouvant être mobilisés dans ce cadre, ainsi que les conditions dans lesquelles la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné ou, le cas échéant, la personne morale gestionnaire d’un établissement ou service conclut avec le directeur de l’agence régionale de santé une convention de financement ou un avenant au contrat mentionné à l’article L. 313-11 du code de l’action sociale et des familles. Le modèle de ces conventions est fixé par arrêté des ministres en charge des affaires sociales et de l’emploi. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. La rédaction de l’article 23 ter, qui introduit le dispositif d’emploi accompagné, doit être simplifiée pour que ce dispositif soit plus opérationnel.
C’est pourquoi le présent amendement vise, tout d’abord, à définir le dispositif d’emploi accompagné qui prévoit l’accompagnement et le soutien d’une personne handicapée et de son employeur, en vue de faciliter l’accès au milieu ordinaire de travail et le maintien dans ce milieu. Ce dispositif devra aussi être soumis au respect d’un cahier des charges.
L’amendement a ensuite pour objet de préciser que l’orientation vers ce dispositif d’emploi accompagné intervient sur décision de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, la CDAPH, et que le dispositif nécessite la conclusion d’une convention individuelle entre la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné, la personne handicapée et, bien sûr, l’employeur.
Est également précisé que la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné doit conclure une convention avec les organismes relevant du service public de l’emploi et, lorsqu’elle n’est pas elle-même gestionnaire d’un établissement ou d’un service médico-social pour personnes handicapées, avec un tel service ou établissement.
Enfin, le code de l’action sociale est modifié, de telle sorte que les personnes handicapées nécessitant un accompagnement médico-social pour s’insérer durablement dans le marché du travail, en particulier, les travailleurs handicapés dans les établissements et services d'aide par le travail, les ESAT, ayant un projet d’insertion en milieu ordinaire de travail, puissent bénéficier de l’appui de ce dispositif d’emploi accompagné.
Nous évoquons régulièrement la question du chômage des personnes en situation de handicap, ainsi que les problématiques rencontrées par ces personnes en matière de formation, notamment le fait que ce public est beaucoup moins formé que le reste de la population.
C’est pourquoi nous avons cherché à développer la capacité des CFA, les centres de formations d'apprentis, à mieux communiquer au sujet de certains métiers, en faisant en sorte que ces centres expliquent bien que tous les métiers sont accessibles, et à travailler sur certaines particularités. C’est aussi la raison pour laquelle je considère que certaines opérations, comme les Abilympics, contribuent à révéler les compétences de ce public et à changer le regard des employeurs.
Cela étant, nous devons également améliorer la situation de l’emploi accompagné et du maintien dans l’emploi. De ce point de vue, le présent projet de loi comporte beaucoup d’avancées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 23 ter est ainsi rédigé, et les amendements nos 1027 et 1028 n'ont plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.
L'amendement n° 1027, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après le mot :
travail
insérer les mots :
mentionné au a du 5° du I de l'article L. 312–1
L'amendement n° 1028, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer le mot :
complémentarité
par le mot :
complément
Articles additionnels après l’article 23 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 673 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 23 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1133-4 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1133-4 – Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées, les employeurs prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Au début de l’année 2015, on dénombrait 452 701 demandeurs d’emploi en situation de handicap, soit une augmentation de presque 10 % en un an !
Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois plus important que celui des personnes valides. L’âge des demandeurs d’emploi handicapés est en augmentation constante : 45 % d’entre eux ont cinquante ans ou plus, soit une hausse de quatorze points en sept ans.
Par ailleurs, la période de chômage est plus longue pour les personnes handicapées que pour les personnes valides : plus de la moitié des demandeurs d’emploi handicapés – 56 % – sont des chômeurs de longue durée, contre 43 % pour l’ensemble de la population.
Pour inverser ces tendances, il faut non seulement accompagner les demandeurs d’emploi en situation de handicap, mais aussi suivre l’évolution des salariés dans l’entreprise et agir pour prévenir les situations de désinsertion professionnelle.
Les entreprises ont une vraie responsabilité sur ces sujets. Cette responsabilité s’exerce, tout d’abord, au nom de la lutte contre les discriminations, car, il faut le rappeler, le handicap représente la troisième cause de discrimination en matière d’emploi selon le Défenseur des droits.
Ensuite, elle s’exerce au nom de l’obligation de sécurité de résultat que les entreprises doivent à leurs salariés : celles-ci doivent adapter les postes aux salariés et prévenir les accidents du travail ou les maladies professionnelles pouvant causer un handicap.
Enfin, la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées invite les entreprises à mettre en place une politique inclusive en faveur des travailleurs handicapés et, pour ce faire, à favoriser le maintien dans l’emploi et l’adaptation des postes de travail.
En conséquence, nous proposons que l’article L. 1133–4 du code du travail rappelle ces obligations en prévoyant que les employeurs prennent les mesures appropriées pour permettre aux personnes en situation de handicap « d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. L’amendement tend à récrire l’article du code du travail relatif aux mesures prises par les employeurs en faveur des personnes handicapées.
Nous ne pouvons que souscrire à la bonne intention qui anime les auteurs de l’amendement, et à laquelle je ne peux qu’adhérer. Cependant, la rédaction de cet amendement pose deux difficultés importantes.
Premièrement, il tend à réécrire entièrement un article fondamental du code du travail qui dispose que « les mesures prises en faveur des personnes handicapées et visant à favoriser l’égalité de traitement […] ne constituent pas une discrimination ». En supprimant la mention relative à la discrimination, cet amendement tend à fragiliser toute mesure prise par un employeur au nom du principe de l’égalité de traitement, puisqu’il expose ces mesures au risque d’être requalifiées par le juge en mesures discriminatoires. L’amendement n’atteint donc pas son objectif.
Deuxièmement, il alourdirait considérablement les missions des employeurs, alors que ces dernières sont déjà assumées par un service public de l’emploi spécialement conçu pour les personnes handicapées, articulé autour des Cap emploi ainsi que des services d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, les SAMETH, et que l’article 43 ter du présent projet de loi prévoit de redéfinir de façon plus cohérente et de simplifier.
C’est donc avec un certain regret que j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Madame la sénatrice, vous faites écho à des articles qui figurent déjà dans le code du travail. Aujourd’hui, tout refus de prendre les mesures évoquées est constitutif d’une discrimination pour un employeur.
Cela étant, la situation des personnes en situation de handicap, dont le taux de chômage atteint près de 18 %, est aujourd’hui indigne.
Dans ce projet de loi, nous avons donc élaboré, en concertation avec Ségolène Neuville et tous les membres du Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui nous a beaucoup aidés dans cette mission, un éventail de mesures pour répondre à cette situation.
Certaines concernent les aidants avec, par exemple, la prise en compte de la présence d’une personne handicapée au foyer lors de départ en congé ou l’ajout d’une dérogation à l’interdiction de prendre plus de vingt-quatre jours ouvrables de congés payés en une seule fois quand le salarié a un enfant ou un adulte handicapé au sein de son foyer. D’autres ont trait à la généralisation des missions des organismes de placement ou encore à l’offre d’accompagnement en ESAT.
Par ailleurs, le budget de l’État dans ce domaine a augmenté de 21 % par rapport à 2012. Concrètement, cela signifie davantage d’aides aux postes dans les entreprises adaptées. Chaque mois, à l’occasion d’une réunion en visioconférence avec les préfets de région, je m’informe sur la part que représentent les personnes en situation de handicap dans les contrats aidés. J’estime que c’est important, d’autant plus qu’ils bénéficiaient de très peu de ces contrats aidés. Aujourd’hui, les personnes en situation de handicap forment un public vraiment ciblé, puisque nous avons créé plus de 3 000 aides aux postes supplémentaires depuis 2012.
Même s’il faut continuer à déployer ces efforts en matière d’emploi, le Gouvernement est défavorable à l’amendement en raison de sa rédaction.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. J’ai bien entendu les avis émis par M. le rapporteur et par Mme la ministre et je comprends qu’ils soient défavorables à cet amendement pour des raisons rédactionnelles.
Il n’empêche que, d’une façon générale, il est parfois utile de rappeler les enjeux qui se rapportent à des personnes concernées spécifiquement par une problématique, même si je reconnais que la loi prend quelquefois en compte certaines situations particulières.
J’en veux pour preuve les différents textes dans lesquels il est sous-entendu que les personnes handicapées sont concernées par les dispositions qui y figurent, alors que, très souvent, elles ne le sont pas dans les faits ! À mon sens, rédiger de telles dispositions renforce le message que nous défendons.
Si je comprends que cet argument juridique soit avancé, je veux tout de même attirer l’attention sur la démarche sociétale que nous devons engager à l’égard des personnes handicapées en matière d’emploi.
Enfin, je souhaite revenir sur la question des moyens financiers, madame la ministre. Je crois qu’au-delà de l’aspect budgétaire, c’est l’état d’esprit qui importe. Plutôt que de dresser un bilan financier des actions conduites, nous devrions mettre en œuvre des moyens pour développer la culture de l’insertion des personnes en situation de handicap dans l’entreprise.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’entends également les arguments juridiques opposés à mon amendement et, notamment, les propos de M. le rapporteur au sujet de la suppression, de fait, de la mention relative à la discrimination.
S’il est vrai que nous supprimons cette mention, nous précisons bien que les mesures doivent être prises « afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées ». Quelque part, cela veut bien dire que ces mesures sont destinées à lutter contre les discriminations.
Nous proposons de modifier cet article du code du travail afin de l’enrichir et d’y faire figurer noir sur blanc les mesures qu’il convient de prendre pour favoriser l’accès des travailleurs handicapés à une véritable égalité de traitement dans l’emploi.
Je regrette, là encore, que nos propres arguments juridiques ne puissent pas être entendus et que personne ne nous ait proposé d’en corriger la teneur. À plusieurs mains, nous aurions peut-être su rédiger un amendement qui aurait à la fois présenté les garanties juridiques nécessaires et donné satisfaction aux différentes associations et aux salariés en situation de handicap qui m’ont sollicité sur le sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. En premier lieu, j’observe que l’amendement vise à obliger les employeurs à donner aux salariés handicapés un emploi correspondant en tout point à leur qualification. Je le regrette, madame David, mais il est impossible pour les entreprises, comme pour les collectivités territoriales d’ailleurs, de donner un emploi correspondant parfaitement à un handicap. C’est malheureux, mais c’est ainsi !
En second lieu, je ne suis pas un expert budgétaire sur le sujet, madame la ministre, mais je sais que, en 2014 et en 2015, on a constaté une diminution très importante du nombre de postes dans les entreprises adaptées. (Mme la ministre marque sa désapprobation.), alors qu’il existe beaucoup de demandes de personnes handicapées qui pourraient trouver réponse si on les orientait vers les entreprises adaptées.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Depuis 2012, le Gouvernement a créé 3 000 postes supplémentaires dans les entreprises adaptées. Le budget pour l’année 2016, que j’ai présenté en septembre dernier, prévoit par ailleurs 500 postes en plus dans ces mêmes entreprises.
J’ai également rencontré l’ensemble des représentants des entreprises adaptées. Or, lors de nos échanges, ceux-ci m’ont justement confirmé qu’ils avaient bien obtenu les postes supplémentaires dont je parle. Par conséquent, je ne connais pas la situation des entreprises adaptées auxquelles vous faites référence, monsieur le sénateur, mais je vous confirme les chiffres que j’ai déjà cités.
Mme la présidente. L'amendement n° 702, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 23 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les services de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail étudient la faisabilité de la création d’une plateforme mettant en relation les employeurs et les parents d’enfants présentant un handicap tel que défini à l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles.
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement comprenant un bilan de l’étude de faisabilité réalisée et des propositions visant à garantir une meilleure insertion professionnelle des parents d’enfants en situation de handicap.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement est complémentaire du précédent.
Les parents d’enfants malades ou en situation de handicap doivent bénéficier du droit de reprendre une activité professionnelle en lien avec leurs aptitudes, mais adaptée à leurs contraintes.
Ces personnes se voient, en effet, souvent déclassées sur le plan professionnel en raison des besoins particuliers de leur enfant, souvent peu compatibles avec un emploi à plein temps. Elles ont pourtant des qualifications, des expériences et de l’énergie à apporter à notre société !
Avec cet amendement, nous proposons de créer une plateforme – Pôle emploi pourrait servir de support au site internet – grâce à laquelle les employeurs pourraient recruter des parents d’enfants différents, en proposant des emplois qui puissent s’adapter à leur situation, comme des contrats à temps partiel ou du télétravail.
Les employeurs pourraient ainsi bénéficier d’une main-d’œuvre qualifiée et motivée, tandis que les parents pourraient réinvestir leur vie sociale et professionnelle, tout en continuant à répondre aux besoins particuliers de leurs enfants.
Il s’agit de traiter l’un des angles morts de la politique de l’emploi, celle du travail pour des personnes n’étant pas elles-mêmes en situation de handicap, mais concernées indirectement par le handicap.
Si l’article 3 du présent projet de loi prend en compte cette question par l’intermédiaire de congés spécifiques, le groupe CRC pense néanmoins que l’emploi des parents d’un enfant handicapé souffre aujourd’hui d’un manque de considération.
En effet, les dispositifs de temps partiel et de modulation des horaires de travail impliquent d’avoir déjà un emploi. Or un parent chômeur aura un certain nombre de difficultés dans sa recherche. Je pense notamment à la nécessité de trouver des gardes d’enfants adaptées pour se présenter aux rendez-vous de Pôle Emploi ou à celle de justifier sa situation lors d’un entretien d’embauche.
Concrètement, un employeur sera plus intéressé par un postulant n’ayant pas ou ayant peu de contraintes extérieures qu’un postulant dont la situation nécessite de gros aménagements de travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. L’amendement a pour objet d’étudier la faisabilité d’une plateforme mettant en relation les employeurs et les parents d’enfants présentant un handicap.
Encore une fois, humainement, je comprends parfaitement cet amendement, puisqu’il tend à aborder avec justesse le problème de l’accompagnement dans l’emploi des parents d’enfants handicapés.
Il est néanmoins peu opérant face aux principaux dispositifs existants que sont le droit au répit des parents, aménagé par de nombreux établissements médico-sociaux qui accueillent les enfants handicapés, et surtout le recours à un aidant familial que permet le versement de la prestation de compensation du handicap, la PCH.
Faciliter l’insertion des parents d’enfants handicapés et principalement des mères, qui sont les plus nombreuses à faire le sacrifice de leur emploi, impliquerait plutôt qu’on allège leur implication en finançant, grâce à la revalorisation des plafonds de la PCH, un nombre plus important d’heures d’aide à domicile, mais, vous le savez, nous sommes dans une situation de contrainte financière.
Les entreprises disposent d’un guide sur les aidants, qui a été publié le 6 octobre 2014 par l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises, l’ORSE, et l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, et dont le Gouvernement doit assurer la bonne diffusion.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement, encore une fois avec regret.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Madame la sénatrice, humainement, je comprends tout à fait moi aussi la situation que vous évoquez.
Grâce aux rencontres que nous avons organisées avec Ségolène Neuville, nous savons que la situation des aidants est particulièrement compliquée en matière d’emploi. Ils rencontrent parfois des difficultés à programmer leur emploi du temps au cours de la semaine, ayant besoin de longues pauses dans leur travail.
Nous nous sommes d’ailleurs battus pour que le présent projet de loi comporte des dispositifs d’adaptation en matière de droit à congé pour les aidants de personnes en situation de handicap.
Cela étant, vous proposez d’inscrire dans la loi l’étude de faisabilité d’une plateforme. Personnellement, je suis tout à fait disponible pour organiser une rencontre entre vous et l’ensemble des partenaires, que ce soit Pôle emploi, les associations ou les Cap emploi, qui s’occupent également de l’emploi des personnes en situation de handicap, car elles sont bien souvent accompagnées par leur propre famille. Cette rencontre permettrait de chercher la meilleure réponse au problème que nous rencontrons.
Nous avons par exemple créé l’« emploi store ». Je ne verrais aucune difficulté à ce que l’on développe un outil dédié au handicap au sein de ce service. Toutefois, avant d’introduire ce type de dispositif dans la loi, je souhaiterais que l’on regarde d’abord très concrètement s’il représente la meilleure des réponses.
Je le dis d’autant plus aisément que les parents d’enfants handicapés nous sollicitent eux-mêmes beaucoup sur le sujet. Il faut évidemment trouver une solution, mais je ne suis pas sûre que la seule réponse passe par la faisabilité d’une plateforme.
Je vous demande donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement, et vous répète que nous sommes prêtes, Ségolène Neuville et moi-même, à rencontrer avec vous tout le service public de l’emploi pour élaborer un diagnostic sur les besoins des parents d’enfants handicapés et de tous les aidants, et pour trouver les bonnes réponses.
Mme la présidente. Madame David, l'amendement n° 702 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Non, je vais le retirer, madame la présidente.
Je vous remercie, madame la ministre. Vous l’avez bien compris, notre amendement était un amendement d’appel. Sans doute que les associations que vous mentionnez sont d’ailleurs les mêmes que celles que j’ai rencontrées, je pense notamment à un collectif de mamans d’enfants handicapés. M. le rapporteur et vous-même évoquiez le fait que ce sont le plus souvent des mamans – ce n’est pas une critique mais un constat – qui font le sacrifice de leur emploi, ou qui sont en tout cas dans l’impossibilité de conserver leur emploi, parce qu’elles font le choix d’être auprès de leurs enfants.
Je suis complètement d’accord avec vous : je ne suis pas non plus certaine que notre amendement constitue la seule solution ou la meilleure. En tout cas, c’est celle que nous avions trouvée ensemble et que mon groupe voulait défendre dans l’hémicycle.
S’il est envisageable d’obtenir rapidement l’entretien dont vous parliez, madame la ministre, (Mme la ministre opine.) cela permettrait de faire progresser les choses. Avec les associations que j’ai eu l’occasion de rencontrer, nous prendrons l’attache de vos services (Mme la ministre opine de nouveau.) et verrons comment il est possible d’avancer sur le sujet.
Je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 702 est retiré.
Article 23 quater
Le sixième alinéa de l’article L. 5132-15-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque des salariés rencontrent des difficultés particulièrement importantes dont l’absence de prise en charge ferait obstacle à leur insertion professionnelle, le contrat de travail peut être prolongé au-delà de la durée maximale prévue, par décisions successives d’un an au plus, dans la limite de soixante mois. » ;
2° Au début de la seconde phrase, les mots : « Cette prolongation peut être accordée » sont remplacés par les mots : « Ces prolongations peuvent être accordées ».
Mme la présidente. L'amendement n° 968, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le sixième alinéa de l’article L. 5132-15-1 du code du travail est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« À titre exceptionnel, ce contrat de travail peut être prolongé par Pôle emploi, au-delà de la durée maximale prévue, après examen de la situation du salarié au regard de l'emploi, de la capacité contributive de l'employeur et des actions d'accompagnement et de formation conduites dans le cadre de la durée initialement prévue du contrat :
« 1° Lorsque des salariés âgés de cinquante ans et plus ou des personnes reconnues travailleurs handicapés rencontrent des difficultés particulières qui font obstacle à leur insertion durable dans l'emploi, quel que soit leur statut juridique.
« 2° Lorsque des salariés rencontrent des difficultés particulièrement importantes dont l’absence de prise en charge ferait obstacle à leur insertion professionnelle, par décisions successives d’un an au plus, dans la limite de soixante mois. »
Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Cet amendement tend à corriger la rédaction de l’article 23 quater, qui élève le plafond de la durée maximale d’embauche d’un salarié dans un atelier ou un chantier d’insertion.
La commission y est favorable.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 23 quater est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l’article 23 quater
Mme la présidente. L'amendement n° 96 rectifié bis, présenté par MM. Mouiller, Mandelli, Vial et Morisset, Mme Billon, M. J.P. Fournier, Mmes Morhet-Richaud et Cayeux, MM. de Legge, Houel, Bonhomme, Guerriau et Cambon, Mme Canayer, MM. Bouchet et Trillard, Mme Imbert, MM. Longeot, Masclet, Gilles, Commeinhes et Lefèvre, Mme Deroche, MM. Laménie, Chasseing, Revet, Pellevat, Huré, Charon et César, Mme Keller, MM. Grand et L. Hervé et Mmes Gruny et Deromedi, est ainsi libellé :
Après l’article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 2° de l’article L. 5132-9 du code du travail est ainsi rédigé :
« 2° Dans le secteur marchand, la durée totale des mises à disposition d’un même salarié ne peut excéder 1 607 heures pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la première mise à disposition. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Les associations intermédiaires sont des structures clefs pour une réinsertion économique et sociale adaptée, dans la mesure où elles proposent à des personnes éloignées de l’emploi un accompagnement socioprofessionnel fondé sur une expérience professionnelle.
Malheureusement, la rédaction actuelle de l’alinéa 3 de l’article L. 5132–9 du code du travail limite la durée totale des mises à disposition d’un salarié à 480 heures maximum sur une période de deux ans dans le secteur marchand.
Alors que cette contrainte horaire n’existe pas dans les collectivités territoriales, l’expérience montre qu’il faut, en moyenne, 1 600 heures de mise à disposition dans une collectivité et un accompagnement continu pour transformer une mise à disposition en contrat à durée indéterminée.
Lorsque l’on connaît bien le fonctionnement des structures d’insertion, on se rend compte qu’étant donné le public concerné, souvent très éloigné de l’emploi, 480 heures ne sont pas suffisantes pour permettre une bonne intégration des personnes en insertion.
À l’argument de la concurrence déloyale, je rétorque qu’il s’agit, au contraire, d’un investissement important apporté par les entreprises qui s’impliquent dans l’accueil des personnes en insertion. C’est souvent coûteux et nécessite un engagement fort, à l’image de l’accueil de personnes en formation ou en apprentissage. Il s’agit finalement d’un véritable engagement citoyen des entreprises, qui devrait être plutôt soutenu que limité.
Élu du département des Deux-Sèvres, proche d’un territoire expérimental en matière de chômage de longue durée, je peux témoigner du temps qu’il est nécessaire de consacrer aux publics concernés pour permettre leur insertion dans le domaine marchand et pas seulement, pour une fois, dans les collectivités et les structures publiques.
Fort de ce constat, je propose un amendement qui vise à remplacer l’alinéa 3 de l’article L. 5132–9 du code du travail pour l’adapter à la réalité du terrain et ainsi favoriser au mieux l’insertion durable d’un public éloigné de l’emploi dans le secteur marchand.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Les mises à disposition effectuées par les associations intermédiaires ont été encadrées dans le code du travail pour ne pas créer de distorsion de concurrence avec les autres acteurs économiques du territoire, en particulier les entreprises de travail temporaire d’insertion, les ETTI.
Si la loi élargit leur périmètre d’intervention, elles pourraient remettre en question l’implantation et le maintien des ETTI sur notre territoire. Or il me semble primordial de maintenir la richesse et la diversité de l’offre de services que représentent ces structures d’insertion pour nos territoires.
La commission est néanmoins consciente du rôle important que jouent ces associations dans l’insertion de personnes très éloignées de l’emploi. C’est pourquoi elle souhaite recueillir l’avis du Gouvernement.
M. Philippe Mouiller. Ah ! Très bien !
M. Didier Mandelli. C’est cela qui nous intéresse !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Dans le prolongement des propos tenus par M. le rapporteur, j’évoquerai le risque de concurrence avec les ETTI, car ce sont ces entreprises, et non les autres acteurs économiques, qui nous font remonter l’information.
J’en profite également pour rappeler que le seuil d’heures à ne pas dépasser ne s’applique pas en cas de mise à disposition auprès d’organismes à but non lucratif ou auprès de particuliers.
Cela étant, monsieur le sénateur, vous avez raison de soutenir les associations intermédiaires, car elles offrent vraiment l’opportunité de mettre ces personnes à disposition d’employeurs diversifiés. C’est évidemment important.
Cependant, j’ai demandé à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, de réaliser une analyse précise du modèle économique des associations intermédiaires. Elle pourra également évaluer s’il est nécessaire de modifier le plafond d’heures de mises à disposition dans le secteur marchand. Vous allez peut-être m’opposer que je demande souvent des rapports à l’IGAS. Sachez simplement que, lorsque je reçois plus de deux ou trois courriers de parlementaires sur un problème donné, qu’il concerne les missions locales ou les associations intermédiaires, j’ai pour habitude de commander un rapport.
C’est pourquoi, à ce stade, le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. J’entends votre proposition, madame la ministre. Mais je voudrais vraiment insister sur le décalage entre la théorie et la réalité de terrain, une situation que je vis au quotidien en tant que président d’un certain nombre de structures.
Quand on vous annonce, au moment où un parcours d’intégration ayant nécessité un travail de fond de plusieurs mois débouche sur un emploi potentiel, que le quota est atteint et qu’il faut en rester là, c’est réellement frustrant ! S’agissant d’insertion, seuls les résultats en termes de sorties des dispositifs comptent, le reste n’étant que discours ou intervention.
Je vais retirer cet amendement, mes chers collègues, mais il faut examiner ce volet, et il faut le faire en partant des territoires, car ceux-ci ne peuvent être modélisés et présentent des différences dans leurs capacités à intégrer les personnes en recherche d’emploi, notamment de longue durée.
Je serai donc ouvert à participer à la réflexion avec l’IGAS (Mme la ministre opine.), qui permettra certainement, à travers l’expérimentation sur le chômage de longue durée, de disposer d’un relais réel sur le terrain. Je retire l’amendement, mais je vois par votre acquiescement, madame la ministre, que vous avez la volonté de nous associer à cette réflexion. (Mme la ministre opine de nouveau.)
Mme la présidente. L'amendement n° 96 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 177, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Après l’article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5424-1 du code du travail est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les agents titulaires ou non titulaires des collectivités territoriales n’ont pas le droit à l’allocation d’assurance mentionnée au I du présent article en cas de démission d’un poste occupé au sein d’une collectivité territoriale pour occuper un nouvel emploi. »
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Il s’agit, au travers de cet amendement, de supprimer ce que je considère être une anomalie, à savoir la mise à contribution des collectivités territoriales dans le cadre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, l’ARE.
À l’heure actuelle, lorsque des agents de collectivités territoriales démissionnent et partent, pour des raisons légitimes, exercer une activité dans le secteur privé, si cette activité est interrompue et si le droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi leur est ouvert, les services de Pôle emploi se retournent vers les collectivités territoriales pour demander la prise en charge de cette allocation.
Cette situation, même si elle a un coût, ne pose pas de problème majeur aux très grandes collectivités. Mais pour les toutes petites collectivités, employant un agent ou deux, le fait de devoir financer et l’agent qui est parti – parfois depuis plusieurs années – et celui qu’il a fallu engager pour le remplacer crée une surcharge budgétaire évidemment insupportable.
Cet amendement tend donc à corriger cette anomalie, les partenaires sociaux ou le ministère ayant bien évidemment la charge de trouver une solution pour assurer le financement, dans un cadre mutualisé, de l’allocation d’aide au retour à l’emploi qui ne serait plus supportée par les collectivités territoriales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Cet amendement d’appel vise à attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés rencontrées par les petites collectivités, lorsque celles-ci se trouvent à devoir prendre en charge l’indemnisation de chômage d’anciens agents ayant volontairement quitté leur poste pour occuper un nouvel emploi.
Nous sommes nombreux à être confrontés à de telles situations dans nos départements. De ce fait, et parce qu’il est impossible d’adopter cet amendement en l’état, il sera intéressant d’entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis est défavorable, mais votre amendement, monsieur Bouvard, m’a donné l’occasion de saisir Annick Girardin, ministre de la fonction publique, sur le sujet.
Votre proposition contrevient au principe de la neutralisation d’une démission, selon lequel une personne ayant démissionné peut bénéficier de l’allocation chômage dès lors qu’elle a retravaillé au moins 91 jours après sa démission.
Elle crée également une inégalité de traitement entre les demandeurs d’emploi, selon que leur ancien employeur est affilié au régime d’assurance chômage ou qu’il assure lui-même ses agents contre le risque du chômage, comme c’est le cas de certains employeurs publics.
Cela explique l’avis défavorable mais, à nouveau, Annick Girardin a été informée des difficultés, que vous évoquez dans votre intervention, rencontrées par les petites collectivités.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je n’ai aucune raison de douter de votre bonne volonté, madame la ministre. Mais cela fait plusieurs mois que, selon mes informations, Mme Annick Girardin a été saisie de la question. À un moment, il faut trouver des solutions !
Cet amendement est donc plus qu’un amendement d’appel et tend vraiment à faire évoluer la situation.
Son adoption ne priverait personne, ni ne créerait de rupture d’égalité. Nous considérons simplement que le financement de l’ARE ne doit pas peser sur les collectivités territoriales dès lors que l’agent concerné a volontairement choisi de quitter ses fonctions.
Pour vous montrer l’absurdité dans laquelle nous nous trouvons, je peux citer le cas d’une commune de 108 habitants située dans le massif de la Lauzière.
Cette commune emploie un agent communal. Voilà quelques années, le titulaire du poste a démissionné. Aujourd'hui salarié d’un grand groupe français du secteur du bâtiment et des travaux publics, il exerce son activité professionnelle en Arabie Saoudite.
Pourquoi la commune est-elle amenée à financer une allocation chômage pour cette personne ? L’été est tellement chaud en Arabie Saoudite que le travail, notamment pour des raisons physiques, doit être interrompu. Durant cette période d’interruption obligatoire, l’ancien agent a le droit de recevoir de l’ARE. Pôle emploi se retourne alors vers la commune.
Voilà comment, mes chers collègues, le climat en Arabie Saoudite influe sur la feuille d’imposition locale des 108 habitants de la commune de Bonvillaret !
Cet exemple n’en est qu’un parmi d’autres, les discussions soulevées par cette proposition ayant montré que nous étions plusieurs concernés par de tels cas de figure.
L’adoption de cet amendement permettrait donc d’envoyer un signal fort, la navette nous offrant l’occasion, par la suite, de trouver une solution pour régler la question.
M. Michel Raison. Et comme le climat se réchauffe, bientôt tout le monde sera concerné ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 177.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 24
(Non modifié)
I. – L’article L. 3243-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase du premier alinéa est supprimée ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf opposition du salarié, l’employeur peut procéder à la remise du bulletin de paie sous forme électronique, dans des conditions de nature à garantir l’intégrité, la disponibilité pendant une durée fixée par décret et la confidentialité des données ainsi que leur accessibilité dans le cadre du service associé au compte mentionné au 2° du II de l’article L. 5151-6. Un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés détermine les modalités de cette accessibilité afin de préserver la confidentialité des données. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017.
Mme la présidente. L'amendement n° 703, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
Sauf opposition
par les mots :
À la demande
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. À travers cet amendement, nous entendons faire valoir l’idée selon laquelle l’émission numérique de la fiche de paie doit être opérée à la demande expresse du salarié, et non plus à celle de l’employeur.
L’article 24 tend effectivement à préconiser, sans toutefois en faire une obligation – ce qui est heureux, surtout pour les petites entreprises –, la fin du papier pour l’édition des bulletins de paie, au profit d’une édition numérique.
À notre sens, c’est une fois de plus le point de vue de l’employeur, en tout cas des plus grandes entreprises, qui domine, au nom de la compétitivité. Or, selon le rapport, l’économie s’établirait entre 10 et 42 centimes par feuille de paie.
L’évolution est envisageable… Mais à ce jour, eu égard à la fracture numérique – une réalité encore, touchant les plus faibles de nos concitoyens – et aux incertitudes sur les délais de conservation des données par l’entreprise, dont la fixation est renvoyée à un décret, nous préférons la sécurité, donc la volonté clairement exprimée par le salarié, à une hypothétique recherche de compétitivité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. L’avis est défavorable. Le salarié pouvant refuser la transmission d’un bulletin de paie par voie électronique, il est préférable de s’en tenir à la formulation actuelle, qui permet une généralisation du bulletin dématérialisé plus rapide.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cette proposition fait suite au rapport de Jean-Christophe Sciberras, étant précisé que nous avons accumulé beaucoup de retard, en la matière, par rapport à d’autres pays européens.
Je ne nie pas la question de la fracture numérique, mais comme l’a expliqué M. le rapporteur, un droit d’opposition a été prévu.
En outre, et surtout, deux garanties fortes ont été mises en place. La première, essentielle, concerne l’intégrité des données ; elle sera opérée dans des conditions examinées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL. La seconde porte sur la consultation des bulletins, qui pourra notamment se faire via le compte personnel d’activité, le CPA, dont nous avons beaucoup discuté hier. C’est un point qui m’apparaît important, en particulier pour des salariés précaires susceptibles d’enchaîner des contrats nombreux et passés avec des employeurs divers.
Pour ces raisons, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 196 rectifié, présenté par MM. Patient, S. Larcher, Karam et Antiste, n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 24.
(L'article 24 est adopté.)
Chapitre III
Adaptation du droit du travail à l’ère du numérique
Article 25
I. – L’article L. 2242-8 du code du travail est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Il est ajouté un 7° ainsi rédigé :
« 7° L’exercice du droit à la déconnexion des salariés dans l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé. Les règles de communication aux salariés des modalités d’exercice de ce droit définies à l’issue de la négociation, ou à défaut par l’employeur, sont fixées par décret. »
I bis. – (Supprimé)
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Le droit à la déconnexion constitue un enjeu fondamental pour de nombreux salariés.
« Le développement des technologies de communication rend floue la frontière entre le temps de travail et le temps personnel », ont observé les rapporteurs dans leur rapport. Ils ont indiqué un peu plus loin : « le droit à la déconnexion constitue un aspect du droit au repos quotidien, et […] un salarié ne saurait être tenu de travailler en dehors de son temps de travail ». Le rapport cite également l’avis du Conseil d’État, invitant le législateur à encadrer et définir ce nouveau droit.
Pourtant, mes chers collègues, vous avez supprimé l’intégration des outils permettant l’effectivité du droit à la déconnexion dans le champ de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. De même, vous êtes revenus sur l’obligation d’élaboration d’une charte, après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, charte censée prévoir, entre autres mesures, la mise en œuvre d’actions de formation et de sensibilisation à l’usage des outils numériques.
Pourtant, l’explosion des phénomènes d’épuisement professionnel, ou de burn-out, est directement liée à l’augmentation du temps de travail et à l’impossibilité de se déconnecter, en particulier dans la population des cadres.
Comme le soulignent de nombreux syndicats, l’usage des technologies de communication implique trop souvent une disponibilité permanente et sans limite des salariés. Or un des fondements du droit du travail est la limitation dans le temps du lien de subordination entre le salarié et l’employeur.
L’Association pour l’emploi des cadres, l’APEC, a réalisé une enquête sur le sujet : les technologies de l’information et de la communication, ou TIC, tendent à augmenter la charge de travail et à dégrader la qualité de vie pour, respectivement, 72 % et 60 % des cadres. En outre, elles n’apparaissent pas comme des facteurs de motivation et de reconnaissance aux yeux de 95 % d’entre eux.
La généralisation de l’usage des TIC, pour raisons professionnelles, en dehors des horaires et des lieux de travail constitue une forme de forfait jours déguisé et engendre un dépassement de la durée légale du travail, ni reconnu ni rémunéré.
C’est pourquoi il est nécessaire de reconnaître le droit à la déconnexion, de l’inscrire dans la loi et de prévoir une négociation obligatoire sur l’utilisation des outils numériques.
Ce sera le sens des amendements que nous proposerons sur cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 243 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Notre volonté, à travers ce projet de loi, est aussi de réduire l’épaisseur du code de travail, ce petit code rouge comptant 3 168 pages. Or je crains que nos travaux n’aboutissent qu’à l’alourdir un peu plus ! Nous devons donc être attentifs sur ce point.
Nous traitons ici de l’article L. 2242-8 du code du travail, lequel précise les sujets devant faire l’objet de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail.
J’observe, à la lecture de cet article, que cette négociation annuelle porte, en premier lieu, sur les questions relatives à « l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour les salariés ». Je n’imagine pas que les points concernant l’informatique et les moyens de communication modernes ne soient pas examinés dans ce cadre.
Par conséquent, le code, dans sa rédaction actuelle, donc sans nécessité de l’alourdir, nous permet de traiter la problématique, d’où cet amendement tendant à supprimer l’article 25 du projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je prends le relais de mon collègue rapporteur, en donnant l’avis de la commission sur cet amendement présenté – le hasard fait bien les choses – par des membres de mon groupe.
Le dispositif, à mes yeux, a été considérablement simplifié en commission, même si le sujet mérite d’être abordé dans le cadre de la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail.
Je demanderai donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis est également défavorable. J’aurai l’occasion, dans quelques instants, de préciser la position du Gouvernement au travers de la présentation de l’amendement n° 966.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Pourquoi sommes-nous opposés à la suppression de l’article 25 ? Vous invoquez la simplification du code du travail, monsieur Canevet, mais cet article 25 revêt une importance particulière, et vous ne vous y êtes pas trompé puisque vous avez repris dans votre argumentaire l’élément dont, précisément, vous ne voulez pas que l’on parle : la préservation, à travers le droit à la déconnexion, de la vie familiale, de la vie tout court !
Pour le groupe socialiste et républicain, cet article est donc essentiel.
Madame la ministre, vous avez reçu – le jour même de votre intronisation, me semble-t-il – le rapport de M. Bruno Mettling, qui fait le point sur toutes les conséquences de la révolution numérique sur le travail. Des publications sortent également sur le sujet.
Il apparaît que, si l’on n’y prend pas garde, les salariés et, plus généralement, tous ceux qui travaillent avec le numérique vont bientôt se trouver connectés jour et nuit. Une telle situation fait voler en éclats le droit du travail dans sa forme actuelle, notamment tout ce qui concerne la durée du travail, y compris le forfait jours.
Certaines grandes entreprises, ayant choisi de respecter le droit au repos, de peur des sanctions judiciaires, ont instauré des dispositifs de blocage. Mais on peut être poussé, y compris sous la pression d’autres salariés connectés en permanence, à communiquer des adresses personnelles, avec, à nouveau, de lourds impacts sur sa vie privée.
La loi a aussi pour fonction de protéger les individus qui seraient en permanence connectés, avec les conséquences que l’on sait sur la santé au travail.
Le maintien de cet article 25 est nécessaire afin de pouvoir évoquer l’ensemble du sujet.
La commission, comme M. Gabouty vient de l’expliquer, a considérablement modifié le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, en supprimant la partie traitant de l’effectivité de ce droit, qui a été affirmé, à la déconnexion. Nous voulons pouvoir en discuter, afin de confronter nos avis sur la question.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement de suppression était un appel à la raison, mes chers collègues, car cet article 25, tendant à prévoir un droit à la déconnexion, nous paraît aussi inutile que contre-productif !
En effet, il ne prévoit rien qui n’existe déjà : si un salarié est contraint d’utiliser les moyens numériques en dehors d’un cadre conventionnel ou légal, le droit français lui permet déjà de saisir la justice. Pourquoi en ajouter une couche ?
Mme Nicole Bricq. Évitons d’engorger les tribunaux !
M. Olivier Cadic. Ce n’est pas parce que l’on écrit une règle dix fois que celle-ci s’appliquera mieux !
Nous sommes déjà intervenus sur la question au début des débats sur ce projet de loi. Quand on duplique, dans le code du travail, des mesures déjà existantes dans le code pénal, c’est même une troisième couche que l’on rajoute. J’appelle cela du harcèlement !
Qu’un employeur poursuive ses salariés pendant le week-end, continuant de leur écrire, et qu’une personne se trouve en difficultés de ce fait, et toutes les protections peuvent déjà être mises en jeu.
Le sujet, on le sent, est un peu difficile car, en réalité, on se donne bonne conscience en écrivant plusieurs fois la même chose dans les codes, mais ce qui compte, c’est le résultat !
Michel Canevet et moi-même avons décidé de retirer cet amendement. Nous le retirons donc.
Mme la présidente. L'amendement n° 243 rectifié est retiré.
Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 33 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann, M. Cabanel, Mme Ghali et M. Gorce, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
1° Le 6° est complété par les mots : « , notamment au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise » ;
2° Il est ajouté un 7° ainsi rédigé :
« 7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. À défaut d’accord, l’employeur définit ces modalités et les communique par tout moyen aux salariés. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités font l’objet d’une charte élaborée après avis du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, qui prévoit notamment la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Cet amendement tend à rétablir, au fond, sur un sujet tout à fait essentiel, la rédaction souhaitée par le Gouvernement et retenue par l’Assemblée nationale. Il paraît effectivement très regrettable que le Sénat puisse modifier et affaiblir un dispositif qui, selon nous, constitue l’une des avancées significatives de ce texte, même s’il ne fait que poser une première pierre.
La réalité de la vie dans nos entreprises – nous en avons sans doute parlé tout au long de ces débats –, ce sont aussi des conditions de travail de plus en plus difficiles, une évocation de plus en plus fréquente, par les salariés, indépendamment, d’ailleurs, de leur position hiérarchique, d’une situation de tension et de stress, un management demeurant extrêmement hiérarchique, qui exerce également des pressions très fortes sur les salariés. Dans un tel contexte, on peut voir émerger une tendance à des difficultés psychologiques et mentales croissantes.
Nous devons donc prendre en compte cette évolution, qui, malheureusement, est l’expression d’une économie et d’une culture d’entreprise n’ayant pas véritablement franchi le pas vers des démarches plus concertées, tournées vers la négociation et attentives à la qualité du travail.
C’est tout le débat que nous pourrions avoir, aussi, sur les baisses de cotisations sociales. Nous dépensons beaucoup d’argent pour favoriser ces baisses de cotisations sociales, prêtant beaucoup moins d’attention à tout ce qui pourrait favoriser la productivité et la compétitivité : la formation et la qualification des salariés, la recherche de la qualité, le contexte et le climat dans lesquels travaillent les salariés.
C’est pourquoi nous avons souhaité réintroduire ce droit à la déconnexion.
Selon les études dont nous disposons, un cadre peut être soumis, au bas mot, à 150 sollicitations communicationnelles par jour, soit une interruption toutes les quatre minutes. Cela peut se traduire par des situations difficiles rencontrées durant la nuit et le week-end, et nous disposons de nombreux témoignages, des salariés, mais aussi des entreprises, à cet égard.
Voyez, mes chers collègues, la sonnerie de téléphone que nous entendons montre que même mon président de groupe est soumis à une forte pression… J’espère que ce n’est ni l’Élysée ni Matignon qui l’interrogent sur la manifestation de demain, parce que, là, franchement, ce serait du harcèlement !
Donc, face à cette situation extrêmement difficile, il paraît indispensable de donner une réalité au droit à la déconnexion et je défendrai tout à l’heure un amendement tendant à mettre en place un référent numérique dans l’entreprise.
Mme la présidente. L'amendement n° 966, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° Le 6° est complété par les mots : « , notamment au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise ; »
II. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. À défaut d’accord, l’employeur définit ces modalités et les communique par tout moyen aux salariés. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités font l’objet d’une charte, élaborée après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, qui prévoit notamment la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement souhaite bien évidemment revenir au texte dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale, la commission des affaires sociales du Sénat ayant effectivement beaucoup réduit les mesures relatives au droit à la déconnexion.
Le rapport de Bruno Mettling, qui m’a été remis deux semaines après ma prise de fonction, le 15 septembre dernier, a été mentionné.
L’enjeu est pluriel. Il faut répondre à l’irruption du numérique, avec, on le voit bien, une frontière entre vie privée et vie professionnelle qui n’est pas toujours particulièrement étanche. Se pose aussi la question de la coresponsabilité de l’employeur et du salarié : comment se mettre d’accord, ensemble, à travers la négociation, sur un bon usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication ?
Alors que les dernières études menées, avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, sur la qualité de vie au travail montrent que la vie professionnelle empiète sur la vie privée pour un quart des salariés, la proportion montant à 38 % chez les cadres, la question de l’usage du numérique doit, me semble-t-il, nous permettre de mettre en œuvre le principe de négociation collective prôné par ce projet de loi.
Je tiens également beaucoup à la charte qui sera élaborée dans les entreprises de plus de cinquante salariés et qui contiendra des mesures de sensibilisation à un usage raisonnable du numérique. C’est là une avancée importante.
Aux États-Unis, on nous a un peu caricaturés : avec ce droit à la déconnexion, toutes nos messageries allaient être bloquées dès dix-sept heures, le vendredi ! Via notre ambassadeur dans ce pays, j’ai fait savoir que de telles pratiques n’avaient cours que dans certaines entreprises allemandes, notamment Volkswagen, et qu’en France, ce droit donnerait lieu, du moins nous le souhaitions, à des négociations dans l’entreprise, permettant une mise en œuvre, par là même, de l’idée de coresponsabilité de l’employeur et du salarié.
D’une manière générale, c’est une bonne chose que la qualité de vie au travail fasse aussi l’objet de négociations. Quand on voit l’ampleur que prennent les phénomènes d’épuisement professionnel, ou burn-out, dans la vie de nos concitoyens, il apparaît essentiel d’avancer sur ces thématiques.
Mme la présidente. L'amendement n° 321, présenté par M. Rome, Mme Bataille, MM. Cabanel, Courteau, Daunis, Duran, Montaugé et Vaugrenard, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° Le 6° est complété par les mots : « , notamment au moyen des outils numériques disponibles dans l'entreprise » ;
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement rédactionnel tend à apporter une précision pour sensibiliser les partenaires sociaux, dans le cadre de la négociation annuelle, à l’intérêt que peuvent revêtir les outils numériques dans l’exercice du droit d’expression directe et collective des salariés. (M. Yannick Vaugrenard applaudit.)
Mme la présidente. L'amendement n° 704, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités font l’objet d’une charte élaborée conjointement avec le comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, qui prévoit notamment la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Mon propos s’inscrit dans la continuité des interventions sur les amendements précédents.
Il est essentiel que, sur toutes les travées de notre Haute Assemblée, nous nous mobilisions sur ce sujet, touchant une grande partie des salariés, notamment les cadres.
Des chiffres récents nous apprennent que 75 % des salariés se connectent pour travailler en dehors de leur temps et de leur lieu de travail et que 50 % des cadres travaillent pendant leurs jours de congés. Aussi est-il de la plus haute importance de préciser les modalités d’élaboration d’une charte d’action, de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques, comme vous venez de l’évoquer, madame la ministre.
Le besoin de rappeler chacun à ses obligations est réel et l’avis, je pense, est partagé. Ainsi Bruno Mettling, ancien directeur des ressources humaines du groupe Orange et auteur d’un rapport intitulé Transformation numérique et vie au travail, auquel vous venez également de faire allusion, expliquait dans une interview accordée au journal Le Monde : « Le numérique est d’abord une opportunité pour penser différemment l’organisation du travail, le fonctionnement de l’entreprise au quotidien. Mais il peut aussi être porteur de risques pour la santé des salariés, qu’il convient d’anticiper. Il ne faut pas que cela serve de prétexte pour mettre à bas le code du travail. »
Effectivement, l’augmentation de la charge de travail et l’intensification du travail conduisent de plus en plus de salariés, et de plus en plus souvent, à utiliser les technologies de l’information et de la communication, les TIC, pour travailler à domicile, dans des lieux tiers ou dans les transports. En général, ce travail n’est ni reconnu ni comptabilisé, les limites horaires imposées par la loi sont, de ce fait, souvent dépassées et la frontière entre vie professionnelle et vie privée est beaucoup plus floue.
Pour toutes ces raisons, nous proposons donc cet amendement, qui tend à rétablir l’alinéa 4 de l’article 25 dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Le droit à la déconnexion et la question de la charge de travail nous semblent de toute importance !
Mme la présidente. L'amendement n° 190 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Dans les entreprises de plus de 100 salariés, un référent est nommé auprès de la direction des ressources humaines ; sa mission est de veiller au respect de ce droit.
2° Seconde phrase
Après le mot :
employeur
insérer les mots :
, ainsi que les modalités de désignation du référent
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Cet amendement s’inscrit aussi dans la lignée de ce qui a été défendu par les précédents orateurs et que j’ai moi-même eu l’occasion d’exposer voilà un instant.
L’idée, ici, est de favoriser l’émergence d’une véritable culture dans l’entreprise sur ces sujets.
Si le dispositif proposé est repris, une négociation aura lieu. Celle-ci pourra être confortée, ainsi que les salariés, à titre individuel, par la présence d’un référent auprès de la direction des ressources humaines, dont la mission sera de favoriser la réflexion, diffuser les bonnes pratiques, encourager chacun dans l’entreprise – y compris les cadres et les dirigeants – à respecter certains principes.
L’esprit serait un peu le même que celui qui a présidé à la mise en place des correspondants « Informatique et libertés » en matière de protection des données : il s’agirait d’identifier une personne qui servirait de repère à l’ensemble des partenaires et aiderait à la formalisation progressive d’une doctrine de l’entreprise dans ces domaines.
Les travaux menés par Thierry Le Fur, notamment, ont montré toute l’opportunité qu’il y aurait à introduire un tel dispositif.
Mme la présidente. L'amendement n° 323, présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le fait de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel pendant les temps de repos et de congé ne constitue pas une faute ni un motif de licenciement.
La parole est à Mme Stéphanie Riocreux.
Mme Stéphanie Riocreux. Plusieurs amendements à l’article 25, tel qu’il résulte des travaux de notre commission, tendent à donner un contenu à ce qu’il est convenu d’appeler le droit à la déconnexion.
Un droit ne peut se résumer à une pétition de principe. Pour qu’il existe réellement, il faut l’assortir d’une sanction juridique, qui en indique la traduction concrète.
À cette fin, plusieurs méthodes sont proposées dans les amendements que nous venons d’examiner : la mise en place de régulation de l’utilisation des outils numériques par accord ou par décision de l’employeur, l’écriture d’une charte élaborée après avis des institutions représentatives du personnel, des actions de formation et de sensibilisation des salariés, de l’encadrement et des directions.
Nous soutenons bien évidemment ces propositions, directement issues des recommandations de l’excellent rapport de Bruno Mettling, qui a déjà été mentionné.
Nous sommes néanmoins tout à fait lucides. Il ne s’agit pas d’empêcher que des personnes travaillent en dehors des temps prévus, si elles le souhaitent véritablement et selon un usage raisonnable. En revanche, nous avons le devoir de protéger les personnes contre les abus résultant de sollicitations pendant les heures de repos et les congés, du fait d’appels, de SMS et de mails à toute heure.
Pour beaucoup, les outils numériques peuvent faire éclater le temps de travail, parce qu’ils n’exigent plus la présence physique sur un lieu de travail commun. Dès lors, tout est permis : la durée de travail, fût-ce les treize heures maximales du forfait jours, explose. Ce sont tous les acquis patiemment construits qui volent en éclats en raison d’un effet technologique non maîtrisé par les uns et exploité par les autres.
Il n’existe aucun texte qui oblige les salariés à utiliser des outils numériques personnels pour travailler ou communiquer avec leur employeur. C’est à celui-ci de fournir ces outils. Des règles précises ont d’ores et déjà été fixées par l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail. C’est la preuve que le droit peut parfaitement intégrer les nouvelles technologies et fixer des règles applicables qui n’entravent pas le développement des entreprises et respectent les travailleurs.
Ne pas être connecté sur des outils numériques professionnels pendant les temps de repos et de congés ne doit pas être une faute ou un motif de licenciement. Il nous paraît important de l’inscrire comme tel dans la loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 322, présenté par Mme Lienemann, M. Cabanel, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités font l’objet d’une charte élaborée après avis du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou à défaut des délégués du personnel. Cette charte prévoit notamment la mise en œuvre, en direction des salariés, du personnel de direction et du personnel d’encadrement, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. L’immense majorité d’entre nous, comme le Gouvernement, souhaitent faire confiance au dialogue social. C’est par cette voie que nous devons régler ce problème en vue de définir les modalités du droit à déconnexion les plus adaptées à chaque entreprise, dans un cadre qui est déjà prévu, à savoir la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail.
Dans le texte initial, en l’absence d’accord, la mise en place de ce droit dans les entreprises de moins de cinquante salariés ne me paraît pas du tout explicite. Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, l’élaboration d’une charte de manière unilatérale par l’employeur, rendue possible par le texte, ne répond pas à l’objectif de dialogue social qui est le nôtre.
C’est la raison pour laquelle nous avons simplifié au maximum cet article, qui nous a paru au départ un peu trop littéraire, avec une portée effective assez limitée.
La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 33 rectifié bis et 966.
L’amendement n° 321 tend à apporter une précision inutile déjà contenue dans l’article 25.
L’amendement n° 704 vise à rétablir la rédaction initiale, mais modifiée avec des modalités légèrement différentes.
Concernant l’amendement n° 190 rectifié bis, la création dans les entreprises de plus de cent salariés d’un référent « droit à la déconnexion » au sein de la direction des ressources humaines, pourquoi pas. Mais laissons les entreprises s’organiser comme elles le souhaitent dans le cadre d’accords d’entreprise et de la négociation annuelle.
Quant à l’amendement n° 323, qui vise à faire du droit à la déconnexion une protection contre le licenciement, le fait de ne pas être connecté pendant les temps de congé ou de repos ne peut de toute façon pas constituer un motif de licenciement.
Enfin, pour ce qui est de l’amendement n° 322, il prévoit la réintroduction de l’obligation, pour les entreprises de plus de cent salariés, d’élaborer une charte après consultation non seulement du comité d’entreprises, mais également du CHSCT. Ce ne sont que des consultations et pas des négociations, il est donc préférable de laisser cela dans le cadre de la négociation annuelle.
Voilà pourquoi la commission a également émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 33 rectifié bis au profit de l’amendement n° 966. S’agissant de la demande d’avis du CHSCT, les instances ont été simplifiées dans le cadre de la loi Rebsamen. Le Gouvernement a donc proposé de s’en tenir à l’avis du comité d’entreprise, car nous ne souhaitons pas de doublon avec l’avis du CHSCT. Si vous considérez qu’il vaudrait mieux consulter ce dernier, et donc si vous privilégiez cette voie, je suis prête à rectifier mon amendement.
Le Gouvernement sollicite également le retrait des amendements nos 321 et 704 au profit de l’amendement n° 966, qui est plus complet.
Sur l’amendement n° 190 rectifié bis, je partage bien sûr votre objectif d’augmenter, dans le cadre du droit à la déconnexion, la formation et la prévention. Néanmoins, contrairement au texte issu de la commission, cet amendement ne vise plus les actions de formation ni de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. Toutefois, je ne souhaite pas que nous imposions une règle unique, en l’occurrence un référent numérique dans toutes les entreprises de plus de cent salariés. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement est en revanche favorable à l’amendement n° 323.
Quant à l’amendement n° 322, le Gouvernement en sollicite le retrait au profit de l’amendement n° 966, pour qu’un choix soit effectué entre le CHSCT et le comité d’entreprise.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote sur l’amendement n° 33 rectifié bis.
M. Olivier Cadic. Je souhaiterais juste apporter une petite précision à l’intention de M. Gorce, car il affirme que la baisse des cotisations est très onéreuse. Ce sont plutôt les entreprises qui dépensent beaucoup d’argent en payant les cotisations !
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Il est tout à fait intéressant de favoriser le télétravail, qui permettra d’alléger les déplacements d’un certain nombre de salariés, ce qui va dans le sens du développement durable, et de procurer un certain confort dès lors que les salariés savent travailler de cette façon.
C’est la raison pour laquelle nous devons également soutenir, au sein des territoires, les espaces de coworking destinés à réunir un certain nombre de personnes susceptibles de travailler à travers le numérique.
Je voudrais tout de même vous faire part de mon étonnement. En effet, nous travaillons sur le droit à la déconnexion ; or je souhaiterais que chacun ait droit à la connexion ! (Oh ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.) Certains de nos concitoyens sont véritablement victimes d’une discrimination, visible lorsque certains souhaitent mettre en route le télétravail, soit dans l’entreprise, soit au sein de leur collectivité, car certains territoires ne sont pas connectés (Mme Nicole Bricq s’exclame.) ou reçoivent un débit insuffisant pour permettre cette pratique.
Le Gouvernement, dans sa volonté d’avancer dans le sens du télétravail, devrait aussi tendre vers un effort encore supérieur pour parvenir à une couverture totale du territoire (M. Marc Daunis s’exclame.) concernant la fibre, technologie incontournable, certes onéreuse, mais qui est l’élément déterminant pour l’aménagement du territoire et pour le mode de travail que nous évoquons aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur Savary, permettez-moi de vous répondre à ce sujet. Dans le cadre de la loi Macron, et à la suite des deux comités interministériels aux ruralités, le Gouvernement a pris des engagements, notamment dans le cadre du plan France très haut débit.
Mme Nicole Bricq. Mais oui !
M. Alain Vasselle. Il ne faut pas faire payer l’addition aux collectivités !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Les travaux sont en cours et de nombreuses collectivités sont en train d’être raccordées.
Par ailleurs, ayant été secrétaire d’État à la politique de la ville, je suis en mesure de vous indiquer que l’État a investi 5 milliards d’euros au titre de l’ANRU, notamment pour rénover des quartiers au titre de la politique de la ville. Dans ce cadre, à côté des maisons de santé que nous souhaitons créer au-delà de la réhabilitation ou de la démolition d’immeubles, nous avons instauré cette possibilité de créer des espaces de coworking.
À cet égard, nous avons un plan sur les dix prochaines années, notamment dans ces quartiers prioritaires au titre de la politique de la ville qui ne sont pas seulement des cités-dortoirs. Nous entendons concevoir des lieux pour améliorer et désenclaver certaines de ces cités.
Au-delà de la question du télétravail pour laquelle un article de loi préconise justement le cadre de la négociation, nous avons eu l’occasion de parler du fractionnement du repos quotidien avec le rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne voilà quelques jours. Toutes ces questions sont essentielles. Nous exigeons en effet des partenaires sociaux qu’ils rouvrent une négociation sur la question du télétravail et sur celle du forfait jours, du fractionnement du repos quotidien pour que nous soyons plus en phase avec le monde du travail d’aujourd’hui.
Le droit à la déconnexion, c’est autre chose ; cela suppose de lutter contre l’empiètement de la vie professionnelle sur la vie personnelle et implique une coresponsabilité entre les salariés et les employeurs.
Mme la présidente. Monsieur Cabanel, amendement n° 33 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. Nous le retirons au profit de l’amendement n° 966, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 33 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l’amendement n° 966.
M. Alain Vasselle. Madame la ministre, il est inutile de voter un droit à la déconnexion pour les habitants du monde rural. Lorsque vous dites que, dans le cadre de la loi Macron, des dispositions ont été décidées et votées pour assurer la couverture de l’ensemble du territoire national…
Mme Nicole Bricq. Nous en avons parlé toute la journée !
M. Alain Vasselle. Vous pouvez faire de grandes déclarations généreuses, tout en faisant payer aux collectivités le financement de ces infrastructures nécessaires dans le domaine du numérique.
Nous constatons une rupture d’équité et d’égalité entre le monde rural et le monde urbain. En effet, dans le département dont je suis l’élu, on fait payer aux ruraux, à travers les intercommunalités, l’arrivée de la fibre optique, ce dont sont dispensées les villes qui, elles-mêmes, bénéficient par ailleurs de la fibre optique.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas le sujet !
M. Alain Vasselle. Je déplore, j’y insiste, une véritable rupture d’équité et d’égalité sur l’ensemble du territoire national.
M. Daniel Raoul. Arrêtez !
M. Alain Vasselle. Le droit à la déconnexion, vous pouvez l’inscrire dans la loi, mais il ne sera pas utilisé par ceux qui vivent en milieu rural. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Oh ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas du tout le sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je suis émerveillé par l’attente que vous placez dans un pouvoir de gauche. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) Ce que vous n’avez pas pu faire, vous rêvez que nous puissions le réaliser. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. Il a raison !
M. Jean-Louis Tourenne. Vous venez nous reprocher d’avoir abandonné les territoires ruraux au profit de la ville.
M. François-Noël Buffet. C’est vrai !
Mme Stéphanie Riocreux et M. Marc Daunis. Voilà !
M. Jean-Louis Tourenne. … dans les villes aux opérateurs et vous avez laissé de côté le monde rural, (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe et M. Joseph Castelli applaudissent également.), alors que vous pouviez exiger une péréquation. Nous n’en serions pas là si vous ne l’aviez pas fait !
M. Alain Vasselle. Vous n’avez rien corrigé ! Vous êtes là depuis quatre ans, mais vous n’avez rien fait !
M. Jean-Louis Tourenne. Je trouve que vous avez quand même quelque illégitimité à venir vous en plaindre. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Mon collègue et moi avons réagi au même moment aux mêmes choses, car nous sommes tous les deux présidents ou ex-présidents de départements. C’est bien parce que le précédent gouvernement, sous votre…
M. Roger Karoutchi. Régime !
Mme Hermeline Malherbe. « Régime » si vous voulez.
M. Roger Karoutchi. C’est bon pour la campagne ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Hermeline Malherbe. C’est parce que le précédent gouvernement a mis en place le déséquilibre entre l’urbain et le rural que les départements sont aujourd’hui chargés, en lien avec l’État et les régions, et grâce aussi à quelques fonds européens que nous parvenons à obtenir, d’établir cet équilibre.
Il faut redire les choses telles qu’elles se sont passées. (Eh oui ! sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.) Si une difficulté se pose avec la ruralité, vous êtes les premiers responsables et nous sommes en train de la corriger avec les départements. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean Desessard. Là, ça fait 2-0 ! (Sourires.)
Mme la présidente. Madame Cohen, l’amendement n° 704 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Nous retirons l’amendement n° 704 au profit de l’amendement n° 966, qui est plus complet.
M. Jean Desessard. Et maintenant 3-0 ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 704 est retiré.
Madame Bricq, l'amendement n° 323 est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq. Le Gouvernement ayant émis un avis défavorable, je retire cet amendement, de même que les amendements nos 322 et 321, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 323, 322 et 321 sont retirés.
Monsieur Gorce, l'amendement n° 190 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Gaëtan Gorce. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 966.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 369 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Alain Vasselle. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 190 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 324, présenté par M. Rome, Mme Bataille, MM. Cabanel, Courteau, Daunis, Duran, Montaugé et Vaugrenard, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :
I bis. – L'État autorise la mise en place, au plus tard un an après la promulgation de la présente loi et dans des conditions fixées par décret, d'une expérimentation nationale d'une durée de douze mois portant sur l'articulation du temps de travail et l'usage raisonnable des messageries électroniques par les salariés et les agents publics. Cette expérimentation donne lieu à l'édiction de lignes directrices à destination des entreprises et des administrations publiques.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Cet amendement a été initié par Yves Rome et repris par l’ensemble du groupe socialiste et républicain.
Le droit à la déconnexion est une problématique émergente liée à l’usage immodéré des outils numériques. Il est clair que le corps social n’a pas encore trouvé la bonne distance avec ces différents outils et réseaux qui sur-envahissent notre quotidien avec des effets positifs, mais aussi des effets négatifs que l’on commence à mesurer.
Il apparaît nécessaire d’en saisir toutes les dimensions. C’est pourquoi, en complément de l’approche décentralisée d’une négociation dans l’entreprise, la conduite d’une expérimentation nationale apparaît utile pour identifier les bonnes et les mauvaises pratiques.
La dimension opérationnelle de l’expérimentation est assurée par le fait qu’elle donne lieu à l’édiction de lignes directrices à destination des entreprises et des administrations publiques.
Cette expérimentation sera également une base de travail pour le législateur dans ce champ nouveau. Les enjeux sont forts pour les salariés, les travailleurs en général, en matière de santé au travail, de burn-out et de risques psychosociaux. Ils le sont aussi pour l’équilibre familial, ce qui implique que nous ayons cette réflexion afin de prendre les mesures adéquates pour l’ensemble du champ social.
D’où cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 705, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :
I bis. – L’État autorise la mise en place, au plus tard un an après la promulgation de la présente loi et dans des conditions fixées par décret, d’une expérimentation nationale d’une durée de douze mois portant sur l’articulation du temps de travail et l’usage raisonnable des messageries électroniques professionnelles par les salariés et les agents publics. Cette expérimentation peut donner lieu à l’édiction de lignes directrices à destination des entreprises et des administrations publiques.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. L’essentiel ayant été dit sur la déconnexion, j’ajouterai juste quelques mots.
Le droit à la déconnexion est un véritable enjeu dont nous devons nous saisir dès aujourd’hui afin de prévenir les risques psychosociaux et les maladies professionnelles de demain.
Nous le réaffirmons, la perméabilité entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale, favorisée par l’omniprésence des équipements numériques, n’est pas souhaitable.
Pour citer de nouveau Bruno Mettling, l’utilisation de ces équipements peut conduire à une « surcharge informationnelle et communicationnelle » qui peut se révéler « contre-productive » pour les travailleurs, en plus d’être nocive pour leur santé.
Nous soutenons donc la volonté qu’ont manifestée les députés de mettre en place une expérimentation qui permettra à terme à chacun, employeurs comme employés, de mettre en évidence et de généraliser les bonnes pratiques.
Soyons nous-mêmes, en tant qu’employeurs, à l’avant-garde. N’oublions pas de respecter les temps de vie privée de nos collaborateurs et collaboratrices, et veillons à ne pas entraver leur droit à la déconnexion.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. La commission est autant attachée à moderniser le code du travail qu’à le simplifier. C’est pourquoi nous sommes opposés au fait d’ajouter des éléments qui ne sont pas utiles ou directement opérationnels. L’article 26 prévoit une concertation sur le travail à distance. Il paraît logique d’attendre les conclusions de cette concertation avant de lancer une expérimentation.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je suis favorable à l’idée d’une expérimentation, car nous n’en faisons pas suffisamment dans le champ de l’emploi et du travail. J’entends les critiques de M. le rapporteur à ce sujet. Nous devons effectivement améliorer la rédaction de cet article pour lui assurer une plus grande sécurité juridique. Pour ce faire, l’établissement d’un bilan des bonnes et des mauvaises pratiques pourra vraiment aider les partenaires sociaux dans la mise en œuvre très concrète de ce droit à la déconnexion.
Par conséquent, même si l’amendement n° 324 est perfectible, le Gouvernement émet un avis favorable. J’émets le même avis sur l’amendement n° 705.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote sur l’amendement n° 324.
M. Olivier Cadic. Il est terrible d’écouter cette caricature du travail tel qu’il est perçu dans notre pays ! Je pense aux professeurs d’université ou aux professeurs à l’étranger qui donnent parfois des conseils à leurs élèves le week-end ou la nuit. Pourquoi vouloir absolument offrir une protection comme si nos concitoyens étaient déresponsabilisés ?
Il existe des systèmes automatiques, lorsque l’on ne travaille pas, pour informer de sa prochaine connexion tel jour à telle heure. Si l’on veut vraiment procéder à des expérimentations, nous pourrions nous inspirer des systèmes mis au point par certains pays et leur ayant permis d’avoir un taux de chômage deux fois inférieur au nôtre.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 25.
(L'article 25 est adopté.)
Article 25 bis (nouveau)
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 5213-6 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur s’assure que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles. Il s’assure également que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail ».
II. – Le chapitre II du titre Ier du livre II du code de la consommation est complété par un article L. 212-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 212-2. – Pour tout nouveau développement de logiciel, les éditeurs de logiciels prévoient leur mise en accessibilité pour les travailleurs handicapés. »
III. – Le présent article est applicable au plus tard dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)
Article 26
I. – Une concertation sur l’évolution des règles encadrant le travail à distance et les conventions individuelles de forfait est engagée, avant le 1er octobre 2016, avec les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel.
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l'article.
Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’article que nous examinons à présent prévoit l’engagement d’une concertation avec les partenaires sociaux sur les règles encadrant le travail à distance et les conventions individuelles de forfait.
L’accord national interprofessionnel de 2005 a posé les trois principes fondamentaux du télétravail : son caractère volontaire, la réversibilité et, enfin, l’égalité des droits entre les salariés qui optent pour le télétravail et ceux qui exercent dans l’entreprise. Il a fallu néanmoins attendre la loi du 22 mars 2012 pour qu’ils soient inscrits dans le code du travail.
La France peine à rattraper son retard en matière de télétravail par rapport aux autres pays de l’OCDE. La part de salariés y ayant recours a certes doublé en six ans, passant de 8 % en 2006 à près de 17 % en 2012. Elle reste toutefois inférieure à la plupart des autres pays. Je citerai, pour exemples, la Finlande, qui est au-dessus des 30 %, et les États-Unis à 28 %.
Des blocages, notamment culturels, subsistent et empêchent le plein essor du télétravail en France. Dans le secteur privé, il reste informel ; dans le secteur public, notre retard est encore plus grand.
Je voudrais cependant rappeler quelques-uns des avantages du télétravail.
Les télétravailleurs ont une liberté accrue dans l’organisation de leur journée de travail et évitent aussi le stress et la fatigue liés aux transports. L’employeur, quant à lui, économise les frais de transport de son salarié, mais également la location et l’entretien de son espace de travail.
À grande échelle, le télétravail agit favorablement sur le développement durable en réduisant la pollution. Ce mode de travail pourrait également attirer les travailleurs vers les territoires ruraux. Les espaces de coworking permettent aujourd’hui de pallier l’isolement, légitimement redouté par les salariés.
En résumé, ce mode de travail novateur permet un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.
Pour répondre aux questions que soulèvent les nouvelles formes d’organisation du travail, nous devons adapter notre cadre juridique. L’accident de travail survenant au domicile pendant les plages horaires télétravaillées est un sujet, mais il en est d’autres.
La concertation prévue doit également porter sur la charge de travail des salariés en forfait jours, affectée davantage que celle des autres salariés par l’essor des nouvelles technologies. Le dialogue social doit jouer tout son rôle pour faire progresser le cadre légal et conventionnel dans ces domaines. C’est pourquoi je me réjouis du maintien de cet article dans le texte issu des travaux de la commission, même si le dispositif a été allégé.
Quelques semaines après l’adoption en première lecture au Sénat de la loi pour une République numérique, je vous invite, mes chers collègues, à confirmer l’intérêt que nous portons tous à la transformation numérique de notre société et de l’économie.
Mme la présidente. Mes chers collègues, avant de passer à l’examen des amendements sur cet article, je vous indique que nous suspendrons bien la séance à dix-huit heures trente, mais qu’elle ne sera reprise qu’à vingt et une heures trente, et non pas à vingt et une heures comme nous pouvions l’espérer.
L'amendement n° 326, présenté par Mmes Conway-Mouret et Lepage, MM. Yung, Leconte et Rome, Mme Bataille, MM. Cabanel, Courteau, Daunis, Duran, Montaugé, Vaugrenard, Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Une concertation sur le développement du télétravail et du travail à distance est engagée, avant le 1er octobre 2016, avec les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, qui, si elles le souhaitent, ouvrent une négociation à ce sujet.
Cette concertation s’appuie sur un large état des lieux faisant apparaître :
1° Le taux de télétravail par branche selon la famille professionnelle et le sexe ;
2° La liste des métiers, par branche professionnelle, potentiellement éligibles au télétravail ;
3° L’utilisation du télétravail en cas d’expatriation.
Cette concertation porte également sur l’évaluation de la charge de travail des salariés en forfait en jours, sur la prise en compte des pratiques liées aux outils numériques permettant de mieux articuler la vie personnelle et la vie professionnelle, ainsi que sur l’opportunité et, le cas échéant, les modalités du fractionnement du repos quotidien ou hebdomadaire de ces salariés.
À l’issue de la concertation, un guide des bonnes pratiques est élaboré et sert de document de référence lors de la négociation d’une convention ou d’un accord d’entreprise.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. L’amendement que je vous propose d’adopter rétablit l’article 26 dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale.
Sans en dresser une liste exhaustive, il pointe un certain nombre d’enjeux qui seront nécessairement les fondements de la concertation : le taux de télétravail par branche selon la famille professionnelle et le sexe ; la liste des métiers, par branche professionnelle, potentiellement éligibles au télétravail ; l’évaluation de la charge de travail des salariés en forfait jours et le fractionnement de leur temps de repos ; et, de façon plus générale, l’articulation de la vie professionnelle et de la vie personnelle dans un contexte de bouleversement profond de l’organisation du travail lié aux nouvelles technologies.
J’ajoute qu’il nous semble bon de nous assurer que la concertation inclut en son champ la question de la mobilité des actifs, ce qui n’était pas le cas dans la rédaction d’origine.
Dans un monde globalisé où il est fréquent que les actifs résident temporairement à l’étranger, le télétravail est un dispositif qui permettrait d’éviter aux conjoints – plus souvent aux conjointes, d’ailleurs – des actifs qui partent travailler à l’étranger d’être forcés à démissionner pour les accompagner.
Au moment du retour en France, la réinsertion professionnelle des salariés ayant poursuivi leur activité en télétravail serait ainsi facilitée.
C’est un système qui mérite d’être étudié de façon approfondie dans le cas spécifique des travailleurs frontaliers, qui sont de plus en plus nombreux à traverser une frontière quotidiennement, avec tout ce que cela implique en matière de temps passé dans les transports et de pouvoir d’achat.
Ces sujets ont toute leur place dans ce projet de loi, qui vise à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs : c’est pourquoi je suis favorable à ce que cette concertation soit inscrite dans la loi et à ce que soient détaillés les enjeux sur lesquels une évolution de notre cadre légal est attendue, à la fois par les employeurs et par les salariés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. La commission est tout à fait favorable à l’objet de cet article, mais elle a souhaité synthétiser le dispositif, ne voyant pas l’intérêt de détailler ce que doivent aborder dans la négociation les partenaires sociaux, c’est-à-dire les employeurs et les organisations syndicales.
Ils sont grands, majeurs, et ils ont une capacité de réflexion. À mon sens, il n’est pas besoin de leur lister le taux de télétravail par branche selon la famille professionnelle et le sexe. Et pourquoi ne pas prévoir l’heure à laquelle ils doivent négocier, tant qu’on y est ?
Il y a trop de longueurs, et la commission a été animée par un souci de simplification et de concision lorsqu’elle a choisi de supprimer cette liste. La formule « et, le cas échéant, les modalités du fractionnement » me semble, en autres choses, tout à fait inutile.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis du Gouvernement est favorable.
Pourquoi introduit-on cette concertation ? Dans une première version du texte et dans le cadre des concertations que nous avons ouvertes en mars avec les partenaires sociaux, nous avions intégré certaines mesures autour, par exemple, du forfait jours ou encore du fractionnement du repos quotidien.
Les partenaires sociaux ne souhaitaient pas que l’on mette ces modalités dans la loi, mais nous avons exigé de leur part qu’ils ouvrent une concertation sur l’ensemble de ces champs. Si l’énumération est précise, monsieur le rapporteur, c’est bien parce qu’elle fait écho à certains articles du texte qui n’a même pas été présenté en Conseil d’État il y a plusieurs mois. Je pense par exemple à la question du fractionnement du repos quotidien, à l’évaluation de la charge de travail dans le cadre du forfait jours, à la question du travail à distance.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. L’amendement de notre collègue attire l’attention de notre assemblée sur une réalité : le travail, intellectuel en particulier, est parfaitement délocalisé. D’ailleurs, la meilleure preuve, que faisons-nous en séance ? Nous travaillons sur le texte en discussion et, en même temps, nous « télétravaillons » sur les sujets intéressant nos circonscriptions ou de nos départements respectifs.
J’ajoute que les mails se lisent à n’importe quelle heure, selon notre convenance, et que nous sommes nous-mêmes sollicités à tout moment…
M. Jean Desessard. C’est vrai !
M. Gérard Longuet. … parfois par des supérieurs hiérarchiques, qui exigent avec impatience des réponses, par des collaborateurs inquiets, lesquels cherchent une orientation.
Ma chère collègue, vous évoquez un vrai sujet, mais je ne pense pas qu’il relève d’un article de loi, car celui-ci ne pourra pas traiter de façon exhaustive de l’ensemble des sujets.
Vous faites votre travail et nous faisons le nôtre. Ainsi, quand des universitaires, des chercheurs, des syndicalistes, des patrons s’essaieront à mesurer l’intérêt que porte le Parlement à ces questions et son importance, ils feront référence à votre intervention pour convenir qu’il s’agit d’un sujet majeur.
Mais imaginez un seul instant qu’un conseil de prud’hommes veuille mettre en œuvre votre amendement, dans le cas où il serait voté. C’est parfaitement impossible ; la loi est normative, et votre amendement ne peut pas l’être.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Dans le prolongement de l’intervention tout à fait pertinente de notre collègue Gérard Longuet, je soutiendrai la position de la commission. Ni les entreprises ni les salariés n’ont attendu que nous légiférions dans ce domaine pour que le télétravail se développe.
Je ne suis pas persuadé qu’une analyse comme celle que vous proposez soit de nature à « booster » le télétravail dans l’ensemble des entreprises et dans chacune des branches.
De plus, il est inutile d’aller dans le détail, car cela signifierait que l’on fait procès a priori aux partenaires sociaux de ne pas être capables de faire l’analyse que vous proposez par branche professionnelle et par métier.
Cet amendement est donc superfétatoire. De grâce, n’encombrons pas notre texte de loi de bavardages inutiles ! (Protestations sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. René-Paul Savary. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je suis d’accord avec M. le rapporteur, il faut revenir à la synthèse. Avec ce qui est écrit ici, encore une fois, on donne une image restrictive de ce que doit être le télétravail. Il s’agit de relancer la dynamique de l’emploi en donnant envie et il faut donc l’envisager de façon positive.
En l’occurrence, vous avez à peine abordé le sujet que, déjà, vous parlez de liste pour restreindre le champ de la négociation. Je trouve qu’il est dommage de démarrer avec cette approche.
C’est pourquoi je souscris à ce qui a été fait par la commission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Évidemment, le télétravail est une bonne chose. Ne nous faites pas un mauvais procès en archaïsme ! Il est évident qu’une telle pratique facilite la vie, mais je voudrais quand même vous faire remarquer qu’un premier accord national interprofessionnel est intervenu sur le sujet en 2005 pour protéger ceux qui pratiquaient le télétravail. Plus précisément, l’accord du 19 juillet 2005 a prévu que le salarié devait avoir un lieu à domicile dédié au télétravail et que l’employeur devait lui fournir les outils.
Le texte que nous examinons s’inscrit dans ce cadre : le fait de transcrire dans la loi des mesures protectrices pour ceux qui utilisent le télétravail n’est pas une idée neuve. On le fait depuis plus de dix ans !
Vous pouvez nous dire que ce que nous proposons, c’est du bavardage,…
M. René-Paul Savary. C’est déjà fait, on ne va pas le réécrire !
Mme Nicole Bricq. … mais nous prenons juste la suite de prédécesseurs qui se sont souciés du télétravail. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je voudrais donner un exemple très concret sur une mesure que j’avais portée dans l’avant-projet de loi, qui n’est pas le texte du Gouvernement aujourd’hui.
Il s’agit de la question du fractionnement du repos quotidien. Aujourd’hui, certains cadres sont au forfait jours : ils souhaitent pouvoir aller chercher leurs enfants à l’école….
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. Exactement !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … à dix-sept heures ou dix-huit heures ; ils vont s’en occuper jusque vers vingt heures, puis ils vont se remettre sur leur ordinateur de vingt heures à vingt-deux heures ; le lendemain matin, ils retournent travailler à huit heures et demie. Ils n’ont donc pas onze heures de repos consécutif.
Les partenaires sociaux ont refusé de mettre la mesure sur le fractionnement du repos quotidien dans le projet de loi. Nous avons accepté de la retirer à la demande de l’ensemble des organisations syndicales, mais, dans l’amendement proposé, nous exigeons d’elles qu’il y ait une concertation sur ce point.
Voilà pourquoi nous détaillons les choses, sinon ce problème ne sera pas traité. La proposition du Gouvernement était de le faire à la demande du salarié et par accord collectif. Si nous ne précisons pas que, dans la concertation sur le télétravail ou le travail à distance, la question du fractionnement du repos quotidien sera posée, les partenaires sociaux continueront de faire comme si ces situations n’existaient pas. Les salariés seront en dehors des clous, les employeurs également. Il en résultera, pour les employeurs, un sentiment d’insécurité juridique, car ils se demanderont ce qu’on pourra exiger de leur part en cas de recours contentieux ; pour les salariés, ce sera la même chose.
Cette situation concrète montre bien que notre proposition, ce n’est pas juste du bavardage. S’il n’est pas expressément prévu que la concertation doit parler du fractionnement du repos quotidien, rien ne ressortira sur ce point.
C’est pourquoi l’amendement que le Gouvernement soutient est aussi précis. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
M. Alain Vasselle. Monsieur le rapporteur, vous êtes mis en cause !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Je ne veux pas vous contredire, madame la ministre, mais, si nous sommes d’accord avec ce qu’il y a dans le texte, nous considérons néanmoins que c’est inutile. La concertation n’est pas une obligation. Vous précisez que la « concertation s’appuie sur un large état des lieux ». C’est donc la définition d’un état des lieux.
En l’occurrence, il n’y a rien d’obligatoire, même si, à la fin, un guide des bonnes pratiques est élaboré. La référence à un état des lieux ne sert à rien dans le texte.
Mme la présidente. L'amendement n° 133 rectifié ter, présenté par MM. Commeinhes et Magras, Mme Hummel, M. Rapin, Mmes Cayeux, Deromedi et Garriaud-Maylam et MM. Houel, Huré, Mayet, Lefèvre, B. Fournier, Husson, Raison, Perrin, Grand, Doligé et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
distance
insérer les mots :
, l’adaptation du poste à des impératifs de santé contraignants
La parole est à M. François Commeinhes.
M. François Commeinhes. Les maladies chroniques concernent 16 % de la population française. Mal gérée, une maladie chronique augmente l’anxiété du travailleur sur son lieu de travail et conduit à des baisses de performance, ainsi qu’à l’absentéisme. Le télétravail, les services directs aux patients facilitant l’accès aux traitements et la santé connectée offrent une souplesse supplémentaire permettant d’adapter le poste des personnes atteintes de problèmes de santé, et notamment de malades chroniques, à leurs besoins.
Cet amendement vise à prendre en compte cet aspect crucial dans la concertation qui devrait être engagée avant le 1er octobre 2016 sur le développement du télétravail et du travail à distance avec les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Nous avons conservé l’idée de la concertation, même si nous sommes en léger désaccord avec le Gouvernement sur ses modalités, mais en la recentrant sur le travail à distance et les conventions individuelles de forfait.
Il ne nous semble donc pas opportun d’élargir le dispositif. Je rappelle que le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, avait considéré que ce dispositif était dépourvu de tout contenu normatif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je le répète et j’y insiste, dans la rédaction que le Gouvernement avait proposée, il y a le fractionnement du repos quotidien, sujet que les partenaires sociaux n’ont pas voulu aborder et que nous leur demandons de traiter. À partir du moment où un problème est évoqué, il faut que nous y apportions des réponses.
J’en viens à l’amendement n° 133 rectifié ter. Je partage tout à fait l’idée que le travail à distance peut être utile, notamment quand le salarié connaît des ennuis de santé. Pour autant, le télétravail n’a pas vocation à remplacer l’obligation pour l’employeur d’aménager de façon pérenne les postes de travail des salariés dont l’état de santé le nécessite.
Votre amendement me pose aussi problème, car, dans la version actuelle du texte, tel qu’il est issu de la commission des affaires sociales, il n’y aurait que cette mention-là dans le développement du télétravail, alors que nous savons que cette notion revêt de multiples facettes. Il est bien trop ciblé, sans les précisions que prévoyait l’amendement précédent, et c’est la raison pour laquelle je vous je invite à le retirer.
Mme la présidente. Monsieur Commeinhes, l’amendement n° 133 rectifié ter est-il maintenu ?
M. François Commeinhes. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 133 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 859, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Avant le 1er décembre 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la discrimination à l’emploi subie par les travailleurs ne disposant pas d’une connexion Internet filaire ou téléphonique suffisante depuis leur domicile.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 859 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 708 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 858 est présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Avant le 1er décembre 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’adaptation juridique des notions de lieu, de charge et de temps de travail liées à l’utilisation des outils numériques.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 708.
M. Dominique Watrin. Notre amendement est simple. Il consiste à réintroduire une demande de rapport, que la droite a supprimée en commission. Nous connaissons la position de la commission quant aux rapports qu’elle juge superflus, mais il nous semble que le sujet dont il est question ici, à savoir le développement du télétravail et du travail à distance grâce aux nouveaux outils numériques, nécessite un état des lieux pour pointer les évolutions juridiques à entreprendre.
Le rapport de Bruno Mettling, remis en septembre 2015, a mis en évidence les enjeux de la transformation numérique sur le contrat de travail, la qualité de vie au travail et le management. Cette mutation en cours est à la fois une opportunité pour développer de nouveaux modes d’organisation internes à l’entreprise et un possible facteur de tensions.
Le code actuel n’a évidemment pas pu prévoir et anticiper toutes les conséquences de ce développement, et certains aspects en sont forcément absents. Je pense notamment à la notion de lieu de travail, qui est, dans ce cas, assez variable et large, ou bien encore à la notion de charge et de temps de travail.
Notre droit actuel étant nécessairement inadapté de ce point de vue, ce vide juridique risque évidemment d’entraîner des dérives et d’avoir des conséquences négatives, tant pour les salariés que pour les employeurs.
Nous sommes de celles et de ceux qui souhaitent le développement du télétravail – nous sommes positifs, monsieur Cadic ! –, car nous considérons qu’il peut participer à une amélioration des conditions de travail.
Les chiffres sont éloquents à ce titre, avec 37 minutes de temps moyen gagné par jour de télétravail et 45 minutes de sommeil supplémentaire par jour de télétravail. Et comment ne pas évoquer également, ce qui fera plaisir à M. Desessard, les impacts positifs sur l’environnement avec une importante baisse des émissions de CO2 ?
L’impact sur l’articulation entre les vies privée, familiale et professionnelle est également positif. Je pense ici tout particulièrement aux effets du télétravail sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’entreprise.
Malgré tous ces atouts, nous constatons que ce mode d’organisation reste assez peu développé en France par rapport à d’autres pays européens. Si l’on veut encourager son développement, la loi doit suivre, dans l’intérêt de toutes et tous. À cet égard, un rapport faisant état des évolutions juridiques nécessaires nous paraît être un bon outil.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 858.
M. Jean Desessard. Cela me fait d’autant plus plaisir, monsieur Watrin, que je défends le même amendement que vous. Pour ne pas reprendre tout l’argumentaire, je me contenterai de dire que nous demandons de rétablir ce rapport afin d’avoir une vision plus précise des conséquences du développement des outils numériques sur les conditions de travail des salariés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis est favorable. Nous avons eu une discussion sur la simplification juridique, par exemple de la notion de jour, qui peut être calendaire, ouvré ou ouvrable. On voit bien qu’il y a un besoin de clarification.
En l’occurrence, je pense que les notions de lieu, de charge et de temps de travail liées à l’utilisation des outils numériques doivent aussi être adaptées juridiquement et clarifiées, la jurisprudence posant un certain nombre de problèmes sur ces points. (M. le président de la commission des affaires sociales s’exclame.) Monsieur le président Milon, c’est effectivement un rapport de plus, mais, comme pour les jours, on ne peut pas rester avec des notions aussi complexes. Il faut faire un effort de simplification.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 708 et 858.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 709, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Le quatrième alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le télétravail doit être mentionné sur le registre unique du personnel. »
… – L’article L. 1222-10 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et le matériel de bureau (siège ergonomique, bureau) » ;
2° Le début du cinquième alinéa est ainsi rédigé : « De suivre régulièrement la charge de travail du salarié, » ;
3° Le sixième alinéa est complété par les mots : « qui ne peuvent être supérieures à son temps de travail » ;
4° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« …° De mettre en place un système de décompte du temps de travail ;
« …° De reconnaître tout accident survenu durant les plages horaires où le salarié est joignable comme accident de travail. Pour les télétravailleurs dont le domicile est éloigné des locaux de l'entreprise où ils sont tenus de se rendre (régulièrement ou occasionnellement), un accord de branche doit définir les modalités de compensation du trajet (en temps et en salaire). »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement vise à apporter quelques protections et garanties aux salariés assujettis au télétravail.
Bien entendu, lorsque ce phénomène en pleine expansion est évoqué, on a tendance à mettre en avant ses aspects positifs, comme cela vient encore d’être le cas dans cet hémicycle : liberté d’organisation, possibilité de profiter de la vie familiale, absence de transport, et bien d’autres éléments.
Cependant, comme l’indique le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, M. Christophe Sirugue, « Les nouvelles formes de travail liées aux technologies de l’information et de la communication peuvent fragiliser la distinction entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Le travail à distance rend plus difficile la vérification du temps de repos pour le salarié et la préservation des temps de récupération. Le temps et le lieu de travail sont dès lors plus difficiles à identifier et brouillent la frontière entre le domicile et le lieu de travail. »
Le télétravail, qui, bien entendu, peut être utile et nécessaire, mais seulement s’il est strictement encadré, pousse à l’individualisation et à la déréglementation. Selon certaines études, la disparition du lieu de travail et du collectif freine d’ailleurs le développement du travail à distance, en particulier chez les femmes, que l’on imaginait pourtant très attirées par ce type d’activité.
C’est la raison pour laquelle, dans notre amendement, nous abordons plusieurs points clés : l’officialisation du temps de travail, les conditions matérielles, l’estimation de la charge de travail, la comptabilisation du temps de travail et, enfin, point très important, la problématique des accidents du travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. L’objet de l’article est d’ouvrir une concertation sur le télétravail, et non de commencer à modifier la réglementation en vigueur. L’encadrement prévu dans cet amendement me paraît tout à fait excessif, et je reste modéré, lorsqu’il s’agit « de reconnaître tout accident survenu durant les plages horaires où le salarié est joignable comme accident de travail ». Cette proposition me paraît tout à fait hors sol.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. C’est également un avis défavorable. Si je souhaite imposer des thèmes à la négociation, je ne veux absolument pas préempter le résultat des discussions. Je ne souhaite imposer aucune direction, juste des sujets : le télétravail, le travail à distance, le fractionnement du repos quotidien.
En tout cas, il était temps qu’une concertation ait lieu, puisque le dernier ANI remontait à 2006, il y a dix ans !
Mme la présidente. Monsieur Vera, maintenez-vous cet amendement malgré les deux avis défavorables ?
M. Bernard Vera. Oui, il est maintenu, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 26.
(L'article 26 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 26
Mme la présidente. L'amendement n° 376, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article L. 1222-11 du code du travail, les mots : « ou en cas de force majeure » sont remplacés par les mots : « , en cas de force majeure ou en cas de pic de pollution mentionné à l’article L. 223-1 du code de l’environnement ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Une étude publiée mardi 21 juin par l’agence Santé publique France a révélé que, avec au moins 48 000 victimes par an, les polluants atmosphériques constituent une préoccupation de santé publique majeure. Jamais une étude aussi précise n’avait été disponible.
Je vous rappelle également que notre assemblée s’est penchée sur ce problème. Je pense bien sûr au rapport de ma collègue Leila Aïchi sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.
Ces deux études parmi tant d’autres soulignent qu’il y a urgence à agir, et le présent texte nous en donne l’occasion. Aussi, nous vous proposons de faciliter le télétravail en cas de pic de pollution.
Cette mesure simple est de nature à limiter significativement le nombre de trajets quotidiens. Les déplacements pendulaires dans les grandes agglomérations, notamment en voiture, sont en effet une source majeure de polluants atmosphériques. Au demeurant, ce moyen réactif et efficace s’insère de manière cohérente dans la lettre de l’article L. 1222–11 du code du travail, puisqu’il vise à garantir la santé des salariés.
Mes chers collègues, l’enjeu de santé publique auquel nous tentons de répondre avec notre proposition dépasse les clivages partisans. Je vous invite donc à voter cet amendement dans l’intérêt de la défense de l’environnement et, surtout, de la santé de nos concitoyens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Malgré une difficulté de mise en œuvre, cet amendement constitue une approche intéressante, mais je ferai remarquer à ses auteurs que la rédaction actuelle de l’article L. 1222–11 du code du travail n’interdit pas le recours au télétravail en cas de pic de pollution, qui peut être considéré comme une circonstance exceptionnelle.
Il appartient donc au pouvoir réglementaire de définir ces circonstances exceptionnelles. Un décret était prévu. Ainsi, l’amendement serait satisfait si le Gouvernement voulait bien intégrer cet élément dans le décret à venir.
Je sollicite donc le retrait de l’amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. J’invite aussi M. le sénateur Jean Desessard à retirer son amendement, car je m’engage ici, devant le Sénat, à ce que les pics de pollution soient clairement identifiés dans le décret.
Il y a bien évidemment un lien entre le télétravail et le déplacement motorisé des salariés. De nombreux accords mentionnent déjà des circonstances exceptionnelles, comme les pandémies ou les grèves dans les transports collectifs, mais établir aujourd’hui une liste de cas particuliers dans lesquels il est recommandé de développer le télétravail relève plus du niveau réglementaire que du niveau législatif.
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l’amendement n° 376 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Si je comprends bien, madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous souhaitez tous deux que je retire mon amendement, Mme la ministre s’engageant à le reprendre dans le décret précisant la liste des circonstances favorisant le recours au télétravail.
Mme la présidente. C’est bien cela !
M. Jean Desessard. Dans ces conditions, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 376 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
12
Communication relative à deux commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat :
- d’une part, que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature est parvenue à l’adoption d’un texte commun ;
- d’autre part, que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
13
Conférence des présidents
M. le président. Je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui, mercredi 21 juin 2016 :
Je vais maintenant consulter le Sénat sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement.
Y a-t-il des observations ?…
Ces propositions sont adoptées.
14
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen des amendements portant articles additionnels après l’article 26.
Articles additionnels après l’article 26 (suite)
M. le président. L'amendement n° 377 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, M. Capo-Canellas, Mme Gatel et M. Cigolotti, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La région, après avis de la Conférence territoriale de l’action publique et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, peut recevoir pour une durée d’expérimentation de trois ans à compter du 1er juillet 2016, la partie des données mentionnées à l’article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale concernant le besoin de déplacements domicile-travail des salariés et assimilés qui habitent ou travaillent sur le territoire régional, selon des modalités définies par décret.
Dans le cadre de la mise en œuvre de programmes d’information mentionnés à l’article L. 221-7 du code de l’énergie dans sa version issue de l’article 30 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et sous réserve d’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ces données peuvent être traitées pour élaborer et déployer des campagnes ciblées d’information du public sur les solutions les plus économiques pour se rendre au travail, notamment les services de transport public ou le covoiturage réguliers.
Les critères d’évaluation de l’expérimentation seront définis par décret.
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Dans le respect des libertés individuelles et de la vie privée, cet amendement vise à permettre aux collectivités territoriales de relier les bassins de vie et les bassins d’emploi plus économiquement et, surtout, plus écologiquement que par l’usage individuel de la voiture.
Par la délivrance ciblée d’une information anonymisée, l’amendement tend à augmenter la liberté, pour les actifs, de choisir de nouvelles façons de se rendre au travail, pour diminuer, notamment dans les milieux ruraux, l’utilisation de la voiture en solo.
En stimulant le développement du covoiturage domicile-travail, l’amendement a également pour objet de créer des conditions propices à l’émergence de nouvelles formes de télétravail.
Enfin, en articulation avec les dispositions de la loi Macron sur l’ouverture des données des services de mobilité, l’adoption de cet amendement facilitera ultérieurement l’accès des chômeurs, mais aussi des jeunes à l’emploi et à l’apprentissage en entreprise, en présentant des solutions de transport étoffées et économiquement abordables pour se rendre au travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement, qui concerne plus spécifiquement l’organisation des transports à l’échelle régionale, n’a peut-être pas véritablement sa place dans une loi sur le droit du travail.
En plus, je ne suis pas totalement convaincu que son dispositif constitue une bonne approche pour une étude opérationnelle sur les transports au niveau des bassins de vie.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je souscris à l’objectif de cet amendement, qui est de faire en sorte que les pouvoirs publics accompagnent les entreprises pour trouver des solutions à la fois plus économiques pour les salariés et, bien sûr, plus écologiques.
Pour autant, je suis en désaccord avec son dispositif, parce que l’expérimentation que proposent ses auteurs s’appuie sur l’accès des régions aux données personnelles figurant sur le bulletin de paie des salariés. Cela va beaucoup trop loin !
Des entreprises ont pris des initiatives. Je pense notamment à ce qu’ont fait certaines entreprises de la Seine-Saint-Denis, dont certains salariés étaient en horaires décalés, sur la base d’enquêtes ciblées.
À cet égard, je pense que l’appui des régions pourrait consister à mettre en place des enquêtes ciblées avec de grandes entreprises, mais aussi avec des sous-traitants pour essayer d’élaborer ce type de processus.
La méthode retenue par les auteurs de cet amendement n’est, à mes yeux, pas satisfaisante. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Il convient effectivement de considérer cet amendement comme un amendement d’appel très appuyé pour faciliter l’accès à l’emploi, notamment dans des régions périurbaines ou rurales où le transport collectif n’existe pas. Toutefois, compte tenu de l’avis de M. le rapporteur et de Mme la ministre, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 377 rectifié est retiré.
Article 27
I. – L’article L. 2142-6 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2142-6. – Un accord d’entreprise peut définir les conditions et les modalités de diffusion des informations syndicales au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise.
« À défaut d’accord, les organisations syndicales présentes dans l’entreprise et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans peuvent mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise, lorsqu’il existe.
« L’utilisation par les organisations syndicales des outils numériques mis à leur disposition doit satisfaire l’ensemble des conditions suivantes :
« 1° Être compatible avec les exigences de bon fonctionnement et de sécurité du réseau informatique de l’entreprise ;
« 2° Ne pas avoir des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise ;
« 3° Préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message. »
II. – Le livre III de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° L’article L. 2314-21 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « enveloppe », la fin du premier alinéa est supprimée ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Elle peut également avoir lieu par vote électronique, selon les modalités fixées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, si un accord d’entreprise ou, à défaut, l’employeur le décide. » ;
2° L’article L. 2324-19 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « enveloppe », la fin du premier alinéa est supprimée ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Elle peut également avoir lieu par vote électronique, selon les modalités fixées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, si un accord d’entreprise ou, à défaut, l’employeur le décide. »
III. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017.
M. le président. L'amendement n° 711, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
Un accord d’entreprise peut définir
par les mots :
Une négociation doit être engagée sur simple demande d'une organisation syndicale, en vue de conclure un accord d’entreprise définissant
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. La question de la diffusion des informations syndicales par voie électronique est primordiale.
À l’heure où les horaires sont éclatés, de même que les lieux de production, le traditionnel tractage à l’entrée de l’entreprise, aux heures de prises de poste et de sortie, semble moins pertinent.
Surtout, le numérique s’est imposé comme un moyen privilégié de communication et d’information. Il est donc primordial qu’il soit accessible aux organisations syndicales dans la poursuite de leur mission d’intérêt général.
Les organisations syndicales doivent donc se voir offrir des facilités en ce sens, à leur demande. C’est pourquoi nous proposons qu’elles puissent être à l’initiative de la négociation engagée à ce sujet.
Cela serait bénéfique pour l’entreprise. En effet, dans les entreprises qui ont restreint le droit à l’information syndicale via les réseaux intranet ou les courriels internes, les informations ont pu être déposées sur les réseaux sociaux des organisations syndicales ou sur leur site web, ce qui est loin de plaire aux employeurs.
Il est donc dans l’intérêt de tous les acteurs de l’entreprise de parvenir à un accord sur ce sujet et tous doivent pouvoir être à l’initiative de cette négociation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Cet amendement tend à créer une contrainte supplémentaire pour les entreprises. Le dispositif prévu va suffisamment loin.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage la préoccupation des auteurs de l’amendement. D'ailleurs, le texte du Gouvernement prévoyait d’améliorer les droits numériques des syndicats.
Je pense en effet qu’il faut tenir compte des évolutions du monde du travail et de la place qu’occupe désormais le numérique.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il faut que nous puissions avoir accès à ces espaces.
Je considère que la négociation doit s’emparer de ce sujet. Toutefois, poser l’obligation, pour l’employeur, d’ouvrir une négociation chaque fois qu’un syndicat – un seul – le demande ne me paraît tout simplement pas praticable. Ce serait une source de blocage, puisque cette règle n’existe pour aucune négociation, même pour les salaires.
Pour lancer une négociation, il faut qu’il y ait une appétence, une envie d’échanger, d’avancer.
L’avis du Gouvernement est par conséquent défavorable.
M. le président. L'amendement n° 354, présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, M. Roux et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment l’intranet et la messagerie électronique de l’entreprise.
La parole est à Mme Stéphanie Riocreux.
Mme Stéphanie Riocreux. Cet amendement de précision vise à mentionner, de manière non exhaustive puisque l’adverbe « notamment » est employé, les outils numériques disponibles pouvant être utilisés pour la diffusion d’informations syndicales.
Il s'agit d’un rétablissement, à droit constant, de l’article L. 2142–6 du code du travail, puisque cet article mentionne actuellement ces deux outils.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Cette précision ne me paraît pas utile, puisque l’article cite déjà les outils numériques disponibles dans l’entreprise. La redite n’est pas indispensable.
L’avis de la commission est donc défavorable. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Les syndicats doivent profiter davantage des outils numériques disponibles dans les entreprises, pourvu que ce soit dans des conditions qui assurent le bon fonctionnement du travail.
Aussi, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 712 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Supprimer les mots :
depuis au moins deux ans
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La page d’accueil de l’intranet et son arborescence font clairement apparaître le lien vers les sites des organisations syndicales.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Notre amendement vise à améliorer la visibilité des organisations syndicales et des informations qu’elles communiquent.
Dans le nouvel article L. 2142–6, qui réécrit grandement le droit existant pour l’adapter aux réalités, les syndicats pourront, même à défaut d’accord, demander un espace sur le site interne de l’entreprise, si celui-ci existe. C’est une avancée, mais nous pensons qu’il est possible de l’améliorer encore.
En rendant obligatoire la création de liens hypertextes vers les sites des organisations syndicales sur les réseaux informatiques internes des entreprises, cet amendement vise à élargir l’effet d’une disposition favorable à la visibilité des syndicats.
Le texte initial peut ainsi être utilement complété par l’obligation d’établir un lien permettant au salarié de consulter la documentation syndicale présente sur les sites internet des organisations.
L’adoption de cet amendement permettrait d’élargir la diffusion des informations syndicales en totale cohérence avec le droit existant. Son dispositif ne requiert que de très légères modifications techniques et s’intègre tout à fait dans les modalités d’exercice de l’information syndicale.
L’article 27 vise en effet à intégrer pleinement l’utilisation des nouvelles technologies pour faciliter les diffusions internes à l’entreprise. Mais, de notre point de vue, l’établissement de liens hypertextes vers les sites internet nationaux des syndicats entre également tout à fait dans cette logique, en facilitant, comme nous l’avons dit, la consultation de documents syndicaux, d’analyses, de conseils et en permettant la prise de contact, par les salariés, avec leur syndicat.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, le sens de notre amendement est d’élargir l’information syndicale, conformément à l’esprit du texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. La loi n’a pas à régir le contenu de l’intranet des entreprises.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Avis défavorable également, parce que la mise en page de l’intranet de l’entreprise ne relève pas du domaine de la loi.
M. le président. L'amendement n° 713, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque organisation syndicale est autorisée à alerter les salariés de ses nouvelles communications mises en ligne par mail adressant un lien ou par tout autre moyen similaire.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Par cet amendement, nous souhaitons garantir la publicité de la mise en ligne de nouvelles publications et communications des différentes organisations syndicales sur un site accessible à partir de l’intranet.
Il s'agit d’autoriser un syndicat à alerter, par un mail contenant un lien ou par tout autre moyen similaire, les salariés de l’entreprise de sa récente communication.
Nous pensons que cette mesure pourrait notamment être utile pour les employés qui, ne travaillant pas sur l’outil informatique, consultent moins l’intranet que les travailleurs utilisant l’ordinateur et ont donc moins de chances d’être informés de la communication syndicale.
Les précisions que cet amendement vise à apporter ont vocation à améliorer et à conforter la diffusion des informations syndicales auprès de tous les salariés, condition indispensable, selon nous, au bon déploiement du dialogue social.
N’oublions pas qu’il s’agit bien ici de définir les conditions et modalités de diffusion des informations syndicales au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise où il n’y a pas d’accord.
Afin d’apporter les meilleures conditions de l’exercice syndical et de ne pas favoriser le flou juridique qui subsiste aujourd’hui dans ce domaine, les précisions que nous proposons, à travers cet amendement et les suivants, nous paraissent indispensables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été invoquées pour l’amendement précédent, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, même s’il me semble que nous souscrivons tous à l’objectif de l’amélioration des droits numériques des syndicats de l’entreprise. C’est d'ailleurs pourquoi nous avons souhaité que l’article 27 consacre le droit de diffuser de l’information sur les sites intranet.
Cependant, l’usage des messageries, qui, nous le savons, peuvent être intrusives, doit relever d’un accord et d’un échange. En effet, un équilibre doit être maintenu avec le fonctionnement normal du travail.
Il est important que cette pratique soit régulée et le soit par le dialogue. C’est ce que nous proposons.
M. le président. L'amendement n° 714, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À défaut d’intranet mis en place par l’entreprise, chaque organisation syndicale peut adresser aux salariés sur leur messagerie professionnelle un tract sous la forme d’un courriel à raison d’au minimum douze envois autorisés par an.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Comme le précédent, cet amendement tend à préciser les modalités de communication dans les entreprises où il n’y a pas d’accord à ce sujet.
Il vise à assurer la diffusion des informations syndicales en l’absence d’intranet.
Ainsi, nous proposons que chaque organisation syndicale puisse adresser sa communication aux salariés sur leur messagerie professionnelle, avec un minimum de douze envois autorisés par an.
Encore une fois, nous voulons encadrer les pratiques afin d’éviter le flou juridique.
Le 25 janvier 2005, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que « la diffusion de tracts et de publications syndicaux sur la messagerie électronique que l’entreprise met à la disposition des salariés n’est possible qu’à la condition, soit d’être autorisée par l’employeur, soit d’être organisée par voie d’accord d’entreprise. » Mais cela a été remis en cause par un arrêt rendu le 11 juillet 2013 par la chambre sociale, qui a alors estimé que le fait de subordonner l’utilisation d’un moyen de communication actuel et usuel à un accord de l’employeur pouvait affecter l’efficacité de l’action syndicale dans l’entreprise et la défense des intérêts des travailleurs.
En dernier lieu, c’est le Conseil constitutionnel qui a tranché, en précisant « qu’en l’absence d’accord d’entreprise relatif à l’utilisation de l’intranet ou de la messagerie électronique de l’entreprise, les syndicats peuvent, outre l’application des dispositions du premier alinéa de l’article L. 2142–3 du code du travail et de son article L. 2142–4, librement diffuser des publications et tracts sur les réseaux de communication au public en ligne ; que les salariés peuvent également librement y accéder sur ces réseaux ; qu’ils peuvent s’inscrire sur des listes de diffusion afin de recevoir par voie électronique les publications et tracts syndicaux. »
Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, ces questions sont loin d’être anecdotiques et aisées. Nous vous proposons d’inscrire précisément les conditions d’adresse sur les messageries professionnelles dans le code du travail, afin d’assurer à tous, employeurs ou salariés, une lecture claire en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. L’article 27 prévoit une négociation sur les modalités de communication syndicale dans l’entreprise. N’anticipons pas sur cette négociation en rigidifiant le système !
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour la raison que j’ai évoquée : il convient de privilégier l’accord d’entreprise.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Il semble que la commission ait été très bienveillante à notre égard, puisque, si ces amendements ne sont pas du domaine de la loi, ils auraient dû être déclarés irrecevables au titre de l’article 41 de la Constitution.
Cela dit, je m’interroge sur les arguments de notre rapporteur, qui ont été très lapidaires.
L’article 27 a trait aux négociations internes de l’entreprise concernant la diffusion de l’information syndicale auprès des salariés.
Les amendements que nous avons déposés à cet article étaient donc tout à fait bien placés et justifiés, puisque, pour permettre que les négociations aient lieu et explorent tous les champs possibles en matière de diffusion de l’information syndicale, il faut, nous semble-t-il, que, dans les objectifs de cette négociation, les choses soient clairement définies, qu’il s’agisse de la messagerie ou de l’intranet.
Tel était précisément le sens de nos différents amendements.
Je regrette donc que les arguments qui leur sont opposés nous soient présentés de manière aussi succincte.
M. le président. L'amendement n° 715, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les délégués syndicaux, représentants syndicaux, et représentants de section syndicale sont autorisés à communiquer avec les salariés via la messagerie professionnelle dans le cadre de leurs mandats. Une adresse spécifique est mise à leur disposition à cet effet, permettant d’identifier leur mandat et leur organisation syndicale. Tout élément envoyé ou réceptionné par cette adresse est garanti par la plus stricte confidentialité. Des dispositions similaires sont assurées pour les comités d’entreprise, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ainsi que les délégués du personnel. L’entreprise s’assure que tout salarié dispose d’une messagerie électronique et d’un accès à l’intranet de l’entreprise, s’il en existe un. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Dans la continuité de ceux que nous venons d’examiner, cet amendement vise à conforter la diffusion des informations syndicales auprès des salariés et à garantir la confidentialité des échanges électroniques entre les organisations syndicales, les représentants des personnels élus et les salariés.
Nous touchons là à des sujets particulièrement importants et sensibles.
D’abord, nous souhaitons que le code du travail affirme l’autorisation, pour les délégués et représentants syndicaux, de communiquer avec les salariés via la messagerie professionnelle.
Aussi, une adresse électronique spécifique relative à leur mandat syndical pourrait être mise à leur disposition. Cela permettrait d’identifier ces acteurs syndicaux dans les entreprises.
Par ailleurs, nous demandons la plus stricte garantie de la confidentialité des échanges réalisés à partir de cette boîte mail. En effet, nous sommes particulièrement attachés à ce que le secret de la communication entre salariés, syndicats et représentants des personnels élus soit assuré. Nous pensons notamment à certaines situations où cette confidentialité s’impose plus particulièrement – dans les affaires de harcèlement sexuel ou moral, en cas de pressions subies ou tout simplement lorsqu’un salarié se renseigne sur les modalités selon lesquelles il peut quitter son emploi.
Juridiquement, notre amendement est fondé sur un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 19 juin 2013.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Je le répète, ne rigidifions pas le cadre des négociations sur les modalités de communication syndicale au sein de l’entreprise.
Si l’on vous suivait, chers collègues du groupe CRC, il n’y aurait plus rien à négocier, puisque tout aurait déjà été prévu.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Comme je l’ai dit, je tiens véritablement à la condition d’un accord pour utiliser les messageries : un équilibre doit être trouvé avec le fonctionnement normal du travail.
Il me semble important que cette pratique soit régulée par le dialogue.
L’avis est donc est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 27.
(L'article 27 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 27
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 327 rectifié est présenté par M. Courteau, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 710 est présenté par Mme Cukierman, M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 514-3-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par six alinéas ainsi rédigés :
« Un accord d’entreprise peut définir les conditions et les modalités de diffusion des informations syndicales au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise, notamment l’intranet et la messagerie électronique de l’entreprise.
« À défaut d’accord, les organisations syndicales satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre celui de l’entreprise ou de l’établissement peuvent mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise, lorsqu’il existe.
« L’utilisation par les organisations syndicales des outils numériques mis à leur disposition doit satisfaire l’ensemble des conditions suivantes :
« 1° Être compatible avec les exigences de bon fonctionnement et de sécurité du réseau informatique de l’entreprise ;
« 2° Ne pas entraver l’accomplissement normal du travail ;
« 3° Préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message. »
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 327 rectifié.
M. Roland Courteau. Afin de permettre une meilleure information des salariés sur l’action des organisations syndicales dans leurs entreprises, le présent article prévoit la diffusion de l’information syndicale à travers les outils numériques dans un cadre compatible avec le bon fonctionnement des entreprises, même en l’absence d’un accord d’établissement.
Dans les chambres d’agriculture, il est possible de négocier un accord local sur la mise à disposition de publications syndicales par voie électronique. Toutefois, dans la réalité, peu d’établissements ont ouvert des négociations, bien que tous soient dotés d’intranet et de messageries électroniques.
Or, avec la régionalisation et la dispersion des salariés d’un même établissement sur plusieurs sites, ne pas avoir la possibilité d’utiliser les outils numériques pour communiquer avec les salariés serait préjudiciable pour la communication et la bonne information des salariés, donc, en définitive, pour la qualité du dialogue social.
Cet amendement a par conséquent pour objet d’offrir aux chambres d’agriculture les mêmes possibilités que celles qui sont données aux autres entreprises par le projet de loi.
M. le président. Le sous-amendement n° 1044, présenté par MM. Gabouty, Lemoyne et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 327 rectifié
Alinéa 5
Remplacer les mots :
satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre celui de l'entreprise ou de l'établissement
par les mots :
présentes dans la chambre d'agriculture et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Ce sous-amendement a pour objet de corriger une erreur matérielle et d’harmoniser la rédaction du dispositif avec le contenu de l'article 27.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 710.
M. Bernard Vera. Il s’agit, à travers cet amendement, de donner aux organisations syndicales des chambres d’agriculture les moyens matériels d’exercer leur rôle d’information des salariés. Comme cela a déjà été rappelé lors de la discussion des amendements précédents, les salariés des chambres d’agriculture, qui relèvent à plus de 70 % du droit privé, ne sont rattachés ni aux dispositions du code du travail ni aux dispositions applicables à la fonction publique.
Ces personnels relèvent en réalité d’un statut particulier, institué par la loi du 10 décembre 1952. Aujourd’hui, les dispositions prévues par le code du travail, qui devraient pourtant constituer la base minimale applicable à l’ensemble des salariés, ne s’appliquent pas systématiquement dans les chambres d’agriculture.
L’adoption de cet amendement permettrait l’application aux chambres d’agriculture des dispositions de l’article L. 2142–6 du code du travail, et ainsi la facilitation du dialogue social par la diffusion de l’information syndicale, à l’aide des outils numériques, auprès des salariés.
Il est bien entendu précisé que l’utilisation des outils informatiques afin de communiquer des informations syndicales devra satisfaire différentes conditions : elle devra être compatible avec les exigences de bon fonctionnement et de sécurité du réseau informatique des chambres d’agriculture, ne pas entraver l’accomplissement normal du travail, et préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message.
En cas d’accord négocié, celui-ci déterminera les conditions d’utilisation de ces outils. À défaut d’accord d’entreprise, un socle minimal, tel que celui qui est déjà défini dans le code du travail, sera prévu à l’intention des organisations syndicales.
Aujourd’hui, les chambres d’agriculture, comme une majorité de grandes entreprises, sont dotées d’un réseau intranet et de messageries électroniques. Avec la régionalisation et la dispersion des salariés sur plusieurs sites, le recours aux outils numériques permettra d’améliorer la communication et de garantir la bonne information des salariés.
En outre, et même si cette dimension n’est pas la plus essentielle, les nouvelles technologies de communication sont préférables, d’un point de vue écologique, à l’impression et à la diffusion des documents sous forme papier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 1044, je ne vois pas d’inconvénient particulier à l’adoption des amendements nos 327 rectifié et 710 ; je souhaiterais néanmoins entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Avis favorable, monsieur le président, à la fois sur ces deux amendements identiques et sur le sous-amendement présenté par M. le rapporteur : il s’agit de permettre aux salariés et aux syndicats des chambres d’agriculture de bénéficier des avancées de ce projet de loi, notamment en termes d’usage des outils numériques.
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l’amendement no 327 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 710, identique à l’amendement n° 327 rectifié, est considéré comme adopté, également modifié.
Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 27.
L'amendement n° 848 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les salariés qui le souhaitent disposent une fois par an d’un contingent de deux heures au moins pour participer à une réunion d’information sur le droit syndical, le mouvement syndical et la représentation des salariés.
Ce temps d’information est considéré comme temps de travail et payé à l’échéance.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. La question traitée, par cet amendement, est celle de la syndicalisation des salariés et de l’appréhension du fait syndical.
Pour l’heure, comme chacun sait, il existe dans le secteur public un contingent mensuel d’heures d’information syndicale, qui n’a pas d’équivalent dans le secteur privé. Ce contingent permet aux salariés du secteur public d’interroger les représentants syndicaux sur les questions qui sont à l’ordre du jour, sur le fonctionnement des organismes paritaires et sur l’ensemble des sujets préoccupant les agents de l’administration ou du service concerné.
Notre amendement vise à transposer cette pratique dans le secteur privé ou concurrentiel marchand, afin que tous les salariés puissent disposer des éléments leur permettant de se déterminer sur les questions qui peuvent les préoccuper.
Le contingent que nous proposons est limité, réduit à deux heures par an ; mais il serait utile, à double titre. D’une part, il permettrait aux salariés de se faire une juste opinion sur l’action des organisations syndicales dans leur entreprise ; ces réunions annuelles, où les salariés pourraient définir ensemble et entre eux l’ordre des priorités à régler, deviendraient un élément du dialogue social.
D’autre part, il serait susceptible d’inciter les salariés à s’engager dans le mouvement syndical pour y apporter leur point de vue sur l’entreprise et leur vision du collectif de travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Nous venons d’approuver l’article 27 de ce projet de loi, qui élargit considérablement le droit de communication des organisations syndicales par l’utilisation des outils numériques. Nous sommes donc, sur le principe, totalement d’accord, malgré quelques différences d’appréciation s’agissant des modalités d’application.
En revanche, ce que vous proposez, madame Prunaud, représente une contrainte nouvelle pour les entreprises.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Ce projet de loi prévoit notamment l’augmentation de 20 % du volume d’heures accordé aux délégués syndicaux, ou encore l’élargissement de l’objet des négociations collectives aux questions de temps de travail, centrales dans le quotidien des salariés – cette mesure est essentielle, notamment, pour redonner davantage d’attractivité aux organisations syndicales. Toujours au chapitre du renforcement de cette attractivité, nous avons également soutenu, hier, un amendement sur le chèque syndical.
Nous avons, à travers de nombreuses lois, depuis le début du quinquennat, fait en sorte que les enjeux stratégiques soient traités avec moins de formalisme, par davantage de dialogue social. De nombreuses avancées sont faites en ce sens dans le cadre du présent projet de loi ; mais je ne suis pas persuadée que légiférer sur l’attribution aux salariés de toutes les entreprises, quelles que soient leur taille et leur volonté, d’un temps d’information syndicale minimal soit la meilleure manière de promouvoir le syndicalisme.
L’avis du Gouvernement est par conséquent défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 848 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 27 bis
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 716 rectifié bis, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le livre III de la septième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi modifié :
a) La première occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique » ;
2° Il est ajouté un titre IV ainsi rédigé :
« TITRE IV
« TRAVAILLEURS UTILISANT UNE PLATEFORME DE MISE EN RELATION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE
« CHAPITRE IER
« Champ d’application
« Art. L. 7341-1. – Le présent titre est applicable aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts.
« Chapitre 1er bis
« Nature de la relation de travail
« Art. L. 7341-2. – Le travailleur mentionné à l’article L. 7341-1 peut être regardé comme ayant avec la plateforme un lien de subordination juridique ou de dépendance économique caractéristique du contrat de travail lorsque :
« 1° Il exerce une activité immatriculée au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux, à un registre des entreprises de transport ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales ;
« 2° Il définit librement ses horaires, ainsi que la durée et sa charge de travail ;
« 3° Il ne peut entrer en relation avec l’utilisateur final des services que par l’intermédiaire obligé d’un tiers ;
« 4° Il ne fixe pas par lui-même ou par entente avec ces clients le prix de ses prestations ;
« 5° Il ne possède pas la maîtrise des moyens matériels ou immatériels utilisés pour la production de biens ou services.
« CHAPITRE II
« Responsabilité sociale des plateformes
« Art. L. 7342-1. – Lorsque la plateforme détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix, elle a, à l’égard des travailleurs concernés, une responsabilité sociale qui s’exerce dans les conditions prévues au présent chapitre.
« Art. L. 7342-2. – Lorsque le travailleur souscrit à l’assurance volontaire en matière d’accidents du travail mentionnée à l’article L. 743-1 du code de la sécurité sociale, la cotisation est prise en charge par la plateforme.
« Art. L. 7342-3. – Le travailleur bénéficie du droit d’accès à la formation professionnelle continue prévu à l’article L. 6312-2. La contribution à la formation professionnelle mentionnée à l’article L. 6331-48 est prise en charge par la plateforme.
« Il bénéficie, à sa demande, de la validation des acquis de l’expérience mentionnée aux articles L. 6111-1 et L. 6411-1. La plateforme prend alors en charge les frais d’accompagnement et lui verse une indemnité dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 7342-3-1. – Les articles L. 7342-2 et L. 7342-3 ne sont pas applicables lorsque le chiffre d’affaires réalisé par le travailleur sur la plateforme est inférieur à un seuil fixé par décret.
« Pour le calcul de la cotisation afférente aux accidents du travail et de la contribution à la formation professionnelle, seul est pris en compte le chiffre d’affaires réalisé par le travailleur sur la plateforme.
« Art. L. 7342-4. – Les mouvements de refus concerté de fournir leurs services organisés par les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 en vue de défendre leurs revendications professionnelles ne peuvent, sauf abus, ni engager leur responsabilité contractuelle, ni constituer un motif de rupture de leurs relations avec les plateformes, ni justifier de mesures les pénalisant dans l’exercice de leur activité.
« Art. L. 7342-5. – Les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 bénéficient du droit de constituer une organisation syndicale, d’y adhérer et de faire valoir par son intermédiaire leurs intérêts collectifs.
« Art. L. 7342-6. – Le respect des dispositions du présent titre n’est pas de nature à établir l’existence d’un lien de subordination entre la plateforme et le travailleur recourant à ses services. »
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Nous souhaitons, par cet amendement, revenir sur le statut des travailleurs des plateformes numériques, trop souvent qualifiés de « travailleurs indépendants », alors qu’il s’agit en fait de salariat déguisé – c’est ce que l’on appelle communément l’« ubérisation » du monde du travail.
La présomption de non-salariat, à travers l’inscription au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, ou même auprès des URSSAF, est un leurre qui ne résiste pas à l’analyse de la réalité : il existe aujourd’hui un véritable chantage des plateformes numériques. Tout est fait pour pousser des milliers de travailleurs dans des activités non salariées, au gré de la signature de contrats commerciaux. À l’image des chauffeurs de VTC aux prises avec Uber, qui se battent pour voir leur relation de travail requalifiée en contrat de travail, ces travailleurs pourraient être amenés à travailler 20 heures par jour, 120 heures par semaine, sans contrat de travail, et être remerciés sans aucune contrepartie : autant dire qu’il s’agit de travailleurs corvéables à merci.
Alors que, dans sa version initiale, le projet de loi prévoyait une présomption incontestable de non-salariat, nous vous proposons donc un amendement dont l’objet est au contraire de nous montrer plus attentifs à la situation réelle de nos travailleurs dits indépendants, et de leur permettre de faire requalifier plus facilement leur relation de travail en contrat de travail. Il est en effet impératif d’encadrer ce phénomène qui détruit beaucoup plus d’emplois qu’il n’en crée.
M. le président. L'amendement n° 964 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le livre III de la septième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi modifié :
a) La première occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique » ;
2° Il est ajouté un titre IV ainsi rédigé :
« TITRE IV
« TRAVAILLEURS UTILISANT UNE PLATEFORME DE MISE EN RELATION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE
« CHAPITRE IER
« Champ d’application
« Art. L. 7341-1. – Le présent titre est applicable aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts.
« CHAPITRE II
« Responsabilité sociale des plateformes
« Art. L. 7342-1. – Lorsque la plateforme détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix, elle a, à l’égard des travailleurs concernés, une responsabilité sociale qui s’exerce dans les conditions prévues au présent chapitre.
« Art. L. 7342-2. – Lorsque le travailleur souscrit à l’assurance volontaire en matière d’accidents du travail mentionnée à l’article L. 743-1 du code de la sécurité sociale, la cotisation est prise en charge par la plateforme.
« Art. L. 7342-3. – Le travailleur bénéficie du droit d’accès à la formation professionnelle continue prévu à l’article L. 6312-2 du présent code. La contribution à la formation professionnelle mentionnée à l’article L. 6331-48 du même code est prise en charge par la plateforme.
« Il bénéficie, à sa demande, de la validation des acquis de l’expérience mentionnée aux articles L. 6111-1 et L. 6411-1. La plateforme prend alors en charge les frais d’accompagnement et lui verse une indemnité dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 7342-4. – Les articles L. 7342-2 et L. 7342-3 ne sont pas applicables lorsque le chiffre d’affaires réalisé par le travailleur sur la plateforme est inférieur à un seuil fixé par décret.
« Pour le calcul de la cotisation afférente aux accidents du travail et de la contribution à la formation professionnelle, seul est pris en compte le chiffre d’affaires réalisé par le travailleur sur la plateforme.
« Art. L. 7342-5. – Les mouvements de refus concerté de fournir leurs services organisés par les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 en vue de défendre leurs revendications professionnelles ne peuvent, sauf abus, ni engager leur responsabilité contractuelle, ni constituer un motif de rupture de leurs relations avec les plateformes, ni justifier de mesures les pénalisant dans l’exercice de leur activité.
« Art. L. 7342-6. – Les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 bénéficient du droit de constituer une organisation syndicale, d’y adhérer et de faire valoir par son intermédiaire leurs intérêts collectifs. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je voudrais dire quelques mots sur le sens de cet article 27 bis, qui représente, selon moi, une innovation très importante de la loi Travail, et que le Gouvernement propose de rétablir à travers cet amendement.
Nous faisons aujourd’hui face à un phénomène, qui connaît une importante progression, d’« ubérisation » ou de « freelancisation » : quoi qu’il en soit des termes retenus, ceux-ci désignent le développement de nouvelles formes d’activité professionnelle autour des plateformes numériques. À mon sens, ce phénomène est parti pour durer, et va prendre de l’ampleur.
Se pose partout, dès lors, la question de sa régulation. À chaque rencontre avec mes homologues étrangers, qu’il s’agisse du ministre américain, allemand, luxembourgeois ou belge, je constate que nous sommes tous confrontés à la même question : que faire face à ces nouvelles formes d’activité ?
Avec l’article 27 bis, nous posons un premier jalon de cette régulation, et nous le faisons en nous armant de plusieurs convictions.
Le développement des plateformes est créateur d’emplois, et constitue une voie d’intégration, notamment pour les jeunes qui peinent à accéder à l’emploi classique.
En ma qualité d’ancienne secrétaire d’État à la politique de la ville, je peux vous dire que cela saute aux yeux – nul, d’ailleurs, ne le contestera. Les chiffres sont d’ailleurs spectaculaires : près d’un quart des créations d’entreprises dans le secteur des VTC se font en Seine-Saint-Denis ; depuis le début de l’année, une entreprise sur huit créée dans ce département est une entreprise de VTC. Pourquoi ? Parce que les jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville subissent bien souvent des discriminations à l’embauche (Mme Stéphanie Riocreux opine.), sur lesquelles, bien entendu, il nous faut agir, mais non sans tirer les conséquences de l’orientation privilégiée de ces jeunes vers cette forme d’activité.
L’objectif de cette régulation n’est pas de freiner l’essor de ces plateformes collaboratives ; cet essor est la conséquence du fait que nous avons nous-mêmes, en tant que consommateurs, modifié nos pratiques. Il s’agit d’ailleurs d’une leçon à portée générale : les mutations à l’œuvre dans le monde du travail sont toujours en partie le fruit des évolutions de nos pratiques de consommation.
L’objectif de cette régulation est bien plutôt de définir un cadre juridique adapté permettant le développement de ces activités, et en même temps de renforcer les droits sociaux des travailleurs concernés.
En la matière, aujourd’hui, les difficultés existent : lorsque, par exemple, une plateforme décide d’augmenter ses tarifs de 20 %, ou lorsqu’elle déconnecte un travailleur du jour au lendemain, on constate que les garanties sont insuffisantes ; lorsqu’un chauffeur ou un livreur subit un accident du travail, il n’est pas suffisamment couvert.
Pascal Terrasse, député, a été chargé d’un rapport sur le développement de l’économie collaborative ; il a proposé d’introduire la notion de « responsabilité sociale » des plateformes collaboratives. Le présent amendement, qui vise à rétablir l’article 27 bis, donne un contenu à cette notion. Il s’agit de commencer à enfoncer le coin du droit dans la relation de ces travailleurs avec les plateformes, concernant notamment l’accès à la formation, la validation des acquis de l’expérience et la couverture des accidents du travail, mais aussi le droit de s’organiser collectivement, en particulier par l’action syndicale, et le droit de cessation concertée de l’activité.
J’ai sollicité de nombreuses plateformes collaboratives, ainsi que l’Observatoire de l’auto-entrepreneur ; plusieurs organisations syndicales de salariés se sont exprimées. Personne ne considère cet article comme prématuré, et personne ne demande sa suppression !
Je voudrais, pour conclure, m’attarder sur un point, afin de dissiper de possibles malentendus : l’incidence de l’adoption de cet article 27 bis sur une éventuelle requalification…
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … de ces travailleurs indépendants en salariés, dans le cadre des contentieux en cours, tel que celui engagé par l’URSSAF contre Uber. (M. Jean Desessard s’exclame.) Cette incidence sera nulle ! Ces contentieux sont portés devant le juge, et c’est à lui de les trancher.
L’objectif du Gouvernement est de garantir clairement la neutralité du dispositif sur d’éventuels contentieux en requalification. La mise en œuvre de la responsabilité sociale des plateformes ne doit ni protéger les plateformes de la requalification ni, a contrario, accroître les risques de requalification. Nous imposons aux plateformes de nouvelles obligations, dans l’intérêt des travailleurs, mais ces obligations ne doivent pas se retourner contre les plateformes.
Afin de parvenir sans aucune ambiguïté à cet objectif, nous avons décidé de retirer provisoirement le dernier alinéa de l’article adopté par l’Assemblée nationale, qui portait sur ce sujet. Nous pourrons ainsi prendre le temps d’en retravailler la rédaction en approfondissant la concertation avec les professionnels du secteur.
Monsieur le président, j’ai été particulièrement longue,…
Mmes Nicole Bricq et Stéphanie Riocreux. C’est important !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … mais il s’agit d’un sujet essentiel et sensible que les différentes parties intéressées feignent parfois de comprendre de travers – et je ne parle pas des parlementaires !
De vraies questions se posent aujourd’hui sur le terrain. Il faut donc que nous avancions ; mais le chemin, en la matière, est étroit, et l’équilibre assez précaire, qui consiste à donner des droits aux travailleurs sans pour autant freiner l’activité !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 716 rectifié bis, je note une contradiction entre, d’une part, l’établissement de critères permettant de reconnaître un lien de subordination entre la plateforme et le travailleur et, d’autre part, le maintien de la disposition selon laquelle la reconnaissance d’une responsabilité sociale de l’entreprise n’est pas de nature à établir l’existence d’un lien de subordination. Autrement dit, on accorde au travailleur les attributs du salariat tout en empêchant celui qui pourrait revendiquer la position de salarié de se prévaloir de ces attributs pour plaider en ce sens.
En supprimant l’article 27 bis, la commission des affaires sociales a exprimé son scepticisme quant à la création d’un statut ad hoc non défini, celui d’un travailleur indépendant bénéficiant de certains attributs du salariat, sans toutefois que ces éléments soient, d’une quelconque façon, de nature à établir l’existence d’un lien de subordination.
Madame la ministre, vous ouvrez là une brèche qui nous semble dangereuse, et, qui plus est, vous le faites dans la précipitation et sans réelle concertation. Tout cela mériterait une réflexion plus approfondie.
Le Gouvernement est assez prompt à ouvrir des concertations sur des sujets moins sensibles ; je m’étonne donc, madame la ministre, que vous ne choisissiez pas cette méthode pour penser de façon plus large le statut de ces travailleurs – leur activité est bel et bien spécifique, et leur statut se situe quelque part entre le salariat et le travail indépendant –, au lieu de vous contenter de leur donner quelques droits au détour d’un texte.
Par ailleurs, deux recours viennent d’être déposés par les URSSAF contre une plateforme devant les juridictions sociales ; ils visent à requalifier les contrats liant le travailleur indépendant à cette plateforme en contrats de travail. Comment, dès lors, ne pas voir dans cet article une législation de circonstance ? À supposer même que tel ne soit pas le cas, il est évident que l’adoption de cet article interférerait, d’une manière ou d’une autre, avec les procédures en cours.
Qui en tirerait le bénéfice ? Je n’en sais rien : peut-être les URSSAF, mais plus probablement les plateformes, qui pourraient trouver dans ce dispositif bâtard un argument pour se protéger contre la reconnaissance d’un lien de subordination et contre la requalification en contrats de travail.
Il me paraît donc plus sage, à ce stade, de ne pas s’engager dans l’adoption d’une nouvelle réglementation qui créerait plus d’incertitude qu’elle n’offrirait de solutions.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos 716 rectifié bis et 964 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 716 rectifié bis ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Quelques mots pour répondre à M. le rapporteur : cet article ne tombe pas du ciel ! M. le président Milon nous parle souvent de rapports ; en l’occurrence, deux rapports ont permis la rédaction de cet article. Le premier, celui du Conseil national du numérique, contient notamment des suggestions portant sur la cotisation d’accidents du travail, l’accès à la formation et aux droits collectifs. Le deuxième est celui du député Pascal Terrasse. Je mène par ailleurs une concertation avec l’Observatoire de l’auto-entrepreneur et des représentants de plateformes collaboratives – nous nous sommes de nouveau réunis il y a quinze jours, pour que je leur présente, précisément, cet article. Un travail a donc été effectué en amont.
Quant à l’amendement n° 716 rectifié bis, j’invite ses auteurs à bien vouloir le retirer au profit de celui du Gouvernement. S’agissant du dernier alinéa, en effet, toutes les difficultés ne sont pas résolues. Je me suis donc engagée à ce que nous réfléchissions, avec l’Observatoire de l’auto-entrepreneur, à une nouvelle rédaction ; je dois justement rencontrer, à ce propos, des travailleurs indépendants.
Il faut savoir que les travailleurs indépendants travaillent souvent sur plusieurs plateformes ; il en existe de nombreuses. Chacune d’entre elles est donc confrontée à un problème d’attractivité. Si les plateformes pouvaient offrir à ces travailleurs indépendants un accès à la formation ou prendre en charge une cotisation d’accidents du travail sans prendre le risque d’une requalification – nous nous plaçons dans l’hypothèse où les travailleurs n’ont pas de lien exclusif de subordination avec une plateforme –, cela leur permettrait de jouer le jeu de la responsabilité sociale auprès de travailleurs désormais dotés de droits.
Les plateformes sont donc plutôt pour avancer sur ce sujet complexe, qui n’autorise aucune solution facile et a, pour cette raison, fait l’objet de nombreux rapports. Et si je décide de retirer le dernier alinéa, c’est précisément parce que la concertation n’est pas achevée.
Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer l’amendement n° 716 rectifié bis au profit de l’amendement du Gouvernement, afin que mes interlocuteurs, dans le cadre de la concertation en cours, se sentent respectés.
Mme Annie David. Qui sont au juste ces interlocuteurs ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Face à la multiplication du nombre de ces plateformes et de ces travailleurs qui ne sont ni des indépendants ni des salariés, il faut avancer : nous ne pouvons pas faire l’autruche ! Ce qui est en jeu, c’est la révolution numérique, c’est l’autonomisation, c’est une nouvelle manière de travailler : tout ce dont nous parlons depuis l’ouverture de nos débats.
J’aime la démarche proposée par Mme la ministre : elle est modeste, prudente, éclairée par divers rapports. La précaution est prise, en outre, de préserver la neutralité du législateur vis-à-vis des recours de l’URSSAF contre Uber. C’était d’ailleurs l’argument que vous aviez utilisé en commission, madame la ministre, pour refuser de soutenir notre reprise de l’amendement de nos collègues de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Il s’agit bien d’une question difficile : nous sommes en présence d’un travailleur qui n’est ni un salarié – son statut n’est pas défini par un lien de subordination –, ni un auto-entrepreneur, ni un artisan, et qui n’exerce pas non plus en profession libérale.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale utilise du reste les termes de « responsabilité sociale » lorsque la plateforme détermine les caractéristiques de la prestation et son prix. La conséquence est très claire : cela implique la prise en charge des cotisations d’accidents du travail et de maladies professionnelles, la garantie du droit d’accès à la formation, ainsi que du droit de défense collective des revendications par la constitution d’un syndicat et du droit de refus concerté de fournir leurs services.
Pour autant, le statut de ces travailleurs demeure ambigu. C’est tout l’objet de l’amendement du Gouvernement : ces travailleurs ne fixent ni les caractéristiques ni le prix de la prestation, et ils peuvent être déconnectés, ce qui s’apparente à un licenciement ; ils doivent alors rechercher une autre plateforme ou adopter un autre statut.
Faut-il définir un statut intermédiaire ou mixte, entre le salarié en situation de subordination intrinsèque et le travailleur indépendant ? Il semble que c’est dans cette direction qu’évolue notre droit. Certains travailleurs indépendants, qui, par exemple, n’ont qu’un seul client, peuvent voir leur contrat de prestataire requalifié en contrat de travail par le juge, en dépit de la présomption de non-salariat. Il conviendra donc, comme le propose Mme la ministre, de définir précisément les critères conduisant à reconnaître ou non un travailleur indépendant lié à une plateforme comme salarié, en fonction des évolutions technologiques.
C’est le chemin que le Gouvernement nous propose d’emprunter ; nous voterons donc son amendement.
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.
M. Georges Labazée. J’ai écouté avec attention M. le rapporteur et Mme la ministre. J’ai participé, le 18 mai dernier, aux auditions organisées par nos rapporteurs. Nous avons notamment reçu les représentants des organisations patronales, qui ont demandé si les droits devaient être attachés à la personne ou au statut. Je ne suis pas là pour les défendre ; mais ils ont eux-mêmes, en particulier par la voix de M. Alexandre Saubot, responsable du MEDEF, attiré l’attention sur le processus d’ubérisation, qui est à l’origine de l’amendement que vous avez déposé, madame la ministre, et que, bien entendu, je soutiens. Ce que nous faisons ce soir n’est pas parfait ; mais je crois qu’il faut avancer !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je partage l’avis de M. le rapporteur : on ne peut pas, au détour d’un texte tel que celui que nous sommes en train d’examiner, prendre l’initiative d’une disposition de cette nature sans avoir au préalable procédé à une étude d’impact.
Songez qu’une telle initiative revient à mettre en œuvre une nouvelle référence en termes d’assiette des cotisations : l’assiette serait le chiffre d’affaires de la personne travaillant avec la plateforme. Qu’il s’agisse de financer l’assurance maladie, la retraite, les accidents du travail, sans parler de la formation, l’assiette des cotisations sociales correspond au revenu net, et non brut, du travailleur. C’est ainsi que cela se passe, en particulier, pour les travailleurs indépendants, et notamment pour les agriculteurs : c’est à juste titre que l’assiette des cotisations sociales n’est pas le chiffre d’affaires, mais le résultat net d’exploitation.
Des études ont été conduites par le ministère du budget et la direction du Trésor sur d’éventuels changements d’assiette pour le calcul de nos cotisations sociales. L’option du chiffre d’affaires avait été examinée, mais aucune suite n’a été donnée à cette proposition.
C’est l’une des raisons pour lesquelles il me semblerait plutôt sage et prudent de ne pas adopter cette disposition et de prendre le temps de la réflexion en mesurant, par une étude d’impact, les conséquences de ces nouvelles mesures.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, depuis le début de l’examen de ce texte en séance publique, la semaine dernière, nous avons travaillé en bonne intelligence et de manière coordonnée, ce qui ne veut pas dire que nous soyons d’accord sur le fond.
Or je constate que la rédaction que vous nous proposez pour cet article 27 bis est issue d’un amendement de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.
Mme Nicole Bricq. Il s’agit de la commission des affaires économiques ! Ce n’est pas la même chose !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Madame Bricq, lorsqu’un orateur de la majorité sénatoriale prend la parole, vous vous permettez systématiquement d’intervenir. Jamais les sénateurs de la majorité ne vous interrompent lorsque c’est à votre tour, ou à celui d’autres sénateurs de l’opposition, de parler ! Cela devient insupportable ! (Très bien ! et applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains et sur les travées de l'UDI-UC.)
Je disais donc qu’un amendement a été adopté par l’Assemblée nationale ; le Gouvernement en a remanié la rédaction pour l’intégrer au texte qui a été considéré comme adopté en application du 49.3, et en faire l’article 27 bis.
Je note cependant une certaine incohérence, madame la ministre : vous nous avez dit, dans votre brillant exposé, que vous aviez rencontré les représentants des plateformes il y a quinze jours. Or, le projet de loi ayant été considéré comme adopté par l’Assemblée nationale, en application du 49.3, le 12 mai dernier, il nous a été transmis le 13 mai. A priori, cela semble vouloir dire que vous n’aviez pas rencontré les représentants des plateformes auparavant, et que vous aviez donc accompli ce travail à partir du seul rapport du député Terrasse.
Nos rapporteurs ont rencontré les organisations patronales, mais pas les représentants des plateformes, en raison d’un manque de temps ou d’une impossibilité matérielle.
La navette va se poursuivre. J’invite nos collègues de la majorité sénatoriale à rejeter les amendements nos 716 rectifié bis et 964 rectifié, afin de permettre aux rapporteurs de rencontrer les représentants des plateformes et les indépendants du secteur. Nous pourrons ainsi avoir une meilleure idée sur le sujet et en rediscuter lors du retour du projet de loi devant le Sénat.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.
M. Michel Billout. Nous ne sommes pas totalement convaincus par l’amendement du Gouvernement, puisque nous avions proposé un autre dispositif.
Néanmoins, comme nous sentons bien que notre amendement ne sera pas adopté, nous le retirons au profit de celui du Gouvernement, en espérant des améliorations en nouvelle lecture.
Il nous paraît important que la loi ne reste pas muette sur le sujet. Nous devons adresser un signe en faveur de l’encadrement d’une activité aujourd'hui en plein développement sans le moindre garde-fou.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je souhaite apporter quelques éclairages.
Mes équipes mènent les concertations depuis le mois de janvier, date de la remise du rapport du Conseil national du numérique. Ensuite, il y a eu le rapport du député Pascal Terrasse. L’article dont nous débattons figurait dans l’avant-projet de loi qui a fuité dans la presse. Mais il n’avait pas été repris dans la version retenue par le Gouvernement, car – je vous parle en toute transparence – les concertations devaient se poursuivre.
Simplement, à l’Assemblée nationale, en commission, des députés ont réintroduit l’article tel qu’il avait été rédigé par le Gouvernement.
Certes, à titre personnel, j’ai effectivement rencontré l’Observatoire de l’uberisation, le Conseil national du numérique, la Fédération des auto-entrepreneurs et une dizaine de start-up voilà dix jours. Mais cela fait plus de deux mois que mes équipes travaillent avec ces différents acteurs !
Par ailleurs, les cotisations sont alignées sur celles des travailleurs indépendants. C’est la plateforme qui prend en charge ce qui est mentionné dans l’article.
Je suis ministre du travail et de l'emploi depuis le 2 septembre. La question dont nous débattons ce soir nous est clairement posée. Le compte personnel d’activité, dont nous parlions hier, sera ouvert aux travailleurs indépendants dès le 1er janvier 2018. Nous voyons bien que des améliorations sont nécessaires.
J’ai aussi été secrétaire d’État chargée de la politique de la ville. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de jeunes issus des quartiers populaires qui travaillent pour ces plateformes et n’ont aujourd'hui aucun droit. (Mmes Laurence Cohen et Annie David opinent.)
La solution que nous proposons n’est peut-être pas parfaite, mais l’enjeu est bien de ne pas laisser ces travailleurs dans une zone d’ombre ! C’est le sens de la responsabilité sociale des plateformes. La cotisation à l’assurance en matière d’accidents est volontaire. La contribution à la formation professionnelle, c’est 100 euros par an. C’est de cela qu’il s’agit.
Notre rôle est d’apporter des réponses au monde du travail tel qu’il est aujourd'hui ! Ainsi que je l’ai indiqué il y a quelques instants, l’objectif n’est pas de freiner le développement de ces plateformes. Elles vont continuer à se développer, du fait même de nos propres pratiques de consommation.
Nous voulons simplement fixer quelques règles pour les travailleurs concernés et les plateformes. D’ailleurs, certaines ont envie de faire plus.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je vais avoir du mal à étaler ma science, vu que je ne comprends pas grand-chose ! (Exclamations amusées.)
Certes, je peux à la rigueur comprendre la position de la commission – cela ne signifie pas forcément que je l’approuve –, qui considère qu’il s’agit d’un vrai débat de société et veut prendre le temps de la réflexion en consultant l’ensemble des acteurs concernés.
Je crois aussi comprendre celle de Mme la ministre : puisque Uber existe et qu’il n’y a aucune garantie, nous explique-t-elle en substance, instaurons quelques protections minimales.
Mais je ne comprends vraiment pas la position de nos collègues du groupe CRC. Il me semblait que l’on pouvait être soit artisan, c'est-à-dire indépendant, soit travailleur salarié, en cas d’existence d’un lien de subordination. Votre amendement, chers collègues, était tout de même différent de celui du Gouvernement !
Mme la ministre explique qu’il faut instaurer des garanties minimales. Elle souligne que la contribution à la formation n’est pas très chère ou que la cotisation à l’assurance en matière d’accidents est volontaire. Nous voyons très bien qu’il s’agit d’une protection sociale a minima : comme les personnes concernées s’apparentent un peu à des travailleurs, offrons-leur une protection sociale minimale…
Mme Bricq nous dit qu’entre le statut de salarié et celui de travailleur indépendant, il existe une troisième catégorie. C’est celle que vous essayez d’inventer, madame la ministre.
Selon vous, puisque Uber existe, il faut introduire quelques petites notions de protection sociale et, comme le prône Mme Bricq, définir un troisième statut, celui de travailleur entrepreneur bénéficiant de quelques fragments de protection sociale, mais tout de même soumis à l’organisation fixée par les plateformes. En clair, vous êtes en train de légaliser une situation.
Vous mettez en avant votre passage au secrétariat d’État à la politique de la ville, où vous avez observé les conditions de travail des jeunes concernés, pour justifier votre choix d’introduire quelques éléments de protection sociale afin de leur permettre de continuer à travailler comme cela ! C’est ce que j’ai compris de vos propos.
Ce nouveau statut d’« auto-entrepreneur avec quelques points de protection sociale » me laisse tout de même interrogatif…
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je tiens à rassurer notre collègue Jean Desessard.
Oui, il y a différents statuts chez les travailleurs aujourd'hui ! Pour notre part, nous sommes favorables à un statut de travailleur salarié.
Mais, ainsi que Mme la ministre l’a très bien expliqué – nous avons peut-être trouvé ce soir le seul volet du texte sur lequel nous sommes totalement d’accord avec elle –, le monde du travail évolue. La révolution numérique nous frappe de plein fouet. Nous sommes confrontés, et vous aussi, cher Jean Desessard, à une situation que nous avons du mal à appréhender dans sa globalité.
Nous le savons bien, actuellement, les personnes qui travaillent pour les plateformes numériques n’ont pas un statut de salarié. Nous souhaiterions qu’elles en aient un. Mais ce n’est pas le cas. Nous ne pouvons pas imposer cela à une plateforme, un fab lab ou un tiers-lieu. Chaque jour, des milliers de personnes travaillent dans un tel cadre ; nous ne pouvons pas ignorer cette réalité.
Notre amendement était effectivement différent de celui du Gouvernement ; Michel Billout l’a d’ailleurs rappelé. Mais nous parlions nous aussi de « « travailleurs ». Il faut prendre en compte la situation des personnes concernées.
Mme la ministre, évoquant son passage au secrétariat d’État à la politique de la ville, a parlé de ces nombreux jeunes qui sont contraints de travailler pour des plateformes. Nous ne pouvons pas les abandonner.
En retirant notre amendement et en nous ralliant à celui du Gouvernement, nous adressons un message à ces travailleurs : oui, ils ont droit à un statut, à une protection, à une reconnaissance !
L’évolution de nos modes de consommation nous fait malheureusement – pour ma part, je le regrette, mais ce n’est peut-être pas le cas de tout le monde – participer de plus en plus au développement des plateformes. On ne peut pas vouloir en bénéficier tout en laissant de côté ceux qui y travaillent !
Nous avons décidé de retirer notre amendement au profit de celui du Gouvernement pour que, ce soir, lorsque nous quitterons l’hémicycle, ces travailleurs de l’ombre aient enfin un statut. Certes, la solution proposée n’est pas vraiment satisfaisante. Mais la discussion avec les partenaires que Mme la ministre a évoqués permettra peut-être des améliorations.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Madame la ministre, vous souhaitez que la responsabilité sociale d’une plateforme soit reconnue lorsque le travailleur indépendant réalise un certain chiffre d’affaires avec elle, mais vous indiquez en même temps qu’un travailleur peut travailleur auprès de plusieurs plateformes. Ainsi, nous sommes dans un cas d’employeurs multiples ou de partenaires multiples. Le système est donc relativement complexe.
Nous sommes totalement d'accord sur le principe : il ne faut pas laisser ces personnes dans un no man’s land. Mais le texte proposé pour l’article ne définit aucun statut. Quid de la responsabilité vis-à-vis du client ? Comment appliquer le droit à la déconnexion, dont nous parlions, à ces travailleurs ? Toutes ces questions se posent.
Les quelques avancées auxquelles vous faites référence sont légitimes. Elles pourraient être intégrées dans le texte. Mais vous ne définissez aucun statut. Cela revient à offrir quelques bribes – je suis assez d'accord avec M. Desessard sur ce point – sans savoir vers quel statut on va. Un statut d’indépendant salarié ? de salarié indépendant ?
Le dispositif ne me paraît pas totalement abouti. Et le fait que vous continuiez la concertation pendant la phase législative tend à accréditer cette impression.
Nous ne sommes pas du tout opposés au fait de mener une réflexion pour essayer d’élaborer quelque chose de plus solide sur le sujet.
C'est pourquoi je maintiens l’avis défavorable de la commission sur l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’article que nous voulons rétablir mentionne les « travailleurs indépendants » ; il n’y a pas de création d’un nouveau statut. Comme il s’agit de travailleurs indépendants, leur protection sociale est celle des indépendants.
En revanche, par cet article, nous posons un principe nouveau, celui de la responsabilité sociale des plateformes collaboratives, afin que ces travailleurs puissent bénéficier de nouveaux droits.
L’enjeu, ce n’est pas de définir un statut ; c’est d’instaurer une responsabilité sociale des plateformes collaboratives pour que ces travailleurs indépendants aient des droits en plus. Voilà clairement le sens de cet article !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 964 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 370 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l’adoption | 144 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Roland Courteau. C’est bien regrettable !
M. le président. En conséquence, l'article 27 bis demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 27 bis
M. le président. L'amendement n° 864 rectifié bis, présenté par M. Bizet, Mme Gruny, MM. César et Chasseing, Mme Morhet-Richaud, MM. Chaize, Vaspart et G. Bailly, Mmes Garriaud-Maylam et Cayeux, M. Houel, Mme Duchêne, M. Rapin, Mme Mélot, MM. Karoutchi, Mayet, Pierre, Lefèvre, Laufoaulu et Emorine, Mmes Micouleau et Deromedi et MM. Laménie, Huré, Vasselle, Cornu, J.P. Fournier, Doligé et Revet, est ainsi libellé :
Après l'article 27 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 8261-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les services rendus entre particuliers dans le cadre de l’utilisation en commun d’un bien dans la mesure où les sommes perçues à cette occasion ne dépassent pas une fraction du coût d’amortissement de ce bien calculée selon des modalités déterminées par décret. »
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Il est essentiel de sécuriser le développement de l’économie collaborative de particulier à particulier qui concourt à l’intérêt général, notamment en matière de mobilité partagée – le député Pascal Terrasse, missionné par le Premier ministre, a clairement mis cela en lumière dans son rapport –, et de limiter ainsi ces échanges aux activités à titre non onéreux, en plafonnant le montant des sommes perçues par un particulier. Il s’agit de contenir la concurrence vis-à-vis des activités de l’économie traditionnelle et des professionnels exerçant sur ce même type de plateformes.
Cet amendement a pour objet de permettre aux particuliers d’exercer, en plus de leur activité professionnelle limitée à la durée légale du travail, des activités complémentaires dans le cadre de l’économie du partage, en limitant cependant celles-ci au seul partage de frais.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Je comprends bien l’intention des auteurs de cet amendement, mais je crains que, en l’état, le dispositif proposé ne convienne pas.
Tout d’abord, il semble difficile à mettre en œuvre. Le calcul des coûts d’amortissement est une opération comptable qui ne peut pas être improvisée par tous les particuliers participant à l’économie collaborative.
Par ailleurs, l’amendement ne couvre qu’une partie seulement des activités de l’économie du partage. La référence à « l’utilisation en commun d’un bien » exclut, par exemple, les locations de voitures de particulier à particulier. Or c’est une activité en plein essor.
En résumé, l’idée est bonne, mais le dispositif n’est peut-être pas encore totalement abouti.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je comprends bien le souci de sécuriser juridiquement les services rendus entre particuliers dans le cadre de l’économie collaborative.
Toutefois, il ne me paraît pas possible de retenir une telle dérogation à la durée maximale de travail de quarante-huit heures. En effet, les services visés par cet amendement peuvent présenter des enjeux de sécurité. C’est le cas du covoiturage, où l’enjeu de sécurité est particulièrement important. Il le serait encore plus en cas de dérogation à la durée maximale de travail…
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Madame Gruny, l’amendement n° 864 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, le covoiturage existe déjà, parfois au-delà de la durée maximale de travail ? Votre argument ne me convainc donc pas.
En revanche, chacun voit qu’il y a beaucoup de problèmes avec les nouvelles économies collaboratives. Nous venons d’évoquer les plateformes. Notre amendement permet de soulever une autre difficulté. Je pense que cette question mériterait un examen sérieux et, probablement, une loi.
Certes, j’ai entendu les propos de M. le rapporteur, et je retire mon amendement. Mais je crois qu’il va falloir continuer de plancher sur le sujet.
M. le président. L'amendement n° 864 rectifié bis est retiré.
Titre IV
Favoriser l’emploi
Chapitre Ier
Améliorer l’accès au droit des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises et favoriser l’embauche
Article 28
I. – Le titre IV du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et appui aux entreprises » ;
2° Il est ajouté un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Appui aux entreprises
« Art. L. 5143-1. – Tout employeur d’une entreprise de moins de trois cents salariés a le droit d’obtenir une information précise lorsqu’il sollicite l’administration en posant une question écrite, précise et complète relative à l’application, à une situation de fait ou à un projet, de la législation relative au droit du travail ou des stipulations des accords et conventions collectives qui lui sont applicables.
« Le document formalisant la prise de position des services de l’autorité compétente est opposable pour l’avenir à l’administration tant que la situation de fait ou le projet exposés dans la demande et que la législation ou les stipulations au regard desquelles la question a été posée n’ont pas été modifiés. Ce document peut également être produit par l’employeur en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi et le prémunir de toute sanction qui serait uniquement basée sur un changement d’interprétation de la législation applicable.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de dépôt de la demande et les délais de réponse de l’autorité compétente, qui ne peuvent être supérieurs à deux mois quand la sollicitation émane d’une entreprise employant moins de cinquante salariés, en tenant compte du caractère éventuellement urgent de la situation ou du projet faisant l’objet de la demande. Il désigne l’autorité compétente, ainsi que les modalités de transmission de la question aux services compétents de l’administration et les modalités d’harmonisation des positions prises en application du présent article dans le respect du secret professionnel. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 268, présenté par Mme Deroche, MM. Retailleau, Allizard, Baroin, Bas, Bignon, Bizet, Bouchet, Buffet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, M. César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Cornu, Dallier, Danesi et Darnaud, Mmes Debré, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand, Gremillet, Grosdidier et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houel, Houpert, Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Malhuret, Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet, Pintat, Pinton et Pointereau, Mme Primas et MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Reichardt, Revet, Savary, Savin, Trillard, Vaspart, Vasselle, Vendegou, Vial et Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer les mots :
d’une entreprise de moins de trois cents salariés
II. – En conséquence, intitulé du chapitre Ier du titre IV
Rédiger ainsi cet intitulé :
Améliorer l’accès au droit des entreprises et favoriser l’embauche
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. L'article 28, tel que modifié par la commission des affaires sociales, crée un rescrit en matière de droit du travail, mais uniquement pour les entreprises de moins de trois cents salariés.
Notre amendement vise à étendre cette mesure à l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille, afin que toutes puissent en bénéficier.
M. le président. L'amendement n° 923 rectifié, présenté par MM. Requier, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
trois cents
par le mot :
cinquante
II. – Alinéa 8, première phrase
Supprimer les mots :
quand la sollicitation émane d'une entreprise employant moins de cinquante salariés
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. L’article 28 prévoit la mise en œuvre d’un « droit » des employeurs à une information précise et rapide. Il met en place des services d’information dédiés.
Si nous partageons évidemment l’objectif d’améliorer l’accès au droit des petites entreprises, le plafond de trois cents salariés ne nous semble pas opportun.
Selon l’étude d’impact, plus de 800 000 demandes sont traitées chaque année par les services des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE. Les demandes proviennent très majoritairement des TPE et des PME, puisque 57 % des demandeurs sont issus d’une entreprise d’un à dix salariés, 26 % des demandeurs d’une entreprise de onze à quarante-neuf salariés et 16 % d’une entreprise de cinquante salariés et plus.
Par ailleurs, une note ministérielle consacrée à l’inspection du travail relève que « les établissements de moins de cinquante salariés constituent ceux pour lesquels l’accès au droit, et au droit du travail en particulier, est le moins aisé, tant pour les employeurs que pour les salariés ».
Aussi, dans un souci d’efficience de la dépense publique, notre amendement prévoit de réserver le service public d’aide aux TPE et PME aux entreprises qui emploient moins de cinquante salariés. Ce sont elles qui en ont le plus besoin. La plupart du temps, elles n’ont pas les moyens d’embaucher des personnes qualifiées en droit du travail.
M. le président. L'amendement n° 717, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
trois cents
par le mot :
onze
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’article 28 est situé dans le chapitre intitulé « Améliorer l’accès au droit des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises et favoriser l’embauche ».
Nous partageons évidemment un tel objectif. Mais le texte prévoit que ce service s’adresse aux entreprises de moins de trois cents salariés. Cela ne concerne donc plus seulement les TPE et les PME. Les entreprises de taille intermédiaire, ou ETI, dont l’effectif démarre à deux cent cinquante et un salariés, sont également visées.
Comme l’a exprimé devant nous Pascal Lokiec, professeur de droit à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, simplifier l’accès au droit, cela veut dire « donner aux PME les ressources juridiques pour appliquer le droit du travail, elles qui n’ont souvent ni service RH ni service juridique ».
Il ajoutait que la création d’un véritable service public de l’accès au droit pour les PME aurait pu s’inspirer de ce qui a été créé avec succès aux États-Unis voilà plus de soixante ans. En effet, outre-Atlantique, il existe une administration qui leur est consacrée. Elle promeut l’accès au droit, à travers des guides, des agences et un médiateur spécifiquement chargé d’entendre les griefs des petites entreprises. Cette formule présente le mérite de simplifier la vie des chefs d’entreprise sans toucher aux droits des salariés.
Je le rappelle, nous ne serions pas dans cette situation si l’inspection du travail, dont l’une des missions est justement de répondre aux questions juridiques tant des employeurs que des salariés des TPE et PME, avait reçu les moyens nécessaires. En 2015, elle a été contactée directement ou au téléphone par les employeurs des TPE-PME et des salariés 800 000 fois.
Il est donc faux de prétendre qu’il n’existerait rien pour les petites entreprises aujourd’hui. Si les délais ne sont pas raisonnables, commençons par arrêter les suppressions de postes et recrutons massivement au sein de l’inspection du travail !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. L’amendement n° 268 tend à supprimer le plafond de trois cents salariés prévu pour le rescrit social. Cela permet d’éviter de créer une rupture d’égalité devant la loi entre les entreprises.
Mais nous gardons notre mesure spécifique pour les entreprises qui emploient moins de cinquante salariés. Si elles font une demande de rescrit, la réponse de l’administration doit être inférieure à deux mois.
Je reviens sur les chiffres avancés par M. Arnell. Certes, il y a bien 877 000 demandes d’informations qui sont traitées par les services des DIRECCTE. Mais 90 % de ces demandes d’informations émanent des salariés, contre 10 % seulement, soit un peu moins de 90 000, qui proviennent des entreprises. Et encore ! Sur ces quelque 90 000 demandes, seulement 16 % sont le fait d’entreprises de cinquante salariés et plus.
Le fait d’ouvrir le dispositif à l’ensemble des entreprises dans un souci d’égalité devant la loi tout en privilégiant les petites entreprises de moins de cinquante salariés en termes de délai de réponse me paraît tout à fait opérationnel et supportable.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 268 et un avis défavorable sur les amendements nos 923 rectifié et 717, qui sont plus restrictifs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous reviendrons sur le sens de ce service de ressources humaines lors de l’examen d’amendements ultérieurs. Dans l’immédiat, je centrerai mon propos sur le seuil retenu.
Il y a aujourd'hui 2,1 millions de TPE et 140 000 PME. Pour notre part, nous souhaitons maintenir le seuil de trois cents salariés, qui avait été très discuté lors de l’examen du projet de loi défendu par François Rebsamen.
En effet, nous savons bien que les entreprises de plus de trois cents salariés ont en général un service interne de ressources humaines capable d’apporter l’expertise juridique permettant aux employeurs de prendre les bonnes décisions.
Ce sont les TPE qui bénéficieront le plus du dispositif, puisqu’elles sont 2,1 millions, contre 140 000 PME. Certes, nous n’avons pas voulu exclure ces dernières, dans la mesure où beaucoup d’entre elles n’ont pas de service juridique.
Depuis le début de nos débats, nous avons abordé le code du travail, les conventions collectives, la jurisprudence… Imaginez la difficulté pour un chef de petite entreprise, un artisan ou un commerçant d’appréhender un tel environnement juridique. L’enjeu est donc bien de mettre les services du ministère à leur disposition, afin de leur apporter des réponses.
Mme David m’a interpellée sur l’inspection du travail. D’une part, celle-ci n’a pas pour seule mission d’apporter des informations. D’autre part, elle a déjà beaucoup à faire avec la lutte contre les fraudes au détachement et les contrôles des entreprises ; son activité est très liée, à juste titre, à ce qui se passe sur le terrain. Nous n’avons donc pas retenu la formule suggérée par Mme la sénatrice.
En revanche, nous avons souhaité mettre en place cette plateforme permettant de répondre à toutes les questions juridiques que ces employeurs peuvent se poser.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Lamure. Les auteurs de l’amendement n° 923 rectifié invoquent l’argument du nombre de demandes issues d’entreprises de moins de cinquante salariés qui sont traitées par les DIRECCTE pour justifier la limitation du rescrit aux plus petites entreprises. Ils oublient cependant de préciser un élément qui figure pourtant à la page 254 de l’étude d’impact et qui change tout. En effet, comme l’a rappelé M. le rapporteur, les salariés représentent la grande majorité des usagers ; les demandes formulées par les employeurs constituent une part minoritaire de l’activité de ces services, avec seulement 6,6 % du volume total.
Or c’est bien ce que nous voulons changer. Nous souhaitons que l’administration soit également au service des employeurs, qui sont les premiers à être victimes de la complexité du droit du travail. Tous les chefs d’entreprise que nous rencontrons avec la délégation sénatoriale aux entreprises ont témoigné de la complexité du droit du travail dès que l’on passe le seuil des cinquante salariés. C’est pourquoi il est essentiel de ne pas limiter le bénéfice du rescrit aux plus petites entreprises.
J’ajoute pour nos collègues du groupe CRC que l’on ne parle pas de PME pour les entreprises de moins de dix salariés puisque l’INSEE indique que la catégorie des PME recouvre les entreprises comprenant entre dix et deux cent cinquante salariés. Cela ne fait que renforcer notre soutien à l’amendement de Mme Deroche.
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. En réponse à M. le rapporteur, je souligne que l’égalité n’est pas l’équité. Il existe des services des ressources humaines et des services juridiques dans certaines entreprises. La valorisation obtenue via cette plateforme doit donc être réservée à ceux qui en ont le plus besoin.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 268.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 371 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 923 rectifié et 717 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 369, présenté par M. Rapin et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
précise
insérer les mots :
et personnalisée
La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Par cet amendement, que nous pourrions qualifier de « technique », nous souhaitons donner un peu plus de force à l’échange entre l’entreprise et l’administration en ajoutant que l’information doit être personnalisée.
J’appelle votre attention sur le fait que cet article, à dix mots d’intervalle, contient deux fois le mot « précise ». S’agit-il d’une erreur de français ou de la volonté d’être « précis » ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Il ne me paraît pas nécessaire de « préciser » que la réponse de l’administration doit être personnalisée, car cette notion est couverte par les mots « précise et complète ». De surcroît, la réponse est forcément personnalisée puisqu’elle s’applique à une situation de fait ou à un projet spécifique à l’entreprise qui a fait la demande. La réponse ne peut donc être générale.
En conséquence, la commission demande le retrait de l’amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Imaginez, par exemple, que plusieurs boulangeries aient besoin d’une même information concernant un changement au niveau de la branche ou d’une information collective ayant trait à l’ordre public conventionnel dans le cadre d’une négociation. Inscrire dans la loi le caractère personnalisé de la réponse ne paraît donc pas souhaitable, d’autant que figure déjà le mot « précise ».
M. le président. Monsieur Rapin, l'amendement n° 369 est-il maintenu ?
M. Jean-François Rapin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 369 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 388, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Si la demande est suffisamment précise et complète, le document formalisant la prise de position de l'autorité compétente peut être produit par l'employeur en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement est retiré.
M. le président. L'amendement n° 388 est retiré.
L'amendement n° 269 rectifié, présenté par Mme Deroche, MM. Retailleau, Allizard, Baroin, Bas, Bignon, Bizet, Bouchet, Buffet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, M. César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Cornu, Dallier, Danesi et Darnaud, Mmes Debré, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand, Gremillet, Grosdidier et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houel, Houpert, Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Malhuret, Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet, Pintat, Pinton et Pointereau, Mme Primas et MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Reichardt, Revet, Savary, Savin, Trillard, Vaspart, Vasselle, Vendegou, Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
tant que la situation de fait ou le projet exposés dans la demande et que la législation ou les stipulations au regard desquelles la question a été posée n’ont pas été modifiés
par les mots :
pour une durée déterminée qui ne saurait excéder trente-six mois
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. L'article 28, tel que modifié par la commission des affaires sociales, crée un rescrit en matière de droit du travail.
Afin de garantir une stabilité pour les entreprises qui interrogent l'administration sur un point du code du travail, le présent amendement prévoit que la réponse apportée par l'administration lui est opposable pendant une durée déterminée qui ne saurait excéder trente-six mois.
M. le président. Le sous-amendement n° 1038, présenté par MM. Gabouty, Lemoyne et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 269 rectifié
I. – Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… Supprimer les mots :
pour l’avenir
II. – Alinéas 2 à 4
Remplacer ces trois alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
… Compléter cette phrase par les mots :
III. – Alinéa 5
1° Au début, insérer le mot :
et
2° Remplacer le mot :
saurait
par le mot :
peut
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Ce sous-amendement vise à maintenir la règle selon laquelle le rescrit est valable aussi longtemps que la situation de fait ou le projet de l'entreprise n'est pas modifié – en clair, ce qui est proposé vient en ajout et non à la place – et que le cadre juridique applicable à la demande n'évolue pas.
Sous réserve de l’adoption de cette modification, la commission est favorable à l’amendement n° 269 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 718, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’article 28 donne le droit aux employeurs de bénéficier d’informations et de renseignements de la part de l’administration. Nous avons déjà dit par la voix de notre collègue Annie David ce que nous pensions de ce ciblage. J’y reviens toutefois, car nous avons eu un débat sur le sujet.
Ce droit est ouvert à toute entreprise de moins de trois cents salariés. Le champ de cette mesure nous paraît beaucoup trop large, car nous avons affaire dans de nombreux cas à des entreprises qui ont les moyens de créer leur propre service juridique, à tout le moins de faire appel à un conseil. C’est la raison pour laquelle nous avions proposé de limiter ce droit à l’information aux entreprises de moins de onze salariés, c’est-à-dire aux très petites entreprises.
Il est d’autant plus légitime de soulever ce problème que seuls 500 agents de la DIRECCTE sont affectés à cette mission d’information. La remarque d’Annie David est donc tout à fait pertinente : si l’on veut rendre effectif ce droit à l’information, il faudrait rompre avec les logiques d’austérité mises en œuvre par les gouvernements successifs.
Cet amendement aborde une autre question tout aussi sensible. En effet, le présent article prévoit que « ce document peut également être produit par l’employeur en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi et le prémunir de toute sanction qui serait uniquement basée sur un changement d’interprétation de la législation applicable ». C’est ce qu’on appelle un rescrit social. Nous refusons cette procédure qui tend à blanchir les entreprises ne respectant pas leurs obligations sociales. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cette phrase.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 718 ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. L’adoption de cet amendement viderait de sa substance l’idée même de rescrit. Il existe un rescrit fiscal. Pourquoi n’existerait-il pas un rescrit social ?
Je relève par ailleurs des excès de qualification. Il n’y a notamment pas lieu de parler de blanchiment à l’égard des entreprises. Le terme me paraît pour le moins inapproprié et dégradant.
Le rescrit social est une aide de l’entreprise en amont, c'est-à-dire à la source. Ce n’est ni une amnistie ni une impunité a priori. Il entre plutôt dans le domaine d’une mission d’assistance.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement a une position différente de celle de la commission, même si je comprends que la solution du rescrit social puisse paraître tentante pour les employeurs.
Le rescrit social est une procédure qui permet d’obtenir une décision explicite de l’administration sur l’application de certains points de législation. Par la suite, l’administration est liée par la position qu’elle a prise, sauf changement de législation ou de situation de fait. Le rescrit, selon le Conseil d’État dans son rapport de 2003, est particulièrement pertinent lorsque l’action administrative a un objet simplement pécuniaire et s’inscrit dans une relation bilatérale.
Mon sentiment, comme celui de nombreux juristes, est que le rescrit social comporte des risques. En droit du travail, la relation entre l’employeur et le salarié est quasi exclusivement duale. C’est une situation que ne peut pas complètement analyser l’administration au moment de sa réponse. Instaurer un rescrit dans le cadre d’une procédure d’information, y compris une procédure très précise demandée par un employeur, dont l’appréciation peut être partielle, peut donc porter préjudice aux droits du salarié.
Quelle est l’alternative au rescrit ? La solution trouvée par le Gouvernement est la réponse formalisée à une demande de renseignement afin que l’employeur puisse se prémunir en cas de contentieux. Le Conseil d’État le rappelle fort bien dans son rapport sur le rescrit : la réponse à une demande de renseignement ou à une demande d’avis qui n’est pas opposable constitue un instrument important de sécurité juridique, plus souple et moins contraignant pour les administrations.
Cette réponse n’a certes pas les mêmes conséquences juridiques qu’un rescrit, mais la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a proposé à l’article 28 que le document formalisant la prise de position de l’administration puisse être produit par l’employeur en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi. Il s’agit d’une solution de compromis entre la quasi-impossibilité d’appliquer un dispositif, le rescrit, dans le champ du droit du travail et la simple réponse à une question posée.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 269 rectifié et 718, ainsi qu’au sous-amendement n° 1038.
M. le président. L'amendement n° 389, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le respect du secret professionnel et dans des conditions de nature à garantir l’anonymat des personnes concernées, l’autorité compétente assure la publicité des prises de position en les rendant accessibles au public gratuitement par voie télématique. Toutefois, l’employeur ne peut se prévaloir au sens de l’alinéa précédent, devant l’administration ou une juridiction, des prises de position qui ne font pas suite à sa demande personnelle.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La transparence est aujourd’hui l’un des grands enjeux pour l’administration. Notre assemblée a d’ailleurs déjà eu l’occasion de se pencher sur cette question ; je pense au rapport de ma collègue Corinne Bouchoux déposé le 5 juin 2014 dans le cadre de la mission commune d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques.
Par cet amendement, nous souhaitons instaurer la transparence au sujet des prises de position en matière de droit du travail. En ce sens, nous vous proposons de rendre accessible gratuitement sur internet l’ensemble des prises de position de l’autorité administrative compétente. Naturellement, cette publication devra se faire après anonymisation et dans le respect du secret professionnel auquel les fonctionnaires sont tenus.
La mise en ligne de ces prises de position présente également un intérêt pratique : elle est de nature à désengorger les services de l’autorité compétente. Un employeur qui envisage d’envoyer une demande pourrait trouver satisfaction en consultant une prise de position sur une situation analogue à la sienne.
Pour autant, aux termes de cet amendement, l’employeur ne pourra se prévaloir que des prises de position faisant suite à sa demande personnelle. De tels effets de droit ne doivent pouvoir être conférés que lorsque l’administration compétente a expressément examiné la situation en question, et non par simple analogie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Je remercie M. Desessard de nous aider à mettre en œuvre l’amendement précédent en désengorgeant les services de la DIRECCTE. Il s’agit d’une contribution positive. (Sourires.)
Il est aujourd’hui possible de consulter en ligne les rescrits fiscaux. Pourquoi ne pas étendre cette possibilité aux rescrits sociaux, sachant que des garanties sont apportées ? Ces garanties sont l’anonymat au moment de la publication et le fait qu’un employeur ne pourra pas se prévaloir du rescrit concernant une autre entreprise.
La commission souhaite simplement remplacer dans l’amendement le mot « télématique » par le mot « électronique », qui semble plus large. Sous réserve de cette modification, la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je reconnais bien là le sénateur Desessard, toujours soucieux de transparence en matière numérique. Je pense notamment au guide de pilotage statistique pour l’emploi, le « GPS pour l’emploi », sur lequel il travaille conjointement avec les services de mon ministère.
Certes, la transparence est essentielle. Vous proposez, monsieur le sénateur, de rendre accessible l’intégralité des réponses, après anonymisation, sur le site du ministère. Cela suppose des moyens importants, d’autant que nous mettons déjà en place un nouveau service. Si chaque réponse apportée aux entreprises doit être précise et particulière, il sera compliqué de mettre de surcroît toutes les données en ligne.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. Nous créerons sur le site du ministère des espaces spécifiques consacrés aux TPE et aux PME qui recenseront les grandes questions, regroupées selon leur typologie. L’anonymisation sera assurée. On y trouvera également des réponses à des questions concrètes. Comment interpréter tel ou tel article du code du travail ? Comment comprendre tel autre article de la convention collective ?
Je m’engage à faire figurer le maximum d’informations sur ce site, mais je ne puis aujourd'hui m’engager à publier l’intégralité des réponses aux demandes formulées par les entreprises.
M. le président. Monsieur Desessard, que décidez-vous ?
M. Jean Desessard. Madame la ministre, je comprends parfaitement qu’il faille du temps à l’administration pour assurer la mise en place d’un tel service. Néanmoins, mieux vaut tenir que courir ! Je préfère donc maintenir mon amendement et le rectifier dans le sens suggéré par la commission.
M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 389 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le respect du secret professionnel et dans des conditions de nature à garantir l’anonymat des personnes concernées, l’autorité compétente assure la publicité des prises de position en les rendant accessibles au public gratuitement par voie électronique. Toutefois, l’employeur ne peut se prévaloir au sens de l’alinéa précédent, devant l’administration ou une juridiction, des prises de position qui ne font pas suite à sa demande personnelle.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Je comprends moi aussi qu’il y ait des délais de mise en œuvre. Une telle disposition s’inscrit néanmoins parfaitement dans la philosophie de l’article 7, qui prévoit un portail public pour les accords d’entreprise. Tout cela va dans le sens de la diffusion de l’information et de la transparence.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Qu’il n’y ait pas de confusion : je suis également pour la transparence. L’ensemble de ces questions doit pouvoir se retrouver sur le site du ministère. Toute la difficulté est d’y faire figurer l’intégralité des échanges de l’administration.
M. le président. L'amendement n° 390, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Après les mots :
l’autorité compétente,
insérer les mots :
fixe les conditions dans lesquelles sont associés aux travaux de l’autorité compétente les représentants des organisations syndicales et professionnelles, les chambres consulaires mentionnées à l'article L. 710-1 du code de commerce, à l'article L. 511-1 du code rural et de la pêche maritime et à l'article 5-1 du code de l'artisanat, les commissions paritaires interprofessionnelles mentionnées à l'article L. 23-111-1 du présent code, les conseils départementaux de l'accès au droit mentionnés à l'article 54 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et toute autre personne compétente,
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La commission des affaires sociales du Sénat a supprimé le service public territorial de l’accès au droit pour confier ses missions à une autorité compétente qui sera désignée par décret en Conseil d’État. Il s’agira vraisemblablement de la DIRECCTE. Or, contrairement au service public territorial de l’accès au droit, la DIRECCTE ne se verra pas associer différents partenaires et acteurs sociaux.
Compte tenu de la portée envisagée des prises de position, cette suppression est regrettable. Il est en effet préférable que différentes instances représentatives et qualifiées puissent y être associées. C’est d’abord un gage de légitimité et d’acceptabilité des décisions. C’est ensuite l’assurance que, au moins indirectement, les intérêts des salariés seront pris en compte au travers des organisations syndicales et des commissions paritaires interprofessionnelles. Ce point est crucial, puisque seul l’employeur sera à l’origine de la demande.
Voilà pourquoi nous vous proposons que le décret auquel la nouvelle rédaction renvoie reprenne l’énumération des partenaires associés, comme le prévoyait directement dans la loi le texte issu de l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Tout d’abord, cet amendement ne réintroduit pas la notion de service public territorial de l’accès au droit.
Ensuite, si le ministère veut associer aux travaux de la DIRECCTE les partenaires sociaux, les chambres consulaires et d’autres structures, il peut le faire par décret, sans qu’il soit nécessaire d’alourdir la loi.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage votre désir d’en revenir au texte issu de l’Assemblée nationale, monsieur Desessard. Néanmoins, nul besoin ici de prévoir un décret. Tout ce que vous souhaitez se trouve déjà intégré dans le texte initial. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
M. Jean Desessard. Il est retiré !
M. le président. L'amendement n° 390 est retiré.
L'amendement n° 365 rectifié ter, présenté par MM. Chasseing, Guerriau, Joyandet, D. Laurent, Cambon, Canevet, Mayet, César et Reichardt, Mme Lopez, MM. J.P. Fournier, G. Bailly et Mouiller, Mme Morhet-Richaud, MM. Delahaye et Laménie, Mme M. Mercier, MM. Magras, Grand, P. Dominati et Nougein, Mmes Deromedi et Canayer et M. L. Hervé, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 5143-… – Lorsque l’administration relève des irrégularités portant sur la législation relative au droit du travail dans les entreprises de moins de cinquante salariés, celle-ci privilégie en tout premier lieu un rappel à la réglementation plutôt que la sanction prévue, dès lors que l’employeur est de bonne foi. »
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Les très petites entreprises n’ont pas de service juridique permettant de vérifier toutes les dispositions du code du travail. Les chefs d’entreprise sont censés connaître l’intégralité de ce code, mais ça leur est tout de même très difficile. Souvent de bonne foi, ils peuvent enfreindre malgré eux de nombreuses règles.
À mon sens, ils doivent être aidés par l’administration. C’est pourquoi il me semble préférable de privilégier un rappel à la loi plutôt qu’une sanction.
Les TPE et les PME emploient des millions de salariés et constituent un gisement d’emplois important. Elles doivent donc être soutenues pour favoriser l’embauche.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Cet amendement repose sur un principe intéressant, mais difficilement applicable. Où commence et où se termine la bonne foi ? En outre, il pourrait remettre en cause le principe d’égalité devant la loi.
Le rescrit social constitue déjà une réponse intéressante à votre préoccupation. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Monsieur Chasseing, ce que vous proposez se pratique déjà. Les constats d’irrégularité émis par les agents de contrôle de l’inspection font avant tout l’objet de rappels à la loi et d’une demande de régularisation. Permettez-moi de vous citer quelques chiffres : il y a eu 220 800 interventions pour 11 214 sanctions et 131 000 lettres d’observation pour 55 000 enquêtes. Seulement 10 % des infractions donnent aujourd'hui lieu à des sanctions ou à des mesures coercitives parce que l’employeur ne s’est pas mis en conformité ou que les infractions sont particulièrement graves. Je pense notamment aux risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Par ailleurs, la France a ratifié la convention n° 81 de l’OIT, qui prévoit que les agents de contrôle de l’inspection du travail décident en toute indépendance de l’opportunité des suites à contrôle. L’amendement que vous proposez entre en contradiction avec cette convention.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 365 rectifié ter est retiré.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'article.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste votera contre cet article.
Au détour d’un amendement pouvant paraître purement juridique, la portée du texte a été complètement dénaturée. Nous sommes passés d’un droit à avoir une information précise dans un délai raisonnable de la part de l’administration à une sorte de rescrit social. C’est très grave ! Un employeur pourra ainsi rendre opposable la réponse de la DIRECCTE à toute administration, voire au juge. L’employeur en infraction avec le droit du travail sera prémuni contre toute sanction.
Sachez que nous ne sommes pas dupes de ce que vous avez fait !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. L’administration répond sur la réglementation, et non sur les faits. Le juge reste souverain pour apprécier les faits.
M. le président. Je mets aux voix l’article 28, modifié.
(L'article 28 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 28
M. le président. L’amendement n° 146, présenté par Mme Deromedi, M. Bouchet, Mme Cayeux, MM. Chasseing, Doligé, Frassa, Gremillet et Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Magras, Masclet, Morisset, Pellevat, Pillet, Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :
Après l'article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de la huitième partie du code du travail, il est inséré un article L. 8000-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 8001-1. – Il ne sera procédé à aucune sanction ou aggravation de sanction administrative antérieure si la cause de la sanction ou de son aggravation invoquée par l'administration est un différend sur l'interprétation par toute entreprise ou employeur de bonne foi du présent code et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.
« Lorsque l’entreprise ou l’employeur a appliqué une disposition du présent code selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut prononcer ni aggraver une sanction en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées portant sur des dispositions du présent code. »
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Notre amendement tend à instituer, au profit des entreprises, une garantie contre les changements d’interprétation formelle des dispositions du droit du travail par l’administration.
Mme Nicole Bricq. C’est une assurance tous risques !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Cet amendement, qui a déjà été repoussé en commission, est très largement satisfait par l’article 28. Nous en demandons donc le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Les cas que vous décrivez, monsieur le sénateur, sont déjà prévus par l’ordonnance du 7 avril 2016, certes particulièrement récente, relative au contrôle de l’application du droit du travail. Cette ordonnance institue notamment une procédure contradictoire permettant à l’employeur de faire valoir ses arguments, notamment celui selon lequel il aurait agi de bonne foi.
Introduire les dispositions que vous proposez ajouterait de la complexité et créerait peut-être des contentieux, ce que les employeurs ne souhaitent probablement pas.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à votre amendement.
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 146 est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 146 est retiré.
L’amendement n° 147, présenté par Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Chasseing, de Legge, Doligé, Frassa, Gremillet et Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Magras, Mandelli, Masclet, Morisset, Pellevat, Pillet, Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :
Après l'article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À titre expérimental, et pour une durée de deux ans après la promulgation de la présente loi, il est mis en place une procédure de rescrit social dans les conditions prévues ci-après.
II. – L’autorité administrative est tenue de se prononcer sur toute demande d'une personne physique ou morale ayant pour objet de connaître l'application, à sa situation, de dispositions du code du travail pouvant donner lieu à une décision administrative lui notifiant une sanction, ou pouvant avoir pour conséquence directe une telle sanction.
Sont compétents pour délivrer un rescrit social les inspecteurs du travail visés au premier alinéa de l’article L. 8112-1 du code du travail et la direction régionale chargée des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
La demande ne peut pas être formulée lorsqu'un contrôle a été engagé.
III. – La décision explicite doit intervenir dans un délai fixé par décret en Conseil d'État.
En l’absence de décision explicite dans le délai précité, aucune sanction administrative, fondée sur les dispositions au regard desquelles devait être appréciée la situation de fait exposée dans la demande, ne peut être notifiée au demandeur.
Le décret prévu au premier alinéa du présent III prévoit également les cas et conditions dans lesquels les demandes qu'il détermine peuvent faire l'objet de décisions d'acceptation implicite.
IV. – La décision ne s'applique qu'au seul demandeur. Elle est opposable à l'autorité qui l'a prononcée, tant que la situation de fait exposée dans la demande ou les dispositions au regard desquelles la situation du demandeur a été appréciée n'ont pas été modifiées.
V. – Dans les six mois qui précèdent l'expiration du délai mentionné au I, le ministre chargé du travail transmet au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation conduite en application du présent article.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Le rescrit social existe dans certains domaines – les exonérations de cotisations sociales, par exemple –, mais il ne couvre pas l’ensemble des sujets abordés par le code du travail. Or, compte tenu de sa complexité, les litiges sont de plus en plus importants. Il faut garantir aux PME la sécurité des informations qui leur sont délivrées.
L’ordonnance du 10 décembre 2015, que l’article 31 du projet de loi prévoit de ratifier, crée un mécanisme de rescrit social sur deux autres sujets : le respect de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, d’une part, et l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, d’autre part.
Notre amendement va au-delà : il vise à étendre le rescrit social à titre expérimental à l’ensemble des dispositions relevant du code du travail. Un employeur pourra donc interroger l’administration sur un point précis d’une disposition du code du travail, qui, souvent, est difficilement interprétable.
Cet amendement renforcera, par ailleurs, la mission de conseil de l’inspection du travail, facilitant ainsi les relations entre elle et les employeurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. L’avis est défavorable, pour les raisons déjà données sur l’amendement précédent : il est largement satisfait par l’article 28.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis est défavorable, par cohérence, puisque j’étais opposée à l’article 28.
M. Daniel Chasseing. La punition étant la même, je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 147 est retiré.
Article 28 bis AA (nouveau)
Le premier alinéa de l’article L. 8112-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils fournissent des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux salariés sur les moyens les plus efficaces d’observer ces dispositions et stipulations. » – (Adopté.)
Article 28 bis A
Le deuxième alinéa du III de l’article L. 911-7-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« En l’absence d’accord de branche relatif à la couverture mentionnée au I de l’article L. 911-7 ou lorsque celui-ci le permet, l’employeur peut, par décision unilatérale, mettre en place les dispositions mentionnées au premier alinéa du présent III. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 28 bis A
M. le président. L’amendement n° 602 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 28 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du III de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale les mots : « au minimum la moitié du » sont remplacés par les mots « intégralement le ».
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement trouvera mieux sa place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En attendant, nous le retirons ; nous le redéposerons lors de l’examen de ce texte.
M. le président. L’amendement n° 602 rectifié est retiré.
L’amendement n° 130 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati, Commeinhes, Magras, Houel, Cambon, Vasselle, Longuet et Doligé, Mme Duranton, M. Laménie, Mme Deromedi, M. Joyandet, Mme Lopez, MM. Karoutchi, G. Bailly, Husson, J.P. Fournier, Pointereau, Poniatowski, Masclet et Rapin et Mme Primas, est ainsi libellé :
Après l'article 28 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Hormis les cas de congé de longue maladie, de congé de longue durée ou si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, les agents publics civils et militaires en congé de maladie, ainsi que les salariés dont l’indemnisation du congé de maladie n’est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale, ne perçoivent pas leur rémunération au titre des trois premiers jours de ce congé.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement a pour objet d’instaurer de nouveau trois jours de carence pour les agents de la fonction publique en arrêt maladie.
Je ne ferai pas un long développement à cette heure tardive ; je rappellerai seulement quelques chiffres, notamment le différentiel entre le secteur privé et le secteur public en la matière : dix jours d’un côté, quinze jours de l’autre.
Le coût pour l’État de la suppression des trois jours de carence est de 1,5 milliard d’euros ; ce montant serait même de 2,5 milliards d’euros selon une autre grille de calcul. En fonction du remboursement des quinze premiers jours d’arrêt, il peut s’élever jusqu’à 3,5 milliards d’euros.
Ce différentiel apparaît clairement dans le bilan Dexia.
L’absentéisme est très fort dans les collectivités territoriales, ainsi que dans la fonction publique hospitalière. Lorsqu’il y a un congé maladie de courte durée à l’hôpital, c’est tout le service qui s’en ressent et le malade qui est fortement pénalisé.
Je pourrais citer le bilan social d’EDF ou de Renault. Pourquoi l’absentéisme des enseignants est-il trois fois plus important que celui des travailleurs de Renault ? Cela ne peut qu’interpeller la puissance publique.
Les exemples sont nombreux. Le dernier rapport de la Cour des comptes fait état de l’absentéisme au ministère de la justice, dont les proportions dans certains secteurs sont phénoménales, bien plus importantes que dans l’enseignement supérieur, par exemple.
Cet amendement que je viens de présenter succinctement, vous le connaissez. Nous vous proposons de l’adopter à l’occasion de ce débat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Cet amendement a déjà été adopté à plusieurs reprises par le Sénat. Il n’y a pas lieu de revenir sur les motivations qui le sous-tendent, et que l’on peut partager. Il fait cependant figure de cavalier puisque le présent texte ne traite pas de la fonction publique.
J’en demande donc le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable, tant sur la forme que sur le fond.
M. le président. Monsieur Dominati, l’amendement n° 130 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Non, je le retire. Nous y reviendrons lors de la discussion budgétaire.
M. le président. L’amendement n° 130 rectifié bis est retiré.
Article 29
La section 2 du chapitre II du titre III du livre II de la deuxième partie du code du travail est complétée par un article L. 2232-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-10-1. – Un accord de branche comporte, le cas échéant sous forme d’accord type indiquant les différents choix laissés à l’employeur, des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés.
« Ces stipulations spécifiques peuvent porter sur l’ensemble des négociations prévues par le présent code.
« L’employeur peut appliquer cet accord type au moyen d’un document unilatéral indiquant les choix qu’il a retenus après en avoir informé les salariés par tous moyens. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 391, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les entreprises de onze à cinquante salariés, l’employeur peut appliquer cet accord type après signature par des délégués du personnel ou des salariés mandatés.
« Dans les entreprises de moins de onze salariés, l’employeur peut appliquer cet accord type au moyen d’un document unilatéral indiquant les choix qu’il a retenus après en avoir informé les salariés ainsi que la commission paritaire régionale de branche ou, à défaut, la commission paritaire régionale interprofessionnelle. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L’article 29 prévoit que l’employeur peut appliquer unilatéralement sous forme d’accords types les dispositions spécifiques aux entreprises de moins de cinquante salariés prévues dans les accords de branche. Cette disposition n’opère pas de distinction entre les entreprises de moins de onze salariés et celles de onze à cinquante salariés. Or seules les secondes disposent de délégués du personnel. Il importe donc que ces délégués ou, à défaut, les salariés mandatés soient consultés et signent cet accord.
Plutôt que la formule vague proposée dans le texte, nous proposons deux alinéas, l’un applicable aux entreprises de onze à cinquante salariés, l’autre à celles de moins de onze salariés.
M. le président. L’amendement n° 1039, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
en avoir informé les
par les mots :
communication au délégué du personnel, s'il existe, et information des
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Cet amendement s’inspire de l’amendement n° 391 de notre collègue Jean Desessard. Il vise à obliger l’employeur à informer le délégué du personnel, lorsqu’il y en a un, sur les choix qu’il a retenus dans l’application de l’accord type, puis l’ensemble des salariés. De cette façon, les délégués du personnel bénéficieront d’une information prioritaire dans la perspective de la conclusion d’un accord d’entreprise sous forme d’accord type de branche.
M. le président. L’amendement n° 720, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
dans le respect de l’équilibre de chacune des options définies par l’accord de branche, sans pouvoir retrancher de dispositions ni opérer de combinaisons non prévues entre les différentes options
II. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur communique ce document unilatéral, préalablement à son application, d’une part, aux salariés concernés et, d’autre part, à la commission paritaire régionale de branche ou, à défaut, à la commission paritaire régionale interprofessionnelle. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement n’est pas sans conséquence pour les entreprises de moins de cinquante salariés. On le sait, les TPE et les PME sont à l’origine d’une très grande partie de la vitalité économique de notre pays. Or, paradoxalement, les modalités de la négociation collective ne sont pas réellement adaptées à ces entreprises de petite taille, puisque, jusqu’à récemment, la représentation des salariés dans les établissements de moins de onze salariés n’était pas obligatoire. L’absence de volonté patronale peut, bien évidemment, expliquer cette non-représentation ; chacun connaît ici le débat sur les seuils sociaux.
Nous tenons ici à saluer, comme nous l’avions fait l’an dernier, le fait que la loi Rebsamen ait permis de mettre fin à cette non-représentation grâce à la création de commissions paritaires interprofessionnelles au niveau de chaque région pour les établissements de moins de onze salariés. Au-delà du fait que nous avions proposé d’élargir et de renforcer les prérogatives de ces instances, nous regrettons de voir que, dans cet article 29, elles sont totalement inexistantes.
D’un côté, vous entendez améliorer la représentation des salariés au sein des TPE-PME et, de l’autre, vous accordez plus de place et de pouvoir de décision aux organisations patronales.
Je m’explique : les trois alinéas qui composent cet article indiquent qu’un accord de branche pourra comporter, sous forme d’accord type, les différents choix laissés à l’employeur ainsi que des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés. Il est ensuite précisé que l’employeur peut appliquer cet accord type au moyen d’un document unilatéral indiquant les choix qu’il a retenus après en avoir informé les salariés par tous moyens.
Deux choses nous gênent, et même nous choquent, dans cette conception du dialogue social : elle est très verticale, voire binaire, et exclut les salariés.
Nous proposons, avec notre amendement, de mettre des garde-fous, d’une part, en introduisant les commissions paritaires régionales interprofessionnelles et, d’autre part, en précisant que le document en question est bel et bien communiqué en amont de son application aux salariés concernés. Cela paraît être la base du dialogue social. Ces règles éviteraient également les situations disparates, au gré des entreprises, et préviendraient les lacunes telles que l’absence de concertation, de négociation et, par extension, de droit des salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Bien que la commission se soit inspirée de l’amendement n° 391 de M. Desessard pour améliorer le texte, compte tenu de sa rédaction, nous en demandons le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 720 comprend deux parties.
La première correspond à l’esprit de l’article 29. Les partenaires sociaux pourraient proposer trois versions possibles d’un accord type sur le temps de travail. L’employeur devra choisir l’une des trois versions sans pour autant les mixer et créer un accord type nouveau propre à son entreprise – il s’agit ainsi de respecter l’intégrité des accords types –, sauf si l’accord de branche prévoit explicitement que l’employeur peut utiliser plusieurs options sur le même sujet.
Sur cette première partie, l’avis est donc favorable.
La seconde partie de l’amendement a été rejetée en commission. Le Gouvernement n’avait d’ailleurs par retenu cette proposition à l’Assemblée nationale, au motif que la consultation de la commission paritaire régionale de branche ou, à défaut, de la commission paritaire régionale interprofessionnelle serait une source de lourdeur, dans la mesure où il y aurait d’ores et déjà sur le sujet un accord de branche.
Sur cette seconde partie, l’avis est donc défavorable.
Dès lors, monsieur le président, je demande un vote par division sur l’amendement, dont le I recueille un avis favorable, et le II un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’article 29 est important, car il permet d’ouvrir un espace de négociation, notamment pour les plus petites entreprises, au travers de ces accords types de branche préconisés dans le rapport de Jean-Denis Combrexelle. On peut ainsi imaginer, à l’issue d’une négociation au niveau de la branche, un accord « à trous » prévoyant un forfait jours de 212 à 218 jours. Cette proposition, une fois soumise à l’employeur, serait ensuite précisée. Il s’agit donc de permettre la négociation au niveau de la branche des assouplissements en matière de temps de travail, afin que ceux-ci soient applicables directement au niveau des petites entreprises.
J’en viens à l’amendement n° 391.
Nous savons que la représentation du personnel est très faible dans les TPE et les PME. Selon les chiffres de la DARES, près de 40 % des entreprises de onze à quarante-neuf salariés ne disposaient d’aucun représentant du personnel en 2012. Ce pourcentage s’élevait à 78 % pour les entreprises de dix à dix-neuf salariés et à 49 % pour celles de vingt à vingt-neuf salariés.
Cet amendement aurait pour effet d’empêcher l’application des accords types de branche dans les entreprises de onze à cinquante salariés n’ayant pas de délégué du personnel, dès lors qu’aucun salarié n’aurait été mandaté par une organisation syndicale. Or les entreprises dans lesquelles il n’y a pas de représentation du personnel doivent pouvoir appliquer les accords types spécifiques aux PME et les TPE proposés par la branche.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement.
S’agissant de l’amendement n° 1039 de la commission, j’en partage l’objectif. Il est tout à fait légitime que les accords types soient communiqués aux délégués du personnel. C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article L. 2262-5 du code du travail, qui donne la possibilité aux branches de définir les conditions de cette communication ; à défaut, l’employeur doit en remettre un exemplaire aux délégués du personnel. Je pense que cette précision s’impose.
L’amendement n° 720, M. le rapporteur l’a dit, ajoute de la complexité et de la lourdeur au texte sans que cela soit nécessaire. En effet, si l’employeur opère des combinaisons non prévues par l’accord de branche, il méconnaît alors ses dispositions et ne pourra pas se prévaloir de cet accord. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 391 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je ne comprends pas la première phrase de votre argumentaire, madame la ministre. Vous dites que la négociation au niveau de la branche permettra aux entreprises de bénéficier d’accords types et que cela renforcera la démocratie sociale. Or, dans la rédaction actuelle du projet de loi, c’est l’employeur qui fait des choix, dont il informe simplement les salariés. Ils auraient été informés de toute façon, à un moment ou à un autre… Je ne vois donc pas où est la négociation au niveau de l’entreprise.
Il en va autrement avec notre amendement. Je le rappelle, nous proposons, pour les entreprises de onze à cinquante salariés, la signature de l’accord type par les délégués du personnel ou, s’il n’y en a pas, par des salariés mandatés. Pour les entreprises de moins de onze salariés, nous souhaitons, comme nos collègues du groupe CRC avec l’amendement n° 720, que soient informés les salariés, ainsi que la commission paritaire régionale de branche ou, à défaut, la commission paritaire régionale interprofessionnelle.
Dans ces deux catégories d’entreprises, il s’agit de permettre aux salariés ou à leurs représentants de donner leur avis.
Par ailleurs, je me félicite que cet amendement ait inspiré le rapporteur. Je le maintiens donc.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. La négociation au niveau de la branche associe des représentants syndicaux et patronaux. On fait souvent le reproche à certaines branches de passer des accords pour les grands groupes. L’objectif du Gouvernement – le rapport de Jean-Denis Combrexelle va dans ce sens – est d’inciter les branches professionnelles à intégrer, dans la négociation, les situations des petites et moyennes entreprises.
L’article 2 ayant été voté, il sera toujours possible de négocier au sein de l’entreprise. Avec les accords types de branche, il s’agit de forcer les partenaires sociaux à conclure, au niveau de la branche, des accords qui puissent s’appliquer directement dans les petites entreprises. C’est la facilité que permet l’article 29.
Il ne faut pas oublier non plus les nombreuses dispositions du code du travail qui permettent aux petites entreprises de passer des accords.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 720.
Mme Annie David. Nous souhaitons accéder à la demande de M. le rapporteur en supprimant le II de cet amendement, afin qu’il recueille l’avis favorable de la commission.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 720 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
dans le respect de l’équilibre de chacune des options définies par l’accord de branche, sans pouvoir retrancher de dispositions ni opérer de combinaisons non prévues entre les différentes options
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Je vous remercie, ma chère collègue, de faire preuve de souplesse. Je soutiens que la précision que vous apportez peut être utile.
Je considère en effet, et nous avons travaillé en ce sens en commission, que les accords types élaborés au niveau d’une branche sont un compromis intelligent. Il me faut flatter le Gouvernement sur ce point : cette disposition est l’une des plus pertinentes de ce projet de loi. Je souhaite vivement que les partenaires sociaux l’utilisent.
C’est un très bon compromis, encore une fois, entre l’accord d’entreprise et l’accord de branche. Il est d’ailleurs possible que davantage d’accords d’entreprise soient passés au travers de ce dispositif que de façon directe.
M. le président. Mes chers collègues, il est vingt-trois heures cinquante-cinq. Je vous propose de prolonger nos travaux au moins jusqu’à zéro heure quarante-cinq. Cela nous permettra peut-être de rentrer dans nos départements vendredi soir ou, à tout le moins, durant la nuit de vendredi à samedi. (Sourires.)
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Article 29 bis A
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 722, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
« I. – Le livre III de la deuxième partie du code du travail est complété par un titre XII ainsi rédigé :
« TITRE XII
« INSTANCE DE DIALOGUE DU RÉSEAU DE FRANCHISE
« CHAPITRE IER
« Mise en place et composition
« Section 1
« Ordre public
« Art. L. 23-121-1. – Le présent titre est applicable aux réseaux de franchise.
« Art. L. 23-121-2. – Dès lors qu’un réseau de franchise compte au moins cinquante salariés dans les franchisés et qu’il est reconnu soit dans le cadre du protocole d’accord prévu à l’article L. 23-121-5, soit par décision du tribunal d’instance, le franchiseur a la charge de la mise en place d’une instance de dialogue dans les conditions prévues au présent titre.
« Art. L. 23-121-3. – Sur demande d’au moins une entreprise du réseau ou d’une organisation syndicale représentative au sein de la branche ou ayant constitué une section syndicale au sein d’une entreprise du réseau, le franchiseur doit procéder, au plus tard dans les quinze jours, à la convocation de la négociation du protocole d’accord prévu à l’article L. 23-121-6.
« En l’absence d’ouverture de négociation dans le délai de quinze jours ou en l’absence de conclusion d’un tel accord dans un délai de trois mois, l’organisation syndicale mentionnée au premier alinéa du présent article ou l’entreprise la plus diligente saisit le tribunal d’instance, qui statue sur la reconnaissance et le périmètre des entreprises du réseau. Il fixe également les modalités d’organisation des élections des représentants des salariés à l’instance de dialogue.
« Le tribunal d’instance compétent est celui du siège du franchiseur.
« Art. L. 23-121-4. – L’instance de dialogue comprend des représentants des salariés élus, un représentant des franchisés, assisté éventuellement d’un collaborateur ayant voix consultative, et est présidée par un représentant du franchiseur, assisté éventuellement d’un collaborateur qui a voix consultative.
« Jusqu’à 999 salariés, au moins un siège est réservé aux salariés élus au sein du franchiseur. Au-delà de 999 salariés, ce nombre est porté à deux sièges.
« Art. L. 23-121-5. – L’invitation à la négociation du protocole préélectoral a lieu dans les conditions prévues à l’article L. 2324-4 du code du travail, adaptées au niveau de l’ensemble des entreprises du réseau de franchise.
« Art. L. 23-121-6. – La validité du protocole est subordonnée à sa signature, d’une part, par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation et par les organisations syndicales représentant plus de 50 % des suffrages au niveau de la branche et, d’autre part, par le franchiseur, enfin par des franchisés qui comptent au moins 50 % des salariés du réseau ou constituent plus de la moitié des franchisés du réseau.
« Les modalités d’élections des membres représentant les salariés sont identiques à celles applicables au comité d’entreprise prévues à la section 2 du chapitre IV du titre II du présent livre III et appréciées au niveau de l’ensemble des entreprises du réseau.
« Section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 23-121-7. – Le protocole d’accord mentionné à l’article L. 23-121-6 reconnaît le réseau de franchise et identifie franchiseur et franchisés. Il fixe les modalités d’organisation des élections.
« Il peut également prévoir la composition de l’instance, qui ne peut comprendre moins de cinq membres pour les représentants des salariés, la durée des mandats comprise entre deux et quatre ans, le nombre de réunions annuelles, qui ne peut être inférieur à quatre, ainsi que des missions supplémentaires pour l’instance.
« Section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 23-121-8. – À défaut du protocole d’accord prévu à l’article L. 23-121-6, le nombre de représentants des salariés à l’instance de dialogue est fixé comme suit :
« 1° De 50 à 299 salariés : cinq titulaires et cinq suppléants ;
« 2° De 300 à 999 salariés : sept titulaires et sept suppléants ;
« 3° De 1 000 à 2 999 salariés : neuf titulaires et neuf suppléants ;
« 4° Un titulaire et un suppléant supplémentaires par tranche de 2 000 salariés.
« Art. L 23-121-9. – À défaut du protocole d’accord prévu à l’article L. 23-121-6, la durée des mandats des membres de l’instance de dialogue est fixée à quatre ans.
« CHAPITRE II
« Fonctionnement
« Art. L. 23-122-1. – Les salariés élus membres de l’instance mentionnée à l’article L. 23-121-2 bénéficient du temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions. Ce temps ne peut être inférieur à vingt heures par mois.
« Le temps de trajet pour se rendre aux réunions de l’instance et les temps de réunion ne sont pas imputés sur le crédit d’heures prévu au premier alinéa du présent article.
« Les membres de l’instance sont dotés des moyens matériels ou financiers nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. Les dépenses de fonctionnement de l’instance et d’organisation des réunions ainsi que les frais de séjour et de déplacement sont supportés par le franchiseur.
« Art. L. 23-122-2. – Lors de la première réunion de l’instance de dialogue, il est procédé à la fixation des modalités de fonctionnement de l’instance, dans le cadre d’un règlement intérieur prévoyant notamment les modalités de convocation des membres et de fixation de l’ordre du jour et la désignation d’un secrétaire.
« Art. L. 23-122-3. – L’instance de dialogue se réunit au minimum quatre fois par an.
« Elle doit également se réunir de façon exceptionnelle à la demande de la majorité des membres représentant les salariés.
« CHAPITRE III
« Attributions
« Art. L. 23-123-1. – L’instance de dialogue est informée trimestriellement sur l’activité, la situation économique et financière, l’évolution et les prévisions d’emploi annuelles ou pluriannuelles et les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces prévisions, la politique sociale et les conditions de travail de l’ensemble du réseau.
« Art. L. 23-123-2. – L’instance de dialogue est informée des décisions concernant l’organisation, la gestion et la marche générale du réseau de franchise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle.
« Elle est aussi informée des entreprises entrant dans le réseau et sortant du réseau.
« L’instance formule, à son initiative, et examine, à la demande du franchiseur ou de représentants des franchisés, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l’ensemble du réseau ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 911-2 du code de la sécurité sociale.
« Art. L. 23-123-3. – L’instance de dialogue peut mettre en place des activités sociales et culturelles, dont elle assure la gestion, pour l’ensemble des salariés du réseau de franchise. À ce titre, les entreprises du réseau peuvent attribuer à l’instance un budget pour ces activités sociales et culturelles.
« Art. L. 23-123-4. – Les entreprises du réseau informent régulièrement l’instance de dialogue des emplois disponibles en leur sein. L’instance met en place une information pour les salariés du réseau.
« Art. L. 23-123-5. – Lorsque le franchiseur ou un franchisé du réseau envisage de licencier pour motif économique, son obligation de reclassement s’exécute également dans le cadre du réseau. »
II. – Le chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du même code est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Mesure de l’audience des organisations syndicales dans les réseaux de franchise
« Art. L. 2122-14. – Dans les réseaux de franchise, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères prévus à l’article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections de l’instance de dialogue prévue à l’article L. 23-121-2, quel que soit le nombre de votants. »
III. – Le chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code du travail est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Délégué syndical au sein d’un réseau de franchise
« Art. L. 2143-24. – Chaque organisation syndicale représentative dans un réseau de franchise d’au moins cinquante salariés peut désigner un délégué syndical pour la représenter auprès des employeurs du réseau. Un deuxième délégué syndical peut être désigné dans les réseaux de plus de mille salariés.
« Art. L. 2143-25. – Le délégué syndical du réseau prévu à l’article L. 2143-24 relève de l’ensemble des dispositions applicables aux délégués syndicaux prévues au présent chapitre, appréciées au niveau de l’ensemble du réseau. La liberté de circulation prévue à l’article L. 2143-20 s’exerce dans l’ensemble des entreprises du réseau. »
IV. – Le chapitre II du titre III du livre II de la deuxième partie du même code est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Conventions et accords au sein du réseau de franchise
« Art. L. 2232-40. – La convention ou l’accord de réseau de franchise est négocié entre le franchiseur, les franchisés, individuellement ou regroupés, qui comptent au moins 10 % des salariés du réseau et les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives dans le réseau en application de l’article L. 2122-14.
« Art. L. 2232-41. – Pour être valable, un accord doit être conclu par le franchiseur, des représentants des franchisés, individuellement ou regroupés, qui comptent au moins 50 % des salariés du réseau ou plus de la moitié des franchisés du réseau et, selon les dispositions prévues à l’article L. 2232-12, par des organisations syndicales représentatives appréciées selon l’audience recueillie au niveau de l’ensemble du réseau.
« Art. L. 2232-42. – La convention ou l’accord de réseau ne peut comporter de stipulations dérogatoires à celles applicables en application de conventions de branche ou d’accords professionnels dont relèvent les entreprises et les établissements appartenant à ce réseau, sauf stipulation expresse de ces conventions de branche ou accords professionnels. »
V – Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° L’article L. 2411-1 est complété par un 21° ainsi rédigé :
« 21° Membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2. » ;
2° Est ajoutée une section 16 ainsi rédigée :
« Section 16
« Licenciement d’un salarié membre de l’instance de dialogue
« Art. L. 2411-26. – Le licenciement du salarié membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2 ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.
« Cette autorisation est également requise pour le licenciement du salarié ayant siégé dans cette instance de dialogue, pendant une durée de six mois à compter de l’expiration de son mandat. Cette autorisation est également requise dès que l’employeur a connaissance de l’imminence de la candidature. »
VI. – Le chapitre II du même titre Ier est ainsi modifié :
1° L’article L. 2412-1 est complété par un 17° ainsi rédigé :
« 17° Membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2. » ;
2° Est ajoutée une section 17 ainsi rédigée :
« Section 17
« Membre de l’instance de dialogue
« Art. L. 2412-17. – La rupture du contrat de travail à durée déterminée d’un salarié membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2 avant son terme en raison d’une faute grave ou de l’inaptitude constatée par le médecin du travail, ou à l’arrivée du terme lorsque l’employeur n’envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.
« Cette procédure s’applique également pendant une durée de six mois à compter de l’expiration du mandat du salarié ayant siégé dans cette instance. »
VII. – Le titre II du livre IV de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° L’article L. 2421-2 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2. » ;
2° L’article L. 2422-1 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Membre ou ancien membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2. »
VIII. – Le titre III du même livre IV est complété par un chapitre XI ainsi rédigé :
« CHAPITRE XI
« Membre d’une instance de dialogue
« Art. L. 243-11-1. – Le fait de rompre le contrat de travail d’un salarié membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2, ou d’un ancien membre, en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d’autorisation administrative prévue au présent livre est puni de la peine prévue à l’article L. 2432-1. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement tend à rétablir l’article 29 bis A, qui vise utilement à mettre en place une instance de dialogue social unique au sein des réseaux de franchise, commune aux franchisés et aux franchiseurs. Pourtant, la majorité sénatoriale a voté en commission sa suppression, arguant de difficultés de mise en œuvre.
Cet article va en effet plus loin que la simple mise en place d’une instance représentative du personnel des franchisés au sein d’un réseau de franchise. Il fait du réseau de franchise une entité économique uniforme, assimilable à un groupe ; il fait donc porter sur lui plusieurs responsabilités économiques et sociales. Il prévoit ainsi que s’applique au franchiseur ou à un franchisé l’obligation de reclassement en cas de licenciement pour motif économique, avec pour périmètre l’ensemble du réseau de franchise.
Aux termes de l’article L. 1233-4 du code du travail, un licenciement économique ne peut avoir lieu que si le salarié concerné n’a pu être reclassé dans les « emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie ».
Nous sommes, pour notre part, très favorables au rétablissement de cet article, qui, s’il n’est pas parfait, a le mérite de poser la question de la responsabilité sociale des franchiseurs et de renforcer les droits des salariés. Rappelons que le système de franchise est parfois utilisé pour contourner les obligations sociales qui incombent aux employeurs. Il est donc temps de réguler ces réseaux pour garantir aux salariés leurs droits légitimes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Vos amendements se suivent, monsieur Watrin, mais non les avis de la commission…
Nous avons consulté les acteurs concernés. Le dispositif prévu à l’article 29 bis A était, selon eux, totalement hors sol, allant dans le sens de la complexification de la loi.
Il n’y a pas de subordination entre le franchiseur et les salariés des franchisés. Or vous souhaitez que le reclassement se fasse prioritairement au sein du réseau de franchise, donc d’une autre entité juridique. Il est impossible d’imposer ce type de reclassement.
Je rappelle que cet article touchait une population importante d’entreprises de tailles diverses, certaines moyennes, d’autres plus grandes, et de nombreux commerçants indépendants. Ces entreprises sont aujourd’hui régies par les règles du code du travail relatives à leur branche d’activité et en fonction de leur taille.
Par ailleurs, l’introduction au dernier moment par voie d’amendement – par l’Assemblée nationale, non par le Gouvernement – d’un tel dispositif, aberrant en termes tant économiques que sociaux, me semble tout à fait inopportune.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cet article n’a pas été débattu en séance à l'Assemblée nationale, mais il soulève une véritable question. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité retenir l’amendement du député Robillard. J’avais clairement indiqué dès le départ que cet amendement devait évoluer, car il pose de nombreuses difficultés.
M. le rapporteur a raison de souligner que, tel qu’il est rédigé, cet article n’est pas satisfaisant. Néanmoins, mon avis sera favorable sur l’amendement n° 722. Cela étant, je le dis clairement ici, mes services ont entamé une concertation avec l’ensemble des fédérations concernées, qui n’est pas achevée, car la question est particulièrement difficile. Si j’émets un avis favorable, c'est pour garder le sujet ouvert. En toute honnêteté, je vous indique que j’en proposerai la modification à l’Assemblée nationale pour tenir compte de la concertation engagée.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Lamure. C’est une erreur d’assimiler la franchise à un réseau unifié. Les franchisés sont totalement indépendants, y compris économiquement. Chacun d’entre eux est d’ailleurs soumis au code du travail, qu’il emploie un ou cinquante salariés.
Le dispositif prévu dans cet amendement créerait de nouvelles difficultés pour les entrepreneurs et serait dissuasif pour ceux qui voudraient se lancer dans l’aventure de la franchise. Or c'est une aventure plutôt réussie, puisque le réseau des franchisés français est le premier en Europe et qu’il emploie 350 000 personnes.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, je vous remercie de votre avis favorable. Il faut que l’amendement soit voté pour être ensuite amélioré par des propositions que vous ferez probablement en seconde lecture à l’Assemblée nationale et que nous étudierons par la suite.
J’encourage mes collègues à adopter cet amendement pour qu’une suite effective soit donnée à nos propositions, qui, vous l’avez dit, sont tout à fait utiles, mais méritent d’être affinées.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Il est peut-être utile de rappeler que la franchise est un contrat de droit commercial. J’ai écouté les débats sur la plateforme Uber. Nous sommes dans un cas similaire : c'est du droit commercial, et pas du droit social. Depuis bientôt deux semaines, il y a une véritable confusion de tous les côtés entre droit pénal et droit du travail, et maintenant entre droit commercial et droit du travail.
Honnêtement, j’ai vraiment du mal à suivre. Le droit du travail, c’est le droit du travail ! Il ne faut pas tout mélanger, sinon cela devient illisible et incompréhensible. Surtout, cela va faire peur au monde de l’entreprise, qui va regarder notre pays comme un endroit de la planète où l’on ne comprend plus rien et où tout se mélange.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Dans ces franchises, il y a des salariés ! Peut-être que les franchises relèvent du droit commercial, mais y mettre un peu de droit du travail ne peut être que positif pour eux.
M. le président. En conséquence, l’article 29 bis A demeure supprimé.
Article 29 bis
I et II. – (Supprimés)
III. – Après l’article 39 octies F du code général des impôts, il est inséré un article 39 octies G ainsi rédigé :
« Art. 39 octies G. – I. – Les entreprises de moins de cinquante salariés soumises à un régime réel d’imposition peuvent pratiquer une déduction destinée à être utilisée pour le règlement des éventuelles indemnités prévues au second alinéa de l’article L. 1235-3 du code du travail se rapportant aux salariés employés par un contrat à durée indéterminée.
« II. – La déduction est plafonnée, par exercice de douze mois, à la fois au montant mensuel des rémunérations, définies à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, versées aux salariés mentionnés au I du présent article et au montant du bénéfice de l’exercice. Elle ne peut être opérée qu’une fois par salarié.
« III. – La déduction est subordonnée au respect de la condition suivante : dans les six mois de la clôture de l’exercice et au plus tard à la date de dépôt de déclaration des résultats se rapportant à l’exercice au titre duquel la déduction est pratiquée, l’entreprise inscrit à un compte d’affectation ouvert auprès d’un établissement de crédit une somme égale au montant de la déduction. Le compte ouvert auprès d’un établissement de crédit est un compte courant qui retrace exclusivement les opérations définies au présent article. L’épargne professionnelle ainsi constituée doit être inscrite à l’actif du bilan de l’entreprise dans le cas où celle-ci est tenue d’établir un tel document comptable.
« IV. – Les sommes déduites sont rapportées au résultat de l’exercice au cours duquel leur utilisation est intervenue pour le règlement des indemnités prévues au second alinéa de l’article L. 1235-3 du code du travail et à concurrence de ces indemnités, ou de l’exercice au cours duquel est ouverte une procédure de redressement judiciaire, au sens de l’article L. 631-1 du code de commerce.
« Lorsque ces sommes sont prélevées dans des cas autres que celui mentionné au I du présent article, elles sont rapportées au résultat de l’exercice au cours duquel cette utilisation a été effectuée et majorées d’un montant égal au produit de ces sommes et intérêts par le taux de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du présent code.
« Le bénéfice de la déduction est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis. »
IV. – Le III s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017.
V. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret.
VI (nouveau). – La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à la taxe sur la valeur ajoutée mentionné à l'article 278 du code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L’amendement entend supprimer cet article, qui autorise les entreprises de moins de cinquante salariés à déduire de leurs résultats, et donc de leur base fiscale, une provision pour risque lié à un contentieux prud’homal, quand bien même aucune procédure n’est effectivement engagée.
Fondée sur une crainte d’éventuelles indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à devoir régler dans le futur, et non sur un risque réel et véritable, la création de cette provision constitue un artifice comptable, permettant un lissage facilité des résultats dans le temps qui n’a pas lieu d’être.
La loi Macron prévoyait le plafonnement des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à des niveaux bien inférieurs aux six mois de salaire prévus, selon le double critère de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise. Cette disposition de la loi du 6 août 2015 a été censurée par le Conseil constitutionnel, car, sur les deux critères retenus, seul celui de l’ancienneté dans l’entreprise présentait un lien avec le préjudice subi par le salarié. Le Conseil a donc retoqué l’article 266 pour méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
L’avant-projet de loi Travail réintroduit la barémisation, mais cette fois sur le seul critère de l’ancienneté. Il est pourtant évident que chaque licenciement est différent et que le préjudice en résultant ne peut être uniformisé. Le secteur d’activité, l’emploi occupé, la qualification, l’âge, la situation de famille du salarié sont autant de facteurs qui sont susceptibles de faire varier le préjudice en cas de licenciement. Indépendamment du montant des indemnités, tiré vers le bas, leur plafonnement sur la seule base de l’ancienneté aboutit à fondre l’appréciation de la situation du salarié dans une considération totalement réductrice. Il s’agit de donner satisfaction aux employeurs, qui sont déjà en mesure de prévoir et de provisionner le coût maximum d’un licenciement justifié, mais qui réclament de longue date les mêmes facilités pour un licenciement abusif.
Nous sommes radicalement opposés au provisionnement des entreprises, dont le seul objectif est de faciliter les licenciements sans cause réelle et sérieuse des salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Ce dispositif est en effet relativement atypique. Il ne faut pas le confondre avec les règles concernant les provisions, qui, elles, sont basées sur l’engagement d’un contentieux. Il s’agit simplement d’une déduction et, si j’ai bien compris, c’est une épargne de précaution qui doit être consignée sur un compte bancaire.
Finalement, ce dispositif ne s’adresse qu’à des entreprises ayant quelques excédents de trésorerie, car elles doivent sortir cette somme de leur fonds de roulement habituel.
Je ne suis pas opposé au dispositif, mais je suis tout de même assez réservé, voire sceptique sur son caractère opérationnel. Nous verrons à l’expérience.
Je suis donc défavorable à cet amendement, sans toutefois être convaincu de la pertinence du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je tiens à rappeler que le plafonnement des indemnités aux prud’hommes ne figure plus dans le projet de loi.
Dans le cadre des concertations que nous avons menées, la question des entreprises qui font faillite à la suite d’un risque contentieux a été largement abordée, notamment par l’UPA, l’Union professionnelle artisanale, qui est une organisation patronale. N’oublions pas que les grands groupes ont suffisamment de trésorerie pour assumer la responsabilité de leurs comportements et les difficultés qui s’ensuivent.
L’article 29 bis n’est en aucun cas une incitation pour les employeurs à ne pas respecter le code du travail et à procéder à des licenciements sans cause réelle et sérieuse. Nous voulons simplement permettre aux petites entreprises de moins de dix salariés de se constituer une réserve de précaution leur permettant de faire face à un contentieux prud’homal dont le résultat serait très pénalisant pour elles. En effet, les conséquences d’un contentieux prud’homal peuvent conduire une entreprise de trois salariés à faire faillite, puis à mettre ces personnes au chômage.
Le dispositif de l’article 29 bis a pour objectif d’éviter que ces petites entreprises, qui n’ont pas forcément une connaissance approfondie du code du travail, fassent faillite après une condamnation aux prud’hommes. Vous le savez, on peut être condamné aux prud’hommes pour un défaut de procédure. Je ne suis pas là pour distinguer la bonne foi de la mauvaise foi, mais ce type de cas peut arriver. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité introduire cette disposition dans le texte.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, cet article ne crée pas une dérogation aux conditions de déduction des provisions. Une telle mesure ne recueillerait pas l’accord du Gouvernement, et je m’y suis d’ailleurs opposée à l’Assemblée nationale lorsque cette piste a été évoquée.
Comme l’a dit le rapporteur, nous avons opté pour une solution alternative consistant à permettre aux entreprises de se constituer une épargne de précaution, c’est-à-dire un régime d’épargne sui generis. Je tiens également à vous préciser que le Gouvernement ne veut ouvrir cette possibilité qu’aux entreprises de moins de dix salariés, et non pas à celles de moins de cinquante salariés.
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Durant nos débats, nous avons eu à discuter d’un amendement que nous avions proposé concernant l’amnistie des syndicalistes.
Madame la ministre, vous nous aviez alors répondu qu’il ne pouvait pas y avoir deux catégories de personnes, dont l’une serait au-dessus de la loi. Or, en l’espèce, vous donnez aux patrons qui ne respectent pas la loi – quand on perd un contentieux aux prud’hommes, c’est bien pour cette raison ! – la possibilité de se dédouaner.
Finalement, vous dites à ces employeurs que ce n’est pas grave s’ils ne respectent pas la loi et qu’ils ne doivent pas trop s’inquiéter des conséquences puisqu’ils pourront provisionner la somme correspondant au contentieux.
Ce n’est pas la peine, alors, de nous dire qu’il ne peut pas y avoir deux catégories de personnes. Car, ce que vous proposez avec cet article pour l’employeur qui perd au contentieux, c’est d’être au-dessus de la loi !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Toutes les entreprises condamnées aux prud’hommes paient des indemnités, sur lesquelles elles sont taxées. Ce n’est pas cette question qui est évoquée dans l’article.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Autant je pouvais entendre et partager certaines observations du groupe CRC sur la franchise, autant sur ce problème je crois que c’est une erreur de proposer la suppression de l’article 29 bis.
Il m’est arrivé dans ma carrière d’avocat de plaider pour des salariés comme pour de petites entreprises. Quand il s’agit d’entreprises de moins de dix salariés, il peut arriver, comme Mme la ministre l’a rappelé, que des erreurs de forme, de procédure soient commises et qu’elles aient des conséquences catastrophiques pour la vie de ces entreprises. Il s’agit non pas ici de donner un avantage particulier, puisque les indemnités seront payées, mais de préserver la vie de l’entreprise et donc des salariés qui restent dans cette entreprise.
Il nous arrive assez souvent d’être d’accord avec nos collègues du groupe CRC, mais, en l’espèce, je crois que leur amendement est contraire à l’intérêt général.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Lorsque nous avons examiné le texte en commission, nous avons vraiment essayé de comprendre cet article. M. le rapporteur vous l’a dit à mots couverts, mais je serai clair : c'est incompréhensible !
Honnêtement, si j’ai une entreprise de moins de dix personnes et que je suis en litige, à tort ou à raison, avec un salarié, je fais une provision pour risque, car je sais que je peux être condamné.
Jamais en tant qu’entrepreneur je n’aurais utilisé le dispositif que vous proposez, la création d’un compte spécifique. Je vous le dis, en voyant cet article, j’ai pensé que c'était une usine à gaz. J’attends de voir combien de sociétés utiliseront cette possibilité. Je le répète, il suffit de faire une provision.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je n’avais pas compris, je croyais qu’il s’agissait d’une provision prévue dans la comptabilité pour payer les indemnités. Là, vous dites qu’en fin de compte c'est une déduction fiscale, ce qui signifie, en quelque sorte, que c’est l’État qui payera ! En tout cas, c’est ce que j’ai cru comprendre après l’intervention de M. Cadic.
Quand il y a une provision, il y a bien sûr une déduction fiscale puisqu’elle fait baisser le résultat : l’impôt sur les sociétés est donc moindre. Mais en quoi une déduction est-elle différente d’une provision ? Une déduction doit avoir d’autres conséquences…
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Ce débat montre bien que le texte n’a pas été bien préparé,…
Mme Nicole Bricq. Oh !
M. Michel Canevet. … car cet article n’a aucun intérêt. Franchement, si l’on a besoin de provisionner pour des risques éventuels, on le fait avec les dispositifs traditionnels ! Point n’est besoin d’avoir recours à un dispositif particulier.
De plus, cet article est gagé sur une taxe additionnelle sur la TVA. Il vaudrait mieux que ces taxes soient consacrées à réduire les charges sociales des entreprises de façon à les rendre beaucoup plus compétitives. De la sorte, on aiderait l’économie et l’emploi dans notre pays.
À la place de ce dispositif, il aurait été préférable de recourir au plafonnement des indemnités. Les risques doivent être limités pour les entreprises : seul le plafonnement peut permettre aux entrepreneurs d’être certains que la continuité de leur activité n’est pas menacée. Ce n’est pas le cas avec le dispositif proposé. Il est donc préférable de voter l’amendement pour supprimer l’article.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. On ne va pas entreprendre à cette heure un cours de comptabilité d’entreprise…
Ce dispositif a été demandé par les très petites entreprises,…
Mme Annie David. Jusqu’à cinquante salariés…
Mme Nicole Bricq. … celles de moins de dix salariés, comme l’a précisé Mme la ministre, car elles veulent se prémunir contre un risque.
On peut faire pareil pour un risque de nature environnementale. L’entreprise préfère provisionner au cas où elle serait condamnée, non pas forcément parce qu’elle veut se séparer d’un collaborateur, mais pour des erreurs qu’elle aurait faites en toute bonne foi.
C’est une simple opération de comptabilité ! Ce dispositif a été introduit, me semble-t-il, par amendement parlementaire pour répondre à une demande. Ce n’est pas le Gouvernement qui en est à l’origine. Mes chers collègues, faites confiance !
M. Michel Canevet. Non !
Mme Nicole Bricq. Il ne s’agit pas d’une opération fiscale !
Je ne comprends pas que l’on se harponne sur ce dispositif, qui permettra à des petites entreprises d’être plus à l’aise dans leur gestion de tous les jours.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je voudrais insister d’abord sur le fait qu’on parle d’entreprises de moins de cinquante salariés.
Par ailleurs, mes chers collègues, vous dites, d’un côté, que vous n’êtes pas d’accord avec l’amendement de suppression et, de l’autre, que c’est une usine à gaz… Cherchez la logique !
Nous dénonçons le fait que le dispositif donne en quelque sorte un avantage fiscal à une entreprise qui, comme l’a souligné Annie David, ne respecte pas le droit du travail, puisque les conditions de licenciement du personnel seront considérées comme illégales.
On prévoit un avantage fiscal pour pallier les conséquences d’une décision qui ne respecte pas la loi ! Les entreprises vertueuses – il y en a ! –, celles qui se plient aux règles et aux lois, n’ont droit à rien d’autre que la respectueuse considération des autres chefs d’entreprise. C’est un peu le monde à l’envers !
Si une entreprise ne souhaite pas avoir affaire aux prud’hommes, il y a une manière très simple de les éviter : c'est de se conformer en tous points, en toutes circonstances, aux principes du droit. C’est ce que, me semble-t-il, nous défendons tous, sur toutes les travées !
Il est important de voter notre amendement, car on demande aujourd’hui aux salariés de travailler pour financer demain ce qui sera peut-être leur licenciement sans cause réelle et sérieuse… Voilà ce que nous dénonçons !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Madame Bricq, ce n’est pas une provision au sens comptable du terme.
Mme Nicole Bricq. La belle affaire !
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. C’est une consignation, une opération de trésorerie qui doit rester à l’actif du bilan et fiscalement neutre dans le temps, puisqu’elle ne sera imputée que le jour où elle sera utilisée pour régler un litige.
Il ne faut pas dire que c'est une provision ; ce serait introduire une confusion entre cette notion et celle de déduction ou de consignation.
Nous sommes non pas défavorables au dispositif, mais sceptiques sur son caractère opérationnel. C'est du scepticisme positif…
Par ailleurs, ce n’est pas une forte demande des entreprises qui est à l’origine de cette mesure. Je pense que, à l’Assemblée nationale, lorsque le texte a été modifié, cette petite opération a été effectuée pour compenser d’autres suppressions…
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur le rapporteur, vous insinuez qu’il y a eu une forme de marchandage. Pas du tout ! Au moment des concertations que j’ai menées avec les organisations syndicales et patronales, l’UPA a formulé cette demande par la voix de son président.
Il y a une différence entre le texte de la commission des affaires sociales du Sénat et celui du Gouvernement. Nous avions circonscrit le dispositif aux entreprises de moins de dix salariés. J’aurais peut-être dû commencer par préciser ce point : nous voulions qu’il ne concerne que les TPE. Nous avons donc prévu avec Bercy un mécanisme adapté permettant d’éviter les jeux comptables. Si nous avions prévu une provision, cela aurait coûté beaucoup plus cher.
Ce mécanisme adapté permettra aux entreprises – c’était la demande formulée – de constituer une épargne de précaution, et non une provision, sur laquelle les entreprises ne paieront pas d’impôt sur les sociétés.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Temporairement !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Effectivement ! Quand l’argent sera débloqué, l’entreprise paiera l’impôt.
C'est notamment la raison pour laquelle nous l’avons circonscrit aux entreprises de moins de dix salariés. Je rappelle que, lorsqu’un employeur est condamné aux prud’hommes, il paie les indemnités et les cotisations sur celles-ci.
Nous souhaitons permettre aux petites entreprises de ne pas mettre la clé sous la porte en cas de contentieux aux prud’hommes qui les mettrait en difficulté, ce qui peut malheureusement arriver.
M. le président. L'amendement n° 1037, présenté par MM. Gabouty, Lemoyne et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
au second alinéa de
par le mot :
à
II. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
au second alinéa de
par le mot :
à
III. – Alinéa 11
Remplacer la référence :
I
par la référence :
III
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 29 bis, modifié.
(L'article 29 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 29 bis
M. le président. L'amendement n° 173 rectifié quater, présenté par M. Vasselle, Mmes Cayeux et Garriaud-Maylam, MM. Commeinhes, Magras, Laufoaulu, Houel, Pellevat, Rapin et César, Mme Duchêne, MM. B. Fournier, Chasseing, Husson et Grand, Mme Deromedi et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l'article 29 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 1679 A du code général des impôts, il est inséré un article 1679 … ainsi rédigé :
« Art. 1679 … – I. – À la condition d’employer moins de cinquante salariés, les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, les syndicats professionnels et leurs unions mentionnés au titre III du livre Ier de la deuxième partie du code du travail ainsi que les mutuelles régies par le code de la mutualité peuvent déduire de l’assiette de la taxe visée à l’article 231 du présent code, les sommes destinées à être utilisées pour le règlement des éventuelles indemnités prévues au second alinéa de l’article L. 1235-3 du code du travail au titre des salariés employés à durée indéterminée à compter de la promulgation de la loi n° … du … visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
« II. – La déduction est plafonnée, par année, au montant mensuel des rémunérations définies à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, versées aux salariés mentionnés au I. Elle ne peut être opérée qu’une fois par salarié.
« III. – La déduction est subordonnée au respect de la condition suivante : au plus tard à la date de dépôt de la déclaration des salaires se rapportant à l’année au titre de laquelle la déduction est pratiquée, la structure inscrit à un compte d’affectation ouvert auprès d’un établissement de crédit une somme égale au montant de la déduction. Le compte ouvert auprès d’un établissement de crédit est un compte courant qui retrace exclusivement les opérations définies au présent article. L’épargne professionnelle ainsi constituée doit être inscrite à l’actif du bilan de la structure dans le cas où celle-ci est tenue d’établir un tel document comptable.
« Lorsque les sommes déduites sont prélevées dans des cas autres que celui mentionné au premier alinéa du présent article, elles sont rapportées aux sommes payées à titre de rémunérations aux salariés de l’année au cours de laquelle cette utilisation a été effectuée et majorées d’un montant égal au produit de ces sommes et intérêts par le taux de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du présent code.
« Le bénéfice de la déduction est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.
II. – Le I s’applique aux salaires versés à compter du 1er janvier 2017.
III. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret.
IV. – La perte des recettes résultant pour l'État des dispositions ci-dessus mentionnées est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Le présent amendement, qui est un peu technique, a pour objet d’étendre aux structures de moins de cinquante salariés non soumises à l’imposition sur les bénéfices industriels et commerciaux la possibilité de déduire de l’assiette de leur taxe sur les salaires une provision destinée à faire face aux éventuelles indemnités qu’elles auraient à verser en cas de condamnation devant les juridictions prud’homales.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 29 bis du projet de loi écarte les entreprises non soumises à l’imposition sur les bénéfices industriels et commerciaux. Pour autant, ces entreprises, pour la plupart sous forme associative ou mutualiste, sont confrontées aux mêmes risques contentieux que les autres.
La déduction visée serait limitée au salaire mensuel des personnes embauchées à compter de la publication de la loi.
La structure souhaitant provisionner à ce titre devra épargner sur un compte bancaire dédié une somme égale au montant de la déduction. Dans le cas où la structure utiliserait la déduction à d’autres fins que pour le paiement d’indemnités prud’homales, elle devrait alors réintégrer la somme indûment employée majorée de l’intérêt de retard.
M. le président. Le sous-amendement n° 1040, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
indéterminée
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 173 rectifié quater.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Ce sous-amendement a pour but d’harmoniser le dispositif avec l’article précédent auquel nous avons apporté des modifications.
J’ai entendu les réserves exprimées à l’article 29 bis à l’encontre des entreprises, qu’elles soient de moins de dix ou de moins de cinquante salariés. Il me semblait que, en élargissant le champ d’application aux entreprises de moins de cinquante salariés, on donnait une chance au dispositif : il y aura peut-être un peu plus d’entreprises qui y auront recours, même si je n’en suis pas totalement convaincu.
Sur l’amendement visant à entendre le dispositif à d’autres entreprises, notamment à celles du milieu associatif, j’émets un avis de sagesse plutôt négative. Je souhaiterais néanmoins connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je suis défavorable à l’amendement n° 173 rectifié quater, qui remet en cause la comptabilité des organismes sans but lucratif.
À la différence de l’impôt sur les sociétés, la taxe sur les salaires n’est pas un impôt sur les bénéfices. On vient de le voir, les notions de provision et de déduction sont donc étrangères à son objet et à sa mécanique. La taxe sur les salaires n’est donc absolument pas le support approprié pour une telle mesure.
Par ailleurs, en marge de leur activité principale, les associations ou mutuelles sans but lucratif peuvent se livrer à des activités lucratives ou concurrentielles. Dans ce cas, elles sont soumises aux impôts sur les bénéfices. Il y aurait alors une possibilité de double déduction de la provision, à la fois sur les résultats – c’est ce que prévoit l’article 29 bis – et sur l’assiette de la taxe sur les salaires. Ce n’est pas ce que nous voulons.
À l’inverse, les associations qui n’acquittent pas la taxe sur les salaires aujourd’hui, car elles bénéficient de l’abattement de cotisations dont le Gouvernement a porté le montant à plus de 20 000 euros depuis le 1er janvier 2014, ne pourront pas bénéficier du dispositif de l’amendement. Cela démontre que cette proposition aurait des conséquences contraires au but recherché.
J’ajoute que cet amendement aurait un coût élevé pour les finances publiques.
Votre sous-amendement, monsieur le rapporteur, étant en lien avec cet amendement, j’y suis également défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173 rectifié quater, modifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Alain Vasselle. Ce n’est pas cohérent !
Article 29 ter
(Supprimé)
Articles additionnels après l'article 29 ter
M. le président. L'amendement n° 737, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 29 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 1231-1, les mots : « , ou d’un commun accord, » sont supprimés ;
2° Les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 sont abrogés.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement, déposé de manière récurrente par les membres de notre groupe, vise à supprimer le dispositif de rupture conventionnelle.
Nous avions déjà dénoncé ce dispositif lors de sa création, en expliquant que l’égalité présupposée entre l’employeur et l’employé n’existait pas. Nous le pensons toujours. En effet, nous considérons que c’est sur l’absence d’égalité entre les deux parties, donc sur la nécessité de protéger la partie la plus faible, que doit reposer tout notre droit du travail. Nous estimons également que la rupture conventionnelle est une brèche supplémentaire dans la législation relative aux licenciements. Dans les faits, sans être spécialement enclins à opter pour la rupture conventionnelle, certains salariés ont été contraints de l’accepter sous la pression de leur employeur.
Plus de dix ans après leur création, nous portons toujours le même regard critique sur ces ruptures conventionnelles. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls. En la matière, les travaux d’évaluation du Centre d’analyse stratégique mettent en lumière un certain nombre de dérives. Ils se fondent sur les constats dressés par l’administration du travail quant à l’usage détourné de la rupture conventionnelle. Ce dispositif est notamment utilisé « pour éviter la procédure collective de licenciement pour motif économique, éviter la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi, éviter de respecter l’obligation de reclassement, éviter le transfert automatique des contrats de travail en cas de changement d’employeur ou frauder l’assurance chômage dans les entreprises familiales ».
Certes, en cas de rupture conventionnelle, le taux de retour à l’emploi est plus élevé qu’après un licenciement, mais il est moins important qu’après une démission. Cependant, ce retour à l’emploi est parfois synonyme de précarisation.
Avec ce projet de loi, on nous promet d’écrire le code du travail du XXIe siècle ! Les dérives constatées en la matière par un organisme officiel nous conduisent, dans ce cadre, à proposer cette suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Les ruptures conventionnelles sont un important vecteur de souplesse pour les entreprises comme pour les salariés. Certes, ce dispositif subit des détournements,…
Mme Annie David. Oh oui !
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. … mais ils sont imputables aux chefs d’entreprise comme aux salariés.
Aujourd’hui, les salariés qui souhaitent changer d’entreprise ne démissionnent plus : ils demandent une rupture conventionnelle.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. En effet !
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Une étude publiée en octobre 2013 par la DARES a établi ce constat : pour 48 % des salariés, la rupture conventionnelle est vécue plutôt comme le résultat d’une « acceptation commune » avec l’employeur. Dans 38 % des cas, ce choix est plutôt celui du salarié ; et dans seulement 14 % des cas, il est plutôt celui de l’employeur.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. J’entends tout à fait les critiques que suscitent les abus observés, d’autant que l’usage de ce mode de rupture des contrats de travail est parfois beaucoup trop généralisé.
Je le rappelle, le régime de la rupture conventionnelle a été créé en 2008 dans le cadre d’un accord national interprofessionnel. Il permet de répondre à un besoin manifeste : concilier les droits du salarié et la sécurisation des procédures pour l’entreprise.
Ce dispositif est très largement utilisé : en 2015, on a dénombré 360 000 ruptures conventionnelles en France. Les PME y ont tout particulièrement recours. Nous débattrons certainement de cette question en examinant l’article 30, notamment pour ce qui concerne le critère de « difficultés économiques ».
Aujourd’hui, les ruptures conventionnelles représentent 20 % des fins de CDI dans les petites entreprises, contre 14 % dans les PME et seulement 7 % dans les plus grosses entreprises. On le voit bien, même si elles subissent des difficultés, les plus petites entreprises rechignent à recourir au licenciement pour motif économique ; elles optent de préférence pour la rupture conventionnelle. Les trois quarts des ruptures conventionnelles concernent des entreprises de moins de cinquante salariés. Telle est la réalité actuelle.
Cela étant, le régime de la rupture conventionnelle reste encadré. Tout d’abord, il nécessite l’accord exprès des deux parties et un entretien obligatoire. Ensuite, il est assorti d’un délai de rétractation. Enfin, il impose la déclaration et l’homologation par l’administration, qui garantit à la fois la loyauté de la rupture et le libre consentement du salarié.
Dans le cadre de l’accord national interprofessionnel de 2008, les partenaires sociaux ont tenu à confier cette mission de contrôle à l’administration. Sachez que sa mise en œuvre est effective : toutes les ruptures conventionnelles ne sont pas homologuées. Le taux de refus est d’environ 5 %.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre pays manifeste clairement une réticence à embaucher en CDI. Ce n’est pas un hasard si la France est, au sein de l’Union européenne, le deuxième État recourant aux CDD de moins d’un mois.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Qu’elle soit réelle ou simplement ressentie, cette réticence doit être traitée. À cette fin, il faut garantir davantage de clarté, notamment aux plus petites entreprises, sur les sujets constituant des difficultés économiques.
Nous serons tous d’accord pour dire que se séparer d’un salarié est une charge symbolique et anxiogène. Reste que, pour le salarié, le régime du licenciement pour motif économique est beaucoup plus protecteur que celui de la rupture conventionnelle, la collectivité étant mise à contribution via l’assurance chômage. À ce titre, un employé dont on souhaite se séparer peut effectivement subir des pressions.
Néanmoins, M. le rapporteur le souligne avec raison : dans le même temps, les ruptures conventionnelles sont largement mises en œuvre à la demande de salariés, qui veulent par exemple créer leur entreprise, changer de métier ou déménager. Ces situations sont très fréquentes.
À mon sens, les dispositions de l’article 30 permettent de répondre à l’usage parfois abusif dont les ruptures conventionnelles font l’objet, notamment dans les plus petites entreprises.
Par ailleurs, je reste très vigilante à cet égard, notamment par les contrôles menés par mes services.
M. le président. L'amendement n° 723, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 29 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3122-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de rupture du contrat de travail pour motif économique intervenant après ou pendant une période de répartition des horaires, le salarié conserve le supplément de rémunération qu’il a, le cas échéant, perçu par rapport au nombre d’heures effectivement travaillées. »
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Avec cet amendement, nous proposons de revenir sur certaines dispositions de la loi de 2008 portant modernisation du marché du travail.
En effet, huit ans après l’adoption de ce texte, il nous paraît toujours indispensable de prévoir que, lors d’une rupture du contrat de travail pour motif économique intervenant après ou pendant une période de répartition des horaires, le salarié conserve le supplément de rémunération qu’il a le cas échéant perçu par rapport au nombre d’heures effectivement travaillées. Ainsi, les salariés pourront se prémunir contre de fortes pertes de pouvoir d’achat et de ressources.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Monsieur Billout, je comprends tout à fait la préoccupation que vous exprimez.
Je ne suis pas certain que, en l’occurrence, les dispositions du présent amendement s’appliquent au bon article, mais ce point est peut-être secondaire.
Sur le fond, le droit en vigueur, tout comme le nouvel article L. 3121-39 du code du travail, indique que, en cas d’aménagement du temps de travail, les heures supplémentaires sont décomptées à l’issue de la période de référence.
À mon sens, le solde de tout compte inclut toutes les heures travaillées, de même que les prorata de primes et les congés payés. Ainsi, en cas de rupture du contrat de travail, toutes les sommes dues sont réglées, même en tenant compte d’un aménagement du temps de travail en fonction des heures effectuées. Il en est de même des autres modes de rémunération : le prorata du treizième mois, les congés payés dus, etc.
Je me tourne vers Mme la ministre pour obtenir confirmation. Si tel est bien le cas, l’avis sera défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. En la matière, un doute peut effectivement subsister.
Certaines branches, comme celles de la bijouterie, de l’hôtellerie-restauration ou du commerce de gros, ont déjà prévu des précisions de cette nature.
Cela étant, cette disposition générale garantira des droits et surtout une sécurité aux salariés placés dans une telle situation. Aussi, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Mme Catherine Génisson. C’est dommage !
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 79 amendements au cours de la journée ; il en reste 261.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
15
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 23 juin 2016 :
À onze heures :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (n° 610, 2015-2016) ;
Rapport de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 661, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 662, 2015-2016).
À quatorze heures trente : vote sur le projet de délibération requérant l’engagement de poursuites pour diffamation à raison d’écrits contenus dans un ouvrage.
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir : suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 23 juin 2016, à zéro heure quarante.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD