M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je vais, moi aussi, voter cet amendement. Dans quelques jours, nous examinerons le budget des médias. On relève encore des distorsions, dans les aides à la presse en particulier, et nous avons la même difficulté avec l’aide à la presse en ligne. Je trouve que c’est un très bon amendement, qui peut préparer le débat de plus en plus urgent que nous devrons avoir sur la nécessité de toutes ces aides à la presse et, surtout, sur leur répartition.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Je voudrais rappeler l’état du droit pour dissiper toute ambiguïté.
Depuis l’adoption de la proposition de loi du 27 février 2014, il n’y a plus de distorsion : toute la presse en ligne est, comme la presse papier, soumise au taux réduit de 2,1 %.
S’il y a eu distorsion avant le vote de ce texte, c’est tout simplement parce que la réglementation européenne n’autorise pas l’application du taux réduit à la presse en ligne. Aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, nous sommes donc en infraction par rapport à la réglementation européenne. Et nous nous sommes mis volontairement en infraction, puisque tout le monde était averti que ce vote était contraire aux directives européennes ; mais, vous avez parfaitement raison, madame Lienemann, nous avons ainsi donné un signe politique !
Depuis février 2014, le taux de TVA applicable à Arrêt sur Images, Mediapart et lemonde.fr est le taux réduit de 2,1 %.
Lorsque ce texte est venu en discussion, je n’étais pas encore secrétaire d'État chargé du budget, mais, en ma qualité de rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale, j’ai été un observateur attentif.
Au cours des débats, la question s’est effectivement posée de savoir à partir de quelle date le taux réduit allait être appliqué. Certains proposaient de l’appliquer depuis 2009, ce qui signifiait une rétroactivité de la TVA… Samedi, avant la levée de séance, que j’avais souhaité voir intervenir autour de dix-huit heures pour me permettre de prendre un train, ce dont je m’excuse auprès de vous, monsieur Gattolin, j’ai expliqué que l’hypothèse d’une rétroactivité de la TVA avait été écartée à l’époque pour quantité de raisons.
La principale raison de ce choix, c’est que certains sites en ligne s’étaient auto-appliqué le taux réduit à 2,1 %, en toute connaissance de cause, puisque le débat était public.
Mme Catherine Procaccia. C’est bien cela, le problème !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Est-il logique de chercher à corriger la loi de façon rétroactive parce qu’un contribuable ou un groupe de contribuables se sont auto-appliqué un taux réduit de TVA – quand d’autres ne se l’appliquaient pas -, parce qu’ils ont estimé que c’était de bon droit, alors que l’administration fiscale avait, à l’époque, infirmé leur analyse et leur avait infligé un redressement ? C’est une question d’égalité entre les contribuables. Puisque vous avez cité des noms, je dis ici que, contrairement à d’autres, lemonde.fr a toujours appliqué le taux normal et non le taux de 2,1 %.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et les radios libres ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous nous retrouverions sinon à devoir aujourd'hui rembourser de la TVA. Et à qui, donc, mesdames, messieurs les sénateurs ? À l’entreprise ? Mais la TVA est normalement acquittée par le client. La logique voudrait alors que l’entreprise aille ensuite rembourser à ses clients auxquels il a été facturé de la TVA à tort. Pardon de le dire, mais cela pose encore un vrai problème d’égalité, voire de technicité parce que nul ne peut imaginer que toutes les factures établies à l’époque soient corrigées de façon rétroactive !
Tels sont les problèmes posés par cet amendement. Je pense que le signe a été donné, puisque le Parlement, en toute connaissance de cause, est allé au-delà de ce que le droit européen lui permettait de faire.
J’ajoute, madame Lienemann, que nous avons à rembourser, parfois de façon étalée, au titre d’un certain nombre de contentieux avec l’Union européenne, des montants considérables, de plusieurs milliards d’euros : contentieux agricole, précompte mobilier et OPCVM – j’en passe et des meilleurs, si j’ose dire !
Pour votre information, il est question de revoir la directive TVA.
M. André Gattolin. Je le sais !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Normalement, le commissaire chargé du dossier doit faire des propositions au début de l’année prochaine.
Nous pensons qu’à la fin de l’année prochaine ou au début de l’année suivante – c’est le calendrier que l’on nous a donné - une nouvelle directive interviendra pour prendre en compte un certain nombre de propositions, dont celle que défend évidemment la France auprès de la Commission, madame Lienemann, c’est-à-dire un alignement sur le taux réduit de 2,1 % pour la presse en ligne. Elle ne peut d’ailleurs pas faire autrement dans la mesure où son Parlement a adopté une proposition de loi avec, ai-je envie de dire, la bienveillance du Gouvernement, à l’époque, ce qui ne peut pas manquer d’être interprété par Bruxelles comme le signe d’une certaine unité de la Nation sur ce point.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement confirme qu’il n’est pas favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-322, présenté par MM. Gremillet, Raison et Pellevat et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Une dispense de reversement de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre des années 2015 et 2016 sur les opérations de vente de produits agricoles non transformés est octroyée aux agriculteurs éleveurs relevant des 1° et 5° du II de l’article 298 bis du code général des impôts.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement a pour objet de dispenser de reversement de la TVA perçue sur les ventes animales et leurs produits, assujetties à la TVA selon le régime dit « simplifié de l’agriculture », ou RSA, l'ensemble des éleveurs entrant dans le champ défini par l’article 298 bis-II, 1° et 5°, du code général des impôts.
Nous envisageons cette proposition comme une mesure supplémentaire de soutien à la compétitivité et à l'investissement du secteur de l'élevage et du secteur laitier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En vertu du principe de neutralité, la TVA collectée par les entreprises – puisque ce sont bien les entreprises qui collectent la TVA pour le compte de l’État – doit être reversée au Trésor public. Il y a des possibilités de déduction ou de versement directs.
Parce que cet amendement semble contraire à ce principe de neutralité de la TVA, il suscite quelques réserves de la part de la commission.
On ne peut pas contester les difficultés de l’élevage, qui sont réelles et nombreuses. Elles sont prises en compte par une proposition de loi déposée au Sénat et un certain nombre d’amendements de nature fiscale déposés sur le projet de loi de finances vont dans le même sens. Les mesures proposées dans ce cadre nous semblent relever d’un dispositif mieux approprié et juridiquement plus fondé que le présent amendement, qui vise à permettre aux éleveurs soumis au régime simplifié de ne pas reverser la TVA au titre des années 2015 et 2016.
Je demande aux auteurs de l’amendement de bien vouloir le retirer. Sinon, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Nous avons pris des dispositions dans le cadre du plan de soutien à cette filière, notamment en facilitant le passage à la TVA mensuelle. Aller au-delà serait contraire à toute la logique de la TVA que M. le rapporteur général vient d’exposer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Morisset. Cet amendement avait pour principal objet de rappeler la situation difficile dans laquelle se trouve notre agriculture.
Chacun sait que toutes les mesures directes ou indirectes sont appréciées par le monde agricole.
Il y a eu un plan de soutien, il y a eu un plan d’urgence. Au cours de la session que la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres a tenue vendredi dernier, la situation des éleveurs du département a été évoquée : sur 5 000 exploitants agricoles, 1 000 ont déposé un dossier d’aides d’urgence. Il a été accordé 1 million d’euros. Si on fait la division, cela représente 800 euros par exploitant ou par éleveur…
La situation financière de nos agriculteurs est de plus en plus fragile.
Je remercie M. le rapporteur général et les auteurs de la proposition de loi de se préoccuper du nécessaire soutien à apporter à l’agriculture.
M. le président. Madame Deromedi, l'amendement n° I-322 est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-322 est retiré.
Article 3 bis (nouveau)
Le premier alinéa du 11 bis du I de l’article 278 sexies du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le présent alinéa est également applicable aux opérations dont la demande de permis de construire a été déposée entre le 1er janvier 2015 et la date de signature du contrat de ville. »
M. le président. L'amendement n° I-34, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le II de l'article 17 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le I s'applique également aux opérations dont la demande de permis de construire a été déposée entre le 1er janvier 2015 et la date de signature du contrat de ville qui doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2015.»
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement tient compte des dispositions introduites par l’Assemblée nationale.
L’article 3 bis prévoit un taux réduit de TVA pour les opérations dont le permis de construire a été déposé entre le 1er janvier 2015, qui est la date d’entrée en vigueur du dispositif pour les quartiers prioritaires de la ville, et la date de signature du contrat de ville.
Nous ne contestons pas le bien-fondé du dispositif transitoire adopté par l’Assemblée nationale concernant le taux réduit de TVA. Simplement, et c’est l’objet de l’amendement, nous souhaitons le limiter à la seule année 2015, au cours de laquelle les contrats de ville qui n’ont pas encore été signés devraient l’être.
Bref, il s’agit de ne pas prolonger indéfiniment un dispositif transitoire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est sensible à l’amendement défendu par M. le rapporteur général, qui permet de borner dans le temps la souplesse introduite par l’Assemblée nationale, souplesse au demeurant d’ores et déjà quasiment appliquée. Mais abondance de biens ne nuit pas…
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je suis un peu gêné. Je n’ai pas l’habitude de faire de la peine au rapporteur général. (Sourires.)
Il est vrai que cet amendement, comme d’autres qui vont venir en discussion, concerne des dispositifs pour lesquels nous avions ouvert une fenêtre de tir un peu plus large, conscients qu’en matière de construction, avec la crise de l’immobilier, il n’est pas toujours simple de boucler les opérations dans les délais prévus. Si je suis un peu gêné, c’est que, le 31 décembre, c’est dans quelques semaines : le délai me paraît un peu court !
M. le président. En conséquence, l'article 3 bis est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 3 bis
M. le président. L'amendement n° I-346, présenté par Mmes Lienemann et Bataille, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, MM. S. Larcher, Montaugé, Rome et Vaugrenard et Mme Jourda, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 9 du I de l’article 278 sexies du code général des impôts est ainsi rétabli :
« 9. Les livraisons de terrains à bâtir, les cessions de droit au bail à construction, les livraisons de logements dans le cadre d’une opération d’accession à la propriété assortie d’une acquisition différée du terrain.
« Les terrains visés doivent appartenir, pendant le bail à construction, à un établissement public foncier mentionné à l’article L. 321-1 du code de l’urbanisme. Les logements mentionnés ci-dessus s’entendent des logements neufs, destinés à être affectés à l’habitation principale de personnes physiques, si ces personnes accèdent pour la première fois à la propriété au sens de l’article R. 31-10-3 du code de la construction et de l’habitation et si la somme des revenus fiscaux de référence, au sens du 1° du IV de l’article 1417 du code général des impôts, des personnes destinées à occuper ce logement ne dépasse pas les plafonds de ressources prévus pour les titulaires de contrats de location-accession mentionnés au 4 du présent I ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’objet de cet amendement est de soutenir l’accession sociale à la propriété.
Celle-ci fait depuis longtemps l’objet de l’attention des pouvoirs publics. Ainsi, le gouvernement précédent avait mis en place le mécanisme dit du « Pass foncier », qui était financé par le 1 % logement.
Le principe du Pass foncier consistait en une certaine dissociation entre l’acquisition du bien construit et celle du terrain. Ce dernier n’était payé qu’après la partie construite ; on pouvait donc parler de foncier différé. Ce mécanisme s’est montré très efficace pour relancer l’accession à la propriété, et notamment l’accession sociale à la propriété. Cela a été le cas parce que ces transactions bénéficiaient du taux réduit de TVA à 5,5 %.
Or le Pass foncier a été arrêté parce que les sommes du 1 % logement ont été orientées vers d’autres priorités. On se rend pourtant compte aujourd’hui que, en dépit des efforts accomplis par le Gouvernement et, notamment, des prochaines dispositions d’élargissement – presque un doublement – du nombre de bénéficiaires du prêt à taux zéro, il est toujours difficile pour les catégories moyennes et modestes, c’est-à-dire les foyers dont le revenu est inférieur à deux SMIC, d’accéder à la propriété. Même avec le PTZ, donc des taux d’intérêt bas, cela reste difficile. C’est ici qu’interviendrait le foncier différé, sous réserve que les ménages modestes dont il est question respectent le plafond de ressources du PSLA, le prêt social de location-accession.
Mais comment mettre en œuvre ce foncier différé, alors que le 1 % logement n’est plus disponible ? Un mécanisme possible, classique et bien connu, serait que le bâti – dans un lotissement ou un immeuble collectif – soit propriété collective d’une société civile coopérative de construction, ou SCCC. Quant au foncier, qui peut le porter ? Ce peut être les communes, parfois une société immobilière d’économie mixte, ou SEM, mais surtout des établissements publics fonciers, ou EPF. Cela doit s’accompagner de clauses anti-spéculatives : les ménages ne paieront pas le terrain plus cher que s’ils l’avaient acheté au moment de la construction.
Une telle opération présente un double intérêt. Tout d’abord, elle met l’accent sur l’accession à la propriété des primo-accédants et des catégories sociales modestes, alors que le bénéfice du prêt à taux zéro a, pour sa part, été étendu à des ménages dont les revenus annuels peuvent atteindre 72 000 euros. D’autre part, elle constitue un mécanisme anti-spéculatif sur le foncier.
Nous n’entendons pas y aller tête baissée : l’idée est de commencer par rendre possible le dispositif et de l’expérimenter pour en tirer des leçons. Le nombre d’EPF prêts à se lancer dans cette affaire n’est d’ailleurs pas encore gigantesque : on estime que le nombre de logements concernés ne devrait pas dépasser 500 par an, du moins dans la phase de démarrage de l’expérimentation.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je rappelle que les crédits du PSLA ouvrant le taux réduit à 5,5 % de la TVA ne sont pas tous consommés. Par conséquent, si l’on considère la dépense globale, cette expérimentation ne pèserait pas fortement sur le budget de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mme Lienemann propose par cet amendement, si je comprends bien, une expérimentation. Elle évoquait à l’instant 500 logements ; l’objet de l’amendement mentionne quant à lui 100 à 200 logements. Le coût de l’opération serait donc limité. Néanmoins, selon la commission, deux raisons s’opposent à l’adoption de cet amendement.
Tout d’abord, la commission est par principe défavorable aux extensions de taux réduits de TVA. On les a envisagées pour bien des catégories : le chauffage au bois, les parcs zoologiques et, maintenant, les logements. Miter ainsi toujours plus la TVA pose un problème de fond.
Ensuite se pose un problème de compatibilité avec le droit communautaire. En effet, la directive TVA vise non pas les terrains, mais la fourniture de logements sociaux. Les terrains dont il est question dans l’amendement ne sont donc pas concernés par la directive.
Pour ces deux raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si nous sommes revenus sur le dispositif du Pass foncier, c’est aussi parce que d’autres dispositifs sont venus compléter le très large éventail de mesures de soutien au logement et de libération du foncier dont nous disposons. Je pense notamment, parmi ces dépenses fiscales extrêmement importantes, à l’application du taux réduit à 5,5 % de la TVA aux opérations immobilières dans un rayon de 300 mètres autour des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Le Gouvernement, bien évidemment, n’est pas favorable à ce rétablissement d’une disposition qui – là, peut-être, madame Lienemann, est notre point de divergence – n’avait pas à mes yeux fait complètement la preuve de son efficacité au regard d’autres mesures souhaitées par l’ensemble du secteur.
Le Gouvernement préfère les nombreuses dispositions dont il a pris l’initiative et qu’il a développées. Vous avez évoqué le prêt à taux zéro ; moi, la TVA au taux réduit de 5,5 %. Même si c’était à titre expérimental et de façon réduite, le Gouvernement ne souhaite donc pas mettre en œuvre ce dispositif qui, à vous entendre, est relativement complexe.
L’avis sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il n’est pas exact, monsieur le rapporteur général, de dire que cet amendement est incompatible avec le droit communautaire. En effet, dans le PSLA, le prix du terrain est bien inclus dans le total, et donc bénéficie de la TVA au taux réduit de 5,5 %. Il n’y a donc pas de problème de conformité avec le droit communautaire.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre argument concernant les autres mesures prises par le Gouvernement. Pour autant, je ne vois pas les choses comme vous. Dieu sait que je n’étais pas favorable au gouvernement précédent,…
M. Philippe Dallier. C’est le moins que l’on puisse dire !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … mais je considère que le Pass foncier a constitué un élément de relance de l’accession populaire à la propriété ; il a plutôt eu effet sur les catégories moyennes et modestes. À titre personnel, j’ai soutenu cette mesure ; or je ne change pas d’avis en fonction des circonstances, surtout quand le bilan est bon !
Pour en revenir à l’argumentaire du Gouvernement, l’application du taux réduit à 5,5 % de la TVA autour des zones d’action de l’agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, si elle est judicieuse, n’est pas une mesure nouvelle. Plus largement, si le Gouvernement entend améliorer le dispositif de soutien à la primo-accession et à l’accession sociale à la propriété, c’est tout simplement parce que les dispositifs existants ne suffisent pas.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement n’a pas manqué d’argent pour élargir le bénéfice du prêt à taux zéro aux ménages dont le revenu annuel va jusqu’à 72 000 euros. Certes, personnellement, je peux comprendre cet effort au titre de la relance de la construction. Néanmoins, ce dispositif ne bénéficie pas qu’aux couches populaires ; quant à la TVA à taux réduit appliquée dans les zones ANRU et leurs alentours, je doute qu’il soit utile de loger massivement les couches populaires dans ces quartiers-là.
Ce qui fait défaut aujourd’hui, à mes yeux, c’est un mécanisme de solvabilisation pour les foyers dont le revenu est inférieur à deux SMIC. Le dispositif que je propose est l’une des pistes d’avenir possibles. En outre, ce système a aussi l’avantage d’éviter la spéculation foncière.
Je pense donc que ce serait simplement l’une des solutions, plus limitées et expérimentales, à prévoir dans les crédits globaux du PSLA, qui ne sont d’ailleurs pas tous consommés, tout simplement parce que, dans bien des cas, ils ne suffisent pas à équilibrer l’opération.
Que l’expérimentation soit limitée à 200 logements, soit ! Mais elle mérite d’être entreprise, car elle ne coûtera pas grand-chose à l’État et nous fera réfléchir sur les bons outils de l’accession sociale à la propriété.
Je rappelle enfin que la directive TVA prévoit des plafonds de ressources ; ceux qui sont retenus ici sont ceux du PSLA avec TVA au taux réduit de 5,5 %.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. J’entends les arguments qui ont été développés par M. le rapporteur général et M. le secrétaire d’État ; pour autant, il me semble que le dispositif proposé par Mme Lienemann a une réelle pertinence.
Dissocier la propriété du bâti de celle du terrain est un mécanisme utile. La question que pose Mme Lienemann est la suivante : comment peut-on soutenir des expérimentations qui existent déjà et qui, semble-t-il, sont aujourd’hui plutôt prometteuses ?
Nous avons tous à l’esprit la nécessité de développer l’accession sociale à la propriété. Je n’aurai, peut-être, qu’une réserve, à savoir le choix du même plafond de ressources que pour le PSLA. Il faut prendre garde à ne pas créer des trappes. Ainsi, les ménages dont le revenu se trouve juste au-dessus du plafond se trouvent parfois pris entre deux feux, comme pour l’accès au logement social : ils n’y ont pas accès, mais n’ont pas les moyens de se loger dans le parc privé. Il faut donc, peut-être, réfléchir à une modulation possible de ce plafond.
Cela étant dit, si l’amendement ne devait pas être adopté, la piste proposée par Mme Lienemann mériterait tout de même un travail plus approfondi. Quoi qu’il en soit, je ne m’y opposerai pas.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Pour ma part, je voterai cet amendement. Je pense en effet qu’il faut favoriser l’accession sociale à la propriété. Quand on essaye de monter des opérations de ce type, on s’aperçoit en effet que c’est tout de même assez compliqué, même si certaines communes, telle la mienne, font beaucoup d’efforts en ce sens.
Quand nous avons l’occasion de créer de tels dispositifs expérimentaux pour un coût budgétaire somme toute très minime, il n’y a pas de raison de ne pas le faire.
Je suis donc favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je trouve, moi aussi, que l’amendement de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann est intéressant et que ce dispositif mérite notre attention. Son coût budgétaire n’est pas très important. Par ailleurs, cet amendement vise à rendre propriétaires des ménages dont les revenus dépassent tout juste les plafonds. Nous savons tous en outre combien de telles opérations sont difficiles à monter.
Par conséquent, à titre personnel, je voterai cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3 bis.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-89 rectifié, présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. Dallier, Morisset, Fouché, Calvet, Commeinhes, Milon, Soilihi, Cambon, Mouiller, Doligé, Raison et Mayet, Mme Morhet-Richaud, M. Bizet, Mme Micouleau, MM. Pierre, Laménie, Vasselle et Chaize, Mme Cayeux, MM. Karoutchi, Pillet, D. Laurent, Kennel, Pellevat et Savary, Mmes Deroche, Duchêne et Gruny, MM. Chasseing, Charon, P. Leroy, B. Fournier et del Picchia, Mme Deseyne, MM. Mandelli, Lefèvre, César, Grand, Savin et Leleux et Mme Keller, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 278 sexies du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Les livraisons de logements neufs mentionnés à l’article 279-0 bis A du présent code et situés, à la date du dépôt de la demande de permis de construire, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville définis à l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine qui font l’objet d’un contrat de ville prévu à l’article 6 de la même loi ou entièrement situés, à la même date, à une distance de moins de 300 mètres de la limite de ces quartiers. »
II. – Au début du premier alinéa de l’article 279-0 bis A du même code, sont insérés les mots : « Sous réserve des dispositions prévues au V de l’article 278 sexies ».
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dallier.