Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je regrette de ne pas avoir pu convaincre le Gouvernement sur ce sujet lors de la discussion du projet de loi dit « Macron ».
Nous avons quasiment doublé les aides aux bénéficiaires de distribution d’actions gratuites par les entreprises. Pour ma part, tant que ces distributions étaient un mode de rémunération d’un certain nombre de salariés de start up, j’estime que l’on pouvait en admettre l’existence. La généralisation de ce mécanisme à tous les dirigeants de grandes entreprises, notamment les multinationales, était donc déjà injuste et inutile de mon point de vue. En revanche, doubler quasiment l’avantage fiscal que la nation leur consent est totalement inacceptable.
La mesure mise en œuvre exonère tous les bénéficiaires de toute fiscalité sur ces actions gratuites. J’avais calculé l’effet de la loi Macron sur les actions gratuites dont l’attribution à M. Michel Combes avait été annoncée : le montant attribué s’élevait à un peu plus de 12 millions d’euros et l’avantage fiscal supplémentaire résultant de la loi Macron atteignait 3,7 millions d’euros, soit autant de perdu pour le budget de l’État. En année pleine, le coût de ce dispositif sera de 400 millions à 500 millions d’euros.
Comment croire sérieusement que c’est en aidant à ce point les cadres des multinationales que l’on rendra l’économie nationale plus compétitive ? En même temps, vous devrez expliquer que l’on supprime ou que l’on diminue drastiquement l’aide à la pierre, que l’on renonce à des investissements dont nous aurions besoin, alors que ces dépenses créeraient de la TVA, de l’emploi, de la richesse et de la compétitivité !
Cet avantage fiscal est totalement inopérant et indu. En outre, il est moralement condamnable. Par exemple, le patron de l’entreprise ACOME, société coopérative, qui figure parmi les entreprises les plus performantes à l’exportation dans son domaine, ne recevra jamais d’actions gratuites. Pour autant, est-il moins entreprenant ? Mérite-t-il d’être moins valorisé par la nation ? Beaucoup d’entreprises qui ne versent pas d’actions gratuites contribuent réellement à la richesse nationale, quand certaines entreprises qui distribuent des actions gratuites ne paient quasiment pas d’impôt sur le territoire national !
Mme Catherine Procaccia. Pourquoi lui laisse-t-on dépasser son temps de parole ? C’est scandaleux !
M. le président. Veuillez conclure, madame Lienemann !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Faites respecter les temps de parole !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En vous demandant de voter la suppression de l’article 135 de la loi Macron, je ne reviens pas sur l’aide aux actions gratuites, mais je supprime le quasi-doublement de l’avantage fiscal.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Premièrement, la suppression du seul l’article 135 serait inopérante. En effet, cet article a fait l’objet d’une transposition dans différents codes qu’il faudrait donc modifier, comme le code général des impôts, le code de commerce et le code de la sécurité sociale.
Deuxièmement, nous avons été nombreux, sur toutes les travées, à évoquer la stabilité fiscale. Or l’adoption de cet amendement reviendrait à remettre en cause un dispositif adopté dans le cadre de la loi Macron il y a quelques mois.
Troisièmement, sur le fond, revenir sur ces dispositions serait particulièrement pénalisant pour les PME et ETI.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les PME ne sont pas concernées !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est comme la République : il est un et indivisible. (Mme Marie-Noëlle Lienemann sourit.) Par conséquent, ce qui a été fait lors de l’adoption d’une loi intervenue il y a quelques mois, le Gouvernement ne souhaite pas le défaire à l’occasion de l’examen du présent texte. Vous comprendrez donc que son avis soit défavorable.
Le débat a eu lieu lors de la discussion du texte que vous avez évoqué, il a eu lieu de nouveau à l’Assemblée nationale voilà quelques jours, il a lieu dans cet hémicycle aujourd’hui et il se renouvellera encore dans les semaines à venir d’ici à Noël. Bref, le Gouvernement considère qu’il n’y a pas lieu de revenir sur une disposition adoptée il y a quelques semaines.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. En respectant le temps de parole, cette fois !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Au ton employé, je mesure l’enthousiasme qu’inspire à M. le secrétaire d’État la défense de la position adoptée par le Gouvernement il y a six mois ! Je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-312 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 sexies (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juin 2016, un rapport sur les créances fiscales et les procédures de surendettement des particuliers.
Ce rapport dresse un état des lieux de l’application du droit de la consommation aux dettes dont les services fiscaux ont la charge, plus spécialement depuis la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
Il expose notamment les évolutions institutionnelles et juridiques susceptibles de garantir équitablement la sauvegarde des deniers publics tout en la conciliant avec la nécessité concrète de prévenir et de traiter le surendettement des particuliers débiteurs des collectivités publiques. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 2 sexies
M. le président. L’amendement n° I–384, présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Canevet, Delcros, Laurey, Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 2 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du 1° de l’article 44 sexies-0 A du code général des impôts, le montant : « 50 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 100 millions d’euros ».
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
... – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
... – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Nous sommes très attachés à la compétitivité de nos entreprises, notamment des PME et des TPE. Récemment, la Banque mondiale a établi un classement des pays en fonction de leur attractivité fiscale pour les entreprises de 60 salariés – et non pas des multinationales chères à nos collègues du groupe CRC. Tous les pays sont comparés et la France a de la chance : elle est passée de la dernière place à l’avant-dernière place, doublant l’Italie !
Je sais que l’aspect fiscal n’est pas le seul qui doive être pris en compte lorsqu’il s’agit d’évaluer l’attractivité d’un territoire, mais il est malgré tout important.
Nous avons donc déposé cet amendement relatif au dispositif « Jeunes entreprises innovantes », ou JEI, qui cible les PME de moins de huit ans qui investissent dans la recherche et l’innovation et sont détenues directement, à hauteur de 10 % au moins, par des étudiants ou des diplômés d’un master ou d’un doctorat depuis moins de cinq ans, ou par des personnes affectées à des activités d’enseignement ou de recherche.
Ce dispositif apporte un soutien important à l’innovation, et donc à l’économie de demain. Nous avons pu voir de nombreuses PME de cette nature émerger ces dernières années, notamment dans le domaine du numérique, mais aussi dans le domaine industriel – je pense, par exemple, au développement des applications civiles des drones.
Dans tous les cas, ces entreprises sollicitent des ingénieurs, des informaticiens et des chercheurs de haut niveau et de haute qualification. C’est dans ce réseau de PME récentes que se trouve le terreau de notre compétitivité de demain.
Le présent amendement tend à doubler le plafond de chiffre d’affaires de ces entreprises de 50 millions d’euros à 100 millions d’euros, afin de permettre aux jeunes entreprises innovantes de devenir, demain, de grands groupes innovants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vincent Delahaye a insisté, à juste titre, sur la nécessité de soutenir les jeunes entreprises innovantes. Il s’agit là d’une vraie question et la commission est favorable sur le fond à l’esprit de cet amendement, qui soulève cependant deux interrogations.
Premièrement, les seuils de 250 salariés et de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires correspondent à la définition de la PME au niveau communautaire. Relever le plafond de chiffre d’affaires à 100 millions d’euros risque donc de faire sortir ces jeunes entreprises du champ de cette définition.
Deuxièmement, la commission n’a pas pu chiffrer le coût de cette mesure.
Par conséquent, bien qu’éprouvant une certaine bienveillance pour cet amendement, la commission souhaite prendre connaissance de l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le seuil de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires correspond effectivement au critère retenu par l’Union européenne pour considérer qu’une entreprise est une PME. Je crains donc que le relèvement de ce plafond, au-delà de son opportunité – on peut considérer qu’une entreprise qui réalise un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros, si elle peut être innovante, a déjà atteint une certaine maturité –, ne soit en pratique contesté par la Commission européenne, en raison des règles communautaires régissant les aides aux entreprises.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° I–32 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I–212 est présenté par MM. Bouvard, Dallier et Genest.
L'amendement n° I–340 est présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° I–352 est présenté par MM. Lalande, Chiron, Yung, Vincent et Guillaume, Mme M. André, MM. Berson, Botrel, Boulard, Carcenac, Eblé, F. Marc, Patient, Patriat, Raoul, Raynal, Camani et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
L'amendement n° I–402 est présenté par M. Delahaye, Mme Morin-Desailly, MM. Capo-Canellas, Canevet, Delcros, Laurey, Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le c du A du 4 du II de la première sous-section de la section II du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré un d ainsi rédigé :
« d. Régime applicable aux revenus perçus par l’intermédiaire de plateformes en ligne
« Art. … – I. – Sont soumis au régime défini au présent article les redevables de l’impôt sur le revenu qui exercent, par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs plateformes en ligne, une activité relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
« II. – 1. Pour les redevables soumis à l’article 50-0, les abattements mentionnés au troisième alinéa du 1 de cet article et appliqués au chiffre d’affaires hors taxes provenant des activités mentionnées au I du présent article ne peuvent pas être inférieurs à 5 000 euros.
« 2. Pour les redevables soumis aux articles 53 A et 302 septies A bis, le chiffre d’affaires hors taxes provenant des activités mentionnées au I pris en compte pour la détermination du résultat imposable est diminué d’un abattement forfaitaire de 5 000 euros, et seule la fraction des charges supérieure à 5 000 euros peut être déduite.
« III. – Le présent article est applicable aux seuls revenus qui font l’objet d’une déclaration automatique sécurisée par les plateformes en ligne.
« IV. – Sont qualifiées de plateformes en ligne, au sens du présent article, les activités consistant à classer ou référencer des contenus, biens ou services proposés ou mis en ligne par des tiers, ou de mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service, y compris à titre non rémunéré, ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service. Sont qualifiées de plateformes en ligne les personnes exerçant cette activité à titre professionnel.
« V. – Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I–32.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement porte sur un sujet sur lequel les sénateurs se sont beaucoup mobilisés, en particulier les membres du groupe de travail de la commission des finances du Sénat sur le recouvrement de l’impôt à l’heure de l’économie numérique, auxquels nombre d’entre vous, sur toutes les travées, ont participé. Je remercie d’ailleurs ceux d’entre vous qui se sont investis dans ce travail, qui a donné lieu à la publication d’un rapport intitulé L’économie collaborative : propositions pour une fiscalité simple, juste et efficace.
Nous considérons que les règles fiscales existantes sont applicables à l’économie collaborative et qu’il n’est nullement besoin d’en créer de nouvelles. Ainsi le régime fiscal applicable à la location d’un appartement est-il le même que celle-ci se fasse sur internet ou par petite annonce. Les règles fiscales s’appliquent aussi aux chauffeurs de voitures de tourisme avec chauffeur, les VTC.
En revanche, il faut le reconnaître, ces règles sont souvent méconnues et ne sont pas forcément adaptées à des personnes qui deviennent du jour au lendemain des collaborateurs de l’économie collaborative. Il faut également reconnaître qu’il existe des problèmes de déclaration et, surtout, de contrôle de la part de l’administration fiscale.
S’il n’est pas nécessaire d’inventer une fiscalité nouvelle, il faut en revanche permettre l’application des règles existantes par la centralisation, via les plateformes, des revenus, ce qui permet de reconstituer le revenu fiscal tiré de l’économie collaborative. Le groupe de travail propose, en contrepartie de la coopération des plateformes, d’instaurer une franchise de 5 000 euros.
Ceux qui ont participé à ce groupe de travail, mais également nombre d’entre nous sur l’ensemble de nos travées, soutiennent cet amendement, car l’économie numérique est un sujet qui mérite d’être étudié. Si un certain nombre d’initiatives sont prises dans ce domaine, la question fiscale n’est, elle, pas traitée.
La franchise que nous proposons offre également un certain nombre d’avantages, notamment celui de ne pas taxer au premier euro. Ce n’est pas grave si une activité très occasionnelle – la location une fois ou deux par an de son appartement ou de sa voiture – n’est pas taxée, mais il faut lutter contre une forme d’industrialisation de la part d’un certain nombre d’acteurs. Les chiffres des grands sites de location d’appartements à Paris ou de véhicules, les données concernant les chauffeurs de VTC sont bien connus. On le voit, on dépasse là très largement le cadre de l’économie collaborative.
D’où l’instauration d’une franchise, qui est l’une des propositions phares du rapport du groupe de travail de la commission, que je vous invite par ailleurs à lire ou à relire, mes chers collègues, car il pose véritablement le problème.
M. le président. Le sous-amendement n° I–359, présenté par M. Bignon, n’est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° I–212.
M. Michel Bouvard. Plusieurs d’entre nous – Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Philippe Dallier, Jacques Genest, Bernard Lalande et moi-même – ont travaillé aux côtés de M. le rapporteur général sur ce dossier, qui témoigne des mutations de notre économie et de la nécessité de changer d’approche s’agissant de l’appréciation des ressources nouvelles, de la manière dont l’économie collaborative pourrait contribuer à la charge publique à travers l’impôt.
L’économie collaborative est en train d’exploser dans notre pays. Albéric de Montgolfier a rappelé à juste titre le flou qui règne actuellement en matière de fiscalité : les particuliers ne savent pas ce qu’ils doivent déclarer ni comment le faire ; les services de l’État ayant été rationalisés – et c’est normal – s’agissant de leurs implantations, ils n’ont bien évidemment pas les moyens techniques de contrôler chaque déclaration et chacun des acteurs, les plateformes s’étant développées.
Il faut évidemment mettre en place un dispositif permettant aux acteurs de l’économie collaborative, créatrice de richesses et de valeur, de contribuer aux charges de la collectivité, sans pour autant casser ce secteur, qui compte plusieurs champions sur notre territoire.
L’intérêt du dispositif proposé, monsieur le secrétaire d’État, comme nous avons eu l’occasion de vous l’expliquer et de le présenter aux acteurs du secteur que nous avons rencontrés, est qu’il ne donnera pas lieu à de futurs contentieux. Un certain nombre des services proposés engendrent des charges pour ceux qui les mettent en œuvre. Il faut qu’elles soient prises en compte. Or leur évaluation est un travail très difficile. Le mérite du dispositif est qu’il prend en compte cette zone grise et qu’il ne cassera pas les reins, si vous me permettez cette expression, des acteurs français du secteur. La franchise permettra en effet à cette économie de continuer de se développer. Ce dispositif a également le mérite de remettre un peu d’équité dans la concurrence. L’économie collaborative, si elle créé des activités nouvelles, empiète en effet sur le secteur marchand traditionnel…
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bouvard.
M. Michel Bouvard. … dont les acteurs sont soumis de ce fait à une concurrence quelque peu déloyale dans la mesure où la fiscalisation n’est pas totale.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l'amendement n° I–340.
M. André Gattolin. Je soutiens l’appui que le groupe de travail de la commission apporte à l’économie collaborative. Je regrette toutefois que le groupe auquel j’appartiens n’ait pas été invité à participer à ses travaux parce qu’il se trouve que les écologistes sont peut-être les plus anciens et plus fervents partisans de l’économie collaborative.
En effet, en privilégiant la location ou le partage d’un bien plutôt que sa pleine propriété ou son usage privatif et exclusif, l’économie collaborative optimise l’utilisation des biens et limite donc la consommation des ressources. De plus, cette économie reposant sur un fonctionnement en réseau, elle crée du lien social. Les citoyens y sont davantage acteurs de leur mode de vie que dans le système de consommation classique.
Pour autant, il faut bien sûr être vigilant par rapport aux amalgames, et les termes d’« économie collaborative » sont de plus en plus utilisés abusivement pour désigner d’autres réalités. Ainsi, l’entreprise Uber, dont le nom tend à devenir un nom commun, à tel point qu’on parle désormais d’« ubérisation » de la société, ne relève en rien de l’économie collaborative. La seule innovation dans son cas est l’utilisation d’une application en ligne permettant de localiser les véhicules. Cette entreprise ne fait rien d’autre qu’utiliser une main-d’œuvre précaire disponible. Bien que ses chauffeurs soient statutairement des travailleurs indépendants, elle les utilise comme des salariés : elle fixe le prix de la course, lequel leur est imposé, tout en s’affranchissant des contraintes qui incombent logiquement à tout employeur.
Ce champ de l’économie est donc neuf, complexe, et encore en construction. Il appelle une réflexion approfondie. À cet égard, on peut se féliciter du fait que la commission des finances, qui est toujours à la pointe de l’innovation, comme l’atteste l’étude qu’elle avait effectuée sur les monnaies virtuelles, les bitcoins, confirme sa vocation première. On a longuement parlé de patrimoine ce matin, mais la commission s’intéresse également beaucoup à l’évolution de l’économie et au numérique.
L’amendement qui résulte des travaux du groupe de travail de la commission tend à poser les bases d’une véritable distinction entre les différents acteurs de la nouvelle économie collaborative, même s’il n’épuise pas le sujet.
On pourrait discuter du seuil de 5 000 euros, mais il présente en tous les cas le mérite d’établir aujourd'hui une distinction assez nette entre les acteurs, car il correspond à une véritable réalité.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gattolin.
M. André Gattolin. Excusez-moi, monsieur le président, mais c’est la première fois que je parle depuis ce matin ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Ce n’est pas une raison !
M. André Gattolin. Je suis très économe de mon temps de parole, comparé à mes collègues.
M. le président. Je vous invite néanmoins à conclure !
M. André Gattolin. D’autres ont dépassé leur temps de parole autant que moi !
Quoi qu’il en soit, le groupe écologiste soutient cette disposition.
M. le président. La parole est à M. Bernard Lalande, pour présenter l'amendement n° I–352.
M. Bernard Lalande. Uber a été fondé en 2009, Airbnb en 2008, BlaBlaCar en 2006, mais est devenu payant en 2012 : il s’agit là de quelques exemples de pionniers de cette nouvelle économie, que, à défaut d’une définition juridique précise, nous désignons sous le nom d’« économie collaborative ».
Intermédiaires entre les particuliers qui souhaitent acheter, vendre ou échanger des biens ou des services, les entreprises de l’économie collaborative ont pour point commun l’utilisation du « numérique », qui casse toutes les frontières régissant les échanges économiques.
D’un clic, j’achète, d’un clic, je vends, d’un clic, j’échange et je deviens, au cours d’une même journée, un e-vendeur, un e-acheteur, un e-échangeur, sans quitter mon bureau ni faire aucune déclaration, mais en ayant fait de nombreux actes de commerce avec le vaste monde.
Ce qu’il faut entendre, c’est que l’e-économie est par nature ouverte sur le monde. Elle comprend les différences et considère que demain est le jour qui compte puisqu’il offrira de nombreuses opportunités.
Que nous le voulions ou non, nous sommes ou nous allons tous devenir des e-commerçants, après avoir été des e-particuliers. Faites confiance au genre humain pour inventer de nouveaux modes d’échanges collaboratifs ou de partage.
En six ans d’existence à peine, les sociétés d’intermédiation ont connu une augmentation considérable de leur chiffre d’affaires, lequel atteint aujourd'hui plusieurs dizaines de milliards d’euros. Il est évident que si en qualité d’intermédiaires elles ont réalisé des dizaines de milliards, les échanges entre particuliers qu’elles ont générés peuvent être affectés d’un coefficient multiplicateur de six ou huit. Imaginez les sommes considérables qui échappent aujourd'hui à toute fiscalité et les pertes qu’elles représenteront demain !
Notre système fiscal repose sur le déclaratif. Or lorsque je clique sur l’écran de mon ordinateur pour échanger, vendre ou acheter un bien ou un service, je ne fais aucune déclaration à l’administration fiscale.
Cet amendement, comme ceux qui sont présentés par mes collègues, est le fruit d’un travail collectif réalisé avec une seule préoccupation : adapter notre fiscalité à une économie originale qui n’existait pas voilà moins de dix ans. Nous proposons une solution simple, juste et efficace, fondée sur un principe que connaît très bien notre administration fiscale : le tiers déclarant. Nous proposons que les sociétés d’intermédiation indiquent l’ensemble des transactions effectuées par les particuliers par leur intermédiaire via une plateforme tierce indépendante.
M. le président. Il faut conclure, monsieur Lalande.
Mme Catherine Procaccia. Il dépasse son temps de parole !
M. Bernard Lalande. Celle-ci agrégera le revenu de chaque personne réalisé sur internet, qu’elle transmettra à l’administration fiscale une fois par an…
M. le président. Concluez, monsieur Lalande !
M. Bernard Lalande. … s’il est supérieur à 5 000 euros.
Permettez-moi de conclure par la citation liminaire sur les nouvelles opportunités économiques : « Lorsque le vent souffle, certains construisent des murs, d’autres érigent des moulins ».
M. le président. Merci, monsieur Lalande !
M. Bernard Lalande. Pour notre part, nous avons choisi d’être des bâtisseurs de moulins. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l'amendement n° I–402.
M. Michel Canevet. Cet amendement transcende les clivages et témoigne de l’attachement des différents membres de notre assemblée aux propositions du groupe de travail de la commission des finances du Sénat sur le recouvrement de l’impôt à l’heure de l’économie numérique. Le groupe UDI-UC soutient bien entendu cette proposition et présente donc cet amendement et il espère que l’assemblée l’adoptera.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je souhaite apporter une précision à M. Gattolin, qui déplore de ne pas avoir été associé au groupe de travail de la commission.
Ce sont les rapporteurs spéciaux qui ont souhaité travailler sur ce sujet.
M. Michel Bouvard. Oui !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Un groupe de travail a alors été constitué en toute simplicité au sein de la commission des finances. Son rapport vient d’ailleurs d’être présenté au député chargé d’effectuer un travail sur le même sujet. Vous n’avez donc pas été tenu à l’écart de ce groupe de travail, monsieur Gattolin. (M. André Gattolin s’exclame.) J’ajoute que quiconque aurait manifesté le souhait d’être associé à la commission des finances aurait été le bienvenu, mon cher collègue. Je tenais à ce que les choses soient claires.
Monsieur le secrétaire d’État, il est important que vous entendiez, vous et vos services, ces propositions de la commission des finances du Sénat, car elles sont fortes, originales et intelligibles.
M. Jean-François Husson. C’est collaboratif !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je pense qu’elles nous permettront d’avancer pour obtenir de meilleures recettes, dont nous avons tous besoin.
M. le président. J’imagine, monsieur le rapporteur général, que la commission est favorable aux amendements nos I–212, I–340, I–352 et I–402 puisqu’ils sont identiques à celui qu’elle a elle-même présenté ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’avis est effectivement favorable, monsieur le président.
M. Jean-François Husson. Voilà un ministre heureux !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous permettrez au ministre, et à lui seul, d’apprécier l’état de son bonheur individuel, monsieur Husson (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.), malgré notre proximité géographique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette série d’amendements ?