Sommaire
Présidence de M. Hervé Marseille
Secrétaire :
Mme Catherine Tasca.
2. Loi de finances pour 2016. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Articles additionnels après l’article 2 (suite)
Amendement n° I-238 de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.
Amendement n° I-239 de Mme Françoise Laborde. – Rejet.
Amendement n° I-268 rectifié de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° I-66 rectifié de M. René-Paul Savary. – Retrait.
Amendement n° I-313 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° I-158 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 2 bis
Amendement n° I-162 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° I-25 rectifié de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 2 quater
Amendement n° I-342 de M. Vincent Eblé. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-344 de M. Vincent Eblé. – Devenu sans objet.
Amendement n° I-320 rectifié de M. Charles Guené. – Devenu sans objet.
Article 2 quinquies (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l'article 2 quinquies
Amendement n° I-356 rectifié de Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Amendement n° I-357 de Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Amendement n° I-27 de la commission. – Retrait.
Amendement n° I-26 de la commission. – Retrait.
Amendement n° I-102 rectifié bis de M. Francis Delattre. – Retrait.
Amendement n° I-274 rectifié de M. Rémy Pointereau. – Non soutenu.
Amendement n° I-104 rectifié bis de M. Francis Delattre. – Retrait.
Amendement n° I-166 de M. Thierry Foucaud
Amendement n° I-29 de la commission
Amendement n° I-30 de la commission
Amendement n° I-31 de la commission
Amendement n° I-193 de M. Philippe Dominati
Amendement n° I-165 de M. Thierry Foucaud
Amendement n° I-170 de M. Thierry Foucaud
Amendement n° I-388 rectifié de M. Vincent Delahaye
Amendement n° I-194 de M. Philippe Dominati
Amendement n° I-195 de M. Philippe Dominati
Amendement n° I-279 de M. Éric Bocquet
Amendement n° I-167 de M. Thierry Foucaud
Amendement n° I-98 de M. Francis Delattre
Amendement n° I-103 de M. Francis Delattre
Amendement n° I-99 de M. Francis Delattre
Amendement n° I-168 de M. Thierry Foucaud
Amendement n° I-209 rectifié bis de M. Michel Bouvard
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
Amendement n° I-166 de M. Thierry Foucaud (suite). – Rejet.
Amendement n° I-193 de M. Philippe Dominati (suite). – Rejet.
Amendement n° I-165 de M. Thierry Foucaud (suite). – Rejet.
Amendement n° I-170 de M. Thierry Foucaud (suite). – Rejet.
Amendement n° I-388 rectifié de M. Vincent Delahaye (suite). – Retrait.
Amendement n° I-194 de M. Philippe Dominati (suite). – Retrait.
Amendement n° I-279 de M. Éric Bocquet (suite). – Rejet.
Amendement n° I-167 de M. Thierry Foucaud (suite). – Rejet.
Amendement n° I-98 de M. Francis Delattre (suite). – Retrait.
Amendement n° I-103 de M. Francis Delattre (suite). – Retrait.
Amendement n° I-99 de M. Francis Delattre (suite). – Retrait.
Amendement n° I-168 de M. Thierry Foucaud (suite). – Rejet.
Amendement n° I-209 rectifié bis de M. Michel Bouvard (suite). – Retrait.
Amendement n° I-312 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Article 2 sexies (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 2 sexies
Amendement n° I-384 de M. Vincent Delahaye. – Rejet.
Amendement n° I-385 de M. Vincent Delahaye. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 3
Amendement n° I-372 de M. Vincent Delahaye. – Retrait.
Amendement n° I-208 de M. Jean-Marc Gabouty. – Rejet.
Amendement n° I-341 de Mme Laurence Cohen. – Devenu sans objet.
Amendement n° I-234 de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° I-231 de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendement n° I-269 de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° I-366 de M. Claude Kern. – Rejet.
Amendement n° I-233 de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° I-242 de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° I-84 rectifié de M. François Bonhomme. – Retrait.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Hervé Marseille
vice-président
Secrétaire :
Mme Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2016
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein de la première partie du projet de loi de finances, des dispositions relatives aux ressources.
PREMIÈRE PARTIE (suite)
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier (SUITe)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS (suite)
B. – Mesures fiscales (suite)
M. le président. Hier, nous avions entamé l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 2.
Articles additionnels après l’article 2 (suite)
M. le président. L'amendement n° I-238, présenté par MM. Requier, Mézard, Collin, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 1 de l’article 195 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le mot : « distincte », la fin du a. est supprimée ;
2° Après le mot : « guerre », la fin du b. est supprimée ;
3° Après le mot : « ans », la fin de la seconde phrase du e. est supprimée.
II. – Le I est applicable à compter de l’imposition des revenus de l’année 2014.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, jusqu’en 2008, les personnes veuves ou isolées bénéficiaient d’une demi-part supplémentaire dans le calcul de leur impôt sur le revenu. Ce dispositif a été progressivement réduit par la majorité précédente, jusqu’à disparaître complètement en 2014.
La suppression de cette demi-part a représenté une hausse significative et souvent imprévue de l’impôt pour les personnes concernées, fréquemment âgées et isolées du fait de leur situation familiale. L’augmentation du revenu fiscal de référence de quelques dizaines d’euros peut facilement aboutir, sans même que la personne concernée en ait conscience, à un passage à la tranche supérieure.
L’effet a été d’autant plus brutal qu’il s’est conjugué à la hausse générale de l’impôt sur le revenu – le produit de cet impôt a augmenté de 40 % – depuis 2012.
La disparition de la demi-part a également eu pour effet de supprimer la non-imposition à d’autres contributions : exonération de la taxe d’habitation, de la taxe foncière et de certains prélèvements sociaux. À titre d’exemple, la taxe foncière a, pour certaines personnes, été multipliée par six du fait de cette mesure. Pour ces contribuables, c’est une double peine.
L’adoption du présent amendement constituerait donc un geste de solidarité envers les aînés. Le sujet a été soulevé par plusieurs de nos collègues de l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi de finances le mois dernier. Le groupe du RDSE s’associe à cette demande.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’avis de la commission sera identique à celui qu’elle a émis sur l’amendement du groupe CRC examiné hier soir, car l’objet est le même : réintroduire la demi-part pour les parents isolés. C'est ce que l’on appelle traditionnellement « l’amendement veuves ».
Nous l’avons rappelé hier, le coût d’un tel amendement serait considérable, d’environ un milliard d’euros.
M. Michel Bouvard. C'est trop cher !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Par ailleurs, il tendrait à créer une iniquité entre ceux qui ont élevé un enfant pendant au moins cinq ans et les autres.
Aussi, pour les mêmes raisons que celles qui ont été invoquées hier, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. L’avis du Gouvernement est le même que celui de la commission. Je rappelle que les effets sur l’impôt sur le revenu de la mesure prise en 2008 par la majorité précédente ont été corrigés grâce à différentes mesures : d’une part, la suppression de la première tranche et, d’autre part, la décote que nous proposons cette année.
Monsieur le rapporteur général, la commission a supprimé cette mesure d’aménagement de la décote qui figurait dans l’article sur l’impôt sur le revenu. En faisant cela, vous maintenez un certain nombre d’effets de la suppression de la demi-part que le Gouvernement proposait d’effacer avec cette mesure.
M. le président. L'amendement n° I-239, présenté par Mme Laborde, MM. Mézard, Collin, Requier, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 3 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le montant : « 12 000 € » est remplacé par le montant : « 8 000 € » ;
2° Au deuxième alinéa, le montant : « 12 000 € » est remplacé par le montant : « 8 000 € » et le montant : « 15 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € » ;
3° Au troisième alinéa, le montant : « 20 000 € » est remplacé par le montant : « 13 333 € » ;
4° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) le montant : « 12 000 € » est remplacé deux fois par le montant : « 8 000 € » ;
b) le montant : « 1 500 € » est remplacé deux fois par le montant : « 1 000 € » ;
c) le montant : « 15 000 € » est remplacé deux fois par le montant : « 10 000 € » ;
d) le montant : « 18 000 € » est remplacé par le montant : « 12 000 € ».
II. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 14-10-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° La part du produit de l’impôt sur le revenu correspondant à l’abaissement des plafonds de l’article 199 sexdecies du code général des impôts. » ;
2° L’article L. 14-10-5 est ainsi modifié :
a) Au a du II, après les mots : « 4° du même article », sont insérés les mots : « , 70 % du produit des contributions visées au 6° du même article » ;
b) Le a du III est complété par les mots : « et 30 % du produit des contributions visées au 6° du même article ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement concerne la réduction d’impôt sur le revenu et le crédit d’impôt sur le revenu accordés, au titre des sommes versées pour l’emploi d’un salarié à domicile ou pour le recours à une association agréée ou à un organisme habilité ou conventionné ayant le même objet.
Dans son rapport du 10 juillet 2014 intitulé Le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie, la Cour des comptes a fait valoir que l’avantage fiscal lié au recours à l’emploi à domicile ou à un prestataire de service à la personne « se concentre majoritairement sur les foyers aux revenus fiscaux les plus élevés ».
Or le maintien à domicile de personnes âgées en perte d’autonomie constitue un enjeu à la fois financier, pratique et affectif. Il est tout d’abord financier, car, souvent, le maintien à domicile est somme toute moins onéreux que l’admission en hôpital ou en établissement spécialisé. Il est ensuite pratique, car l’admission dans lesdits établissements n’est pas automatique. Il faut souvent être inscrit sur une liste d’attente et patienter parfois plusieurs mois avant de trouver une place, ce qui peut conduire à des situations difficiles. L’enjeu est enfin, et peut-être surtout, affectif, car nombre de personnes souhaitent pouvoir rester durant leurs vieux jours dans la demeure à laquelle elles sont attachées, où elles ont leurs habitudes. En France aujourd’hui, trop souvent, on passe ses derniers moments et on décède dans un établissement de santé. Pouvoir demeurer chez soi n’est pas un luxe.
C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à redéployer les dépenses liées à l’avantage fiscal pour le recours à l’emploi à domicile en direction de la prise en charge des personnes âgées aux revenus plus modestes, qui constituent la majorité de ce public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à baisser le plafond des dépenses éligibles au crédit et à la réduction d’impôt sur le revenu pour emploi à domicile et à affecter la somme ainsi dégagée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA.
Les présidents de conseils départementaux en conviendront, cet amendement présente un aspect sympathique puisqu’il tend à donner davantage de recettes à la CNSA. Néanmoins, nous savons bien que, en pratique, on ne récupère jamais les recettes de la CNSA pour les départements : des « hold-up » sont exercés à divers titres sur ces recettes. En outre, cela ne couvre pas totalement le coût de l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, comme en témoigne le taux de financement effectif de cette allocation. L’idée est donc sans doute bonne, mais, en pratique, on ne voit jamais les sommes à l’arrivée !
Par ailleurs, abaisser le plafond de 12 000 à 8000 euros pénaliserait durement l’emploi à domicile, notamment pour les familles qui ont besoin d’aide pour la garde d’enfants.
Il s’agit d’une niche certes coûteuse, estimée à plus de 6,5 milliards d’euros par la Cour des comptes, mais qui permet d’éviter le « travail au noir ». En effet, grâce à cette déduction fiscale, les emplois à domicile sont déclarés. Sinon, ces emplois existeraient, mais sans être déclarés.
Pour vous en convaincre, mes chers collègues, je vous rappellerai que, lorsque le Gouvernement avait supprimé le forfait sur l’emploi à domicile, les recettes de cotisations avaient instantanément baissé, alors que, nous le savons bien, le volume d’heures de travail était resté le même. Recourir à l’emploi à domicile est en effet une nécessité pour certaines personnes, notamment pour faire garder leurs enfants lorsqu’elles travaillent. Elles n’ont pas le choix.
Cette niche, qui, je le redis, est coûteuse, est aussi utile, car elle permet d’amener dans le régime de la déclaration des emplois qui sont nécessaires.
La commission ne peut évidemment qu’être défavorable à une mesure qui pénaliserait l’emploi à domicile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, mais souhaite réagir aux propos qui viennent d’être tenus.
Monsieur le rapporteur général, je ne peux pas continuer à vous laisser dire que la suppression du forfait était la mesure la plus injuste et la plus pénalisante pour le secteur. Déclarer les salariés à domicile au forfait entraînait pour ceux-ci moins de prestations, en termes tant de retraite que d’indemnités journalières.
Je rappelle que la majorité précédente avait supprimé la réduction de quinze points de contributions sociales qui avait été mise en place pour compenser le fait que les particuliers employeurs ne bénéficient pas des « allégements Fillon ». Cette mesure avait été bien plus massive et injuste que la suppression du forfait.
Monsieur le sénateur Requier, il est vrai que le secteur connaît des difficultés, mais votre proposition pourrait présenter l’inconvénient – sur ce point, je vous rejoins, monsieur le rapporteur général – d’encourager le travail dissimulé.
Il faut sans cesse répéter à nos concitoyens qu’un particulier employeur est bénéficiaire lorsqu’il déclare son salarié, car la réduction de 50 % s’applique non seulement au salaire net, mais également aux contributions sociales qu’il doit verser. Il est donc mécaniquement avantageux pour un employeur de déclarer son salarié. Quant au salarié, la déclaration lui ouvre des droits, notamment à la retraite.
Cette niche très coûteuse a donc des vertus, et le Gouvernement ne souhaite pas y toucher.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous soutiendrons cet amendement, car nous estimons qu’il faut être vigilant sur les moyens qui doivent permettre à un certain nombre de foyers de maintenir des emplois à domicile déclarés.
Néanmoins, ce qui est proposé, ce n’est pas la suppression du soutien à l’emploi à domicile. L’amendement vise à revoir la façon dont l’État contribue à un allégement fiscal qui est tout de même lourd. En effet, cet allégement concerne, pour une part importante, des foyers fiscaux qui pourraient faire quelques efforts, alors même que l’on demande à la masse de la population des efforts beaucoup plus lourds, particulièrement depuis l’augmentation de la TVA.
La proposition qui nous est faite me semble intéressante, puisque l’idée sous-jacente est aussi d’accompagner l’ensemble des politiques sociales au niveau départemental.
M. le président. L'amendement n° I-268 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Requier, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au b) du 1 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts, après la première occurrence du mot : « code », sont insérés les mots : « ou autorisé en application de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles ».
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement vise à prendre en compte les modifications du statut juridique des services à la personne prévus par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dont l’entrée en vigueur est prévue au début de l’année 2016.
Cet amendement étant très technique, je n’entrerai pas dans son détail. Il est de nature à garantir la stabilité juridique des services à la personne en matière fiscale, stabilité qui pourrait être remise en cause par l’adoption de la loi précitée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement aborde un sujet intéressant, mais il est quelque peu prématuré. La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement n’étant pas encore promulguée, la question méritera d’être examinée après le lancement des expérimentations.
Je note que, devant l’Assemblée nationale, M. le secrétaire d’État s’est engagé à maintenir les exonérations si des expérimentations avaient lieu avant le 1er janvier 2016.
Mon cher collègue, la commission vous invite donc à retirer votre amendement dans l’attente de l’entrée en vigueur de la loi susmentionnée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Effectivement, comme vient de l’indiquer M. le rapporteur général, nous pouvons difficilement nous appuyer un texte qui n’est pas encore définitivement adopté. Cela n’aurait pas de sens.
Par ailleurs, je confirme que, puisque des expérimentations pourraient être engagées, ce dont nous ne sommes pas certains, je m’engage bien évidemment, au cas où le problème se poserait, à tenir compte de la création du nouveau régime d’autorisation, le cas échéant par une instruction.
Certains craignent que des problèmes ne se posent. Je le comprends, mais ce n’est pas le cas pour le moment. Cela pourrait arriver quand la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement sera promulguée ; mais pour l’instant, je le redis, ce texte n’est pas encore définitivement voté. Néanmoins, je réitère l’engagement que j’avais déjà pris à l'Assemblée nationale. Monsieur le sénateur, dans ces conditions, il serait plus sage que vous retiriez votre amendement.
M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° I-268 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, compte tenu des propos tenus par M. le secrétaire d’État, je retire cet amendement d’appel, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-268 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-66 rectifié, présenté par MM. Savary, G. Bailly, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Carle, Chasseing, Commeinhes, de Raincourt, B. Fournier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier, Huré, Husson, Joyandet et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Lopez, M. Mandelli, Mme Micouleau et MM. Morisset, Pellevat, Pierre, Pointereau et Raison, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 15° ter du II de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, est insérée une division additionnelle ainsi rédigée :
« 15°quater
« Réduction d’impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital des groupements fonciers agricoles
« Art. 199 terdecies-0 D. – I. – Les contribuables domiciliés fiscalement en France peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu égale à 18 % des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital des groupements fonciers agricoles répondant aux conditions mentionnées aux a et b du 4° du 1 de l’article 793.
« II. – Les versements ouvrant droit à la réduction d’impôt mentionnée au I sont retenus dans la limite annuelle de 50 000 € pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés, et de 100 000 € pour les contribuables mariés soumis à imposition commune.
« La fraction d’une année excédant, le cas échéant, les limites mentionnées au premier alinéa ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions au titre des quatre années suivantes.
« La réduction de l’impôt dû procurée par le montant de la réduction d’impôt mentionnée au I qui excède le montant mentionné au premier alinéa du 1 de l’article 200-0 A peut être reportée sur l’impôt sur le revenu dû au titre des années suivantes jusqu’à la cinquième inclusivement. Pour la détermination de cet excédent au titre d’une année, il est tenu compte de la réduction d’impôt accordée au titre des versements réalisés au cours de l’année concernée et des versements en report mentionnés au deuxième alinéa du présent II ainsi que des reports de la réduction d’impôt constatés au titre d’années antérieures.
« III. – Le I de l’article 197 est applicable.
« Lorsque tout ou partie des parts ayant donné lieu à la réduction est cédé avant le 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription, il est pratiqué au titre de l’année de la cession, une reprise des réductions d’impôt obtenues. Il en est de même en cas de remboursement des apports en numéraires aux souscripteurs.
« IV. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article, notamment les obligations déclaratives incombant aux contribuables et aux groupements. »
II. – La perte de recettes pour l’État résultant du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A au code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset.
M. Jean-Marie Morisset. Cet amendement, dont le premier des trente et un signataires est M. Savary, concerne les groupements fonciers agricoles, les GFA.
Chacun sait que les groupements fonciers agricoles permettent, au moyen de baux à long terme, d’assurer la sécurité des fermiers, tout en offrant une nouvelle structure d’accueil aux détenteurs de capitaux, agriculteurs ou non, souhaitant réaliser un placement « terre ». Ils constituent un outil de portage efficient face à l’augmentation du prix du foncier. Leur attractivité est néanmoins atténuée du fait d’une rentabilité très modeste et d’une faible liquidité des parts sociales.
L’institution d’une réduction d’impôt, comparable à celle qui existe pour la souscription au capital de certaines PME, permettrait de redynamiser les GFA et, espérons-le, de mener à bien les projets de portage indispensable à la sauvegarde des exploitations familiales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La majorité sénatoriale a déposé une proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire qui comporte un certain nombre de dispositions d’ordre juridique et fiscal. Ce texte, élaboré par Jean-Claude Lenoir et Jean Bizet, a été cosigné par un très grand nombre de collègues. Il constitue un ensemble cohérent, notamment sur le plan fiscal, et trouvera une traduction sous la forme d’amendements au projet de loi de finances pour 2016. Ce dispositif ayant fait l’objet d’une réflexion et d’une concertation très larges, la commission des finances, par cohérence, émettra un avis favorable sur les propositions de nature fiscale qui en sont directement issues.
L’amendement n° I-66 rectifié vise à créer une nouvelle réduction d’impôt au profit des groupements fonciers agricoles, sur le modèle de celle qui existe pour la souscription au capital de certaines PME. Ses auteurs souhaitent redynamiser les GFA.
La commission n’ayant pas eu le temps d’expertiser ce dispositif, elle souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le monde agricole bénéficie déjà de dispositifs de soutien fiscal importants, puisque les activités agricoles sont éligibles au dispositif Madelin lorsqu’elles sont exercées sous forme de société. Par ailleurs, les parts de groupement foncier agricole sont éligibles, sous certaines conditions, à une exonération d’impôt sur la fortune de 75 % et sont également exonérées des droits de mutation à titre gratuit.
La création de cette nouvelle niche fiscale en faveur de l’investissement dans les GFA n’est donc pas envisageable du point de vue tant de l’équité que de l’équilibre budgétaire. La création d’un tel dispositif serait également hasardeuse dans un contexte juridique européen restrictif au regard des aides d’État.
Pour rebondir sur les propos de M. le rapporteur général, je vous indique que le Gouvernement travaille actuellement à un certain nombre de dispositions plus générales sur la fiscalité agricole. Celles-ci n’ont pas été introduites dans le texte initial du projet de loi de finances rectificative, mais je crois savoir qu’un certain nombre d’amendements bénéficieront d’un accueil favorable et quasiment concerté entre le Gouvernement et le groupe de travail constitué à l’Assemblée nationale autour du député François André.
Pour parfaire votre information, je vous indique que nous serons amenés à adapter le régime de l’ISF, voire également, par cohérence, celui du dispositif Madelin, eu égard aux exigences du droit européen. Cette question sera traitée dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative.
Dans ce contexte, vous comprendrez que l’avis du Gouvernement soit défavorable.
M. le président. Monsieur Morisset, l’amendement n° I-66 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Morisset. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions sur les modifications de notre fiscalité qui pourraient intervenir en faveur de l’agriculture. J’insiste sur les GFA, car ils constituent un outil qui favorise l’installation des jeunes agriculteurs. Si des priorités doivent être définies, les GFA en font partie.
Cet amendement a permis d’ouvrir un débat qui se poursuivra à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Je le retire donc, dans l’attente de la discussion des orientations futures.
M. le président. L’amendement n° I-66 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-313 rectifié, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 263 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est abrogé.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement vise à supprimer un ajout résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite loi Macron, qui a étendu le régime d’exonération d’impôt sur le revenu de certains salariés et dirigeants étrangers travaillant en France et y étant fiscalement domiciliés. Il s’agit de ce que l’on appelle le régime des « impatriés ».
En effet, ce régime, instauré par la précédente majorité, est extrêmement favorable aux impatriés. Durant cinq ans, les cadres et dirigeants étrangers embauchés dans une entreprise française voient leur prime d’impatriation, ainsi que la part de leur revenu correspondant à leur activité liée à l’étranger, exonérée d’impôt sur le revenu. Certaines valeurs mobilières et cessions de plus-values le sont également. En outre, des dispositions favorables concernant l’impôt de solidarité sur la fortune leur sont accordées.
Cette « niche fiscale » ne touche que très peu de contribuables, lesquels sont de plus très aisés en raison de la nature même du dispositif qui vise à attirer des salariés et dirigeants étrangers très qualifiés. En 2013, seuls 11 070 contribuables en ont bénéficié, pour un gain moyen par bénéficiaire de 12 195 euros.
Le nombre de bénéficiaires a augmenté de 51 % depuis 2007, et le gain moyen par bénéficiaire de 124 %. À titre de comparaison, l’Allemagne n’accorde aucun régime favorable à ses impatriés. Le Luxembourg, quant à lui, n’exonère que les dépenses concrètes liées à l’impatriation, comme les frais de déménagement ou les frais scolaires. Le régime français est ainsi l’un des plus favorables en Europe ;…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour une fois !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … or je ne crois pas qu’il ait contribué massivement à notre compétitivité. Enfin, son coût pour les finances publiques est assez élevé, puisqu’il était de 135 millions d’euros en 2013 et a considérablement augmenté depuis.
Cet amendement vise non pas à supprimer totalement l’avantage acquis par les impatriés, mais à revenir simplement sur son extension prévue par la loi d’août 2015. Celle-ci a pour effet d’accorder l’exonération d’impôt sur le revenu également en cas de changement de poste ou d’entreprise au sein d’un même groupe. Vous voyez comment ce petit jeu peut favoriser le développement des niches fiscales.
Monsieur le secrétaire d’État, au regard des graves difficultés rencontrées par nos finances publiques et des ruptures de financement touchant des activités beaucoup plus utiles à la nation, l’augmentation des aides aux impatriés qui bénéficient déjà d’un régime très favorable dont l’efficacité n’est pas prouvée pour l’économie française ne me paraît pas prioritaire. Je sollicite donc nos collègues afin de revenir sur cet avantage que je considère comme indu et qui est en tout cas inconsidéré au regard de l’état de nos finances publiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mme Lienemann nous propose de revenir sur le régime des impatriés qui a été créé en 2004, réformé en 2008 et étendu par la loi Macron en 2015. Ce régime permet effectivement d’attirer en France des cadres de haut niveau qui paient des impôts en France, mais qui sont exonérés de taxation sur le surplus de rémunération lié de l’impatriation.
La commission est très défavorable à cet amendement. En effet, ce dispositif a un coût, mais il a également un effet bénéfique, car il permet tout simplement – avec un succès grandissant, puisqu’il compte déjà plus de 11 000 bénéficiaires – de faire venir en France des cadres qui paient leurs impôts en France. Sans ce régime, ces cadres de haut niveau ne viendraient pas dans notre pays, pour des raisons fiscales notamment.
La commission estime donc qu’il ne faut pas limiter la réflexion au coût brut de cette mesure, qui comporte un aspect positif, à savoir un véritable effet de levier qui se traduit par un surcroît de recettes, de quinze à vingt fois supérieur à ce coût, selon les évaluations qui nous avaient été communiquées lors de la discussion du projet de loi Macron.
Mme Lienemann a mis en avant l’attention toute particulière qu’elle porte à l’état de nos recettes fiscales. La commission est également sensible à ces considérations et estime que le régime des impatriés est à l’origine d’un surplus de recettes fiscales. C’est pourquoi elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, la loi Macron n’a ni révolutionné, ni amplifié, ni fait exploser le régime fiscal des impatriés.
Les bénéficiaires de ce régime sont exonérés d’impôt sur le revenu uniquement sur leur surplus de rémunération pendant cinq ans. Le correctif introduit par la loi Macron consiste à laisser courir ce délai lorsque la personne qui bénéficie du dispositif change de poste ou de société tout en restant en France.
Auparavant, une personne qui changeait de poste au sein de la même société cessait de bénéficier du régime des impatriés, ce qui n’était pas équitable. En effet, un collègue dans la même situation qui conservait son poste pendant cinq ans conservait l’avantage fiscal. La loi Macron n’a donc pas procédé à une modification majeure, et celle-ci me paraît cohérente.
Puisque c’est le seul élément que vous souhaitez changer, il ne me semble pas judicieux de vous suivre dans cette voie, madame la sénatrice. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-313 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 bis (nouveau)
À la seconde phrase du 2 de l’article 80 duodecies du code général des impôts, les mots : « les montants définis aux 3° et 4° du 1 » sont remplacés par les mots : « trois fois le plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale ».
M. le président. L’amendement n° I-158, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
trois fois
par les mots :
une fois
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous souhaitons attirer l’attention du Sénat sur la portée symbolique de la mesure introduite par l’article 2 bis, qui tend à ramener à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale – soit plus de 114 000 euros, tout de même ! – le montant exonéré d’impôt sur le revenu de l’indemnité de rupture du contrat de travail d’un dirigeant ou mandataire social. Nous parlons ici des fameux « parachutes dorés » qui défrayèrent la chronique à une certaine époque.
La morale semble bien nous indiquer que permettre aujourd’hui à quelqu’un de disposer d’une franchise fiscale sur un revenu de 228 240 euros laisse sans doute quelque peu rêveurs ceux qui vivent de revenus modestes. Comme il n’y a pas, en général, de préjudice moral à réparer, on se demande même si l’indemnité de rupture n’est pas plutôt, dans certains cas, la preuve d’une certaine forme de reconnaissance…
En revanche, il est sûr que le code déontologique de l’Association française des entreprises privées, dont certains feignaient d’attendre qu’il constituât le remède miracle à tous les travers du capitalisme moderne, n’a pas empêché que l’on constate, encore trop souvent, le caractère exorbitant des conditions de cessation d’activité offertes à quelques hauts dirigeants, même lorsqu’ils ont failli dans leur démarche de gestion de leur entreprise, accompagné moult plans sociaux meurtriers, voire perdu des parts de marché.
Un grand dirigeant d’entreprise a récemment vu son indemnité fixée à un niveau fort élevé qui a fait scandale. Le seul motif de cette décision était qu’il avait atteint l’un des objectifs qui lui étaient assignés, à savoir la remontée du cours de bourse d’Alcatel-Lucent...
Nous ne pouvons donc, mes chers collègues, que vous inciter à donner plus de force encore au dispositif instauré par cet article 2 bis et nous vous invitons à adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les « parachutes dorés » ont, à juste titre, choqué par leurs montants, mais la question est très largement résolue, puisqu’une taxation leur est applicable aujourd’hui.
Toutefois, l’abaissement à 114 000 euros du plafond à partir duquel ces indemnités sont soumises à l’impôt sur le revenu vise des cas qui ne correspondent pas à ceux que vous évoquez, où les indemnités se chiffrent en millions d’euros.
La commission s’interroge donc sur l’incidence réelle de cette mesure. Elle considère que le problème est d’ores et déjà résolu par les plafonds actuels, qui permettent de répondre aux situations les plus choquantes. Si l’on abaissait encore ces plafonds, on ne viserait plus les « parachutes dorés », mais plutôt les « parachutes argentés ».
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement comprend votre argumentation, monsieur Bocquet. C’est la raison pour laquelle il a accepté la proposition de vos collègues députés lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.
Cela dit, vous souhaitez aller plus loin et vous visez des niveaux d’indemnité que l’on ne peut qualifier de vraiment excessifs.
Peu de personnes sont concernées, puisque l’article ne concerne que les départs forcés des mandataires sociaux ou des dirigeants d’entreprise. On est loin de milliers de cas !
Le Gouvernement ne souhaite pas aller jusqu’à abaisser le seuil d’assujettissement à l’impôt sur le revenu à une seule fois le plafond annuel de la sécurité sociale, le PASS.
Il souhaite en rester au niveau fixé par les auteurs de l’amendement qu’il a soutenu à l’Assemblée nationale et émet donc un avis défavorable sur le présent amendement.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Le groupe socialiste suivra l’avis de la commission et du Gouvernement. Certes, il est toujours possible d’aller plus loin, mais le dispositif adopté par l’Assemblée nationale constitue déjà une avancée significative.
Cela dit, je veux soutenir l’argumentation de notre collègue Éric Bocquet.
Dans cette période troublée, alors que nombre de nos concitoyens sont en difficulté et perçoivent de tout petits salaires, quand certains ont été licenciés dans le cadre d’un plan social – nous aurions pu évoquer ce point –, cet amendement, que je considère comme un amendement d’appel, M. le secrétaire d'État nous ayant bien montré sa faible portée pratique, a le mérite de nous faire réfléchir à la situation et à l’équilibre social et économique de notre pays.
Indépendamment de leur qualité, je ne veux plus voir de mandataires sociaux ou de grands chefs d’entreprise recevoir 12 ou 15 millions d’euros ! Cela a encore été le cas récemment, et c’est inacceptable ! Au demeurant, ces sommes sont bien loin des montants proprement ahurissants qu’a touché ou que va toucher le PDG de Volkswagen qui vient de se faire débarquer.
En tant que parlementaires de la République, nous représentons toute la société, ceux qui réussissent comme ceux qui sont en difficulté. Il ne faut jamais oublier d’où l’on vient !
Monsieur le secrétaire d'État, quand je vois les difficultés que rencontrent nombre de nos concitoyens dans ma région, quand, surtout, je les vois choqués par les parachutes dorés déplacés dont ils ont entendu parler à la télévision, j’estime que les avancées qui ont été permises à l’Assemblée nationale vont dans le bon sens.
J’y insiste, si nous soutenons le texte de l’Assemblée nationale, je considère que l’amendement de M. Bocquet, auquel nous sommes défavorables, a permis d’ouvrir le débat. Celui-ci méritait d’avoir lieu aussi devant la Haute Assemblée. En effet, par leur présence sur le terrain, les sénateurs sont aux prises avec la réalité.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Concrètement, les cas choquants par leur montant que nous évoquons sont d'ores et déjà soumis à l’imposition et aux cotisations, grâce au plafond actuel. Je ne vois donc pas en quoi abaisser celui-ci de 114 000 à 38 000 euros aurait un effet dissuasif.
Pour éviter les cas les plus choquants de parachutes dorés, il faut s’en remettre à d’autres mécanismes de régulation – je pense au rôle que peuvent jouer les comités de rémunération, les conseils d’administration, à l’édiction de nouvelles règles extrafiscales…
Pour ce qui me concerne, je considère qu’il ne faudrait pas complexifier notre législation fiscale pour un nombre de cas très limité. Il ne s’agirait pas de procéder à une modification ad hominem !
D’ailleurs, je veux vous interroger, monsieur le secrétaire d'État : avez-vous une idée du nombre de cas concernés par de tels montants ? Dans son analyse, la commission en avait recensé très peu – dix ou vingt, peut-être –, la plupart des cas choquants étant évidemment résolus par le plafond actuel.
M. Daniel Raoul. C’est une question de morale !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je veux apporter quelques précisions.
Effectivement, monsieur le rapporteur général, le nombre de cas concernés est très faible.
M. Michel Bouvard. Heureusement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Au reste, il est vrai que l’amendement ne modifiera pas considérablement les choses pour les cas extravagants que vous évoquez, à juste titre.
Monsieur Bocquet, dans la présentation de votre amendement, vous avez fait remarquer, avec raison, qu’un code dit « de bonne conduite » avait été édicté voilà quelques années. Certains avaient pensé que ce document résoudrait tous les problèmes. Pour ce qui nous concerne, nous avions des doutes… et nous avions raison !
Il nous faut d'ailleurs constater aujourd'hui qu’un certain nombre de comportements n’ont pas été conformes à ce code de bonne conduite – le MEDEF, pour ne pas le citer, l’a lui-même reconnu.
De ce point de vue, M. Guillaume a raison : les choses sont évidemment trop choquantes pour que l’on s’en remette à des codes de bonne conduite, lesquels sont de toute façon transgressés, puisqu’ils sont souvent rédigés par les personnes directement concernées par les pratiques en cause.
La loi doit s’intéresser à ce problème. C’est le sens de l’amendement adopté à l’Assemblée nationale, qui permet des progrès. C’est aussi le sens d’autres dispositions qui ont été prises, mais qu’il serait quelque peu fastidieux d’énumérer à cet instant.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Bien entendu, je me réjouis de l’évolution positive qui a été introduite à l’Assemblée nationale en matière de fiscalisation des revenus provenant de parachutes dorés.
D’autres évolutions pourraient encore être imaginées à l’avenir. À cet égard, la philosophie développée par nos collègues du groupe CRC paraît tout à fait pertinente, mais, comme l’a dit M. le secrétaire d'État, l’avancée que marque l’article 2 bis semble pour l’instant déjà significative.
Cependant, je veux attirer l’attention sur un point, qui porte non pas sur la fiscalisation, mais sur la fixation des rémunérations par les conseils d’administration. Le fond du problème est bien là ! En effet, aujourd'hui, nos concitoyens souhaitent que tout le monde participe à l’effort collectif qui permettra à la situation de s’améliorer.
Pour ma part, je me félicite que l’on puisse déjà constater une prise de conscience incontestable des membres des conseils d’administration sur la question des rémunérations – les décisions prises par certains le prouvent. On sent bien qu’une évolution est en cours. Je note, par exemple, que plus de la moitié des groupes du CAC40 – 23 sociétés, pour être exact – ont adopté, en 2014, une indexation de la rémunération variable sur des critères de responsabilité sociale ou environnementale de l’entreprise.
Toutefois, il faudra sans doute susciter de nouvelles évolutions.
Je compte, pour ma part, sur le projet de loi « Macron II » pour responsabiliser les conseils d’administration et conduire à une évolution des mécanismes qu’ils mettent en œuvre pour fixer les rémunérations variables.
En résumé, les choses avancent, la fiscalisation progresse, mais de nouvelles avancées peuvent être utiles ; je compte à cet égard, je le répète, sur la loi Macron II.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Voilà quelques années, à l’Assemblée nationale, j’avais été le premier à déposer des amendements relatifs aux parachutes dorés. Ces amendements avaient été adoptés par la commission des finances.
Il est vrai que nous avons beaucoup progressé depuis.
Pour autant, les propos de François Marc me paraissent parfaitement fondés : il convient de réaliser un bilan et de réfléchir à la manière d’encadrer encore mieux les choses.
Comme certains le savent ici, j’ai eu à m’occuper, pendant un temps limité, du Crédit immobilier de France, société anonyme incluse dans la sphère sociale.
Les conditions de départ de son dirigeant, qui a failli dans ses responsabilités – cela a d'ailleurs abouti à la disparition de la société –, ont été particulièrement choquantes, compte tenu du parachute doré qui lui a été versé sous couvert de retraite.
En clair, sans vouloir tout contrôler, sans vouloir brider la compétitivité du pays ni sa capacité à attirer des dirigeants de talent, nous devons aujourd'hui régler notamment le problème des dirigeants des entreprises ayant connu une mauvaise gouvernance, des déficits ou une gestion calamiteuse qui partent avec des primes ou avec des rémunérations complémentaires, au titre de la retraite ou à d’autres titres. Ce sont ces situations qu’il faut encadrer.
En revanche, nous ne pouvons évidemment pas voter l’amendement, qui, pour le coup, ne traite pas de ce sujet et qui est sans doute trop ample, eu égard au nombre de personnes qui seraient couvertes par les plafonds de rémunération mentionnés.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’entends bien tout ce qui vient d’être dit ! Cependant, j’estime que nous devons faire un peu attention.
Bien évidemment, il me paraît scandaleux que l’on verse des parachutes dorés à des chefs d’entreprise qui ont échoué dans leur mission, qui ont conduit leur entreprise au désastre, qui ont licencié des salariés, réduit l’emploi… Mais ce n’est ni plus ni moins scandaleux que nombre de ventes ou d’achats de joueurs de football à coup de millions d’euros ou que les salaires versés dans le show-business ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Dans une période difficile, il est assez légitime que nos concitoyens trouvent les sommes en question un peu surprenantes, pour ne pas dire indécentes.
En revanche, je veux rappeler aux auteurs de l’amendement que nous sommes dans une économie ouverte. Nous sommes très heureux que certains Français réussissent parfaitement à l’étranger, deviennent patrons de grandes sociétés internationales et perçoivent des salaires mirobolants ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Richard Yung. Des exilés fiscaux !
M. Roger Karoutchi. Cela se passe souvent ainsi au Japon ou aux États-Unis, et c’est tant mieux.
En sens inverse, nous avons aussi parfois besoin de faire venir en France de grands patrons étrangers. Si nous voulons réussir, il ne faut pas que la France soit perçue, dans la compétition internationale, comme le pays qui, au final, n’offre pas de capacités aux dirigeants.
Autant je suis favorable à l’absence d’indemnités, voire à des sanctions pour les dirigeants qui ont échoué ou licencié, autant j’en appelle à un minimum de prudence pour ceux qui réussissent bien, qui créent de l’emploi et de la richesse et qui développent leur entreprise.
Il ne faut pas d’excès, mais il ne faut pas non plus décourager ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 2 bis
M. le président. L'amendement n° I-162, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du deuxième alinéa du 2° de l’article 83 du code général des impôts, les mots : « huit fois » sont remplacés par les mots : « une fois ».
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. La question du devenir de nos retraites est posée depuis plusieurs années, l’assurance vieillesse solidaire et intergénérationnelle, élément clé de notre pacte social et républicain, étant progressivement minée par l’accroissement des inégalités salariales, le développement préoccupant du chômage, la précarité grandissante des conditions de travail et de rémunération imposées aux salariés.
Depuis la « loi Balladur » de 1993, puis avec la « loi Fillon » de 2003 et avec certaines dispositions de la « loi Macron », votée à l’été 2015, une démarche visant à favoriser le développement de l’épargne retraite individualisée a été mise en œuvre.
L’objectif fondamental de cette démarche n’a pas changé : sous couvert d’une inquiétude plus ou moins feinte à l’endroit de l’avenir du régime général et, plus récemment, des régimes complémentaires obligatoires, les promoteurs de l’épargne retraite individualisée entendent distraire du financement mutualisé de l’assurance vieillesse des sommes sans cesse plus importantes, pour pouvoir les engager sur les marchés financiers à long terme. Ce recours au long terme est évidemment encouragé par le fait que les salariés doivent désormais consacrer plus de quarante ans à leur vie professionnelle.
Le système de retraite individualisée crée de profondes inégalités.
Il pose un véritable problème pour les retraites dites « chapeau » : les niveaux de financement par l’entreprise de dispositifs qui sont très largement dérogatoires du droit commun conduisent à des montants de prestations servies particulièrement élevés.
C’est pour éviter ces travers que nous vous proposons, mes chers collègues, de plafonner, par référence au plafond annuel de la sécurité sociale, le montant des abondements aux régimes de retraite supplémentaire ne présentant pas le caractère de rémunérations dissimulées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous parlons ici non pas des « retraites chapeaux », mais des régimes de retraite supplémentaire qui concernent environ 3,5 millions de salariés.
Abaisser le plafond de huit fois à une fois, comme l’a proposé à l’instant Mme Beaufils, reviendrait à pénaliser ces salariés, ce qui n’est pas acceptable. C'est la raison pour laquelle la commission des finances émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement rejoint celui de la commission.
Pardon de le redire, mais il s’agit de sujets très complexes. Quand on évoque les « retraites chapeaux », tout le monde a en tête des exemples extravagants.
Or, certaines entreprises, notamment dans le secteur de la sidérurgie…
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … secteur que je connais bien en tant que Lorrain, ont mis en place des systèmes de retraite supplémentaire. Il s’agit en quelque sorte du troisième étage, après la retraite de base et la retraite complémentaire. C’est le cas, par exemple, de grands groupes comme Arcelor, entre autres. Des centaines de milliers de personnes touchent ainsi des retraites supplémentaires, liées à différents régimes.
Voilà deux ans, en collaboration avec le président Carrez, nous avons décidé de mettre en place un système d’imposition différent suivant le niveau de ces retraites dites « chapeaux » : quasi-exonération – de mémoire – pour les plus petits niveaux, taux d’imposition moyen pour les niveaux intermédiaires, et taux beaucoup plus fort pour les montants dépassant l’entendement.
Vous soulevez le problème de l’exonération au moment de la constitution de ces retraites. Or il s'agit d’un dispositif visant justement à éviter tout risque de double imposition, ces retraites étant imposées lors de la sortie.
Il faut distinguer entre les retraites constituées au sein de l’entreprise – c’est là qu’est la complexité – ou déléguées à des organismes extérieurs. Dans ce dernier cas, les traitements sont différents. Il faut donc éviter de généraliser, tout en combattant tout ce qui peut choquer l’entendement.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. La réponse de M. le secrétaire d’État va me permettre de me limiter à un bref propos.
Ce régime concerne en effet de nombreuses entreprises industrielles du secteur de la métallurgie, dans lequel il s’agit d’une tradition. Voilà quelques années, nous avons légiféré trop vite et de manière trop intense au détriment de centaines de salariés du groupe Pechiney Ugine-Kuhlmann, et il a fallu revenir sur ces dispositions.
Je pense que nous devons garder le souvenir des erreurs que nous avons pu commettre collectivement, ainsi que des rectifications intervenues. Il serait judicieux, madame Beaufils, de ne pas pénaliser ces anciens salariés, dont beaucoup sont des retraités modestes ou moyens,…
M. Michel Bouvard. … en opérant un amalgame qui n’a pas lieu d’être.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Nous considérons que ces plans d’épargne retraite sont une bonne chose, non seulement pour le salarié, même modeste, comme l’a souligné M. Bouvard – il s’agit d’un bon complément –, mais aussi pour la structuration de l’épargne à long terme dans notre pays, objectif que nous poursuivons tous.
J’ai le sentiment d’une confusion, ou d’un amalgame, entre ce que l’on appelle traditionnellement les « retraites chapeaux » des grands dirigeants, souvent choquantes – cela rejoint notre précédent débat –, et les plans d’épargne des salariés.
C'est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas cette mesure qui, au final, tend à écraser tout le monde de la même façon. Il ne s’agit pas, à notre avis, d’une bonne proposition.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous allons maintenir notre amendement, même si j’entends les remarques qui ont été formulées sur ces cas particuliers.
Par cet amendement, nous avons voulu alerter sur le développement de ces régimes qui semblent, petit à petit, vouloir prendre le pas sur notre système de retraite actuel.
Entre le « huit fois » et le « une fois » que nous proposons, il existe tout de même une marge non négligeable. Notre amendement vise à soulever un vrai problème : prenons garde de ne pas soutenir la création d’outils de type fonds de pension qui pourraient être facilement utilisés, à terme, par une autre majorité pour mieux encore aller à l’encontre de notre régime solidaire de retraite.
Nous maintenons notre amendement, même si nous reconnaissons qu’il faudrait peut-être l’améliorer eu égard au problème particulier de la sidérurgie qui a été soulevé.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je voudrais rassurer Mme Beaufils, qui doit lire dans le marc de café…
Mme Marie-France Beaufils. Non, monsieur Dallier, je ne lis pas dans le marc de café !
M. Philippe Dallier. … en disant craindre qu’une nouvelle majorité ne puisse s’en prendre au régime général.
Ma réponse sera simple, chère collègue : non, non et non ! Ces dernières années, nous avons beaucoup plus réformé pour sauver les régimes de retraite que les majorités de gauche ! (M. Roger Karoutchi marque son approbation.)
Mme Marie-France Beaufils. Vous ne me rassurez pas du tout ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
M. Philippe Dallier. Ne craignez rien, nous sommes tout autant que vous attachés à notre régime de retraite. Et si certains salariés peuvent bénéficier d’une meilleure retraite grâce aux dispositifs existants, à l’instar de la Préfon pour les fonctionnaires, c’est tant mieux ! Beaucoup de Français en profitent et y sont attachés. Soyez donc tout à fait rassurée !
M. le président. L'amendement n° I-371 rectifié ter, présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Marseille, Canevet, Laurey, Delcros, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du I de l’article 150 VB, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Le prix d’acquisition s’entend également de l’effet de l’érosion de la valeur de la monnaie pendant la durée de détention du bien. » ;
2° Les six premiers alinéas du I de l’article 150 VC sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« I. – Pour la prise en compte de l’effet de l’érosion de la valeur de la monnaie mentionnée au I de l’article 150 VB, dans l’établissement du prix d’acquisition, la durée de détention est décomptée : » ;
3° À la première phrase du premier alinéa de l’article 200 B, le taux : « 19 % » est remplacé par le taux : « 9 % » ;
4° Après la première phrase du premier alinéa du même article, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
» Pour les cessions intervenant après moins de deux ans de détention, les plus-values réalisées sont, par exception, imposées au taux forfaitaire de 18 % » ;
5° L’article 1609 nonies G est abrogé.
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 136-6 est ainsi modifié :
a) Au e, après le mot : « Des plus-values », sont insérés les mots : « de cessions mobilières » ;
b) Après le e, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Des plus-values de cessions immobilières et de terrains à bâtir soumises à l’impôt sur le revenu ; »
2° Le I de l’article L. 136-8 est ainsi modifié :
a) Au 2° , après la référence : « à l’article L. 136-6 », sont insérés les mots : « à l’exception des plus-values de cessions immobilières visées par son septième alinéa, » ;
b) Après le 2° , il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° A 8 % pour les plus-values mentionnées au septième alinéa de l’article L. 136-6 pour les cessions intervenant après moins de deux ans de détention. À 3 % pour les plus-values mentionnées au même alinéa pour les cessions intervenant après plus de deux ans de détention ; »
3° L’article L. 245-16 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Par exception au I du présent article, les plus-values de cessions immobilières visées au septième alinéa de l’article L. 136-6 sont soumises à un taux de 4 % de prélèvements sociaux pour les cessions intervenant après moins de deux ans de détention. Pour les cessions intervenant après plus de deux ans de détention, le taux de prélèvements sociaux est de 3 %.
« Le produit de ces prélèvements est ainsi réparti :
« 1° Une part correspondant à un taux de 1 % à la Caisse d’amortissement de la dette sociale quelle que soit la durée de détention ;
« 2° Une part correspondant à un taux de 1 % à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés quelle que soit la durée de détention ;
« 3° Une part correspondant à un taux de 2 % à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés pour les cessions intervenant après moins de deux ans de détention. Pour les cessions intervenant après plus de deux ans de détention, le taux correspondant est de 1 %. »
III. – Le III de l’article 27 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 est abrogé.
IV. – Les dispositions du présent article s’appliquent aux cessions intervenant à compter du 31 décembre 2016.
V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I à IV est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
VI. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale visés au II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement, que nous avions déjà déposé l’an dernier, vise à simplifier la taxation des plus-values immobilières et à la rendre plus efficace économiquement, un impôt simple sur une base plus large étant de nature à favoriser l’augmentation du nombre de transactions.
Le régime actuel prévoit un taux différent pour l’imposition de la plus-value et la CSG, ainsi qu’une durée d’abattement différente : vingt-deux ans pour l’un, trente ans pour l’autre. Ce système complexe favorise la détention longue des biens, ce qui n’est pas très favorable économiquement.
À travers cet amendement, nous proposons de fixer un taux unique de 15 % – 9 % au titre de l’impôt sur le revenu et 6 % au titre de la CSG –, bien plus bas que le taux facial de 34,5 % actuellement en vigueur.
L’an dernier, M. le secrétaire d’État s’était montré intéressé. Il nous avait demandé de nous appuyer sur des simulations afin de démontrer qu’aucune perte de recettes n’en résulterait pour l’État. Au contraire, l’idée est de dégager davantage de recettes grâce à une augmentation du nombre de transactions.
Les premières simulations que nous avons obtenues de Bercy ne nous ont pas satisfaits. Nous avons fini par obtenir un échantillon de 100 000 transactions au premier semestre 2014, sur la base duquel nous avons pu calculer qu’un taux global – impôt sur le revenu et CSG – d’un peu plus de 10 % suffirait pour obtenir le même produit. Or nous proposons ici un taux de 15 %, ce qui garantit un produit au moins équivalent.
La commission des finances avait formulé deux observations. La première portait sur la période transitoire, que nous proposons d’étendre jusqu’au 31 octobre 2016.
La seconde concernait les transactions de court terme, plus spéculatives. Nous proposons donc un doublement du taux à la fois de l’impôt sur le revenu et de la CSG – 30 % – sur les transactions lors des deux premières années, afin de décourager la spéculation de court terme.
Tel est le sens de cet amendement qui me paraît aller dans la bonne direction en termes de fiscalité.
M. le président. Le sous-amendement n° I-422, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Amendement n° I-371 rectifié ter
I. – Alinéa 10
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
II. – Alinéa 20, première phrase
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
III. – Alinéa 20, seconde phrase
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
IV. – Alinéa 22, première phrase
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
V. – Alinéa 22, seconde phrase
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
VI. – Alinéa 26, première phrase
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
VII. – Alinéa 26, seconde phrase
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Ce sous-amendement a été déposé après que l’on a débattu de l’amendement n° I-372 rectifié ter en commission et avant que M. Delahaye ne rectifie ce dernier.
Ce sous-amendement, à l’instar de la rectification, vise à éviter les effets d’aubaine. Il s’agit en effet de prévenir certains effets pervers tenant à l’acquisition de terrains préalablement à une modification de documents d’urbanisme, par exemple, afin de réaliser une plus-value substantielle sans être rattrapé par la fiscalité.
Il s’agit également d’un vieux sujet, à l’instar de celui des parachutes dorés ou des retraites chapeaux. Voilà des années que nous tâtonnons sur la définition de ce que peut être ou non le bon régime en matière de plus-value immobilière. Les textes ont été modifiés à de multiples reprises, sans avoir pris la peine de s’assurer que ces changements avaient eu un quelconque effet sur le déblocage du marché du foncier et la libération d’un plus grand nombre de terrains.
À titre personnel, je suis intellectuellement favorable à l’amendement n° I-371 rectifié ter, que je vais voter.
Cela étant, je pense souhaitable de disposer d’une estimation réelle des effets de toutes les mesures d’ajustement du régime des plus-values immobilières prises depuis vingt ans : eu égard à leur environnement économique, quels ont été leurs effets, en bien ou en mal, en termes de libération du foncier ? Une telle estimation me semblerait d’autant plus utile que, sur ce sujet, nous légiférons depuis des années un peu à l’aveugle, sinon dans le brouillard.
M. le président. Quel est l’avis cela commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tout au long de cette année, un groupe de travail – je précise qu’il était pluraliste – sur l’immobilier s’est réuni au sein de la commission des finances. Nous avons auditionné des acteurs extrêmement variés dans le domaine du logement, promoteurs ou fiscalistes, par exemple.
Nous pouvons d'ores et déjà partager un constat : il est extrêmement difficile de mesurer l’incidence d’un certain nombre de mesures fiscales, qu’il s’agisse de tous les régimes d’immobilier aidé ou des abattements en matière de plus-value immobilière. En clair, nous n’avons pas pu mesurer d’effet direct de ces mesures, notamment concernant les abattements exceptionnels sur les plus-values immobilières.
Un abattement exceptionnel est actuellement en vigueur jusqu’au 31 décembre 2015 sur le fait de donner un terrain à bâtir ; d’autres abattements exceptionnels à durée limitée ont également cours. Or personne n’est capable de démontrer que ces mesures, qui ont un coût, produisent un quelconque effet, notamment en termes de nombre de transactions.
Par ailleurs, des dispositifs de surtaxe sont venus complexifier le système. Taxes sur les plus-values élevées, abattements, exonérations : force est de constater que le régime est devenu extrêmement complexe et que, comme le soulignait à l’instant Michel Bouvard, nous sommes incapables de faire le bilan de ces abattements exceptionnels ou de ces surtaxes.
En outre, le régime des plus-values immobilières reste fondamentalement complexe. Le Gouvernement dit l’avoir réformé, prétendant que les exonérations interviennent après vingt-deux ans de détention. Mais non ! Cela reste bien trente ans en matière de CSG et de prélèvements sociaux ! Pourquoi une telle différence ?
Au travers de cet amendement, Vincent Delahaye pose une question essentielle sur notre système de taxation des plus-values, qui favorise la détention longue et incite les propriétaires à conserver leurs biens. Dans la mesure où ce système exonère les propriétaires, de fait, au-delà de trente ans de détention, ceux-ci ne sont absolument pas incités fiscalement à céder leurs biens. Cela n’accélère pas la rotation des transactions, puisque ne sont pas mis sur le marché des logements ou des terrains dont on a besoin pour la construction.
Ainsi, le système va sans doute à l’encontre de son objectif. C’est la raison pour laquelle il convient d’encourager un mécanisme qui ne tienne pas compte de la durée de détention, afin de favoriser les transactions.
J’ajoute qu’il existe deux bornes constitutionnelles en la matière : l’érosion monétaire, dont nous tenons compte, et le caractère non confiscatoire. Le système proposé a été conçu pour susciter autant de recettes que l’ancien dispositif, mais la conviction de la commission est qu’il en produira plus.
La commission avait émis un avis de sagesse bienveillante sur cet amendement, dont les dispositions prévoient, comme nous le souhaitions, une période transitoire jusqu’au 31 décembre 2016 et une taxation des plus-values réalisées après deux ou trois ans de détention, de façon à éviter les spéculations des marchands de biens, à savoir les allers et retours très rapides en matière d’immobilier.
Les dispositions du sous-amendement n° I-422 vont exactement dans le sens souhaité par la commission, qui a souhaité régler la question de la période transitoire. Le dispositif proposé prévoit en effet que les propriétaires envisageant de vendre et bénéficiant à l’heure actuelle d’une exonération disposent encore d’un an, jusqu’au 31 décembre 2016, pour réaliser leur transaction sans être taxés ; ensuite, c’est le nouveau système qui prendra le relais.
L’objet de ce sous-amendement est d’éviter que les transactions bénéficient d’un effet d’aubaine, en portant à trois ans la durée minimum de détention pour bénéficier du nouveau système. Je ne sais pas si l’auteur de l’amendement et celui du sous-amendement se mettront d’accord sur cette durée minimum de détention. En tout cas, je le répète, la commission souhaite éviter un achat suivi d’une revente immédiate, qui bénéficierait de fait d’un régime fiscal extrêmement favorable.
M. Michel Bouvard. Tout à fait. Il faut éviter les dérives crapuleuses !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’émets donc un avis de sagesse positive sur le sous-amendement n° I-422, ainsi que sur l'amendement n° I-371 rectifié ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur général, vous venez de l’expliquer vous-même, il est impossible de dresser le bilan des mesures qui ont été prises, quels que soient les gouvernements concernés. Dès lors, comment voulez-vous renforcer des dispositifs dont vous ne savez pas vous-mêmes évaluer les effets ?
Au reste, il est normal de rencontrer des difficultés en la matière, puisque les différents dispositifs adoptés ces dernières années, par des majorités de droite ou de gauche, s’inscrivent dans des contextes qui ont complètement changé : la crise, l’évolution favorable, mais brutale, des taux d’intérêt… Tant de facteurs interviennent sur ce marché qu’il est difficile d’apprécier la part de la fiscalité en la matière.
De mon côté, pour avoir rencontré un grand nombre d’acteurs dans ce domaine, je sais qu’ils nous demandent d’abord de la stabilité.
M. Philippe Dallier. C’est vrai !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ils nous exhortent à cesser de changer les règles. Vous le dites vous-mêmes, nous n’avons apporté la démonstration ni de l’efficacité ni même de l’inefficacité des dispositifs existants. Parallèlement, tout le monde nous dit de laisser vivre le régime des plus-values. Je ne vois donc pas pourquoi vous le voulez le bouleverser avec cet amendement.
Vous allégez la fiscalité sur les transactions de courte durée. Finalement, alors que la taxation disparaissait au bout de vingt-deux ans pour l’imposition sur le revenu et de trente ans pour les cotisations sociales, elle subsistera – on paiera toujours –, quelle que soit la durée de détention, même si, je l’ai bien noté, le mécanisme de l’érosion monétaire doit être pris en compte.
Vous affirmez que l’adoption de cet amendement ne pèsera pas sur le budget de l’État. Pour notre part, nous évaluons son coût à quelque 800 millions d’euros. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Mesdames, messieurs les sénateurs, j’assume une telle évaluation : vous avez fait vos calculs, nous faisons les nôtres.
Certes, je connais le discours – je l’ai d’ailleurs entendu à l’instant – qui consiste à dire qu’un tel système multipliera le nombre de transactions, ce qui augmentera les recettes de l’État.
Toutefois, le Gouvernement ne comprend pas le sens de cet amendement, qui vise un secteur pour lequel tout le monde demande de la stabilité. Il faut bien le reconnaître, nous sommes tous quelque peu interrogatifs. Certains veulent des chocs d’offre, d’autres des chocs fiscaux dissuasifs… Ce n’est d’ailleurs pas une question de gauche ou de droite : j’entends ces demandes depuis plusieurs années.
Je pense que la sagesse qui caractérise votre assemblée serait de ne pas légiférer sur ce point à ce stade et de laisser vivre les dispositifs mis en place. Vous le savez, le secteur s’adapte assez bien à la complexité, même si elle est parfois regrettable.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° I-422 et sur l'amendement n° I-371 rectifié ter.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison, tous les acteurs que nous avons rencontrés nous ont demandé de la stabilité fiscale. Pour autant, ils considèrent que le système en vigueur n’est pas bon. Ils souhaitent que nous trouvions le bon système, auquel on ne touchera plus au cours des vingt ou trente ans à venir, si tant est que cela soit possible !
Ces acteurs nous ont aussi parlé de la complexité et de l’illisibilité du dispositif. Il faut bien le reconnaître, aussi bien sous les gouvernements que nous soutenions que depuis 2012, les règles du jeu ont été modifiées, pour ainsi dire, tous les quatre matins.
Notre collègue Vincent Delahaye a le mérite, depuis deux ans, de soulever cette question et de travailler à un nouveau mécanisme. Certes, le problème du coût se pose. Toutefois, j’ai un peu de mal à croire, monsieur le secrétaire d’État, que le chiffre que vous venez d’annoncer reflète la réalité de la situation.
On a là un nouveau dispositif, qui pourrait être durable. Les dispositions visant des chocs d’offre ou des allégements pour détention longue sont complètement illisibles ! Les notaires nous l’ont dit, les chocs d’offre ne fonctionnent absolument pas. Ils ne déclenchent que des effets d’aubaine : celui qui se trouve là au bon moment en profite, et c’est tant mieux pour lui.
Le cas contraire s’est aussi présenté : il faut voir les bêtises que nous avons commises sur le foncier non bâti, avec ces taxes à cinq euros le mètre carré, qui auraient dû passer à dix euros le mètre carré. Franchement, on a tout essayé ! Selon moi, on s’est beaucoup trompé au cours des dernières années. Il faut donc que l’on trouve le dispositif le plus simple et le plus clair possible, permettant de neutraliser la durée de détention.
Le seul point d’achoppement, qui est peut-être traité par le sous-amendement défendu par M. Bouvard, c’est la durée de la période transitoire. Deux ans, c’est court. Une durée de trois ou quatre ans ne m’aurait pas particulièrement choqué. À mes yeux, le dispositif est bon, même si l’on peut encore discuter de la durée minimale de détention.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je suis tout à fait défavorable à cet amendement. M. le secrétaire d’État a eu raison de l’indiquer, nous avons besoin aujourd'hui d’une grande stabilité dans le domaine fiscal.
Chers collègues, ce que vous proposez, je le rappelle, aura pour premier effet de diminuer le montant des sommes payées par la grande masse des vendeurs de terrains qui réalisent une plus-value immobilière.
Par ailleurs, j’observe que la majorité du Sénat propose un mécanisme visant à favoriser un certain nombre de transactions, alors qu’elle a supprimé au sein de la commission des finances l’avantage fiscal accordé au logement social au moment de la vente du terrain – aujourd'hui, quand la vente s’effectue en faveur d’un organisme d’HLM, le vendeur bénéficie d’allégements fiscaux. J’espère bien que l’Assemblée nationale restaurera ces dispositions.
Les seuls mécanismes dont l’efficacité a été prouvée concernent des créneaux très limités du marché. Sinon, ils se traduisent par une hausse des prix, par un biais ou un autre.
Certes, une réforme fondamentale de la fiscalité sur les transactions immobilières et sur le foncier est nécessaire, car la compétitivité de la France pâtit de la rente foncière considérable qui s’est accumulée au cours du temps. Tous les experts économiques considèrent qu’il s’agit là d’un handicap majeur de notre pays. De ce point de vue, France Stratégie a réalisé un certain nombre d’études tout à fait intéressantes.
M. Francis Delattre. Cela fait des années qu’on le dit !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si l’on veut réformer le système, et il faut le faire, il convient de procéder de manière globale et pérenne.
On ne peut donc pas éluder la question de l’évolution du foncier non bâti et, plus globalement, de la taxe foncière. Dans la plupart des pays du monde, le foncier est taxé en fonction de la valeur vénale du bien. Ainsi, dans le cas de la construction d’un tramway, la valeur du bien a un impact sur le montant de l’impôt versé. Au moment de la transaction, la plus-value effectivement réalisée est taxée, de manière que la puissance publique puisse récupérer une partie de ce que le privé a capté de la richesse publique d’intérêt général. Il y a donc un effet anti-spéculatif.
En conclusion, en l’état actuel des choses, la mesure que vous proposez allégera la taxe pesant sur un certain nombre de propriétaires qui ont les moyens de payer et favorisera l’augmentation des prix du foncier,…
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … car vous avez supprimé les outils de régulation qui existaient.
Selon moi, il faut donc s’opposer fermement à l’amendement qui nous est proposé.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je soutiens le principe qui a présidé à l’élaboration de cet amendement. Je considère en effet que le système d’abattement actuellement en vigueur ne fait que favoriser la durée de la détention.
Au sein du groupe de travail, nous avons comparé le nombre de logements vacants, qui ne sont mis ni en location ni à la vente, soit 2,8 millions d’habitations, au nombre de logements dont nous manquerions dans notre pays, qui est estimé à un million environ. Dans un tel contexte, je me pose la question : ce système d’abattement ne fait-il que favoriser la spéculation ?
Par ailleurs, j’avais imaginé, et M. Vincent Delahaye l'avait promis, qu’une telle modification de la fiscalité serait neutre en termes de recettes fiscales. Or je constate sur ce point une différence d’appréciation relativement importante entre le Gouvernement et l’auteur de l’amendement. Par conséquent, il ne m’est pas possible de suivre complètement le raisonnement proposé et je demande une estimation réelle et contradictoire de la situation.
Sur le cas particulier des terrains à bâtir, je prendrai l’exemple des pays nordiques, dans lesquels la plus-value, hors érosion monétaire, est taxée à 100 %, directement versée aux collectivités et affectée au logement. Ce serait selon moi une bonne mesure à prendre, si l’on considère le manque de foncier actuel. Dans tous les cas, cela donnerait des moyens supplémentaires aux collectivités pour faire de la construction.
Par conséquent, bien que je soutienne le principe qui sous-tend cet amendement, je m’abstiendrai.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Le prix du foncier est effectivement un dossier intéressant. Certains prétendent d’ailleurs que ce seul facteur renchérit de 50 % le coût du logement en France par rapport à celui qui s’applique en Allemagne. Au demeurant, tout ceci mériterait d’être vérifié.
Si la fiscalité organise, bien sûr, les conditions du marché, des outils adéquats sont également nécessaires. Dans la région parisienne, où vous avez été élue durant de nombreuses années, madame Lienemann,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je le suis toujours !
M. Francis Delattre. … nous disposions d’un outil, l’Agence foncière technique de la région parisienne, ou AFTRP. Elle a acquis des milliers d’hectares pour construire cinq villes nouvelles.
Or, aujourd'hui, plus une seule commune n’est capable de constituer une réserve d’un ou deux hectares ! Pourquoi ? La réponse est simple : l’AFTRP a été complètement dépouillée de l’instrument dont elle disposait pour agir, à savoir le Fonds national d’aménagement foncier et d’urbanisme.
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Qui a supprimé ce fonds ?
M. Francis Delattre. Il s’agissait d’un compte spécial du Trésor, dont les dotations permettaient d’allouer à l’Agence des avances pour financer, par exemple, le lancement de projets de construction de lignes de tramway ou de train – ce compte spécial a même permis, dans certains cas, de financer leur équipement. Grâce au crédit revolving, les comptes de l’AFTRP étaient parfaitement équilibrés, et des milliers de maîtrises foncières ont pu être réalisées, la plupart du temps sans expropriation.
Le problème de la région parisienne, c’est que depuis la suppression de ce compte spécial du trésor, aucune anticipation d’aucune sorte n’est plus possible ! Une commune ou un département, face à un problème foncier, n’a plus les moyens de procéder à des acquisitions.
Il faut donc certes améliorer la législation fiscale, mais surtout réfléchir aux outils qui ont permis d’accomplir ce travail de façon intelligente pendant trente ans.
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
M. Francis Delattre. Le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale doit se féliciter de cette situation, puisqu’il fut l’un des administrateurs de ce compte spécial du Trésor.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous pouvons au moins nous accorder sur un point : comme l’a dit Daniel Raoul, le système actuel favorise franchement les détentions longues.
M. Philippe Dallier. C’est certain !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il faut attendre vingt-deux ans pour obtenir l’exonération d’impôt sur le revenu pour durée de détention, et même trente ans pour l’exonération des prélèvements sociaux. Ces délais, loin d’encourager la rotation, incitent les propriétaires à ne pas céder leur bien.
Nous avions d’ailleurs voté, sur l’initiative du Gouvernement – donc, selon toute vraisemblance, en accord avec le groupe socialiste –, la suppression de l’abattement pour durée de détention applicable à l’imposition des plus-values de cessions de terrains à bâtir : c’était l’objet de l’article 27 de la loi de finances pour 2014.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous n’étions pas d’accord sur les taux !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En tout cas, l’abattement pour durée de détention avait été supprimé.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Certes !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition, tout simplement parce que le Gouvernement avait oublié de tenir compte de l’érosion monétaire. Toutefois, le principe de cette réforme avait bel et bien été acté. Je m’étonne donc que l’on nous dise aujourd’hui que ce n’est pas possible.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le principe avait été acté, mais seulement sur une durée limitée.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non ! L’abattement devait être supprimé à compter du 1er mars 2014, monsieur le secrétaire d'État.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. J’ai apprécié l’intervention de mon collègue Daniel Raoul. Nous avons beaucoup discuté sur ce sujet, et je le remercie d’avoir exprimé son point de vue comme il l’a fait.
En revanche, je m’insurge fortement contre les chiffrages à l’emporte-pièce fournis par M. le secrétaire d’État. Je suis prêt à m’assoir autour d’une table avec ses services pour que nous analysions ensemble les chiffres. Et je prends le pari que ma proposition, si elle est adoptée, aura pour effet une augmentation, et non une diminution, des recettes liées au régime des plus-values de cessions immobilières !
Bercy a pu nous fournir des éléments de chiffrage sur la base de 100 000 transactions. Ces éléments sont nouveaux : auparavant, toute simulation était impossible, soit – dans un premier temps – parce que les plus-values faisaient l’objet d’une autodéclaration, ce qui affectait l’efficacité du dispositif, soit – dans un second temps, depuis que les notaires sont chargés de déclarer les plus-values, avec à la clef d'ailleurs une progression de 50 % des recettes afférentes –, parce que ces déclarations étaient stockées, mais non saisies informatiquement. Il n’était pas possible de ressortir chaque année l’ensemble des liasses des déclarations des notaires pour en tirer des simulations !
Les services de Bercy ne sont pas en cause – j’ai d’ailleurs félicité le service de communication du ministère. Néanmoins, sans saisie informatique, toute simulation précise, donc tout chiffrage, était par définition rendue impossible.
Les choses ont changé depuis le premier semestre de 2014, et des éléments de chiffrage ont pu être fournis sur la base de 100 000 transactions. Le produit issu de ces transactions s’élève à environ 320 millions d’euros. Or, je l’ai précisé tout à l’heure, avec un taux d’imposition réel de 10,2 %, la simulation, sur la même base de transactions imposables, donne le même produit. Je vous propose 15 %, c’est-à-dire, normalement, un tiers de recettes supplémentaires. Ce n’est pas aberrant !
La réforme que j’ai proposée était pensée pour être à recettes constantes ; elle ne représente, quoi qu’il en soit, aucun coût supplémentaire : il s’agit d’un impôt avec un taux plus bas, mais une assiette plus large, donc économiquement plus efficace.
Ce système me paraît bon : il tient compte de l’érosion monétaire et les délais qu’il prévoit sont suffisants pour que les agents économiques puissent faire des choix – vendre immédiatement, ou intégrer le nouveau système. Il est fait pour durer au moins vingt ans, en tout cas je l’espère. En matière fiscale, c’est très long !
M. Philippe Dallier. C’est presque un siècle ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-422.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas le sous-amendement.)
M. Philippe Dallier. C’est illogique ! Si j’avais imaginé que la gauche voterait contre le sous-amendement, j’aurais demandé un scrutin public !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-371 rectifié ter.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.
Je rappelle que la commission s'en remet à la sagesse du Sénat et que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 69 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2 bis.
Article 2 ter (nouveau)
Au f du 1 de l’article 195 du code général des impôts, le nombre : « 75 » est remplacé, deux fois, par le nombre : « 74 ».
M. le président. L'amendement n° I-25, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
Au f du 1 de
par le mot :
À
et le mot :
deux
par le mot :
trois
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s'agit d’un amendement de cohérence, dont l’adoption n’entraînerait pas de coût supplémentaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il s’agit de plus que d’un amendement de cohérence, monsieur le rapporteur général ! Vous étendez aux couples le régime que l’Assemblée nationale a adopté pour les personnes isolées. Le vote de cet amendement aurait des conséquences financières, puisque le coût de ce dispositif passerait de 7 à 44 millions d’euros.
Votre amendement est néanmoins utile : il tend à substituer au dispositif adopté à l’Assemblée nationale, sur lequel le Gouvernement avait émis un avis de sagesse, un système plus équitable. C’était d’ailleurs l’intention des auteurs de l’amendement déposé à l’Assemblée nationale : malgré une rédaction limitée aux personnes isolées, ils souhaitaient bel et bien viser les couples.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, et il lève le gage, monsieur le président. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° I-25 rectifié.
La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Cet amendement de la commission des finances vise, tout à fait légitimement, à élargir aux couples le bénéfice de cette disposition. Nous y sommes favorables, et nous voterons donc en sa faveur, ce qui nous évitera, monsieur le rapporteur général, un nouveau scrutin public. (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Nous en avons des stocks !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiens évidemment cet amendement présenté par M. le rapporteur général. Certes, il est de cohérence, mais il tend surtout à œuvrer pour la reconnaissance du monde combattant.
En effet, la mesure proposée abaisse d’un an, de soixante-quinze ans à soixante-quatorze ans, l’âge minimum permettant aux titulaires de la carte du combattant ou d’une pension militaire d’invalidité, à leurs veuves, ainsi qu’aux conjoints mariés ou pacsés, de bénéficier de la demi-part supplémentaire de quotient familial, sachant que l’attribution de la carte du combattant est, depuis le 1er octobre 2015, étendue aux militaires ayant servi au moins quatre mois en opération extérieure, ou OPEX.
Dans le contexte dramatique que nous vivons, ce message de reconnaissance et de respect, qui s’inscrit également dans le cadre du devoir de mémoire, me paraît nécessaire. Les bénévoles des associations patriotiques et de mémoire y sont d’ailleurs extrêmement sensibles.
Même s’il y a là un dilemme, puisque, je le répète, toute dépense supplémentaire est une recette en moins pour le budget de l’État, il s’agit d’une mesure d’équité et surtout de respect et de reconnaissance pour le monde combattant et pour tous ces bénévoles qui se dévouent.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 ter, modifié.
(L'article 2 ter est adopté.)
Article 2 quater (nouveau)
Au 2° du I de l’article 199 tervicies du code général des impôts, l’année : « 2015 » est remplacée par l’année : « 2017 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-129 rectifié est présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. Commeinhes, Bouchet et Morisset, Mme Di Folco, MM. B. Fournier, Vaspart, Cornu et Mandelli, Mme Deseyne, M. Mouiller, Mme Canayer, MM. Pillet et Lefèvre, Mme Primas, MM. Grand, Carle, Gournac et Leleux, Mmes Imbert et Deroche, MM. Gremillet et Milon, Mmes Morhet-Richaud et Gruny, M. Pellevat, Mmes Duchêne et Deromedi et MM. D. Laurent et Longuet.
L’amendement n° I-345 est présenté par MM. Eblé, Chiron, Lalande, Raynal, Yung et D. Bailly, Mmes Claireaux, Cartron et Emery-Dumas, MM. Filleul, Kaltenbach et Marie, Mmes D. Michel et Monier, M. Poher et Mme S. Robert.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Au 2° du I de l’article 199 tervicies du code général des impôts, les mots : « jusqu’au 31 décembre 2015 » sont remplacés par les mots : « ayant fait l’objet d’un dépôt d’autorisation de travaux nécessaire au plus tard l’année suivant l’échéance de la convention prévue par le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour présenter l’amendement n° I-129 rectifié.
M. Jean-Marie Morisset. La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a mis en place, en mars 2009, le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, dit « PNRQAD ».
Ce programme a pour objectif la requalification urbaine et sociale des quartiers, la résorption de l’habitat indigne, l’amélioration de la performance énergétique des logements et le maintien de la mixité sociale. Il se fonde sur une politique foncière volontariste.
Quelque quarante territoires ont ainsi passé une convention avec l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, et l’État. Les acquisitions portent sur des îlots soumis à démolitions partielles pour rendre les logements dignes en retrouvant plus de lumière, une ventilation naturelle et la sécurité incendie. L’ANRU aide les collectivités dans ces opérations.
La collectivité, dans un souci de mixité de l’offre de logements, revend aussi à des opérateurs privés.
Les procédures de maîtrise du foncier sont longues, complexes et font appel aux expropriations et aux pouvoirs de police du maire et du préfet. Les conventions portent sur sept ans ; la première a été signée en octobre 2010 à Saint-Denis et la dernière en 2014 à Nice. On constate donc selon les territoires une disparité de situation qui ne peut être traitée par une date unique.
De plus, les constats de l’ANRU sur ces opérations montrent que les acquisitions foncières s’effectueront jusqu’aux termes des conventions, pour des raisons tenant à la complexité déjà évoquée, mais aussi parce que les collectivités, confrontées aux difficultés financières que l’on connaît, étalent budgétairement leurs investissements.
Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à différer la date du 31 décembre 2015.
M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé pour présenter l’amendement n° I-345.
M. Vincent Eblé. Je ne répéterai pas ce que vient d’exposer notre collègue. Je me bornerai à ajouter qu’il s’agit, en fait, d’un ajustement des échéances des conventions. C’est essentiellement cet aspect que vise l’amendement.
Les opérations sont conduites, pour la plus ancienne, depuis octobre 2010, à Saint-Denis. La plus récente a débuté en mai 2014 à Nice. La complexité de la conduite de ces opérations nécessite d’allonger le délai prévu. Par conséquent, plutôt que de fixer pour leur échéance une date calendaire, comme c’était le cas avec le 31 décembre2015, nous proposons la formulation suivante : « Ayant fait l’objet d’un dépôt d’autorisation de travaux nécessaire au plus tard l’année suivant l’échéance de la convention prévue par le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’Assemblée nationale a voté, avec l’avis favorable du Gouvernement, la prolongation jusqu’au 31 décembre 2017, soit deux années supplémentaires. Ces deux amendements identiques visent à proposer une prolongation adaptée au rythme de conclusion des programmes, ce qui paraît utile et pratique.
Toutefois, la commission n’ayant pu estimer l’impact de cette mesure sur les finances publiques, elle s’en est remise à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À l’Assemblée nationale, le dispositif a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2017. L’objet principal de ces amendements identiques est de ne plus imposer de borne temporelle à ce dispositif.
Or le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, qui est en cours d’examen à l’Assemblée nationale, a pour but de refondre les dispositifs de ce type. On assure donc la prolongation jusqu’au 31 décembre 2017 et, d’ici là, on peut penser que la loi à laquelle je fais référence sera non seulement adoptée, mais aussi promulguée et que nous disposerons donc d’un raccord, si je puis dire, tout à fait adapté.
Le Gouvernement était favorable à la prolongation du dispositif, comme vous l’êtes, mesdames, messieurs les sénateurs. Toutefois, il le borne à 2017 dans la mesure où, ensuite, c’est la loi qui précisera les choses. Je ne puis donc qu’être défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je souhaite poser une question complémentaire au Gouvernement.
Pour ce qui est des opérations en cours, qui, pour les dernières d’entre elles, peuvent encore nécessiter six ou sept ans, on comprend bien l’idée de les laisser aller jusqu’à la fin de leur cycle. Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, une loi qui interviendrait ensuite serait-elle de nature à reprendre les engagements précédents ? On peut en douter.
M. Philippe Dallier. Très bonne question !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On ne touche pas aux engagements précédents. Pour le dire très clairement : les dossiers déjà engagés iront jusqu’à leur terme. Ce sont les procédures de mise en route des nouveaux dossiers qui sont concernées par la date du 31 décembre 2017.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai une question : vous évoquez le 31 décembre 2017. Or l’amendement vise à remplacer les mots « jusqu’au 31 décembre 2015 » par les mots « ayant fait l’objet, etc. ». Dès lors, de quoi parlons-nous ? Je finis par avoir un doute…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dans le droit existant, la date est 2015.
M. Philippe Dallier. Et qu’en est-il de 2017, la date fixée par l’Assemblée nationale ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s'agit d’un article additionnel, qui modifie le droit existant. Ce dernier fixe la date du 31 décembre 2015, même si l’Assemblée nationale a prévu une prolongation au 31 décembre 2017.
Nous modifions donc bien le droit positif existant.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bonne réponse !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Si j’ai bien compris ce qui nous est proposé au travers de ces amendements identiques, il s'agit de l’année non pas de l’achèvement du programme, mais du dépôt d’autorisation. Ce texte constitue donc une modification par rapport à ce qui a été voté à l’Assemblée nationale. Il s’agit de programmes déposés aujourd'hui, qui demandent à perdurer, alors que le nouveau texte n’est pas encore adopté. C’est d’ailleurs pour cette raison que je trouvais ces amendements identiques intéressants : pour l’instant, nous ignorons tout des dispositions de la prochaine loi !
À mon avis, ces amendements identiques tendent à apporter une protection, et nous ferions donc bien de les adopter.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-129 rectifié et I-345.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 2 quater est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 2 quater
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-342, présenté par MM. Eblé, Chiron, Lalande, Raynal, Yung et D. Bailly, Mmes Claireaux, Cartron et Emery-Dumas, MM. Filleul, Kaltenbach et Marie, Mmes D. Michel et Monier, M. Poher et Mme S. Robert, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. − L’article 156 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ni aux immeubles ayant fait l’objet d’une division à compter du 1er janvier 2009, sauf si : » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° La société civile non soumise à l'impôt sur les sociétés ou la division a fait l'objet d'un agrément du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de la culture, lorsque le monument a fait l'objet d'un arrêté de classement ou d’inscription, en tout ou en partie, au titre des monuments historiques et est affecté dans les quatre ans qui suivent cette demande à un usage compatible avec la préservation de son intérêt patrimonial ; » ;
d) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Ou lorsque les associés de la société civile non soumise à l’impôt sur les sociétés sont membres d'une même famille. » ;
e) À la première phrase du sixième alinéa, les mots : « deuxième à quatrième » sont remplacés par les mots : « trois premiers » ;
f) Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En l’absence de changement de propriétaire et sauf avis contraire du ministre chargé de la culture, une société civile non soumise à l’impôt sur le revenu bénéficie de plein droit des dispositions de l’article 156 propres aux immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques dans le cas où elle succède immédiatement à une copropriété ayant fait l’objet d’un agrément tel que défini au 1° du présent II. » ;
2° Le V est abrogé.
II. – Le présent article s'applique aux demandes d'agrément déposées à compter du 1er janvier 2015.
III. − Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. – La perte de recettes pour l’État résultant du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Eblé.
M. Vincent Eblé. Cet amendement vise à la fois à réintégrer les monuments historiques inscrits dans le champ de l’agrément permettant à une SCI, une société civile immobilière, ou à une copropriété de bénéficier du régime des monuments historiques, à adapter les critères de délivrance de l’agrément aux réalités patrimoniales et à unifier l’agrément.
Il s’agit, tout d'abord, de réintégrer les monuments inscrits et d’assouplir les critères de délivrance de l’agrément. En effet, la réforme intervenue dans la loi de finances rectificative pour 2014 a bouleversé le régime fiscal des monuments historiques et l’a significativement restreint, au détriment de la préservation du patrimoine historique bâti. Le régime de l’agrément a d’abord été pensé pour de grands bâtiments – anciennes casernes, hôpitaux, couvents, etc. –, qui sont majoritairement inscrits.
Comme en témoigne la lecture des travaux préparatoires de l’Assemblée nationale sur le sujet, la réforme de 2009 avait pour but de contrôler les divisions abusives de petits édifices, châteaux ou hôtels particuliers, qui se prêtent mal à un découpage trop important, et non de bloquer des projets de rénovation dans des grands bâtiments, pour lesquels la division est indispensable tout à la fois pour financer les travaux et pour faire revivre le bâtiment. L’exclusion des monuments inscrits est donc assez difficile à comprendre.
Il faut également souligner qu’à l’occasion de l’examen de la loi dite « loi Macron », tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, nous avions voté en faveur de la réinclusion des monuments inscrits au sein de l’agrément, mais que cet article a été invalidé par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif. Le projet de loi de finances nous donne aujourd’hui l’occasion de mettre le droit en vigueur en conformité avec les visées déjà exprimées du législateur.
De même, les critères de délivrance de l’agrément ne paraissent pas assurer une protection effective de la qualité des immeubles à conserver. Deux points sont particulièrement problématiques : l’affectation de trois quarts des surfaces à l’habitation et l’instauration d’un délai de deux ans entre la demande de l’agrément et l’affectation à l’habitation. Il s’agit d’assouplir ces critères.
Les enjeux budgétaires n’apparaissent pas particulièrement significatifs. Le coût du régime des monuments historiques s’élevait à 60 millions d’euros en 2014, mais seule une fraction de cet agrégat est liée aux exceptions prévues à l’article 156 bis du code général des impôts.
Il paraît également opportun d’unifier l’agrément destiné aux SCI et aux copropriétés. Les dispositions concernant l’agrément sont distribuées à deux alinéas différents du code général des impôts, selon que le bien est détenu par le biais d’une copropriété ou d’une SCI.
Enfin, dans la mesure où les critères de délivrance de l’agrément sont et ont toujours été les mêmes pour une SCI et pour une copropriété, la délivrance d’un nouvel agrément en cas de passage d’une copropriété à une SCI ne se justifie par aucune nécessité, ni patrimoniale ni juridique. Elle contribue à faire perdre du temps tant à l’administration fiscale qu’aux parties prenantes du projet.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Vincent Eblé. Il s’agit donc, par cet amendement, de clarifier le droit en prévoyant la délivrance d’un agrément unique.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-343 rectifié est présenté par MM. Eblé, Chiron, Lalande, Raynal, Yung et D. Bailly, Mmes Claireaux, Cartron et Emery-Dumas, MM. Filleul, Kaltenbach et Marie, Mmes D. Michel et Monier, M. Poher et Mme S. Robert.
L'amendement n° I-401 rectifié est présenté par M. J.L. Dupont et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. − Aux 1° et 2° du II et au V de l’article 156 bis du code général des impôts, après les mots : « de classement », sont insérés les mots : « ou d’inscription ».
II. – Le présent article s'applique aux demandes d'agrément déposées à compter du 1er janvier 2015.
III. − Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. – La perte de recettes pour l’État résultant du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Eblé, pour présenter l'amendement n° I-343 rectifié.
M. Vincent Eblé. Cet amendement était déjà contenu dans le précédent, si j’ose dire. Il vise uniquement l’extension du dispositif aux édifices inscrits.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I-401 rectifié.
M. Vincent Delahaye. Le présent amendement tend à ce que les propriétaires indirects ou copropriétaires de monuments historiques inscrits puissent de nouveau bénéficier du régime fiscal des monuments historiques.
Ce régime permet aux propriétaires de monuments historiques de déduire de leur revenu foncier ou global une partie du coût des travaux réalisés sur le bâtiment. Il s’agit d’une incitation forte à l’entretien privé de notre patrimoine historique, d’autant plus nécessaire que l’État et les collectivités territoriales ont de moins en moins les moyens d’assurer seuls la préservation de l’ensemble du patrimoine monumental français. Il faut d’ailleurs rappeler que près de la moitié des 44 000 monuments historiques que compte la France est détenue par des personnes privées.
La loi de finances rectificative pour 2014 a exclu de ce régime les monuments inscrits détenus par propriété indirecte ou en copropriété. Pourtant, la détention indirecte ou en copropriété concerne presque toujours les monuments inscrits : un ancien hôpital, une caserne, un couvent ne peuvent, sauf rare exception, être détenus par une personne privée unique qui assumerait seule l’ensemble des charges liées à la rénovation et à l’entretien du bâtiment.
Cette exclusion ne représente pas un gain financier très important pour l’État, mais bloque la rénovation de nombreux monuments historiques inscrits.
C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à réintroduire pleinement les monuments inscrits dans le régime des monuments historiques, afin de permettre à des sociétés civiles immobilières ou à des copropriétés de participer à la préservation de notre patrimoine.
Le coût de la réforme n’ayant pas été chiffré par le Gouvernement, il est difficile de donner une estimation précise des conséquences budgétaires de cet amendement. Celles-ci ne dépasseront pas quelques dizaines de millions d’euros, puisque le régime fiscal des monuments historiques s’élève à quelque 60 millions d’euros et que seule une fraction de ce montant est dirigée vers des propriétaires indirects ou des copropriétés.
En contrepartie, l’adoption de cet amendement permettrait de favoriser la conservation de notre patrimoine historique privé et sa mise à disposition, au bénéfice de l’ensemble de nos concitoyens.
M. le président. L'amendement n° I-344, présenté par MM. Eblé, Chiron, Lalande, Raynal, Yung et D. Bailly, Mmes Claireaux, Cartron et Emery-Dumas, MM. Filleul, Kaltenbach et Marie, Mmes D. Michel et Monier, M. Poher et Mme S. Robert, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 156 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après les mots : « est affecté », la fin du 1° du II est ainsi rédigée : « , dans les quatre ans qui suivent cette demande, à un usage compatible avec la préservation de son intérêt patrimonial ; »
2° Après les mots : « est affecté », la fin du V est ainsi rédigée : « , dans les quatre ans qui suivent cette demande, à un usage compatible avec la préservation de son intérêt patrimonial. »
II. – Le présent article s'applique aux demandes d'agrément déposées à compter du 1er janvier 2015.
III. − Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. – La perte de recettes pour l’État résultant du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Eblé.
M. Vincent Eblé. Cet amendement a été défendu. Il vise les critères de délivrance de l’agrément.
M. le président. L'amendement n° I-320 rectifié, présenté par MM. Guené et Baroin, Mmes Garriaud-Maylam et Cayeux, MM. Commeinhes, Joyandet, de Legge, Cambon, Mouiller, Masclet, Pellevat, Bignon, Grand, Milon, Doligé, D. Bailly et Gilles, Mmes Imbert et Estrosi Sassone, MM. Fouché, Perrin, Raison, Laufoaulu et Morisset, Mmes Morhet-Richaud et Chain-Larché, MM. Pierre et Bouchet, Mmes Troendlé et Hummel, MM. Dallier et Husson, Mme Deromedi, MM. Laménie, Saugey, D. Laurent, Savary, Revet et Grosdidier, Mmes Deseyne, Canayer et Deroche, MM. Falco, Trillard, Cornu, Vaspart et César, Mme Gruny, MM. Chasseing, Danesi, P. Leroy, B. Fournier, del Picchia et Lefèvre, Mme Primas, MM. Gournac, Mandelli et Dufaut et Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du V de l’article 156 bis du code général des impôts, après les mots : « ministre de la culture, », la fin de l’article est ainsi rédigée :
« lorsque le monument :
« a) a fait l’objet d’un arrêté de classement ou d’une inscription, en tout ou en partie, au titre des monuments historiques au moins douze mois avant la demande d’agrément, et
« b) est affecté, dans les deux ans qui suivent cette demande, à l’habitation pour au moins 75 % de ses surfaces habitables portées à la connaissance de l’administration fiscale ; à cet égard, les immeubles ou fractions d’immeubles destinés à une exploitation à caractère commercial ou professionnel ne sont pas considérés comme affectés à l’habitation. »
II - Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Cet amendement, dans la même veine que ceux qui viennent d’être présentés, tend à s’appuyer sur les travaux réalisés par notre collègue Vincent Eblé.
Le V de l’article 156 bis du code général des impôts issu de la réforme engagée à la fin de 2014 limite fortement le bénéfice de la déduction du revenu imposable relative à la restauration des monuments historiques en copropriété. En sont en effet exclues toutes les copropriétés des immeubles « inscrits » à l’inventaire des monuments historiques.
Or les immeubles inscrits représentent les deux tiers des bâtiments historiques, et leur préservation est problématique, comme le souligne le rapport d’information de Vincent Eblé, établi en octobre 2015.
La lutte contre les schémas abusifs ayant été parachevée par les réformes successives de 2009 et de la fin de 2014, il est anormal, et au final très coûteux pour la collectivité, que ces immeubles inscrits ne puissent être éligibles au régime d’agrément ministériel préalable à leur division, régi par le V de l’article 156 bis.
L’amendement vise donc à rétablir cette possibilité d’agrément en cas de division d’un immeuble inscrit, en la soumettant aux conditions instaurées par la deuxième loi de finances rectificative pour 2014, tenant à la priorité donnée au logement et à l’antériorité de l’inscription du monument.
L’évaluation de l’impact budgétaire de ce réalignement fait apparaître un coût quasi nul, car l’avantage fiscal, limité, est compensé immédiatement par les recettes fiscales résultant de la restauration et de la transformation en logements, sans compter les gains pour les collectivités, qui sont liés à la vente des immeubles et à l’économie des charges d’entretien.
En pratique, la division en copropriété d’un monument historique inscrit est souvent utilisée pour des programmes de réhabilitation de casernes, d’hospices, etc. Exclure ces programmes du régime fiscal conduirait à laisser ces immeubles à l’abandon, donc à la charge des collectivités.
Par ailleurs, faciliter la réhabilitation de ces bâtiments favorisera au contraire l’activité du BTP et des métiers du patrimoine, tout en accroissant l’offre de logements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comme cela a été souligné, les dispositions de l’amendement n° I-342 présenté par Vincent Eblé font suite au contrôle approfondi que celui-ci a exercé sur le régime fiscal des monuments historiques et qui a fait l’objet d’une présentation extrêmement intéressante devant la commission.
Cet amendement tend à soulever deux problèmes.
Le premier problème est la différence de traitement entre les monuments détenus directement et ceux qui sont détenus par l’intermédiaire d’une société civile immobilière, ou SCI. Pourquoi la détention d’un monument par l’intermédiaire d’une SCI, avec un agrément qui, de surcroît, met en place des conditions restrictives, devrait-elle faire l’objet d’un régime fiscal différent ? Il s’agit d’un problème d’égalité devant l’impôt, qui est peut-être même de nature constitutionnelle.
Le second problème concerne les conditions de l’agrément, notamment l’obligation de consacrer une part prépondérante de ces monuments à l’habitation. Comme l’a souligné à juste titre Vincent Eblé, il ne s’agit pas d’un dispositif adapté, car les trois quarts des monuments ne sont pas destinés à l’habitation. Je pense aux bâtiments transformés en centres culturels ou destinés à l’hôtellerie. Bref, le critère à privilégier est davantage l’intérêt patrimonial du monument, dans l’esprit de la loi de 1913 sur les monuments historiques, que sa transformation en logement.
Les élus locaux, quelle que soit leur appartenance politique, peuvent tous constater qu’il existe des réutilisations réussies de monuments historiques – à commencer par le Palais du Luxembourg où nous siégeons, sans parler des nombreux ministères classés. Ce ne sont pas forcément des transformations en logement.
Dans la pratique, comme l’a précisé Vincent Eblé, une telle disposition pose de vraies difficultés au bureau des agréments. Comment apprécier l’affectation aux trois quarts de la superficie lorsqu’il s’agit d’un château ou d’une ancienne abbaye ? Doit-on prendre en compte les annexes, les greniers, les douves, etc. ?
L’amendement n° I-342 est un amendement bon sens, sans coût réel, puisqu’il vise à prévoir un simple réaménagement. Le coût total de la dépense fiscale sera relativement modeste au regard des 42 000 monuments protégés. C’est la raison pour laquelle la commission des finances a émis un avis favorable.
La commission est également favorable aux amendements identiques nos I-343 rectifié et I-401 rectifié, ainsi qu’aux amendements nos I-344 et I-320 rectifié, mais elle demande à leurs auteurs de bien vouloir se rallier à l’amendement n° I-342, dont la rédaction, plus aboutie, est de nature à atteindre l’objectif visé par toutes ces dispositions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne partage pas l’analyse de M. le rapporteur général : une détention directe ou via une SCI ou une copropriété ne crée pas des droits ou des devoirs différents – c’est le point mis en avant par la commission, y compris pour des questions de constitutionnalité. Que l’on soit propriétaire individuel, propriétaire au travers d’une SCI ou propriétaire en copropriété, les conditions sont les mêmes.
Quelles sont-elles ? Tout d’abord, il doit s’agir d’un monument classé. Sur ce point, il existe bien entre nous une différence, que nous assumons. Vous souhaitez que la mesure concerne tous les monuments inscrits, alors que le Gouvernement souhaite quant à lui clairement resserrer le dispositif sur les seuls monuments classés. Cependant, contrairement à ce que vous avez affirmé, cela ne pose pas de problème d’égalité devant l’impôt ni de problème de constitutionnalité.
Il existe également une seconde différence entre nous : nous avons souhaité recentrer le dispositif en prévoyant une condition : quelque 75 % de la surface habitable doivent être consacrés au logement. Je précise bien qu’il s’agit de la surface habitable, non de la surface totale.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comment la mesure-t-on ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est une volonté politique de la part du Gouvernement, avec laquelle vous pouvez ne pas être d’accord. Vous avez d’ailleurs proposé une rédaction beaucoup plus large, puisque vous prévoyez que cette demande soit affectée « à un usage compatible avec la préservation de son intérêt patrimonial ». J’ignore ce qu’en pensera le Conseil constitutionnel, mais il risque d’y voir un cas d’incompétence négative…
Par ailleurs, comment estimer la préservation de l’intérêt patrimonial suivant la nature de l’opération, selon qu’il s’agisse d’un musée, de bureaux, de logements, d’un commerce, d’une salle de sport, d’un gîte rural, que sais-je encore ? Les choses peuvent être vues d’une façon ou d’une autre. Cette rédaction est donc très fragile et peut donner lieu à des applications extrêmement subjectives, ce qui n’est pas le but du législateur.
Bref, il est important de clarifier ces points. Nous avons des lectures différentes. Pour ma part, je prétends que le mode de détention du patrimoine n’a pas d’influence sur les conditions de sa fiscalité.
De plus, il nous a paru légitime, en cas de changement du mode de détention, de renouveler l’agrément, car il s’agit de personnes juridiques différentes.
Enfin, le Gouvernement souhaite s’en tenir aux monuments classés, alors que vous souhaitez assouplir le dispositif en l’élargissant aux monuments inscrits et en faisant sauter la condition de logement. Une telle mesure aura certainement des incidences en termes de coût. Je ne conteste pas les chiffres que vous avez évoqués. Ils sont de l’ordre de 60 ou de 70 millions d’euros. Quel sera exactement le surcoût ? Je l’ignore. Je suis uniquement en mesure de vous dire que l’on recevait environ soixante demandes d’agrément entre 2012 et 2014.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaite m’expliquer sur la différence de traitement, qui pose à mon sens un problème d’égalité devant l’impôt, peut-être de nature constitutionnelle.
Je parlais bien, monsieur le secrétaire d'État, de la différence de traitement entre deux monuments inscrits, et non de la différence entre monuments classés et monuments inscrits.
Prenons deux monuments inscrits : un monument A détenu directement par un propriétaire et un monument B détenu par une SCI. Pourquoi le monument A peut-il bénéficier des dispositions de l’article 156 bis du code général des impôts, contrairement au monument B ? Il ne me paraît pas opportun que le mode de détention influence le régime fiscal.
Le fait que les monuments détenus de manière indirecte, sauf les SCI familiales, soient exclus ipso facto du bénéfice de l’article 156 bis du code général des impôts pose, selon moi, un problème de nature constitutionnelle.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Monsieur le secrétaire d’État, les dépenses liées au dispositif Malraux sont très stables dans la durée, puisqu’elles oscillent globalement chaque année entre 50 et 60 millions d’euros. Le nombre de dossiers déposés est donc à peu près le même d’un an sur l’autre. Dans le même temps, certains édifices se dégradent, ce qui met en péril une partie du patrimoine protégé de notre pays.
Pour ma part, je suis tout à fait favorable à ce que l’on élargisse le dispositif aux monuments inscrits. En effet, la différence entre monuments classés et monuments inscrits se justifiait il y a quarante ou cinquante ans, mais elle ne vaut plus depuis quelques années. En effet, la qualité du monument n’est plus le seul paramètre qui entre en ligne de compte pour le classement. Disons-le clairement : si l’on ne procède quasiment plus à des classements, mais uniquement à des inscriptions à l’inventaire complémentaire des monuments historiques, c’est d’abord pour des raisons budgétaires, car l’État se doit d’apporter davantage de subventions au patrimoine classé.
Je le répète, le problème de fond auquel nous sommes confrontés est la dégradation de notre patrimoine.
D’un côté, les crédits de l’action Patrimoine monumental diminuent ou stagnent depuis quelques années, même si pour 2016 un rétablissement a été décidé ; de l’autre, notre patrimoine monumental continue à se dégrader. Nous devons passer à la vitesse supérieure, dans le même esprit que la loi Malraux, votée à l’époque pour inciter l’investissement privé en faveur du patrimoine. C’est évident, tout cela aura un coût budgétaire, mais qui sera somme toute assez limité au regard des enjeux, car cette dépense fiscale n’est pas galopante et elle est loin d’être exorbitante au regard d’autres dépenses.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Bouvard. Comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale, je plaide en faveur d’une vision consolidée des crédits budgétaires et de la dépense fiscale dans les politiques d’investissement de l’État.
M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, pour explication de vote.
M. Vincent Eblé. Nous savons de façon certaine que l’ensemble du dispositif coûtait quelque 60 millions d’euros avant la réforme de 2014. (M. Michel Bouvard opine.) Cette réforme a eu un impact partiel sur ces chiffres, même si nous n’arrivons pas à obtenir davantage de précisions de la part de Bercy ou de la rue de Valois, comme M. le secrétaire d’État l’a lui-même reconnu, ce qui d'ailleurs soulève tout de même quelques questions après une mission de contrôle et la publication d’un rapport…
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Vincent Eblé. Néanmoins, il ne peut s’agir que d’une fraction de 60 millions d’euros, ce qui reste une somme assez raisonnable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je veux simplement apporter une précision sur l’évolution du nombre des inscriptions. Je constate en effet que les DRAC font du zèle en inscrivant à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques des églises que les communes sont incapables de maintenir en état. Je pourrai citer des exemples précis.
Je n’arrive pas à comprendre l’intérêt culturel ou artistique de ce classement ! Je ne vois pas pourquoi on continue à classer des monuments en état de quasi-péril, que les communes ne peuvent pas continuer à entretenir.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 quater.
En outre, les amendements identiques nos I-343 rectifié et I-401 rectifié, ainsi que les amendements nos I-344 et I-320 rectifié, n’ont plus d'objet.
Article 2 quinquies (nouveau)
Le IX de l’article 199 novovicies du code général des impôts est abrogé à compter du 1er janvier 2016. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 2 quinquies
M. le président. L’amendement n° I-356 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bignon, Bizet, Bonhomme, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Cornu, Dallier et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, M. P. Dominati, Mmes Duchêne et Estrosi Sassone, M. Bouchet, Mme Duranton, MM. B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genest, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Huré, Husson, Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel, D. Laurent, Lefèvre, Leleux et Lenoir, Mme Lopez, MM. Malhuret, Mandelli, Masclet, A. Marc et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Revet, D. Robert, Savary, Savin et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Vogel, Dassault et Dufaut, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Lorsque les conditions prévues au II du présent article sont remplies, les gains nets mentionnés à l’article 150-0 A du code général des impôts sont réduits, par dérogation au 1 ter de l’article 150-0 D du même code, d’un abattement égal à :
1° 50 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis moins de quatre ans à la date de la cession ;
2° 75 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans à la date de la cession ;
3° 100 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession.
II. – L’abattement mentionné au I s’applique lorsque sont réunies les conditions suivantes :
1° La cession est intervenue entre le 15 décembre 2015 et le 31 décembre 2016 ;
2° Les actions, parts ou droits cédés ne sont pas éligibles au plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire mentionné à l’article L. 221-32-1 du code monétaire et financier ;
3° Le produit de la cession est, dans un délai de trente jours, versé sur un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises et investis en titres mentionnés à l’article L. 221-32-2 du même code ;
4° Le contribuable s’engage à détenir les titres mentionnés au 3° de manière continue pour une durée minimale de 5 ans.
III. – Un décret précise les obligations déclaratives nécessaires à l’application du présent article.
IV. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Nous allons désormais aborder un certain nombre de questions liées au financement de notre économie, qui concernent en particulier les PME, PMI et ETI, ou entreprises de taille intermédiaire.
Le présent amendement a pour objet le plan d’épargne en actions destiné au financement des PME et ETI, le PEA-PME, un très bon outil qui mériterait d’être développé. À cette fin, le Sénat avait déjà voté un amendement en ce sens lors de l’examen de la loi Macron.
Il s’agit d’instaurer un dispositif d’abattement exceptionnel, afin d’encourager l’investissement dans le PEA-PME et de permettre ainsi aux PME, PMI et ETI de disposer de fonds et moyens propres.
Il faut bien comprendre une réalité de ce pays : quelque 90 % des investissements des entreprises sont financés par des crédits bancaires. C’est un véritable problème pour la France, qui est, de ce fait, désavantagée par rapport à ses concurrents. À cet égard, nous en étions tous d’accord, le PEA-PME est un bon dispositif. Il permet en effet d’orienter l’épargne française vers le secteur économique, lequel est plus « à risque » que les placements traditionnels, tels que l’assurance-vie ou les livrets d’épargne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est favorable à cette mesure, qui avait été adoptée à l’occasion de l’examen de la loi Macron.
Cet amendement vise à encourager ou à relancer le PEA-PME, lequel ne rencontre malheureusement pas le succès escompté. Je souligne que le dispositif proposé, dont le coût est très limité, est entouré d’un certain nombre de garanties qui doivent permettre d’éviter les dérapages : des conditions d’investissement effectives dans les titres éligibles au PEA-PME et une obligation de détention d’une durée minimale de cinq ans. Par ailleurs, les titres cédés ne doivent pas être éligibles au PEA-PME, afin d’éviter les effets d’aubaine.
Compte tenu de ces garanties et de l’utilité du dispositif pour encourager l’investissement dans le PEA-PME, la commission a émis, je le répète, un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement réfléchit actuellement à la mise en place de dispositions non pas identiques, mais proches de celles que vous préconisez, qu’elle vous soumettra à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances rectificative.
Nous vous proposerons ainsi d’exonérer les plus-values de SICAV à hauteur des montants investis dans les PME-PEA, et non pas celles de titres de PME, comme vous l’indiquez dans l’amendement.
J’ai bien compris que vous aviez prévu des mesures d’encadrement, mais il me paraît toutefois difficile de contrôler le dispositif. Il faudra en effet s’assurer que les plus-values proviennent de titres non éligibles au PEA-PME.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est l'objet de cet amendement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Certes, philosophiquement, l’intention est bonne, mais, encore une fois, ce sera difficile à contrôler. En effet, vous pouvez investir dans un PEA-PMA sous forme de liquidités. Il faudra donc vérifier que le montant correspondant à l’abattement de certaines plus-values soit bien réinvesti dans le PEA-PMA, lequel comporte une part en liquidités et une part en titres.
Le dispositif est assez lourd, même s’il est intellectuellement séduisant. Pour ma part, je me mets à la place de la personne qui devra contrôler une telle opération, y compris dans le temps : ce sera difficile, dans la mesure où l’investissement peut être immédiatement suivi d’une revente. Peuvent se produire des effets de contournement et d’opportunité tout à fait massifs.
Vous prévoyez que le montant consacré au PEA-PME doit être investi en actions. Certes, mais si celles-ci sont vendues trois jours plus tard, que se passera-t-il ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement vise une obligation de détention de cinq ans !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pour le PEA-PME ? Dans ce cas, j’ai lu le texte de cet amendement un peu trop vite...
Quoi qu’il en soit, cette proposition doit être retravaillée. À ce stade, le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, que vous alliez proposer un dispositif visant à atteindre le même objectif que celui qui est visé au travers de cet amendement. Pourriez-vous nous indiquer à quelle date ?
Nous sommes prêts à retirer notre amendement. Nous comprenons tout à fait qu’un dispositif fiscal doive être techniquement au point.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous présenterons ce dispositif à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
M. Francis Delattre. Dans ce cas, nous retirons notre amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° I-356 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-357, présenté par Mme Lamure, MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bignon, Bizet, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Cornu, Dallier et Danesi, Mme Debré, MM. de Nicolaÿ, Delattre, de Raincourt et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, M. P. Dominati, Mmes Duchêne, Duranton et Estrosi Sassone, MM. B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genest, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Huré, Husson, Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel, D. Laurent, Lefèvre, Leleux et Lenoir, Mme Lopez, MM. Malhuret, Masclet, A. Marc, Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller, Nègre, Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet, Pintat, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, MM. Raison, Reichardt, Revet, D. Robert, Savary, Savin et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Vogel, Dassault et Dufaut, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 2 du II de l’article 150-0 A du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle n’est pas non plus applicable lorsque les actions, parts ou droits cédés ne sont pas éligibles au plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire mentionné à l’article L. 221-32-1 du code monétaire et financier, que le produit de la cession est, dans un délai de trente jours, versé sur un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises et investis en titres mentionnés à l’article L. 221-32-2 du même code et que le contribuable s’engage à détenir ces titres de manière continue pour une durée minimale de cinq ans ; »
II. - Après la première phrase du second alinéa du II de l’article L. 221-32 du code monétaire et financier, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Des retraits ou des rachats de sommes ou de valeurs figurant sur le plan peuvent également être effectués au cours des huit années suivant l’ouverture du plan sans entraîner la clôture, lorsque les actions, parts ou droits cédés ne sont pas éligibles au plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire mentionné à l’article L. 221-32-1, que le produit de la cession est, dans un délai de trente jours, versé sur un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises et investis en titres mentionnés à l’article L. 221-32-2 et que le cédant s’engage à détenir ces titres de manière continue pour une durée minimale de cinq ans. »
II. – Les I et II s’appliquent à compter du 15 décembre 2015.
III. - La perte de recettes résultant pour l’État des I, II et III est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Francis Delattre.
M. le président. L’amendement n° I-357 est retiré.
L’amendement n° I-27, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au dernier alinéa du 1 de l’article 150-0 D du code général des impôts, après les mots : « ne s’applique pas », sont insérés les mots : « aux moins-values ni ».
II. – Le I s'applique aux moins-values réalisées à compter du 1er janvier 2013.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à préciser le droit positif, car nous contestons la doctrine fiscale en vigueur. Le jour même où la commission des finances a adopté le présent amendement, le Conseil d’État a annulé ladite doctrine fiscale et a confirmé notre interprétation de la loi : l’abattement pour durée de détention s’applique aux gains nets, et non pas aux moins-values mobilières.
Compte tenu de cet arrêt du Conseil d’État, je vais retirer l’amendement, en espérant que l’administration fiscale ne reviendra pas à la charge en énonçant une nouvelle doctrine. Nous souhaiterions entendre les engagements de M. le secrétaire d’État sur ce point.
Il est regrettable, selon moi, qu’il faille attendre un arrêt du Conseil d’État pour pouvoir contraindre l’administration fiscale à appliquer la bonne doctrine. Ce problème, qui est évident, avait été soulevé à plusieurs reprises. C’est la raison pour laquelle nous avions déposé cet amendement : nous voulions réaffirmer ce que dit la loi.
Nous demandons à M. le secrétaire d’État de prendre des engagements en matière de stabilité fiscale, et en attendant nous retirons cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je tiens à être précis, car ce sujet, qui a d’ailleurs fait l’objet de discussions depuis de longs mois, est très important.
Le Conseil d’État ne dit pas la même chose que vous, monsieur le rapporteur général, au travers de votre amendement.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Si ! Il affirme que l’abattement pour durée de détention ne s’applique pas aux moins-values mobilières.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Non, ce n’est pas ce que dit le Conseil d’État. Nous avons examiné cette question délicate très attentivement.
Nous considérions auparavant que, par symétrie, l’abattement pour durée de détention devait s’appliquer de la même façon aux plus-values et aux moins-values. Un certain nombre de parlementaires le contestaient, notamment Gilles Carrez, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui a régulièrement déposé des amendements visant à supprimer cette disposition.
Le Conseil d’État n’a pas dit que l’abattement ne s’appliquait pas aux moins-values, mais qu’il convenait d'abord d’imputer les moins-values à des plus-values, puis de calculer l’abattement sur le solde. C’est complètement différent !
Un journal économique bien connu a consacré récemment un article à ce sujet : il a rendu compte de l’arrêt du Conseil d’État et donné des exemples. Si vous le lisez, vous vous rendrez compte que cet arrêt, je le répète, ne dit pas la même chose que votre amendement.
Nous évaluons actuellement le coût de la mesure préconisée par le Conseil d’État. Nous pensons qu’il est relativement faible, dans la mesure où le dispositif ne pourrait bénéficier qu’à ceux qui choisiraient d’imputer des moins-values sur des durées de détention très courtes de plus-values, ce qui serait un moyen d’optimisation.
L’adoption de votre amendement, en revanche, entraînerait un coût évalué entre 400 et 700 millions d’euros. Je vous remercie donc de l’avoir retiré, monsieur le rapporteur général. Je souhaitais cependant indiquer, pour la clarté de ce débat qui est suivi de près par les fiscalistes, quelle est notre lecture de l’arrêt du Conseil d’État.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous allons relire cet arrêt !
M. le président. L’amendement n° I-27 est retiré.
L’amendement n° I-26, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 5° ter de l'article 157 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les gains nets mentionnés au 1 du I de l’article 150-0 A résultant de la cession à titre onéreux de droits sociaux, valeurs, titres ou droits considérés au moment de leur cession comme des biens professionnels en vertu de l’article 885 O bis ; ».
II. – Le I s’applique à compter du 15 décembre 2015.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant des I et II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le présent amendement vise à exonérer d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux les plus-values résultant de la cession de titres et droits considérés comme des biens professionnels.
Je suis conscient que cet amendement est lourd de conséquences, mais il s’agit là d’un véritable problème. Pour parler concrètement, certains des pays dont nous sommes limitrophes, comme le Luxembourg, la Suisse et la Belgique, ne taxent pas les plus-values mobilières.
Nous proposons, non pas d’aller aussi loin que ces pays,…
M. Richard Yung. Ah bon ?... (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … mais de ne pas taxer les plus-values mobilières issues de la cession de biens professionnels, au sens des dispositions fiscales relatives à l’impôt de solidarité sur la fortune.
Nous ne visons pas toutes les plus-values mobilières. Lorsqu’il s’agit de la gestion de portefeuilles de valeurs mobilières, il est normal qu’une taxation s’applique. En revanche, pour la cession d’une entreprise, nous préconisons une exonération. Cette mesure est destinée à éviter les exils fiscaux.
Comme l’a justement souligné Richard Yung hier, ce n’est pas l’impôt sur le revenu qui est à l’origine de l’exil fiscal. Ce n’est pas non plus la douceur du climat belge ou la beauté de l’architecture bruxelloise qui font que des contribuables s’installent à Uccle ou Ixelles ! (Sourires.) S’ils partent, c’est simplement parce que, à une heure vingt de Paris en Thalys, le régime fiscal des plus-values est beaucoup plus favorable. Voilà pourquoi les personnes qui souhaitent vendre une entreprise partent s’installer en Belgique.
Nous avons la conviction que ce dispositif n’entraînerait qu’une perte de recettes minime. Aujourd’hui, en effet, les plus-values résultant de la cession de biens professionnels d’entreprise sont relativement faibles, puisque les personnes concernées s’organisent : elles s’installent en Belgique ou en Suisse, par exemple, avant de vendre leur entreprise pour bénéficier de l’exonération.
Ce problème mérite d’être posé. Nous avons la conviction que les règles fiscales en vigueur ont pour résultat de faire partir des personnes, lesquelles sont de plus en plus jeunes. Lorsque des entrepreneurs âgés de 35 ou 40 ans cèdent aujourd’hui leur société, nous perdons des contribuables à l’impôt sur le revenu ou à l’ISF pour plusieurs années !
Nous avons donc tout intérêt à mettre en place un régime fiscal proche de celui de nos voisins. Cela fera revenir en France des contribuables qui paieront l’impôt sur le revenu, des impôts locaux et d’autres taxes. Quant à la perte de recettes induite par cette mesure, elle est à notre sens minime, puisque, je le répète, les plus-values importantes échappent, de fait, à l’impôt via les délocalisations.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pour le coup, c’est bien une révolution que vous proposez ! (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le Sénat est plus avancé qu’on ne le pense ! (Nouveaux sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En disant cela, j’ai quasiment tout dit…
Le régime d’imposition des plus-values des valeurs mobilières a été revu dans un sens particulièrement favorable. Certains ont même estimé, avant d’occuper le poste qui est le mien aujourd’hui, que c’était un régime trop favorable, au motif qu’il prévoit des abattements pour des durées de détention extrêmement courtes. On aboutit ainsi très rapidement à une exonération de 65 % pour le régime de droit commun et de 85 % pour le régime dit « spécifique », c’est-à-dire favorable. C’est massif !
De plus, puisque vous évoquez ce cas, a été ajouté un abattement spécifique pour le départ à la retraite qui, de mémoire, est de 500 000 euros, ce qui n’est pas rien. Les salariés qui partent en retraite avec une prime de départ de 500 000 euros ne sont pas si nombreux… Le régime est donc très favorable.
Vous affirmez que certains pays limitrophes ont des régimes plus favorables. C’est vrai ! Toutefois, l’alignement sur les régimes les plus favorables, ne serait-ce qu’en Europe – je ne parle même pas du monde – conduirait immanquablement à la faillite de la plupart des budgets des pays européens. On trouve, ici ou là, des régimes plus favorables, soit en matière d’impôt sur le revenu, soit pour les plus-values, soit pour l’ISF, soit pour les contributions indirectes.
Si nous décidions de nous aligner systématiquement sur les régimes les plus favorables qui existent dans les pays voisins, nous serions confrontés à un déficit d’une ampleur comparable à celui que vous nous avez laissé en 2012. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’adoption de cet amendement aurait un coût de plusieurs centaines de millions d’euros, et même plutôt – puisque celui-ci n’a pas été évalué avec précision – d’un milliard d’euros. Nous y sommes complètement opposés, monsieur le rapporteur général, et, si vous le mainteniez, je le soumettrais à la calculatrice qui fonctionne depuis le début de nos travaux !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Nous ne voterons évidemment pas cet amendement, personne n’en sera surpris. Nous le rejetons non pas pour des raisons dogmatiques, mais parce que, en creux, cette proposition soulève la question de l’harmonisation fiscale en Europe.
Trois pays ont été cités : si je mets à part la Suisse, à qui il faut faire un sort particulier, restent le Luxembourg et la Belgique, pays que nous respectons et adorons, qui, avec les Pays-Bas, sont des fondateurs historiques de l’Union européenne.
On sait quelles sont les pratiques fiscales de ces deux États. On nous dit qu’il ne faut pas aller aussi loin qu’eux en matière d’exonération d’imposition. M. le rapporteur général nous a rassurés de ce point de vue : nous n’irons pas jusque-là. Toutefois, on voit bien qu’on réfléchit quand même à « tendre vers », c'est-à-dire à toujours aller vers moins d’imposition, à diminuer la pression, à harmoniser vers le bas, avec les conséquences que l’on sait, et, à cet égard, je partage le point de vue de M. le secrétaire d’État.
C’est donc la question de la concurrence fiscale au sein de l’Union européenne qui est posée. Vous savez aussi que la règle de l’unanimité s’applique en matière de modification fiscale.
Il est vrai qu’il y a de l’exil fiscal et que celui-ci concerne davantage Uccle que Molenbeek dans l’agglomération bruxelloise, pour des raisons que, malheureusement, on comprend. Néanmoins, il ne suffit pas de constater pour le déplorer cet état de fait et d’en prendre acte ; il faut engager véritablement, à notre échelle et avec nos partenaires européens, ce chantier de l’harmonisation fiscale vers le haut, qui ne pénalisera personne.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. M. le rapporteur général a lui-même indiqué que son amendement avait une dimension d’interpellation, si ce n’est de provocation, mais je pense qu’il soulève un vrai sujet.
Bien évidemment, certains pays ont des fiscalités tellement basses que l’on ne pourra jamais s’aligner sur leurs positions. Le coût budgétaire serait dissuasif et, même sans se placer sur le plan moral, du seul point de vue de la justice fiscale, on n’aurait aucun intérêt à le faire.
Pour autant, nous devons voir le monde tel qu’il est. Aujourd’hui, la mobilité s’est accrue et le mouvement enclenché depuis fort longtemps a malheureusement été aggravé par un certain nombre de mesures fiscales dont nous parlons depuis hier. Le propos de M. Bocquet me paraît donc frappé au coin du bon sens.
Cela nous renvoie à la nécessité d’une harmonisation fiscale européenne. En dépit de son aspect « serpent de mer », le sujet devient inévitable. Faute de prendre en compte cette réalité, on continuera à voir se développer un certain nombre de mouvements produits par ceux qui ont les moyens financiers de s’offrir les conseils nécessaires. Et même si cette situation fait la fortune de bon nombre de spécialistes en la matière, je pense que M. le rapporteur général a raison de nous interpeller.
Il y a deux solutions : soit on va vers l’harmonisation fiscale, soit nous faisons, nous, un certain nombre de pas pour éviter que ce mouvement ne se poursuive. En tout état de cause, on ne peut pas en rester là.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je formulerai trois remarques.
Premièrement, le coût de cet amendement est d’un milliard d'euros, monsieur le rapporteur général. Pour ceux qui tiennent la chronique de ces débats, c’est un progrès ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Deuxièmement, nous nous retrouvons sur l’idée qu’il faut une harmonisation fiscale. Que ce soit en matière d’impôt sur les sociétés, de transactions financières ou de taxation des plus-values, cela fait partie de ces veaux d’or que nous adorons.
Mme Isabelle Debré. C’est clair !
M. Philippe Dallier. C’est un serpent de mer !
M. Richard Yung. Toutefois, nous n’avançons pas sur ces sujets. S’il doit y avoir harmonisation, ce qui pour l’instant n’est pas le cas, elle ne doit pas être calquée sur le statut fiscal de l’île de Man ; elle doit être raisonnable pour les finances publiques françaises.
Troisièmement, je ne vous suis pas sur cette position, monsieur le rapporteur général, puisque, il y a quatre ans si ma mémoire est bonne, M. Sarkozy nous avait longuement préparés à la loi sur l’exil fiscal. A alors été mis en place un système de taxation des plus-values patrimoniales d’entreprises pour ceux qui partent à l’étranger – car c’est odieux, c’est Coblence ! Voilà ce qu’il en était il y a quatre ans. Et aujourd'hui, vous voulez faire le contraire.
Nous n’y comprenons donc plus rien.
M. Francis Delattre. Vous ne faites pas d’effort…
M. Richard Yung. En tout cas, nous ne voterons pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai bien conscience des conséquences assez lourdes de cet amendement, dont les dispositions ont le mérite de poser le débat. Objectivement, il a un caractère d’appel. Plusieurs éléments nous interpellent.
Tout d'abord, les chiffres – le dernier rapport date de 2013, et vous nous avez reçus très aimablement avec Gilles Carrez l’été dernier, monsieur le secrétaire d’État, pour en discuter – montrent une progression importante du nombre de départs. On peut dire que les gens partent pour différentes raisons, mais lorsque l’on examine concrètement la valeur des titres qui sont attachés à ces départs, on constate une forte augmentation.
On ne peut pas nier que Bruxelles est à une heure vingt de Paris et que ce n’est pas exclusivement pour la beauté de l’architecture ou pour la qualité du climat que les personnes s’installent à Uccle ou à Ixelles. (Sourires.) La réalité, c’est que la France est limitrophe de trois pays qui appliquent des taux zéro. Faut-il pour autant s’aligner vers le bas ? Aujourd'hui, le principe de libre circulation s’applique en Europe, et l’exit tax ne permet pas, compte tenu de ses limites, de résoudre complètement la question.
M. le secrétaire d’État nous dit que le coût de cet amendement serait de plusieurs centaines de millions d’euros. Soit. Toutefois, quand la France perd des contribuables qui vont s’installer en Belgique, qui sont d'ailleurs de plus en plus jeunes et qui vivront encore cinquante ou soixante ans, elle perd les impôts qu’ils n’acquitteront pas.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Certains reviennent pour se faire soigner !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. À cet égard, je rappelais hier les chiffres relatifs à la concentration de l’impôt. Ils ne paieront plus les impôts locaux. Ils ne consommeront plus en France – d’où une perte de recettes de TVA – et ne paieront plus d’ISF s’ils ont cédé leurs titres. Il y a là une perte récurrente de matière fiscale. Vaut-il mieux, à un moment donné, perdre le produit de la taxe sur la plus-value ou perdre de manière définitive des contribuables qui ne paieront plus tous ces impôts ?
C’est en ce sens que le débat mérite d’être posé. Néanmoins, je vais retirer cet amendement.
Mme Isabelle Debré. Non !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Libre à vous de le reprendre, madame Debré. En effet, il s'agit essentiellement d’un amendement d’appel, et son coût n’a pas été précisément chiffré. Toutefois, je le répète, nous ne pouvons pas nous exonérer de ce débat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je signalerai tout d’abord qu’il y a aussi des retours. Une fois que les affaires sont faites, les personnes en question reviennent parfois, pour différentes raisons, peut-être à cause de l’architecture française, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)
Toutefois, il y a aussi le service de traitement des déclarations rectificatives. Ceux qui ont des patrimoines et des comptes bancaires à l’étranger sont aujourd'hui enclins à revenir, parce qu’ils savent qu’ils seront bientôt rattrapés par la patrouille fiscale. Aujourd’hui, ils le sont de façon ponctuelle, mais les contrôles seront bientôt systématiques. N’oublions pas que 2,5 milliards d'euros environ entrent ainsi chaque année dans les caisses !
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-26 est-il maintenu ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-26 est retiré.
L'amendement n° I-28, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 163 bis G du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 5 du II est abrogé ;
2° En conséquence, à la première phrase du troisième alinéa du II, la référence : « 5 » est remplacée par la référence : « 4 ».
II. – Le I s’applique à compter du 15 décembre 2015.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à étendre le dispositif des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise aux sociétés non cotées ou de petite capitalisation boursière de plus de quinze ans.
Aujourd'hui, ce dispositif existe. Toutefois, une condition d’âge est actuellement prévue qui ne semble absolument pas adaptée à la réalité du tissu entrepreneurial français. Par exemple, une entreprise ancienne de taille modeste qui a fait l’objet d’une reprise est, aujourd’hui, compte tenu du droit en vigueur, dans l’impossibilité d’attribuer ces bons de souscription, qui sont un élément important d’attraction.
L’adoption de cet amendement renforcerait l’attractivité de ce type d’entreprises et aurait un coût modeste pour les finances publiques, puisque celui-ci est estimé à quelques millions d’euros pour les exercices 2015 et 2016. Il serait utile, notamment, aux petites sociétés non cotées ou avec de faibles capitalisations de plus de quinze ans.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-28.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 70 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 quinquies.
L'amendement n° I-102 rectifié bis, présenté par MM. Delattre, Doligé, Joyandet, Morisset, Mouiller, D. Laurent, Portelli, Masclet et Charon, Mme Primas, M. Pellevat, Mme Duchêne et MM. P. Dominati, Chatillon, Mayet, Savary, Husson et Pierre, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Aux premier et second alinéas du 1 de l’article 200-0 A du code général des impôts, après la référence : « 199 undecies C », est insérée la référence : « , 199 terdecies-0 A ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Il s’agit de faire en sorte que nos petites entreprises puissent trouver des financements, notamment pour se doter de fonds propres.
Jusqu’en 2012, il était possible d’obtenir grâce au système dit « Madelin » une réduction d’impôt pouvant s’élever à 18 % du montant de l’investissement, ce qui permettait à un couple d’investir jusqu’à 100 000 euros. Lors du rabotage de l’ensemble des niches fiscales, le montant maximal de l’avantage fiscal est passé de 18 000 euros à 10 000 euros.
Le résultat ne s’est pas fait attendre : l’investissement ne reste incitatif fiscalement que jusqu’à 55 550 euros.
En fait de lisibilité et de continuité de l’action, nous avons assisté, en l’occurrence, à une rupture que nombre de PME déplorent, notamment les plus jeunes et les plus innovantes d’entre elles. Notre dispositif de crédit d’impôt recherche, ou CIR, est convenable, mais nombre de start-ups rencontrent néanmoins des difficultés à monter un financement pour s’installer en France, alors que c’est plus facile, par exemple, au Canada.
Je suis conscient que les dispositions de cet amendement posent problème au regard des règles applicables à l’ensemble des niches. Toutefois, leur adoption permettrait de retrouver une masse de crédits à même de soutenir les fonds propres de nos PME, dont l’insuffisance constitue aujourd'hui pour elles un vrai problème.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à placer la réduction d’impôt sur le revenu Madelin sous le plafonnement global des avantages fiscaux de 18 000 euros, plutôt que sous celui de 10 000 euros, comme c’est le cas actuellement.
Une partie de la préoccupation exprimée par Francis Delattre me semble d’ores et déjà satisfaite, puisque, en cas de dépassement du plafond, la réduction d’impôt est reportable sur les cinq années suivantes.
Quoi qu’il en soit, la commission sollicite le retrait de cet amendement, car le dispositif ISF-PME, voisin de l’IR-PME, sera entièrement refondu dans le prochain collectif, en raison notamment d’un problème d’incompatibilité avec le droit communautaire. Nous aurons donc à cette occasion un débat sur l’ensemble des dispositifs de soutien à l’investissement dans les PME, qu’ils soient assis sur l’IR ou sur l’ISF.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On peut au moins saluer votre constance, monsieur Delattre : vous proposez systématiquement d’élargir les niches et de rehausser les plafonds ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Richard Yung. Tout à fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Une réduction d’impôt de 10 000 euros, c’est loin d’être négligeable. Encore faut-il payer un tel montant d’impôt, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Hier soir, vous déploriez que trop de Français ne payent pas l’impôt sur le revenu. Aujourd’hui, vous voulez qu’un plus grand nombre encore d’entre eux en soit exonéré… À un moment donné, il faut tout de même poser des limites.
De surcroît, comme l’a souligné opportunément M. le rapporteur général, ceux qui ne peuvent pas loger dans leur niche, déjà assez confortable, l’ensemble de leur investissement Madelin ont le droit de le reporter sur les années suivantes. Comme vous l’avez précisé, monsieur Delattre, il est possible d’investir un peu plus de 55 000 euros pour atteindre la réduction maximale.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement. Même si l’on peut considérer que certains investissements sont vertueux, nous atteignons là des montants qui troublent l’imagination.
M. Daniel Raoul. Et la raison !
M. le président. Monsieur Delattre, l'amendement n° I-102 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Francis Delattre. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement aussi fait preuve de constance, en persistant à mener la même politique depuis trois ans, avec les résultats que l’on sait, eux aussi très constants ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Richard Yung. Ils sont bons !
M. Francis Delattre. Nous le savons tous, les PME-PMI sont le principal réservoir d’emplois marchands dans notre pays.
On gage, de façon un peu ridicule, nos amendements sur le tabac, mais on pourrait plus efficacement les gager sur les emplois aidés au sens large, qui coûtent des milliards d’euros. On le sait très bien, ces emplois ne servent qu’à passer un cap, alors que notre pays résoudrait tous ses problèmes s’il était capable de créer, au minimum, deux millions d’emplois marchands.
Naturellement, cela suppose de faire quelques efforts financiers et fiscaux pour engager le mouvement… Le dispositif visé dans cet amendement a déjà produit des résultats. En revanche, lorsqu’on le rabote, on crée des chômeurs supplémentaires. Pour ma part, j’assume ce choix ! Nous sommes d’ailleurs plusieurs collègues, sur différentes travées, à proposer des amendements allant dans ce sens, et nous pensons qu’il serait utile de réfléchir sérieusement à ces questions.
M. le rapporteur général nous propose d’attendre le débat sur le projet de loi de finances rectificative. Nous sommes prêts à patienter, car nous ne sommes pas dogmatiques.
M. Vincent Capo-Canellas. Très bien !
M. Francis Delattre. En attendant, le problème demeure. Ce pays est-il capable de créer entre un et deux millions d’emplois marchands pour résoudre ses problèmes ? Car il n’y a pas d’autre solution !
Ce sont les PME et les PMI qui créent des emplois, nous nous accordons tous sur ce point, et vous devriez donc, monsieur le secrétaire d’État, examiner plus sérieusement nos amendements, au lieu de nous opposer un discours strictement politique.
Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-102 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
Les amendements nos I-274 rectifié et I-405 rectifié, présentés par M. Pointereau, ne sont pas soutenus.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je reprends l’amendement n° I-405 rectifié au nom de la commission, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° I-427, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 726 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1° bis du I est abrogé ;
2° Le 1° du I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« – pour les cessions, autres que celles soumises au taux mentionné au 2° , de parts sociales dans les sociétés dont le capital n’est pas divisé en actions. Dans ce cas, il est appliqué sur la valeur de chaque part sociale un abattement égal au rapport entre la somme de 23 000 € et le nombre total de parts sociales de la société. »
4° Au quatrième alinéa du II, la référence : « et 1° bis » est supprimée.
IV. – La perte de recettes pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous voudrions surtout comprendre la raison de certaines différences de traitement.
Pourquoi le taux des droits d’enregistrement applicables aux cessions de SA, c'est-à-dire de sociétés anonymes, ou de SAS, autrement dit de sociétés par actions, est-il de 0,1 %, alors que les cessions de parts sociales de SARL ou d’EURL sont, pour leur part, taxées à 3 % ? Comme le soulignait l’auteur de l’amendement n° I-405 rectifié, les dirigeants de société sont logiquement tentés de modifier les statuts avant d’envisager une cession.
Comment expliquer, monsieur le secrétaire d’État, ce traitement défavorable aux PME ? Quel serait le coût d’un alignement des taux ? Ces deux questions méritent d’être posées, et nous avons besoin, sur ce point, d’un éclairage du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Au travers de cet amendement, vous proposez de diminuer, voire de supprimer purement et simplement les droits d’enregistrement applicables aux cessions de parts sociales dans les sociétés dont le capital n’est pas divisé en actions. Celles-ci sont actuellement soumises aux droits proportionnels d’enregistrement de 3 % et bénéficient d’un abattement appliqué sur la valeur de chaque part sociale et dont le montant équivaut au rapport entre la somme de 23 000 euros et le nombre total de parts sociales de la société.
Votre proposition aurait un coût budgétaire. Elle romprait en outre l’équilibre entre la taxation des cessions de fonds de commerce et des fonds de clientèle, qui sont taxés de manière similaire à la cession des parts sociales au taux global de 3 % si l’on cumule le droit budgétaire perçu par l’État et les taxes additionnelles perçues par les collectivités territoriales, jusqu’à 200 000 euros.
Je n’ai pas particulièrement examiné ce point avant notre séance, et je m’en excuse. L’on me dit en effet qu’il conviendrait peut-être de réexaminer certaines situations historiques, en vue d’une d’harmonisation. Nous pourrons donc de nouveau aborder ce sujet à l’avenir.
Dans ces conditions, je sollicite, pour l’heure, le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-427 est-il maintenu ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces différences de taux s’expliquent sans doute pour des raisons historiques, mais il est difficile, aujourd’hui, de les comprendre. Peut-être faudrait-il travailler à la définition un taux de convergence.
Dans l’immédiat, nous retirons cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-427 est retiré.
L'amendement n° I-104 rectifié bis, présenté par MM. Delattre, Doligé, Commeinhes, Pierre et Portelli, Mme Deroche, M. Pellevat, Mmes Gruny et Canayer et MM. P. Dominati, Charon, Grand et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 777 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Tableau I
a) À la cinquième ligne de la première colonne, le montant : « 552 324 » est remplacé par le montant : « 1 104 648 » ;
b) À la sixième ligne de la première colonne, les mots et montants : « Comprise entre 552 324 € et 902 338 € » sont remplacés par les mots et le montant : « Au-delà de 1 104 648 € » ;
c) Les septième et huitième lignes sont supprimées ;
2° Tableau II
a) À la cinquième ligne de la première colonne, le montant : « 552 324 » est remplacé par le montant : « 1 104 648 » ;
b) À la sixième ligne de la première colonne, les mots et montants : « Comprise entre 552 324 € et 902 338 € » sont remplacés par les mots et le montant : « Au-delà de 1 104 648 € » ;
c) Les septième et huitième lignes sont supprimées ;
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Il s’agit, là encore, d’un problème bien connu, celui des successions dans les PME-PMI. Comme vous le savez, mes chers collègues, environ 30 % des entreprises disparaissent du fait de transmissions non accomplies ou mal accomplies. Naturellement, la fiscalité de transmission du patrimoine constitue l’une des difficultés auxquelles les entreprises sont confrontées.
Notre collègue députée Fanny Dombre-Coste a rédigé, en juillet dernier, un rapport sur les transmissions d’entreprise, dont j’ai lu quelques extraits. Nous pouvons tous faire le même constat : il y a un vrai problème !
Cet amendement vise donc à la fois à simplifier et à diminuer le barème des droits de mutation, afin qu’ils encouragent la succession plutôt que la rétention, évitant ainsi que des entreprises ne disparaissent.
Nous proposons simplement de doubler la tranche à 20 %, pour fixer sa limite supérieure à 1 104 648 euros, et d’appliquer un taux de taxation maximal à 30 % au-delà de cette limite supérieure.
Il me semble que ce dispositif simple serait bien accueilli dans le milieu des PME-PMI, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Francis Delattre pose un vrai sujet, celui de la transmission des entreprises. Certains dispositifs favorisant cette transmission existent déjà, en particulier le pacte dit « Dutreil » ; la commission a d’ailleurs déposé plusieurs amendements afin de l’améliorer.
Si nous pouvons souscrire à l’intention de l’auteur de cet amendement, nous nous heurtons à une difficulté, car le dispositif qu’il propose vise non pas simplement les transmissions d’entreprise, mais toutes les transmissions en ligne directe à titre gratuit, notamment la cession d’un appartement ou d’un portefeuille d’actions. Le coût de cette mesure serait donc très élevé, de l’ordre de plusieurs milliards d’euros.
Par conséquent, j’invite Francis Delattre à bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cet amendement va encore dans le même sens… Diminuer les impôts, mais uniquement pour ceux qui en payent beaucoup, ou du moins un peu !
Mesdames, messieurs les sénateurs, rendez-vous compte de ce que vous proposez : aujourd’hui, plus de 90 % des successions – je crois même que nous sommes plus proches de 95 %, mais je reste prudent – sont exonérées de droits de succession.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Grâce à Nicolas Sarkozy !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il faut le dire et le répéter, car c’est ce qu’indiquent les notaires : plus de 90 % des successions aujourd’hui sont exonérées de droits. Or nos concitoyens ne le savent pas, car ils payent des frais de notaire. Ceux-ci sont légitimes – ils correspondent à un travail réalisé –, mais les Français les assimilent à des droits perçus par l’État, ce qui crée une confusion et rend parfois populaire la présentation que vous pouvez faire de certains de vos amendements.
Ici, vous proposez d’aller plus loin. On peut vous entendre, mais on ne peut pas vous écouter. Vous dites que vous souhaitez agir au bénéfice des entreprises, mais votre amendement, en réalité, vise tout le monde ! Tous les particuliers sont concernés, qu’ils détiennent des capitaux, de l’immobilier, des biens mobiliers, etc.
M. Richard Yung. Y compris des lingots d’or ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je voudrais vous rappeler que, pour les entreprises, il existe de nombreux dispositifs favorables. Il faut le dire aussi, car, à vous entendre, les larmes pourraient nous monter aux yeux !
Le pacte Dutreil, par exemple, permet de transmettre des parts de société en bénéficiant d’une exonération de 75 % de leur valeur. Oui, 75 % ! Et ce chiffre ne tient même pas compte des abattements applicables, soit 100 000 euros par ascendant en ligne directe, et 50 % de plus quand on cède avant soixante-dix ans.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous devrions donc réussir à contenir nos larmes ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
On pourrait effectivement aller encore plus loin... Je n’ai pas chiffré le coût de votre amendement, mais je comprends mieux pourquoi nous avons trouvé plus de 5 % de PIB de déficit public en arrivant aux responsabilités ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Vous l’aurez compris, mon avis sur cet amendement est défavorable.
M. le président. Monsieur Delattre, l’amendement n° I-104 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Francis Delattre. Monsieur le secrétaire d'État, si vous lisez le rapport qui a été préparé par Fanny Dombre-Coste, députée socialiste de l’Hérault, vous verrez qu’elle partage largement le constat que je viens de dresser.
Si notre amendement ne vise pas seulement les entreprises, c’est peut-être parce que nous ne disposons pas de l’appui des directions d’un grand ministère. Il s’agit peut-être d’un impair : j’entendais bien, pour ma part, cibler la transmission des entreprises.
En effet, dans nos circonscriptions, nous connaissons la situation et la réalité des successions mal réglées, qui entraînent finalement la disparition de certaines entreprises.
M. Daniel Raoul. Ce n’est pas lié à l’imposition !
M. Francis Delattre. Monsieur le rapporteur général, il faut travailler sur ce sujet, car nous connaissons les failles du système Dutreil. En tout cas, nous essayons de perfectionner ce dispositif.
Le problème existe, cette préoccupation est partagée par nombre de parlementaires. Toutefois, comme nous sommes de petits artisans de la législation, j’accepte de retirer mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-104 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de dix-sept amendements faisant l'objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-166, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 787 B, 885 I bis, 885 I ter et 885 I quater du code général des impôts sont abrogés.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Le présent amendement tend à supprimer certaines dispositions correctrices de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, qui, selon nous, nuisent à sa bonne répartition entre les contribuables.
Nous souhaitons tout d’abord viser la disposition permettant aux membres des pactes d’actionnaires, qui constituent le noyau dur de l’actionnariat d’une entreprise, de diminuer leur contribution à l’ISF à proportion de leur participation.
Cette exonération des intérêts minoritaires, instaurée par la loi pour l’initiative économique, dite « loi Dutreil », qui vient d’être évoquée, n’a pas rencontré, il faut le dire, un grand succès, malgré les assurances contraires qui figuraient à l’époque dans le rapport sur le fondement duquel elle avait été élaborée. À en croire l’évaluation des voies et moyens qui est annexée au projet de loi de finances, quelque 12 700 ménages recouraient à ce dispositif en 2012, pour une dépense fiscale globale de 63 millions d’euros.
L’ensemble des dispositions que nous visons représente une dépense fiscale de 260 millions d’euros au total, ce qui doit représenter une exemption d’assiette comprise entre 40 et 55 milliards d’euros. Quand on sait que le patrimoine imposable des redevables de la tranche moyenne de l’ISF s’élève à près de 440 milliards d’euros, on mesure aisément la faible pertinence de l’ensemble du dispositif.
Le pacte d’actionnaires concerne, au premier chef, des actionnaires minoritaires et non impliqués dans la gestion courante de l’entreprise. Il s’agit souvent d’une technique d’optimisation fiscale pour celles et ceux dont le rapport avec l’entreprise se limite à la perception de dividendes.
Nous pouvons alors poser la question : la fiscalité dans notre pays aurait-elle vocation uniquement à permettre la transmission des positions acquises, voire des rentes de situation, ou doit-elle aussi participer de la dynamique économique dans son ensemble ? La question se pose.
C’est pour ces motifs qu’il nous faut supprimer le dispositif Dutreil. Une niche en moins va sans doute en faire aboyer quelques-uns, mais cette loi n’a pas vocation à préserver l’actionnariat d’entreprises dynastiques ou à simplement empêcher certains de payer « trop d’impôt ».
Mes chers collègues, nous ne pouvons donc que vous inviter à adopter cet amendement.
M. le président. L’amendement n° I-29, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le dernier alinéa du b de l’article 787 B du code général des impôts est supprimé.
II. – Le I s’applique à compter du 15 décembre 2015.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement, comme les deux suivants, vise non pas à supprimer le dispositif Dutreil, comme le précédent amendement, mais au contraire à l’améliorer.
Ce dispositif a fait la preuve de son efficacité, notamment pour la transmission d’entreprises familiales. Toutefois, à l’usage, on a pu constater que certains points, sans constituer de réels coûts, n’en sont pas moins des freins ou n’emportent aucune justification particulière.
L’amendement n° I-29 devrait recueillir un large assentiment. En effet, il s’agit d’une disposition qui a déjà été votée dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ». En outre, elle constitue une proposition relativement consensuelle, qui figure dans le rapport des députés Olivier Carré et Christophe Caresche sur l’investissement productif de long terme.
Il s’agit d’assouplir le dispositif Dutreil, en supprimant l’obligation de conserver les participations inchangées à chaque niveau d’interposition pendant la phase d’engagement collectif. Cette condition, qui ne se justifie guère, est restrictive et inutile. Elle peut retarder la prise de décisions dans la vie des entreprises, qui est faite, notamment, de cessions.
M. le président. L’amendement n° I-30, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le b de l’article 787 B du code général des impôts est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Dans l’hypothèse où les titres sont détenus par une société possédant directement une participation dans la société dont les parts ou actions peuvent être soumis à un engagement collectif de conservation visé au a, ou lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts ou actions peuvent être soumis à un engagement de conservation, l’engagement collectif de conservation est réputé acquis lorsque les conditions cumulatives ci-après sont réunies :
« - Le redevable détient depuis deux ans au moins, seul ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, les titres de la société qui possède une participation dans la société dont les parts ou actions peuvent être soumises à un engagement collectif, ou les titres de la société qui possède les titres de la société dont les parts ou actions peuvent être soumises à un engagement de conservation ;
« - Les parts ou actions de la société qui peuvent être soumises à un engagement collectif, sont détenues par la société interposée, depuis deux ans au moins, et atteignent les seuils prévus au premier alinéa du présent b ;
« - Le redevable ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité exerce depuis plus de deux ans au moins, dans la société dont les parts ou actions peuvent être soumises à un engagement collectif, son activité professionnelle principale ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque la société est soumise à l'impôt sur les sociétés. »
II. – Le I s’applique à compter du 15 décembre 2015.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État des I et II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise lui aussi à reprendre une mesure déjà adoptée par le Sénat lors de l’examen de la loi Macron. Et là encore, il s'agit d’améliorer le dispositif Dutreil, en permettant l’application de l’engagement collectif réputé acquis à des situations où les titres transmis sont détenus par des sociétés interposées.
En clair, il existe aujourd'hui une différence de traitement, qui ne paraît pas justifiée, entre la détention directe et indirecte. De fait, cela empêche l’application du dispositif Dutreil pour certaines transmissions d’entreprises. Il y a lieu de mettre fin à cette différence.
M. le président. L’amendement n° I-31, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa du f de l'article 787 B du code général des impôts, les mots : « de la condition prévue au » sont remplacés par les mots : « des conditions prévues aux a ou ».
II. – Le I s’applique à compter du 15 décembre 2015.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État des I et II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Toujours en vue d’améliorer le dispositif Dutreil, cet amendement, qui a également été adopté au Sénat lors de l’examen de la loi Macron, a pour objet de faciliter la transmission d’entreprises, en permettant des opérations d’apport de titres dans la période d’engagement collectif.
Ce serait une amélioration bienvenue, qui lèverait un obstacle aux transmissions d’entreprises familiales, sans pour autant affaiblir la phase d’engagement initial.
Au total, les trois amendements que je viens de présenter ont un coût très limité ; leur adoption permettrait toutefois de lever des obstacles techniques, qui ne sont pas justifiés et qui constituent souvent des freins à l’objectif de faciliter les transmissions d’entreprises.
M. le président. L’amendement n° I-193, présenté par MM. P. Dominati, Morisset, Vogel et Revet, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Dassault et Mandelli, Mme Gruny, M. Bouchet, Mme Deseyne et M. Magras, est ainsi libellé :
Après l'article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les articles 885 A à 885 Z du code général des impôts sont abrogés.
II - Les pertes de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 402 bis, 438, 520 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Comme tous les ans depuis une dizaine d’années, je propose une solution beaucoup plus simple, monsieur le rapporteur général : supprimer purement et simplement l’ISF ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Je ne vais pas revenir sur les inconvénients techniques de cet impôt, qui ne fait pas de distinction entre les assujettis, qui frappe particulièrement les couples et qui affecte plutôt la classe moyenne que les ultra-riches. (Mêmes mouvements.)
M. Richard Yung. Classe moyenne supérieure, tout de même…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Un peu de mesure !
M. Philippe Dominati. Les coûts de recouvrement de cet impôt sont particulièrement élevés, et le nombre de ses assujettis progresse chaque année.
Voilà pour la forme, mais, sur le fond, il y a beaucoup plus grave ! Il semblerait en effet, d’après de nombreux économistes, que le rendement de cet impôt soit préjudiciable aux recettes fiscales de l’État. Les uns parlent de deux fois le coût de la TVA ; d’autres, d’une évasion en capitaux qui pourrait être comprise entre 150 et 200 milliards d’euros. M. Christian Chavagneux, qui est éditorialiste au journal Alternatives économiques, évoque quant à lui quelque 10 % des recettes fiscales de l’État.
Ils sont donc nombreux à s’exprimer en ce sens, et la Cour des comptes a eu l’occasion de le souligner en 2009 : c’est un impôt au rendement négatif !
Ensuite, l’ISF procède d’une grande hypocrisie de la part des plus hautes autorités de l’État, quelles qu’elles soient, puisque j’évoque cette situation depuis une dizaine d’années... Nos artistes, écrivains, sportifs ou élites sont accueillis dans les palais de la République, nous assistons à leurs concerts ou à leurs manifestations culturelles ou sportives, mais il faut bien admettre que, pour la plupart d’entre eux, ils ne peuvent plus résider dans notre pays. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Cet impôt cause donc une perte nette assez importante. J’ai entendu, il est vrai, des hommes d’État de l’opposition, qui sont peut-être appelés demain à redevenir majoritaires, faire un mea culpa à ce sujet. J’ai donc bon espoir !
Mes collègues Bocquet ou Yung ont évoqué un souci d’harmonisation.
Mme Marie-France Beaufils. Pas dans le même sens que vous !
M. Philippe Dominati. La France est le seul pays qui possède une telle imposition, et le Gouvernement devrait peut-être développer une réflexion sur ce sujet pour trouver une position médiane.
Enfin, cette discussion sera également l’occasion pour vous, monsieur le secrétaire d’État, de nous dire quel a été le rendement de l’impôt à 75 %, maintenant que l’expérience est terminée, afin d’évaluer si cette mesure a contribué à l’augmentation de 40 % du nombre des exilés fiscaux, qui a été signalée durant l’été dernier.
M. le président. L’amendement n° I-165, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 885 A, le montant : « 1 300 000 € » est remplacé par le montant : « 800 000 € » ;
2° L’article 885 U est ainsi modifié :
a) La seconde colonne du tableau constituant le second alinéa du 1. est ainsi rédigé :
«
Tarif applicable |
0 |
0.55 |
0.70 |
1 |
1.35 |
1.80 |
»
b) Le 2. est abrogé.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. L’ISF, tel qu’il existe actuellement, a fini par épargner environ 300 000 contribuables de toute imposition, soit autant de foyers appartenant tout de même aux couches moyennes supérieures risquant de devoir contribuer un peu plus aux charges publiques.
Le patrimoine médian des habitants de notre pays se situe aux alentours de 120 000 euros et le seuil d’imposition de l’ISF y est plus de 10 fois supérieur. Le nombre de redevables de cet impôt n’a pas forcément connu une inflexion à la baisse, montrant l’importance des glissements constatés depuis une quinzaine d’années en matière d’inégalités de patrimoine.
Ainsi, les redevables de l’ISF qui sont domiciliés dans l’arrondissement parisien où nous nous trouvons en ce moment même étaient au nombre de 3 472 en 2011 et disposaient d’un patrimoine total de 12,6 milliards d’euros. Ils sont aujourd’hui quelque 3 925 – on voit bien que l’impôt fait fuir ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.) – et déclarent un patrimoine imposable total de 15,9 milliards d’euros.
Voilà qui justifie pleinement, me semble-t-il, le fait que nous restions fidèles à l’ancien barème de l’ISF, qui commençait à hauteur de 800 000 euros ; cela correspondait à environ 600 000 contribuables, un nombre qui reste évidemment minoritaire au regard des 37 millions de Françaises et de Français qui font une déclaration en vue de l’impôt sur le revenu.
Nos principes constitutionnels sont connus : l’impôt doit être justement réparti entre les membres de la société, et ceux qui ont des moyens et facultés plus importants que les autres doivent contribuer à raison de ces mêmes facultés et moyens.
En d’autres termes, l’intérêt particulier du contribuable doit s’effacer derrière l’intérêt général de la collectivité, qui a du sens, particulièrement en ce moment. Au demeurant, il tirera lui-même parti de cet intérêt général.
Les contribuables assujettis à l’ISF doivent être fiers de participer, plus encore que les autres, à cet effort, œuvrant in fine pour le bien commun.
Comme nous l’avons souvent indiqué, le taux de prélèvement constaté en matière d’ISF demeure relativement limité pour un contribuable moyen. Y faire face impose soit de renoncer à une partie – mais c’est loin d’être le tout – du rendement d’un patrimoine, dès lors que ce dernier est correctement géré, soit d’en céder quelques éléments pour pouvoir payer la facture.
M. le président. L’amendement n° I–170, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article 885 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Dans la limite de deux millions d’euros, les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 R ne sont pas pris en compte pour l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. La recherche de la justice fiscale et celle de l’efficacité économique de l’impôt constituent les deux principaux axes de notre démarche ; cela a été rappelé lors de la discussion générale. Or, dans les faits, l’ISF est aujourd’hui insuffisant pour répondre à ces deux exigences.
L’assiette de cet impôt est largement tronquée puisque nombre de biens parfaitement représentatifs de la réalité des patrimoines les plus importants sont exonérés ou pris en compte très en deçà de leur valeur. Quant à son taux, il reste parfaitement supportable et n’a rien de la fiscalité « confiscatoire » dont on nous rebat les oreilles régulièrement ici et là.
Cet amendement a donc pour objet de revenir au principe de réalité, en faisant en sorte que la justice la plus élémentaire s’applique entre les contribuables.
Nous n’avons jamais jugé normal – j’insiste sur ce point – que les biens professionnels se trouvent exclus de l’assiette de l’ISF, d’autant qu’il ne s’agit bien souvent que de titres et de parts de sociétés, patrimoine dont la matérialité se résume à celle de morceaux de papiers imprimés…
Ainsi, un traitement différencié des titres, à nos yeux injustifié, persiste dans notre fiscalité : exonération de droits pour les biens professionnels ; exonération possible en cas de participation à un pacte d’actionnaires, qui n’entraîne d’ailleurs en règle générale aucune conséquence du point de vue de l’implication desdits actionnaires dans la vie quotidienne de l’entreprise concernée ; exonération impossible, enfin, pour les titres détenus par des actionnaires minoritaires n’étant pas liés par un tel pacte.
Notre démarche est simple : rendons imposables les biens professionnels au-delà du seuil de 2 millions d’euros, afin de rétablir l’égalité de traitement entre les actionnaires. J’ajoute que notre proposition reste relativement mesurée, eu égard au taux actuel de l’ISF et même au taux moyen d’imposition.
C’est donc pour rétablir la justice sociale entre contribuables de l’ISF que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. L’amendement n° I–388 rectifié, présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Canevet, Delcros, Marseille, Laurey et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 787 B du code général des impôts, il est inséré un article 787 B … ainsi rédigé :
« Art. 787 B .... – I. – Sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs à la condition que l’héritier, le donataire ou le légataire prenne l’engagement, dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts ou les actions pendant une durée minimale de dix ans à compter de la transmission.
« II. – L’exonération s’applique également lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui exerce une des activités visées au I. Dans cette hypothèse, la valeur des titres de cette société, qui sont transmis, bénéficie de l’exonération à proportion de la valeur réelle de son actif brut correspondant à la participation dans la société qui exerce une des activités visées au I.
« III. – L’exonération s’applique également lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société qui exerce une des activités visées au premier paragraphe. Dans cette hypothèse, l’exonération est appliquée à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l’actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte dans la société qui exerce une des activités visées au I.
« IV. – À compter de la transmission et jusqu’à l’expiration de l’engagement de conservation visé au I, la société dont les parts ou actions ont été transmises, doit adresser, dans les trois mois qui suivent le 31 décembre de chaque année, une attestation certifiant que l’engagement de conservation est satisfait au 31 décembre de chaque année.
« V. – En cas de non-respect de l’engagement de conservation prévu au I, par suite d’une fusion ou d’une scission au sens de l’article 817 A d’une augmentation de capital, ou d’un apport en société, l’exonération accordée lors d’une mutation à titre gratuit avant l’une de ces opérations, n’est pas remise en cause si le donataire, héritier ou légataire respecte l’engagement prévu au I jusqu’à son terme. Les titres reçus en contrepartie de ces opérations doivent être conservés jusqu’au même terme. De même, cette exonération n’est pas non plus remise en cause lorsque l’engagement de conservation prévu au I n’est pas respecté par suite d’une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire ;
« VI. – En cas de non-respect de l’engagement de conservation prévu au I, par suite d’une donation ou d’une succession, l’exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit visée au I n’est pas remise en cause, à condition que le donataire, héritier ou légataire poursuive l’engagement prévu au I jusqu’à son terme.
« VII. – Les dispositions du présent article s’appliquent en cas de donation avec réserve d’usufruit. »
II. – Après l’article 885 I quater du code général des impôts, il est inséré un article 885 I … ainsi rédigé :
« Art. 885 I ... – I. – Les parts ou actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont pas comprises dans les bases d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune lorsque ces parts ou actions restent la propriété du redevable pendant une durée minimale de dix ans, courant à compter du premier fait générateur au titre duquel l’exonération a été demandée.
« II. – L’exonération s’applique lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans la société qui exerce une des activités visées au I. La valeur des titres de cette société bénéficie de l’exonération prévue au I, à proportion de la valeur réelle de son actif brut qui correspond aux titres de la société qui exerce une des activités visées au I.
« III. – L’exonération s’applique également lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui, elle-même, détient les titres d’une société exerçant une des activités visées au I. Dans cette hypothèse, l’exonération partielle est appliquée à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l’actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte exerçant une des activités visées au I.
« IV. – L’exonération est acquise au terme d’un délai global de conservation de dix ans. Au-delà de ce délai, est seule remise en cause l’exonération accordée au titre de l’année au cours de laquelle le redevable cède les titres qu’il s’est engagé à conserver.
« V. – En cas de non-respect de la condition de détention prévue au I par suite d’une fusion ou d’une scission au sens de l’article 817 A, d’une augmentation de capital, ou d’un apport en société, l’exonération n’est pas remise en cause si les titres reçus en contrepartie de l’opération concernée sont conservés jusqu’au même terme par le redevable. Cette exonération n’est pas non plus remise en cause lorsque la condition prévue au I n’est pas respectée par suite d’une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire.
« VI. – En cas de non-respect de l’engagement visé au I, par suite d’une donation ou de succession des titres objets de l’engagement de conservation visé au I, l’exonération n’est pas remise en cause, sous réserve que les titres dévolus soient conservés par le donataire, l’héritier ou le légataire, jusqu’au terme du délai prévu au I.
« VII. – Toute remise en cause de l’exonération ne s’applique qu’à raison des titres cédés par le redevable.
« VIII. – La déclaration visée au 1 du I de l’article 885 W doit être appuyée d’une attestation de la société dont les parts ou actions sont conservées par le redevable, certifiant que les conditions prévues au I ont été remplies l’année précédant celle au titre de laquelle la déclaration est souscrite. »
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. L’une des nombreuses carences économiques de notre pays repose sur la faiblesse de notre tissu de petites et moyennes entreprises, les PME, et d’entreprises de taille intermédiaire, les ETI. En effet, nos entreprises sont souvent de très petites entreprises, des TPE, ou bien de grands groupes mondiaux, que nous appelons, à juste titre, « nos champions ».
Les 4 600 ETI réalisent à elles seules 34 % des exportations françaises et représentent 23 % de l’emploi salarié de notre pays. Or, par comparaison avec nos voisins européens, elles sont moins nombreuses – trois fois moins qu’en Allemagne – et elles sont souvent plus petites parce qu’elles sont entravées dans leur développement par un certain nombre d’obstacles – réglementaires ou fiscaux – touchant à leur transmission et à la stabilité de leur actionnariat.
Or, pour construire des marques mondiales fortes et des produits innovants, pour bâtir des entreprises conquérantes – car les petites entreprises, on le souhaite, sont celles qui deviendront grandes par la suite –, il faut du temps. Il faut souvent deux générations avant qu’une entreprise atteigne la taille d’une ETI et parfois trois ou quatre pour qu’elle devienne leader dans son secteur. Le temps est donc l’une des clefs de la montée en gamme des entreprises.
À l’instar de la proposition portant sur la création d’un statut d’investisseur de long terme qui émane du rapport d’information, déjà cité, de MM. Carré et Caresche sur l’investissement productif de long terme, l’adoption d’un tel statut lèverait ces obstacles en réalignant la France sur les pratiques de ses grands partenaires européens. Il ne s’agit pas ici d’accorder des avantages mais de se mettre en situation de compétitivité par rapport à d’autres pays.
Au moment où l’investissement est à l’arrêt, la création de ce statut d’investisseur de long terme constituerait un signal fort de confiance en direction des investisseurs qui prennent des risques pour développer les ETI. Ce signal serait également adressé aux entreprises qui veulent associer leurs cadres et leurs salariés à l’actionnariat ou aux jeunes entreprises.
Le présent amendement tend donc, dans son I, à encourager la transmission d’entreprise en l’exonérant totalement de droits de mutation en contrepartie de la détention des parts pendant dix ans après transmission. C’est une mesure qui existe chez certains de nos voisins : l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.
Dans son II, cet amendement vise à déconnecter la fiscalité du patrimoine de l’outil productif en sortant les parts d’entreprises de la base de calcul de l’ISF, en contrepartie d’un engagement de conservation individuelle des titres de l’entreprise sur une période de dix ans.
Le coût de cette mesure est estimé à 80 millions d’euros ; par ailleurs, le statut de l’investisseur de long terme induirait une simplification profonde des textes fiscaux en vigueur.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. L’amendement n° I–194, présenté par MM. P. Dominati, Morisset, Vogel et Revet, Mme Deromedi, MM. Vasselle et Dassault, Mme Procaccia, M. Mandelli, Mme Gruny, MM. Bouchet et Karoutchi, Mme Deseyne et M. Magras, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la première phrase du second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 100 % ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Roger Karoutchi. Très bien ! Ne lâchez rien, cher collègue ! (Sourires.)
M. Philippe Dominati. Si, à mon grand étonnement, je n’obtenais pas satisfaction sur l’amendement visant à supprimer l’ISF (Sourires. – Plusieurs sénateurs du groupe CRC s’esclaffent.), je souhaiterais au moins qu’un tiers des assujettis à cet impôt car ils possèdent à titre de résidence principale un bien immobilier, non pas somptueux, mais d’une centaine de mètres carrés, dans n’importe quel arrondissement de la ville de Paris…
MM. Roger Karoutchi et Éric Doligé. Ou de banlieue !
M. Philippe Dominati. … ou dans des communes à proximité géographique, en soient exonérés.
Cet amendement vise ainsi à accroître l’abattement sur la résidence principale dans le calcul de l’ISF. Ma préférence aurait consisté en un abattement de 100 % (MM. Richard Yung et Daniel Raoul lèvent les bras au ciel.) mais la modération qui inspire nos débats sur les finances publiques plaide pour un abattement de 50 %, qui me semble convenable et que je propose à travers l’amendement suivant.
M. le président. L’amendement n° I–195, présenté par MM. P. Dominati, Morisset, Vogel et Revet, Mme Deromedi, MM. Vasselle et Dassault, Mme Procaccia, M. Mandelli, Mme Gruny, MM. Bouchet et Karoutchi, Mme Deseyne et M. Magras, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la première phrase du second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 50 % ».
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement est défendu, monsieur le président. Mais l’amendement n° I–193 sera peut-être adopté…
M. le président. L’amendement n° I–279, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 885 S du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cet abattement est plafonné à 200 000 euros. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Les collectivités territoriales assurent plus de 70 % des investissements publics ; cela est régulièrement, et fort utilement, rappelé. Les baisses de dotations aux collectivités déjà effectives dans le cadre du budget pour 2015 ont déjà engendré une baisse très importante des investissements.
Les diminutions proposées dans le cadre de ce projet de loi de finances vont encore aggraver la situation, tout le monde le craint. Au moment où notre pays est touché par un choc brutal et où le niveau du chômage atteint déjà des records, il est plus que jamais nécessaire de relancer notre économie via des investissements utiles pour un avenir responsable du point de vue social et environnemental.
Le fonds national pour l’investissement local créé par l’article 59 du projet de loi de finances pour 2016 ne permet d’apporter que 1 milliard d’euros pour soutenir l’investissement des collectivités, ce qui ne compense les baisses de dotations qu’à hauteur d’à peine un quart.
L’accumulation toujours plus importante de capitaux marque notre pays – ce constat est établi – et l’accumulation par les particuliers, ou par certains d’entre eux en tout cas, de capital immobilier contribue de façon décisive à cet enrichissement des plus fortunés.
Il est donc juste et nécessaire qu’une augmentation des ressources dégagées par l’impôt de solidarité sur la fortune, entre autres ressources, vienne alimenter ce fonds national pour l’investissement local. Le plafonnement de l’abattement sur la valeur de la résidence principale dans le calcul de l’ISF permettrait ainsi de faire contribuer les détenteurs de patrimoine immobilier de plus de 600 000 euros, qui ont tout à fait les moyens d’apporter des ressources supplémentaires pour la relance de l’économie via des investissements utiles du point de vue social et environnemental.
M. le président. L’amendement n° I–167, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 885–0 V bis du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. S’il fallait trouver une bonne raison de supprimer le dispositif ISF-PME – je crois d’ailleurs savoir qu’il pose problème du point de vue du droit européen, cela a été évoqué –, je pourrais prendre les données mêmes du ministère de l’économie et des finances.
Selon ces données accessibles à tous, lorsqu’un contribuable de l’ISF sollicite le dispositif ISF-PME, il y consacre en moyenne moins de 15 000 euros quand son versement est direct ou transite par la voie d’une société holding, et moins de 10 000 euros quand il emprunte la voie d’un fonds commun de placement, qu’il s’agisse d’un fonds d’investissement de proximité, un FIP, ou d’un fonds commun de placement dans l’innovation, un FCPI.
Ce décalage sensible entre les montants investis et le plafond de la mesure montre suffisamment que l’intention principale de ces contribuables n’est pas d’apporter leur concours actif au financement de l’activité mais bel et bien, dans la plupart des cas, de disposer de l’outil leur permettant de payer peu ou pas d’ISF. Le tout est donc de mettre en place une forme d’optimisation fiscale aussi rentable que possible.
Faisons une autre observation : huit ans après le vote de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », qui l’avait instauré, le nombre de contribuables de l’ISF qui font jouer le dispositif ISF-PME demeure relativement faible. Sur la tranche moyenne de l’ISF, qui compte environ 240 000 contribuables, nous sommes en présence d’environ 35 000 engagements et versements.
Cette donnée est d’ailleurs corroborée par l’évaluation des voies et moyens, qui nous indique qu’un peu moins de 54 000 redevables de l’ISF recourent au dispositif ISF-PME et que l’affaire coûte rien de moins que 620 millions d’euros au budget de l’État. Cela laisse supposer, eu égard au taux de la réduction d’impôt, que les sommes avancées aux entreprises constituent le double de cette coûteuse dépense fiscale ; cela représente donc une contrepartie coûteuse et faible de l’incapacité du secteur bancaire à aider le développement de nos PME.
M. le président. L’amendement n° I–98, présenté par MM. Delattre, Doligé, Commeinhes, Pierre et Portelli, Mme Deroche, M. Pellevat, Mmes Gruny et Canayer et MM. P. Dominati, Charon, G. Bailly, Chasseing, D. Laurent et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 885-0 V bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa du 1 du I, le montant : « 45 000 » est remplacé par le montant « 90 000 » ;
2° Au 2 du III, le montant : « 18 000 » et le montant : « 45 000 » sont remplacés par le montant « 90 000 » .
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos I–98, I–103 et I–99.
Il s’agit par ces amendements, sur le fondement d’une philosophie différente, d’orienter une part du produit éventuel de l’ISF vers les entreprises, puisque même le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi fait le constat selon lequel l’épargne des Français n’est pas suffisamment orientée vers le financement des entreprises.
Le dispositif de l’ISF-PME, imaginé effectivement par l’ancienne majorité, a naturellement connu quelques restrictions. Ainsi, il existe aujourd’hui une forme de distinguo entre investissements directs et investissements indirects. Par conséquent, il est assez compliqué de favoriser la souscription de parts de fonds communs de placement dans l’innovation.
Ce distinguo est en réalité assez confus, donc cet amendement vise à le faire disparaître et à instaurer un plafond unique global de 90 000 euros, au lieu de 45 000 euros et de 18 000 euros actuellement. Pour les PME et les PMI, ce dispositif a quand même bien fonctionné et on aurait par conséquent intérêt, monsieur le secrétaire d'État, à le préserver et à le développer.
M. le président. L’amendement n° I–103, présenté par MM. Delattre, Doligé, Joyandet, Morisset, Mouiller, D. Laurent, Portelli, Masclet et Charon, Mme Primas, M. Pellevat, Mme Duchêne et MM. P. Dominati, Chatillon, Mayet, Savary, Gremillet, Pierre, Lemoyne et Mandelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la seconde phrase du premier alinéa du 1 du I de l’article 885-0 V bis du code général des impôts, le montant : « 45 000 » est remplacé par le montant « 90 000 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a été précédemment défendu.
L’amendement n° I–99, présenté par MM. Delattre, Doligé, Commeinhes, Pierre et Portelli, Mme Deroche, M. Pellevat, Mmes Gruny et Canayer et MM. P. Dominati, Charon, Mayet, G. Bailly, Chasseing et D. Laurent, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 2 du III de l’article 885-0 V bis du code général des impôts, le montant : « 18 000 » est remplacé par le montant : « 45 000 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a également été précédemment défendu.
L’amendement n° I–168, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du I de l’article 885–0 V bis A du code général des impôts, le montant : « 50 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement vise à réduire le plafond de la dépense éligible à la réduction d’impôt pour dons aux œuvres. Nous pouvons en effet parfaitement comprendre que les redevables de l’ISF aient un comportement philanthropique, mais il faudrait que ce fait soit considéré à juste proportion.
Citons, de ce point de vue, quelques données précises. Dans la tranche moyenne de l’ISF, un peu plus de 25 000 redevables font de tels versements, qu’il s’agisse de l’aide apportée à des associations caritatives, à des fondations ou encore à certains établissements d’enseignement supérieur, pour ne donner que quelques exemples. Ils le font pour un montant total de dons dépassant de peu 63 millions d’euros, soit un don moyen d’environ 2 500 euros. Les versements effectués dans l’Espace économique européen au profit d’œuvres de mêmes nature et objet sont plus rares et d’un montant équivalent.
Autant dire que le plafond actuel de dons, fixé à 50 000 euros, est parfaitement superfétatoire au regard de la réalité des mouvements constatés et qu’il n’y a sans doute qu’un nombre très réduit de contribuables, qui pourraient d’ailleurs effectuer la même opération pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu, qui l’atteignent.
Au-delà des bonnes intentions et de la philanthropie, nous craignons en effet que les dons ne soient ajustés, si j’ose dire, aux besoins, c’est-à-dire que les redevables de l’ISF concernés ne versent par principe et par habitude que la somme nécessaire pour leur permettre d’être dispensés du paiement de l’impôt.
Réduire le plafond des dons retenus pour alléger l’ISF participe aussi d’une autre démarche et de l’approche globale de nos prélèvements. On ne peut, d’une part, légiférer sur le plafonnement des niches fiscales – cela s’est fait – et fixer des plafonds plus « raisonnables » pour un certain nombre de dépenses fiscales et, d’autre part, laisser perdurer dans le cadre de l’ISF deux niches fiscales rapportant, en allégements de droits, l’une 25 000 euros et l’autre 37 500 euros. Nous pourrions comparer utilement ces sommes avec le revenu médian d’un contribuable français, qui doit se situer aux alentours de 18 000 euros par an.
À cet égard, je ne rappelle pas ici le plafond actuel du dispositif « Coluche » ni celui qui est applicable aux dons et œuvres d’intérêt général qui se trouvent, de fait, limités à 3 600 euros pour un contribuable médian de notre pays.
M. le président. L’amendement n° I–209 rectifié bis, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au I de l’article 885 V bis du code général des impôts, après les mots : « par l’article 156, » sont insérés les mots : « du montant des charges mentionnées au 2° du II de l’article 156, notamment des pensions judiciairement fixées au titre du devoir de secours, ».
II. – Le I s’applique aux pensions versées à compter du 1er janvier 2015.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Je n’ai pour ma part aucun problème avec l’ISF et je suis lucide sur le fait que, en l’état actuel des finances publiques, toute modification est difficile.
Il s’agit d’un amendement technique, destiné à assurer l’équité dans la mise en œuvre des dispositions de l’article 885 V bis du code général des impôts. Cet article institue un plafonnement de l’ISF lorsque le total des impôts dus en France et à l’étranger excède 75 % du total des revenus du redevable.
En matière d’impôt sur le revenu, les pensions et autres obligations peuvent faire l’objet d’une déduction. En revanche, en ce qui concerne le plafonnement de l’ISF, il semble que cela ne soit pas le cas puisque, notamment, un certain nombre de pensions fixées judiciairement ou d’autres obligations ne peuvent faire l’objet d’une déduction.
Cet amendement a donc uniquement pour objet de traiter cette situation, qui doit concerner un nombre très limité de cas et n’avoir, de ce fait, qu’une incidence très marginale sur le rendement de cet impôt.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux avis de la commission et du Gouvernement sur les amendements nos I–166 à I–209 rectifié bis portant article additionnel après l’article 2 quinquies et faisant l’objet d’une discussion commune.
Monsieur le rapporteur général, quel est l’avis de la commission sur ces dix-sept amendements ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je vais donner l’avis de la commission des finances sur cette série d’amendements, qui concernent essentiellement le dispositif Dutreil.
L’amendement n° I–166 visant à supprimer ce dispositif, nous ne pouvons bien sûr qu’y être défavorables, puisque les amendements suivants nos I–29, I–30 et I–31 de la commission visent au contraire à améliorer ce dispositif, qui est utile pour la transmission d’entreprises. Le supprimer serait absolument catastrophique.
L’amendement n° I–193 présenté par notre collègue Philippe Dominati vise à supprimer l’ISF. Certes, je suis d’avis que cet impôt entraîne un certain nombre d’effets pervers. La France est d’ailleurs un des seuls pays à avoir une fiscalité de ce type sur le patrimoine, la plupart des États qui en avaient une l’ayant supprimée. C’est le cas de l’Espagne, de l’Allemagne, de la Suède ou d’autres pays, qui ne disposent plus d’une telle fiscalité. Ce débat est légitime, mais le coût de cette suppression, qui est de 5,6 milliards d’euros, est incompatible avec l’état actuel de nos finances publiques. La commission émet, pour cette raison, un avis défavorable.
L’amendement n° I–165 présenté par le groupe CRC tend à abaisser le seuil d’assujettissement à l’ISF de 1,3 million d’euros à 800 000 euros, et à augmenter les taux du barème jusqu’à 1,80 %.
À ce sujet, je me permets de faire un petit rappel historique. En 1982, année de création de ce que l’on appelait alors l’IGF, impôt sur les grandes fortunes, le taux marginal était de 1,5 %, mais le taux de rendement des placements n’avait rien à voir avec celui que nous connaissons actuellement. (M. André Gattolin opine.) Par exemple, le taux de l’emprunt Mauroy devait être à 14 % ou 15 %, alors qu’aujourd’hui M. le secrétaire d’État ne cesse de nous rappeler la faiblesse des taux d’intérêt, en ce qui concerne tant les emprunts d’État que les autres placements.
Aujourd’hui, les rendements ont donc considérablement baissé. En revanche, les taux d’imposition se sont maintenus. Aussi, le renforcement du barème avec un taux à 1,80 % serait tout à fait contre-productif, d’autant plus s’il est couplé à un abaissement du seuil. Les effets en seraient désastreux. L’ISF constituant déjà une exception française, il serait malvenu d’aller encore plus loin dans l’exception. L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement n° I–170 présenté par le groupe CRC a pour objet d’inclure dans l’ISF les biens professionnels au-delà de 2 millions d’euros, si j’ai bien compris. Évidemment, nous ne pouvons qu’être défavorables à cet amendement. Nous avons déjà parlé d’exil fiscal. Nous pouvons sans doute échanger des chiffres, sur lesquels nous ne sommes pas d’accord. Cependant, à mon sens, s’il y a vraiment un moyen pour faire fuir les entrepreneurs, c’est bien d’inclure l’outil de travail dans l’assiette de l’ISF.
Le principe de l’exonération n’a jamais été remis en cause depuis l’origine, et il serait tout à fait contre-productif de le faire aujourd’hui. Pour le coup, il n’y aurait plus beaucoup de créateurs d’entreprises en France.
L’amendement n° I–388 rectifié présenté par M. Delahaye et les membres du groupe UDI-UC vise à exonérer de droits de mutation à titre gratuit la transmission des parts de société, sous réserve que l’héritier, le donataire ou le légataire conserve les parts pendant une durée minimale de dix ans. Les auteurs de cet amendement proposent d’aller plus loin que le dispositif Dutreil. C’est évidemment un vrai sujet, mais le coût, évalué à 500 millions d’euros, est assez élevé. C’est pourquoi la commission des finances a préféré proposer aux auteurs de se rallier à ses propres amendements, présentés précédemment, qui ont pour objet d’améliorer le dispositif Dutreil, en supprimant notamment un certain nombre d’obstacles ou de difficultés. Je sollicite donc le retrait de cet amendement, compte tenu, je le répète, de son coût pour les finances publiques.
Les amendements nos I–194 et I–195, présentés par Philippe Dominati, concernent la résidence principale. C’est également un vrai sujet, car, comme l’ont dit plusieurs de nos collègues, le coût de l’immobilier, notamment à Paris et en région parisienne, s’est considérablement élevé. Or il y a quand même une différence de nature, d’ailleurs reconnue par la législation fiscale existante, entre l’ISF sur la résidence principale et celui qui est applicable aux autres biens : par définition, la résidence principale n’est pas productrice de revenus.
Par exemple, des contribuables ayant acheté leur appartement voilà quelques années peuvent se trouver désormais soumis à l’ISF du fait de la hausse des prix sans avoir pour autant les revenus permettant d’assurer le paiement de l’impôt. Cela fait une grande différence avec un placement en actions ou sur de l’immobilier locatif. Le contribuable propriétaire peut être victime, ou bénéficiaire, c’est selon, de la hausse des prix, mais il n’a pas pour autant plus de capacités contributives, c’est-à-dire des revenus assez élevés. Il n’est qu’à voir les prix d’un appartement de 100 mètres carrés à Paris pour se rendre compte qu’on peut très vite entrer dans l’ISF.
D’ailleurs, si la législation fiscale actuelle accorde un abattement de 30 % sur la valeur de la résidence principale, c’est bien pour tenir compte du fait qu’il n’y pas de revenus afférents à ce bien immobilier.
L’amendement n° I–194, cosigné par un certain nombre de collègues, tend à exonérer totalement d’ISF la résidence principale. En l’espèce, il est permis de se demander s’il n’y a pas un risque d’inconstitutionnalité. Par ailleurs, une telle mesure aurait un coût de 1 milliard d’euros, ce qui est trop élevé pour nos finances publiques. Nous proposons donc le retrait de cet amendement, alors que nous avons émis un avis de sagesse sur l’amendement n° I–195, lequel vise, lui aussi, à répondre à la difficulté posée par la résidence principale non productrice de revenus. En l’occurrence, ses auteurs proposent de porter de 30 % à 50 % l’abattement que je viens d’évoquer. Cette mesure permettrait de tenir compte de la hausse des prix, singulièrement en Île-de-France, car il n’y a pas que les propriétaires de champs de pommes de terre de l’île de Ré qui sont concernés.
Je le répète, il peut y avoir des propriétaires qui n’ont pas de ressources suffisantes, et qui se retrouvent pénalisés simplement parce qu’ils sont détenteurs de leur résidence principale. On pourrait même considérer qu’il y a une forme d’iniquité à voir un propriétaire d’outil de travail totalement exonéré. Encore une fois, l’achat d’une résidence principale n’est pas un choix de placement immobilier. On a besoin de se loger et on subit de ce fait une imposition, qui devient parfois extrêmement élevée. L’idée d’augmenter le montant de l’abattement répond à cette problématique.
Eu égard au coût de cette mesure – il avait été estimé à 270 millions d’euros en 2011, mais peut-être M. le secrétaire d’État a-t-il des chiffres plus précis aujourd’hui –, la commission des finances s’en remet à la sagesse de notre assemblée.
L’amendement n° I–279, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe CRC, a pour objet de plafonner à 200 000 euros l’abattement de 30 % sur la résidence principale.
M. Christian Cambon. Incroyable !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est évidemment le contraire de ce que je viens de défendre. Beaucoup de personnes en France n’ont que leur résidence principale, qui constitue l’essentiel de l’assiette de l’ISF. La mesure que vous proposez aurait bien sûr un effet confiscatoire, compte tenu du dynamisme des prix de l’immobilier ces quinze dernières années. La commission a donc émis un avis défavorable.
L’amendement n° I–167 vise à supprimer le dispositif ISF-PME, c’est-à-dire la possibilité de déduire du montant de l’impôt les sommes investies dans des PME. Il s’agit pourtant d’un dispositif qui a fait ses preuves. Je crois que nous sommes très nombreux, sur toutes les travées, à appeler de nos vœux un renforcement des fonds propres des PME, à souligner qu’elles ont des difficultés à se financer en France par rapport aux grandes entreprises, les banques ne prêtant pas assez. Le dispositif que les auteurs de cet amendement souhaitent supprimer est un des rares qui encourage l’investissement direct dans des PME au titre de l’ISF.
La suppression du dispositif ISF-PME entraînerait un report de l’épargne vers les grandes entreprises et, partant, tarirait une source de financement pour les PME. C’est la raison pour laquelle la commission est évidemment défavorable à cet amendement.
L’amendement n° I–98, présenté par M. Delattre, tend, au contraire, à augmenter le plafond de l’ISF-PME en le portant à 90 000 euros, quel que soit le mode d’investissement, c’est-à-dire sans distinguer s’il s’agit d’un investissement direct ou d’un investissement « intermédié », via une holding notamment.
La commission demande le retrait de cet amendement, non pas pour des raisons de fond, mais simplement parce que, comme vous le savez, il sera proposé une refonte de l’ISF-PME dans le prochain collectif budgétaire. Pour le coup, il ne s’agit pas vraiment d’un choix du Gouvernement. Simplement, le dispositif posant des problèmes de compatibilité avec le droit communautaire, il est nécessaire de le refondre. Le sujet aurait pu être traité en PLF, mais le choix a été fait de le placer dans le prochain collectif, à l’article 13 plus précisément.
Nous allons donc être amenés à examiner en détail le dispositif de l’ISF-PME profondément remanié. Aussi, j’invite Francis Delattre et ses collègues à retirer cet amendement pour le redéposer dans le cadre du PLFR.
Je ferai la même réponse pour les amendements nos I–103 et I–99. Là aussi, nous ne nous sommes pas prononcés sur le fond, car, plutôt que de scinder le débat entre deux textes, nous préférons avoir une vision d’ensemble. Je le répète, nous reviendrons en détail sur cette question lors de l’examen de l’article 13 du PLFR.
L’amendement n° I–168, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC, porte sur les déductions de dons au profit des organismes d’intérêt général. Le dispositif actuel prévoit certes un plafond important, mais un tel encouragement de la générosité des citoyens profite à de nombreux organismes intervenant, notamment, dans le domaine de l’humanitaire ou de la recherche médicale. De ce point de vue, ce mécanisme bénéficiant à des organismes sans but lucratif est utile, et je ne vois pas ce qui justifierait de le rendre moins efficace en diminuant le plafond de 50 000 euros à 10 000 euros. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° I–209 rectifié bis. La question posée par M. Michel Bouvard n’est pas directement liée à l’ISF, elle concerne le calcul du plafonnement appréhendé sous l’angle des différences de traitement entre les revenus des divorcés et les autres revenus. Comment prend-on en compte les pensions qui sont judiciairement fixées au titre du devoir de secours pour le plafonnement de l’ISF ? Ce qui est en cause, ce n’est pas directement l’ISF, ce sont les conséquences au titre du plafonnement.
La commission des finances avait initialement demandé le retrait de l’amendement, car son coût n’était pas évalué. Bien que M. Michel Bouvard ait rectifié l’amendement pour répondre à notre attente, nous manquons d’éléments pour expertiser correctement le coût de la mesure proposée, notamment en ce qui concerne la nécessité de prendre en compte les capacités contributives réelles du contribuable. Je souhaiterais donc entendre l’avis du Gouvernement sur cette question, qui est un vrai sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces dix-sept amendements en discussion commune ?
M. Didier Guillaume. Défavorable sur les dix-sept ! (Sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous lisez dans mes pensées, monsieur le président Guillaume ! (Nouveaux sourires.) Le Gouvernement est, en effet, défavorable aux dix-sept amendements qui ont été présentés. Cela mérite quelques explications.
En 2012, nous avons redonné du sens à cet impôt, qui avait été complètement vidé de sa substance. Les amendements déposés par la majorité sénatoriale suivent une logique facilement compréhensible, il s’agit de dépouiller l’ISF de toute son assiette en jouant de différents mécanismes, qu’il s’agisse notamment de la résidence principale, des outils de production et des dons. Le Gouvernement ne souhaite pas qu’on revienne sur des dispositions qui ont été clairement calibrées il y a deux ans à peine.
Je veux maintenant relever quelques contradictions.
Monsieur Dominati, vous avez dit tout à l’heure en substance que l’ISF touche finalement beaucoup les classes moyennes. Honnêtement, je nous invite rétrospectivement à réfléchir sur le fait que ceux qui paient l’ISF appartiennent à la classe moyenne, alors qu’on recense 350 000 contribuables assujettis à cet impôt (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.), soit 1 % de nos foyers fiscaux !
M. Christian Cambon. Et ceux qui partent à l’étranger ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je sais bien que la notion de classe moyenne peut faire débat, un débat que nous avons eu un peu cette nuit. C’est un point de vue, qui est par essence respectable, comme tous les points de vue.
Un certain nombre d’amendements concernent le dispositif Dutreil. Selon vous, ces propositions ne coûtent rien ou pas grand-chose, car elles ne font qu’assouplir. Or un assouplissement s’accompagne forcément d’un élargissement du champ, ce qui se traduit par un coût supérieur, certes variable suivant les amendements – je ne vais pas y revenir en détail. Je n’en vois qu’un qui pourrait éventuellement retenir notre attention. Il s’agit d’un dispositif assez complexe sur l’empilement des pourcentages détenus quand des structures intermédiées se superposent. Le Gouvernement, qui y réfléchit, fera peut-être des propositions dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, mais, en tout cas, sur les autres amendements, l’avis est défavorable.
J’en viens à l’ISF-PME, qui fait l’objet d’amendements orthogonaux puisque certains veulent le supprimer ou le réduire, tandis que d’autres souhaitent l’accentuer. Nous l’avons dit, il n’est pas conforme au droit européen. Nous en tenons compte puisque nous proposerons une réforme que nous vous soumettrons lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, qui est désormais public et dont vous pouvez prendre connaissance puisqu’il a été présenté en conseil des ministres. Ce débat, nous l’aurons lors de l’examen de l’article 13 du projet de loi de finances rectificative, mais il serait un peu inconvenant et maladroit de discuter de modifications de l’ISF-PME à l’occasion du projet de loi de finances et d’y revenir au moment de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
Beaucoup de choses ont été dites au sujet de la résidence principale et je ne suis pas d’accord avec la plupart des arguments avancés. Je voudrais rappeler – vous l’avez d'ailleurs fait à la fin de votre propos, à l’occasion de l’amendement n° I–209 rectifié bis de M. Bouvard – qu’il y a un plafonnement de l’ISF. Peut-être faudra-t-il, à un moment donné, réfléchir sur le sujet, qui est difficile.
Le plafonnement consiste à calculer le ratio entre tous les impôts payés et les revenus perçus, en sachant qu’il existe des montages qui permettent d’optimiser les choses et sur lesquels nous travaillerons. C’est tout de même ce dispositif qui protège les fameux retraités de l’île de Ré et que vous voulez maintenant étendre à tous les propriétaires de la ville de Paris.
Le dispositif de plafonnement de l’ISF permet de répondre assez largement à votre préoccupation. Le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà de l’abattement de 30 % pour la résidence principale, et encore moins le supprimer, comme certains d’entre vous l’ont proposé.
Je termine sur l’amendement n° I–209 rectifié bis de M. Bouvard, qui ne me paraît pas cohérent. Il concerne les pensions alimentaires. C’est vrai qu’elles sont déductibles du revenu imposable pour l’impôt sur le revenu, mais au titre de charges. Il ne s’agit pas d’un revenu négatif. Or c’est finalement ce que vous semblez suggérer et votre proposition me paraît excessive, d’autant plus que cette affaire de plafonnement de l’ISF a fait l’objet de nombreuses interventions du Conseil constitutionnel. Nous avons aujourd'hui un dispositif qui n’est plus contesté. Y toucher, ne serait-ce qu’à travers l’exemple que vous donnez, représenterait un risque. Je ne suis pas certain que, s’agissant de votre proposition, le Conseil constitutionnel, vous suive. Aussi, le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote sur l'amendement n° I–166.
M. Didier Guillaume. Notre groupe votera évidemment contre ces dix-sept amendements, non pas par dogmatisme…
MM. Francis Delattre et Roger Karoutchi. Surtout pas ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Guillaume. … non parce que je trouve que la plupart de ces amendements sont proposés sur un mode dogmatique, mais pour deux raisons simples.
D’abord, ce n’est pas le moment de faire ce genre de propositions ; pensez à l’image donnée à nos concitoyens qui souffrent !
MM. Francis Delattre et Roger Karoutchi. Ce n’est jamais le moment !
M. Didier Guillaume. En effet, ce n’est jamais le moment ! Nous assumons cela ! Je parlais de l’image donnée à nos concitoyens qui souffrent, qui ont peu de revenus et que vous, vous voulez laisser continuer ainsi tout en annonçant à ceux qui gagnent plus que leur ISF va baisser. Je pense que ce n’est pas forcément acceptable.
Mme Sophie Primas. Et ceux qui investissent ?
M. Didier Guillaume. Ensuite, plutôt que de réduire l’ISF, nous préférons baisser les impôts pour 12 millions de foyers fiscaux sur les 17 millions qu’ils sont au total.
En plus, M. le secrétaire d'État en a fait excellemment la démonstration hier soir et tout le monde ne peut qu’être d’accord sur les chiffres : l’ISF ne contribue en rien à ce que vous appelez l’exil fiscal ! (M. Philippe Dominati s’exclame.)
M. Francis Delattre. Oh !
M. Didier Guillaume. Les chiffres donnés, qui sont publics, montrent que 60 % des expatriés sont des jeunes qui partent pour chercher du travail. Le but n’est pas d’exfiltrer de l’argent ! (M. Christian Cambon s’exclame.)
M. Philippe Dominati. Vous exagérez !
M. Didier Guillaume. Sur ce sujet, je voudrais dire que, au moment où nous avons besoin de patriotisme,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Voilà ! Très bien !
M. Didier Guillaume. … où la France doit compter pour nous tous, s’il y a des gens qui partent à l’étranger pour échapper à l’ISF, alors, raison de plus pour ne pas baisser l’ISF parce que nous n’avons pas la même conception de la République et de la Nation ! (Mmes Evelyne Yonnet et Marie-Noëlle Lienemann ainsi que M. Bernard Lalande applaudissent.)
Les orientations que nous avons pour ce gouvernement consistent à redistribuer du pouvoir d’achat aux Français les moins aisés.
C'est la raison pour laquelle nous baissons les impôts pour la deuxième année consécutive. Pour nous, modifier l’ISF n’est ni un signe ni un argument positif pour quoi que ce soit ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Sophie Primas. Quelle caricature !
M. Jean-François Husson. C’est incroyable d’entendre cela !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Mon président de groupe vous a dit ce que nous allions faire. Il n’y aura donc pas de surprise.
M. Roger Karoutchi. On espérait un peu !
M. Richard Yung. Je voudrais donner deux arguments. D’abord, vous revenez en permanence sur des dispositifs qui viennent d’être discutés ou modifiés, soit dans le cadre du dispositif Dutreil, aménagé il y a trois ans…
M. Francis Delattre. Regardez vos résultats !
M. Richard Yung. Ils ne sont pas mauvais, les résultats ! Pourquoi toujours ce déclinisme, monsieur Delattre ? Pourquoi toujours présenter la France dans un état désastreux ? Il ne faut pas dire cela !
M. Christian Cambon. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !
M. Richard Yung. Il faut être fier de son pays (Mme Sophie Primas s’exclame.) et de son économie !
Mme Sophie Primas. Vous mélangez tout !
M. Richard Yung. Je disais que le dispositif Dutreil a été réaménagé il y a deux ou trois ans. Le mécanisme de succession des PME, nous l’avons longuement évoqué voilà quatre mois, dans le cadre de la loi Macron. Vous voulez revenir dessus. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.) C’est vraiment de la politique de Gribouille ! (M. Jean-François Husson s’exclame à son tour.) Vous-mêmes dites, à juste titre, que nos mandants nous demandent la stabilité. Donc, un peu de stabilité !
Ensuite, et c’est le second argument que je souhaite avancer, l’amendement n° I–193 de M. Dominati coûterait tout de même quelque 5 milliards d'euros !
M. Roger Karoutchi. Le Dominati est cher ! (Sourires.)
M. Richard Yung. Quant à l’exonération de la résidence principale et au repli qui est proposé par le rapporteur général sur l’amendement n° I–194, il se chiffre quand même à 1 milliard d’euros.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, j’ai dit que j’étais défavorable à cet amendement !
M. Richard Yung. Alors, j’ai mal compris. En tout cas, j’ai compris que le coût de l’exonération de la résidence principale au titre de l’ISF est de l’ordre de 1 milliard d’euros. Quant à l’amendement n° I–388 rectifié, présenté par M. Delahaye, qui n’est pas présent, mais peu importe, le coût est de 2 milliards d'euros. Le compteur tourne !
M. Christian Cambon. Cela vous va bien de dire ça !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je ne suis pas un ultralibéral. Je ne suis pas de ceux qui disent constamment : « À bas l’impôt ! » Il faut bien des impôts pour que les pouvoirs publics assument l’ensemble des missions régaliennes et la solidarité.
Cosignataire de l’amendement de M. Dominati qui consiste à proposer un abattement de 50 % sur la résidence principale au titre de l’ISF, je veux quand même prendre un exemple.
Sincèrement, monsieur le secrétaire d'État, nous en avons parlé en commission des finances et certains sénateurs du groupe socialiste et républicain étaient même tentés par l’idée de pratiquer une géographie sectorielle sur l’ISF s’agissant de la résidence principale.
M. Jean-François Husson. Tout à fait !
M. Roger Karoutchi. Imaginez un ménage qui vit à Paris ou en proche banlieue et qui veut acheter un appartement. Il emprunte massivement et s’endette pour vingt ans. Pendant ce temps, il va se serrer la ceinture pour rembourser les emprunts qui lui ont permis de s’acheter l’appartement. Au bout de toutes ces années, quand il est enfin propriétaire de son bien, surtout s’il a une assez grande superficie, s’il s’agit d’un appartement familial, vous l’assujettissez à l’ISF.
Ce n’est pas que ces personnes soient riches ! C’est l’effet des prix de l’immobilier à Paris ou en proche couronne ! Soit vous choisissez de partir vivre en grande couronne, soit vous restez en proche couronne et vous allez devoir emprunter un maximum. Après quoi, on vous dit que vous entrez dans le cadre de l’ISF, alors que c’est la conséquence inévitable du prix de votre appartement !
À un moment, il y a une véritable injustice ! Ces personnes ne sont pas riches ! Pendant des années, elles ont payé leurs emprunts, elles se sont saignées aux quatre veines pour acheter un appartement. Et après, on l’assimile à un bien passif, dont elles ne feraient rien, alors que c’est la résidence principale de leur famille !
Je ne sais pas s’il est possible de sectoriser ce dispositif. Après tout, on le fait bien sur un certain nombre d’aides…
M. Jean-François Husson. Oui !
M. Roger Karoutchi. … ou d’allocations logements. En tout cas, je sais qu’il y a une profonde injustice ! Et ce n’est pas défendre les riches, les privilégiés, la bourgeoisie de je ne sais où que de dire que dans les secteurs où le prix de l’immobilier est extrêmement élevé et où les familles doivent se loger, elles font un effort considérable en empruntant et en remboursant. Et après toutes ces années, vous leur infligez la double peine en les assujettissant à l’ISF. Sincèrement, il y a là une injustice, et une véritable injustice ! Il faut réfléchir et essayer de trouver un système. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je voudrais dire un mot au sujet de l’amendement n° I–388 rectifié, que M. le rapporteur général nous a suggéré de retirer. Après quoi, je parlerai de l’ISF.
L’amendement n° I–388 rectifié concerne la question du statut de l’investisseur de long terme. Il faudra traiter à un moment donné ce sujet, qui est examiné dans le rapport Carré-Caresche.
Dans le domaine biomédical, dans le numérique, dans les nanotechnologies notamment, il y a beaucoup de PME qui émergent et qui ont vocation à croître à long terme, ce qui demande quinze à vingt ans. La question de la transmission se pose donc, tout comme la question de ne pas évincer la capacité d’investissement par la fiscalité.
J’ai entendu l’explication de M. le rapporteur général, qui chiffre la mesure non pas à 2 milliards d'euros, comme vient de le dire M. Yung, mais à 500 millions d'euros. J’entends bien qu’il y a une autre piste, choisie par la commission, qui consiste à privilégier les améliorations du dispositif Dutreil. Dans ce cadre, M. le rapporteur général nous propose de retirer l’amendement n° I–388 rectifié. C’est bien volontiers que j’accède à sa demande.
M. Vincent Capo-Canellas. Quant à l’ISF, je pense qu’il s’agit d’un vrai sujet de débat qui implique la compétitivité, l’emploi et le maintien en France d’un certain nombre de contributeurs fiscaux qui sont, qu’on le veuille ou non, utiles au pays. On a trop tendance, dans ce débat, à montrer du doigt les riches, alors que nous avons besoin qu’ils soient plus nombreux pour que ceux dont les revenus sont plus faibles puissent aussi trouver des gens qui consomment et créent de l’emploi. N’opposons donc pas les uns aux autres.
M. Christian Cambon. Ils ont du mal à comprendre !
M. Vincent Capo-Canellas. Cela dit, l’ISF pose un problème : il faudrait tout de même qu’on en fasse un jour autre chose qu’un totem. En effet, à entendre M. le secrétaire d’État ou, tout à l’heure encore, le président Guillaume, on a vraiment le sentiment que cette affaire est ramenée à un débat politique et qu’il s’agit d’un marqueur de gauche ou de droite, alors que le fond du sujet n’est pas là.
Nous devrions plutôt voir comment, dans un système ouvert comme le nôtre, la France peut cesser de se singulariser ainsi sur ce point et traiter le handicap de compétitivité qu’entraîne l’ISF.
Deux options sont alors possibles. La première est celle qu’avait adoptée l’ancienne majorité. M. le secrétaire d’État affirmait tout à l’heure qu’elle avait vidé l’ISF de sa substance. Ce n’est pas le cas : la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 a plutôt, à mon sens, trouvé sur ce sujet un point d’équilibre par la modernisation des seuils et des taux selon la rentabilité du patrimoine et par l’imposition au premier euro.
Or, en 2012, la nouvelle majorité a bouleversé le système en restaurant les anciens taux tout en continuant d’imposer dès le premier euro, ce qui a conduit à des taux réels d’imposition supérieurs à 100 %.
Il faudrait que nous puissions, un jour, avoir un débat posé sur ce sujet sans affrontement binaire afin de déterminer comment traiter ce handicap de compétitivité.
À défaut de revenir au système ancien, j’estime que l’amendement n° I–195 de M. Dominati offre une voie simple, claire et praticable qui a du moins le mérite de faire évoluer le système. (Mme Sophie Primas applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Au risque de redites, je voudrais évoquer les PME. Leur poids et leur place dans notre société constituent à l’évidence un problème à l’échelle de la nation. Cela est dû, en grande partie, aux problèmes de succession et de la fiscalité sur les successions.
Voilà peu de temps, notre collègue Philippe Bonnecarrère, qui a récemment présidé une mission commune d’information sur les PME et la commande publique, et moi-même sommes allés en Allemagne. Certes, comme vous nous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, il ne faut pas forcément se comparer à tous dans tous les domaines. Pour autant, nous avons pu constater lors de ce voyage qu’il existe outre-Rhin des PME de 5 000 salariés. En effet, on les y définit non par leur nombre de salariés, mais par la détention du capital. Ces entreprises sont donc considérées comme des PME parce qu’une même famille en détient le capital. Comment cela est-il possible ? De fait, la succession est plus facile en Allemagne qu’en France et les taux d’imposition qui lui sont appliqués sont plus faibles.
Nous connaissons tous, dans nos départements, certaines PME – de vraies PME, de taille modeste – qui doivent être vendues lors d’une succession parce que les différents participants de la famille n’ont pas la capacité de payer les droits de succession. Cela arrive alors même que, d’après ce que vous avez affirmé tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, on a déjà légèrement amélioré les règles en la matière.
Les PME rencontrent donc sur ce point un vrai problème. Or tant qu’on n’aura pas des PME fortes, on n’aura pas une industrie forte. Il faut pourtant parvenir à redresser notre industrie.
Plus catastrophique encore est le fait que ces PME, bien souvent, sont vendues à des étrangers qui les vident de leur substance puis les ferment, au niveau départemental.
Voilà pourquoi je voterai ces amendements en faveur des PME : il faut véritablement donner du sens à notre action.
Par ailleurs, monsieur Yung, vous disiez voilà quelques instants que nos propositions constituent une politique de Gribouille parce que nous remettons toujours les mêmes choses sur le tapis. Certes, nous les remettons toujours sur le tapis, mais vous aussi en avez eu l’habitude : vous reveniez sur les mêmes sujets quand vous aviez des convictions sur un certain nombre de points. Nous, nous avons des convictions en ce qui concerne la taille des PME. Nos collègues du groupe CRC reviennent eux aussi souvent sur le même point quand bien même ils savent que leurs amendements seront rejetés, parce qu’ils espèrent qu’un jour ils parviendront à convaincre.
M. Éric Bocquet. L’espoir fait vivre !
M. Éric Doligé. Eh bien, nous aussi, nous espérons que nos convictions l’emporteront un jour sur un certain nombre de sujets.
Je terminerai par l’ISF, où le problème est à peu près le même. Supprimer aujourd’hui l’ISF coûterait une somme considérable, nous le savons bien, et ce serait peut-être désastreux sur le plan des équilibres. Cela étant, nous pouvons toujours faire entendre un certain nombre de convictions sur ce sujet et même adopter à tout le moins l’un des amendements de notre collègue Philippe Dominati, qui me semble aller dans le bon sens à l’égard de personnes qui dans certains secteurs, à Paris par exemple, ont des difficultés car elles deviennent très riches sans le vouloir. (M. Francis Delattre applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Tout d’abord, je voudrais remercier M. le rapporteur général pour la modération et le sens de l’État dont il fait preuve dans ce discours budgétaire. En effet, je sais très bien que l’équilibre n’est pas facile entre l’impératif immédiat et le projet d’avenir.
J’ai déposé ces amendements sur l’ISF, bien évidemment, dans une perspective globale. C’est un but, monsieur Guillaume, que je me suis fixé voilà une dizaine d’années.
M. Didier Guillaume. Je ne le remets pas en cause !
M. Philippe Dominati. Mon premier argument est le rendement négatif de cet impôt stupide. J’ai évalué, à l’instar d’un certain nombre d’économistes, à 200 milliards d’euros les capitaux envolés ; 20 000 chefs d’entreprise sont partis en quinze ans. Vous avez affirmé, monsieur Yung, que le manque de recettes fiscales résultant de l’adoption de cet amendement s’élèverait à 5 milliards d’euros ; de fait, les seules recettes de TVA actuellement abandonnées du fait de l’ISF sont estimées au double de cette somme. J’aurais donc apprécié que M. le secrétaire d’État me réponde en avançant des chiffres.
De fait, alors que nous, membres de l’opposition nationale, avons évolué sur cette question, je ne vois d’évolution dans la majorité présidentielle, alors même que cet impôt a été supprimé dans tous les pays d’Europe sauf en France, y compris par un grand nombre de gouvernements socialistes.
Monsieur Guillaume, j’ai bien vu que c’était le caractère de symbole de l’ISF qui vous empêchait d’évoluer. Alors, peut-être, l’an prochain, vous donnerai-je la liste des expatriés décorés chaque année de la Légion d’honneur par le pouvoir, de ces acteurs, comédiens, sportifs, écrivains et chefs d’entreprise ainsi reçus sous les ors des palais gouvernementaux.
M. Richard Yung. Et alors ?
M. Philippe Dominati. Vous semblez vous indigner (M. Didier Guillaume fait un signe de dénégation.) en voulant nous donner une leçon de civisme en proclamant que ce n’est pas le moment de voter un tel amendement, que cet impôt est bien fait, qu’il doit être maintenu et que vous êtes fiers de l’avoir voté. Mais, si vous obéissez à cette logique symbolique, pourquoi décorez-vous tous ces expatriés ?
Je vous parle d’économie. Vous me parlez de symboles. C’est bien dommage : il serait bon, à mon sens, de voir l’intérêt qu’un taux plus attractif représenterait pour les recettes publiques.
À ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, je vous avais demandé le bilan d’une autre grande idée, d’un autre marqueur de la gauche, à savoir l’impôt de 75 % ; au départ, il devait être permanent, puis il a été provisoire, avant d’être reporté sur le dos des entreprises.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il a fait pschitt et a été enterré sans fleurs ni couronnes !
M. Philippe Dominati. Combien a-t-il rapporté ? (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) Combien a-t-il fait partir d’entrepreneurs ? Est-il vrai qu’il y a 40 % de plus d’exilés fiscaux d’une année sur l’autre, que leur nombre, du fait de cette imposition, s’élève maintenant à 3 700 ?
Je vous ai demandé un bilan ; on est en mesure de l’avoir. Or pas un chiffre ne nous est donné, nous ne recevons en réponse qu’un lapidaire : « Nous sommes contre. » (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame de nouveau.) Très bien ! Alors, donnez-nous les chiffres : c’est l’intérêt de l’État. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Je veux, moi aussi, intervenir sur l’amendement n° I–193 de Philippe Dominati. On reproche parfois à certains amendements du groupe CRC d’être radicaux. Pour le coup, en voilà un qui l’est tout particulièrement, quoique dans l’autre sens. En effet, son objet n’est autre que la suppression de l’ISF.
Le « S » dans le sigle ISF signifie « solidarité ». Or la solidarité, ce n’est pas rien : à nos yeux, c’est non pas un totem, mais un repère, la marque d’une société qui doit être solidaire, surtout dans l’époque que nous traversons. Voilà pourquoi l’équité fiscale, la juste contribution de tous à hauteur de ses capacités est un principe auquel on ne doit jamais déroger.
M. Christian Cambon. La contribution de tous, et pas seulement de 50 % !
M. Éric Bocquet. L’adoption de cet amendement aurait un coût de 5,6 milliards d’euros. Comment ferait-on pour le compenser dans le budget ? Supprimerait-on des postes dans l’armée ?
Mme Catherine Procaccia. Dans l’Éducation nationale !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quelle honte !
M. Éric Bocquet. Dans la gendarmerie ? Dans la justice ? Dans les hôpitaux ou chez les pompiers, autant de services dont, depuis huit jours, dans les circonstances tragiques que nous venons de vivre, on loue la qualité et la bravoure ?
Épargnez-nous, je vous prie, monsieur Dominati, le sempiternel argument de la fuite des fortunes. J’ai sous les yeux un excellent article d’un excellent journal, Les Échos, publié le 6 août dernier. On y lit – un autre orateur y a déjà fait référence – que le nombre d’exilés fiscaux est en forte hausse depuis 2011. (M. Philippe Dominati opine.) Toutefois, le processus avait déjà été engagé auparavant.
M. Philippe Dominati. Oui !
M. Éric Bocquet. Permettez-moi de vous citer quelques chiffres : en 2007, grande année de la Ve République, vous vous en souvenez… (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. On s’en souvient bien ! Très grande année !
M. Éric Bocquet. … on comptait 1 101 exilés fiscaux ; en 2008, 1 257 ; en 2009, 1 313, en dépit du bouclier fiscal (M. André Gattolin s’exclame.) ; en 2010, 1 330 ; en 2011 – peut-être par anticipation des élections –, 2 024. Après quoi, effectivement, la tendance se confirme en 2012 et en 2013. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Francis Delattre. Et combien en 2013 ?
M. Christian Cambon. Donnez les chiffres !
M. Éric Bocquet. Je voulais simplement montrer que le processus avait déjà commencé sous le bouclier fiscal de l’ancien Président de la République, qui était tout de même de vos amis ! Arrêtons donc de comparer la France à d’autres pays qui n’ont pas mis en place cet impôt : chacun mène l’histoire qu’il veut comme il l’entend, et l’on n’est pas forcément meilleur de ne pas avoir l’ISF. Je ne le dis que parce que vous avez cité l’Espagne, monsieur le rapporteur général.
Permettez-moi tout de même, mes chers collègues, de préciser que les chiffres que j’ai cités quant au nombre de départs pour l’étranger de redevables de l’impôt concernent les personnes dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 100 000 euros.
Mme Catherine Procaccia. Et les jeunes ?
M. Éric Bocquet. Je souligne que le niveau du salaire moyen en France était en 2013 – madame Procaccia, je ne dispose que de ce chiffre – de 26 424 euros.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le débat sur l’ISF est vieux comme le monde, si je puis dire, puisqu’il dure depuis la création de cet impôt. Il faut d’abord tordre le cou à l’idée que l’ISF est un impôt anti-compétitivité. L’essentiel de l’ISF est en effet fondé non pas sur l’outil productif, mais sur du patrimoine qui n’est pas très productif. D’ailleurs, j’ai eu l’occasion de m’exprimer tout à l’heure sur l’importance de la rente foncière : c’est l’un de nos grands handicaps. On affirme que le Français moyen est plus riche que l’Allemand. En réalité, il n’a pas forcément une richesse productive supérieure, si je puis dire ; tel n’est le cas que parce que les prix de l’immobilier sont considérablement plus élevés chez nous.
M. Roger Karoutchi. Ben oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons donc là un mécanisme qui ne perturbe pas la compétitivité.
Ensuite, je suis effectivement sensible à l’argument qui porte sur les PME. C’est bien l’un des débats qu’il faut avoir. On ne peut pas cependant raisonner à partir du seul ISF : il faut penser à l’ensemble de la fiscalité des PME. Je ne suis certes une fanatique ni du pacte de responsabilité ni du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE ; cela dit, vous ne pouvez pas faire comme si ces mesures n’avaient pas non plus d’impact sur les PME.
Nous devons donc absolument réfléchir à ces questions : l’épargne va-t-elle suffisamment vers les PME ? Les mécanismes existants les soutiennent-elles suffisamment ? Je ne crois pas néanmoins qu’on puisse y répondre à travers l’ISF.
Enfin, je voudrais revenir sur l’exemple qu’a donné notre collègue Roger Karoutchi. Évidemment, comme Parisienne, je suis très sensible à tous ces Parisiens qui voudraient acheter un logement et qui, comme les prix atteignent plus de 10 000 euros le mètre carré, ne peuvent pas le faire. Je le dis tout net : la solution que vous proposez n’est pas la bonne manière de traiter le problème. En effet, vous vous refusez à toute régulation des prix. Vous avez laissé flamber les prix de l’immobilier : plus de 100 % d’augmentation en moins de huit ans. (M. Philippe Dallier s’exclame.) Le patrimoine acquis a donc pris de la valeur.
Vous voudriez qu’il n’y ait aucune taxation ; d’ailleurs, tout à l’heure, lors du débat sur les mutations, vous vouliez encore baisser le taux d’imposition des plus-values réalisées. Vous êtes donc en train d’entretenir ce mécanisme.
Plus vous procédez à des exonérations d’impôt, plus vous solvabilisez artificiellement des familles ; dès lors, le calcul de leur solvabilisation justifie à son tour l’augmentation des prix. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Cette méthode n’est pas de nature à permettre de réguler les prix ; surtout, elle ne saurait aider les familles à se loger dans Paris. (M. Philippe Dallier s’exclame.) En effet, l’essentiel des familles qui veulent s’y loger n’ont pas intérêt à ces hausses de prix considérables (M. Philippe Dominati s’exclame.) ; la plupart d’entre elles ne prétendent d’ailleurs pas se loger dans des endroits aussi coûteux.
M. Roger Karoutchi. Alors, construisez !
M. Francis Delattre. Où sont les constructions à Paris ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À mes yeux,…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … le discours tenu à longueur de journée par la droite de ce pays selon lequel notre pays écrase les très riches de charges entretient l’idée que le paiement de l’impôt en France par les riches est illégitime. (M. Vincent Delahaye s’exclame.)
Mme Catherine Procaccia. À chacun ses convictions !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Heureusement, bien des patrons, bien des riches paient encore leurs impôts en France et contribuent à la productivité. Oui, c’est cela, le patriotisme économique ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Sophie Primas. Vive les riches !
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Compte tenu de la réponse de M. le secrétaire d’État, je vais retirer l’amendement que j’avais déposé. En revanche, je lui saurai gré de me communiquer quelques éléments à ce sujet. Certes, je comprends bien que sa réponse ne peut qu’être brève dans un débat déjà long. Pour autant, si je pouvais bénéficier de quelques précisions sur la problématique constitutionnelle qu’il a évoquée, ainsi que, bien évidemment, d’une appréciation sur les risques de coût de la mesure que je proposais, je pourrais alors décider de déposer, ou non, un amendement analogue lors de l’examen du collectif budgétaire, en fonction de ces éléments de réponse et de la réflexion que je serai conduit à mener de mon côté.
Je retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I–209 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je regrette que cette discussion commune nous oblige à traiter ensemble deux questions qui n’ont aucun rapport : celle de l’ISF, sur laquelle nous nous sommes longuement étendus, d’une part, et celle du « pacte Dutreil », d’autre part.
Les amendements nos I–29, I–30 et I–31 de la commission n’ont strictement rien à voir avec le débat sur l’ISF. Ils visent à apporter des améliorations techniques au dispositif Dutreil et ne sauraient être taxés d’idéologie. J’en veux pour preuve qu’ils ont tous été adoptés par le Sénat lors de la discussion du projet de loi Macron et s’inspirent du rapport d’information sur l’investissement productif de long terme des députés Olivier Carré et Christophe Caresche, qui avait estimé à 20 millions d’euros au maximum le coût de ces améliorations. Toutes sortes de considérations très techniques, telles que des effets de seuil, des obligations de détention ou des pourcentages, nuisent à la transmission des entreprises.
Si nous pouvions améliorer techniquement ce dispositif, ce serait mérité. Encore une fois, je ne comprends pas que l’on aborde dans un débat lié à l’ISF la question de l’amélioration du pacte Dutreil. Un certain nombre de dispositions méconnaissent la vie des entreprises, comme l’obligation de respecter des pourcentages figés. Je souhaiterais donc que le Sénat adopte ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Parmi ces dix-sept amendements en discussion commune figurent trois amendements que j’ai déposés. M. le secrétaire d’État a indiqué qu’il serait inconvenant que nous en discutions aujourd’hui, puisqu’il travaille lui-même, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, à des dispositions sur ces questions qui posent un problème de droit européen. Pour ne pas être inconvenant, je retire ces amendements.
M. Didier Guillaume. Bien !
M. le président. Les amendements nos I–98, I–103 et I–99 sont retirés.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Dominati, vous m’avez demandé quel était le bilan financier de la taxe dite « de 75 % ». Je suis en mesure de vous répondre que, sur les deux années où elle a été appliquée, cette taxe a rapporté environ 500 millions d’euros à l’État.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pourquoi ne pas l’avoir maintenue, alors ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 quinquies.
Je mets aux voix l’amendement n° I-30.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 quinquies.
Je mets aux voix l’amendement n° I-31.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 quinquies.
Je mets aux voix l’amendement n° I-193.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Dominati, l’amendement n° I–194 est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I–194 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° I-195.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 quinquies.
Je mets aux voix l’amendement n° I-279.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° I–312 rectifié, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 135 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est abrogé.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je regrette de ne pas avoir pu convaincre le Gouvernement sur ce sujet lors de la discussion du projet de loi dit « Macron ».
Nous avons quasiment doublé les aides aux bénéficiaires de distribution d’actions gratuites par les entreprises. Pour ma part, tant que ces distributions étaient un mode de rémunération d’un certain nombre de salariés de start up, j’estime que l’on pouvait en admettre l’existence. La généralisation de ce mécanisme à tous les dirigeants de grandes entreprises, notamment les multinationales, était donc déjà injuste et inutile de mon point de vue. En revanche, doubler quasiment l’avantage fiscal que la nation leur consent est totalement inacceptable.
La mesure mise en œuvre exonère tous les bénéficiaires de toute fiscalité sur ces actions gratuites. J’avais calculé l’effet de la loi Macron sur les actions gratuites dont l’attribution à M. Michel Combes avait été annoncée : le montant attribué s’élevait à un peu plus de 12 millions d’euros et l’avantage fiscal supplémentaire résultant de la loi Macron atteignait 3,7 millions d’euros, soit autant de perdu pour le budget de l’État. En année pleine, le coût de ce dispositif sera de 400 millions à 500 millions d’euros.
Comment croire sérieusement que c’est en aidant à ce point les cadres des multinationales que l’on rendra l’économie nationale plus compétitive ? En même temps, vous devrez expliquer que l’on supprime ou que l’on diminue drastiquement l’aide à la pierre, que l’on renonce à des investissements dont nous aurions besoin, alors que ces dépenses créeraient de la TVA, de l’emploi, de la richesse et de la compétitivité !
Cet avantage fiscal est totalement inopérant et indu. En outre, il est moralement condamnable. Par exemple, le patron de l’entreprise ACOME, société coopérative, qui figure parmi les entreprises les plus performantes à l’exportation dans son domaine, ne recevra jamais d’actions gratuites. Pour autant, est-il moins entreprenant ? Mérite-t-il d’être moins valorisé par la nation ? Beaucoup d’entreprises qui ne versent pas d’actions gratuites contribuent réellement à la richesse nationale, quand certaines entreprises qui distribuent des actions gratuites ne paient quasiment pas d’impôt sur le territoire national !
Mme Catherine Procaccia. Pourquoi lui laisse-t-on dépasser son temps de parole ? C’est scandaleux !
M. le président. Veuillez conclure, madame Lienemann !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Faites respecter les temps de parole !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En vous demandant de voter la suppression de l’article 135 de la loi Macron, je ne reviens pas sur l’aide aux actions gratuites, mais je supprime le quasi-doublement de l’avantage fiscal.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Premièrement, la suppression du seul l’article 135 serait inopérante. En effet, cet article a fait l’objet d’une transposition dans différents codes qu’il faudrait donc modifier, comme le code général des impôts, le code de commerce et le code de la sécurité sociale.
Deuxièmement, nous avons été nombreux, sur toutes les travées, à évoquer la stabilité fiscale. Or l’adoption de cet amendement reviendrait à remettre en cause un dispositif adopté dans le cadre de la loi Macron il y a quelques mois.
Troisièmement, sur le fond, revenir sur ces dispositions serait particulièrement pénalisant pour les PME et ETI.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les PME ne sont pas concernées !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est comme la République : il est un et indivisible. (Mme Marie-Noëlle Lienemann sourit.) Par conséquent, ce qui a été fait lors de l’adoption d’une loi intervenue il y a quelques mois, le Gouvernement ne souhaite pas le défaire à l’occasion de l’examen du présent texte. Vous comprendrez donc que son avis soit défavorable.
Le débat a eu lieu lors de la discussion du texte que vous avez évoqué, il a eu lieu de nouveau à l’Assemblée nationale voilà quelques jours, il a lieu dans cet hémicycle aujourd’hui et il se renouvellera encore dans les semaines à venir d’ici à Noël. Bref, le Gouvernement considère qu’il n’y a pas lieu de revenir sur une disposition adoptée il y a quelques semaines.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. En respectant le temps de parole, cette fois !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Au ton employé, je mesure l’enthousiasme qu’inspire à M. le secrétaire d’État la défense de la position adoptée par le Gouvernement il y a six mois ! Je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-312 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 sexies (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juin 2016, un rapport sur les créances fiscales et les procédures de surendettement des particuliers.
Ce rapport dresse un état des lieux de l’application du droit de la consommation aux dettes dont les services fiscaux ont la charge, plus spécialement depuis la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
Il expose notamment les évolutions institutionnelles et juridiques susceptibles de garantir équitablement la sauvegarde des deniers publics tout en la conciliant avec la nécessité concrète de prévenir et de traiter le surendettement des particuliers débiteurs des collectivités publiques. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 2 sexies
M. le président. L’amendement n° I–384, présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Canevet, Delcros, Laurey, Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 2 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du 1° de l’article 44 sexies-0 A du code général des impôts, le montant : « 50 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 100 millions d’euros ».
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
... – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
... – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Nous sommes très attachés à la compétitivité de nos entreprises, notamment des PME et des TPE. Récemment, la Banque mondiale a établi un classement des pays en fonction de leur attractivité fiscale pour les entreprises de 60 salariés – et non pas des multinationales chères à nos collègues du groupe CRC. Tous les pays sont comparés et la France a de la chance : elle est passée de la dernière place à l’avant-dernière place, doublant l’Italie !
Je sais que l’aspect fiscal n’est pas le seul qui doive être pris en compte lorsqu’il s’agit d’évaluer l’attractivité d’un territoire, mais il est malgré tout important.
Nous avons donc déposé cet amendement relatif au dispositif « Jeunes entreprises innovantes », ou JEI, qui cible les PME de moins de huit ans qui investissent dans la recherche et l’innovation et sont détenues directement, à hauteur de 10 % au moins, par des étudiants ou des diplômés d’un master ou d’un doctorat depuis moins de cinq ans, ou par des personnes affectées à des activités d’enseignement ou de recherche.
Ce dispositif apporte un soutien important à l’innovation, et donc à l’économie de demain. Nous avons pu voir de nombreuses PME de cette nature émerger ces dernières années, notamment dans le domaine du numérique, mais aussi dans le domaine industriel – je pense, par exemple, au développement des applications civiles des drones.
Dans tous les cas, ces entreprises sollicitent des ingénieurs, des informaticiens et des chercheurs de haut niveau et de haute qualification. C’est dans ce réseau de PME récentes que se trouve le terreau de notre compétitivité de demain.
Le présent amendement tend à doubler le plafond de chiffre d’affaires de ces entreprises de 50 millions d’euros à 100 millions d’euros, afin de permettre aux jeunes entreprises innovantes de devenir, demain, de grands groupes innovants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vincent Delahaye a insisté, à juste titre, sur la nécessité de soutenir les jeunes entreprises innovantes. Il s’agit là d’une vraie question et la commission est favorable sur le fond à l’esprit de cet amendement, qui soulève cependant deux interrogations.
Premièrement, les seuils de 250 salariés et de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires correspondent à la définition de la PME au niveau communautaire. Relever le plafond de chiffre d’affaires à 100 millions d’euros risque donc de faire sortir ces jeunes entreprises du champ de cette définition.
Deuxièmement, la commission n’a pas pu chiffrer le coût de cette mesure.
Par conséquent, bien qu’éprouvant une certaine bienveillance pour cet amendement, la commission souhaite prendre connaissance de l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le seuil de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires correspond effectivement au critère retenu par l’Union européenne pour considérer qu’une entreprise est une PME. Je crains donc que le relèvement de ce plafond, au-delà de son opportunité – on peut considérer qu’une entreprise qui réalise un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros, si elle peut être innovante, a déjà atteint une certaine maturité –, ne soit en pratique contesté par la Commission européenne, en raison des règles communautaires régissant les aides aux entreprises.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° I–32 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I–212 est présenté par MM. Bouvard, Dallier et Genest.
L'amendement n° I–340 est présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° I–352 est présenté par MM. Lalande, Chiron, Yung, Vincent et Guillaume, Mme M. André, MM. Berson, Botrel, Boulard, Carcenac, Eblé, F. Marc, Patient, Patriat, Raoul, Raynal, Camani et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
L'amendement n° I–402 est présenté par M. Delahaye, Mme Morin-Desailly, MM. Capo-Canellas, Canevet, Delcros, Laurey, Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le c du A du 4 du II de la première sous-section de la section II du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré un d ainsi rédigé :
« d. Régime applicable aux revenus perçus par l’intermédiaire de plateformes en ligne
« Art. … – I. – Sont soumis au régime défini au présent article les redevables de l’impôt sur le revenu qui exercent, par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs plateformes en ligne, une activité relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
« II. – 1. Pour les redevables soumis à l’article 50-0, les abattements mentionnés au troisième alinéa du 1 de cet article et appliqués au chiffre d’affaires hors taxes provenant des activités mentionnées au I du présent article ne peuvent pas être inférieurs à 5 000 euros.
« 2. Pour les redevables soumis aux articles 53 A et 302 septies A bis, le chiffre d’affaires hors taxes provenant des activités mentionnées au I pris en compte pour la détermination du résultat imposable est diminué d’un abattement forfaitaire de 5 000 euros, et seule la fraction des charges supérieure à 5 000 euros peut être déduite.
« III. – Le présent article est applicable aux seuls revenus qui font l’objet d’une déclaration automatique sécurisée par les plateformes en ligne.
« IV. – Sont qualifiées de plateformes en ligne, au sens du présent article, les activités consistant à classer ou référencer des contenus, biens ou services proposés ou mis en ligne par des tiers, ou de mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service, y compris à titre non rémunéré, ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service. Sont qualifiées de plateformes en ligne les personnes exerçant cette activité à titre professionnel.
« V. – Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I–32.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement porte sur un sujet sur lequel les sénateurs se sont beaucoup mobilisés, en particulier les membres du groupe de travail de la commission des finances du Sénat sur le recouvrement de l’impôt à l’heure de l’économie numérique, auxquels nombre d’entre vous, sur toutes les travées, ont participé. Je remercie d’ailleurs ceux d’entre vous qui se sont investis dans ce travail, qui a donné lieu à la publication d’un rapport intitulé L’économie collaborative : propositions pour une fiscalité simple, juste et efficace.
Nous considérons que les règles fiscales existantes sont applicables à l’économie collaborative et qu’il n’est nullement besoin d’en créer de nouvelles. Ainsi le régime fiscal applicable à la location d’un appartement est-il le même que celle-ci se fasse sur internet ou par petite annonce. Les règles fiscales s’appliquent aussi aux chauffeurs de voitures de tourisme avec chauffeur, les VTC.
En revanche, il faut le reconnaître, ces règles sont souvent méconnues et ne sont pas forcément adaptées à des personnes qui deviennent du jour au lendemain des collaborateurs de l’économie collaborative. Il faut également reconnaître qu’il existe des problèmes de déclaration et, surtout, de contrôle de la part de l’administration fiscale.
S’il n’est pas nécessaire d’inventer une fiscalité nouvelle, il faut en revanche permettre l’application des règles existantes par la centralisation, via les plateformes, des revenus, ce qui permet de reconstituer le revenu fiscal tiré de l’économie collaborative. Le groupe de travail propose, en contrepartie de la coopération des plateformes, d’instaurer une franchise de 5 000 euros.
Ceux qui ont participé à ce groupe de travail, mais également nombre d’entre nous sur l’ensemble de nos travées, soutiennent cet amendement, car l’économie numérique est un sujet qui mérite d’être étudié. Si un certain nombre d’initiatives sont prises dans ce domaine, la question fiscale n’est, elle, pas traitée.
La franchise que nous proposons offre également un certain nombre d’avantages, notamment celui de ne pas taxer au premier euro. Ce n’est pas grave si une activité très occasionnelle – la location une fois ou deux par an de son appartement ou de sa voiture – n’est pas taxée, mais il faut lutter contre une forme d’industrialisation de la part d’un certain nombre d’acteurs. Les chiffres des grands sites de location d’appartements à Paris ou de véhicules, les données concernant les chauffeurs de VTC sont bien connus. On le voit, on dépasse là très largement le cadre de l’économie collaborative.
D’où l’instauration d’une franchise, qui est l’une des propositions phares du rapport du groupe de travail de la commission, que je vous invite par ailleurs à lire ou à relire, mes chers collègues, car il pose véritablement le problème.
M. le président. Le sous-amendement n° I–359, présenté par M. Bignon, n’est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° I–212.
M. Michel Bouvard. Plusieurs d’entre nous – Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Philippe Dallier, Jacques Genest, Bernard Lalande et moi-même – ont travaillé aux côtés de M. le rapporteur général sur ce dossier, qui témoigne des mutations de notre économie et de la nécessité de changer d’approche s’agissant de l’appréciation des ressources nouvelles, de la manière dont l’économie collaborative pourrait contribuer à la charge publique à travers l’impôt.
L’économie collaborative est en train d’exploser dans notre pays. Albéric de Montgolfier a rappelé à juste titre le flou qui règne actuellement en matière de fiscalité : les particuliers ne savent pas ce qu’ils doivent déclarer ni comment le faire ; les services de l’État ayant été rationalisés – et c’est normal – s’agissant de leurs implantations, ils n’ont bien évidemment pas les moyens techniques de contrôler chaque déclaration et chacun des acteurs, les plateformes s’étant développées.
Il faut évidemment mettre en place un dispositif permettant aux acteurs de l’économie collaborative, créatrice de richesses et de valeur, de contribuer aux charges de la collectivité, sans pour autant casser ce secteur, qui compte plusieurs champions sur notre territoire.
L’intérêt du dispositif proposé, monsieur le secrétaire d’État, comme nous avons eu l’occasion de vous l’expliquer et de le présenter aux acteurs du secteur que nous avons rencontrés, est qu’il ne donnera pas lieu à de futurs contentieux. Un certain nombre des services proposés engendrent des charges pour ceux qui les mettent en œuvre. Il faut qu’elles soient prises en compte. Or leur évaluation est un travail très difficile. Le mérite du dispositif est qu’il prend en compte cette zone grise et qu’il ne cassera pas les reins, si vous me permettez cette expression, des acteurs français du secteur. La franchise permettra en effet à cette économie de continuer de se développer. Ce dispositif a également le mérite de remettre un peu d’équité dans la concurrence. L’économie collaborative, si elle créé des activités nouvelles, empiète en effet sur le secteur marchand traditionnel…
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bouvard.
M. Michel Bouvard. … dont les acteurs sont soumis de ce fait à une concurrence quelque peu déloyale dans la mesure où la fiscalisation n’est pas totale.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l'amendement n° I–340.
M. André Gattolin. Je soutiens l’appui que le groupe de travail de la commission apporte à l’économie collaborative. Je regrette toutefois que le groupe auquel j’appartiens n’ait pas été invité à participer à ses travaux parce qu’il se trouve que les écologistes sont peut-être les plus anciens et plus fervents partisans de l’économie collaborative.
En effet, en privilégiant la location ou le partage d’un bien plutôt que sa pleine propriété ou son usage privatif et exclusif, l’économie collaborative optimise l’utilisation des biens et limite donc la consommation des ressources. De plus, cette économie reposant sur un fonctionnement en réseau, elle crée du lien social. Les citoyens y sont davantage acteurs de leur mode de vie que dans le système de consommation classique.
Pour autant, il faut bien sûr être vigilant par rapport aux amalgames, et les termes d’« économie collaborative » sont de plus en plus utilisés abusivement pour désigner d’autres réalités. Ainsi, l’entreprise Uber, dont le nom tend à devenir un nom commun, à tel point qu’on parle désormais d’« ubérisation » de la société, ne relève en rien de l’économie collaborative. La seule innovation dans son cas est l’utilisation d’une application en ligne permettant de localiser les véhicules. Cette entreprise ne fait rien d’autre qu’utiliser une main-d’œuvre précaire disponible. Bien que ses chauffeurs soient statutairement des travailleurs indépendants, elle les utilise comme des salariés : elle fixe le prix de la course, lequel leur est imposé, tout en s’affranchissant des contraintes qui incombent logiquement à tout employeur.
Ce champ de l’économie est donc neuf, complexe, et encore en construction. Il appelle une réflexion approfondie. À cet égard, on peut se féliciter du fait que la commission des finances, qui est toujours à la pointe de l’innovation, comme l’atteste l’étude qu’elle avait effectuée sur les monnaies virtuelles, les bitcoins, confirme sa vocation première. On a longuement parlé de patrimoine ce matin, mais la commission s’intéresse également beaucoup à l’évolution de l’économie et au numérique.
L’amendement qui résulte des travaux du groupe de travail de la commission tend à poser les bases d’une véritable distinction entre les différents acteurs de la nouvelle économie collaborative, même s’il n’épuise pas le sujet.
On pourrait discuter du seuil de 5 000 euros, mais il présente en tous les cas le mérite d’établir aujourd'hui une distinction assez nette entre les acteurs, car il correspond à une véritable réalité.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gattolin.
M. André Gattolin. Excusez-moi, monsieur le président, mais c’est la première fois que je parle depuis ce matin ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Ce n’est pas une raison !
M. André Gattolin. Je suis très économe de mon temps de parole, comparé à mes collègues.
M. le président. Je vous invite néanmoins à conclure !
M. André Gattolin. D’autres ont dépassé leur temps de parole autant que moi !
Quoi qu’il en soit, le groupe écologiste soutient cette disposition.
M. le président. La parole est à M. Bernard Lalande, pour présenter l'amendement n° I–352.
M. Bernard Lalande. Uber a été fondé en 2009, Airbnb en 2008, BlaBlaCar en 2006, mais est devenu payant en 2012 : il s’agit là de quelques exemples de pionniers de cette nouvelle économie, que, à défaut d’une définition juridique précise, nous désignons sous le nom d’« économie collaborative ».
Intermédiaires entre les particuliers qui souhaitent acheter, vendre ou échanger des biens ou des services, les entreprises de l’économie collaborative ont pour point commun l’utilisation du « numérique », qui casse toutes les frontières régissant les échanges économiques.
D’un clic, j’achète, d’un clic, je vends, d’un clic, j’échange et je deviens, au cours d’une même journée, un e-vendeur, un e-acheteur, un e-échangeur, sans quitter mon bureau ni faire aucune déclaration, mais en ayant fait de nombreux actes de commerce avec le vaste monde.
Ce qu’il faut entendre, c’est que l’e-économie est par nature ouverte sur le monde. Elle comprend les différences et considère que demain est le jour qui compte puisqu’il offrira de nombreuses opportunités.
Que nous le voulions ou non, nous sommes ou nous allons tous devenir des e-commerçants, après avoir été des e-particuliers. Faites confiance au genre humain pour inventer de nouveaux modes d’échanges collaboratifs ou de partage.
En six ans d’existence à peine, les sociétés d’intermédiation ont connu une augmentation considérable de leur chiffre d’affaires, lequel atteint aujourd'hui plusieurs dizaines de milliards d’euros. Il est évident que si en qualité d’intermédiaires elles ont réalisé des dizaines de milliards, les échanges entre particuliers qu’elles ont générés peuvent être affectés d’un coefficient multiplicateur de six ou huit. Imaginez les sommes considérables qui échappent aujourd'hui à toute fiscalité et les pertes qu’elles représenteront demain !
Notre système fiscal repose sur le déclaratif. Or lorsque je clique sur l’écran de mon ordinateur pour échanger, vendre ou acheter un bien ou un service, je ne fais aucune déclaration à l’administration fiscale.
Cet amendement, comme ceux qui sont présentés par mes collègues, est le fruit d’un travail collectif réalisé avec une seule préoccupation : adapter notre fiscalité à une économie originale qui n’existait pas voilà moins de dix ans. Nous proposons une solution simple, juste et efficace, fondée sur un principe que connaît très bien notre administration fiscale : le tiers déclarant. Nous proposons que les sociétés d’intermédiation indiquent l’ensemble des transactions effectuées par les particuliers par leur intermédiaire via une plateforme tierce indépendante.
M. le président. Il faut conclure, monsieur Lalande.
Mme Catherine Procaccia. Il dépasse son temps de parole !
M. Bernard Lalande. Celle-ci agrégera le revenu de chaque personne réalisé sur internet, qu’elle transmettra à l’administration fiscale une fois par an…
M. le président. Concluez, monsieur Lalande !
M. Bernard Lalande. … s’il est supérieur à 5 000 euros.
Permettez-moi de conclure par la citation liminaire sur les nouvelles opportunités économiques : « Lorsque le vent souffle, certains construisent des murs, d’autres érigent des moulins ».
M. le président. Merci, monsieur Lalande !
M. Bernard Lalande. Pour notre part, nous avons choisi d’être des bâtisseurs de moulins. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l'amendement n° I–402.
M. Michel Canevet. Cet amendement transcende les clivages et témoigne de l’attachement des différents membres de notre assemblée aux propositions du groupe de travail de la commission des finances du Sénat sur le recouvrement de l’impôt à l’heure de l’économie numérique. Le groupe UDI-UC soutient bien entendu cette proposition et présente donc cet amendement et il espère que l’assemblée l’adoptera.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je souhaite apporter une précision à M. Gattolin, qui déplore de ne pas avoir été associé au groupe de travail de la commission.
Ce sont les rapporteurs spéciaux qui ont souhaité travailler sur ce sujet.
M. Michel Bouvard. Oui !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Un groupe de travail a alors été constitué en toute simplicité au sein de la commission des finances. Son rapport vient d’ailleurs d’être présenté au député chargé d’effectuer un travail sur le même sujet. Vous n’avez donc pas été tenu à l’écart de ce groupe de travail, monsieur Gattolin. (M. André Gattolin s’exclame.) J’ajoute que quiconque aurait manifesté le souhait d’être associé à la commission des finances aurait été le bienvenu, mon cher collègue. Je tenais à ce que les choses soient claires.
Monsieur le secrétaire d’État, il est important que vous entendiez, vous et vos services, ces propositions de la commission des finances du Sénat, car elles sont fortes, originales et intelligibles.
M. Jean-François Husson. C’est collaboratif !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je pense qu’elles nous permettront d’avancer pour obtenir de meilleures recettes, dont nous avons tous besoin.
M. le président. J’imagine, monsieur le rapporteur général, que la commission est favorable aux amendements nos I–212, I–340, I–352 et I–402 puisqu’ils sont identiques à celui qu’elle a elle-même présenté ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’avis est effectivement favorable, monsieur le président.
M. Jean-François Husson. Voilà un ministre heureux !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous permettrez au ministre, et à lui seul, d’apprécier l’état de son bonheur individuel, monsieur Husson (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.), malgré notre proximité géographique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette série d’amendements ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je voudrais faire plusieurs réflexions sur ces amendements, dont nous mesurons l’utilité, mais aussi les limites. Nous sommes là devant un sujet très complexe, mais – je vous rejoins sur ce point – qu’il nous faudra bien évidemment traiter.
L’une des difficultés vient du fait que la plupart des utilisateurs de ces plateformes – elles sont d’ailleurs diverses, et ce n'est pas la même chose d’échanger des services, de partager des frais ou de faire des bénéfices – ignorent la réglementation.
Aujourd’hui, sans changement législatif, un certain nombre de revenus qui peuvent être tirés de l’utilisation de ces plateformes doivent normalement être déclarés, sous le régime de l’auto-entrepreneur – avec les seuils bien connus –, des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux, du micro-foncier ou du foncier…
Certes, c’est assez peu fait, c'est le moins que l’on puisse dire !
M. Philippe Dallier. Oui, c’est bien le problème !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous connaissons tous des personnes qui utilisent ces plateformes et qui déclarent, par exemple à l’impôt sur le revenu, leurs bénéfices fonciers lorsqu’ils utilisent le site Airbnb, pour ne pas le citer.
Il y en a qui déclarent leurs revenus, et beaucoup qui ne le font pas, parce qu’ils disent ne pas être au courant ou parce que cela les arrange de ne pas savoir.
Votre proposition d’abattement de 5 000 euros sur les revenus – je vous le dis comme je le pense – ne me paraît pas une bonne solution (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.), parce qu’elle provoquera immanquablement une inégalité entre les contribuables.
Je prends un exemple : celui qui fait des bénéfices fonciers est imposé à partir du premier euro, celui qui fera des bénéfices fonciers au travers d’une plateforme comme Airbnb ne le sera qu’à partir du cinq mille et unième euro. Je doute que le Conseil constitutionnel considère qu’il y a là égalité devant l’impôt. C'est toute la complexité de la question. Encore une fois, je ne vous en fais pas grief ; cette proposition existe, elle doit être examinée et prise en compte.
Je prendrai un autre exemple : les partages de frais lors de déplacements, avec le site BlaBlaCar qui est, me semble-t-il, le plus connu, ne correspondent pas à un revenu supplémentaire ou à un bénéfice. Celui qui se déplace de Paris à Nancy par exemple aura à sa charge tous les frais s’il se déplace tout seul ; s’ils sont plusieurs, ses frais vont diminuer, mais son bénéfice ne sera un revenu que si ce qu’il perçoit est supérieur à ses frais d’amortissement du véhicule, d’assurance, de carburant, de péage – j’en passe et des meilleurs.
Je ne suis pas en train de complexifier le problème, mais de montrer certaines limites de votre proposition.
Quelle est la position du Gouvernement ? Compte tenu des difficultés et des limites que j’ai citées, il ne sera pas favorable à ces amendements, mais ce n’est pas pour autant qu’il ne fait rien.
Première décision prise par le Gouvernement, nous avons, à la fin du mois d’août dernier, pris un décret qui donne à l’administration le pouvoir de demander à certains de ces sites des informations non pas précises et nominatives – on ne demande pas si monsieur X a utilisé cette plateforme et quels ont été ses revenus –, mais, par exemple, la liste des utilisateurs qui ont fait plus de quinze opérations ou des transactions financières supérieures à 2 000 ou 5 000 euros.
Cette possibilité existe maintenant sur le plan des pouvoirs de l’administration, et elle est utilisée. Je ne peux pas vous en dire plus, car le reste relève du secret fiscal.
Elle permet de faire un premier tri entre les professionnels de la chose, parce qu’il y en a qui en vivent, et les utilisateurs plus occasionnels, lesquels en font une utilisation plus mesurée.
Deuxième décision du Gouvernement, il faut informer les particuliers des droits et devoirs qui leur incombent quand ils utilisent ces plateformes de services. À l’image de ce qui a été fait en matière de taxe de séjour pour les locations occasionnelles, notamment à Paris, mais partout où cette taxe existe, il s’agit d’obliger les plateformes à informer les utilisateurs de leurs sites de veiller à se mettre en règle, s’agissant des revenus qu’ils en tirent, avec l’administration fiscale.
Vous me rétorquerez qu’une telle mesure ne mange pas de pain et que nous ne sommes pas certains d’y gagner grand-chose,…
M. Richard Yung. En effet.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … mais c'est déjà une première étape ! Nous faisons tous le constat que les utilisateurs, la plupart du temps de bonne foi, mais pas toujours, ignorent qu’ils doivent accomplir un certain nombre de démarches.
Troisième étape, qui, à mon avis, pourrait intervenir plus tard, mais tout de même pas dans un délai trop lointain, il faudra demander aux plateformes d’informer annuellement, par exemple, leurs utilisateurs, par un document récapitulatif, comme ce que nous faisons avec les déclarations récapitulatives, du montant global des ressources qu’ils ont touché durant l’année écoulée.
On ne demande pas aux plateformes de prélever l’impôt, même si cela pourrait être une idée. On veut simplement qu’elles communiquent à leurs utilisateurs – il faut voir sous quelle forme – le montant qu’ils ont « récupéré » de l’utilisation de ces plateformes et qu’elles leur disent de se mettre en conformité avec la réglementation.
Il faudra certainement aller plus loin. Est-ce qu’on peut le faire plus vite ? J’en doute. Pascal Terrasse a été chargé par le Gouvernement de rendre un rapport sur le sujet avant le 31 décembre prochain. Vous avez fait un travail dont j’imagine qu’il a eu bien évidemment connaissance : il peut s’en inspirer, l’améliorer ou le contredire.
Nous aurons évidemment à reparler d’un sujet aussi important, mais, à ce stade, tout en prenant en compte l’intérêt du travail qui a été fait, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de ces amendements, pour diverses raisons – j’en ai cité quelques-unes.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de vos explications, mais il faut bien comprendre que l’abattement que nous proposons n’est pas lié à la nature des revenus, puisque le droit fiscal existant règle la question. Vous avez évoqué le covoiturage : il est aujourd'hui exonéré par le code des transports. S’agissant du foncier, le droit existant permet de taxer toutes les situations. Il s’agit d’un problème de déclaration : l’abattement prévu dans notre amendement est lié à la méthode de déclaration et à la nature spécifique de celle-ci.
Prenons deux contribuables : le premier, qui est affilié à un centre de gestion agréé, a droit à un abattement de 25 % ; le second, qui ne l’est pas, n’y a pas droit. Le Conseil constitutionnel considère que cela ne pose pas de problème du point de vue de l’égalité devant l’impôt. La contrepartie de l’abattement, c’est le fait que l’on déclare aujourd’hui des revenus qui ne l’étaient pas avant et qui sont néanmoins taxables au regard du droit fiscal existant.
J’entends ce que vous soufflent vos conseillers : si vous le voulez, monsieur le secrétaire d'État, on peut trouver une autre rédaction et transformer l’abattement en avantage !
Il faut prendre conscience de la situation : le sujet doit être traité. Nous avons rencontré Pascal Terrasse ; il va reprendre nos propositions.
Dans un article sur les statistiques d’un grand site, Airbnb pour ne pas le citer, on peut lire que 19,6 % des logements proposés aujourd'hui à Paris le sont en meublé. Un certain Fabien gère ainsi à lui seul 143 offres !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je vous l’annonce, j’irai faire un contrôle sur place à Bercy pour voir si vous vous occupez vraiment de ces personnes ! C'est aujourd'hui un véritable sujet.
On veut faire avancer le débat, mais on nous dit que c'est compliqué. Après avoir rencontré les opérateurs, nous proposons aujourd’hui un système qui « tourne ». Le groupe de travail a passé un an à recevoir tous les acteurs de l’internet. On a fait un travail approfondi, sérieux. Je ne dis pas que notre amendement n’est pas perfectible, mais, encore une fois, il ne nous semble pas poser de problème d’égalité devant l’impôt, dès lors que l’abattement est lié non à la nature des revenus, mais à la méthode de déclaration. De ce point de vue, le parallèle avec les centres de gestion agréés montre bien qu’il n’y a pas de problème.
Mme la présidente de la commission l’a dit, l’honneur du Sénat c'est peut-être de pouvoir, par rapport à l'Assemblée nationale, mener des travaux qui dépassent nos groupes politiques et nos clivages. Il faudrait écouter la Haute Assemblée lorsqu’elle travaille de manière unanime sur de véritables sujets ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann ainsi que MM. Bernard Lalande et André Gattolin applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je me permets d’intervenir de nouveau parce que, vous le voyez bien, se profile une vérification constitutionnelle de ce qui est en train d’être bâti.
Encore une fois, le Gouvernement ne souhaite pas autre chose que de tirer profit d’un travail collectif permettant de combler ce qui s’apparente aujourd’hui à des trous dans la raquette fiscale, lesquels sont évidemment liés à la complexité du sujet.
Pour que le débat soit clair, monsieur le rapporteur général, je maintiens que votre comparaison avec les centres de gestion agréés n’est pas pertinente. Adhérer à un tel centre signifie qu’on accepte un système de contrôle plus rigoureux, plus fiable…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C'est la même chose quand on adhère à un site !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais que fait la plateforme ? Elle vous permet de développer votre activité – je ne dis pas que c'est mal ! –, cependant elle ne vous demande pas de le faire dans un esprit de plus grande rigueur.
Pour bénéficier de l’abattement de 5 000 euros, il faut avoir des revenus déclarés – il faudrait que je relise la formulation de votre amendement – par la plateforme. Or, assez souvent, les plateformes utilisées sont logées à l’étranger, ce qui fait que nous n’avons pas toujours la possibilité de leur imposer un certain nombre d’obligations. Voilà un obstacle que je n’avais pas relevé dans ma précédente intervention, mais qui existe et dont il faut être parfaitement conscient.
Néanmoins, si votre amendement était adopté, je n’en serais pas heurté. Je vous devais, par honnêteté, de vous signaler qu’il a ses limites et qu’il pose quelques difficultés techniques, voire constitutionnelles. Il ne faudrait pas sortir de cette affaire en pensant que le problème est réglé.
M. Philippe Dallier. Mais non !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous avez mené votre propre travail et nous avons, nous aussi, conduit quelques réunions qui se sont avérées être parfois un peu difficiles, parce qu’elles posent – pardonnez-moi de ne pas faire preuve de finesse pour l’annoncer, mais c'est ma nature ! (Sourires.) – des problèmes de coordination entre différents ministères. Là, on parle de l’impôt, mais il y a aussi les cotisations sociales. Nous avons eu des contacts avec le ministère des affaires sociales. Une coordination doit être faite. La question de l’impôt est importante, mais celle des cotisations sociales, notamment l’affiliation des droits à retraite et l’affiliation à l’assurance maladie, l’est tout autant. Nous avons entamé ce travail. Vous pouvez en douter et venir nous contrôler : il n’y a pas de problème !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Ce sujet a pris une place de plus en plus importante dans notre société. Si j’ai beaucoup apprécié le rappel de notre collègue André Gattolin sur le sens de l’économie collaborative, avec cette économie des ressources naturelles, cette notion de partage, d’association des citoyens, on voit bien qu’on est allé très au-delà dans ce qui est en train de se développer.
La démarche a pris une dimension économique bien plus large, et je crois qu’on ne peut pas ne pas s’interroger sur ce que l’on appelle aujourd’hui « l’ubérisation » de la société. Elle va entraîner une déréglementation importante du marché du travail, qui aura des conséquences très lourdes pour de nombreux salariés, notamment dans l’hôtellerie et la restauration.
Que l’on puisse faire restaurant chez soi au risque de faire mourir le petit restaurant de quartier me pose problème.
Cette situation soulève d’autres questions très importantes. Tous ceux qui perçoivent des revenus et peuvent vivre de cette façon ne contribuent absolument pas à la vie en société (M. Roger Karoutchi opine.), aux besoins du budget de l’État, à l’ensemble des comptes sociaux. Or c’est grâce à cela qu’ils bénéficient de la couverture santé qui est offerte à tous, que leurs enfants vont à l’école, qu’ils ont à leur disposition ces services publics. D’une certaine façon, ils ne participent pas à ce qui constitue l’intérêt commun de notre société. On ne peut pas considérer que ce n’est pas un vrai sujet.
M. le secrétaire d'État a indiqué les pistes de travail du Gouvernement.
Madame la présidente de la commission, nous n’avons pas pu participer au groupe de travail parce que nous n’avons pas réagi au moment de sa création ou parce que nous n’avons pas su qu’il se créait !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est une décision du bureau de la commission !
Mme Marie-France Beaufils. Je le dis sereinement : il faut améliorer la communication interne de la commission. Sur le logement, j’ai su qu’un groupe de travail avait été constitué, mais…
Mme Catherine Procaccia. Et le respect du temps de parole ?
Mme Marie-France Beaufils. Madame Procaccia, j’essaie d’aller au plus vite, je n’ai pas trop consommé de temps.
Quand un groupe n’a qu’un seul de ses membres dans une commission, comme c’est le cas pour André Gattolin, seul représentant écologiste au sein de la commission des finances, et même quand il en a deux ou trois, il est difficile d’être présent en permanence. Il faudrait donc que les membres de la commission soient informés beaucoup plus vite.
M. le président. Veuillez conclure, madame Beaufils !
Mme Marie-France Beaufils. Nous voterons ces amendements identiques que nous considérons comme des amendements d’appel, pour signaler qu’il faut poursuivre le travail...
M. Philippe Dallier. Oui !
Mme Marie-France Beaufils. ... et que nous apportons notre soutien à la réflexion et à la recherche d’une solution.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Pour ma part, je suis extrêmement gêné. Certes, on a trouvé un joli vocable – « économie collaborative » –, mais il recouvre tout et n’importe quoi. Je voterai ces amendements identiques, même si, sur ce sujet, n’en déplaise au rapporteur général, je me sens plus proche de la ligne du Gouvernement.
M. Philippe Dallier. Allons bon ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Je prendrai un seul exemple. La région d’Île-de-France, comme la Ville de Paris, a largement financé et soutenu depuis vingt ans les structures hôtelières, tous niveaux de structures hôtelières, et les appart’hôtels, tous niveaux d’appart’hôtels, avec, par définition, de l’argent public.
M. François Bonhomme. Ce n’est pas son rôle !
M. Roger Karoutchi. Si, l’attractivité touristique, c’est son rôle !
Et voilà qu’un système met par terre tous les efforts réalisés par l’hôtellerie moyenne de la capitale et de la petite couronne ! Face aux bénéfices réalisés par ce biais, ceux qui ont d’abord loué leur appartement quinze jours par an le louent désormais quasiment à l’année. Certains partent même vivre dans leur maison de campagne pour ce faire.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est bien pour cela qu’il faut faire quelque chose !
M. Roger Karoutchi. Résultat, l’argent public qui a été massivement consacré à la mise à niveau de l’hôtellerie, des appart’hôtels et d’un certain nombre de structures n’a servi à rien !
Mme Sophie Primas. Effectivement !
M. Roger Karoutchi. Je trouve cela un peu fort de café ! Je ne veux pas la mort du petit cheval. Que l’on puisse louer son appartement quinze jours une ou deux fois par an me va très bien. Le problème, ce n’est pas l’abattement forfaitaire de 5 000 euros, c’est le côté répétitif et systématique (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) d’un système qui était au départ une sorte de bol d’air, mais qui devient courant dominant. (Mme Sophie Primas applaudit.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est ce que l’on vise !
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie des éléments de réponse que vous avez apportés. Pour avoir été longtemps parlementaire avant d’être au Gouvernement, vous savez que les parlementaires sont aussi capables d’appréhender la complexité. Si nous mesurons la difficulté du sujet, nous avons aussi des convictions.
En l’occurrence, il ne s’agit pas d’un simple trou dans la raquette. Si nous nous trouvions dans une impasse en matière de collecte de l’impôt dans un secteur qui n’aurait pas été identifié, ce serait facile. Or, cela a été souligné, nous assistons à une mutation complète des pratiques économiques, face à laquelle nos outils traditionnels sont inadaptés.
Nous savons bien que prévoir une information sur les plateformes ne suffira pas, singulièrement dans le secteur du tourisme. Il n’est qu’à voir comment la taxe de séjour est perçue dans le pays pour avoir conscience que, en la matière, on ne pourra jamais maîtriser les choses. On y parviendra d’autant moins que certains peuvent avoir plusieurs activités en même temps. Nous sommes face à une pluriactivité inédite, avec tous les problèmes qui en découlent.
À travers ce dispositif, nous plaidons en faveur d’une approche différente de la problématique. Nous considérons qu’il faut passer par les plateformes pas seulement pour qu’elles envoient un papier déclaratif, mais parce que des consolidations doivent intervenir par rapport à ces nouvelles pratiques.
Cela étant dit, sur cette question, il faut progresser. Ces amendements identiques ont le mérite de nourrir la réflexion et de présenter une première solution. Si le Gouvernement a de meilleures solutions, bien évidemment nous nous en réjouirons, comme nous nous réjouissons qu’un travail soit engagé, et peut-être apparaîtront-elles d’ici à la fin de la discussion budgétaire.
Ce qui est sûr, c’est qu’il y a urgence ! Quand on sait que, dans notre pays, 31 millions de personnes ont déjà acheté ou vendu sur une plateforme collaborative, on ne peut plus parler de phénomène limité.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. On pourrait au moins reconnaître au Sénat le mérite d’avoir défriché le terrain. Deux rapports ont été rendus récemment, après un travail engagé voilà dix-huit mois. Bien avant, Jean Arthuis et Philippe Marini avaient mené une réflexion sur les problèmes que posaient les grands groupes du net.
Mes chers collègues, ce qui nous fait peur dans cette affaire, c’est que les choses changent à une vitesse très importante.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oui !
M. Philippe Dallier. La question n’est pas de savoir si l’économie collaborative ou l’e-commerce, c’est bien ou non. Il faut s’y adapter parce que l’on ne pourra pas s’y opposer.
À Paris, 40 000 appartements sont loués sur Airbnb. Avis et Hertz, dont nous avons rencontré les représentants, ne sont plus les plus gros loueurs de voitures en France : ils ont été supplantés par ces plateformes.
Cette mutation se fait à une vitesse que nous n’avons pas appréhendée. Il est donc urgent d’adapter nos règles ; sinon, nous serons complètement dépassés.
En matière d’e-commerce – sujet que nous aborderons à l'article 3 –, le géant chinois Alibaba va s’installer en Europe pour concurrencer les grandes plateformes en ne vendant que des produits fabriqués en Chine. Comment le Gouvernement récupérera-t-il la TVA que le consommateur paiera en achetant sur internet ? Il ne le pourra pas ! On n’est pas dans l’espace communautaire. Et, même quand c’est le cas, les difficultés et les interrogations sont grandes (M. André Gattolin opine.) et il est probable que des milliards d’euros s’évaporent. Lorsque tout viendra de Chine, mes chers collègues, on pourra toujours demander aux services de Bercy de se rendre dans ce pays pour contrôler : on ne contrôlera rien !
Si nous ne nous adaptons pas, vous verrez les recettes de TVA, qui sont les premières du budget de l’État, fondre comme neige au soleil. Les conséquences se chiffreront en milliards d’euros, voire en dizaines de milliards d’euros.
La question n’est donc de savoir s’il faut faire quelque chose. Oui, il faut faire quelque chose et il faut le faire vite !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Bien et vite !
M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d'État, certes, cette proposition n’est peut-être pas parfaite, mais il serait bon d’adresser un signal en la votant. Nous verrons ensuite ce que nous pourrons en faire.
J’insiste : il y a urgence. L’idée clef qu’il faut retenir de ce débat, c’est qu’il nous faut nous adapter. C’est ainsi. Le monde est en train de changer et les consommateurs aussi.
M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour explication de vote.
M. Thierry Carcenac. Je suppose que, en 1954, lorsqu’il a créé la TVA, qui était un impôt indirect sur la consommation à paiement fractionné, Maurice Lauré a dû se heurter à peu près aux mêmes difficultés que celles que nous rencontrons face à une économie qui change. À l’époque, il s’agissait d’éviter les effets en cascade des divers impôts sur la consommation. Aujourd'hui, face à un modèle qui change, d’aucuns l’ont souligné, il nous faut essayer de nous adapter.
Nous y reviendrons lorsque nous évoquerons l’e-commerce, la directive européenne concernée est très intéressante, mais sa très grande complexité la rend quasi inapplicable.
Lorsque l’on examine les services fiscaux, notamment la Direction générale des finances publiques, et que l’on voit que 10 agents s’occupent du data mining, on se dit qu’il faut sans doute essayer de bouger un peu les marques et d’aller vers des expérimentations. D’autres pays s’y sont essayé, ils ont obtenu de l’Union européenne la possibilité de s’engager sur des expérimentations.
Cet amendement est un amendement d’appel, qui nous permettra d’aller plus avant dans la réflexion. C’est dans ce sens que le groupe socialiste et républicain s’engage. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je reviens sur ce que j’ai dit tout à l’heure, mais je le formulerai différemment.
Madame Beaufils, ce groupe de travail a été créé par le bureau de la commission des finances, lorsque nous avons décidé de faire nos missions de contrôle, plusieurs d’entre vous ayant émis l’idée de travailler de cette manière.
Ce groupe de travail était initialement composé de Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier, qui avaient déjà travaillé sur ce sujet et souhaitaient continuer, de Bernard Lalande et Jacques Chiron, car ils sont les rapporteurs spéciaux de la mission « Économie », et de Michel Bouvard et Thierry Carcenac, car ils sont les rapporteurs spéciaux de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Lorsque les décisions prises par le bureau ont été annoncées à l’ensemble des membres de la commission des finances, certains ont souhaité s’associer à ce groupe de travail.
J’ai conscience que, lorsqu’un groupe politique n’a qu’un seul membre dans une commission, et même s’il en a deux ou trois, c’est un peu moins facile, mais convenons que c’est un travail collectif.
Je tiens à rendre hommage à tous ceux qui se sont engagés dans ce chemin et qui l’ont fait avec cette clairvoyance. Il vient d’être question de ceux qui ont inventé la TVA. Ceux qui, voilà cent ans, ont cru possible d’électrifier les campagnes ont fait montre eux aussi de clairvoyance.
M. Jean-Claude Requier. Et pour l’impôt sur le revenu !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Espérons être dans la même veine !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je ne comprends pas très bien la réaction de mon collègue altoséquanais M. Karoutchi : nous cherchons justement à éviter une dégénérescence totale du système économique et donc à donner un cadre !
Cela me choque toujours : chaque fois que l’on fait un travail parlementaire fouillé, on nous répond que l’on vient de nommer un rapporteur – en l’occurrence, M. Terrasse – pour approfondir la question. Résultat, on recommence et on perd encore six mois ! Je suis un jeune parlementaire – je ne suis élu que depuis quatre ans –, mais c’est la quatrième fois que cela se produit.
Je me rappelle l’excellent rapport d’information de notre ancien et excellent collègue Jean-Pierre Plancade, au nom de la commission de la culture, sur la question des droits audiovisuels et de leur financement et de la répartition des droits par rapport au service public qui les finance, dans lequel figuraient des observations tout à fait capitales. Il a été très bien reçu ; un amendement a même été voté à une large majorité lors de l’examen de la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public. Malheureusement, les décrets d’application, publiés un an après, ont mis par terre le dispositif et l’ont rendu inapplicable. Entre-temps, un rapport inutile a été produit, qui lui aussi a été enterré.
Or aujourd’hui se produit ce que l’on avait annoncé : une société pratiquement entièrement financée par des fonds publics – en l’occurrence, Newen, qui produit Plus belle la vie – est rachetée par une entreprise privée – TF1 – qui va en posséder les droits pour les revendre à France Télévisions, laquelle diffusera la série ! On le dit depuis trois ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Michel Bouvard applaudissent également.)
Si nous sommes des idiots, que la direction du budget et la grande administration nous disent que nous, les parlementaires, ne servons à rien, et que ce soit clair ! Sur une économie qui va à toute vitesse et où on commence à être débordés, que l’on n’attende pas la production d’un nouveau rapport : cela va prendre six mois ! Une fois que l’on sera débordé, on se demandera quoi faire : se rendre ? (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je fais partie des vilains petits canards qui ne voteront pas ces amendements identiques, et ce pour plusieurs raisons.
J’ai écouté avec attention toutes les interventions. Si je comprends bien, le problème de fond réside dans l’absence de contrôle de l’administration fiscale. Pourtant, il est tout de même relativement facile de repérer et de taxer un propriétaire qui louerait un nombre important d’appartements ! Je le rappelle, l’habitation principale ne peut être mise en location saisonnière que quatre mois maximum dans l’année.
Par ailleurs, le système dont nous parlons permet à des utilisateurs honnêtes de se mettre en relation sur des plateformes.
Dans le même temps, des personnes louent, via les réseaux sociaux, des appartements aux djihadistes ; nous en avons eu des exemples, à Alfortville ou ailleurs. Pensez-vous vraiment qu’elles seraient imposées si ces amendements étaient adoptés ?
Les services qui, à l’instar de BlaBlaCar, permettent de voyager en partageant les frais, ne relèvent pas du tout, me semble-t-il, de la même approche.
M. François Bonhomme. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Et je suis persuadée que d’autres secteurs de l’économie collaborative justifient un traitement à part.
Enfin, le risque d’inconstitutionnalité que M. le secrétaire d'État a soulevé m’inspire également des craintes. Une telle mesure peut avoir pour effet d’alourdir encore la fiscalité sur le foncier. (M. le rapporteur général et Mme la présidente de la commission des finances le contestent.) Si c’est le cas, j’y suis totalement opposée !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je partage l’analyse de ma collègue Catherine Procaccia, mais je n’en tire pas les mêmes conclusions. Je voterai en faveur de ces amendements identiques.
À mon sens, l’économie collaborative conduit à un véritable bouleversement du modèle économique en général. Je crois que nous ne mesurons pas toujours ce phénomène en hausse. Nous devons adapter notre outil et anticiper la baisse de ressources fiscales qu’il implique.
Il faut distinguer les différents aspects de l’économie collaborative. Le cas de l’hôtellerie a été évoqué.
M. le Président de la République a érigé la jeunesse en priorité de son quinquennat. Or, en France, s’il est une société qui a fait beaucoup pour la jeunesse, nettement plus que tout ministère de la jeunesse attitré, c’est bien BlaBlaCar !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Elle est déjà exonérée !
M. François Bonhomme. Voyez le nombre d’étudiants qui utilisent ce site ! Cela facilite leurs déplacements et représente pour eux un gain de pouvoir d’achat considérable ! Ils ont vite fait la différence entre l’autorité publique, censée s’occuper de tels problèmes, et une initiative privée comme BlaBlaCar, qui a aussi permis d’apporter une réponse fabuleuse à une situation de blocage dans les transports publics !
M. Philippe Dominati. Très bien !
M. François Bonhomme. Il faut, certes, accompagner et même encadrer, mais sachons aussi tirer profit de ces nouvelles activités, qui font appel à des moyens jusqu’alors latents, mais inutilisés dans notre économie !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je me rallierai à la position de M. le rapporteur général.
On se sent très vite dépassé sur un tel sujet. Pour ma part, je ne suis pas du tout un adepte des nouveaux systèmes de vente dont nous discutons ; j’en découvre même certains aujourd’hui.
Cependant, comme cela est indiqué dans le rapport, des milliers, voire des millions de personnes ont recours à ce que l’on appelle « l’économie collaborative ».
Je veux défendre nos commerces et nos artisans de proximité. On me répondra qu’il faut vivre avec son temps. Je ne suis pas sûr que ces nouvelles formes de vente soient forcément les meilleures. Ce monde va beaucoup trop vite ; Philippe Dallier l’a rappelé tout à l'heure avec beaucoup de passion.
Je veux saluer les services de l’État, qui luttent comme ils le peuvent contre la fraude. Ils ont beaucoup de mérite. Il faut bien, à un moment donné, se préoccuper des recettes et prendre ces problèmes à bras-le-corps.
Les propositions du groupe de travail de la commission des finances me semblent très constructives. Nous devons en tenir compte.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Cette nouvelle économie qui se crée nous place face à un dilemme.
Faisons la distinction entre, d’une part, les personnes qui en font leurs revenus principaux, par exemple en louant leur logement sur Airbnb, faisant ainsi concurrence à l’économie de l’hôtellerie ou des foyers-logements, et, d’autre part, les personnes qui cherchent simplement à partager leurs frais, par exemple de péage ou d’essence ; c’est le cas de BlaBlaCar, que mon collègue François Bonhomme vient d’évoquer.
M. Philippe Dallier. Les amendements ne visent pas le partage de frais !
Mme Sophie Primas. Ma position est assez proche de celle de mon collègue Philippe Dallier. Votons ces amendements et adaptons-les afin de tenir compte des réserves qu’ils nous inspirent, eu égard notamment à la situation de systèmes de partage de frais comme BlaBlaCar.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le partage de véhicules est d'ores et déjà exonéré par le droit existant. Le code des transports prévoit que les activités relevant du partage de frais ne sont pas des activités commerciales. Notre proposition ne change rien à cet égard. (Mme la présidente de la commission des finances acquiesce.)
Concrètement, l’économie collaborative s’industrialise de plus en plus ; nous voulons que, au-delà de 5 000 euros, elle entre dans le droit commun.
Le partage de frais n’étant pas visé par le dispositif envisagé, je vous invite à adopter ces amendements.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Voilà !
Mme Sophie Primas. Merci !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-32, I-212, I-340, I-352 et I-402.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2 sexies.
L'amendement n° I-385, présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Canevet, Delcros, Laurey et Marseille, Mme Jouanno et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 2 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’État peut autoriser la mise en place d’une expérimentation nationale d’une durée de trois ans, au plus tard un an après la promulgation de la présente loi, dans des conditions fixées par décret, afin d’étudier la pertinence de la création d’un crédit d’impôt égal à 50 % d’un prêt engagé dans le cadre du financement participatif de projets déterminés, conformément à l’article L. 548-1 du code monétaire et financier.
II. – Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement porte sur le même sujet que les précédents, mais sous l’angle, cette fois, du financement.
Nous le savons, le financement participatif a connu un essor important ces dernières années ; le législateur s’en est préoccupé. Mais il demeure nécessaire de le réglementer et de le soutenir.
L’ordonnance du 30 mai 2014 relative au financement participatif a ouvert la voie au développement en France de ce mode de financement alternatif, qui met en relation, le plus souvent via des plateformes internet, des porteurs de projets et des personnes désirant financer de tels projets. D’ailleurs, ce mode de financement est parfois une solution de substitution aux banques, qui peuvent se montrer frileuses.
Une telle avancée était souhaitable. Elle doit être saluée. Mais il nous semble que le mouvement doit être amplifié, afin de permettre un développement plus rapide du financement participatif.
C’est pourquoi il est proposé de créer une incitation, sous forme de réduction d’impôt sur le revenu, pour les particuliers qui investissent dans des projets de financement participatif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est évidemment sensible au souhait d’encourager l’économie participative. Mais elle s’interroge. L’heure est-elle à la création de nouvelles dépenses fiscales, de nouvelles niches fiscales ? Nous ne sommes pas très favorables à la création d’un nouveau crédit d’impôt.
Lors de l’examen de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, nous avons cherché à encadrer les crédits d’impôt dans le temps. Nous essayons de réduire les dépenses fiscales, et non de créer de nouveaux crédits d’impôt !
Par conséquent, la commission, tout en reconnaissant l’intérêt de cet amendement, en sollicite le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je me suis déjà prononcé sur une proposition similaire lors de l’examen du projet de loi de finances devant l’Assemblée nationale
Le Gouvernement comprend bien l’esprit de l’amendement et le souci de ses auteurs de soutenir le développement des nouveaux modes de financement. Mais il ne partage pas complètement l’approche qui est sous-tendue.
Comme M. le rapporteur général vient de l’expliquer, il s’agirait de créer une nouvelle niche fiscale, avec un coût important et, probablement, des effets pervers.
Nous avons missionné nos services afin de prévoir un dispositif permettant que ces nouveaux modes de financement soient appréciés différemment sur le plan fiscal.
Le Gouvernement, plutôt que de créer une niche, préfère élaborer un mécanisme permettant d’amortir fiscalement les pertes subies par les contribuables qui prendraient des risques en soutenant nos entreprises par des prêts. Nous ferons probablement des propositions en ce sens au moment de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
En cas de maintien de cet amendement, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur Capo-Canellas, l'amendement n° I-385 est-il maintenu ?
M. Vincent Capo-Canellas. Non, je vais le retirer, monsieur le président.
Mais je souhaite d’abord remercier M. le rapporteur général et M. le secrétaire d'État de l’intérêt qu’ils ont manifesté.
Je salue le travail qui est d'ores et déjà engagé par le Gouvernement, et je prends note de la piste qui est envisagée.
M. le secrétaire d'État ayant annoncé que l’on reviendrait sans doute sur le sujet lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, je peux retirer mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-385 est retiré.
Article 3
I. – L’article 258 B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa du 1° du I, au 2° du I et au II, les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;
2° Le premier alinéa du 1° du I est ainsi modifié :
a) (nouveau) À la première phrase, après le mot : « compte », sont insérés les mots : « par un groupement d’opérateurs ou un distributeur » ;
b) À la dernière phrase, le montant : « 100 000 € » est remplacé par le montant : « 35 000 € ».
II. – Le b du 2° du I s’applique aux livraisons dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2016.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-33 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-213 est présenté par M. Bouvard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-33.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le groupe de travail que j’évoquais a produit un autre rapport, cette fois sur la TVA. Les enjeux sont considérables.
À la suite de contrôles, y compris sur place, dans les aéroports, j’ai constaté avec Philippe Dallier l’existence de fraudes massives à la TVA à l’importation. Le groupe de travail a alors formulé un certain nombre de propositions.
Nous avions ainsi suggéré, dans notre rapport du 17 décembre 2015 intitulé Le e-commerce : propositions pour une TVA payée à la source, d’abaisser le seuil d’application de la TVA en France pour les ventes à distance de biens matériels au sein de l’Union européenne de 100 000 euros à 35 000 euros de chiffre d'affaires. Cette idée avait été soutenue à l’unanimité des membres du groupe.
Nous nous réjouissons que le Gouvernement l’ait reprise à l’article 3 du projet de loi de finances. Nous souscrivons totalement à cet objectif, qui permettra de contrôler très concrètement les sociétés installées à l’étranger. Celles-ci doivent en théorie déclarer le chiffre d’affaires correspondant au commerce qu’elles ont effectué dans les autres pays au-delà d’un seuil fixé, pour l’heure, à 100 000 euros. C’est évidemment beaucoup trop élevé.
L’amendement de la commission vise simplement à supprimer l’alinéa 4, qui apporte une précision surabondante, car déjà satisfaite par le droit existant.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° I-213.
M. Michel Bouvard. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je souhaite simplement apporter quelques précisions.
J’ai entendu tout à l'heure quelques remarques un peu acides sur la détermination du Gouvernement à lutter contre la fraude à la TVA. Je confirme à M. le rapporteur général que nous souhaitons effectivement abaisser le seuil. C’est précisément l’objet de l’article 3 !
Face à la fraude à la TVA, le Gouvernement a mis en place une task force, issue de la réunion de différents services : la direction des affaires criminelles et des grâces, le parquet financier, la brigade nationale de répression de la délinquance financière, la délégation nationale à la lutte contre la fraude, ou DNLF, la direction générale des finances publiques, ou DGFIP, les douanes, le contrôle fiscal et TRACFIN. Ce pool de services de l’État se réunit régulièrement.
Évidemment, on peut toujours faire mieux. Mais le data mining est en marche ! Nous aurons l’occasion de montrer combien l’expérimentation qui a été conduite a donné des résultats intéressants. Nous avons reçu récemment un rapport de nos services.
Je veux rappeler un chiffre. Selon une récente étude réalisée à l’échelon européen, la fraude à la TVA en France pourrait s’établir autour de 14 milliards d’euros, soit 8 % à 9 % du montant total du produit de cette taxe.
M. Philippe Dallier. C’est trop !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Rappelons que de précédents travaux avaient fait état d’une somme de 40 milliards d’euros…
La comparaison entre les différents pays européens a montré que nous faisions plutôt mieux non seulement que l’Italie, pays connu comme relativement poreux sur ce plan, mais aussi que l’Allemagne ou d’autres grands pays d'Europe.
M. Richard Yung. Comme la Grèce !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En effet, monsieur le sénateur !
Nous en sommes tous d’accord pour considérer que notre taux de « fuite » de la TVA est beaucoup trop important. Mais il est plutôt inférieur à la moyenne des autres pays européens.
Nos services font un travail considérable. Il m’est même arrivé d’adresser un certain nombre de récriminations à mon administration – je ne suis pourtant pas connu pour mes coups de gueule – pour faire en sorte que l’on aille un peu plus loin !
Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-33 et I-213.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
M. le président. L'amendement n° I-372, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 150 VF du code général des impôts, il est inséré un article 150-… ainsi rédigé :
« Art. 150-… L'impôt sur le revenu correspondant à la plus-value réalisée sur les biens ou droits mentionnés aux articles 150 U à 150 UC est majoré d’une taxe correspondant à 10 % de son produit pour les mutations à titre onéreux d’immeubles situés dans un périmètre de 500 mètres autour des gares construites dans le cadre de l’installation du réseau de transport Grand Paris Express.
« La présente taxe est due dans les mêmes conditions que l’imposition de droit commun pour les cessions intervenues après la date de l’ouverture de ces gares. »
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. C’est un amendement d’appel, afin d’ouvrir le débat sur le financement du réseau du Grand Paris Express.
Vous le savez, la création du réseau a été décidée sous la précédente majorité. Depuis le début du quinquennat, les Premiers ministres successifs ont affirmé vouloir en poursuivre l’aménagement. Selon moi, c’est un élément fondamental du développement économique de la région Île-de-France.
Le financement du Grand Paris Express qui a été prévu repose sur une fraction de la taxe locale sur les bureaux, la TLB, en Île-de-France, une part de la taxe spéciale d’équipement, la TSE, et une partie du produit de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, pour un montant total d’environ 500 millions d’euros par an, dont on ignore s’il sera pérenne.
Je propose donc la création d’une taxe sur les plus-values immobilières constatées autour des gares construites dans le cadre de l’installation du réseau de transport Grand Paris Express.
Il est prouvé que la réalisation d’infrastructures publiques permet aux riverains de bénéficier d’une plus-value importante lors de la revente de leur propriété. Dès lors, il me semble logique d’imposer ces plus-values pour financer une partie, voire la totalité des investissements.
J’ai ainsi calculé qu’une taxe de 10 % permettrait de rapporter une recette suffisante pour emprunter dès maintenant la somme nécessaire à la réalisation de cette infrastructure nécessaire d’un point de vue économique et susceptible de créer des emplois.
On m’a mis en garde contre la création d’une nouvelle taxe. Je peux le comprendre, n’étant pas fanatique moi-même des nouveaux prélèvements.
Pour autant, le dispositif que je propose est économiquement justifié. En se substituant à la taxe spéciale d’équipement et à l’IFER, cette nouvelle taxe permettrait de supprimer deux taxes existantes et d’accélérer l’aménagement de ce nouveau réseau, facteur d’attractivité économique de la région Île-de-France, région locomotive pour notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. M. Delahaye soulève deux questions justes. La première porte sur le financement les infrastructures du Grand Paris Express. La seconde, qui a aussi été évoquée dans le cadre du groupe de travail sur l’immobilier auquel je faisais référence, concerne les plus-values immobilières réalisées grâce à la proximité d’infrastructures nouvelles, notamment de gares.
Toutefois, la commission a des réserves sur cet amendement.
Tout d’abord, M. Delahaye propose la création d’une nouvelle taxe sans prévoir de diminution par ailleurs. L’amendement mériterait donc d’être complété sur ce point, la commission étant, par principe, défavorable à toute fiscalité nouvelle.
La commission s’interroge ensuite sur la rédaction de l’amendement, qui fait référence aux « gares construites ». Cette expression mériterait des précisions. Concrètement, quel serait le fait générateur ? Le lancement du projet ? La fin des travaux ?
La commission demande le retrait de cet amendement d’appel, même s’il a le mérite de soulever une véritable question sur le financement des infrastructures.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour un certain nombre de raisons.
Tout d’abord, d’autres contributions de ce type, comme les taxes dites « Grenelle II » ou « Grand Paris », faisant l’objet d’un même esprit, d’une mise en œuvre complexe et de périmètres d’application discutables, n’ont jamais été appliquées. Elles ont finalement été abrogées.
À partir d’où commencerait le « périmètre de 500 mètres autour des gares construites » ?
M. Philippe Dallier. De la gare de Perpignan ! (Sourires.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est le centre du monde ! (Nouveaux sourires.)
M. Roger Karoutchi. Mais non ! C’est la gare de Massy ! (Mêmes mouvements.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Du centre de la gare ? Du quai ? De la casquette du chef de gare ? Je vous prie de m’excuser de ce cabotinage. Mais, vous le voyez, il y a manifestement des imperfections de rédaction.
En outre, je n’ai pas bien compris de quelles taxes la suppression était proposée. Peut-être n’ai-je pas été suffisamment attentif…
Quoi qu’il en soit, indépendamment des soucis techniques et rédactionnels que j’ai évoqués, le Gouvernement s’oppose à la création d’une nouvelle contribution. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. J’entends les critiques. Je reconnais que cet amendement mérite d’être amélioré, tant sur la forme que sur le fond. Sans doute faudrait-il préciser quelles sont les deux taxes supprimées. Il est évidemment intéressant de créer une taxe si c’est pour en supprimer deux autres.
Monsieur le secrétaire d’État, beaucoup d’autres dispositifs fiscaux sont d’application complexe.
M. Vincent Delahaye. Je suis un partisan de la simplification. Mais je suis aussi pour des impôts économiquement intéressants !
Mon prédécesseur à la mairie de Massy a réussi à imposer la construction d’une gare TGV à la SNCF, qui n’en voulait pas. Le financement a été assuré en partie par la ville et en partie par un emprunt gagé sur une taxe d’un euro sur chaque billet pris à Massy, emprunt qui a été remboursé bien plus vite que prévu.
Compte tenu de l’état général de nos finances publiques, tant nationales que locales, je considère que la puissance publique doit essayer de récupérer une partie de la valeur ajoutée induite par les nouvelles infrastructures pour en financer la construction.
Je suis évidemment prêt à travailler sur les modalités d’application. De toute manière, je reviendrai à la charge. À mon avis, cette idée vaut non seulement pour le réseau du Grand Paris express, mais aussi pour bien d’autres projets.
Quand les élus et les habitants considèrent qu’une infrastructure ne crée pas de valeur ajoutée, ils ne la demandent pas. S’ils la demandent, c’est bien qu’elle crée de la richesse ! Dans ce cas, autant que la puissance publique puisse en récupérer une partie !
Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° I-372 est retiré.
Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-260, présenté par MM. Mézard, Requier, Collin, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 1° du A de l’article 278-0 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les produits de première nécessité suivants :
« a) Les produits de protection hygiénique féminine ;
« b) Les produits de protection hygiénique pour personnes âgées ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. J’ai l’honneur d’introduire la discussion – il y a une série d’amendements similaires – sur une revendication fortement médiatisée, dont l’Assemblée nationale a déjà débattu le mois dernier : l’abolition de la taxe dite « tampon » ! (Sourires.)
L’expression est quelque peu inexacte. D’une part, il ne s’agit pas d’une taxe spécifique ; c’est simplement l’application du taux de TVA à 20 % aux produits hygiéniques féminins. D’autre part, les tampons ne sont pas les seuls produits hygiéniques concernés. Mais cela ne retire rien à la légitimité du sujet.
Aujourd’hui, les produits hygiéniques féminins sont soumis au taux normal de TVA, à 20 %. On peut pourtant facilement reconnaître qu’il s’agit de produits de première nécessité, au même titre que les produits alimentaires ou les médicaments, qui, eux, sont soumis au taux réduit de 5,5 %.
Chose plus surprenante, certains produits d’agrément, comme les boissons non alcoolisées ou les chocolats, bénéficient aussi du taux réduit. Pourquoi dès lors en exclure les produits hygiéniques féminins ? Au cours de sa vie, une femme dépenserait en moyenne 1 500 euros pour l’achat de certains produits !
Sur l’initiative de notre collègue Jacques Mézard, les membres du groupe RDSE ont, dans leur majorité, souhaité apporter leur soutien à une telle revendication.
Nous avons ajouté les produits pour personnes âgées ou incontinentes, qui sont moins jeunes ! Il s’agit également de produits de première nécessité ; leur taxation soulève la même interrogation.
Je vais utiliser une expression de rugby, sport cher à notre collègue Vincent Delahaye, maire de Massy : faisons en sorte, en cas de vote négatif du Sénat, que ce tampon ne devienne pas un bouchon médiatique ! (Exclamations amusées.)
M. le président. Les six amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-3 est présenté par Mme Bouchoux, M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° I-85 rectifié est présenté par M. Bonhomme, Mmes Primas, Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Cambon, Pellevat, Chaize, Bouchet, del Picchia, Lefèvre, Gournac, César, Mandelli et B. Fournier.
L'amendement n° I-127 rectifié est présenté par Mmes Blondin, Meunier, Lepage et Monier, M. Godefroy, Mme D. Michel, M. Courteau, Mmes Conway-Mouret, Génisson, E. Giraud, Bonnefoy, Cartron, Jourda et Lienemann, M. Vaugrenard, Mmes Bataille, Guillemot et Yonnet, M. Assouline, Mme Féret, MM. Gorce, Berson, Vandierendonck et J.C. Leroy, Mmes Emery-Dumas, S. Robert et Riocreux, M. Jeansannetas, Mme Claireaux, MM. Sueur, Tourenne et Daudigny, Mmes Schillinger, Tocqueville et Khiari et MM. Raynal, Poher, Desplan, Antiste, Durain, Boulard, Manable, Madrelle et D. Bailly.
L'amendement n° I-177 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Zocchetto, Détraigne, Capo-Canellas, Longeot, Cadic et Guerriau et Mmes N. Goulet, Férat, Morin-Desailly et Goy-Chavent.
L'amendement n° I-277 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-323 est présenté par MM. Milon, Amiel, Barbier et Cadic, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chasseing et Cigolotti, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche, Deseyne et Doineau, M. Forissier, Mmes Gatel et Giudicelli, M. Godefroy, Mmes Gruny, Imbert et Morhet-Richaud, MM. Morisset et Mouiller, Mme Procaccia, MM. D. Robert, Roche et Savary, Mme Schillinger, M. Vanlerenberghe et Mme Micouleau.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le d du 1° du A de l’article 278-0 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les produits de protection hygiénique féminine ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° I-3.
M. André Gattolin. Nous proposons d’abaisser le taux de TVA applicable aux tampons, serviettes hygiéniques et coupes menstruelles à 5,5 %. À nos yeux, il s’agit de produits de première nécessité.
Pour 15 millions de femmes, le budget « protections hygiéniques » est élevé. Or, plus le coût est important, plus le risque est grand que les femmes ne disposant pas de revenus significatifs soient forcées d’utiliser moins de produits hygiéniques ou de les garder plus longtemps, ce qui augmente les risques d’infection.
Le coût de la baisse de la TVA sur ces produits de protection hygiénique est évalué à 55 millions d’euros par le Gouvernement. Cela peut effectivement soulever des interrogations d’un point de vue budgétaire. Mais, selon nous, il n’est pas possible de contester l’enjeu de santé publique que cela représente.
D’ailleurs, la commission des finances de l’Assemblée nationale avait accepté un amendement allant dans le même sens. Elle avait considéré qu’il n’y avait pas de problème juridique et que l’élargissement du taux réduit de TVA aux produits d’hygiène féminine serait tout à fait compatible avec le droit européen, notamment au regard de l’annexe III de la directive TVA.
L’abaissement de cette taxe ne suffira évidemment pas à régler la question de l’accès à ces produits de première nécessité. Mais cela peut tout de même être un premier pas.
Cet amendement, qui porte sur le coût et la problématique de santé publique des protections hygiéniques féminines, nous offre aussi l’occasion d’évoquer des coupes menstruelles, solution plus économique, écologique et sanitaire que les autres produits de protection.
Pour celles et, surtout, ceux qui l’ignorent, cette coupe en silicone hypoallergénique souple et réutilisable, qui coûte entre quinze euros et trente euros, permet d’éviter les pollutions liées aux déchets de produits hygiéniques classiques jetés en décharge ou incinérés.
La coupe menstruelle présente aussi un intérêt sanitaire. Elle ne contient aucun produit chimique.
Mme Sophie Primas. Et le préservatif réutilisable ?
M. André Gattolin. Les coupes menstruelles ne sont pas commercialisées en grande surface, à l’exception de quelques pharmacies et magasins « bio » spécialisés.
Mme Catherine Procaccia. Ce sont les hommes qui s’y intéressent !
M. André Gattolin. Cette faible distribution empêche malheureusement de répondre pour partie aux enjeux sanitaires et économiques qui nous préoccupent.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l'amendement n° I-85 rectifié.
M. François Bonhomme. Je suis de ceux qui ne considèrent pas cette question comme futile. La raison en est simple, mais primordiale : les produits de protection hygiénique féminine sont, par nature, des produits de première nécessité. Il est donc légitime de leur appliquer le taux réduit de TVA de 5,5 %.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déjà eu l’occasion de dire qu’un certain nombre de produits bénéficiant d’un taux réduit pouvaient largement subir la comparaison avec ce dont nous discutons aujourd’hui.
Les tampons et serviettes hygiéniques sont, par définition, une dépense contrainte. Il s’agit donc de produits de première nécessité, et non de produits de confort.
Lors du débat à l’Assemblée nationale, votre allusion quelque peu hasardeuse à la mousse à raser pouvait laisser croire à un parallélisme entre la situation des hommes et celle des femmes. Je pense que cette petite maladresse pourrait être corrigée aujourd’hui.
Il s’agit, certes, d’une mesure d’équité à haute valeur symbolique. Mais cela concerne aussi le pouvoir d’achat de 15 millions de femmes. Je n’ai pas beaucoup entendu Mme Boistard sur le sujet. En revanche, je pense que Mme Touraine est favorable à cette mesure.
Comme l’a souligné M. Gattolin, une telle disposition est compatible avec le droit européen, notamment au regard de l’annexe III de la directive TVA. Par ailleurs, elle n’est pas excessivement chère : son coût est estimé entre 44 millions et 55 millions d’euros.
Ainsi que je l’ai souligné, il y a aussi un enjeu de réduction des inégalités entre les hommes et les femmes. Et cette mesure de santé publique est recommandée par l’UNESCO.
À l’évidence, ce n’est pas seulement destiné aux parlementaires femmes.
En plus, en adoptant une telle disposition, le Sénat, qui est composé à 25 % de femmes, ferait un joli pied de nez à l’Assemblée nationale, où il y a 27 % de femmes députés. La Haute Assemblée démontrerait qu’elle n’est pas toujours prisonnière des stéréotypes sociaux ou des appartenances de genre, contrairement aux assertions de certaines ligues de vertu féministe !
Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous êtes, bien involontairement, à l’origine d’un regain de vitalité du mouvement féministe, vous avez ici une occasion en or de vous racheter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° I-127 rectifié.
Mme Evelyne Yonnet. Je remercie mes collègues hommes de présenter ce genre d’amendements.
Je ferai simplement deux remarques.
Au mois de janvier 2014, Marisol Touraine, ministre de la santé, a décidé la baisse du taux de TVA sur les préservatifs à 5,5 %, au nom de la lutte contre le VIH. C’était une très bonne chose ; nous l’avions souligné.
Il faut également le rappeler, l’annexe III de la directive européenne du 28 novembre 2006 permet un abaissement du taux de TVA sur les produits périodiques au taux réduit dont nous parlons aujourd'hui.
Notons également qu’une femme dépense, en moyenne, entre 1 500 euros et 2 000 euros par an pour ce genre de produits. L’adoption d’une telle mesure lui ferait gagner plus de 60 centimes d’euros par boîte de tampons hygiéniques.
Je terminerai sur une pointe d’humour, à l’instar de notre collègue Jean-Claude Requier. Mes chers collègues, je vous demande de voter cette disposition, qui vise à rétablir une égalité de TVA entre les produits pour les hommes et les produits pour les femmes, même si, vous l’avez bien compris, les usages ne sont pas les mêmes ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° I-177 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, je suis très heureuse de voir que cette cause a déjà été défendue par trois hommes.
La question de l’égalité avait été particulièrement mise en avant à l’Assemblée nationale. Je centrerai mon propos sur celle des produits de première nécessité.
Comme beaucoup de femmes, j’ai été assez surprise de ce débat. Je pensais que ces produits relevaient d’ores et déjà d’un taux de TVA réduit, comme d’ailleurs dans d’autres pays européens ; la directive européenne le permet. Le taux est de 0 % en Irlande ! Et il y a un taux réduit en Espagne et au Royaume-Uni. Je crois que sept ou huit pays ont d’ores et déjà suivi cette voie.
Je pourrais mettre en avant des arguments d’égalité et de santé publique. Ils ont été fort bien développés au sein de la commission des affaires sociales. Je m’intéresserai surtout au caractère de produits de première nécessité. Je le rappelle, les associations caritatives fournissent ces protections périodiques dans les kits qu’elles donnent aux femmes qu’elles reçoivent ou qu’elles visitent en prison.
Monsieur le secrétaire d’État, réparons un oubli historique ; ce ne serait que justice ! (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° I-277.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit d’un enjeu sérieux de santé publique. Je me félicite également que des messieurs aient porté une telle parole ; pour nous, c’est important.
Ce n’est pas une revendication catégorielle. La question touche profondément à l’égalité entre les hommes et les femmes. Cela a été rappelé, 15 millions de personnes utilisent ces produits, qui sont des produits de première nécessité. Abaisser le taux de TVA, ce serait vraiment permettre aux femmes les plus défavorisées, les plus en difficulté du point de vue de pouvoir d’achat, de pouvoir assumer correctement des périodes pas toujours agréables.
J’espère que la Haute Assemblée s’honorera en adoptant cette disposition.
Je considère que l’amendement n° I-341 est également défendu. Son champ d’application est plus large : il s’applique aux produits dédiés à l’incontinence, qui ne concernent pas seulement les femmes. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° I-323.
Mme Chantal Deseyne. M. Mézard a ouvert les débats. Tous les arguments ont été avancés.
Je veux simplement rappeler que l’amendement n° I-323 a été déposé sur l’initiative d’Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, et qu’il a été soutenu à l’unanimité par la commission.
Je ne rappellerai donc pas l’intérêt d’une telle disposition. Les produits concernés sont évidemment des produits de première nécessité. D’ailleurs, Mme la ministre de la santé s’est déclarée favorable à une telle proposition. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-128 rectifié bis est présenté par Mme Génisson, M. Antiste, Mmes Bataille et Blondin, M. Boulard, Mmes Campion, Cartron et Claireaux, M. Courteau, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny, Durain et Duran, Mmes Emery-Dumas et Guillemot, MM. Godefroy et Jeansannetas, Mmes Jourda et Khiari, M. Labazée, Mme Lepage, MM. Madrelle et Masseret, Mme Meunier, MM. Mohamed Soilihi et Raynal, Mme Riocreux, M. Roger, Mme Schillinger, MM. Tourenne et Yung et Mme Monier.
L'amendement n° I-207 rectifié est présenté par MM. Gabouty, Bonnecarrère, Cadic, Delcros, Delahaye, Luche, Cigolotti et Kern et Mme Goy-Chavent.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 1° du A de l’article 278-0 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les produits et matériels utilisés pour l’incontinence ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Delphine Bataille, pour présenter l’amendement n° I-128 rectifié bis.
Mme Delphine Bataille. Cet amendement vise à inclure les produits et matériels utilisés pour l'incontinence dans le champ du taux réduit de TVA de 5,5 %, ce qui permettrait de mieux respecter la dignité des personnes
L'incontinence est une affection très fréquente chez les personnes âgées, bien qu’elle touche également nombre de personnes beaucoup plus jeunes. Jusqu'à 30 % des personnes âgées vivant chez elles et jusqu'à 50 % de celles qui vivent en résidence pour personnes âgées en sont affectées. L'incontinence touche en général plus les femmes que les hommes.
Un taux réduit de TVA à 5,5 % sur les produits et matériels utilisés pour l'incontinence permettrait de respecter la dignité des personnes concernées, de préserver leur autonomie, de favoriser les liens sociaux, en permettant tout simplement la sortie du domicile, et de réduire la charge financière qui pèse sur le budget des ménages ou dans les établissements.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l’amendement n° I-207 rectifié.
M. Vincent Delahaye. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° I-208, présenté par MM. Gabouty, Bonnecarrère, Cadic, Delcros, Delahaye, Luche, Cigolotti et Kern et Mmes Goy-Chavent et Loisier, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 1° du A de l'article 278-0 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les couches pour nourrissons ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Il est également défendu.
M. le président. L'amendement n° I-341, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin, Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 1° du A de l’article 278-0 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les protections pour incontinence urinaire ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces onze amendements ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’interroge. J’ai entendu tous les arguments.
Il est vrai qu’il y a des bizarreries dans les taux de TVA. Tous les produits en question, qu’il s’agisse de l’hygiène féminine, des couches pour enfants ou des protections pour personnes âgées, sont, à l’évidence, des produits de première nécessité. On peut également se demander pourquoi le chocolat dit « de ménage » est au taux de 5,5 % et le chocolat au lait au taux de 20 %.
Le code général des impôts est parfois assez étonnant en la matière. On peut en effet juger que le caractère de première nécessité des produits d’hygiène féminine n’est pas contestable.
Néanmoins, deux aspects soulèvent des questions.
D’une part, l’adoption de ces amendements représenterait une perte de recettes d’environ 100 millions d’euros. L’heure n’est évidemment pas à « miter » la TVA avec des taux réduits, même si je reconnais qu’une telle proposition est tout à fait compatible avec le droit communautaire.
D’autre part, je m’interroge quant aux répercussions sur les prix. Dans la plupart des cas, on a affaire à des produits de grandes marques. En pratique, les groupes auront plus tendance à reconstituer leurs marges qu’à baisser leurs prix. Sur une boîte de protection féminine à quatre euros, la baisse de cinquante centimes ou soixante centimes sera-t-elle répercutée sur le prix ? Ne risque-t-on pas de voir des grands groupes parfois en position dominante, voire en situation de quasi-monopole améliorer leurs marges ?
Dans un contexte de faible concurrence d’un nombre limité de marques, l’État risque de voir ses recettes diminuer sans que l’on assiste pour autant à une baisse des prix à due concurrence.
C’est ma crainte. Souvenez-vous d’autres baisses du taux de TVA, qui n’ont jamais bénéficié au consommateur ! La commission est donc très réservée sur ces différents amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, tout ce que je dirai sera évidemment retenu contre moi ; j’en ai déjà mesuré les effets ! (Sourires.) Quelqu’un a dit que ce serait l’occasion pour moi de me « racheter »…
Si vous aviez assisté à la séance qui s’est tenue à l’Assemblée nationale – j’espère que vous avez au moins lu le compte rendu des débats –, vous porteriez peut-être un autre regard ; des caricatures ont été faites de mes propos. J’assume parfaitement mes déclarations, et je veux les expliquer ici.
Ce que j’ai indiqué à l’Assemblée nationale, c’est que l’amendement relatif aux protections périodiques annonçait une série d’amendements sur la TVA. D’ailleurs, c’est logique. Nous le voyons ici.
Mme Catherine Procaccia. L’Assemblée nationale et le Sénat, ce n’est pas pareil !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, je n’ai pas interrompu les orateurs quand ils s’exprimaient ; je souhaite que l’on fasse de même à mon égard !
J’ai peut-être tenu un propos qui a été mal compris ; certains pourront le qualifier de « maladroit ». J’ai donc signalé qu’une telle disposition préfigurait les amendements traditionnels, ceux que j’appelle souvent les « marronniers » de nos débats budgétaires et que je m’attendais à voir arriver. Je vous les cite de mémoire : le bois de chauffage, les tarifs d’entrée dans les zoos, les grottes et les parcs d’animation, les travaux de rénovation des bâtiments ou les appareils de régulation du chauffage. Je vois ressurgir ces sujets lors de l’examen de chaque projet de loi de finances. Je ne m’en plains pas ; c’est mon travail.
Certains ont estimé qu’il s’agissait, sur cette question tout à fait sérieuse, d’une comparaison déplacée. Quelques chroniqueurs ou chroniqueuses en ont fait des gorges chaudes, avec des rires qui m’ont paru un peu inconvenants de la part des messieurs présents dans le studio de radio auquel je pense. J’ose à peine imaginer les quolibets, pour le coup mérités, qui m’auraient été adressés si j’avais tenu ne serait-ce que le quart des propos diffusés sur les ondes. (M. Michel Bouvard applaudit.) Je vous passe les messages que j’ai reçus ; ils étaient d’une violence que vous ne soupçonnez pas.
Ainsi que j’ai eu l’occasion de le dire, j’ai une épouse et trois filles. Je sais donc ce que représentent les menstruations pour de jeunes adolescentes ou de jeunes femmes. Je sais comment tout cela peut être vécu. Je n’ai pas à m’y étendre, mais je n’ai pas non plus de leçons à recevoir. Ce n’est pas un sujet que je méprise.
J’ai signalé, comme M. le rapporteur général à l’instant, que nous sommes malheureusement tenus par des exigences budgétaires. Nous avons certaines contraintes qui pèsent. Je ne rouvrirai pas le débat politique sur les responsabilités des uns et des autres.
En tant que secrétaire d’État au budget, il est de mon devoir d’attirer l’attention sur les conséquences de la réouverture d’un débat sur la TVA. Si ma mémoire est bonne, le dernier remonte à la fin de l’année 2012. Je vous le rappelle, nous avons porté le taux maximal de 19,6 % à 20 % et travaillé sur la répartition des différents types de produits entre les trois principaux taux de TVA qui nous sont autorisés.
Je peux me tromper, mais l’expérience m’a enseigné une leçon. Bien souvent, quand on cède sur un point, on est assez vite entraîné, de proche en proche, à revenir sur d’autres, toujours dans le sens de l’assouplissement et de la diminution des recettes ; jamais dans l’autre sens !
C’est le signal que j’ai également envoyé à l’Assemblée nationale. J'ai constaté – ce n’est pas méprisant – que le sujet des produits d’hygiène féminine nous entraînait immédiatement, et légitimement, sur celui de l’incontinence.
M. François Bonhomme. Ce n’est pas vraiment du même ordre !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Les auteurs des amendements concernés ont avancé qu’il s’agissait de problématiques très proches, eu égard aux contraintes.
Je vous l’accorde, ce n’est pas un sujet sexué. Et encore ! Nous pourrions nous demander si cela touche plus spécifiquement les femmes ou les hommes.
Nous allons immanquablement dériver vers le taux de TVA sur les couches-culottes pour les enfants. Ce n’est pas encore arrivé, mais cela va venir… Et, de proche en proche, sans doute légitimement, nous serons amenés à revenir des réglementations sur la TVA et à remettre en cause ce qui a été voté voilà à peine deux ans. Évidemment, rien n’interdit de changer d’avis en fonction des évolutions de la société.
Ainsi que M. le rapporteur l’a rappelé, une telle modification du taux de TVA est autorisée par la réglementation européenne. Je ne l'ai d'ailleurs jamais nié. Il n’y a pas là d’incompatibilité, contrairement à d’autres propositions que nous examinerons ensuite.
Les produits de protection hygiénique féminine sont explicitement mentionnés dans l’annexe III de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA comme pouvant faire l’objet de taux réduits.
Par ailleurs, ainsi que cela a été souligné par certains d’entre vous, il n’y a pas de taxe spécifique. Simplement, ces produits, comme tous les produits d’hygiène, sont assujettis à un taux normal de TVA.
J’en profite pour indiquer que la notion de « produits de première nécessité » n’apparaît pas dans la directive européenne. Nous avons l’habitude de l’utiliser, en disant que les « produits de première nécessité » sont assujettis à un taux réduit de TVA.
En réalité, c’est une notion assez subjective. Quels biens et services devons-nous considérer comme étant véritablement de première nécessité, compte tenu des évolutions de notre société ? L’eau potable ? L’assainissement ? Les ordures ménagères ? L’électricité ? La téléphonie ?
M. François Bonhomme. Cela fait partie du débat !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Voilà qui peut donner lieu à des discussions légitimes.
Mais la directive est claire. Elle décline ligne à ligne les livraisons de biens et les prestations de services pouvant faire l’objet de taux réduits, et mentionne par exemple les denrées alimentaires ou le logement à caractère social. Il ne s’agit donc pas d’une taxe spécifique, même si c’est souvent présenté ainsi.
J’en viens au benchmarking. Mme Jouanno a affirmé que sept ou huit pays européens appliquaient des taux réduits sur les produits concernés. En réalité, il y en a seulement quatre : l’Espagne, à 10 %, l’Irlande, à 0 % pour des raisons historiques, les Pays-Bas, à 6 %, et le Royaume-Uni, à 5 %. Voici les chiffres des autres pays : l’Allemagne, 19 % ; l’Autriche, 20 % ; la Belgique, 21 % ; le Danemark, 25 % ; la Finlande, 24 % ; l’Italie, 22 % ; le Luxembourg, 17% ; la Suède, 25 %. C’est le relevé exact dont je dispose.
Cela ne veut pas dire que nous sommes obligés de faire pareil. Simplement, on ne peut pas invoquer un alignement sur une majorité de pays européens en défense de ces amendements ! La grande majorité de ces pays appliquent un taux normal sur les produits en question.
Nous le savons, la question de la répercussion d’une éventuelle réduction du taux de TVA sur le prix de vente est réelle. Nous ne nous étions pas concertés avec M. le rapporteur général, mais je n’ai rien à ajouter à ses propos. Cet argument avait d’ailleurs été mis en avant par une députée de l’opposition à l’Assemblée nationale, ce qui avait contribué à faire basculer le vote ; il était tard dans la nuit, et nous étions peu nombreux.
L’une des oratrices a parlé d’une dépense de 1 500 euros par an et par femme. C’est très éloigné de la réalité.
Mme Chantal Jouanno. C’est 1 500 euros sur l’ensemble d’une vie !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En effet, madame Jouanno.
Mais je laisse à chacun le soin de faire des calculs. Nous connaissons – pour ma part, c’est le cas depuis longtemps – le prix de ce type de produits.
Le sujet a largement animé les gazettes, ce qui m’a quelque peu contrarié, car beaucoup de choses fausses ont été dites ; certes, cela arrive quand on occupe des responsabilités comme les miennes.
Nous sommes conscients qu’il y a des différences ; cela a d’ailleurs été débattu dans le cadre de la loi Macron. Cette semaine, Mmes Pascale Boistard, Martine Pinville et moi-même avons eu un déjeuner de travail sur ce que l’on appelle l’économie « genrée » ou « sexuée ». Il y a des vélos pour fille et des vélos pour garçon ; on pourrait aussi parler de la couleur rose et de la couleur bleue. Tout cela a des effets économiques importants.
Mon cabinet avait rencontré les associations concernées ; je ne suis donc pas tombé de la chaise quand la question est apparue dans le débat public. Les associations soulignent que les rasoirs pour femmes sont généralement beaucoup plus chers que les rasoirs pour hommes.
Nous avons lancé deux études sur les différences des prix entre des services ou des biens identiques selon qu’ils sont destinés à des femmes ou des hommes. Les résultats seront bientôt rendus publics. Ils ne sont pas concluants : quand un particulier demande un devis, pour une voiture, pour de la serrurerie ou pour des travaux, il peut arriver que ce soit moins cher pour les femmes, ou inversement.
En revanche, nous nous sommes rendu compte que, pour des raisons de coût, mais aussi de marketing, les prix d’un certain nombre de produits destinés à l’un des deux sexes étaient volontairement surévalués par rapport aux prix des mêmes produits destinés à l’autre sexe. Mais c’est un problème de stratégie commerciale ; ce n’est donc pas de mon ressort.
Nous avons décidé d’approfondir cette enquête. Il y a aura des annonces, mais l’actualité du moment est, légitimement, dominée par d’autres sujets.
Ayant un peu d’expérience, j’ai bien compris le sort qui sera réservé à ces amendements. Je n’en suis ni offusqué ni contrarié. Il s’agit d’un vrai sujet. Mais, de proche en proche, de telles décisions risquent de nous entraîner vers des dépenses fiscales toujours plus importantes : d’abord, 55 millions d’euros pour les produits d’hygiène féminine, puis 50 millions d’euros pour l’incontinence et 120 millions d’euros pour les couches-culottes !
Certes, votre assemblée est souveraine. Mais, vous l’avez compris, le Gouvernement n’est pas très enthousiaste à l’adoption de ces amendements, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec du machisme ou une quelconque sous-estimation du problème. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Bouvard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas ici que vos propos seront caricaturés. Je trouve au contraire très positif que nous puissions débattre d’un tel problème et que des messieurs s’y intéressent. C’est la preuve d’un véritable progrès dans les discussions sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
Je pense néanmoins que nous devons nous défier des comparaisons, de part et d’autre. C’est nous qui avons évoqué le chocolat et vous qui avez parlé des couches-culottes.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout n’est pas à mettre sur le même plan.
Nous avons isolé deux produits : les produits d’hygiène féminine et les produits dédiés à l’incontinence. Il s’agit en effet de produits de première nécessité, qui touchent à la dignité humaine et, pour une part, à l’autonomie de la personne obligée de les utiliser. Ce ne sont pas toujours des produits de marque.
Je comprends les inquiétudes de M. le rapporteur général, qui pointe les « bizarreries » liées aux différents taux de TVA et craint que les firmes commerciales ne profitent d’une baisse du taux pour augmenter leurs marges.
Mais l’égalité entre les femmes et les hommes ne commence-t-elle pas aujourd’hui à être utilisée par les entreprises elles-mêmes comme un élément de publicité positive ? N’est-il pas possible de renverser le problème en pariant que la baisse du taux sera l’occasion pour les entreprises non d’une augmentation de leurs marges, mais d’une baisse de leurs prix en vue d’une publicité honorable ?
Les entreprises tirent aujourd’hui argument des actions qu’elles mènent en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, actions qui, vous vous en doutez, les rendent plus sympathiques à nos yeux.
Je vous invite donc à adopter ce dispositif. Je le dis avec fermeté, nous ne confondons pas tous les produits pour lesquels il serait possible de réclamer une réduction du taux de TVA.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Les attaques dont M. le secrétaire d’État a été victime m’ont choqué. Pour le connaître suffisamment, je trouve honteux les procès en discrimination de genre qui lui ont été intentés. Personne n’y a mêlé sa voix au sein du groupe écologiste du Sénat, qui est un groupe strictement paritaire.
Pour autant, nous ne partageons pas le point de vue de M. le secrétaire d’État, qui est dans son rôle lorsqu’il se préoccupe de limiter la dépense fiscale, sur les questions écologiques. On nous reproche souvent à nous, membres du groupe écologiste, de ne jamais proposer de nouvelles recettes. Or c’est faux ! Nous avons à plusieurs reprises fait voter le Sénat en ce sens. Et, cette année, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons une nouvelle fois proposé une mesure sur l’huile de palme.
En effet, cette huile, produite à l’étranger, n’est presque pas taxée, alors que les huiles végétales – je pense à l’huile d’olive, à l’huile de colza ou à l’huile de tournesol –, qui ont l’avantage d’être produites en France, sont surtaxées.
Nous avons besoin d’argent ? Commençons déjà par aligner les sous-taxes applicables à l’huile de palme sur celles des huiles végétales !
Vous le voyez, les écologistes sont capables de proposer des dispositions qui relèvent non de la simple sanction, mais de l’équité. J’aimerais que ce message soit de temps en temps entendu !
On peut discuter de la validité juridique de la notion de « produits de première nécessité ». Mais le problème n’est pas symbolique ; il est réel. Cela fait partie des choses qu’il faut comprendre dans la société.
Encore une fois, je prie M. le secrétaire d’État de ne voir là aucune attaque personnelle.
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.
M. Georges Labazée. Le débat se déroule de manière parfaitement sereine, sur toutes les travées.
Je reviendrai simplement sur le problème de l’incontinence. Le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement, texte dont je suis le corapporteur avec M. Roche et dont l’examen connaîtra son terme dans peu de temps, comporte un volet très important sur la prévention. Le financement s’appuiera en particulier sur la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA.
Les amendements déposés, en particulier ceux qui visent à réduire le taux de TVA applicable sur les produits de protection contre l’incontinence, s’inscrivent dans l’esprit du travail que nous avons mené dans ce cadre.
Par conséquent, même si nous comprenons parfaitement l’argumentation de M. le secrétaire d’État, nous maintenons nos amendements.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je m’interroge sur la réponse strictement budgétaire de M. le secrétaire d’État, même si elle peut s’entendre lors de l’examen d’un projet de loi de finances.
Jusqu’où irons-nous, nous demande-t-il, si nous commençons à élargir l’éventail des produits concernés par le taux réduit de TVA ? Ne risquons-nous pas de détruire la TVA à force de la « miter » ? Tous les membres de la commission des finances peuvent comprendre cette position.
Mais, d’un autre côté, un tel raisonnement pourrait aussi aboutir à interdire toute réflexion sur les taux réduits. Il suffit de prétexter une impossibilité pour raisons budgétaires pour ne plus rien faire ! D’ailleurs, c’est un peu ce que M. le rapporteur général a proposé face aux demandes, nombreuses et variées, à cet égard.
Il faudrait sans doute s’interroger sur l’équilibre global de la TVA. Examinons si des taux minorés sur certains produits ne pourraient pas être relevés, faute de quoi des propositions comme celles que nous examinons ce soir, dont chacun reconnaît la solidité des motifs, ne pourront jamais aboutir. Je suggère donc une réflexion d’ensemble, quitte à revoir à la hausse certains taux minorés par le passé pour pouvoir trouver des solutions applicables aux produits pour lesquels un taux réduit se justifierait plus.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je vous l’avoue, je suis un peu surprise du temps que nous consacrons à cette délibération, même s’il n’y a évidemment pas de petits débats. Dans la période actuelle, cela paraît surréaliste.
J’avais cosigné l’un des amendements en discussion. Néanmoins, je m’abstiendrai lors du vote. Je suis sensible aux arguments de M. le rapporteur général. À l’instar de notre collègue Claude Raynal, je considère qu’un toilettage des produits de première nécessité à taux réduit de TVA s’impose, quitte à examiner le cas du chocolat. (Sourires.) Il faudrait sans doute relever certains taux pour pouvoir en abaisser d’autres.
C’est peut-être à la recherche d’un équilibre général de la TVA que nous devrions plutôt consacrer notre temps et notre énergie !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je tiens à le préciser, nous ne sommes pas de ceux qui ont jeté l’opprobre sur M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous avez tout de même parlé d’occasion pour moi de me « racheter » !
M. François Bonhomme. Vous le savez, en France, un parti féministe, qui se voit en « parti du bien », connaît parfois certaines dérives et se comporte en véritable brigade des mœurs du langage !
Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, pour ne pas déformer votre parole, j’ai repris le texte de vos propos lors du débat à l’Assemblée nationale. Ma seule réserve de fond avec vous réside dans cette phrase que vous avez alors prononcée : « Je ne veux pas entrer dans le débat de l’égalité entre hommes et femmes ». À mon avis, ce qui est en cause aujourd’hui relève précisément du débat sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Il convient donc d’introduire cette notion dans nos échanges.
Par ailleurs, la discussion sur la liste des produits à taux réduit de TVA et la référence à d’autres sujets, comme les couches, ne doivent pas, me semble-t-il, nous empêcher de considérer le problème de fond. En l’occurrence, je crois qu’il y a eu un oubli très fâcheux sur une dépense relevant par nature des produits de nécessité, et non de confort, ainsi que de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Ne déplaçons pas le débat pour le diluer et ne plus prendre de décisions !
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Je pense qu’il faut trouver une solution.
J’ai été maire durant dix-sept ans. On parle des migrants, mais il y a aussi des femmes et jeunes filles en situation de précarité. Ce qu’elles demandent en premier, ce sont ces produits !
Le débat est important, car il touche aussi à la dignité. Aussi, avant d’aborder l’égalité entre les hommes et les femmes, il faudrait d’abord parler de dignité.
Monsieur le secrétaire d’État, je suis vraiment désolée des réactions dont vous avez fait l’objet. Je pense qu’elles tiennent en premier lieu aux réseaux sociaux et à leur fonctionnement.
Mme Annie Guillemot. D’ailleurs, le phénomène n’est pas spécifique au débat d’aujourd’hui.
J’y insiste : les produits d’hygiène féminine, avant de relever de l’égalité entre les hommes et les femmes, sont malheureusement d’abord des produits de première nécessité. Nous toutes, élues, travaillons dans des réseaux de femmes pour aider les jeunes filles et celles qui en ont besoin.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les interrogations de la commission quant à la répercussion sur les prix tiennent au fait que la différence serait inférieure à dix euros par an, de l’ordre peut-être de six ou sept euros par an. (Mme Annie Guillemot s’exclame.)
En revanche, le coût total pour les finances publiques dépasserait 220 millions d’euros.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Auparavant, vous parliez de 100 millions d’euros !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui, pour la réduction du taux de TVA sur les seuls produits de protection hygiénique féminine. Mais en additionnant les différentes propositions visées dans les amendements en discussion, on atteint 220 millions d’euros !
Pouvons-nous nous le permettre aujourd’hui, alors que nous n’avons aucune certitude quant à la répercussion sur les prix ? Je rappelle que nous sommes sur une loi de finances…
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-260.
(L'amendement est adopté.) – (Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3, et les amendements nos I-3, I-85 rectifié, I-127 rectifié, I-177 rectifié, I-277, I-323, I-128 rectifié bis, I-207 rectifié et I-341 n’ont plus d'objet.
Je mets aux voix l’amendement n° I-208.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° I-115 est présenté par M. Commeinhes.
L'amendement n° I-220 est présenté par MM. Gremillet, Raison et Pellevat et Mme Deromedi.
L'amendement n° I-293 est présenté par MM. Marseille, Guerriau, Luche, Gabouty, Canevet, Kern et Delcros.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le premier alinéa du B de l’article 278-0 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« B. – Les abonnements relatifs aux livraisons d’électricité d’une puissance maximale inférieure ou égale à 36 kilovoltampères, d’énergie calorifique, de froid et de gaz naturel combustible, distribués par réseaux, ainsi que la fourniture de chaleur et la fourniture de froid lorsqu’elles sont produites au moins à 50 % à partir des énergies mentionnées à l’article L. 211-2 du code de l’énergie, des déchets et d’énergie de récupération. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° I-115 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° I-220.
Mme Jacky Deromedi. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe l’objectif de multiplier par cinq la quantité de chaleur et de froid renouvelable et de récupération, distribuée par les réseaux de chaleur d’ici à 2030.
Bénéficient du taux réduit de 5,5 %, les abonnements relatifs aux livraisons d’électricité d’une puissance maximale inférieure ou égale à 36 kilovoltampères, d'énergie calorifique et de gaz naturel combustible, distribués par réseaux, ainsi que la fourniture de chaleur lorsqu’elle est produite au moins à 50 % à partir de la biomasse, de la géothermie, des déchets et d'énergie de récupération.
En revanche, les abonnements relatifs aux livraisons de froid distribué par réseaux ne sont pas concernés par le taux réduit. Il est pourtant peu équitable qu’un tel taux bénéficie à l’électricité, y compris quand elle est utilisée pour produire du froid, et non à la livraison de froid par un réseau, qui se fait dans des conditions d’efficacité et de sécurité sanitaire souvent bien meilleures.
Par conséquent, cet amendement vise à faire bénéficier du taux réduit de TVA de 5,5 % les abonnements relatifs aux livraisons de froid distribué par réseaux et la fourniture de froid lorsqu'elle est produite au moins à 50 % à partir d'énergies renouvelables.
Nous proposons également de préciser la notion d’énergies renouvelables, en renvoyant à l’article L. 211-2 du code de l’énergie, qui en établit la liste.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l'amendement n° I-293.
M. Michel Canevet. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Nous souhaitons préciser, à l’article 278-0 bis du code général des impôts, que les productions de froid puissent être éligibles au taux réduit de la TVA, à l’instar de toutes les installations électriques de 36 kilovoltampères et moins.
C’est aussi une mise en cohérence avec l’article L. 211-2 du code de l’énergie, afin que les diverses sources d’énergie renouvelable soient bien identifiées.
M. le président. L'amendement n° I-234, présenté par MM. Collin, Mézard, Requier, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa du B de l’article 278-0 bis du code général des impôts, les mots : « lorsqu’elle est produite » sont remplacés par les mots : « et de froid produits ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. La France s’est donné pour objectif d’atteindre 23 % d’énergies renouvelables dans sa consommation en 2020 et 32 % en 2030. Cela concerne l’ensemble des énergies renouvelables, qu’il s’agisse de la biomasse, de l’éolien terrestre et maritime, du solaire, de l’hydroélectricité, de la géothermie ou des énergies marines.
La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ouvre de nouveaux horizons à toutes les filières des énergies renouvelables. C’est un atout essentiel pour relancer la croissance des filières d’énergie renouvelable et des entreprises de ce secteur.
Dans ce contexte, notre tâche est de mettre en place des outils simples et suffisamment robustes pour encourager les investisseurs. C’est aussi le cas dans le domaine de la production de froid renouvelable.
Si l’humanité sait depuis longtemps produire de la chaleur pour ses activités, la production de froid est relativement récente à l’échelle historique.
Actuellement, les réseaux de chaleur qui fournissent plus de 50 % d’énergie d’origine renouvelable bénéficient d’un taux réduit de TVA sur la fourniture d’énergie, afin de soutenir le développement de production de chaleur renouvelable.
Ce périmètre devrait pouvoir être étendu à la fourniture de froid d’origine renouvelable qui s’effectue notamment grâce à la géothermie.
À titre d’exemple, le projet de loi de finances intègre déjà des mesures relatives aux bioénergies : exemption de la taxe intérieure de consommation, augmentation du fonds chaleur et du fonds déchets et maintien du crédit d’impôt pour la transition énergétique.
Nous proposons une mesure qui va dans le même sens. Elle est de nature à encourager la fiscalité écologique et à donner le bon signal à l’approche de la COP 21, alors qu’il faut mettre tous les moyens de notre côté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements ont sensiblement le même objet, avec une petite nuance pour le dernier. Ils visent à appliquer le taux réduit de TVA de 5,5 % aux abonnements relatifs aux livraisons de froid distribué par des réseaux, comme cela se fait pour les réseaux de chaleur. Sur le fond, il n’y a pas d’opposition de principe.
Toutefois, il semblerait qu’un problème communautaire se pose : l’article 102 de la directive TVA – le sujet est totalement différent de celui des amendements précédents – ne permet l’application du taux réduit qu’aux fournitures de gaz naturel, d’électricité et de chauffage urbain. La fourniture de froid n’est donc pas visée.
Compte tenu du risque d’incompatibilité avec la directive TVA, qui paraît avéré, la commission sollicite le retrait de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Certains ont, à juste titre, souligné qu’il pouvait y avoir des anomalies dans le droit actuel en matière de TVA.
M. Raynal a raison : invoquer systématiquement des décisions prises voilà deux ans pour ne pas bouger aujourd’hui conduirait à ne plus rien faire.
Néanmoins, nous avons des premières discussions avec la Commission européenne, qui recueille les avis des différents pays, dont la France. Le commissaire européen concerné doit formuler des propositions au début de l’année prochaine, en vue d’une évolution de l’annexe III et de certaines autres dispositions relatives à la TVA, pour aboutir à la fin de l’année 2016 ou au début de l’année 2017.
La TVA sur la presse en ligne, dont nous allons reparler, fait partie des sujets sur la table. Mais il y a aussi d’autres points qui sont connus comme pouvant susciter des difficultés. Les discussions devraient déboucher sur une nouvelle rédaction des textes en vigueur.
Je confirme les propos de M. le rapporteur général. Les produits visés dans ces amendements ne figurent pas dans la liste. L’adoption de ces amendements nous placerait donc en contradiction avec le droit communautaire. C’est pourquoi le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. Madame Deromedi, l'amendement n° I-220 est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-220 est retiré.
Monsieur Canevet, l'amendement n° I-293 est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-293 est retiré.
Qu’en est-il de l'amendement n° I-234, monsieur Arnell ?
M. Guillaume Arnell. Il est aussi retiré.
M. le président. L'amendement n° I-234 est retiré.
L'amendement n° I-231, présenté par MM. Requier, Mézard, Collin, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La première phrase du C de l’article 278-0 bis du code général des impôts est complétée par les mots : « ainsi que les établissements de santé ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement tend, dans le domaine de l’hébergement et de la restauration collective, à étendre le taux de TVA réduit à 5,5 % appliqué dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, aux établissements hospitaliers, où le taux est actuellement de 10 %.
En effet, par le type de personnels et le mode de préparation, la restauration en milieu hospitalier est plus proche de la restauration dans les établissements médico-sociaux que de la restauration d’entreprise.
Un tel alignement serait également une simplification administrative pour les organismes chargés de ces établissements, qui comprennent souvent des établissements hospitaliers et médico-sociaux sur le même site.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est déjà satisfait par le droit existant. Il y a deux cas. D’une part, pour les EHPAD, le taux est déjà de 5,5 %. D’autre part, pour les hôpitaux ou cliniques, si l’activité est directement liée à l’activité de soins, la fourniture de logement et de nourriture est exonérée de TVA.
Je ne vois donc pas bien l’objet de cet amendement. S’agit-il de prestations annexes, comme la location de téléviseurs ? Quoi qu’il en soit, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° I-231 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-231 est retiré.
L'amendement n° I-269, présenté par MM. Collin et Vall, Mmes Malherbe et Laborde et MM. Guérini, Fortassin, Esnol, Castelli, Bertrand, Arnell, Amiel, Requier et Mézard, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au D de l’article 278-0 bis du code général des impôts, après le mot : « travail », sont insérés les mots : « ou autorisés en application de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Le présent amendement s’inscrit dans la même démarche que l’amendement n° I-268 rectifié, présenté après l’article 2. Il vise à garantir la stabilité juridique du régime fiscal des services à la personne.
Il s’agit d’adapter ce régime au changement de statut juridique des services à la personne, introduit dans le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le début de l’année 2016.
Afin que les organismes, entreprises ou associations, qui sont actuellement agréés et qui basculeront demain dans le champ de l’autorisation, ne perdent pas le bénéfice de l’application du taux réduit de TVA à 5,5 %, nous proposons de modifier les dispositions du code général des impôts en conséquence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’objet de l’amendement fait expressément référence à l’article 32 bis du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.
Comme je l’ai souligné ce matin à propos d’autres amendements, il n’est pas possible d’appliquer par anticipation une loi qui n’est pas encore promulguée. À ce stade, un tel amendement paraît prématuré. La commission en demande donc le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Arnell, l'amendement n° I-269 est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-269 est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° I-108 rectifié bis est présenté par MM. Mandelli, Morisset, Vaspart et Grosdidier, Mme Garriaud-Maylam, MM. de Nicolaÿ, Raison et Perrin, Mme Micouleau, M. Pellevat, Mme Imbert, MM. G. Bailly et Revet, Mme Deroche, MM. Trillard et Chaize, Mme Cayeux, MM. del Picchia, B. Fournier, Lefèvre et Gremillet et Mme Morhet-Richaud.
L'amendement n° I-130 rectifié ter est présenté par MM. Husson et Savin, Mme Primas, M. Milon, Mme Des Esgaulx, MM. D. Laurent et Bignon, Mme Canayer, MM. Falco, Vasselle, César, Kennel, P. Leroy et Grand, Mme Deromedi, MM. Gournac, Chatillon et Pierre et Mme Keller.
L'amendement n° I-241 rectifié est présenté par MM. Mézard, Requier, Collin, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall.
L'amendement n° I-365 est présenté par MM. Kern et Détraigne, Mme Billon, MM. Gabouty et Cigolotti, Mme Loisier, MM. Marseille, Bonnecarrère, Longeot et Delcros, Mme Goy-Chavent et M. Médevielle.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 278-0 bis est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets mentionnés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, portant sur des matériaux ayant fait l’objet d’un contrat conclu entre une commune ou un établissement public de coopération intercommunale et un organisme ou une entreprise agréé au titre de l’article L. 541-2 du code de l’environnement. » ;
2° Le h de l’article 279 est abrogé.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour présenter l'amendement n° I-108 rectifié bis.
M. Jean-Marie Morisset. Cet amendement vise à faire baisser le taux de TVA applicable aux prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets à 5,5 %. Cette disposition fait partie des mesures principales proposées par le comité pour la fiscalité écologique.
Depuis la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, ces prestations sont soumises au taux de TVA intermédiaire de 10 %, alors qu’elles étaient antérieurement soumises au taux de 5,5 %.
Cette augmentation de taux avait été décidée pour financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. S’il est difficile d’apprécier concrètement les apports du CICE en matière d’emploi, il est en revanche manifeste que l’augmentation du taux de TVA, porté de 5,5 % à 10 %, pèse lourdement sur le budget des collectivités et donc sur les impôts locaux des contribuables.
Cette augmentation du taux a provoqué une variation de 150 millions d’euros à 200 millions d’euros par an de pouvoir d’achat pour les Français.
Nous l’avons souligné à plusieurs reprises, le taux de 5,5 % a vocation à s’appliquer aux biens et services de première nécessité. Or l’Organisation mondiale de la santé définit les services de première nécessité en tant que « services et programmes […] fournissant à l’ensemble de la population l’énergie, les systèmes d’assainissement, l’eau et autres services essentiels pour les consommateurs des zones résidentielles et commerciales ». La compétence locale de collecte et de traitement des déchets s’est historiquement développée au titre de la salubrité publique et constitue donc une première nécessité éligible au taux réduit de 5,5 %.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour présenter l'amendement n° I-130 rectifié ter.
M. Jean-François Husson. Nous sommes un certain nombre à avoir déposé ici des amendements identiques. C’est la preuve qu’il s'agit non pas de ressortir des « marronniers », pour reprendre les termes de M. le secrétaire d’État, mais bien de s’interroger collectivement sur de véritables problématiques.
Nous défendons cette proposition dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, à l’heure où la France est sur le point d’accueillir un grand rassemblement planétaire autour de la Conférence des parties. Finalement, nous nous inscrivons dans le temps de la réflexion et du questionnement.
Les hausses de TVA concernant les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets ont été décidées par les différents gouvernements successifs. La hausse de 5,5 % à 7 % a été décidée par une autre majorité. Mais, faire passer la TVA sur ce type d’activité de 7 % à 10 %, soit une hausse de près de 50 %, alors que nous sommes tous préoccupés par le pouvoir d’achat des Français, ce n’est pas tout à fait innocent !
Quel que soit le mode opératoire, qu’il s’agisse d’une délégation de service public, d’une régie, une telle augmentation sera à la charge des collectivités. Du point de vue des préoccupations écologiques, c’est un mauvais signal. Cette hausse ira notamment à l’encontre de tous les efforts réalisés pour mettre au point une fiscalité écologique contributive, positive pour l’économie, et non punitive.
Dans le même temps, le Gouvernement décide des efforts en termes de prévention des déchets ! Le message est pour le moins brouillé. Les Français ont un peu de mal à s’y retrouver.
Il serait bon que les gouvernants, quels qu’ils soient, puissent revenir sur de mauvaises décisions ; je prends l’exemple des maisons de l’emploi, dans le présent projet de loi de finances. Aujourd’hui, le Gouvernement se voit offrir l’occasion de replacer l’écologie dans la bonne dynamique, au service du développement et de l’économie de nos territoires. Il serait également souhaitable d’envoyer un message positif en direction de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° I-241 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Mes deux collègues ont excellemment défendu cet amendement. Je me glisse donc dans leur sillage. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l'amendement n° I-365.
M. Jean-François Longeot. Le code général des collectivités territoriales prévoit que la salubrité est l’un des objectifs importants et classiques des pouvoirs de police administrative du maire.
À ce titre, la collecte, le tri et le traitement des déchets sont un enjeu majeur pour assurer la propreté de nos villes et garantir la santé de nos concitoyens. La réduction du taux de TVA à 5,5 % revêt une importance fondamentale. La hausse de la TVA en 2014 s’est lourdement fait sentir sur les budgets des collectivités et, par conséquent, sur les impôts locaux des habitants.
L’application du taux de 10 % a fait doubler le poids de la TVA en deux ans, avec des conséquences directes sur le pouvoir d’achat des Français, à hauteur de 150 millions à 200 millions d’euros par an.
M. le président. L'amendement n° I-366, présenté par MM. Kern et Détraigne, Mme Billon, MM. Gabouty et Cigolotti, Mme Loisier, MM. Marseille, Bonnecarrère, Longeot et Delcros, Mme Goy-Chavent et M. Médevielle, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 278-0 bis est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Les prestations de prévention, de collecte séparée, de transfert ou de valorisation organique ou matière des déchets mentionnés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, portant sur des matériaux ayant fait l'objet d'un contrat conclu entre une commune ou un établissement public de coopération intercommunale et un organisme ou une entreprise agréée au titre de l'article L. 541-2 du code de l'environnement. » ;
2° Le h de l’article 279 est abrogé.
II. - La perte de recettes pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement s’inscrit exactement dans la même logique que les amendements précédents. Il vise le même secteur et le même besoin.
Nous proposons d’introduire un taux de TVA réduit à 5,5 % pour les prestations de gestion des déchets portant sur les matériaux faisant notamment l’objet d’actions de prévention, de réutilisation, de collecte sélective, de transfert ou de valorisation organique ou matières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tous ces amendements ont le même objet : le taux de TVA de la collecte, du tri et du traitement des ordures ménagères. Jusqu’à la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, ces activités étaient soumises à un taux réduit de 5,5 %, qui a ensuite été remonté à 10 %. J’ignore si cela a été une erreur.
Quoi qu’il en soit, nous sommes aujourd'hui dans un débat budgétaire. Il est donc utile de rappeler que le coût de telles dispositions irait de 100 millions d’euros à 200 millions d’euros. Nous avons eu le même débat tout à l’heure. En acceptant la totalité des amendements relatifs à la TVA, nous dépasserions rapidement le milliard d’euros !
Une erreur a peut-être été commise dans le passé. Mais la commission des finances, soucieuse de l’équilibre des finances publiques, préfère ne pas revenir sur cette hausse de TVA. Elle n’est pas favorable à un retour au taux de 5,5 %. Restons au taux intermédiaire de 10 %, qui est déjà un taux réduit.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements, pour des raisons budgétaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On peut dresser l’historique des mesures votées par les uns et par les autres sur la TVA. Par exemple, sur l’eau et l’assainissement, des pas ont été effectués par la majorité précédente…
Permettez-moi de livrer deux réflexions.
Premièrement, comme l’a souligné M. le rapporteur général, le coût de ces amendements oscillerait entre 100 millions d’euros et 200 millions d’euros, selon leur périmètre.
Deuxièmement, mesdames, messieurs les sénateurs de la droite de l’hémicycle, vous avez souvent déclaré que vous n’auriez jamais mis en place le CICE et que vous auriez plutôt opté pour la TVA sociale. Or vous affirmez à présent que la TVA pèse sur le pouvoir d’achat des Français ou des collectivités. En général, la TVA est payée par le consommateur final, sauf si l’intermédiaire décide de prendre sur ses « marges ». Quoi qu’il en soit, il faut choisir : soit vous défendez une baisse de TVA, soit vous prônez la mise en place de la TVA sociale, que nous n’avons pas souhaitée. Mais ne faites pas les deux en même temps ! Vous êtes en contradiction totale !
En tout état de cause, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. Monsieur Morisset, l'amendement n° I-108 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Morisset. Oui, monsieur le président.
Je précise à M. le secrétaire d'État que le débat ne porte pas sur la TVA sociale. Je pars d’une réalité concrète : les présidents de certaines collectivités, qui gèrent des structures de ce type, ont vu que le coût de la facture de traitement des déchets avait augmenté. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.
M. le président. Monsieur Husson, l'amendement n° I-130 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-François Husson. Absolument !
M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° I-241 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui !
M. le président. Monsieur Longeot, les amendements nos I-365 et I-366 sont-ils maintenus ?
M. Jean-François Longeot. Tout à fait, monsieur le président.
J’ai bien entendu les propos de M. le secrétaire d’État. Mais il est facile de reporter les charges sur les collectivités et de les accuser ensuite de pratiquer une fiscalité élevée !
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je ne voterai pas ces amendements, tout comme je n’ai voté l’amendement précédent.
Au-delà de la consolidation budgétaire, qui est un aspect très important dans la période où nous nous trouvons, et du coût de telles dispositions, qui a été rappelé à la fois par M. le rapporteur général et par M. le secrétaire d’État, il me semble que l’on ne peut plus aborder les sujets de fiscalité par segments. Il faut impérativement avoir une approche d’ensemble.
En matière de fiscalité écologique, il y a, d’un côté, la dépense fiscale et, de l’autre, le coût budgétaire. La dépense fiscale environnementale cavale. Certes, elle a une utilité qu’il ne s’agit pas de remettre en cause. Mais il est aussi important d’avoir cette consolidation.
On ne peut pas traiter des bribes de dossier. Nous l’avons vu à propos de la TVA à taux réduit tout à l’heure. Il est important de tout remettre à plat et d’opérer des clarifications. À force de traiter les problèmes par petits morceaux, de manière parcellaire et atomisée, on aboutira à des résultats calamiteux en matière budgétaire !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je partage tout à fait le sentiment qui vient d’être exprimé. On a l’impression qu’il manque une boussole ! Chacun présente ses amendements sur tel ou tel sujet, sans limite et sans fil directeur pour nous guider. Mais là n’est pas l’objet du débat.
Outre les arguments qui ont déjà été avancés, je souligne que les secteurs visés par ces amendements bénéficient très largement du CICE, dans la mesure où il s’agit en grande partie d’industries de main-d’œuvre.
Le CICE s’applique particulièrement aux secteurs des déchets et de l’eau, qui sont donc ainsi avantagés ; ils n’ont pas besoin, au surplus, d’une réduction de TVA.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. L’application de la TVA à 5,5 % dans ces secteurs est une demande très ancienne. Nous l’avions formulée lors de la modification du taux.
Démonstration est faite ici que le CICE n’a pas forcément eu des effets positifs sur un certain nombre d’activités ; nous aurons peut-être l’occasion d’en reparler. On ne voit pas plus les résultats de ce dispositif en termes d’emplois. Or les commanditaires de la gestion des déchets que sont les collectivités territoriales n’ont pas de retour de la part de ces grosses sociétés ; comme vient de le souligner Richard Yung, il ne s’agit pas de petites entreprises, sauf dans le cas de régies.
Une fois de plus, le budget national fait bénéficier les entreprises du CICE. Je vous rappelle que le dispositif coûtera environ 18 milliards d’euros pour l’année 2016. Dans le même temps, ce sont 3,7 milliards d’euros en moins pour les collectivités ! Le système a donc des effets pervers.
Cela étant, ce n’est pas la modification du taux de TVA qui permettra de régler le problème.
Pour notre part, nous nous abstiendrons sur ces amendements. Mais je crois qu’il faudra analyser l’utilisation et les conséquences du CICE de manière plus approfondie.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. J’entends bien les questions qui viennent d’être soulevées sur la fiscalité. Mais si on suit ce type de raisonnement, ce n’est jamais le bon moment !
Il ne faut pas prendre le problème par le petit bout de la lorgnette. La dotation globale de fonctionnement, la DGF, a beau ne représenter qu’une partie de la fiscalité, c’est tout de même un « gros morceau » pour les collectivités, même si ce n’est pas le seul. Voilà deux ans, Jean-Marc Ayrault nous annonçait l’ouverture d’un débat sur la fiscalité locale. Or ce débat n’a même pas été entrouvert !
J’ai entendu les propos de Mme Beaufils. Je suis également très attentif sur le sujet. La gestion des déchets est très souvent assumée par les collectivités locales, quel que soit le mode d’organisation choisi : soit il y a un délégataire, que l’on peut contrôler, et on doit le faire, soit il s’agit d’une régie.
On connaît alors l’effet rebond. Lorsque le coût augmente, il faut parvenir à « serrer » le budget de fonctionnement, par exemple en adoptant une organisation différente, soit on répercute la hausse. On peut aussi utiliser les contributions des éco-organismes, puisque tous les efforts qui sont effectués permettent de produire des recettes nouvelles. On peut également compter sur la politique de prévention des déchets et la valorisation énergétique ou matière.
Par ailleurs, et c’est heureux, il y a l’économie « verte », qui consiste à transformer certains déchets en matériaux.
Tout cela, c’est de la recherche, de l’innovation, donc de la production de richesses !
Si nous résolvons cette équation, et nous l’avons déjà fait, que ce soit avec des partenaires privés ou grâce à l’initiative publique, les contributions nouvelles nous permettront de faire tourner la machine économique, au service de la richesse du territoire et de la France.
Pour ma part, je préfère cette économie vertueuse à celle qui consiste trop souvent à prendre l’argent dans la poche du contribuable !
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Comme Jean-François Husson vient de le dire à juste titre, c’est bien l’absence d’annonce sur une évolution de la TVA qui nous amène à proposer des modifications, afin de tenir compte des enjeux auxquels notre pays doit faire face.
En la circonstance, il s’agit de développer l’économie circulaire, c’est-à-dire tout ce qui concerne la valorisation des déchets, afin que cette activité soit localisée dans notre pays plutôt qu’à l’étranger. C’est extrêmement important ! Pour y parvenir, nous devons nous doter des outils fiscaux adéquats.
D’une manière plus générale, il nous faudra clairement augmenter les taux de TVA, non pas pour le plaisir de le faire, mais tout simplement pour financer la protection sociale de notre pays !
Il n’est pas possible de continuer à financer la protection sociale avec le seul produit du travail ! Alors que l’économie est mondialisée, il me paraît légitime que les produits en provenance de l’étranger y contribuent également.
Il faudra bien avoir ce débat ! Et il est urgent de l’ouvrir pour le secteur primaire, bien plus confronté que d’autres à la concurrence internationale. Je pense en particulier à la pêche et à l’agriculture.
Il est urgent que nous avancions en la matière, afin que nos agriculteurs puissent continuer à vivre de leur activité. Aujourd’hui, ils ne parviennent plus à joindre les deux bouts : leurs produits ne sont pas suffisamment valorisés face à la concurrence des pays étrangers à faibles coûts de production.
Il y a là un enjeu important pour l’économie de notre pays. Il faut donc faire très rapidement passer le taux de TVA à 25 % dans ce secteur. Cela permettra de dégager cinq points, soit 40 milliards d’euros, et de faire baisser les charges sociales à due concurrence. Nos entreprises seront ainsi beaucoup plus compétitives et notre balance commerciale redeviendra enfin positive.
Ce ne sont pas les mesures prises jusqu’à présent par le Gouvernement qui permettront d’aboutir à un tel résultat. Il faut donc très clairement changer de cap en adoptant un dispositif permettant d’accompagner les entrepreneurs et de soutenir le développement de l’économie française.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. C’est un débat important. Nous sommes sur un texte budgétaire. Nous voyons bien que la réduction du taux de TVA représentera toujours un manque à gagner. Mais le problème du pouvoir d’achat se pose également.
Je fais partie des défenseurs du tri sélectif, dont nous savons qu’il a un coût en termes de transports, de collecte et de tri proprement dit. Ce sont des gestes écocitoyens. Cela a évidemment des répercussions.
Pour les particuliers, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères est également un vrai sujet. Dans ce domaine, les disparités sont criantes.
Je m’associe à M. le rapporteur général et à certains de mes collègues pour défendre le maintien des taux actuels. Nous avons déjà du mal à boucler ce projet de budget. Or la TVA, qui représente 195 milliards d’euros, constitue tout de même la première recette de l’État. Si nous commençons à réduire les taux, toutes les recettes vont fondre comme neige au soleil. En matière budgétaire, il faut avoir une certaine rigueur.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. J’ai trouvé l’intervention de Michel Canevet un peu surréaliste. Nous venons d’apprendre l’existence d’un projet, dont il n’était pas question voilà quelques années, d’augmentation de cinq points de la TVA. C’est une information qu’il faut partager !
Ce que je trouve effectivement surréaliste, c’est de parler de diminution et de taux réduit de TVA quand on s’apprête à procéder à une augmentation de cinq points ! Comme M. le secrétaire d’État l’a souligné, on ne peut pas jouer sur les deux tableaux.
Tournons donc rapidement la page du débat sur la baisse de la TVA !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Certains des arguments invoqués sont de nature à me toucher en tant qu’écologiste.
Cependant, faisons attention à ne pas favoriser la production de déchets en baissant la TVA.
Avec l’Allemagne, la France est l’un des plus gros producteurs de déchets en Europe. Elle est aussi le pays qui en incinère le plus et qui retraite le moins. La TVA devrait donc être modulée plus finement qu’au travers de ces amendements, afin de pouvoir distinguer les traitements réellement écologiques des autres. Par exemple, le taux devrait être diminué pour le traitement des biodéchets par compostage et augmenté pour l’incinération.
Par conséquent, mon groupe ne votera pas ces amendements. (M. Jean-François Husson s’exclame.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-108 rectifié bis, I-130 rectifié ter, I-241 rectifié et I-365.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-275 est présenté par M. Lorgeoux, Mme Riocreux et M. Sueur.
L’amendement n° I-398 est présenté par Mme Gourault, MM. Delcros, Bas et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 278-0 bis du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les droits d’entrée dans les parcs zoologiques. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° I-275 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l’amendement n° I-398.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement vise à rétablir le taux réduit de TVA pour les droits d’entrée des parcs zoologiques, qui était en vigueur depuis 1972, en raison de la spécificité des missions de ces établissements : la préservation de la biodiversité et l’éducation environnementale du public.
Les missions des zoos se distinguent de celles des musées et des parcs d’attractions. Elles se situent clairement dans la catégorie des activités d’intérêt général.
La restauration du taux réduit de 5,5 % est également justifiée par la nature de l’activité des parcs zoologiques, qui est une « activité agricole proche du spectacle vivant » visant à présenter la biodiversité à des fins pédagogiques et scientifiques.
Ces parcs exercent a fortiori une activité soumise par les règles communautaires et françaises à l’obligation spécifique d’assurer des missions d’intérêt général coûteuses sans aucune contrepartie financière. L’arrêté ministériel du 25 mars 2004, reprenant la directive européenne « zoo », impose ainsi aux parcs zoologiques trois principales missions d’intérêt général.
J’ajoute que, lors d’une récente visite au ZooParc de Beauval, dans le Loir-et-Cher, le Président de la République s’est engagé auprès des propriétaires à favoriser une telle baisse de TVA. Il serait normal que le Gouvernement se préoccupe de l’application des promesses et engagements du Président de la République.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons déjà eu ce débat l’année dernière.
Les parcs zoologiques assument des missions spécifiques. Elles viennent d’être évoquées par Vincent Delahaye. Ces établissements bénéficient à ce titre d’un taux de TVA de 10 %, comme les musées, les grottes, les parcs d’attractions.
Toutefois, en regardant en détail, on peut aussi considérer que les musées assument une mission d’intérêt général : la conservation des œuvres d’art. On risque ainsi d’ouvrir d’autres débats.
Fixer à 5,5 % le taux de TVA pour les parcs zoologiques à 5,5 % aboutirait non seulement à instaurer une inégalité de traitement entre ces différents établissements, mais également à faire perdre des recettes aux parcs d’attractions, qui emploient, eux aussi, une main-d’œuvre nombreuse, ou aux musées, qui assument, eux aussi, une mission de conservation. Je pourrais aussi évoquer les grottes…
Une telle différence de traitement ne paraît pas justifiée. Bien entendu, la préservation des pandas est une activité très sympathique, et le ZooParc de Beauval est un établissement remarquable ! (Sourires.)
Au zoo du Jardin des Plantes, le tarif d’entrée est compris entre neuf et douze euros. Le prix du billet diminuerait seulement de quarante-cinq centimes, tandis que la perte de recettes pour l’État serait importante.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je rejoins M. rapporteur général. Je suis pour la stabilité des taux de TVA.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Delahaye, l'amendement n° I-398 est-il maintenu ?
M. Vincent Delahaye. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-233, présenté par MM. Collin, Mézard, Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Vall et Collombat, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 278-0 bis est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« K – Le bois de chauffage. » ;
2° Le a du 3° bis de l’article 278 bis est abrogé ;
3° Au dernier alinéa du 2° du 1 du I de l’article 297, les références : « E à H » sont remplacées par les références : « E à K ».
II. – Le I s’applique aux opérations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est exigible à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. J’ai bien compris les arguments de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d'État sur les conséquences de l’extension des taux réduits de TVA.
Cependant, par respect pour les cosignataires, je vais présenter cet amendement comme un amendement d’appel, en sachant par avance le sort qui lui sera réservé.
Le chauffage au bois domestique est une forme d’énergie renouvelable à faible coût pour le consommateur. Il représente pour les ménages français une occasion de réduire leur facture énergétique et une solution pour lutter contre la précarité énergétique. Or le taux de TVA à 10 %, qui est appliqué depuis le début de l’année 2014, ne permet pas de remplir les objectifs de justice sociale.
En 2013, le bois de bûche commercialisé par les professionnels ne représentait que 15 % de la consommation totale de bois de chauffage, le reste, soit 85 %, provenant du commerce informel issu des boisements appartenant à des particuliers.
Le relèvement prévu du taux de TVA applicable au bois de chauffage de 7 % à 10 % représente une hausse annuelle d’environ deux euros par stère de bois bûche ou sept euros par tonne de granulés par ménage. Un ménage se chauffant au bois consomme en moyenne quatre à six stères de bois par an et deux tonnes de granulés dans l’année.
Cette hausse de fiscalité oriente de plus en plus les consommateurs vers des vendeurs de bois non-professionnels, réduisant ainsi d’autant la proportion de bois bûche répondant à des chartes de qualité telles que les normes « NF Biocombustibles solides », « France Bois Bûche : des entreprises qui s’engagent » ou « ONF Énergie Bois ». Le renforcement de la professionnalisation des métiers du bois de chauffage est en train de pâtir gravement du taux de TVA à 10 %. Il est donc proposé de ramener ce taux à 5,5 %.
Notre amendement est évidemment un amendement d’alerte ; la nouvelle filière met en péril ceux qui cherchent à respecter les normes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le taux de TVA applicable au bois de chauffage, qui était de 5,5 %, a effectivement été porté à 10 % en 2014.
Notre collègue indique que son amendement est un amendement d’appel visant à attirer l’attention sur le développement de filières non professionnelles. C’est bien ainsi que je l’interprète.
Il faut remarquer que le bois de chauffage est taxé au taux de 10 %, contrairement aux autres énergies. Il ne paraîtrait pas justifié d’introduire un taux de 5,5 %, notamment au regard de la perte de recettes qui en résulterait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Arnell, l'amendement n° I-233 est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Non, je le retire, monsieur le président. Mais je voulais attirer l’attention de nos collègues sur cette problématique.
M. le président. L'amendement n° I-233 est retiré.
L'amendement n° I-242, présenté par MM. Mézard, Requier, Collin, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 278-0 bis est complété par un K ainsi rédigé :
« K. – Les transports scolaires et les transports à la demande. » ;
2° Le b quater de l’article 279 est complété par les mots : « à l’exclusion des transports scolaires et des transports à la demande, qui relèvent du taux prévu à l’article 278-0 bis » ;
3° Au dernier alinéa du 2° du 1 du I de l’article 297, la référence : « K » est remplacée par la référence : « I ».
II. – Le I s’applique aux opérations dont le fait générateur intervient à compter de la publication de la présente loi.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à aligner le taux de TVA qui s'applique aux transports scolaires et aux transports à la demande pour les personnes à mobilité réduite sur celui des produits de première nécessité, c’est-à-dire 5,5 %.
Il s’agit, notamment, de favoriser le pouvoir d’achat de nos concitoyens et de compenser les difficultés financières des collectivités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les transports bénéficient d’un taux réduit, à 10 %. Il ne me paraît pas opportun de le ramener à 5,5 %.
En plus, comme vous le savez, il est possible de récupérer la TVA ; je vous renvoie au régime des autorités régulatrices de transports.
Le dispositif proposé serait coûteux. On peut multiplier les débats sur les taux de TVA, mais l’addition risquerait d’être lourde pour nos finances publiques.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Avis défavorable sur cet amendement à un milliard d’euros ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° I-242 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, je le maintiens.
M. le président. L'amendement n° I-84 rectifié, présenté par M. Bonhomme, Mmes Garriaud-Maylam, Deromedi, Deroche et Gruny et MM. Vasselle, Mouiller, Cambon, Masclet, Pellevat, G. Bailly, Chaize, Bouchet, Lefèvre, Mandelli et César, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3° du A de l’article 278-0 bis du code général des impôts est complété par les mots : « , sauf si le ou les fichiers comportent des mesures techniques de protection, au sens de l’article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle ou s’il ne sont pas dans un format de données ouvert, au sens de l’article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ».
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Une fois n’est pas coutume, cet amendement ne vise pas à baisser le taux de TVA, et son adoption ne créerait de charge supplémentaire pour le budget de l’État. (Exclamations amusées.) Au contraire ! Il s’agit même d’augmenter le taux qui s’applique actuellement sur les livres numériques.
Aujourd'hui, les clients d’Amazon, d’Apple ou de Google pensent, souvent de bonne foi, acheter des livres numériques sur les sites de ces opérateurs. Or il n’en est rien. En réalité, ils achètent une licence de lecture qui est très limitée, puisqu'elle est protégée par un Digital Rights Management, ou DRM, sorte de verrouillage numérique des fichiers, ce qui empêche de transmettre le livre ou de le conserver au-delà d’une certaine durée. S’ils changent de système de lecture, ils ne peuvent plus y accéder. Il s’agit donc, la plupart du temps, de l’achat non pas d’un produit, mais d’un service dont l’usage est de fait très limité. Or ces services sont taxés à 20 %.
Je vous propose donc d’instaurer une distinction entre, d’une part, le livre papier, en y incluant le véritable livre numérique, et, d’autre part, le livre numérique protégé par un DRM.
Si le livre papier me semble au demeurant tout à fait préférable, le véritable livre numérique est un fichier fourni sans logiciel « verrou » ni mesure de protection technique pour la gestion numérique des droits. Il peut donc être emporté, prêté, et il est en accès sur n’importe quel matériel du fait de son interopérabilité. La TVA appliquée à ces deux catégories resterait donc au taux de 5,5 %.
En revanche, les livres numériques protégés par un DRM, qui s’apparentent plus à un service, seraient taxés à 20 %.
Cela me semble plus respectueux des droits du lecteur, et permettra de favoriser nos petits éditeurs et vendeurs face aux géants étrangers.
Dans le cadre de la loi de finances pour 2014, les députés avaient adopté un amendement limitant le bénéfice du taux réduit de TVA aux seuls livres électroniques vendus en format électronique. Toutefois, lors d’une seconde délibération, ils avaient abandonné cette idée à la demande du Gouvernement. Le débat a donc été ouvert.
Enfin, je le rappelle, par deux décisions en date du 5 mars 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que la France ne pouvait pas appliquer un taux réduit de TVA à la fourniture de livres électroniques, contrairement aux livres papier. Nous versons donc des amendes auprès de la Commission. Le dispositif que je propose aurait, en outre, l’avantage d’amoindrir le coût des pénalités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. A priori, on pourrait être tenté de considérer avec bienveillance cet amendement, qui, comme l’a souligné M. Bonhomme, vise non pas à diminuer les recettes, mais au contraire à les augmenter.
Toutefois, un problème juridique se pose. Comme vous le savez, la France a été condamnée le 5 mars 2015 par la Cour de justice de l’Union européenne, qui a considéré que la TVA sur les livres était trop complexe. Elle a condamné la France en jugeant cette mesure était contraire à la directive « TVA » de 2006, qui n’autorise l’application d’un taux réduit de TVA qu’à la fourniture de livres « sur tout type de support physique ».
L’adoption de cet amendement risquerait de fragiliser la position de la France et rouvrirait un débat juridique déjà complexe.
C'est la raison pour laquelle je suggère à l’auteur de cet amendement de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je partage tout à fait l'analyse de M. le rapporteur général quant à l'incompatibilité entre le dispositif proposé et l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.
M. le président. Monsieur Bonhomme, l'amendement n° I-84 rectifié est-il maintenu ?
M. François Bonhomme. Non, je vais le retirer, monsieur le président.
Il n’empêche qu’une vraie question se pose. J’aimerais que l’on puisse distinguer, d’une manière ou d’une autre, le livre numérique transmissible, qui se rapproche du livre papier, et le « livre » numérique protégé par un DRM.
Au-delà de l’enjeu fiscal, la notion de livre doit être préservée. Appeler « livre », même numérique, ce qui est seulement un droit d’usage limité, c’est transformer et, d’une certaine manière, pervertir cette notion. Tous ceux ici qui y sont attachés comprendront ce que je veux dire.
J’accepte de retirer mon amendement, mais je souhaite vivement que Gouvernement veille à établir une telle distinction.
M. le président. L'amendement n° I-84 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-123 est présenté par M. Commeinhes.
L'amendement n° I-334 est présenté par M. Gattolin, Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au II de l’article unique de la loi n° 2014-237 du 27 février 2014 harmonisant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne, la date : « 1er février 2014 » est remplacée par la date : « 12 juin 2009 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° I-123 n'est pas soutenu.
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l'amendement n° I-334.
M. André Gattolin. Par cet amendement, je souhaite aborder la question du taux de TVA appliqué à la presse en ligne.
La presse n’est pas seulement un secteur économique, c’est surtout et en premier lieu – chacun en convient – une composante essentielle de notre démocratie. Or, sur le plan tant économique que du débat public ou de la vie démocratique, rien ne différencie la presse papier de la presse en ligne : toutes deux ont malheureusement un équilibre économique précaire et toutes deux participent à la qualité de notre démocratie. Pourtant, avant que la loi ne l’y contraigne, l’administration fiscale avait toujours refusé de leur appliquer le même taux de TVA. La presse papier bénéficiait du taux historique super-réduit de 2,1 %, tandis que la presse en ligne se voyait appliquer le taux plein de 19,6 %.
Un certain nombre de sites de presse en ligne, précurseurs, convaincus d’avoir l’esprit du droit avec eux, se sont appliqués de leur propre initiative le taux super-réduit. Il aura fallu une longue mobilisation politique – diverses tentatives ont été nécessaires pour faire adopter cet amendement, plusieurs fois rejeté et modifié, au Sénat – pour qu’enfin soit inscrite dans la loi l’application à la presse en ligne du taux super-réduit. Nous avons d'ailleurs passé une journée et demie à débattre de cette mesure au début de 2014, alors qu’elle aurait pu être adoptée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2013.
Le problème est donc réglé pour l’avenir. Toutefois, l’administration fiscale s’acharne toujours à réclamer les arriérés couvrant la période antérieure à 2014. À titre d’exemple, Mediapart et Arrêt sur Images sont soumis à des redressements fiscaux, respectivement de 4,1 millions d'euros et de 540 000 euros, comme l’est également le groupe Indigo Publications pour un montant d’environ 450 000 euros, pour la période s’étalant de leur création en 2008 au vote de la loi du 27 février 2014. Ces sommes considérables mettent en danger la viabilité de ces médias, qui ont de vraies rédactions et des journalistes encartés.
Il nous semble vraiment nécessaire, monsieur le secrétaire d'État, de prendre pleinement en compte la reconnaissance de l’éligibilité de la presse en ligne au taux de TVA super-réduit et de trouver un arrangement pour apurer le contentieux. Il est donc proposé, par cet amendement, d’effacer le contentieux couvrant la période postérieure au 12 juin 2009. C’est en effet à cette date qu’a été introduite dans l’article 298 septies du code général des impôts la définition précise des services de presse en ligne. Je pense que les sites concernés s’engageraient alors à régulariser les impayés réclamés pour la période antérieure au 12 juin 2009.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à faire bénéficier rétroactivement la presse en ligne du taux particulier de TVA à 2,1 % à compter du 12 juin 2009 et non du 1er février 2014, comme cela est le cas actuellement.
Compte tenu de la condamnation de la France en matière de TVA sur le livre numérique par la Cour de justice de l’Union européenne,...
M. André Gattolin. Aucun rapport !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … il ne semble pas opportun de modifier, de manière rétroactive, une situation déjà fragile vis-à-vis du droit de l’Union européenne. C’est pourquoi la commission s’est montrée défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Les acteurs que vous avez cités, monsieur le sénateur, ont pris l’initiative de s’appliquer une disposition qui n’était pas en vigueur à l’époque. Ils ont décidé de s’auto-appliquer un taux de 2,1 % en étant parfaitement conscients du fait qu’ils étaient dans l’irrégularité.
Au bout de quelques années, en 2014, le Parlement a fini par adopter ce taux réduit de 2,1 %, sachant qu’il mettait notre pays en infraction au regard de la réglementation européenne. La Commission nous a fait savoir, depuis lors, que cette disposition était en effet contraire au droit communautaire.
Certains de vos propos m’ont étonné. Vous prétendez que les acteurs ont voulu appliquer « l’esprit du droit ». Je ne sais pas trop ce que signifie cette expression. La mission de l’administration est d’appliquer le droit, et les tribunaux l’éclairent parfois lorsqu’un doute surgit sur l’application de certaines de ses dispositions.
Ce sujet important soulève d’autres questions. En effet, si votre amendement était adopté, nous ferions face à une vraie difficulté : ceux qui ont appliqué le taux légal – c’est le cas de beaucoup de sociétés de presse en ligne, notamment le site internet d’un grand journal du soir – seraient concernés par le dispositif que vous proposez. Pour respecter le principe d’égalité, il faudrait alors leur rembourser la TVA. Or cette taxe a normalement vocation à être payée par le consommateur final. On redonnerait ainsi des marges supplémentaires à ceux qui ont respecté le droit et l’on effacerait l’infraction de ceux qui ne l’ont pas respecté. Franchement, ce serait anormal.
Mme Catherine Procaccia. Tout à fait d’accord !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. De surcroît, je le répète, une procédure est en cours contre la France au niveau de l’Union européenne sur cette question.
Cela étant, si les acteurs concernés rencontrent des difficultés – je sais que c’est le cas de quelques-uns –, ils peuvent demander, au moyen d’une réclamation contentieuse ou d’une saisine du tribunal administratif, un sursis à paiement. À ma connaissance, certains d’entre eux ne l’ont pas fait...
J’ajoute que l’un des acteurs a engagé une procédure contentieuse et qu’un jugement du tribunal administratif de Paris, rendu le 16 octobre 2015 au nom du peuple français, l’a débouté.
M. François Bonhomme. Mediapart ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Non, et j’évite de toute façon de citer des noms propres.
Au vu de ces arguments, monsieur Gattolin, et compte tenu de ce que vous avez dit, y compris sur le prétendu acharnement qui serait celui des pouvoirs politique et administratif, je ne peux pas vous suivre dans votre raisonnement.
L’application du droit par l’administration peut être contestée devant toutes les juridictions ad hoc, la saisine de la justice pouvant aussi entraîner, le cas échéant, un sursis à payer. Toutefois, après le jugement du 16 octobre dernier, l’administration a logiquement mis en recouvrement les sommes concernées pour des faits similaires.
Bien qu’elle soit présentement plus douce, la rétroactivité nous apparaît très difficile à appliquer, compte tenu de ce que j’ai dit précédemment sur les médias qui avaient respecté le taux applicable : on les rembourserait, mais on ne rembourserait pas leurs clients et leurs fournisseurs, qui sont parfois des professionnels qui pourraient eux-mêmes prétendre à un remboursement de la TVA… La situation serait ingérable.
Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Quand on regarde le niveau des aides à la presse, dont on réclame la remise à plat, on s’aperçoit que, parmi les grands quotidiens, le premier touche 15 millions d’euros chaque année, le deuxième 13 millions d’euros, etc. Heureusement, à notre demande, la liste des bénéficiaires de ces aides est désormais publique depuis trois ans.
La presse en ligne, quant à elle, ne bénéficie d’aucune aide. Pourtant, ces médias – je ne parle pas des journaux bidon qui se contentent de reprendre les dépêches, mais des sites qui disposent de vraies rédactions et développent un nouveau modèle – payent des charges sociales et sont soumis à des contrôles. Je rappelle qu’il y a deux ans, lorsque L’Humanité était en très grave difficulté, nous avons voté, à l’occasion d’un projet de loi de finances rectificative, un montant de 5 millions d’euros pour aider ce journal en urgence.
Mme Catherine Procaccia. Pas tout le monde !
M. André Gattolin. À un moment, il faut savoir : est-ce qu’on parle de débat public, de démocratie ou est-ce qu’on se contente d’avancer des arguments juridiques ?
Si l’on veut interrompre une procédure fiscale, négocier, trouver des solutions, c’est possible. C’est ce geste politique que je demande.
Il y a des situations de rente dans la presse française. Quand on voit les aides que reçoit la presse télé, on est en droit de s’interroger au regard de son apport au débat public.
Si le droit n’est pas juste, nous devons le changer. Et si nous ne pouvons pas le changer, nous devons engager une médiation, faire appel à notre intelligence, comme nous l’avons fait pour L’Humanité et d’autres titres en difficulté !
La question n’est pas simplement de savoir si ces titres sont bien-pensants, nouveaux ou anciens. Nous devons prendre conscience que l’écosystème de l’information se réduit de jour en jour dans notre pays. De plus en plus de sites d’information reprennent les mêmes nouvelles, et la presse se fait piller tous les jours. Dès qu’une information exclusive est diffusée, elle est reprise par tout le monde, aucun droit d’auteur ne permettant de la protéger, contrairement à ce qui se passe dans le domaine culturel.
Si, aujourd'hui, nous n’aidons pas cette presse, demain, nous n’aurons plus d’informations, nous lirons tous les mêmes dépêches AFP, et le pluralisme y perdra beaucoup.
M. le président. Mes chers collègues, M. le secrétaire d’État devant nous quitter, je vous propose de poursuivre lundi les explications de vote sur cet amendement.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Il nous reste 239 amendements à examiner. Pour sécuriser le vote de la première partie du projet de loi de finances mardi soir au plus tard, il serait prudent, monsieur le président, de prévoir la possibilité de siéger la nuit, lundi et mardi. Il s’agit d’une mesure de prudence, en espérant que nous n’aurons pas besoin d’y recourir.
M. le président. La conférence des présidents avait déjà prévu cette possibilité. L’ordre du jour sera rectifié en ce sens.
Mes chers collègues, nous avons examiné 84 amendements au cours de la journée ; il en reste 239 sur la première partie du projet de loi de finances.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 23 novembre 2015, à dix heures, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
Projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (n° 163, 2015-2016) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 164, 2015-2016).
- Examen par priorité de l’article 15 (réforme de l’aide juridictionnelle) ;
- Suite de l’examen des articles de la première partie.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures dix.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART