M. le président. Cette question m’a fait penser au sort de la Calypso…
dispositions relatives aux outre-mer du futur projet de loi relatif au code minier
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 1006, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Georges Patient. En juillet 2012, le Gouvernement a lancé officiellement la réforme du code minier visant à mettre celui-ci en conformité avec l’ensemble des principes constitutionnels de la Charte de l’environnement. Sous la direction du conseiller d’État Thierry Tuot, un groupe de travail informel a été mis en place, dont j’ai été membre au titre du collège des élus, en ma qualité de sénateur ultramarin.
La prise en considération des outre-mer devait être l’un des objets principaux de la réforme. D’ailleurs, le premier compte rendu du groupe de travail affirmait le caractère central de la question des outre-mer eu égard à leur important potentiel minier. Or le projet de réforme remis en décembre 2013 au ministère du redressement productif et à celui de l’écologie a fait l’impasse totale sur les outre-mer. Aucune information officielle n’a été transmise. Auditionné moi-même la semaine dernière par la mission en cours sur la fiscalité minière, je n’ai pas obtenu davantage d’informations.
En Guyane tout particulièrement, les interrogations sont donc nombreuses sur la politique minière de l’État, sujet très sensible quand on connaît les enjeux liés à ce secteur : qu’advient-il de la société publique minière de Guyane et de la compagnie nationale des mines, dont elle devait être une filiale ? Qu’en est-il de la révision du schéma départemental d’orientation minière demandée par l’ensemble des élus guyanais ? La demande de révision, qui était une proposition de la mission commune d’information du Sénat sur la situation des départements d’outre-mer en 2009, reprise par le Président Hollande, est tombée, me semble-t-il, en désuétude. Quid également des décisions concernant les sociétés Iamgold et Rexma ? De façon plus générale, existe-t-il une politique minière de l’État en Guyane ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Ne pouvant être présente, elle m’a chargé de vous répondre, et je vous prie de bien vouloir l’excuser.
Le rapport remis par Thierry Tuot aux ministres concernés comprenant plus de 400 articles, il ne pouvait être traité rapidement, compte tenu de l’agenda parlementaire. Il a donc été décidé, par souci d’efficacité, de rédiger un projet de loi reprenant, dans un premier temps, les principales innovations proposées. Ce projet de loi, préparé conjointement avec M. Emmanuel Macron, le ministre chargé des mines, est articulé avec le code minier actuel, de façon à pouvoir entrer en vigueur dès sa promulgation, grâce à des décrets déjà existants, ce que n’aurait pas permis une recodification intégrale. Dans le cadre de cette réforme, je suis personnellement très sensible à une meilleure prise en compte des avis du public, afin qu’ils n’interviennent pas en fin de procédure, quand le projet ne peut plus être modifié.
Le projet de loi comprend une partie ultramarine, qui prévoira la possibilité d’explorer et d’exploiter des mines dans des conditions spécifiques. Il prévoit également d’habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnances à l’articulation entre les nouvelles dispositions et les autres codes et à l’adaptation de dispositions, parfois très anciennes, aux nouvelles procédures instaurées par le projet de loi. Il est également prévu d’améliorer par ordonnance les procédures qui prendront en compte les spécificités ultramarines. L’objectif est que le projet de loi soit déposé au Parlement à l’automne 2015, après présentation en conseil des ministres.
Une concertation sur le projet de loi sera menée dans les prochains mois. Les participants aux travaux de M. Thierry Tuot seront bien entendu amenés à réagir. Mme Ségolène Royal sera à l’écoute des commentaires et des propositions dont les élus des régions ultramarines voudront bien lui faire part compte tenu de la sensibilité que revêt dans ces régions l’exploitation minière, et plus particulièrement en Guyane.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie quant à la précision des informations que vous m’avez apportées concernant la réforme du code minier. Néanmoins, j’aimerais insister sur le caractère vital pour la Guyane de l’exploitation de ses ressources naturelles.
Les attentes sont d’autant plus importantes en Guyane que le potentiel minier est réel et important. En effet, la Guyane est le département français, avec la Nouvelle-Calédonie, qui concentre les plus importantes richesses minières. On y trouve non seulement de l’or, mais aussi d’autres minerais, du pétrole, des terres rares, tout en sachant qu’il reste encore beaucoup à découvrir.
La question de l’exploitation de ces richesses minières et de leur retombée est donc capitale pour un département qui a un produit intérieur brut inférieur à 50 % de la moyenne métropolitaine avec un taux de chômage qui avoisine les 30 % et supérieur à 50 % si l’on ne prend en compte que les jeunes. Or force est de constater que ce développement est freiné non seulement par l’absence d’une réelle volonté politique minière de l’État, qui a du mal à assurer ses missions régaliennes de sécurité, afin d’éradiquer l’orpaillage clandestin, véritable fléau, mais aussi par une absence de décision dans bon nombre de domaines. Je veux parler des sociétés Iamgold et Rexma, de l’installation des orpailleurs légaux à la place des orpailleurs illégaux demandée à maintes reprises par les professionnels du secteur aurifère, ainsi que de tous les autres dossiers en attente d’autorisation. À tel point que d’aucuns n’hésitent pas à parler de « mise sous cloche volontaire de la Guyane », tandis que nos voisins, le Suriname et le Guyana, font de l’exploitation de leurs ressources naturelles le levier principal de leur développement économique.
Monsieur le secrétaire d’État, j’y insiste : il faut que, dans des délais brefs, une véritable collaboration s’instaure entre l’État, les élus et les acteurs professionnels de la filière.
contournement est de rouen
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 1002, transmise à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le secrétaire d’État, par un courrier daté du 7 janvier 2015 cosigné par vous-même et par Mme la ministre de l’écologie, vous avez informé le préfet de la région de Haute-Normandie de l’accord du Gouvernement pour la poursuite du projet de contournement Est de Rouen, qui doit relier l’A28 à l’A13 et inclure un « barreau » de raccordement vers Rouen.
Vous évoquez, dans cette correspondance, un consensus unanime ou largement partagé autour de ce projet. Il s’agit là d’une première contre-vérité puisque, localement, là où il concerne les populations, il est largement contesté en l’état, ce que je n’ai pas manqué de faire savoir à plusieurs reprises à Mme la ministre. Une douzaine d’associations se sont ainsi prononcées contre ce projet. Des élus locaux de Seine-Maritime et de l’Eure, de toutes sensibilités politiques, de concert avec les administrés qu’ils ont pour charge de représenter, expriment également leur refus catégorique de voir aboutir ce projet et leur détermination à s’y opposer. Un collectif s’est constitué, qui regroupe une quinzaine de communes, représentant 70 000 habitants directement impactés par ce tracé de contournement et farouchement opposés à sa mise en œuvre. Les motifs d’opposition sont divers et fondés.
Il paraît inconcevable de faire l’impasse sur les questions d’environnement, de sécurité des usagers, de santé, de cadre de vie et de modes de déplacement futurs. Ce projet est totalement contraire aux engagements du Grenelle de l’environnement, en encourageant le développement du « tout-camion », alors que des choix de transports par rail ou par voie fluviale devraient être une priorité. Ce projet porte également atteinte à l’économie et à l’emploi en menaçant de détruire, s’il est mené à son terme, une zone foncière de 400 hectares, ainsi qu’une zone d’activité économique où sont employés plusieurs centaines de salariés.
Le coût global du nouveau tronçon, qui doit s’étendre sur quarante et un kilomètres et faire l’objet d’une concession à péage, est évalué à 1 milliard d’euros. Or, à ce stade, rien n’a été dit sur le bouclage du financement de cette infrastructure. Cela signifie donc que l’État et plus certainement les collectivités locales devront encore débourser des millions chaque année pour en financer non seulement l’investissement premier, mais aussi le fonctionnement. Je note également qu’aucun crédit n’est prévu pour ce projet dans le contrat de plan État-région, ni dans le contrat de plan interrégional ou dans la programmation pluriannuelle d’investissement de la métropole Rouen Normandie.
Un simulacre – le mot est peut-être un peu fort – de concertation a été organisé : beaucoup de choses ont été dites, mais rien n’a été entendu. J’attends d’ailleurs toujours une réponse de Mme la ministre à notre demande d’audience pour exposer notre point de vue.
Compte tenu de tous ces éléments et dans un souci de démocratie, envisagez-vous d’écouter la voix des populations et des élus de terrain et de renoncer à ce projet, lequel constitue, à notre avis, un non-sens économique et écologique ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur le projet de contournement Est de Rouen.
Vos critiques portent d’abord sur la concertation locale qui a été engagée. Je souhaite rappeler ici les grandes étapes de ce projet.
Un grand débat public, qui s’est tenu en 2005, a conclu à l’opportunité de l’aménagement. De riches et longs débats ont suivi pour dégager le meilleur tracé en tenant compte de tous les points de vue exprimés et en respectant le critère essentiel de l’environnement et de la protection des espèces protégées.
Le travail exemplaire des services de l’État, en lien avec les collectivités, qui, dans leur très grande majorité, sont fortement attachées à ce projet, a permis de retenir la variante à même de satisfaire les contraintes environnementales et de remplir au mieux les objectifs assignés à l’ouvrage.
Saisie de nouveau en 2013, la Commission nationale du débat public a recommandé de mener une concertation avec le public, qui a eu lieu du 2 juin au 12 juillet 2014. Cette concertation a donné lieu à l’organisation de neuf réunions publiques, suscité un vif intérêt et permis à nos concitoyens de s’exprimer librement sur tous les sujets sous l’égide d’un garant indépendant, comme il est de règle.
Contrairement à ce que vous avez affirmé, la concertation a consacré une place importante aux enjeux et objectifs de cette nouvelle infrastructure. Je souhaite en rappeler les principaux points.
La situation routière de l’agglomération de Rouen est très dégradée. La congestion et la pollution qu’elle engendre sont néfastes pour la qualité de vie de ses habitants et son développement économique. L’un des objectifs du projet est d’écarter les flux de poids lourds, en transit et en échange, du cœur de l’agglomération rouennaise et des pénétrantes routières qui y convergent. Le projet ne vise en aucun cas au développement du « tout-camion ». Il s’inscrit au contraire dans un schéma global de transports à l’échelle de la région, qui vise au développement du transport par rail via la modernisation de la ligne de fret entre Serqueux et Gisors et la ligne nouvelle Paris-Normandie ainsi qu’à l’amélioration des transports en commun urbains sur des axes libérés du trafic de transit.
Le Gouvernement est attentif à l’intégration de cette infrastructure routière dans un projet d’aménagement global, lui-même inscrit dans un projet de territoire qui stimule le développement économique d’une métropole de 500 000 habitants et accompagne l’évolution de l’un des grands ports maritimes de France, par ailleurs premier port céréalier d’Europe.
Je comprends toutefois que le projet suscite encore des observations liées à la traversée de certains secteurs. Le collectif que vous représentez m’a fait part de ses inquiétudes. Aussi le Gouvernement sera-t-il attentif à ce que la concertation avec tous les acteurs des territoires concernés, ainsi qu’avec les associations locales et environnementales se poursuive tout au long de l’avancement du projet. C’est là un engagement fort du Gouvernement. Des consignes très strictes ont été données au préfet de région en ce sens.
Une attention toute particulière sera portée à la rigueur, à la transparence et à la qualité des études préalables à la déclaration d’utilité publique, notamment en matière environnementale et d’insertion dans le milieu humain. L’enquête publique, prévue en 2016, sera l’occasion pour toutes les parties prenantes au projet de s’exprimer de nouveau.
S’agissant enfin du financement de ce projet, le principe retenu, présenté lors de la concertation, est celui d’une concession accompagnée d’une subvention d’équilibre. Comme il est de règle, cette subvention sera apportée par l’État et les collectivités volontaires.
Le résultat de l’appel d’offres viendra, en son temps, préciser les besoins et donc le montant de la subvention, ainsi que les modalités de financement de cette opération. Cette problématique, au regard des délais d’études et de procédures restant à mener, dépasse l’horizon des contrats de plan en cours de finalisation.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Il y a un fossé entre ce qui se dit en bas et la réponse qui nous vient d’en haut. Le débat public de 2005 a bien eu lieu, mais il portait sur un tout autre tracé. Celui qui est retenu aujourd’hui ne convient pas aux élus, qui s’étaient prononcés pour un projet visant à décongestionner les réseaux de transport de l’agglomération rouennaise et à résoudre les problèmes de circulation. Nous ne sommes pas opposés à un contournement, nous sommes hostiles à ce tracé !
Vous avez parlé des espèces protégées, monsieur le secrétaire d’État. Croyez-vous que l’Europe participera au financement de ce projet au titre de Natura 2000 si le tracé passe sur les violettes de Rouen ? Nous avons pourtant proposé des solutions pour éviter de mettre en péril cette espèce protégée.
Si le public a pu s’exprimer librement lors de la concertation menée du 2 juin au 12 juillet derniers, ce n’est pas pour autant que son point de vue a été pris en compte. J’ajouterai que, dans la ville dont j’ai été le maire, le compte rendu des débats menés dans le cadre de la concertation fait apparaître un nombre de participants inférieur de soixante personnes à celui que j’avais fait constater par huissier…
Par ailleurs, je réitère la demande d’audience de cette population, de ces associations, qui veulent exposer leur point de vue à Mme la ministre. J’ai ici un document qui prouve le bien-fondé de notre démarche : ce projet va rayer de la carte certaines entreprises. Pas plus tard que la semaine dernière, par exemple, les représentants de l’usine de pointe – classée Seveso – Toyo Ink, sur laquelle passe le tracé retenu, ont demandé à rencontrer le préfet pour lui faire part de leurs inquiétudes. Ce dernier s’est contenté de répondre que l’on déplacerait un pont pour pouvoir passer à côté de cette usine…
Tout cela est petit, tout cela n’est pas assez pensé. Je crains pour l’avenir, car les populations sont déterminées à ne pas se laisser faire, à ne pas se laisser imposer de force un tracé dont elles ne veulent pas.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Formation aux gestes de premiers secours et permis de conduire
Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire (proposition n° 620 [2013-2014], texte de la commission n° 312, rapport n° 311).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville. Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l’absence de Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur.
La proposition de loi de M. Jean-Pierre Leleux et de plusieurs de ses collègues concerne tous nos concitoyens. Elle est au service d’un objectif que chacun dans cet hémicycle partage : sauver des vies. Alors que les derniers chiffres de la sécurité routière laissent craindre un relâchement des comportements, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour atteindre l’objectif de diviser par deux le nombre de morts sur les routes d’ici à 2020.
Mais, ne l’oublions pas, les accidents de la route sont aussi à l’origine de blessés, comme le rappelle la dernière campagne de la sécurité routière. Développer la capacité de nos concitoyens à avoir les bons gestes pour protéger un blessé en cas d’accident et à alerter les secours est donc essentiel. Telle est la finalité, pleinement partagée par le Gouvernement, du présent texte.
Ce dernier s’inscrit dans le contexte de la réforme du permis de conduire annoncée par le Gouvernement au mois de juin dernier. À ce titre, il ne saurait avoir pour effet d’accroître le coût du permis de conduire ni d’en allonger les délais d’obtention.
Effectivement, vous le savez, le 13 juin 2014 – le lendemain même de l’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale de cette proposition de loi –, le ministre de l’intérieur a fait part d’une réforme ambitieuse du permis de conduire voulue par le Président de la République. Celle-ci vise principalement à réduire les délais d’attente pour le passage de l’examen, ce qui est la meilleure façon de diminuer le coût de la formation.
Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques tend à renforcer et pérenniser les premières mesures mises en œuvre depuis l’été dernier. Les députés l’ont complété de diverses mesures concernant la formation au permis de conduire, pour rendre cette dernière plus simple et moins onéreuse. La Haute Assemblée va examiner ce texte dans les prochaines semaines, et je ne doute pas que, sur point comme sur d’autres, elle aura à cœur de l’enrichir.
Rendre le permis plus simple et son obtention plus rapide n’était pas compatible avec l’instauration d’une troisième épreuve sanctionnant une formation aux premiers secours qu’avaient initialement envisagée les auteurs de la proposition de loi.
J’ajoute qu’il ne faut pas superposer les dispositifs : je le rappelle, depuis une décision du comité interministériel de la sécurité routière de 2006, les élèves de troisième reçoivent une formation aux premiers secours assurée par des organismes agréés et sanctionnée par la délivrance d’un certificat de compétence de prévention et secours civiques de niveau 1. Cette délivrance est en constante progression : en 2014, 33 % des élèves de collège se sont vus délivrer ce certificat contre 20 % en 2011, soit une augmentation de 5 % par an.
Cependant, cela n’est pas encore suffisant, ce qui démontre l’existence de difficultés qu’il faudra surmonter pour former l’ensemble d’une classe d’âge à des notions de secourisme.
Au cours des débats, le Gouvernement, comme plusieurs parlementaires, a également rappelé les réserves que suscitait la référence dans la loi à des gestes qui ne font pas consensus parmi les autorités médicales. Je me félicite de l’évolution du texte sur ces deux points, grâce au travail parlementaire.
En revanche, il est souhaitable de renforcer l’enseignement et l’évaluation de comportements simples : protéger les lieux, savoir alerter les secours, ne pas aggraver la situation d’un blessé et pratiquer des gestes de premiers secours si l’on en a la compétence.
À ce titre, le Gouvernement a déjà tenu ses engagements de développer et de renforcer cette thématique à un moment important de la vie des jeunes : le passage du permis de conduire. Cela se traduit d’ores et déjà dans le référentiel pour l’éducation à une mobilité citoyenne – il constitue le nouveau programme de formation à la conduite mis en œuvre depuis le 1er juillet 2014 – par de nouvelles compétences que le candidat devra acquérir dans le cadre de l’apprentissage à la conduite : comprendre en situation comment réagir face à un accident ; connaître les comportements à adopter à l’égard d’une victime d’accident ; prendre conscience de la nécessité d’assister les personnes en danger.
De même, les nouveaux livrets d’apprentissage qui sont entrés en vigueur le 1er juillet 2014 reprennent et déclinent ces compétences. Comme il s’y était engagé devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a pris le décret d’application de l’article 16 de la loi du 12 juin 2003 : désormais, tous les programmes d’apprentissage de la conduite et de la sécurité routière devront inclure une sensibilisation aux comportements à adopter en cas d’accident et aux premiers secours à apporter aux victimes.
Le Gouvernement a aussi souhaité compléter cette formation par une vérification de ces compétences lors de l’examen. Depuis l’année dernière, le nombre de questions en rapport avec les comportements en cas d’accident a augmenté sensiblement aux épreuves des attestations scolaires de sécurité routière – ASSR – au collège, mais aussi à celles de l’attestation de sécurité routière – ASR.
Les épreuves théorique et pratique du permis de conduire donneront lieu à des questions sur cette thématique des comportements à adopter en cas d’accident. Elles vont être réformées en conséquence.
Je peux ainsi vous annoncer que l’épreuve théorique générale, plus communément appelée le « code », comportera systématiquement, dès la fin de cette année, au moins une question sur ce thème. S’agissant de l’épreuve pratique, une rénovation des questions orales est envisagée. Une des questions techniques relatives au fonctionnement du véhicule posées lors de l’épreuve sera remplacée par une interrogation visant les comportements face à un accident.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer la persévérance des auteurs de cette proposition de loi, tout comme le travail constructif mené par les deux assemblées. Grâce à des débats fructueux, le texte est équilibré et cohérent, ce qui permet d’envisager aujourd’hui son adoption – définitive, je l’espère –, à laquelle le Gouvernement est favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après l’adoption de ce texte le 12 juin 2014 par l’Assemblée nationale, le Sénat est appelé à se prononcer en deuxième lecture sur la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.
Déposé au Sénat le 13 février 2012 par Jean-Pierre Leleux et Jean-René Lecerf, le texte initial avait pour objet d’ajouter une troisième épreuve tendant à sanctionner la connaissance des gestes de premiers secours aux deux épreuves actuelles du permis de conduire que sont l’épreuve théorique et l’épreuve pratique.
En première lecture, la Haute Assemblée a conservé le principe d’une formation obligatoire aux premiers secours, mais l’épreuve supplémentaire a été supprimée : en effet, celle-ci aurait été très compliquée à mettre en œuvre. La proposition de loi initiale modifiée par le Sénat en première lecture n’a subi que des évolutions limitées à l’Assemblée nationale.
Ce texte part d’un constat partagé : nos concitoyens sont insuffisamment formés aux gestes de premiers secours. Ainsi, la Croix-Rouge estime que seulement 50 % de la population française est formée.
Pourtant, je le souligne, des dispositifs de formation obligatoire existent ; mais ils sont peu appliqués, comme je l’ai d’ailleurs régulièrement dénoncé. Ainsi, les articles L. 312-13-1 et L. 312-16 du code de l’éducation imposent depuis 2004 de former les élèves à l’attestation de prévention et secours civiques de niveau 1, ou PSC1. Toutefois, en pratique, 20 % seulement des élèves sont formés chaque année. Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué une progression annuelle de 5 % en la matière, mais convenez avec moi que c'est trop peu (Mme la secrétaire d’État opine) : cette formation devrait être mise en place depuis bien longtemps.
Or la faiblesse des connaissances en matière de gestes de premiers secours est particulièrement préjudiciable en cas d’accident de la route, dans la mesure où la moitié des victimes décèdent dans les premières minutes suivant l’accident et où les blessés peuvent être victimes de lésions irréversibles si aucune action n’est entreprise dans ce même laps de temps.
Ce constat prend un relief particulier aujourd’hui. En effet, selon les premières estimations de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, la mortalité routière est en hausse de 3,7 % en 2014 par rapport à l’année précédente.
En première lecture, le Sénat a supprimé le principe d’une épreuve spécifique prévu par la proposition de loi initiale, car instaurer une nouvelle épreuve aurait des conséquences financières non négligeables pour les candidats au permis de conduire. Effectivement, le coût d’une épreuve de formation aux premiers secours est de l’ordre de 50 à 60 euros, ce qui est très élevé pour des candidats qui acquittent déjà près de 1 500 euros pour passer le permis.
Je rappelle aussi que le permis de conduire est un passage obligé pour obtenir un emploi. Mettre en place une épreuve supplémentaire conduirait à allonger des délais qui sont déjà très longs. Enfin, avec près de 800 000 candidats au permis de conduire chaque année, une telle épreuve serait de fait impossible à organiser pour les formateurs. En outre, comment les candidats habitant en zone rurale, par exemple, se déplaceraient-ils pour aller suivre ces cours dans la ville voisine ?
En revanche, le Sénat a maintenu le principe d’une formation obligatoire aux premiers secours, mais à l’occasion des deux épreuves actuelles du permis de conduire – surtout de l’épreuve théorique –, dans la mesure où seule la pression d’un questionnement systématique forcera les élèves à apprendre ces notions.
J’observe qu’un appel d’offres a été lancé le 13 février dernier, afin de remplacer les questions de l’examen théorique du permis de conduire. Ainsi, alors que dans le système actuel il est très aléatoire d'être interrogé sur la formation aux premiers secours lors de cet examen, la nouvelle base de questions pourrait permettre qu’une ou plusieurs questions portent très probablement – voire systématiquement, comme vous venez de l’indiquer, madame la secrétaire d’État – sur les gestes de premiers secours, ce que je salue.
Il est essentiel, j’y insiste, qu’au moins une question relative aux gestes de premiers secours soit posée à l’occasion de l’examen théorique du permis de conduire. Sans cela, je maintiens que les candidats ne s’investiront pas dans la formation aux premiers secours.
Les modifications apportées par l’Assemblée nationale sont d’une ampleur très limitée et ne remettent pas en cause le texte adopté par le Sénat en première lecture. La référence aux accidents de la circulation dans l’obligation de formation aux premiers secours des candidats au permis de conduire a été supprimée. Par ailleurs, le terme « sanctionner » a été remplacé par le mot « évaluer ». Enfin, et ce à juste titre, l’obligation de sensibilisation prévue par l’article 16 de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a été supprimée.
En effet, la persistance d’une « sensibilisation » aux gestes de premiers secours, qui n’a d’ailleurs jamais été mise en œuvre, serait contradictoire avec l’obligation de formation aux premiers secours que le présent texte vise à instaurer.
En conclusion, le principe resterait donc celui d’une formation obligatoire à des gestes simples de premiers secours dont le contenu serait déterminé par décret. Les connaissances seraient évaluées dans le cadre des épreuves actuelles du permis de conduire, c’est-à-dire lors de l’épreuve théorique aussi bien que de l’épreuve pratique. Je prends note de l’engagement pris aujourd’hui par le Gouvernement de prévoir une évaluation de la formation aux gestes de premiers secours à ces deux occasions. Nous serons très vigilants s’agissant de sa mise en œuvre effective.
Aux termes des travaux des deux assemblées, la commission des lois a considéré que le texte, tel qu’il résulte de la navette, respecte le principe d’une formation obligatoire aux gestes de premiers secours, sans pour autant créer une épreuve spécifique, finalement contreproductive. C’est pourquoi elle a adopté la présente proposition de loi sans modification et soumet à la délibération du Sénat le texte ainsi établi. (Applaudissements.)