Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 114 est présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 150 est présenté par M. Patriat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 5 et 6
Remplacer l’année :
2024
par l’année :
2016
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° 114.
M. André Gattolin. Cet amendement tend à avancer la date de suppression des codes de bonnes pratiques sylvicoles, les CBPS, pour se rapprocher du texte initial du Gouvernement et des positions adoptées lors de la première lecture au Sénat.
En effet, les CBPS ne répondent ni à la mobilisation des bois ni à la gestion durable des forêts de particuliers, et pèsent assez lourdement sur les finances publiques.
Mme la présidente. L’amendement n° 150 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 157, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Remplacer l'année :
2024
par l'année :
2020
La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet amendement porte sur les codes de bonnes pratiques sylvicoles. Il s’agit de savoir pendant encore combien de temps ces documents perdureront. Un tel débat autour de ces codes n’était pas notre première intention, mais il a eu lieu à l’Assemblée nationale, et même au Sénat.
Je souhaite sincèrement qu’un compromis soit trouvé. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé le présent amendement, en écho aux débats de l’Assemblée nationale. L’objectif, c’est de prolonger ces codes de bonnes pratiques sylvicoles jusqu’en 2020. Cette échéance me semble tout à fait acceptable, à la fois pour ceux qui veulent les conserver et pour ceux qui désirent franchir une étape supplémentaire. En outre, elle permet de laisser du temps aux uns et aux autres, d’éviter toute précipitation.
Voilà pourquoi je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter cet amendement !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Je suis au regret d’émettre un avis défavorable sur les amendements nos 114 et 157 : mieux vaut en rester à la position d’équilibre définie par la commission. M. Gattolin propose la date de 2016 ; le Gouvernement, animé d’un souci de compromis, avance celle de 2020. À mon sens, l’échéance de 2024 est la meilleure, sur le plan de l’efficacité !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Leroy, rapporteur.
M. Philippe Leroy, rapporteur. Par solidarité avec M. Guillaume, je suis défavorable à ces amendements.
Les codes de bonnes pratiques sylvicoles paraissent, au moins dans l’immédiat, de bons outils pour regrouper la petite forêt privée. Une palette de moyens est nécessaire – nous avons déjà débattu de cette question –, et je souhaite que ces codes puissent vivre encore dix ans, jusqu’en 2024. Ainsi, les propriétaires qui auront recours à ce dispositif pourront être certains qu’il sert à quelque chose. Sinon, il se révélera inutile !
M. Gérard César. Oui !
M. Philippe Leroy, rapporteur. À quoi bon dire : « Vous allez prendre un engagement, mais dans quelques années cela ne servira plus à rien ? » Celui qui était prêt à faire un pas vers une meilleure gestion préfèrera s’épargner cette peine et renoncer.
Il faut inciter à agir les petits propriétaires négligents. Comme on le dit familièrement, on n’attire pas les mouches avec du vinaigre… (Sourires.) Il faut donc, à mon sens, conserver ces codes pendant dix ans, comme une sécurité, pour ceux qui souhaitent agir de manière ponctuelle ou partielle.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Quelle est la finalité visée en la matière ? Je le rappelle au passage : il s’agit d’encourager des dynamiques collectives, au service de nos forêts. Ce débat resurgira peut-être en 2024, à la fin des contrats de gestion.
Toutefois, ce que je constate, c’est que, depuis vingt ou trente ans, la question du morcellement de la forêt privée française reste exactement la même !
M. René-Paul Savary. Eh oui !
Mme Bernadette Bourzai. C’est vrai !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Or, à chaque fois que l’on tente d’avancer, en disant aux petits propriétaires forestiers de s’organiser, de se regrouper, d’instaurer des coopératives, des groupements d’intérêt économique et environnemental forestiers, bref d’aller un peu plus loin dans le sens du collectif, on nous répond : « Non ! Il faut conserver toutes les structures existantes, il ne faut surtout rien réformer, rien changer. » Mais si l’on continue ainsi, dans dix ans, le même débat se présentera à nous !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vais pas me fâcher ce soir,…
M. Didier Guillaume, rapporteur. Nous non plus, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Stéphane Le Foll, ministre. … nous avons déjà suffisamment débattu de ces questions. Néanmoins, force est de l’admettre, dès que l’on veut accomplir une avancée, on nous presse, surtout, de ne pas agir trop vite. En définitive, on n’avance pas du tout, et les mêmes débats perdurent pendant vingt ans. Eh bien, de temps à autre, j’ai envie de dire : avançons ! (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission des affaires économiques applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Par solidarité non avec la commission mais avec le Gouvernement, je retire mon amendement au profit de l’amendement n° 157, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 114 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 157.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 173, présenté par M. Guillaume, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Au premier alinéa de l’article L. 416-5, les mots : « à la surface minimale d’installation » sont remplacés par les mots : « au seuil mentionné à l’article L. 312-1 ».
La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, rendu nécessaire par les modifications introduites, dans le présent texte, au sujet des surfaces minimum d’installation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 39, modifié.
(L'article 39 est adopté.)
Article 39 bis
I. – Les organisations de producteurs du secteur forestier et leurs unions reconnues par l’autorité administrative dans les conditions de l’article L. 551-1 du code rural et de la pêche maritime sont habilitées, sans limitation du nombre de demandes et dans des conditions fixées par décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, à obtenir communication par voie électronique des données mentionnées à l’article L. 107 A du livre des procédures fiscales relatives aux propriétés inscrites en nature de bois et forêts situées dans le périmètre géographique pour lequel elles sont reconnues.
Ces données leur sont communiquées afin qu’ils mènent des actions d’information, à destination des propriétaires identifiés, sur les possibilités de valorisation économique de leurs bois et forêts.
Les données recueillies ne peuvent être cédées à des tiers.
II. – (Non modifié) L’habilitation prévue au I est donnée pendant trois ans à compter de l’entrée en vigueur du présent article.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 96, présenté par Mmes Bourzai, Nicoux et Bataille, MM. Bérit-Débat, M. Bourquin, Courteau, Daunis, Fauconnier et S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Mirassou, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Remplacer les mots :
Les organisations de producteurs du secteur forestier et leurs unions reconnues par l’autorité administrative dans les conditions de l’article L. 551-1 du code rural et de la pêche maritime sont habilitées
par les mots :
Les experts forestiers figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 171-1 du code rural et de la pêche maritime, les organisations de producteurs du secteur forestier reconnues par l’autorité administrative dans les conditions prévues à l’article L. 551-1 du même code et les gestionnaires forestiers professionnels satisfaisant aux conditions mentionnées à l’article L. 315-1 du code forestier sont habilités
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ils informent le maire des communes concernées de chacune de leurs demandes.
La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Le présent article a été introduit en première lecture par la Haute Assemblée, sur l’initiative des sénateurs du groupe socialiste auxquels s’était joint M. Deneux. La finalité visée était claire : faciliter la reconnaissance des propriétaires forestiers, afin de permettre une meilleure mobilisation du bois.
Dès le vote de cette disposition, le Gouvernement nous a fait part de la nécessité de recueillir l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. En deuxième lecture à l’Assemblée nationale, il a en conséquence proposé une nouvelle rédaction de l’article, afin de tenir compte de cet impératif.
Toutefois, pour bien délimiter le dispositif, il faut encore le préciser, notamment pour ce qui concerne l’accès aux données. Tel est l’objet du présent amendement. La rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale concernait exclusivement les entrepreneurs de travaux forestiers. Or ce ne sont pas les seuls professionnels à même d’assurer le respect des objectifs visés.
Nous proposons donc, via cet amendement, de permettre aux professionnels de la gestion forestière d’accéder au cadastre, toujours dans un esprit de mobilisation accrue de la ressource et de massification de l’offre.
Je précise que les entrepreneurs de travaux forestiers ne sont pas exclus par la rédaction proposée : ceux d’entre eux qui assument une gestion forestière peuvent être reconnus gestionnaires forestiers professionnels.
Par ailleurs, il nous semble important que les maires des communes en cause soient informés de ces démarches. L’adoption de cette disposition satisfera M. Philippe Leroy, qui a déposé un amendement similaire sur ce point !
Mme la présidente. L'amendement n° 97, présenté par M. P. Leroy, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les maires des communes concernées sont tenus informés de ces démarches.
La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Il s’agit simplement de compléter le premier alinéa du présent article, pour préciser que les maires des communes concernées sont tenus informés des démarches de recherches menées au titre du cadastre. Il serait anormal qu’un maire découvre, par les bruits de la commune – et Dieu sait s’il y en a dans les villages ! –, l’existence de telles recherches en cours dans son ressort. Mieux vaut donc le tenir informé pour prévenir d’éventuelles difficultés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 96 et demande le retrait de l’amendement n° 97, dans la mesure où le premier de ces amendements tend déjà à satisfaire celui-ci.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement émet les mêmes avis que la commission, madame la présidente.
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 97 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 39 bis, modifié.
(L'article 39 bis est adopté.)
Mme la présidente. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de nos débats, le présent projet de loi d’avenir pour l’agriculture conserve l’équilibre que le Sénat avait défini à l’issue de la première lecture. J’espère que la commission mixte paritaire trouvera les bons compromis entre nos derniers souhaits et ceux qu’ont exprimés voilà quinze jours les députés.
De manière générale, le présent texte répond aux grands défis de demain, qu’il s’agisse de l’enjeu environnemental, des relations entre les différents acteurs des filières agricoles, de la protection des terres non urbanisées, de la performance sanitaire, ou encore de la formation aux métiers de l’agriculture.
Je n’oublie pas non plus la forêt : nous avons adopté plusieurs dispositifs destinés à mobiliser ses ressources, qui sont exceptionnelles mais qui restent, hélas !, sous-exploitées. Nous sommes nombreux à avoir souligné, dans cet hémicycle, le manque à gagner de ce secteur. Il importait de créer les conditions d’une filière « bois » dynamique, pour freiner les importations. Gardons à l’esprit que nous disposons de l’un des espaces forestiers les plus vastes d’Europe.
Monsieur le ministre, vous le savez, les membres du groupe auquel j’appartiens ont approuvé ce texte en première lecture. C’est avec le même enthousiasme que nous lui apporterons notre soutien ce soir, et ce d’autant plus que nous avons récolté – si je puis dire – une belle moisson d’amendements au cours des deux lectures ! (Sourires.)
Je n’en citerai que quelques-uns, comme l’amendement tendant à accroître la transparence des activités financières des SAFER en contrepartie de l’élargissement de leurs droits de préemption. La création de zones d’exclusion des loups…
M. Philippe Leroy. Ah !
M. Jean-Claude Requier. … a également été entérinée, en réponse aux attentes du pastoralisme.
L’article complétant le régime des biens de section, s’agissant des biens à vocation agricole, chers au président Mézard, a été rétabli à la faveur de cette lecture. Nous espérons que les députés mesureront tout l’intérêt de cette disposition, qui vient compléter la proposition de loi adoptée par le Parlement l’année dernière, sur l’initiative des membres de mon groupe.
Bien sûr, de nombreuses autres avancées proposées par le RDSE ont été satisfaites.
C’est pourquoi, vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons à la quasi-unanimité ce texte, dont l’une des ambitions est bien de changer les pratiques agricoles pour les rendre plus respectueuses de l’environnement. Cette réforme sera également l’occasion d’encourager l’emploi agricole, et partant de défendre la vitalité de nos territoires ruraux, qui font l’identité de la France ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Pour conclure la discussion de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, je tiens tout d’abord à revenir sur les conditions de son examen.
Après une première lecture qui a suivi son cours normal, la deuxième lecture a été particulièrement chaotique. L’Assemblée nationale a en effet achevé le second examen de ce texte le mercredi 9 juillet, soit voilà moins de deux semaines. S’est ensuivie une véritable course contre la montre.
Effectivement, le présent projet de loi a été examiné par la commission des affaires économiques du Sénat le mercredi 16 juillet. Dès le lendemain, c’est-à-dire le jeudi 17 juillet, nous engagions le débat dans l’hémicycle. Entre-temps, il nous a fallu déposer les amendements en vue de la séance publique, la limite de dépôt ayant fort heureusement été repoussée au début de la discussion générale.
Cela étant, nous n’avons eu qu’une seule journée pour nous emparer du nouveau texte issu des travaux de la commission, pour identifier les dispositions posant problème et pour déposer les amendements y afférents. C’est tout à fait inacceptable !
Au demeurant, ce sprint législatif ne s’arrête pas là : la commission mixte paritaire se réunira ce mercredi 23 juillet pour que le texte soit définitivement adopté avant la fin de la session.
Ce calendrier express ne peut que conduire à un travail bâclé.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Oh !
M. Gérard César. De plus, le second examen de ce texte, censé être décisif pour l’avenir de notre agriculture, a été fixé aux deux dernières semaines de la session, alors que les élections sénatoriales auront lieu à la fin du mois de septembre.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Ah bon ?
M. Gérard César. Malheureusement, les dispositions de ce projet de loi ne nous incitent pas davantage à la bienveillance. Nous comprenons mieux maintenant la volonté du Gouvernement d’achever définitivement l’examen de cette réforme.
Monsieur le ministre, comme nous n’avons eu de cesse de vous le dire, ce texte est silencieux sur de nombreux sujets.
Il est silencieux sur la recherche, sur l’enseignement technique et supérieur agricole : les dispositions examinées sont pour ainsi dire d’ordre rédactionnel.
Il est silencieux sur la répartition de la valeur ajoutée, exception faite, peut-être, de l’article 7, qui renforce le rôle du médiateur des contrats agricoles.
Il est silencieux sur les questions contractuelles.
Il est silencieux sur l’accès au foncier. L’article 13 ne fait qu’ajouter des contraintes en la matière.
Pis encore, le présent texte reste silencieux lorsqu’il est question de définir l’agro-écologie, qui est pourtant, en l’espèce, le concept phare !
Ces oublis me poussent à conclure que ce projet de loi est davantage inspiré par les incantations écologistes que par les légitimes revendications du monde agricole.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Il faut le dire à M. Labbé !
M. Gérard César. De surcroît, ce texte ne souffre pas de ses seuls oublis : il renferme des dispositions ostensiblement contraires aux intérêts des agriculteurs.
Je songe au bail environnemental, défini à l’article 4, qui va encore complexifier l’accès au foncier. S’y ajoute, au sein du même article, l’obligation de déclaration annuelle des quantités d’azote à usage agricole vendues.
Je pense, toujours au sujet du foncier agricole, à la préférence des SAFER pour les exploitations biologiques en cas de vente. Cette disposition a été introduite via l’article 13. J’espère qu’elle ne se soldera pas par une restriction de l’accès au foncier agricole !
Pour conclure sur cette question, et donc sur l’accessibilité aux surfaces agricoles utiles, je dirai un mot de l’article 23.
Certes, les dispositions relatives aux interdictions d’épandage ont été légèrement assouplies. Mais nous craignons que le processus conduisant l’autorité administrative à prendre des mesures de protection, par exemple une distance minimale entre les lieux d’épandage et certains lieux publics, ne réduise une fois de plus la surface agricole utile et surtout ne complexifie les périodes de traitement. Se profile le risque de futurs contentieux ! Le bon sens des viticulteurs doit l’emporter.
Quant au partage de la valeur ajoutée, maintenant comme en première lecture, mon groupe continue de s’opposer fermement aux clauses miroir présentes à l’article 6.
Enfin, je signalerai ses doutes sur la pertinence des mesures d’interdiction de la publicité pour les produits phytosanitaires.
Pour ce qui concerne les satisfactions apportées par ce texte, car il en existe, j’en évoquerai simplement une – c’est bien peu : l’article 10 bis relatif à la protection des appellations d’origine et des indications géographiques protégées. À ce propos, je citerai le vin, partie intégrante du patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France.
Ces minces satisfactions ne suffisent pas à nous faire oublier l’ensemble du texte. Comme je l’ai déjà indiqué, celui-ci ne règle aucun des problèmes de notre agriculture relatifs à l’allégement des charges, aux normes toujours plus nombreuses, à la rémunération des agriculteurs. Pis encore, certaines de ses dispositions, inspirées par le concept de l’agro-écologie dont on ne sait toujours rien, vont poursuivre l’affaiblissement de ce qui fut autrefois notre première richesse.
Pour ces raisons, les membres du groupe UMP voteront contre le présent projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Je parlerai en mon nom cette fois.
Monsieur le ministre, ce projet de loi portait un nom prometteur, dans la droite ligne de la rhétorique à laquelle nous sommes bien habitués maintenant depuis deux ans : nous avons refondé l’école avec le succès que nous savons, adopté les emplois d’avenir, sur lesquels je n’insisterai pas. L’agriculture méritait bien une ambition, tant nous savons tous qu’elle est l’ADN non seulement de notre terre de France, mais aussi de notre économie. En témoigne la passion de nos discussions dans cet hémicycle sur la préservation des terres, le loup, la forêt, les appellations d’origine contrôlée, la chasse, le vin, et le cidre, point qui nous a retenus fort longtemps. Et j’en passe, tant nous avons abordé de sujets différents, tous témoins de la diversité de nos régions, de nos départements et de nos terroirs – ne voyez aucune provocation dans cette remarque.
Sur la base du texte d’origine, des progrès ont été réalisés grâce aux discussions qui se sont déroulées au Sénat et à l’Assemblée nationale. Je veux remercier notre rapporteur de son sens de l’écoute, du dialogue et, parfois aussi, de son courage.
Notons, entre autres, les avancées relatives aux droits de préemption des SAFER, pour lutter notamment contre des pratiques contraires à l’intérêt général, même si je pense que le régime des donations aurait pu être poussé encore plus loin. Nous avons aussi trouvé l’équilibre à propos des zones d’épandage de produits phytosanitaires. Je pense surtout à la création d’un fonds de compensation financière en vue de recréer de la valeur quand la compensation en surface n’est pas possible. Sur ce point aussi, nous aurions sans doute pu encore progresser, en laissant les chambres d’agriculture gérer pour le monde agricole les fonds de compensation, mais au moins existent-ils.
Néanmoins, si d’avenir il était question, le compte n’y est pas, j’en suis désolée. En réalité, le présent texte réaffirme, renomme une direction empruntée depuis plusieurs années, après l’impulsion donnée par le Grenelle de l’environnement, et corrige des imperfections, mais il ne donne pas suffisamment d’impulsions, particulièrement dans le domaine de la recherche – ce point a déjà été souligné –, et ne permet pas de mettre en place un pacte de compétitivité économique, qui serait pourtant bien nécessaire. De plus, il conduit de nombreux agriculteurs et organisations agricoles à s’interroger sur le droit à l’expérimentation, l’utilisation de la science et leur avenir économique.
Enfin, je continue à être très opposée à la perte de responsabilité du ministère pour ce qui concerne les autorisations de mise sur le marché de produits phytosanitaires. Je ne suis pas convaincue par l’équilibre qui a été trouvé et j’attends avec une grande curiosité, pour le moins avec un grand intérêt, de connaître les moyens qui seront octroyés à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, pour lui permettre de faire face à toutes ses nouvelles missions, moyens qui ont été évoqués par Benoît Hamon vendredi soir.
Je ne peux donc pas cautionner ce projet de loi dit d’« avenir ». C’est pourquoi je voterai contre, même si je peux reconnaître certaines avancées. (M. Gérard César applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est le troisième texte agricole dont j’ai le plaisir de débattre depuis que je siège au sein dans cette assemblée, sans compter la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux.
On constate dans certaines lois des avancées, dans d’autres des reculs, mais, in fine, la situation n’évolue pas aussi vite qu’on pourrait le souhaiter.
Le présent projet de loi, qui consacre l’agro-écologie, nous intéresse particulièrement. C’est pour cela que nous le soutenons.
Au cours de la période de l’après-guerre, une révolution agricole s’est produite dans notre pays, dont la destination était de nourrir les Français, puis d’exporter – finalité particulièrement réussie –, mais dont nous connaissons aujourd’hui les conséquences, qu’il convient désormais de corriger. C’est, me semble-t-il, l’objet de ce texte, devenu aujourd’hui nécessaire.
Nous souhaitons par-dessus tout que les agriculteurs restent nombreux dans nos campagnes et dans nos communes rurales. Moi qui suis un maire rural, d’une très grande commune en superficie qui compte encore de nos jours plus de quatre-vingts exploitations, je suis particulièrement attaché à la présence et à l’installation d’agriculteurs. Manifestement, pour qu’ils se maintiennent en nombre, ils doivent être rémunérés correctement. Or ce n’est pas gagné ! C’est d’ailleurs peut-être l’un des points à n’avoir pas encore été correctement réglé par la voie législative, qu’il s’agisse de la future loi que nous nous apprêtons à voter, comme sans doute aussi des précédentes. Pourrait-il en être différemment ? Ce n’est pas sûr. En tout cas, il est besoin d’améliorer la situation sur ce point particulier.
La future loi permettra, je n’en doute pas, que les agriculteurs soient reconnus par la société française. C’est très important quand on sait la coupure qui trop souvent existe entre ceux qui ne connaissent pas le monde de ceux qui les nourrissent.
Je constate aussi que les agriculteurs s’observent entre eux et ont tendance à imiter ceux qui réussissent. Je compte donc sur les pionniers de l’agriculture qui vont emprunter le chemin ouvert par ce texte. Je forme le vœu que ceux qui s’engageront dans cette voie montrent l’exemple aux autres.
Certes, des barrières et des craintes subsistent. Je pense notamment à tout ce qui est dérégulation au sein de l’Union européenne, à tout ce qui est réglementation de l’Organisation mondiale du commerce. Ce sont d’importants obstacles à l’agriculture non seulement de la France, mais aussi probablement de nombreux autres pays.
Enfin, le présent projet de loi a pour objet de régler la question de l’alimentation mondiale et de la souveraineté alimentaire des pays. Nous y contribuons. Certains pays pensant à tort que l’agriculture est un sujet secondaire, il faudra que nous les encouragions, qu’ils soient du sud ou du nord de l’Europe, à viser la souveraineté alimentaire.
Ce texte constitue un virage indispensable pour cette composante vitale qu’est l’agriculture pour notre pays. C’est la raison pour laquelle les membres de mon groupe le voteront. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)