compte rendu intégral
Présidence de M. Charles Guené
vice-président
Secrétaires :
M. Alain Dufaut,
M. Gérard Le Cam.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Agriculture, alimentation et forêt
Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (projet n° 279, texte de la commission n° 387 rectifié, rapport n° 386, avis nos 344 et 373).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Titre II (suite)
PROTECTION DES ESPACES NATURELS, AGRICOLES ET FORESTIERS ET RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, à l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 12.
Articles additionnels après l’article 12
M. le président. L'amendement n° 296, présenté par MM. Martin, Legendre, Trucy, Milon, Doublet et D. Laurent, Mme Deroche, MM. Pointereau, Garrec, Lefèvre, Gélard, Laménie, Dufaut, Grignon et B. Fournier, Mme Sittler, MM. Huré, du Luart et Revet, Mmes Des Esgaulx et Troendlé et MM. Dallier, Dulait, Beaumont, Vial, Buffet et Billard, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime est abrogé.
II. – Après l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, il est rétabli un article L. 111-1-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-1-3. - Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations occupées par des tiers, la même exigence d'éloignement est imposée à ces derniers pour toute nouvelle construction et tout changement de destination à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes.
« Il peut être dérogé aux règles du premier alinéa dans des conditions déterminées par décret. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 429 rectifié ter, présenté par MM. Labazée, Daudigny, Mazuir, Boutant, Lozach, Rome, J. Gillot, Krattinger et Miquel, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l’article L. 142-2 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - dans le cadre de la protection et de la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains définis par la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, pour les études nécessaires à l’élaboration du programme d’action et pour l’acquisition des terrains par les collectivités territoriales ou les établissements publics, leur aménagement et leur gestion en vue de la réalisation des objectifs définis par le programme d’action. »
La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur Labazée, votre irruption dans l’hémicycle un samedi matin me permet de démarrer la journée de belle façon en donnant un avis favorable sur votre amendement. Je vous remercie de votre présence dans cet hémicycle pour débattre du projet de loi sur l’agriculture que M. le ministre nous présente !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Même avis !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
L'amendement n° 428 rectifié ter, présenté par MM. Labazée, Daudigny, Mazuir, Lozach, Boutant, Rome, J. Gillot, Krattinger et Miquel, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans chaque département ayant délibéré en faveur de la politique prévue à l’article L. 143-1 du code l’urbanisme, un schéma départemental de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains peut être élaboré. Ce schéma départemental détermine les critères relatifs à la politique de protection des espaces agricoles et naturels périurbains, et définit les objectifs et moyens d’intervention à court et à long terme.
Le schéma départemental est élaboré par le président du conseil général. Après avis des collectivités territoriales concernées, de la région, et des chambres d’agriculture, il est approuvé par le président du conseil. Il fait l'objet d'une publication.
Un décret précise le contenu du schéma et les modalités de son élaboration.
Le schéma départemental est révisé selon la même procédure au moins tous les six ans.
La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Cet amendement a été défendu rapidement, et c'est tout aussi rapidement que je formule un avis défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 428 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 12 bis A (nouveau)
Sont réputées agricoles, au sens du code de l’urbanisme, les constructions destinées, dans la continuité du bâti existant, à assurer une surveillance permanente de l’outil de production et du matériel lié et nécessaire à l’exploitation agricole.
M. le président. L'amendement n° 613, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
code de l’urbanisme
insérer les mots :
, sous réserve qu’elles ne constituent pas l’habitation principale
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, cet amendement vise surtout à soulever une interrogation.
L’article 12 bis A vise à considérer comme « agricoles », au sens du code de l’urbanisme, « les constructions destinées, dans la continuité du bâti existant, à assurer une surveillance permanente de l’outil de production et du matériel lié et nécessaire à l’exploitation agricole ».
Je suis loin d’y être opposé, mais cela peut poser un problème dans la mesure où des habitations permanentes d’agriculteurs seront alors imposées en tant que bâtiments agricoles, ce qui, si ces situations devaient se multiplier, aurait une incidence assez lourde pour les communes en matière de taxe d’habitation.
Telle est mon interrogation, qui justifie le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, monsieur Le Cam. Il me paraît bon que l’on puisse faciliter la construction d’une habitation principale dans la continuité d’un bâtiment existant. En effet, nous rencontrons d’énormes problèmes, dans nos départements, avec des agriculteurs, notamment jeunes, qui ne parviennent pas à se loger.
Mais je ne suis pas d’accord pour que ce ne soit pas une habitation principale ! La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous abordons là le sujet des bâtiments agricoles, sur lequel nous reviendrons sûrement. Le problème qui se pose est celui de l’équilibre à trouver entre bâtiments et exploitations : la nécessité de trouver des solutions d’habitat pour des agriculteurs lorsque la ferme est encore occupée par les parents ou les anciens propriétaires…
On est ainsi confronté à des questions extrêmement difficiles, qui touchent là encore – ce débat a déjà été abordé hier, tard dans la soirée – au code de l’urbanisme, aux grands enjeux urbanistiques.
Cet amendement porte un problème de fiscalité. Compte tenu de difficultés d’arbitrage par rapport au code de l’urbanisme et aux grands enjeux, je m'en remets à la sagesse du Sénat,
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Voilà un peu plus d’un mois, nous avons voté la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, et nous nous devons de trouver une solution au regard de cette loi : on ne peut revenir dessus aussi rapidement.
M. le rapporteur a évoqué le problème du logement des jeunes agriculteurs, qui est réel. Mais on ne peut chercher à le résoudre ainsi, en risquant par exemple, au bout de quatre ou cinq ans, de constater des problèmes de mitage.
La question des constructions se situant dans la continuité du bâti peut être posée, mais pour ce qui est des constructions isolées, on trouvera tous les bons motifs – surveillance du vêlage, etc. – pour contourner la loi ALUR…
M. le président. L'amendement n° 746 rectifié bis, présenté par MM. Vandierendonck, Rainaud, D. Bailly, Chiron et Kerdraon, Mme Claireaux, MM. Vairetto, Chastan, Vaugrenard, Le Menn, Filleul et Delebarre, Mmes Nicoux et Bourzai et M. Teston, est ainsi libellé :
Après les mots :
code de l'urbanisme,
insérer les mots :
et après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers,
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. L’article 12 bis A vise à « adoucir l'interdiction de construction de logement en zone agricole » en prévoyant que les constructions destinées à la surveillance permanente de l'outil de production et du matériel de l'exploitation sont autorisées en zone agricole lorsqu'elles se situent dans la continuité directe du bâti existant. J’insiste sur cette notion de continuité directe, puisque, en matière d’urbanisme, des règles exigent que les bâtiments agricoles se situent à une certaine distance des dernières habitations.
Certes, la question du gardiennage des outils de production et du matériel agricole est une problématique réelle. D'ailleurs, le code de l'urbanisme prévoit des dérogations pour certains types de productions et de bâtiments, dont les bâtiments agricoles, ce qui permet aux agriculteurs de construire à l’écart, dans des zones qui ne sont normalement pas affectées à la construction.
La rédaction actuelle de l'article peut être sujette à de nombreuses interprétations et peut induire des risques de mitage des espaces agricoles. Il paraît nécessaire de mieux circonscrire cette dérogation. C'est l'objet de cet amendement, qui vise à demander l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, ou CDPENAF, instance qui peut être consultée sur toute question relative à la réduction des surfaces naturelles, forestières et à vocation ou usage agricole.
Il s'agit bien de s'inscrire dans la cohérence de la loi ALUR et des débats parlementaires que nous avons eus, qui ont consacré la limitation de l'étalement urbain et la préservation des terres agricoles comme des objectifs majeurs de la stratégie d'aménagement du territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement. Mme Nicoux a raison : sur ce sujet sensible, il est bon que les CDPENAF puissent donner leur avis.
Permettez-moi de rappeler brièvement la situation.
Premièrement, Mme Nicoux évoque la loi ALUR et la lutte contre l’étalement urbain. Toutefois, en zone rurale, on ne lutte pas contre l’étalement urbain.
Deuxièmement, nous sommes d’accord, il faut éviter le mitage et la disparition du foncier. Mais la loi ALUR n’a absolument pas abordé le cas précis des agriculteurs qui doivent se loger près de leur outil de travail.
M. Jean Bizet. C’est regrettable !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Oui, c’est la raison pour laquelle j’ai insisté en commission pour le préciser. Je peux vous citer à cet égard de nombreux exemples d’agriculteurs, en particulier de jeunes agriculteurs. Nous avons par exemple dû loger l’un d’eux en HLM dans une petite commune afin qu’il n’habite pas trop loin de ses terres.
En fonction de ce que font les directions départementales des territoires, les DDT, les jurisprudences sont un peu variables. Mais globalement, si la DDT et le préfet serrent la vis, il n’y a plus aucune possibilité de construction.
M. Jean Bizet. C’est exact !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Comprenons-nous bien : sans reprendre les erreurs qui ont été faites dans le passé, permettons simplement aux jeunes agriculteurs, particulièrement concernés, de pouvoir construire leur maison d’habitation dans le prolongement du bâti existant, afin d’être présents près de leurs terres.
Pour en revenir à ce que disait tout à l’heure M. Le Cam, que l’on habite dans une ferme ou dans une maison située dans la continuité du bâti existant, on paie de toute façon la taxe d’habitation.
M. Gérard Le Cam. Si c’est un bâtiment réputé agricole, cela pose un problème.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Si l’on habite dans un logement, on paie la taxe d’habitation : les choses me semblent claires.
L’amendement de Mme Nicoux me semble bienvenu pour compléter cet article adopté à l’unanimité en commission sur ma proposition. Afin d’éviter les dérives, les CDPENAF seront amenées à émettre un avis, et je m’en félicite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement prévoyant l’avis de la CDPENAF sur ce point.
Sur le bâti, monsieur le rapporteur, la vraie question, si on laisse imaginer que chaque jeune qui s’installe doit pouvoir construire sa maison, c’est celle de la limite. Il faudrait alors poser une limite dans le temps. À défaut, on va se retrouver, à la fin, avec de grands bâtis…
En termes d’urbanisme, il faut aujourd’hui tenir compte de la concurrence entre l’urbanisation et l’espace agricole. Là où la pression sur le foncier est forte – grandes zones urbanisées, zones de montagne avec des zones de plaines agricoles, zones littorales, zones bretonnes… –, la valeur du foncier est telle que nous ne devons pas occulter la tentation de la spéculation foncière. Ne nous racontons pas d’histoires !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Évidemment !
M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est cet équilibre-là qui est difficile à trouver. Nous le verrons dans le cas qui sera évoqué par Odette Herviaux ultérieurement sur les « dents creuses » dans les hameaux littoraux.
M. Jean Bizet. Nous avons bon espoir.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Comment faire ? Nous le savons, derrière l’enjeu logique et sincère des vrais besoins des agriculteurs, il y a les mécanismes de marchés…
M. Jean Bizet. C’est vrai !
M. Stéphane Le Foll, ministre. … qui l’emportent quelquefois largement sur les vrais besoins. C’est toute la difficulté.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Les interventions de M. le rapporteur et de M. le ministre me renvoient à l’échange que nous avons eu hier soir avec M. Daniel Dubois.
Si je suis intervenu hier, c’est parce que le département dont je suis l’élu est justement soumis à une pression foncière, à une spéculation immobilière colossales, en particulier dans les zones de montagne ou périurbaines qui subissent de plein fouet la montée de l’urbanisation du littoral, généralement le long des départementales, sur les meilleures terres puisque les terrains plats propres à l’urbanisation sont également les terres les plus fertiles, enrichies par les apports de limon.
Pour trouver le bon équilibre, il me paraît très important, contrairement à notre collègue, que le schéma de cohérence territoriale, le SCOT, permette de disposer de zonages donnant les grandes orientations afin d’empêcher des spéculations diverses et le blocage de phénomènes d’urbanisation là où ils auraient au contraire pu être pris dans de bonnes conditions pour préserver les espaces essentiels. Donc, un SCOT protecteur, puis un plan local d’urbanisme, ou PLU, adapté. Nous avions insisté sur le fait qu’il fallait éviter que ne s’applique une forme de conformité.
Si je soutiens cet amendement sur le fond, monsieur le rapporteur, je suis en revanche gêné – c’est là où je voulais en venir –, par rapport à la cohérence que nous avons eue jusqu’à présent, que l’objet évoque « l’avis conforme » de la CDPENAF. Il me semblait que nous avions précisément exclu cette notion.
Je ne voudrais pas qu’une erreur d’interprétation subsiste, car, si je suis favorable à un amendement tendant à demander l’avis de la CDPENAF, je serais en revanche défavorable à un amendement visant à obtenir un avis conforme.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Guillaume, rapporteur. J’avoue que je n’avais lu que le texte de l’amendement et non son objet. Nous sommes bien d’accord, l’amendement prévoit l’avis de la CDPENAF. Comme je vous l’ai dit hier soir, je suis opposé à un avis conforme. Il s’agit d’une simple erreur de dactylographie, comme on le disait à l’époque de Daniel Raoul…(Sourires.)
M. le président. Seul le texte de l’amendement compte, mes chers collègues.
La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Ce n’est pas pour le plaisir du contre-pied, mais j’avais également noté que l’objet précisait « l’avis conforme » de la CDPENAF.
Or, il s’agit de cas particuliers extrêmement sensibles et, pour le coup, l’avis conforme de la commission me paraît extrêmement important.
Sur ce sujet, il est dommage que l’on ne puisse pas créer de lien juridique indissociable entre l’exploitation et l’habitation qui y est liée.
J’ai déjà été confronté à la situation évoquée par M. le ministre. Je vous donne un exemple : un bâtiment destiné à la surveillance des terres a déjà été construit, mais le fils, qui reprend l’exploitation, demande à bâtir une nouvelle maison alors que la maison initiale est la maison agricole. Il est donc essentiel, sur ces questions, de demander un avis conforme de la commission.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Depuis le début de ce débat, nous avons souvent parlé de l’économie agricole, des revenus des éleveurs. Or – nous en sommes tous conscients –, le revenu d’un éleveur dépend de la qualité de la surveillance de son troupeau, en particulier en cas de troupeau allaitant.
Dans un troupeau de cent ou cent cinquante vaches d’un groupement agricole d’exploitation en commun, un GAEC, il se produit un grand nombre de vêlages par an, dont une bonne partie de nuit. Or la surveillance est capitale, et les éleveurs le savent bien : leur présence est parfois requise plusieurs fois par nuit en période de vêlage ! Leur objectif est donc tout de même d’habiter le plus près possible de l’élevage.
Les éleveurs n’ont souvent pas les moyens de construire leur habitation avant l’âge de quarante ou quarante-cinq ans. Les jeunes sont bien entendu concernés. Voilà une quinzaine de jours, dans un village, un fils dont le père part à la retraite a trouvé un jeune avec qui former un GAEC. Il souhaite construire : nous avons dû rencontrer le préfet pour essayer de trouver une solution parce que la DDT opposait une fin de non-recevoir. Il y a donc un vrai problème. Il faut trouver une solution, surtout pour les éleveurs.
Déjà, on demande aux éleveurs de quitter les centres de village et de se tenir à une certaine distance des autres installations, ce qui est normal compte tenu de la taille actuelle des troupeaux. Mais la réciproque n’est pas toujours vraie : certains viennent s’installer à proximité d’eux. Je connais le cas d’un agriculteur qui, à la suite d’une telle installation à proximité de son exploitation, a dû se déplacer de nouveau, au bout de quinze ou vingt ans, faute de pouvoir s’agrandir !
Je soutiens l’amendement de Mme Nicoux. Le fait que la CDPENAF émette un avis devrait permettre d’éviter que plusieurs maisons ne soient construites.
L’éleveur qui habite près de l’exploitation, dans un GAEC, a souvent du mérite, car c’est lui, et non celui qui habite loin, qui est sollicité en permanence pour prodiguer des soins aux animaux ou attendre le vétérinaire jusqu’à vingt-deux heures. N’ayez pas peur : dans un GAEC, personne ne se bat pour être à côté de l’exploitation ! C’est à l’éleveur le plus chevronné qu’il revient d’habiter à proximité.
Il faut trouver des solutions, parce que la surveillance des troupeaux, qu’il s’agisse de bovins, d’ovins, de porcs ou de vaches allaitantes, est indispensable en termes économiques. J’avais déjà évoqué la question au moment de l’examen de la loi ALUR, mais je ne crois pas que nous l’ayons résolue. S’il le faut, limitons l’extension du dispositif aux éleveurs. Il faut également tenir compte de la qualité de la vie, et la situation n’est pas la même pour un céréalier ou un viticulteur : il est impensable qu’un éleveur soit obligé de faire plusieurs kilomètres de trajet, de nuit, sous la neige – n’oubliez pas que je suis élu du Jura –, pour surveiller son troupeau !
M. Marc Daunis. N’oublions pas le loup !
M. Gérard Bailly. Rendez-vous compte des réalités du terrain ! C'est pourquoi il faut trouver des solutions.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lasserre. Nous voterons cet amendement, qui va dans le bon sens ; mais réalisons que la France n’est pas homogène : il existe des traditions d’habitat dispersé, d’habitat concentré… C’est l’application de ce dispositif qui peut poser problème. Il faut donc prévoir, notamment au niveau de l’administration, des règles et des capacités de discernement.
Il est bien évident que la situation d’un agriculteur éleveur n’est pas la même que celle d’un agriculteur céréalier. L’éleveur qui souhaite accoler une maison à un bâtiment d’exploitation ne recherche pas forcément un gain spéculatif. C’est d’ailleurs bien souvent le contraire qui se produit ! Alors, de grâce, respectons les éleveurs !
Je voudrais formuler deux remarques, fondées sur des constatations de terrain. Il faut que l’administration dispose de capacités de discernement s'agissant des demandes d’autorisations. Je sais que certaines installations dites « de complaisance » sont destinées à obtenir un permis de construire. Cela existe ! Une mise en relation avec le registre des agriculteurs permettrait sans doute de se prémunir contre de tels cas.
La loi prévoit un bon dispositif qu’il faut l’utiliser intelligemment. L’administration doit donc faire preuve de discernement et de vigilance. Les installations qui ne correspondent pas à un véritable besoin – et il y en a ! –risquent de porter ombrage à l’ensemble du système. Trouvons un dispositif dont nous puissions garantir la bonne application !
M. le président. L'amendement n° 329 rectifié, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mme Mélot, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après le mot :
existant
insérer les mots :
de l’exploitation
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté et que la disposition soit applicable, il convient d’ajouter que le bâti existant dont il est question n’est pas celui de la zone de la commune, mais bien celui de l’exploitation. Le bâti existant peut être un bâtiment d’élevage, une serre, un hangar pour le matériel, par exemple.
Les maîtres d’ouvrage en retirent des effets positifs en réduisant d’autres coûts, en termes d’image, de communication et d’acceptabilité de leur projet. Ils évitent ainsi des recours juridiques, et donc des dépenses.
En pratique, la compensation agricole existe de manière isolée, dans certains départements. Aussi, pour des raisons d’équité sur le territoire national, il est important de donner un cadre législatif à cette mesure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Je ne partage pas cette analyse. Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui n’apporte rien : tout est dans le texte que nous avons voté. Ajouter cette précision pourrait même avoir un effet négatif. La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 12 bis A, modifié.
(L'article 12 bis A est adopté.)
Articles additionnels après l'article 12 bis A
M. le président. L'amendement n° 399 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Amoudry, Roche et Deneux, Mme N. Goulet et MM. Dubois et A. Dupont, est ainsi libellé :
Après l'article 12 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le septième alinéa du 6° du II de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Les constructions existantes situées en dehors de ces secteurs et dans les zones naturelles, agricoles ou forestières ne peuvent faire l’objet que d’une adaptation, d’une extension limitée ou d’une réfection, à l’exclusion de tout changement de destination. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement s’inscrit dans la même ligne d’assouplissement des dispositions.
Quand, lors de la discussion de la loi ALUR, nous avons souhaité apporter quelques assouplissements aux mesures agricoles, on nous a répondu, comme c’est souvent le cas, qu’une grande loi agricole arrivait. Or, maintenant que nous examinons cette dernière, les dispositions votées dans la loi ALUR nous entravent. Cela arrive d’ailleurs assez souvent : lorsque, comme hier, nous proposons des mesures fiscales, on nous dit d’attendre la loi de finances, puis la loi de finances rectificative… Il y a toujours un autre texte ; vous connaissez le système comme moi, monsieur le ministre.
Cet amendement a pour objet de permettre explicitement à l’habitat isolé – j’ai bien compris qu’il n’était pas chéri par ce texte – existant dans les zones naturelles et agricoles et non lié à l’activité agricole de pouvoir évoluer à la marge.
La loi ALUR rend en effet exceptionnelle la pratique du pastillage et ne permet plus d’identifier ces habitations extrêmement nombreuses. Il importe donc d’apporter un peu de souplesse.
Il ne serait pas cohérent que les élus s’inscrivant dans une démarche de planification soient plus contraints que lorsque le règlement national d’urbanisme, le RNU, trouve à s’appliquer.
En outre, ces habitations existent déjà. Il ne s’agit donc pas d’amplifier le mitage ou la consommation des espaces agricoles, mais simplement de permettre une évolution à la marge de ce qui existe déjà.