Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je saisis cette occasion pour vous relater une mésaventure territoriale qui m’est arrivée.
On a recherché dans toute la France la présence de PCB, à la suite de la découverte de cette substance dans le Rhône. On a tiré au sort, par département, un éleveur de volailles pour les œufs et un éleveur laitier.
Dans ma région, c’est un éleveur de volailles près de Maubeuge qui a été tiré au sort : ses œufs se sont révélés complètement contaminés par la dioxine. J’ai voulu l’aider, car la firme qui reprenait les œufs pour les vendre dans la grande distribution, alertée par la direction des services chargés des contrôles sanitaires, n’en a plus voulu. La petite entreprise familiale était donc en faillite totale.
J’ai suivi tout le processus depuis le départ ; j’ai même assisté à la fabrication des boîtes d’œufs. J’ai appris – c’est très intéressant ! – que les contrôles sanitaires portaient sur tout, à l’exception de la dioxine. Donc, cela devait faire dix ans qu’on mangeait ces œufs contaminés ! Incroyable, non ?...
Un geste a été fait : les œufs ont été repris, pour une destination que j’ignorais, la casserie. Les œufs des casseries, ce ne sont pas ceux que vous achetez dans les hypermarchés ; ce sont ceux qui sont utilisés dans les quiches, …
Mme Françoise Férat. Ah !
Mme Marie-Christine Blandin. … les biscuits de célèbres marques industrielles, les « bons » produits contrôlés et normés de l’agroalimentaire.
Dans le même temps, lorsque j’ai voulu apporter une tarte aux pommes à l’école pour l’anniversaire de ma petite fille, il m’a été répondu qu’en raison des normes sanitaires il était désormais interdit d’apporter des produits non contrôlés pour les enfants. Ce jour-là, les enfants ont donc mangé des biscuits fabriqués avec les œufs de la casserie, c’est-à-dire contaminés à la dioxine !
Vous le voyez, en matière de normes, il y a, sans jeu de mots, à boire et à manger !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous avons passé beaucoup de temps, grâce à une initiative de notre collègue Éric Doligé, à débattre de l’adaptabilité des normes dans des domaines extrêmement importants, notamment au sein des collectivités locales. Nous avons été confrontés à de nombreuses difficultés, et nous n’avons d’ailleurs pas pu intégrer dans notre droit positif cette notion d’adaptabilité. Or, comme l’a rappelé M. le ministre, la sécurité alimentaire existe. C’est probablement le dernier secteur où l’on devrait appliquer cette règle d’adaptabilité, si nécessaire et réclamée par les collectivités locales.
C’est pourquoi je suis fortement opposée à l’amendement n° 129.
Mme la présidente. Monsieur Labbé, l'amendement n° 129 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. J’aurais pu le retirer, madame la présidente, mais Mme Goulet m’incite à le maintenir ! (Sourires.)
Il s’agit véritablement de deux mondes différents : la grande industrie agroalimentaire et les petites structures que nous voulons promouvoir, et qui présentent des risques sanitaires bien moins importants.
Monsieur le ministre, si des efforts ont déjà été consentis à l’échelon national, nous pouvons encore mieux faire. Chacun d’entre nous connaît des petits producteurs ou transformateurs coincés par des normes qui ne leur sont pas adaptées.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. J’ai entendu le témoignage de Mme Blandin, dans son rôle sans doute à l’époque de présidente du conseil régional du Nord–Pas-de-Calais…
Mme Marie-Christine Blandin. Pas spécialement !
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Au sujet des rapports, ma position a toujours été constante : ils s’entassent et ne sont jamais lus par quiconque. J’ai d’ailleurs vu un jour au journal télévisé un économiste, ou quelqu’un qui se prétendait tel, arriver avec un chariot rempli de rapports que personne n’avait encore ouverts ! Voilà la réalité des étagères des ministères : elles sont remplies de rapports parlementaires que nul ne lit.
S’il en était besoin, je veux conforter la position du ministre en ce qui concerne la différenciation des normes. Elle ne se fait pas dans le sens où vous l’imaginez, chers collègues. En réalité, il s’agit d’imposer plus de normes aux grosses entreprises, autrement dit de les obliger à développer l’autocontrôle. C’est ensuite en effectuant des sondages que les services qualité s’assurent du niveau d’autocontrôle.
M. Labbé chercherait-il à développer les défenses immunitaires de nos concitoyens ? (Sourires.)
Moi aussi, j’ai été tenté, dans les années soixante-dix, d’acheter des fromages de chèvre à des petits producteurs qui les vendaient au bord des routes. Mal m’en a pris : j’ai attrapé la fièvre de Malte, autrement dit la brucellose – j’ai eu deux poussées par an pendant des années –, parce que les bêtes n’étaient pas vaccinées.
M. Gérard César. Eh oui !
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Merci le contrôle sanitaire ! Si vous abaissez ce genre de normes, c’est la santé de nos concitoyens qui en pâtira.
M. Gérard Bailly. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Pour éclairer ce débat important, je citerai deux exemples.
Tout d’abord, je parlerai du chocolat Valrhona, grande marque de l’industrie agroalimentaire, qui effectue des contrôles très stricts. C’est les meilleures fèves et le meilleur chocolat du monde ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Ce n’est pas moi qui le dis, tout le monde le reconnaît. C’est à tout le moins le meilleur chocolat de France !
M. Jean-Jacques Mirassou. Pas de réclame !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Je ne fais pas de publicité !
Ensuite, à l’autre bout de la chaîne de production, je citerai les petits producteurs de plantes à parfum, aromatiques et médicinales, ceux de lavande, par exemple. On s’aperçoit qu’ils sont également soumis à de nombreux contrôles. Ceux-ci sont très importants, car nous sommes aujourd'hui confrontés à un problème de dégénérescence des plantes. M. le ministre vient d’ailleurs de nommer un chargé de mission sur ce sujet particulier, M. de Laurens de Lacenne, ce dont je me félicite, car nous courons le risque de ne plus avoir un seul champ de lavande d’ici à cinq ans. Ce serait une perte pour la France, premier pays touristique en Europe, voire au monde.
La lavande a des bienfaits, elle permet de se détendre. Il suffit de frotter un peu de lavande dans ses mains, puis de humer l’odeur pour revivre et se sentir parfaitement détendu. Si, juste après, vous mangez un carré de chocolat, alors là c’est l’extase ! (Sourires.) Si nous pouvions le faire à l’instant, cela nous permettrait d’examiner ce texte dans les meilleures conditions possible ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour cette séquence pub ! (Mêmes mouvements.)
Je mets aux voix l'amendement n° 129.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8 bis (nouveau)
I. – Les campagnes d’information collectives et génériques sur les produits frais, menées par les organisations professionnelles ou interprofessionnelles agricoles portant notamment sur la qualité des produits, les bénéfices nutritionnels et usages culinaires des produits, la connaissance des métiers de la filière ou des démarches agro-environnementales, bénéficient d’espaces d’information périodiques gratuits auprès des sociétés publiques de radio et de télévision.
Les organisations professionnelles ou interprofessionnelles des filières agricoles concernées – viandes fraîches, fruits et légumes frais, produits laitiers frais - peuvent contribuer au financement de tout programme radiophonique ou télévisuel sans porter atteinte à la responsabilité et à l’indépendance éditoriale des sociétés de radio et de télévision, dès lors que le message diffusé en contrepartie du financement porte exclusivement sur la promotion collective générique des produits de ces filières et de leurs propriétés à l’exclusion de toute promotion d’entreprises commerciales proposant à la vente des produits ou des services.
Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret.
II. – La perte de recettes pour les sociétés publiques de radio et de télévision est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)
Article 9
(Non modifié)
Le titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le chapitre VII est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Coopération en matière de sécurité et de protection de la santé
« Art. L. 717-10. – Les employeurs et travailleurs indépendants qui exercent les activités mentionnées aux 1°, 2° et 4° de l’article L. 722-1 sur un même lieu de travail coopèrent afin de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives et adoptent des mesures de prévention des risques professionnels appropriées. Les donneurs d’ordre concourent à la mise en œuvre de ces mesures.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de cette coopération. » ;
2° Le chapitre IX est ainsi modifié :
a) L’article L. 719-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même pour les travailleurs indépendants et les employeurs lorsqu’ils exercent une activité mentionnée aux 1°, 2° et 4° de l’article L. 722-1 sur un même lieu de travail, s’ils n’ont pas mis en œuvre les obligations prévues à l’article L. 717-10. » ;
b) À l’article L. 719-9, la référence : « à l’article L. 717-9 » est remplacée par les références : « aux articles L. 717-9 et L. 717-10 ». – (Adopté.)
Article 9 bis
(Non modifié)
L’article L. 718-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « est constitué au plan départemental » sont remplacés par les mots : « peut être constitué au plan départemental, interdépartemental ou régional, » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « régional ou national » sont remplacés par les mots : « interdépartemental ou régional ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 9 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 739 rectifié, présenté par MM. J. Boyer, Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier alinéa de l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Un produit peut porter l'appellation « fermier » dès lors qu'il est vendu en l'état ou que sa transformation en produit fini respecte les méthodes traditionnelles. Cette transformation peut se faire soit sur l'exploitation elle-même, soit en lieu où les producteurs se sont regroupés pour assurer l'élaboration du produit fini.
« Un produit peut porter l’appellation « Montagne » dès lors qu'il est produit en l'état en zones de montagne, délimitées conformément à l'article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, voire transformé à partir des produits issus de ces mêmes zones en respectant les méthodes traditionnelles et les savoir-faire locaux. La totalité du produit doit être issu de ces zones sans alternance, ni importation de matières premières extérieures aux zones de montagne. »
La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.
M. Jean-Jacques Lasserre. Il s’agit de deux notions de première importance, celles de produits fermiers et de produits de montagne. Dans certains cas, notamment en zones de montagne, la qualité des produits et la particularité de ceux-ci ne sont pas suffisamment valorisées. C’est pourquoi cet amendement vise à mettre l’accent sur le différentiel positif des produits issus de ces territoires, souvent en difficulté.
Nous ne sommes évidemment pas dupes des problèmes qui se poseront, notamment en matière de certification. C’est probablement l’objection qui nous sera faite. Mais nous tenons absolument à ce que ces appellations soient mises en évidence. Cela n’a pas été suffisamment fait à ce jour.
Un tel amendement, qui va dans le sens de l’histoire, répond à la demande du consommateur et cherche à bien exploiter les particularismes.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 78 rectifié, présenté par M. Revet, Mmes Morin-Desailly, Sittler et Des Esgaulx et M. Beaumont, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier alinéa de l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un produit peut porter l'appellation « fermier » dès lors qu'il est vendu en l'état ou que sa transformation en produit fini respecte les méthodes traditionnelles. Cette transformation peut se faire soit sur l'exploitation elle-même, soit en un lieu où les producteurs se sont regroupés pour assurer l'élaboration du produit fini. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement recouvre finalement le premier alinéa de l’amendement qui vient de nous être présenté.
Monsieur le ministre, permettez-moi d’insister : on cherche à promouvoir les produits de qualité et la vente directe, mais il faut une définition. Or il me semble que la définition actuelle des produits fermiers ne correspond pas à la réalité.
Il se trouve que mon successeur transforme tous ses produits à la ferme. Je le vois vivre, et je pense qu’une famille a le droit de pouvoir bénéficier d’une certaine qualité de vie. Si plusieurs producteurs se réunissaient, les choses pourraient s’améliorer de ce point de vue.
Actuellement, l’appellation « fermier » signifie seulement que le produit est transformé à la ferme. C’est tout. Autrement dit, un agriculteur qui transforme et pasteurise son produit sur l’exploitation elle-même peut se prévaloir de ce label, mais pas celui qui le transforme en un lieu extérieur, même s’il respecte les méthodes traditionnelles. C’est ridicule !
Si l’on veut améliorer la qualité de vie des producteurs, il est important de leur permettre de s’organiser et de se regrouper, en les autorisant à appeler leurs produits « fermiers » dès lors qu’ils sont transformés de manière traditionnelle.
J’y insiste, c’est un point extrêmement important pour l’avenir, monsieur le ministre. On ne peut pas, d’un côté, défendre la vente directe et les productions de qualité, et, de l’autre, interdire aux agriculteurs de s’organiser pour fabriquer ensemble un produit de manière traditionnelle.
Mme la présidente. L'amendement n° 81 rectifié, présenté par M. Revet, Mmes Morin-Desailly, Sittler et Des Esgaulx et MM. G. Bailly, Bécot et Beaumont, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 641-19 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un produit peut porter l'appellation « fermier » dès lors qu'il est vendu en l'état ou que sa transformation en produit fini respectera les méthodes traditionnelles de transformation. Cette transformation peut se faire soit sur l'exploitation elle-même, soit en un lieu où les producteurs se sont regroupés pour assurer l'élaboration du produit fini. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Mes chers collègues, nous abordons un sujet très important pour les consommateurs. Tout à l’heure, notre collègue Jean-Jacques Mirassou se plaignait que nous ne parlions pas beaucoup des consommateurs. Ici, nous nous adressons directement à eux !
À l’heure actuelle, pour reprendre le jargon moderne, il existe une demande sociétale. Les consommateurs veulent des produits traçables, du bio, des produits vendus à la ferme, etc. Il n’y a qu’à voir le succès que connaissent les opérations de type « de ferme en ferme » ou l’engouement pour les bistrots gourmands ou encore les bistrots fermiers, par exemple, pour s’en convaincre.
Cependant, la notion de produits fermiers est mal définie. Il s’agit surtout d’un affichage commercial…
M. Jean-Jacques Mirassou. Souvent galvaudé !
M. Didier Guillaume, rapporteur. … destiné à inciter les consommateurs à acheter : ces derniers vont choisir d’acheter ces produits précisément parce qu’ils sont fermiers Je partage donc bien volontiers les propos de mes collègues Jean-Jacques Lasserre et Charles Revet.
Par ailleurs, pour qu’un produit soit dit « fermier », il doit être produit et transformé à la ferme. Or certains exploitants peuvent produire, mais ne sont pas équipés pour assurer la transformation. Celle-ci doit donc intervenir à l’extérieur de la ferme. Dès lors, le produit ne peut plus bénéficier de l’appellation « fermier ». J’avoue que l’appellation pourrait dépendre de l’endroit où le produit est transformé.
Prenons un autre exemple, monsieur Lasserre. Il y a chez vous de formidables élevages de porc pie noir du Pays basque ; ce sont des produits fermiers. Je pense à Pierre Oteiza aux Aldudes ou à Montauzer à Bayonne. Mais qu’est-ce qui empêcherait un exploitant d’acheter des porcs industriels en Bretagne et de les transformer sur son exploitation ? S’agirait-il toujours d’un produit fermier ?
M. Charles Revet. Non !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Eh bien oui !
M. Charles Revet. C’est tout le problème !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Il y a donc une réelle difficulté, que je ne sais pas comment régler.
Je ne peux émettre un avis favorable sur ces amendements, car le sujet mérite d’être approfondi. Comment ? Dans quel cadre ? Je ne sais pas encore. Mais si nous adoptions aujourd'hui ces dispositions, le problème posé par le contre-exemple que je viens d’évoquer, à savoir celui du porc industriel transformé selon des méthodes traditionnelles à la ferme, restera entier.
En revanche, et je suis d’accord avec vous, ce qui manque au dispositif de valorisation des produits fermiers, c’est la possibilité de pouvoir labelliser les produits issus de l’exploitation, mais transformés dans la ferme voisine. C’est un vrai problème.
M. Charles Revet. Oui, car il s’agit bien d’un produit traditionnel !
M. Didier Guillaume, rapporteur. D’où, comme l’a bien compris Stéphane Le Foll, l’intérêt des GIEE, qui permettront de répondre aux préoccupations exprimées par nos collègues Jean-Jacques Lasserre et Charles Revet ! (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Grâce aux GIEE, les regroupements seront possibles : les producteurs pourront à la fois produire et transformer ensemble, et bénéficier de l’appellation « fermier » ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. Marc Daunis. Bravo !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Vous l’aurez compris, sur le principe, je suis très favorable, mais je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur ces amendements, car la solution n’est pas mûre.
Ces amendements vont dans le bon sens, mais il faudrait travailler encore un peu sur cette question, afin de bien prendre en compte tous les cas de figure. M. le ministre ne manquera certainement pas de nous éclairer sur ce point ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Deux sujets différents sont abordés ici : les produits fermiers et les produits de montagne.
Pour ce qui est des produits de montagne, ils sont visés par le règlement européen n° 1151/2012. Même durant la négociation de la réforme de la politique agricole commune, nous avons été jusqu’à définir les règles qui s’appliqueront demain à l’appellation « montagne », ce qui ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes. Je pense, en particulier, aux cochons de montagne lesquels, dans certains ateliers, étaient bien élevés en montagne, mais avec une alimentation produite en plaine.
On a essayé de trouver des critères à l’échelle européenne. Au départ de la discussion, le taux d’alimentation provenant de la montagne était de 50 %. Ce taux a été abaissé à 25 %. Mais même à ce niveau, il faudra faire preuve d’imagination. Par exemple, dans certains endroits, on réfléchit à une réutilisation de la châtaigne pour nourrir les cochons, comme cela se pratiquait avant dans les montagnes.
Pour ce qui est des produits fermiers, nous serions bien en peine d’appliquer une appellation transversale à toutes les productions, quelles qu’elles soient. La difficulté est extrêmement importante. M. le rapporteur a évoqué le problème des cochons transformés à la ferme – même par des charcutiers –, mais achetés ailleurs, qui bénéficient du label « fermier ».
On rencontre des problèmes avec la filière poulets et bien d’autres productions ; on essaie de progresser avec la filière œufs. Aujourd’hui, on ne peut pas clairement définir ce qu’est une appellation « fermier » ou « produit à la ferme », compte tenu de la diversité des situations et des multiples possibilités qui existent d’utiliser cette appellation sans que cela corresponde à l’idée qu’on peut se faire de tels produits.
Tels qu’ils sont rédigés, je ne suis donc pas favorable à ces amendements.
S’agissant des produits et des appellations « fermier », nous progressons, en particulier, je le répète, avec la filière œufs. Il faut travailler et discuter avec toutes les interprofessions pour essayer de fixer des règles qui soient applicables à tout le monde.
Voyez ce que nous avons fait avec le logo « Viandes de France » : il a fallu à peu près un an pour définir le cahier des charges, ce qui est déjà un délai extrêmement court, dans la mesure où toutes les filières de production animale se sont engagées. Le travail a consisté à restructurer et à intégrer les cahiers des charges existants. C’est un travail extrêmement long. Le pire, c’est de mentir aux consommateurs, de créer un label, au risque de se voir reprocher ultérieurement d’avoir introduit quelque chose de faux sur le marché, parce que ce n’est pas clair, ni net.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements, même si nous devons bien entendu progresser sur la question des produits fermiers et structurer tout cela.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lasserre. Ce sont de bonnes réponses qui nous sont apportées, mais essayons au moins de réfléchir un instant pour rendre ce débat utile et profitable.
Chacun de nous a des exemples. À cet égard, je félicite M. le rapporteur de sa connaissance du Pays basque. (Sourires.) Chacun de nous fréquente les marchés. Quand je parcours les marchés dits de proximité ou approvisionnés par des soi-disant fermiers, j’en sors souvent effrayé, parce que je connais les pratiques abusives ou anormales qui se cachent derrière ces terminologies et leur exploitation.
À cet égard, je pourrais vous citer des exemples. Un de mes amis, producteur de kiwis, reçoit régulièrement la visite de personnes qui viennent lui acheter certains de ses fruits impropres à la commercialisation, ce qui ne les empêche pas de devenir des kiwis fermiers, de Peyrehorade à Anglet. De tels exemples fourmillent.
Ce débat est intéressant, mais il faudrait vraiment approfondir cette question. S’agissant tant des produits fermiers que des produits de montagne, que faut-il faire ? Il faut définir un cahier des charges, prévoir des dispositifs de contrôle et de certification. Nous avons en tête le triptyque qui a présidé à la mise en place des AOC, qui sont devenues des AOP.
J’en conviens, ces amendements sont incomplets. Néanmoins, on ferait véritablement du bon travail si au moins, après cette discussion, des dispositions étaient prises en la matière. Pourquoi ne pas créer un groupe de travail chargé de formuler des propositions solides et intéressantes ?
Il faut absolument sortir de la situation actuelle : les images liées aux fermes ou à la montagne ne sont pas convenablement exploitées, ce qui entraîne une moindre plus-value pour ces produits. Il nous appartient d’améliorer la situation, et c’est ce qui motive ma proposition. Je ne connais pas le moyen de parvenir à cet objectif – peut-être la constitution du groupe de travail dont je viens de parler ?... –, mais il importe au moins que cette discussion serve à quelque chose.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. L’amendement n° 81 rectifié dont je suis cosignataire est un bon amendement d’appel, même si je ne suis pas certain, après ce qu’ont dit M. le rapporteur et M. le ministre, que je puisse obtenir satisfaction. Il faudrait affiner notre proposition avant la deuxième lecture, afin d’apporter des précisions.
Malgré tout, à mon sens, un produit peut prendre l’appellation « fermier » dès lors qu’il est vendu en l’état ou que sa transformation en produit fini respecte les méthodes traditionnelles.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Gérard Bailly. Si l’on inscrit ces critères dans la loi, nous éviterons ainsi que ne soit « fermier » le cochon ou le veau qui vient de je ne sais où. Pour obtenir l’appellation « fermier », il doit être élevé, transformé ou vendu en l’état selon les méthodes traditionnelles.
Il serait tout de même dommage que ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture n’évoque pas ce problème. Je propose donc qu’on y réfléchisse d’ici à la deuxième lecture.
Concernant l’appellation « montagne », nous avons eu de longs débats à ce sujet ici même voilà trois ou quatre ans. M. le ministre nous a dit que cette appellation était aujourd’hui mieux définie, mais je rappelle qu’on rencontrait encore de gros problèmes avec des fromages AOC, selon qu’ils étaient produits en zone de montagne ou hors zone de montagne. Il y avait une vraie bagarre entre les fromageries des zones de montagne, qui voulaient inscrire sur leurs produits l’appellation « montagne », et les autres fromageries, parfois situées à quelques centaines de mètres, mais hors zone de montagne. Pourtant, il s’agissait d’une zone d’appellation d’origine.
Il n’est donc pas possible d’évoquer ce sujet aussi rapidement. Cette question mérite une véritable réflexion d’ici à la deuxième lecture.
M. André Reichardt. Très bien !