M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.
(La proposition de loi est définitivement adoptée.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. En cet instant, je ne peux pas ne pas remercier non seulement Mme la ministre, mais aussi nos collègues de l’ensemble du travail qu’ils ont préalablement effectué et qui a permis d’aboutir à ce vote. Des noms ont été cités, en particulier celui de Pierre Jarlier. Nous avons essayé de faire avancer les choses et, véritablement, de simplifier.
Bien sûr, ce texte n’est pas parfait. Pour autant, s’agissant du problème de l’inventaire des sections, le simple fait de préciser clairement qui est membre d’une section permettra de simplifier grandement la vie des communes dans le cadre d’éventuels contentieux.
Je le répète, en ce bas monde, rien n’est parfait. Je dirai donc, pour paraphraser un célèbre philosophe, que les ombres du tableau font ressortir la qualité des couleurs. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. le rapporteur est un grand philosophe ! (Sourires.)
M. le président. Mes chers collègues, avant d’interrompre nos travaux pour quelques instants, je salue la présence en tribune des membres d’un conseil municipal des jeunes d’une commune du Haut-Rhin.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Saisines du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi ce jour, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, d’une part, par plus de soixante sénateurs, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi portant prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger et, d’autre part, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la sécurisation de l’emploi.
Le texte des saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
7
Représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux, présentée par M. Alain Bertrand et plusieurs de ses collègues (proposition n° 386, texte de la commission n° 545, rapport n° 544).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Bertrand, auteur de la proposition de loi.
M. Alain Bertrand, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux que la proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux soit soutenue par l’ensemble du groupe du RDSE. J’espère que, à la fin de ce débat, je pourrai également remercier de leur soutien tous les autres groupes de la Haute Assemblée. (Sourires.)
Je ne tiendrai pas devant vous le discours traditionnel sur la ruralité ou l’hyper-ruralité, cette pépite de la République française riche de ses forces vives et de ses nombreux projets. Je ne vous dirai pas que le fait urbain est une tendance irréversible, inéluctable, qui écrabouille un peu les ruraux que nous sommes. Je me référerai plutôt à mon expérience passée de conseiller régional pour tenter de vous démontrer que la loi actuellement en vigueur rend impossible, dans certains départements, le plein exercice par les élus régionaux de leurs responsabilités.
En vertu du mode de scrutin en vigueur, les conseillers régionaux sont élus dans le cadre de sections départementales affiliées à une liste régionale, qui servent à la répartition des sièges au prorata des voix obtenues. Si ce dispositif n'avait affecté que la Lozère, j'aurais répugné à vous soumettre la présente proposition de loi. Or il touche également le Cantal, cher à Jacques Mézard, la Creuse, dont est élue notre collègue Renée Nicoux, les Hautes-Alpes, les Alpes-de-Haute-Provence, autant de départements qui sont faiblement représentés dans leurs assemblées régionales respectives.
Pourquoi dis-je qu’il est impossible pour certains conseillers régionaux d’exercer pleinement leur mandat ? Prenons l’exemple de la Lozère, le plus significatif. Le conseil régional du Languedoc-Roussillon compte 67 élus. La section départementale de vote de Lozère, elle, y compte un élu – soit 1,49 % du total des élus –, alors que ce département représente 20 % du territoire régional.
De fait, cet élu revêt une importance particulière puisqu'il est le seul représentant de son territoire et de sa population. La loi l’oblige à siéger dans tout un tas d'instances : dans les conseils d’administration des lycées – c'est très important –, dans des organismes compétents en matière d'emploi, notamment les missions locales pour l’emploi, dans les centres de formation d’apprentis, dans les instituts de formation en soins infirmiers, avec les élus de montagne, dans le comité régional du tourisme, dans les comités de massif, dans différents services publics, dont La Poste, à la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire, dans les pays, dans les offices publics d’HLM, dans les schémas de cohérence territoriale, dans les schémas d’aménagement et de gestion des eaux, etc. En tout, j’ai compté 57 organismes ou instances dans lesquels le conseiller régional élu de la section départementale de vote de Lozère doit obligatoirement siéger. Puisqu’il est seul, il faut bien qu’il y aille ! Mais c’est une mission impossible à remplir.
Une région fonctionne avec une assemblée délibérante, une commission permanente et des commissions. La région Languedoc-Roussillon, autrefois présidée par l'excellent Georges Frêche et qui l’est aujourd'hui par le non moins excellent Christian Bourquin, ne fait pas exception :
Commission n° 1 : Éducation-Lycée. Il est indispensable d’y être !
Commission n° 2 : Culture-Patrimoine-Cultures occitane et catalane. C’est indispensable !
Commission n° 3 : Relations internationales-Europe-Francophonie. C’est important !
Commission n° 4 : Transport-Intermodalité-Ports de commerce-Aéroports.
Commission n° 5 : Développement économique-Développement des entreprises-Parcs régionaux d’activités économiques. Il faut y être !
Commission n° 6 : Formation professionnelle et apprentissage. Il faut y être !
Commission n° 7 : Intergénération-Santé-Jeunesse-Handicap et lutte contre les discriminations-Plan « senior »-Vie associative. Il est indispensable d’y être !
Commission n° 8 : Agriculture-Viticulture-Pêche. Il faut y être, et c’est d’ailleurs dans cette commission que je siégeais !
Commission n° 9 : Aménagement du territoire. Indispensable !
Commission n° 10 : Ruralité-Montagne-Élevage. Il faut y être !
Commission n° 11 : Tourisme. Très important dans le milieu rural, monsieur Mézard, il faut y être !
Commission n° 12 : Finances. Le nerf de la guerre : il faut y être !
Commission n° 13 : Sports. Il faut y être ! Même si les sports, monsieur le ministre, donnent parfois lieu à des comportements bien idiots dans notre République.
Commission n° 14 : Développement durable-Agenda 21-Énergie-Parcs naturels régionaux. Il faut y être !
Commission n° 15 : Eau et prévention des risques-Aqua Domitia. Chers amis écologistes, chère madame Lipietz, il faut y être !
Commission n° 16 : Habitat-Logement social. Il faut y être, et Mme Duflot m’obligerait à y siéger ! (Sourires.)
Commission n° 17 : Enseignement supérieur et recherche-Innovation-Nouvelles technologies de l’information et de l’éducation. C’est indispensable !
Mme Cécile Cukierman. Il faut y être ! (Sourires.)
M. Alain Bertrand. Commission n° 18 : Droits des femmes. (Il faut y être ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Bien sûr !
Commission n° 19 : Méditerranée. Si un Lozérien n’y est pas, ce n’est pas grave (Sourires.), même si la Lozère est le balcon de la Méditerranée.
Mes chers collègues, sachant qu’il faut trois heures de route pour rejoindre le siège du conseil régional depuis la Lozère, il est matériellement impossible à l’actuelle conseillère régionale élue de la section départementale de vote – dont je fus moi-même l’élu dans le passé – de prendre part à plus de deux ou trois de ces commissions. Parmi ces dix-neuf commissions, auxquelles doit-elle alors renoncer ?
Tout cela n'est pas sérieux et la loi actuelle ne permet pas une juste représentation du citoyen et, accessoirement, du territoire.
L’hyper-ruralité est de moins en moins audible dans les assemblées politiques, même si nous faisons le maximum pour qu’elle soit entendue. Sur quelque travée que nous siégions, nous sommes nombreux à être attachés la ruralité, laquelle trouve une oreille attentive auprès de François Hollande, de Jean-Marc Ayrault et du Gouvernement.
Le département de la Lozère ne compte qu’un seul élu tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Cela s'explique par le fait que l’élection des parlementaires doit reposer sur des bases essentiellement démographiques, comme l’a jugé en 2009 le Conseil constitutionnel lorsqu’il a censuré la disposition maintenant un minimum de deux députés par département. Ce n'est pas une bonne chose. Le Conseil constitutionnel aurait pu estimer que les députés représentaient le peuple et, accessoirement, une partie du territoire également. C’eût été une décision de bon sens, à défaut d'être une décision juridiquement correcte.
En revanche, la représentation régionale ne repose pas sur une logique identique d’expression de la souveraineté. La reconnaissance d’un fait régional est destinée à exprimer, depuis l’amorce du processus de décentralisation par les lois de 1982, l’équilibre entre la représentation de la pluralité des départements qui composent les régions et la proximité avec les électeurs. La recherche de cet équilibre est délicate et explique pourquoi trois modes de scrutin différents ont été successivement adoptés : en 1985, en 1999 et en 2003.
Les scrutins précédents, je ne le rappellerai pas par charité, avaient donné lieu à certaines mésalliances. Pour y remédier fut votée une loi en 1999, qui ne fut jamais appliquée. C’est finalement la loi du 11 avril 2003 qui a fixé le cadre juridique toujours en vigueur, en conservant les principes de régionalisation du scrutin et de prime majoritaire. Désormais, ces assemblées disposent de vraies majorités, stables, excluant toute mésalliance.
Aux termes de l’article L. 338–1 du code électoral, les sièges sont attribués à chacune des listes en proportion du nombre de voix obtenues dans chaque section départementale, c’est-à-dire dans le département. La grande particularité de ce scrutin complexe tient à ce que, si les effectifs globaux des conseils régionaux sont fixés par la loi – le tableau n° 7 annexé au code électoral –, le nombre d’élus par département n’est quant à lui pas fixe. Le code électoral se contente de fixer le nombre de candidats par section.
Ce mécanisme avait été validé par le Conseil constitutionnel, qui relevait dans sa décision du 3 avril 2003 que la conciliation entre la reconnaissance d’un fait régional, la recherche de la stabilité politique et la proximité entre élus et électeurs pouvait impliquer la variation du nombre de sièges attribués à une section d’une élection à une autre. Bien sûr, nous en prenons acte, et nous ne pouvons qu’approuver la nécessité de trouver un mode de scrutin équilibré. Toutefois, près de dix ans après sa première mise en œuvre, nous pouvons dresser un bilan critique de l’application de ce mode de scrutin.
De fait, la loi de 2003 a atteint les principaux objectifs qui lui étaient assignés : consolider l’échelon régional en tant que collectivité « montante » de plein exercice dotée d’une visibilité et d’une crédibilité, donner aux conseils régionaux des majorités claires – c’est important – et garantir la montée en puissance des politiques régionales. En revanche, on ne peut que constater que ce mode de scrutin engendre aujourd’hui une sous-représentation de plus en plus prégnante des territoires ruraux. De fait, la loi de 2003 n’a pas limité le nombre de conseillers régionaux par département : la déconnexion entre le nombre de candidats par section et le nombre d’élus in fine revient à favoriser les départements dans lesquels le nombre d’électeurs est élevé, voire très élevé.
Par ailleurs, dans la mesure où certaines régions voient leur population croître à un rythme plus élevé que celle des départements ruraux qui la constituent – la région Languedoc-Rousillon, avec Montpellier, en est un bon exemple, dont la population augmente annuellement de plusieurs milliers, voire de plusieurs dizaines de milliers d'habitants –, cela signifie à terme que ces départements ruraux, dont la population croît sur un rythme moins soutenu, n'auront bientôt plus de représentants. Or, monsieur le ministre, si cette loi était maintenue en l’état, la Lozère, par exemple, ne compterai bientôt plus aucun représentant au conseil régional. Jusqu'en 2004, nous en comptions deux ; aujourd'hui, nous n’en comptons plus qu’un seul et, dans dix ans, quoi qu’il advienne, nous n’en aurons plus.
Je suis non pas constitutionnaliste, mais un homme de bon sens. Cette loi, je le pense, est contraire à la Constitution. Si, d'aventure, quoique je ne l’envisage pas, ma proposition de loi devait être rejetée, alors Jacques Mézard et moi-même saisirions le Conseil constitutionnel afin qu’il se prononce. Une loi qui prévoit qu'une section de vote départementale pourrait, dans certaines circonstances, ne pas envoyer de représentant à l’assemblée départementale n’est pas, à mon sens, une bonne loi et est contraire à la Constitution.
Cela étant, j’espère que nous n’aurons pas à aller jusque-là et que le Sénat, suivi par l’Assemblée nationale, adoptera aujourd'hui notre proposition de loi, qui ne remet aucunement en cause la régionalisation du scrutin et la stabilité des majorités.
En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les départements des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes comptent chacun quatre élus, sur un total de 123 conseillers régionaux. Mais comme ils sont moins dynamiques que la métropole marseillaise sur le plan démographique, dans quelques années, ils ne compteront plus que trois élus, puis deux, puis un seul.
En Auvergne, le Cantal n’élit que cinq conseillers sur les 47 que compte l’assemblée régionale. La Creuse n’est quant à elle représentée que par sept élus sur les 43 conseillers régionaux de la région Limousin.
En d’autres termes, le système tel qu’il existe risque à terme de priver les représentants de ces territoires, déjà défavorisés, de la possibilité d’exprimer leurs spécificités.
Cette situation est d’autant moins acceptable aujourd’hui que les territoires ruraux souffrent de nombreux handicaps structurels, sur lesquels je ne m'étendrai pas aujourd'hui. Monsieur le ministre, l’amélioration de la représentation électorale de ces territoires n’est sans doute pas la première urgence au vu de la crise économique qui frappe notre pays, au vu des difficultés qu’il rencontre, sur le plan tant de l’emploi que de la croissance, difficultés auxquelles François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault remédieront. Mais cette proposition de loi introduirait, à son niveau, une mesure de bon sens. Ne fermons pas les yeux sur ces territoires qui se sentent ignorés, mais qui contribuent au dynamisme de notre République.
Mes chers collègues, la présente proposition de loi est le fruit d’une réflexion entamée voilà quelques mois, à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires. Les membres du groupe du RDSE et moi-même avions alors déposé plusieurs amendements. L’un d’entre eux fut adopté en seconde lecture, grâce notamment au soutien du rapporteur Michel Delebarre, que je remercie ici, et de notre rapporteur d'aujourd'hui, Alain Richard, auquel je souhaite rendre hommage. Celui-ci relevait alors qu’il ne lui « semblerait pas exagérément aventureux » de voter l’amendement en question, afin de laisser au Gouvernement le temps d’expertiser l’ensemble de ses répercussions et de présenter une autre formule. C’est ce que nous faisons aujourd'hui.
Je souhaite ici également saluer notre collègue Pierre-Yves Collombat, qui a soutenu depuis le début la mesure que nous soumettons aujourd’hui au débat. À cet égard, il est dommage que nos collègues députés n’aient qu’à peine pris le temps de se pencher sur cette question. C'est une preuve supplémentaire de l'utilité du bicamérisme.
Notre amendement se voulait avant tout un amendement d’appel. En ce sens, nous avions parfaitement conscience, dès l’origine, qu’il n’aurait pu être appliqué en l’état, car nous proposions, à travers celui-ci, de revenir à la départementalisation du mode de scrutin. De ce point de vue, notre collègue de la Gironde aurait eu raison de tenir les propos qu'il a tenus, mais, aujourd'hui, il ne s'agit pas de cela.
Les effets négatifs de la départementalisation sont connus. C’est pourquoi nous voulons maintenir le scrutin régional.
Au demeurant, je rappelle qu’il peut être dérogé, pour des motifs d’intérêt général, à l’exigence de représentation assise sur des bases essentiellement démographiques, tirée de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et inférée de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’était le cas dans la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui fixait un nombre plancher de quinze conseillers territoriaux par département, loi que nous avons heureusement abrogée, d'ailleurs, puisqu'elle était extrêmement néfaste pour la ruralité.
M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas mieux maintenant pour la Lozère !
M. Alain Bertrand. C'est mieux, parce que le binôme garantit une parfaite égalité entre les hommes et les femmes, une parfaite parité (Mme Gisèle Printz applaudit.), et reste proche des citoyens. La Lozère comptera désormais 26 conseillers départementaux au lieu des 25 conseillers généraux.
En toute hypothèse, il n’est donc pas excessif de vouloir modifier à la marge la stricte représentation proportionnelle de la population en se fondant sur des considérations liées à la sous-représentation de certains territoires. En outre, le Gouvernement a lui-même soutenu, il y a quelques semaines, un article du projet de loi relatif aux élections des conseillers départementaux précisant que le conseil départemental assure la représentation de la population et des territoires qui le composent.
Monsieur le rapporteur, les membres de mon groupe et moi-même vous savons gré d’avoir compris notre intention initiale et d’avoir pu utiliser votre science et votre expertise pour proposer au Sénat un dispositif opérationnel. Nous soutiendrons naturellement l’article 1er bis, qui précise que, à la suite de la répartition des sièges, si une section électorale dispose de moins de trois sièges au conseil régional, des sièges supplémentaires seront ajoutés à l’effectif du conseil régional pour atteindre le seuil de trois conseillers régionaux. Avec ce procédé, personne n’est pénalisé. Naturellement, l’attribution de ces sièges supplémentaires suivra les règles classiques du droit électoral, à savoir l’application de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.
Ce relèvement ponctuel des effectifs des conseils régionaux restera marginal et n’affectera pas, en toute hypothèse, les majorités issues des urnes. Il permettra en revanche d’assurer une représentation juste et équitable de l’ensemble des territoires.
Contrairement à ce que certains de nos collègues veulent exprimer au travers des amendements déposés sur ce texte, il ne s’agit pas de faire des régions de simples instances de coordination des départements, comme c’est le cas de l’EPCI pour les communes. Le sectionnement départemental ne constitue qu’une méthode de désignation des élus, la seule permettant d’articuler la proximité entre électeurs et élus et la définition d’un intérêt général.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la région est une collectivité importante, un échelon stratégique, comme le montre la volonté du Gouvernement de lui consacrer un volet substantiel de notre droit de la décentralisation. Ce constat n’est pas nouveau, mais il justifie que les populations des diverses régions soient justement représentées, sans que soit altéré le principe d’égalité des suffrages. Les régions regroupent non seulement des hommes, mais aussi des territoires, qui forment la pluralité de la collectivité. Les composantes rurales de nos régions demeurent des réalités, même si elles tendent à s’amenuiser. Les ignorer, c’est ne pas entendre une partie de la République.
Mes chers collègues, je vous invite donc à voter la proposition de loi que vous présentent les membres du RDSE. C’est un texte de bon sens, pragmatique, qui donne un signal aux citoyens. Notre majorité est composée de parlementaires sensés qui savent, quand l’intérêt général est transversal, adopter les mesures propres à dégager de bonnes solutions. C’est aussi le message que nous devons délivrer. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Jean-Michel Baylet. Bravo ! Compliments !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’auteur de la proposition de loi, notre collègue Alain Bertrand, a déjà indiqué les motivations de cette initiative législative et l’évolution des modalités juridiques. Je n’y reviendrai donc que de façon cursive, mais je suis sûr que vous me le pardonnerez.
Il faut partir de ce qui fait l’objet d’un accord très large au sein de notre assemblée, c’est-à-dire des principes directeurs du scrutin régional, qui, Alain Bertrand l’a rappelé, sont nés après une gestation quelque peu douloureuse. Les plus anciens d’entre nous, dont j’ai le malheur de faire partie, en ont quelques souvenirs. Manuel Valls, tout jeune conseiller régional élu en 1986, a lui aussi vécu ces péripéties…
Lorsque les conseils régionaux étaient élus par fraction départementale et à la proportionnelle sans correctif, le vote des budgets, voire l’élection du président donnaient lieu à des séquences qui n’ont pas laissé que de bons souvenirs. Après une première esquisse en 1999 – réforme qui n’a jamais été appliquée –, un nouveau mode de scrutin inspiré du mode de scrutin municipal de 1982 a été consacré. Permettez-moi de préciser avec un bref sourire que j’étais au nombre de ceux qui contribuèrent à ce mode de scrutin fondateur.
L’application de la loi de 2003 a connu une brève interruption avec l’aller-retour de 2009-2011 et la volonté d’instaurer un scrutin différent, uninominal et majoritaire, pour l’élection du conseiller territorial, qui aurait fait fonction de conseiller régional. Cette formule n’a pas prospéré. Elle a donné lieu, y compris parmi ceux qui avaient voté le texte à l’époque, à des interrogations honorables. Reste qu’elle a permis – nous y reviendrons – de préciser l’application des principes constitutionnels d’égalité du suffrage et de répartition territoriale de la représentation.
Il est intéressant de constater que, lors de l’examen récent du projet de loi sur les modes de scrutins locaux, qui a abouti au rétablissement de la loi de 2003 par une majorité qui n’était pas celle qui l’avait instaurée, les modalités de ce mode de scrutin n’ont donné lieu à aucune nouvelle proposition. Elles sont donc consensuelles.
Ces modalités reposent sur un équilibre. Les listes qui sont en concurrence portent chacune un projet régional. Elles sont le support de l’attribution des sièges : on calcule le nombre de sièges pour chaque liste, avec une prime majoritaire du quart des sièges en collationnant les résultats au niveau de l’ensemble de la région. C’est donc le suffrage de chaque électeur régional, considéré dans des conditions égales, qui décide qui aura la majorité au conseil régional et quels seront les représentants des minorités.
L’élection de listes comprenant plusieurs dizaines de sièges peut, notamment dans les régions les plus peuplées, aboutir à un sentiment d’éloignement des élus par rapport aux électeurs…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Alain Richard, rapporteur. … auquel il peut être difficile de remédier, certains d’entre nous en ont fait l’expérience. Pour favoriser l’équilibre territorial, la proximité entre élus et électeurs, il faut essayer de réduire cette distance. Il a donc été convenu que, au sein de chaque liste, dans le respect du nombre de sièges qui lui échoit après la décision des électeurs, les postes de conseillers régionaux seraient répartis entre les sections départementales.
À ce point de mon raisonnement, permettez-moi une observation. En première année de droit constitutionnel, on apprend que, lorsqu’il doit y avoir une distribution géographique de sièges dans un scrutin, ces sièges sont répartis au prorata de la population puisque l’élu représente l’ensemble de la population et pas seulement ses électeurs : c’est le principe de la souveraineté populaire. Or, dans le cas présent, et la Constitution ne s’y oppose pas, la répartition finale des sièges entre entités géographiques se fait au prorata non pas de la population mais des suffrages exprimés, en tenant compte de l’altération possible du fait de la répartition politique des suffrages. C’est ce constat qui a mû l’initiative de nos collègues du RDSE.
Aujourd’hui, des départements peu peuplés au sein d’une région très peuplée peuvent être représentés de façon minuscule, voire microscopique. Le cas le plus emblématique est celui de la Lozère, qui n’a obtenu qu’un seul siège de conseiller régional au terme du dernier renouvellement. Si les différences de dynamique démographique entre les grands départements de la région proches du littoral, essentiellement l’Hérault, mais aussi le Gard et à certains égards les Pyrénées Orientales, devaient se poursuivre, la Lozère pourrait se retrouver sans aucun représentant.
Aujourd’hui, il n’y a pas de situation similaire. Toutefois, dans la région PACA, les Hautes-Alpes, voire les Alpes-de-Haute-Provence, compte tenu du nombre d’électeurs dans ces départements et de l’accroissement de la population dans les Bouches-du-Rhône et surtout dans les deux départements de la Côte d’Azur, pourraient à leur tour compter moins de trois représentants au sein d’un conseil régional de 123 membres.
Voilà pourquoi il semble logique de chercher une solution. Comme l’a indiqué Alain Bertrand à juste titre, l’idée de partir de sections régionales qui auraient eu de façon garantie leurs propres sièges présentait beaucoup inconvénients, même si – cette observation ne manque pas d’intérêt pour les connaisseurs de la chose électorale – c’est suivant ce système que sont élus les conseils municipaux, donc les maires, des trois plus grandes villes de France. Ils sont élus sur la base d’un fractionnement géographique, sans aucune détermination de majorité à l’échelle de l’ensemble de la ville, et sans même l’obligation pour les formations politiques de présenter des listes identiques dans tous les arrondissements. Et nous nous accommodons très bien de ce mode d’élection, ce qui prouve le caractère assez diversifié, pour ne pas dire chatoyant, de notre droit électoral et de nos habitudes politiques.
Confrontés au déficit de représentation – Alain Bertrand a fort bien expliqué les difficultés concrètes d’un seul représentant pour un département –, il nous fallait bien trouver une solution, d’où l’idée de fixer un seuil de trois conseillers.
Lors des débats en commission et au cours des échanges que j’ai pu avoir avec tous les groupes, je n’ai pas entendu de véritable contre-proposition. Aurait-il mieux valu opter pour le seuil de deux représentants ? Eu égard aux charges minimales de représentation d’un territoire, en particulier au sein des organismes relevant de la région, le chiffre de trois semble à même de faire l’unanimité, d’autant – j’y reviendrai en conclusion – qu’il n’a pas pour effet de déséquilibrer la composition des conseils régionaux.
La commission des lois, à l’unanimité, a estimé qu’il fallait un minimum de trois représentants par territoire. Si l’on retient cette idée, reste à trouver les moyens de parvenir à ce résultat sans distordre l’application du système électoral pour les élections régionales auquel nous sommes, je le crois, collectivement attachés.
Prenons l’exemple de la région Languedoc-Roussillon. Après les élections de 2010, les 67 sièges à pourvoir ont été répartis entre une majorité et des minorités selon le principe de la proportionnelle avec prime majoritaire : la Lozère n’a recueilli qu’un conseiller. Si l’on veut que ce département dispose de trois conseillers, il est proposé d’ajouter deux sièges au conseil régional. La répartition des sièges avec le scrutin à la proportionnelle et prime majoritaire serait alors calculée sur la base de 69 élus, ce qui ne créerait aucun déséquilibre entre les listes. Il en résulterait que deux sièges supplémentaires seraient attribués en application du système de majorité pondérée à l’échelle régionale. Les listes bénéficiaires de ces deux sièges supplémentaires – ou la liste bénéficiaire puisque cela peut être la même, en l’occurrence d’ailleurs, en 2010, cela aurait été la même – devront les attribuer aux candidats figurant sur la section départementale du département déficitaire. La prime majoritaire représente le quart du nombre de conseillers, soit 17 conseillers pour 67 membres. Si l’on refait le calcul sur la base de 69 membres, la prime majoritaire passerait à 18.
Il m’a donc fallu réécrire l’article afin que tout soit suffisamment clair. Dans ces conditions, ce dispositif me semble de nature à concilier le besoin de représentation d’un département à faible population et le principe d’égalité du suffrage.
J’observe que, grâce à l’initiative, par ailleurs controversée, du conseiller territorial, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser le droit en la matière. En effet, le même déséquilibre se présentait à l’intérieur des régions. Dans la mesure où la taille des cantons devait être homogène au sein de la région, la base de représentation de chaque élu devait être la même, que ce soit au sein d’un tout petit département ou du plus grand département de la région. En Languedoc-Roussillon, on se trouvait donc confronté au problème d’effectifs – c’était le plus massif – entre les conseillers territoriaux représentant l’Hérault et ceux qui représentaient la Lozère.
Comme ce système aboutissait à créer des conseils généraux soit absolument pléthoriques – dans les départements les plus importants –, soit microscopiques – dans les plus petits d’entre eux –, le Gouvernement et la majorité de l’époque ont décidé de fixer le nombre minimal de conseillers territoriaux à quinze, soit une surreprésentation substantielle en faveur des petits départements.