M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le rapporteur, que ce débat était prévu pour une durée de quatre heures.
L’examen de cette proposition de loi devant commencer à dix-huit heures trente, je ne pouvais imaginer qu’il s’achèverait vers trois heures du matin !
M. Éric Doligé. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 40 de notre règlement.
Cela ne fait que dix ans que je siège dans cette assemblée, mais j’ai pu constater tout au long de ces années que les règles qui étaient jusqu’à présent établies avaient contribué au bon fonctionnement de cette institution. Ces règles d’équité et d’équilibre entre la majorité et l’opposition,…
Mme Annie David. Non !
M. Éric Doligé. … les deux précédents présidents, MM. Poncelet et Larcher, se sont attachés à les appliquer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pouvez dire ce que vous voulez !
M. Éric Doligé. Vous aussi, mesdames, vous pouvez dire ce que vous voulez, cela ne me gêne pas du tout !
Lorsque l’examen d’une proposition de loi était prévu pendant quatre heures, nous faisions en sorte de respecter cette durée,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À l’époque, il n’y avait pas de propositions de loi !
M. Éric Doligé. … que le texte soit présenté par la majorité ou par l’opposition, et les temps de parole impartis étaient équilibrés.
Je dois dire que je ne sais pas ce qui s’est passé ici au début du mois d’octobre, …
Mme Annie David. Nous si ! Les élections sénatoriales sont passées par là !
M. Éric Doligé. … mais je constate que notre assemblée est totalement désorganisée : nous ne parvenons plus à travailler dans des conditions satisfaisantes.
Depuis quelques heures, nous assistons à un débordement total, à l’instar de ce qui s’est passé la semaine dernière, où la durée d’examen de la proposition de loi, initialement prévue pour quatre heures, a triplé. J’ai entendu dire – j’aimerais d’ailleurs qu’on nous le confirme, au sein du bureau du Sénat ou au cours d’une séance publique – que l’opposition allait bénéficier d’un temps équivalent.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Éric Doligé. Eu égard au calendrier prévisionnel de nos travaux jusqu’à la fin du mois de février, j’aimerais savoir quand on va pouvoir restituer à l’opposition toutes les heures que la majorité est en train d’engranger. Le président du Sénat sait parfaitement que c’est techniquement impossible.
Mme Annie David. Il y a les vendredis, les samedis, les dimanches, les lundis !
M. Éric Doligé. À la fin du mois de février, il nous dira que nous en disposerons au mois de juin ou de juillet ou que nous pourrons les récupérer ultérieurement.
Mme Annie David. Les vendredis !
M. Éric Doligé. La ficelle est un peu grosse ! Vous savez d’ores et déjà que nous ne pourrons pas les récupérer. En réalité, vous êtes en train de rogner les accords que nous avons passés. Ces procédés sont inadmissibles !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La faute à qui ?
M. Éric Doligé. Les conditions de travail du Sénat étaient en général équilibrées et empreintes de sérénité.
Mme Annie David. Vous avez la mémoire courte !
M. Éric Doligé. Depuis le début du mois d’octobre, cela ne fonctionne plus du tout ainsi, pour des raisons, je le répète, que j’ignore. Ce soir, nous avons la démonstration parfaite que nous n’arrivons pas à travailler, ce que je regrette.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et alors ?
M. Éric Doligé. Si vous avez quelque chose à dire, madame Borvo Cohen-Seat, n’hésitez pas à prendre la parole ! Cela me fait toujours plaisir de vous entendre.
M. Francis Delattre. Menteur ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Justement, j’ai l’intention d’intervenir !
M. Éric Doligé. Je souhaiterais que les membres éminents du bureau nous fassent part des engagements pris par le président du Sénat. Les humbles sénateurs ici présents peuvent-ils connaître les conditions dans lesquelles ils vont travailler dans les semaines et les mois qui viennent ? L’opposition aura-t-elle une chance de bénéficier du même éventail horaire pour l’examen de ses propositions de loi ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà !
M. Éric Doligé. Si vous pensez que l’opposition n’a plus droit à la parole, dites-le clairement ! Nous saurons en tirer les conséquences. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est de la provocation !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je constate que nos collègues veulent encore gagner du temps.
Si nous avions passé un accord sur la durée d’examen des propositions de loi de chaque groupe, c’est parce que l’opposition de l’époque respectait le temps imparti. (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.) Or, depuis le changement de majorité, il se trouve que l’actuelle opposition a décidé de ne pas respecter les temps de parole.
M. Charles Revet. Et c’est vous qui dites cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un minimum de démocratie impose que les propositions de loi déposées par les parlementaires, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, puissent aller jusqu’à leur terme, jusqu’au vote. Sinon, il n’y a plus d’initiative parlementaire possible !
La conférence des présidents…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On se demande à quoi elle sert !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pourrez le constater demain en lisant le compte rendu de sa réunion !
La conférence des présidents, disais-je, a décidé, à la demande de Mme Troendle, que l’opposition pourra récupérer les heures que la majorité a utilisées. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Quatre heures !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous serez donc comblés !
Mme Annie David. Fondé sur quel article ?
M. Jean-Claude Lenoir. Je veux intervenir au titre de l’article 40 du règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sûrement pas !
M. Jean-Claude Lenoir. Membre depuis peu de temps de cette assemblée, je suis frappé par l’improvisation qui règne ici.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Une improvisation totale !
M. Jean-Marc Todeschini. Cela va bientôt être la faute du président de séance ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Claude Lenoir. M. le ministre a relevé avec pertinence que le texte examiné par la commission des lois serait à revoir, tant il omet certains aspects et surcharge d’autres articles.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est son point de vue !
M. Jean-Claude Lenoir. Mais il y a plus grave ! Nous connaissons les règles constitutionnelles relatives à l’organisation de nos débats. Or quand je vois avec quelle légèreté on balaie l’examen du projet de loi de finances, qui un est texte fondamental dans notre République, dont les conditions d’examen sont strictement encadrées par la Constitution,…
M. Didier Guillaume. L’examen a été repoussé d’une heure !
M. Jean-Claude Lenoir. … je me demande comment seront traités les autres projets de loi. Cette banalisation des textes présentés par le Gouvernement est inquiétante.
Certains débattent actuellement de l’avenir de nos institutions, avançant même l’idée d’une VIe République. J’ose dire que nous assistons plutôt ici au retour de la IVe République !
M. Jean-Jacques Mirassou. Oh là là !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous voyons aujourd'hui qu’une assemblée – que dis-je ? –, une majorité dans une assemblée peut bousculer l’ordre du jour, en repoussant l’examen d’un texte présenté par le Gouvernement et en consacrant l’essentiel du temps à examiner des propositions de loi qui n’ont aucun avenir législatif, comme l’a souligné tout à l'heure avec beaucoup de talent notre collègue.
Je voudrais mettre l’accent sur le risque que l’on prend en permettant à des textes d’initiative parlementaire de grignoter progressivement le reste de l’ordre du jour. Aucun garde-fou ne semble avoir été prévu. Je ne mets pas ici en cause le président de séance (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.), mais sachez que le Gouvernement ne sera plus en mesure de présenter ses projets de loi si d’autres présidents de séance estiment qu’il est effectivement possible de reporter ultérieurement l’examen d’un texte prévu le lendemain ou le surlendemain.
Si c’est un retour à la IVe République, dressons-nous, mes chers collègues de l’UMP et de l’UCR ! Certains errements de ce régime avaient justifié une réforme profonde de nos institutions. Il nous appartient de protéger l’essentiel de ce que la Ve République a apporté, à savoir la primauté de l’action gouvernementale.
Je souhaite, monsieur le président, que ce rappel au règlement fasse réfléchir l’ensemble des membres de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en revenons aux explications de vote sur la motion n° 2 tendant à opposer la question préalable.
La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendle. Tout le monde en conviendra, les propos de Patrice Gélard ont été très clairs. Le sujet que nous abordons aujourd’hui a en effet été longuement débattu à l’occasion des différentes lectures du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, lequel a abouti à la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010.
Monsieur le ministre, vous l’avez déclaré avec beaucoup d’empathie : « Les semaines se suivent et tendent à se ressembler. » Comme vous, nous avouons une certaine perplexité quant à l’utilité de ce texte. En effet, une nouvelle fois, la majorité sénatoriale a souhaité débattre de la réforme territoriale. Certes, la répétition a du bon, mais tout de même...
Mes chers collègues, à l’instar de M. Éric Doligé, je m’interroge sur le bien-fondé de votre posture. À mon sens, ce n’est pour vous qu’une vulgaire tribune politicienne à l’approche du congrès des maires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Catherine Troendle. Voilà seulement deux semaines, nous avons rediscuté le volet intercommunal de la réforme territoriale. Ce débat a d’ailleurs été l’occasion de montrer de nouveau au grand public que nous ne défendons pas les mêmes valeurs concernant l’avenir de nos collectivités. (C’est sûr ! sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. Les Français l’ont compris !
Mme Catherine Troendle. Après l’intercommunalité, vous réitérez avec le conseiller territorial.
Comme l’a démontré Philippe Richert, il existe une volonté manifeste de votre part de refaire des débats que nous avons déjà eus voilà moins d’un an. Cette méthode de gouvernance ne correspond pas à une gestion optimale de l’agenda politique, ni à ce qu’attendent les Français de leurs responsables politiques.
Vous nous l’avez rappelé, monsieur le ministre, il faut laisser à la réforme territoriale le temps de produire ses effets avant de la remettre en cause. Évaluons-la le moment venu, corrigeons-la le cas échéant, comme le Gouvernement le propose d’ailleurs sur le volet intercommunal. Mais il n’est pas raisonnable de refaire en permanence les débats, chers collègues.
La culture et l’esprit républicains de la Haute Assemblée ont toujours permis de faire avancer les sujets importants, dans un esprit de responsabilité et sans confusion des rôles. C’était sa marque de fabrique et sa profonde utilité dans notre paysage institutionnel.
M. Jean-Jacques Mirassou. Bla-bla-bla ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Quelle délicatesse !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est bien connu !
Mme Catherine Troendle. Je commence à douter des intentions réelles de gouvernance partagée de la nouvelle majorité.
Dans cette lente institution du conseiller territorial, nous ne sommes plus dans le débat ; nous sommes sur une position de suppression pure et simple.
Mme Virginie Klès. C’est vrai !
Mme Catherine Troendle. Notre position, notre vision sont bien différentes des vôtres.
Mme Virginie Klès. C’est vrai !
Mme Catherine Troendle. Même s’il vous en déplaît, le conseiller territorial est une réponse adaptée aux défis qui se posent à nos territoires. Il est un élu légitime de la République, comme l’a rappelé notre collègue François-Noël Buffet.
Nous ne pouvons donc pas être favorables à une proposition de loi qui s’offre une nouvelle fois pour seul objectif de mettre à mal la nécessaire modernisation de nos libertés locales, votée le 16 décembre 2010.
Je comprends parfaitement les interrogations qui se sont exprimées sur ces travées lors de la discussion de la réforme territoriale concernant le mode de scrutin ou les diverses compétences des collectivités. Je partage ces préoccupations. Mais ce n’est pas en supprimant d’un trait de plume ce qui a été voté voilà un an que nous en sortirons grandis.
Que proposez-vous, mes chers collègues ?
M. Éric Doligé. Rien !
Mme Catherine Troendle. Nous ne voyons pas, sur le papier, le début d’un commencement de proposition, ou alors peut-être vos idées sont-elles inavouables au grand public ?
Vous êtes dans le symbole, la caricature, au détriment de propositions structurantes pour l’avenir de nos territoires.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne pouvons accepter de rediscuter une énième fois des principes structurants de la réforme que nous avons voulue et que le Parlement a votée l’année dernière. Par conséquent, nous voterons la question préalable ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. Les citoyens qui nous écoutent doivent se demander de quoi nous parlons.
Mme Catherine Troendle. Surtout à deux heures du matin !
M. Alain Bertrand. Ils aimeraient sans doute mieux que nous débattions de la croissance, de la réduction des déficits ou que nous leur expliquions comment 1,2 million de chômeurs ont pu être créés en quelques années, grâce au Gouvernement que vous soutenez !
Une chose me choque : plusieurs de nos collègues s’adressent à leurs pairs, fussent-ils, comme moi, d’une tendance différente, en mettant en cause leur droit à proposer une loi. Mais nous sommes tous ici par la volonté du peuple !
Alors vous, vous seriez vertueux, vous auriez des valeurs, une vision,...
Mme Catherine Troendle. Absolument !
M. Alain Bertrand. … vous vous intéresseriez à l’avenir du pays, et nous pas ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Vous, vous seriez rigoureux.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est sûr !
M. Alain Bertrand. Nous, nous serions dispendieux !
M. Philippe Dallier. C’est vrai !
M. Alain Bertrand. Vous êtes si rigoureux que vous avez fait passer le déficit annuel du budget de la France de 20 milliards d’euros à 150 milliards d’euros en très peu de temps !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. C’est fort !
M. Alain Bertrand. Vous êtes si vertueux que l’on compte maintenant 1,2 million de chômeurs de plus !
Vous êtes tellement vertueux que vous nous proposez une réforme territoriale dont le seul but est de priver les électeurs de leur droit de choisir que des régions et des départements ne soient dirigés par l’UMP.
Vous êtes tellement vertueux que vous n’osez pas dire la vérité, à savoir que votre loi du 16 décembre 2010 n’avait que des objectifs politiques et démagogiques. Ne dites pas au peuple que cette réforme va permettre de faire des économies, c’est faux !
Votre vertu, je la conteste. Si vous aviez été vertueux, vous auriez proposé, comme nous avons envie de le faire, une réforme des collectivités territoriales ambitieuse (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.), une réforme qui offre des perspectives aux Français et qui apporte au peuple de France, monsieur le ministre, ces solutions d’avenir dont vous avez parlé.
Votre réforme des collectivités territoriales n’apporte aucune clarification des compétences des départements et des régions, aucune redéfinition, à part l’assèchement de leurs moyens...
M. François-Noël Buffet. C’est faux !
M. Alain Bertrand. ... avec la suppression de toutes les possibilités de faire progresser leurs richesses.
Vous n’avez nullement redéfini les missions dans lesquelles l’État devrait se cantonner, car les régions et les départements font mieux que lui dans certains domaines. Vous avez également fait fi d’une réforme de la fiscalité locale, alors que, vous le savez, c’est une obligation.
Pour terminer, je vais vous parler, à vous qui êtes si vertueux, de la Lozère, département de montagne. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
À ma grande satisfaction, j’y ai vu défiler un grand nombre de sommités, dont certaines que je respecte, toutes appartenant au monde politique français actuel. Étant un bon républicain, j’étais présent lors de la venue du Président de la République, d’un sénateur connu de Marseille, qui est un homme excellent, de l’ancien président du Sénat, M. Gérard Larcher, qui est aussi un homme excellent, et de bien d’autres.
Savez-vous ce que tous ont expliqué aux grands électeurs ? Que s’ils avaient finalement voté la réforme portant création du conseiller territorial, c’est parce qu’ils avaient été quelque peu brusqués par le Président de la République. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Voilà la vérité ! Alors, les leçons de vertu, on n’en donne que lorsqu’on a raison sur l’éthique !
L’un des vôtres a annoncé qu’il votait « en conscience ». Si nous votions tous en conscience, sans tenir compte de nos appartenances politiques – c’est un rêve qui passe ! –,...
M. Gérard Larcher. Ce n’est pas un rêve !
M. Alain Bertrand. ... votre réforme des collectivités territoriales et la création des conseillers territoriaux ne recueilleraient ici qu’une minorité de voix ! (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très mauvaise explication !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 44 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 169 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Notre collègue de la Lozère a fait une brève apparition et est déjà parti ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Marc Todeschini. Il va revenir !
M. Jean-Jacques Hyest. J’aurais préféré qu’il m’entende, car il est parfaitement désagréable de mettre en cause l’éthique des uns ou des autres.
M. Philippe Dominati. C’est déplacé !
M. Jean-Jacques Hyest. On peut trouver des élus qui croient en ce qu’ils font sur toutes les travées. Dire qu’il s’agit de comédie et que nous ne sommes pas en accord avec ce que nous défendons, c’est indigne de la part d’un parlementaire ! (Oh oui ! sur les travées de l’UMP.)
Par ailleurs, puisque vous parlez d’initiative parlementaire, mes chers collègues, rappelez-vous que celle-ci existe parce que nous avons révisé la Constitution pour y inscrire le partage de l’ordre du jour.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous, nous l’avons voté !
M. Jean-Jacques Hyest. En revanche, ceux qui n’ont pas voté ce texte s’en servent aujourd’hui !
M. Éric Doligé. Voilà !
M. Jean-Jacques Hyest. Initialement, la Constitution de 1958 ne prévoyait aucune initiative parlementaire. Sous la présidence de Jacques Chirac, nous avons instauré une journée par mois pour l’opposition. Puis, nous avons instauré le partage de l’ordre du jour.
Je tiens à dire aussi que, pour avoir siégé à la conférence des présidents pendant de très nombreuses années (Trop ! sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC),...
Un sénateur de l’UMP. Jaloux !
M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai que certains n’y siégeront jamais, et heureusement ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
… jamais, sous l’ancienne majorité du Sénat, nous n’avons connu de tels coups de force. Quelles que soient les circonstances, c’est la recherche du consensus qui prévalait. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Aujourd’hui, nous voyons à quel point tout cela a changé.
Pour ma part, j’ai travaillé très longtemps avec Bernard Frimat sur la réforme du règlement, pour trouver des solutions consensuelles permettant à nos travaux de se dérouler dans de bonnes conditions. Tout cela, c’est terminé !
Ce qui faisait la spécificité du Sénat, à savoir la courtoisie qui animait généralement nos débats, a disparu avec l’arrivée d’une nouvelle majorité, très courte, décidée à imposer à tous moments ses vues, sans même respecter la Constitution, notamment l’ordre du jour prioritaire pour les textes d’origine gouvernementale et le projet de loi de finances. C’est invraisemblable !
M. Jean-Marc Todeschini. Vous êtes mis en cause, monsieur le président !
M. Jean-Jacques Hyest. Commencerons-nous à examiner le projet de loi de finances demain soir à vingt-trois heures cinquante-cinq ? Est-ce cela respecter la Constitution ? C’est inouï !
Il est temps que le bureau et la conférence des présidents examinent ces questions afin que nous puissions retrouver un fonctionnement normal de notre institution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. le président. Je suis saisi, par M. Maurey et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, d'une motion n°4.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l´article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu´il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d´administration générale, la proposition de loi relative à l´abrogation du conseiller territorial (n° 88 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la motion.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a à peine plus d’un an, le 9 novembre 2010, le Sénat adoptait le projet de loi de réforme des collectivités territoriales au terme de plus de 200 heures de débats passionnés en séance publique et de très nombreuses heures de travail en commission.
Vous le savez tous, la création du conseiller territorial constitue la mesure la plus emblématique, le pivot, de cette réforme, qui devait simplifier l’enchevêtrement des compétences et des financements.
À titre personnel, je m’étais prononcé en faveur de la création du conseiller territorial, laquelle vise non pas à supprimer le département ou la région, comme certains ont voulu le faire croire dans cet hémicycle et dans nos territoires, mais à les rapprocher. Je pense en effet qu’un même élu siégeant au département et à la région peut permettre une meilleure cohérence des politiques publiques menées aux échelons départemental et régional, sous réserve de régler un certain nombre de questions que j’évoquerai ultérieurement.
Pour avoir siégé un certain nombre d’années dans une assemblée départementale, je sais qu’un conseiller général ignore les actions mises en place par le conseil régional, comme les conseillers régionaux ignorent certainement les actions mises en place par le conseil général, ce qui peut conduire à des politiques contradictoires ou redondantes.
Aujourd’hui, la nouvelle majorité sénatoriale entend supprimer le conseiller territorial, ce qui est son droit.
M. Jean-Marc Todeschini. C’est une bonne chose !
M. Hervé Maurey. Toutefois, je me pose un certain nombre de questions à cet égard. Pourquoi vouloir agir si vite, alors que les conseillers territoriaux ne devraient être élus qu’en 2014 et que le président du Sénat entend mettre en place des états généraux de la démocratie territoriale ?
M. Jean-Marc Todeschini. Pourquoi avoir voté si vite leur création ?
M. Hervé Maurey. Pourquoi ne pas attendre la tenue de ces états généraux ? Pourquoi cette impatience, qui s’était déjà manifestée il y a deux semaines, lors de l’examen de la proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur, par la voix de notre collègue du groupe CRC, Christian Favier, qui avait indiqué qu’il souhaitait « voir la réforme du 16 décembre 2010 abrogée au plus vite » ? Pourquoi cet empressement à supprimer sans rien proposer à la place ?
Quelle contradiction entre les propos du président du Sénat, qui dit vouloir, au travers des états généraux de la démocratie territoriale, bâtir « le creuset d’une nouvelle réflexion sur les droits, les libertés des collectivités locales, sur les compétences, les financements et les solidarités territoriales, en un mot sur le devenir de la France des territoires », tout cela dans « un dialogue serein et respectueux de chacun », et cette hâte à tout « déconstruire » pour le plaisir !
Où est le dialogue « serein et respectueux » quand on veut supprimer à la va-vite le dispositif phare d’une réforme sans aborder l’ensemble des questions liées à ce sujet ? Comment parler de respect et de dialogue quand on décide tout avant la discussion et l’échange ? Dans ces conditions, à quoi serviront ces états généraux, si ce n’est à une communication politique réalisée aux frais du Sénat et des contribuables ?
M. Francis Delattre. Eh oui !
M. Hervé Maurey. La motion que je défends aujourd’hui, au nom du groupe de l’Union centriste et républicaine, est fondée sur une conviction : la question du conseiller territorial ne peut être isolée d’un certain nombre d’autres sujets importants, qui lui sont fondamentalement connexes. Je pense à la répartition des compétences entre le département et la région, au statut de l’élu, au cumul des mandats, au mode de scrutin et à la parité.
Nous avions été nombreux, dans cet hémicycle, notamment au centre et à gauche, à reprocher au Gouvernement de ne pas aborder l’ensemble de ces sujets. Aussi, je m’étonne que la nouvelle majorité fasse aujourd’hui ce qu’elle dénonçait quand elle était, il n’y a pourtant pas si longtemps, dans l’opposition. Peut-être même fait-elle pire !
Pour notre part, et en toute cohérence, nous considérons que le maintien ou la suppression du conseiller territorial ne peut être décidé qu’en lien avec l’ensemble de ces points.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui doit donc être renvoyée à la commission des lois, afin que cette dernière puisse examiner l’ensemble de ces questions et intégrer à notre réflexion les fruits du « dialogue serein et respectueux » promis par le président du Sénat.
Sur la question des compétences, je fais partie de ceux qui ont approuvé le Président de la République quand il appelait à leur clarification, en déclarant notamment, le 7 janvier 2009, à l’occasion de ses vœux aux parlementaires, « lorsque tout le monde se mêle de tout, personne n’est responsable de rien ».
Je fus donc extrêmement déçu que les versions successives du projet de loi de réforme des collectivités territoriales conduisent à renoncer à une véritable clarification des compétences, qui doit aller de pair avec la création du conseiller territorial.
La question du statut de l’élu, évoquée depuis de nombreuses années, revêt aujourd’hui une acuité particulière avec la création du conseiller territorial, compte tenu de l’importance des fonctions assignées à ce dernier. Celui-ci devra en effet siéger au conseil général et au conseil régional, ainsi que dans un nombre beaucoup plus grand d’organismes : là où il siégeait dans un collège, il siégera dans plusieurs collèges et dans un ou plusieurs lycées. Il représentera un territoire beaucoup plus grand et comportant beaucoup plus de communes.
À ce propos, j’avais indiqué le 26 janvier 2010 à M. le garde des sceaux, Michel Mercier, combien il était indispensable que « des assurances nous soient données sur le statut de cet élu qui garantissent qu’il aura le temps d’exercer ses fonctions ». Il sera en effet quasi impossible d’exercer un tel mandat dans le cadre d’une activité professionnelle, comme peut le faire aujourd’hui un conseiller général ou régional.
Ces questions devaient être évoquées lors de l’examen du projet de loi n° 61, très attendu, mais reporté, et relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Elles devront donc être abordées par la commission des lois.
En ce qui concerne le cumul des mandats, je suis de ceux qui considèrent que cette question doit être révisée. Il n’est pas normal, par exemple, j’ai eu l’occasion de le dire lors du débat du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, que les fonctions de président d’EPCI ne soient pas concernées, même si cet établissement public est important, par les dispositions relatives au cumul des mandats, alors que celles de conseiller municipal le sont.