M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. L’assemblée est souveraine !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, le bureau, au sein duquel nous siégeons vous comme moi, s’est réuni ce matin. Le président du Sénat nous a alors dit vouloir faire de celui-ci une instance collégiale. Franchement, on affiche la volonté de décider collégialement au sein du bureau et, au premier problème – ce n’est pas notre faute (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) –, on tranche autrement !
Tout cela est extrêmement grave, et je voudrais que cette question soit vérifiée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je regrette, madame, mais lorsque le Sénat siège en séance plénière, il est souverain. Le bureau se réunit en dehors des séances publiques.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n’êtes pas membre du bureau !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes donc pleinement habilités à voter !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Alors ne procédons pas au vote par scrutin public !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est de droit !
M. le président. Mes chers collègues, restons sereins.
Je rappelle qu’il appartient effectivement au Sénat de fixer ses horaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faudra que l’on vérifie tout cela !
M. le président. Sa légitimité en la matière n’exclut pas le fait que chacun peut s’exprimer, y compris au sein du bureau.
La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Au-delà des différentes interprétations du règlement, il est évident que la confusion s’installe dans l’organisation de nos travaux depuis quelque temps. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et le mot est faible !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça suffit !
M. François Zocchetto. Cette confusion n’est ni nouvelle ni, bien évidemment, le fait de la présidence de ce soir. Elle résulte – regardons les choses en face ! – de notre incapacité à prévoir les temps d’examen des propositions de loi, notamment, il faut le dire, celles émanant du groupe socialiste-EELV.
M. Alain Gournac. Et du groupe communiste !
M. François Zocchetto. Nous avons véritablement l’impression de ne plus maîtriser notre emploi du temps ni l’ordre du jour.
M. Jean-Marc Todeschini. Tant que ce n’est qu’une impression, ce n’est pas grave !
M. François Zocchetto. Je rappelle qu’il est prévu que l’examen du projet de loi de finances pour 2012 commence demain. C’est tout de même important !
Si nous continuons à examiner des propositions de loi sans poser de limite de temps (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.),…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez de discuter !
Mme Annie David. Si vous pouviez vous taire…
M. François Zocchetto. … nous ne pourrons bientôt plus étudier les textes principaux.
J’ajoute qu’un certain nombre d’entre nous viennent à peine de sortir d’une conférence des présidents extrêmement longue, pour ne pas dire laborieuse, probablement la plus laborieuse que nous ayons connue depuis un certain temps.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. À quoi aura-t-elle servi ?
M. François Zocchetto. Nous y avons clairement évoqué le problème des propositions de loi. Il a été prévu de doubler, voire de tripler les temps d’étude d’un certain nombre de textes émanant des rangs de la gauche.
À cet égard, je rappelle qu’il y a un précédent. La proposition de loi présentée dernièrement par M. Sueur a nécessité un temps d’examen quasiment trois fois supérieur à celui qui était initialement prévu, essentiellement parce que le texte est passé d’un article unique à douze articles.
Mme Virginie Klès. Cette proposition de loi n’en contient qu’un !
M. François Zocchetto. On voit bien où sont les responsabilités. Je pense que chacun s’est fait une idée : il s’agit non plus d’étudier des textes, mais de faire des effets d’annonce, de répéter.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui ne cessez de vous répéter depuis tout à l’heure !
M. François Zocchetto. Chacun s’interroge : à quoi servons-nous désormais, sinon à faire des répétitions dans une perspective électorale ?
Comme d’autres, j’appelle votre attention sur ce point : si toutes les propositions de loi émanant de la gauche donnent lieu à ce type de dérive, nous ne pourrons plus travailler. C’est aussi simple que cela !
Si vous voulez empêcher le Sénat de travailler,…
Mme Annie David. Ce n’est pas possible d’entendre ça !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le ridicule ne tue pas !
M. François Zocchetto. … si vous voulez le rendre inutile, continuez comme cela ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP. – Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Nous avons également évoqué au cours de la conférence des présidents des cas dans lesquels il avait été décidé, d’un commun accord, de légiférer en deux temps, c’est-à-dire de reporter la suite de l’examen d’une proposition de loi de deux ou trois mois lorsque celui-ci dépassait le cadre de la « fenêtre » qui lui était réservée.
Il serait donc opportun de reporter la suite de l’examen de ce texte à une date ultérieure, afin de nous permettre de légiférer sereinement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez, on vote !
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. La poursuite de la discussion du texte ce soir n’aura aucune incidence sur l’examen du projet de loi de finances pour 2012.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Gérard Miquel. Au lieu d’entamer la discussion à onze heures demain, nous la commencerons tout simplement à quatorze heures trente.
J’ajoute que le nombre d’amendements déposés sur la première partie du projet de budget est très inférieur à celui des années précédentes.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Pour prolonger….
M. Didier Guillaume. … l’obstruction !
M. Hugues Portelli. … les propos de M. Zocchetto, je rappelle que nous devons examiner à partir de demain le projet de loi de finances pour 2012.
Aux termes de l’article 47 de la Constitution, le Sénat dispose de quinze jours. Si nous ne sommes pas capables de voter le projet de loi de finances dans ce délai, le Gouvernement a le devoir de dessaisir le Sénat et de passer immédiatement à la suite de la procédure. (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.) Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet de budget peuvent être mises en vigueur par ordonnance.
Je tenais à aviser nos collègues qu’il y a certaines limites à ne pas franchir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Jean-Marc Todeschini. De toute manière, vous êtes des godillots !
M. le président. Je mets aux voix la demande de poursuite du débat…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Jusqu’à quelle heure ?
M. le président. … jusqu’à son terme.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pourquoi un scrutin public ? Votons à main levée !
M. le président. Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 42 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 172 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, nous poursuivons l’examen de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils n’acceptent pas la décision de la majorité !
Mme Catherine Troendle. Vous êtes minoritaires, j’espère que vous l’avez compris !
Exception d’irrecevabilité (suite)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 43 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 167 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour un rappel au règlement.
M. Francis Delattre. En tant que néophyte au Sénat et ancien député, il me semble que l’article 27 de la Constitution dispose que le vote est personnel. J’aimerais donc comprendre comment un système qui permet de faire voter les absents peut respecter cette préconisation. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La Constitution a été beaucoup évoquée dans nos débats, monsieur le président de la commission des lois. Or je pense que les votes auxquels nous procédons sont totalement inconstitutionnels. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Sachez que le système de vote du Sénat a été validé à deux reprises par le Conseil constitutionnel.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je le répète, la poursuite ou non de nos travaux aurait dû être décidée à main levée et non par scrutin public.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le scrutin public est de droit !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Rien dans le règlement n’autorisait le recours au scrutin public. Ce mode de votation s’applique aux dispositions à caractère législatif, ce qui n’était pas le cas ici.
Monsieur le président, vous avez décidé de faire voter le Sénat sur le sujet. Personnellement, vous le savez, je pense que le bureau aurait dû se réunir. Vous ne l’avez pas voulu, ce qui est votre droit. Quoi qu’il en soit, le vote à main levée s’imposait.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pas du tout !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cette décision me semble donc entachée d’illégalité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Madame Des Esgaulx, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Ce dernier dispose que le scrutin public est de droit, sans spécifier l’objet du vote.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Voilà !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous nous faites perdre notre temps, madame !
Mme Catherine Troendle. Preuve est faite que vous êtes incapables d’assumer le fait d’être la majorité du Sénat. Acceptez-le !
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 2.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial (n° 88, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Patrice Gélard, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par l’entremise de l’examen des trois motions successives, qui a déjà commencé, nous sommes au cœur même de la démocratie parlementaire.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Enfin !
M. Patrice Gélard. Dans ce cadre, les membres du Sénat disposent de trois outils : l’exception d’irrecevabilité, qui vient d’être soulevée, la question préalable, qui est l’objet de mon intervention, et le renvoi à la commission.
Je veux rappeler ici leur spécificité.
L’irrecevabilité est généralement conçue comme un outil opposant un motif constitutionnel à l’examen d’un texte. C’est le cas la plupart des fois où cette motion est soulevée. Mais le règlement du Sénat prévoit que son champ peut s’étendre au-delà du motif constitutionnel. Ainsi, nous pourrions parfaitement étendre l’exception d'irrecevabilité au respect de la conventionalité d’un texte, de peur, par exemple, que celui-ci ne soit l’objet d’un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Pour éviter ce genre de recours, un certain nombre de nos voisins européens ont mis en place une commission spéciale chargée d’étudier, le cas échéant, non seulement la constitutionnalité et la conventionalité d’un texte, mais aussi – chose que nous n’avons jamais faite – sa compatibilité avec les lois et les règlements en vigueur. Nous devrions faire ce travail systématiquement, avant même d’examiner un texte en profondeur.
Le renvoi à la commission, quant à lui, correspond, en fin de compte, à la nouvelle délibération de la loi que le chef de l’État peut demander en vertu de l’article 10 de la Constitution. Il est donc tout à fait normal que la majorité comme l’opposition, face à un texte qui est insatisfaisant ou incomplet, qui n’établit pas de lien suffisant avec le reste de la législation ou de la réglementation, puissent demander une « seconde lecture » et renvoyer le texte en commission.
Je souligne que le renvoi à la commission n’est pas un enterrement. Il permet de reprendre un texte pour qu’il soit amélioré et puisse revenir un jour en séance publique, s’il est inscrit à l’ordre du jour.
J’en viens à la question préalable.
Il en existe au moins deux sortes : la question préalable positive et la question préalable négative.
M. Claude Domeizel. Ah !
M. Patrice Gélard. Soulever cette motion, tout comme l’exception d'irrecevabilité et le renvoi à la commission, est possible tant à la majorité qu’à l’opposition.
La question préalable négative consiste à refuser un texte, c'est-à-dire à l’enterrer. Il y a donc une différence fondamentale avec le renvoi à la commission puisque la question préalable, si elle est adoptée, aboutit à l’abandon du texte.
M. Gérard Larcher. C’est vrai !
M. Patrice Gélard. La question préalable positive, que nous avons utilisée plusieurs fois dans le passé,…
M. Jean-Jacques Hyest. Absolument !
M. Patrice Gélard. … signifie que nous sommes d’accord avec le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale. Le Sénat ne souhaite pas le vote conforme, mais estime qu’il n’est pas nécessaire de perdre du temps à discuter longuement de dispositions qui lui conviennent parfaitement. L’adoption de la question préalable a donc pour effet de renvoyer automatiquement le texte à la commission mixte paritaire, en cas de procédure accélérée, ou à l’Assemblée nationale pour une nouvelle lecture. En somme, cette procédure simplifie le débat.
La motion que nous déposons aujourd'hui est bien évidemment une question préalable négative.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Patrice Gélard. Il faut dire que nous avons beaucoup appris en observant l’opposition dans le passé. En réalité, nous utilisons aujourd'hui les outils dont vous vous serviez hier, mes chers collègues.
M. Jean-Jacques Hyest. Absolument !
M. Patrice Gélard. La présentation successive de l’exception d'irrecevabilité, de la question préalable, du renvoi à la commission me rappelle étrangement toute une série de discussions que nous avons eues dans le passé.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. À l’Assemblée nationale aussi !
M. Patrice Gélard. Surtout ici, monsieur le président de la commission des lois !
M. Charles Revet. Vous avez utilisé tous ces outils, monsieur Sueur !
M. Patrice Gélard. L’attitude de la majorité sénatoriale me fait penser à cette chanson à la gloire de l’armée napoléonienne, Le Rêve passe, dont la musique, soit dit par parenthèse, est absolument magnifique. Un rêve peut en cacher un autre !
Mes chers collègues, je pose la question : pourquoi avoir déposé une motion tendant à opposer la question préalable ? (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Ce serait bien de le savoir !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il aurait été bien de se poser la question avant !
M. Patrice Gélard. Pourquoi cette question préalable est-elle négative ? (Nouveaux rires sur les travées de l’UMP.)
Première réponse : maintenant que nous sommes l’opposition sénatoriale, nous jouons pleinement notre rôle !
Nous sommes en désaccord avec le texte que vous nous présentez. Par conséquent, nous déposons une question préalable. Nous appliquons purement et simplement la jurisprudence que vous avez développée dans le passé !
M. Charles Revet. Eh oui, c’est vous qui nous l’avez appris !
M. Patrice Gélard. Cela étant, je me demande si la majorité sénatoriale ne s’est pas trompée de stratégie,…
M. Francis Delattre. De logiciel surtout !
M. Patrice Gélard. … et ce pour une raison très simple : le Sénat ne décide pas seul.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. Patrice Gélard. Nous ne sommes pas maîtres de l’inscription des textes à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Seuls le Gouvernement, dans les semaines qui lui sont réservées, et la majorité parlementaire, dans les séances qui sont réservées à son initiative, peuvent inscrire à l’ordre du jour un texte qui proviendrait du Sénat. Tant qu’il n’est pas inscrit, il reste un vœu pieux. Il n’a aucune valeur juridique !
M. Gérard Larcher. Absolument !
M. Patrice Gélard. En l’occurrence, c’est le texte qui a été adopté précédemment, c'est-à-dire la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, qui revêt une valeur juridique. Le reste, c’est un coup de publicité…
M. André Reichardt. Mensongère !
M. Patrice Gélard. … et rien d’autre !
M. Charles Revet. C’est le but recherché !
M. Patrice Gélard. Cette publicité risque d’ailleurs de ne pas vous être très bénéfique. Le journal Le Monde en fera un petit entrefilet, comme cela a été le cas pour la proposition de loi Sueur tendant à préserver les mandats en cours des délégués des EPCI,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il y a eu beaucoup d’entrefilets, et des grands !
M. Patrice Gélard. … mais, le lendemain, tout sera oublié.
Je me demande si tout ce temps perdu n’est pas une expédition dans un marécage. Ne sommes-nous pas en train de nous enliser en n’accomplissant pas notre travail de parlementaires ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. À cause de vous !
M. Patrice Gélard. Nous allons naturellement voter la question préalable, et ce pour trois raisons.
M. Francis Delattre. Au moins !
M. Patrice Gélard. La première, c’est parce que tel est notre droit d’opposant.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est clair !
M. Patrice Gélard. Nous sommes dans l’opposition et nous jouirons de l’intégralité de nos droits.
M. Francis Delattre. Toujours !
M. Patrice Gélard. La deuxième raison reprend les arguments développés par M. le ministre et Jean-Jacques Hyest : le texte qui nous est présenté est incomplet et ne règle pas tous les problèmes. De plus, il est à la limite de l’inconstitutionnalité, je dirais même qu’il n’est sans doute pas constitutionnel.
M. Jean-Jacques Hyest. Je l’ai dit !
M. Patrice Gélard. Par conséquent, nous ne voulons pas nous engager dans ce marécage, dans ce vide juridique vers lequel on veut nous entraîner. Par quoi remplacera-t-on le conseiller territorial si on le supprime ? Reviendra-t-on à la situation qui existait auparavant ? Mais nous n’en voulons plus !
M. Jean-Pierre Caffet. Vous n’en voulez plus, pas nous !
M. Patrice Gélard. Vous n’avez rien d’autre à proposer, c’est ce qui est terrible !
M. Edmond Hervé. Zéro, monsieur Gélard !
M. Patrice Gélard. Troisième raison : je ne suis pas sûr que la proposition de loi soit conforme à l’article 40 de la Constitution. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Pour ces trois raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter la motion tendant à opposer la question préalable. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, contre la motion.
M. Yves Rome. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en réponse aux doutes existentiels qui viennent d’être professés du haut de la tribune par M. Gélard, je dirai qu’il est plus qu’urgent de mettre un terme à l’existence de cet être hybride,…
M. André Reichardt. Encore cet argument !
M. Yves Rome. … de cet élu « hors sol » que vous avez conçu dans la douleur, après de très longs débats, y compris à l’intérieur de votre ancienne majorité.
Je pourrais en témoigner : certains de ceux qui siègent sur les travées de l’opposition aujourd'hui n’ont pas été les plus tendres à l’égard de ce nouvel élu au sein de l’Assemblée des départements de France. Lorsqu’ils sont sur leur propre territoire – et j’en vois quelques-uns qui lèvent la tête –, ils ont un regard identique au nôtre.
Je ne reviendrai pas sur les motivations qui vous ont conduits à chercher un bouc émissaire supplémentaire. Vous avez tenté de faire porter la cause de vos errements et de vos défaites successives dans le domaine social, fiscal et économique sur les élus locaux. Mais les Français ne s’y sont pas trompés : lors des dernières élections sénatoriales, ils vous ont infligé un camouflet indéniable dont vous ne parvenez pas, aujourd'hui encore, à vous remettre.
Je ne voudrais pas allonger le débat à cette heure tardive (Murmures sur les travées de l’UMP.), mais les troubles existentiels qui ont animé M. Gélard m’amènent à lui conseiller plus de sérénité. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à repousser cette motion tendant à opposer la question préalable, qu’il a d’ailleurs eu du mal à motiver, avançant trois raisons qui n’en sont pas. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission est naturellement défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Marc Todeschini. Défavorable ?
M. Claude Domeizel. Sagesse ?
M. Philippe Richert, ministre. J’ai déjà eu longuement l’occasion d’expliquer, dans mon propos liminaire, les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi, estimant que le dispositif voté en 2010 mérite d’être appliqué. En conséquence, vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que je sois favorable à la motion défendue par M. Gélard.
Mais permettez-moi d’ajouter un mot.
Tout à l’heure, il a été demandé au Gouvernement s’il était d’accord pour poursuivre l’examen de cette proposition de loi jusqu’à son terme. Je veux simplement rappeler que l’article 48 de la Constitution, que vous connaissez tous – et même mieux que moi, car vous êtes des spécialistes en la matière ! –, dispose dans son troisième paragraphe : « En outre, l’examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale […] est, à la demande du Gouvernement, inscrit à l’ordre du jour par priorité. »
Cette disposition a tout simplement été prévue parce des contraintes très fortes, que M. Portelli a rappelées tout à l'heure, encadrent la durée d’examen de ces textes, des contraintes que nous ne pouvons ignorer.
Je comprends que les propositions de loi soient importantes aux yeux de leurs auteurs, mais prenez garde aux priorités fixées, eu égard notamment, je le répète, à cet objectif majeur qu’est l’examen du projet de loi de finances.
Je l’ai dit, je suis évidemment à la disposition du Parlement, et donc du Sénat ; c’est d’ailleurs mon devoir en tant que ministre. Reste que, dans le cadre d’une autre fenêtre parlementaire, qui devait initialement durer quatre heures, on nous avait dit que la séance s’achèverait vers minuit. Finalement, après nous avoir annoncé qu’elle se terminerait à une heure du matin, puis à deux heures, elle a été levée à quatre heures. J’ai dû enchaîner deux jours de suite sans dormir, car je n’avais pas la possibilité de faire autrement.
Demain matin – c'est-à-dire tout à l'heure ! –, je devais ouvrir le congrès de l’ARF, l’Association des régions de France, mais je me vois contraint d’y renoncer. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demandez à votre majorité de dépêcher l’un des vôtres !
M. Philippe Richert, ministre. Je le répète, le Parlement est prioritaire, mais je tenais simplement à vous informer de l’engagement que j’avais pris. Il est vraiment dommage que je ne puisse pas ouvrir demain matin la séance de ce congrès. (MM. Philippe Dominati et André Reichardt applaudissent.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La faute à qui ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. J’ai été très sensible au plaidoyer de M. le ministre, qui a mis en avant à la fois les menaces que ferait peser le retard de ce débat sur le bon déroulement de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 et les difficultés à exercer sa charge à l’égard des régions.
Cependant, je crois comprendre que ses reproches s’adressent en premier lieu à l’opposition. En effet, je n’ai pas le sentiment que ce soit les sénateurs qui siègent du côté gauche de l’hémicycle qui retardent la discussion de cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)