Sommaire
Présidence de Mme Bariza Khiari
Secrétaire :
Mme Michelle Demessine.
3. Communication relative à une commission mixte paritaire
5. Souhaits de bienvenue à une délégation malienne
6. Droit au repos dominical. – Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : Mmes Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi ; Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, rapporteure ; M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
M. Ronan Kerdraon, Mmes Anne-Marie Escoffier, Isabelle Debré, M. Hervé Maurey, Mme Laurence Cohen, M. Ronan Dantec, Mmes Chantal Jouanno, Patricia Schillinger.
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales.
M. le ministre, Mme la rapporteure.
Clôture de la discussion générale.
Motion n° 2 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Catherine Procaccia, la rapporteure, M. le ministre, Mme Muguette Dini, M. Ronan Kerdraon, Mmes Christiane Kammermann, Isabelle Pasquet, M. François Fortassin. – Rejet par scrutin public.
Suspension et reprise de la séance
Mmes Isabelle Debré, la présidente.
Demande de renvoi à la commission
Motion n° 1 de Mme Isabelle Debré. – Mmes Isabelle Debré, la rapporteure, M. le ministre. – Rejet par scrutin public.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Hervé Maurey, Mme la présidente, MM. Philippe Dallier, François Rebsamen, Mmes Annie David, présidente de la commission des affaires sociales ; Isabelle Debré, le ministre, Didier Guillaume.
Renvoi de la suite de la discussion.
7. Abrogation du conseiller territorial. – Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteure de la proposition de loi ; M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-LÉonce Dupont
9. Abrogation du conseiller territorial. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale (suite) : MM. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois.
MM. Jacques Mézard, Jean-Patrick Courtois, Philippe Adnot, Christian Favier, Michel Delebarre, Jean-Jacques Mirassou, Mme Bernadette Bourzai.
Clôture de la discussion générale.
Motion n° 1 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-Jacques Hyest, Didier Guillaume, le rapporteur, le ministre, François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.
MM. le président, le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance
MM. Didier Guillaume, le président de la commission, le ministre, François-Noël Buffet.
Suspension et reprise de la séance
MM. le président, François-Noël Buffet, Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. François Zocchetto, Mme Catherine Troendle, MM. Gérard Miquel, Hugues Portelli.
Adoption, par scrutin public, de la demande de poursuite du débat jusqu’à son terme.
Exception d’irrecevabilité (suite)
Rejet, par scrutin public, de la motion n° 1.
MM. Francis Delattre, le président.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. le président.
Motion n° 2 de M. Patrice Gélard. – MM. Patrice Gélard, Yves Rome, le rapporteur, le ministre, Éric Doligé, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Claude Lenoir, Mme Catherine Troendle, M. Alain Bertrand. – Rejet par scrutin public.
M. Jean-Jacques Hyest, le président.
Demande de renvoi à la commission
Motion n° 4 de M. Hervé Maurey. – MM. Hervé Maurey, Michel Berson, le ministre. – Rejet par scrutin public.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. le président.
MM. Hugues Portelli, Gérard Miquel, vice-président de la commission des finances ; Charles Guené, le président, Éric Doligé, Jean-Marc Todeschini, François-Noël Buffet, le président de la commission, Jean-Jacques Hyest.
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Catherine Troendle, M. Dominique de Legge, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
MM. Philippe Bas, le président.
MM. Philippe Dominati, le président.
Mmes Catherine Deroche, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Antoine Lefèvre, René Beaumont, Philippe Dallier, Jean-Claude Lenoir, André Reichardt, Christophe-André Frassa, Jean-Jacques Hyest, Mme Colette Giudicelli, MM. François Grosdidier, Philippe Bas, Alain Bertrand, Francis Delattre, Pierre Bordier, Philippe Dominati, Jacques Gautier.
Amendement n° 3 de M. François-Noël Buffet. – MM. François-Noël Buffet, le rapporteur, le ministre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Philippe Dallier. – Rejet par scrutin public.
M. Philippe Dominati.
MM. le président de la commission, le ministre.
Adoption, par scrutin public, de l'article unique de la proposition de loi.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Secrétaire :
Mme Michelle Demessine.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d'un ancien sénateur
Mme la présidente. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Paul Guillaumot, qui fut sénateur de l’Yonne de 1959 à 1986.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
4
Dépôt d'un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Michel Diefenbacher, président de la commission d’évaluation des investissements photovoltaïques en outre-mer, le rapport de cette commission, établi en application de l’article 36 de la loi n° 2010–1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, ainsi qu’à la commission des finances.
Il est disponible au bureau de la distribution.
5
Souhaits de bienvenue à une délégation malienne
Mme la présidente. Mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation du Haut Conseil des collectivités du Mali, conduite par M. Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara, président du Haut Conseil. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le ministre se lèvent.)
Cette visite revêt une importance particulière, puisque le Mali soumettra à référendum en avril prochain un projet de révision constitutionnelle tendant notamment à transformer le Haut Conseil en Sénat de plein exercice.
Cette délégation, qui a déjà rencontré notre collègue Claude Jeannerot, que je salue, et qui s’entretiendra demain avec Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, vient étudier durant cette semaine des aspects pratiques et concrets de l’organisation du Sénat et de ses travaux.
Nous formons tous le vœu que cette visite lui soit profitable et nous souhaitons à tous ses membres la bienvenue au Sénat ! (Applaudissements.)
6
Droit au repos dominical
Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe CRC, après concertation avec les partenaires sociaux, de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical, présentée par Mme Annie David et plusieurs de ses collègues (proposition n° 794 rectifié [2010-2011], texte de la commission n° 90, rapport n° 89).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi.
Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, en 2009, le Sénat adoptait, à une très courte majorité de trois voix, la proposition de loi déposée par le député UMP Richard Mallié, présentée par son auteur comme devant à la fois réaffirmer « le principe du repos dominical », tout en adaptant « les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires ».
Ce sont là deux objectifs antinomiques puisque, pour satisfaire le second dont profitent directement les employeurs et ceux qui détiennent les entreprises, il faut réduire les droits des salariés, pourtant définis comme étant le premier objectif de ce qui n’était alors qu’une proposition de loi.
C’est sur la base de ce constat que notre groupe, avec les autres composantes de la gauche et une partie des sénatrices et sénateurs de la majorité présidentielle, a voté contre cette proposition de loi, et c’est aussi sur cette base que nous avons déposé voilà quelques semaines la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui.
À cet égard, permettez-moi de remercier notre rapporteure et les administrateurs de la commission des affaires sociales pour le travail de perfectionnement qui a été réalisé. Vous avez su, madame la rapporteure, conserver l’essence de notre proposition de loi, que l’on pourrait résumer en deux mots : pragmatisme et renforcement des droits.
Toutefois, avant d’en venir à la présentation de la proposition de loi telle qu’amendée par la commission des affaires sociales, je voudrais dire quelques mots sur notre conception du repos dominical, puisque c’est elle qui nous a conduits à vous proposer, mes chers collègues, d’en renforcer le principe.
Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, le repos dominical n’est pas seulement un héritage de l’époque où la France était considérée comme la « fille ainée de l’église ». Nous n’ignorons pas que cela a eu une importance dans l’instauration du dimanche chômé, et nous savons également que c’est en 1906 que la loi a réaffirmé, pour la première fois, le principe du repos le dimanche.
Comme le souligne l’historien Robert Beck, auteur du livre intitulé Histoire du dimanche : de 1700 à nos jours, « à partir de la loi de 1906, le congé du dimanche n’a plus rien de religieux. Une loi pour la sanctification du dimanche avait effectivement été promulguée en 1814, mais elle était tombée en désuétude puis définitivement abolie par une loi de 1880 ».
C’est donc une loi laïque qui est adoptée en 1906, soit un an à peine après l’adoption de la loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, rapporteure. Très bon rappel !
Mme Isabelle Pasquet. Les fondements revendiqués de cette loi étaient doubles : garantir aux salariés et aux travailleurs le droit au repos et à la famille.
Force est de constater que, depuis 1906, entre la loi Sarrien et notre proposition de loi, les objectifs n’ont pas réellement changé.
L’enjeu est moins de faire du dimanche en tant que tel un jour de repos que de garantir à tous nos concitoyens le droit de bénéficier d’un jour chômé par semaine, et le même jour pour tous. Ce jour identique est, pour nous, comme pour les salariés, qui demeurent majoritairement opposés au travail le dimanche, le gage d’une société qui avance au même rythme pour tout le monde, d’une société qui reconnaît qu’un jour commun de repos est profitable à la société dans son ensemble, car il permet à tous d’avoir des activités culturelles, physiques, associatives ou familiales qui n’ont rien à voir avec le secteur marchand. Bref, il s’agit d’un temps commun pour soi, pour ses proches et pour l’altérité. Tel est d’ailleurs le sens de l’article 1er, et de notre proposition de loi dans son ensemble.
Par cette proposition de loi, nous voulons revenir sur les excès issus de la loi Mallié et non, comme certains voudraient le faire croire, abroger celle-ci ou interdire tout travail le dimanche. Nous considérons en effet que certaines dérogations au repos dominical sont indispensables ; je pense ici non seulement à tous ceux qui concourent à l’accomplissement d’une mission de service public – hôpitaux, transports, etc. –, mais aussi aux industries qui nécessitent obligatoirement une activité en continu. Il s’agit là de dérogations dont l’impératif est clair : la production industrielle rend techniquement impossible l’arrêt, le dimanche, des hauts fourneaux de la sidérurgie ou des vapocrackeurs de la pétrochimie, pour prendre des exemples que je connais bien. En revanche, on voit mal les impératifs qui justifient l’ouverture le dimanche de commerces d’ameublement ou de vente d’équipements sportifs.
Par ailleurs, les promesses de la loi de 2009 n’ont pas été respectées. Ainsi, dans les communes touristiques, la loi a autorisé tous les commerces, sans exception, à ouvrir le dimanche. Lundi matin, M. Lefebvre dénonçait notre proposition de loi sur une chaîne d’informations en continu, en prenant l’exemple du boucher des Abbesses, un quartier de Paris, qui se plaignait de l’application potentielle de cette proposition de loi.
Pour le coup, cet exemple est parfait pour qui veut prouver que les arguments de ceux qui le soutiennent sont faux !
Tout d’abord, ce commerce, parce qu’il est alimentaire, peut ouvrir le dimanche jusqu’à treize heures, y compris si Paris n’est pas classée comme ville touristique.
Ensuite, je trouve assez étonnant qu’un membre du Gouvernement apporte son soutien à des commerces de Paris ou de sa banlieue de type supermarché qui demeurent ouverts le dimanche au-delà de treize heures, voire jusqu’à vingt heures, en toute illégalité. Je ne suis pas sûre qu’il soit de bon ton de soutenir des établissements qui méconnaissent ouvertement la loi, alors que le Président de la République prône une République irréprochable.
Enfin, et surtout, on ne nous fera pas croire que les brochures distribuées aux touristes, dans leur pays d’origine, mentionnent l’ouverture des commerces le dimanche. On ne nous fera pas croire que les touristes chinois, américains, européens ou moyen-orientaux viennent en France ou n’y viennent pas en fonction de l’ouverture du boucher des Abbesses le dimanche après-midi !
Mme Éliane Assassi. Bravo !
Mme Isabelle Pasquet. La France était la première destination touristique en 2008, avant l’adoption de la loi Mallié, elle le demeure aujourd’hui, et le sera encore demain après l’adoption de notre proposition de loi. Cela n’y changera rien !
En revanche, ce qui changera, c’est le sort réservé aux salariés qui, eux, travaillent le dimanche dans les zones touristiques.
Mme Annie David, rapporteure. Exact !
Mme Isabelle Pasquet. Aujourd’hui, ils ne peuvent prétendre ni au volontariat – le travail le dimanche est obligatoire – ni aux contreparties financières. Ils ne sont pas traités à égalité avec ceux qui travaillent dans un périmètre d’usage de consommation exceptionnel.
Afin de remédier à cette situation et d’en finir avec la logique du « tout-marchand » que sous-tend la loi de 2009, nous proposons deux choses : d’une part, instaurer un principe simple, à savoir que seuls pourront ouvrir le dimanche les commerces dont l’activité est en lien avec le tourisme et pendant la période touristique ; d’autre part, faire respecter l’engagement présidentiel non tenu d’octroyer au salarié qui travaille le dimanche une contrepartie financière, que le travail soit occasionnel ou régulier.
De telles dispositions répondent favorablement aux conclusions d’un rapport de 2011 de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, instance de l’Organisation internationale du travail, OIT.
En effet, la Commission « estime souhaitable d’assurer une protection équivalente aux salariés employés dans ces deux catégories d’établissements », c’est-à-dire dans un périmètre d’usage de consommation exceptionnel, PUCE, et dans une zone touristique.
Nous entendons étendre ce droit à bénéficier de contreparties financières fixées par la loi à tous salariés qui travaillent dans les PUCE, car, si la loi Mallié prévoit bien des contreparties légales pour les salariés, celles-ci peuvent être, en cas d’accord collectif, inférieures à ce qui est prévu dans la loi, c’est-à-dire au doublement du salaire.
C’est le cas de l’accord signé à Plan de Campagne, cette vaste zone commerciale située à proximité de Marseille, qui fut à l’origine de la proposition de loi présentée par le député Richard Mallié. Dans cette zone, la majoration pour le travail du dimanche est de l’ordre de 25 %, soit le taux applicable aux heures supplémentaires. Nous sommes donc encore loin de l’engagement pris ici même par le Gouvernement, selon lequel le travail dominical serait toujours accompagné d’un paiement double !
Mme Annie David, rapporteure de la commission des affaires sociales. Et voilà : l’heure double !
Mme Isabelle Pasquet. Par ailleurs, le volontariat, qui doit être la base du travail le dimanche, demeure trop souvent virtuel. Le contrat de travail n’est pas un contrat de gré à gré comme les autres. La situation de l’emploi est tellement tendue que les salariés sont placés, de fait, dans une situation d’infériorité par rapport à l’employeur. Cette relation, que l’on qualifie de lien de subordination et qui caractérise le contrat de travail, fait trop souvent du volontariat un véritable mythe.
Pour imager mon propos, je prendrai un exemple d’une actualité très récente et concernant la situation des salariés de l’enseigne Ed/Dia d’Albertville, où l’employeur tirait au sort les salariés contraints de travailler le dimanche.
Je voudrais saluer l’importante mobilisation de ces derniers et les féliciter. En effet, après plus de cent dimanches de grève – cent quatre pour être précis –, ces femmes courageuses – car il ne s’agit ici que de femmes – ont obtenu ce qu’elles revendiquaient depuis deux ans : le droit de refuser de travailler le dimanche, une journée de travail pas comme les autres, puisqu’elle ne leur rapportait que cinq euros de plus par rapport à un jour de travail ordinaire !
Leur formidable lutte est la preuve que les salariés peuvent encore gagner des droits nouveaux. Mais il est souhaitable que la loi garantisse réellement les mesures de protection nécessaires, afin qu’une telle situation ne se reproduise plus.
De même, les salariés qui auraient consenti à travailler le dimanche doivent pouvoir revenir sur cet accord, sans que cela entraîne des sanctions. Tel est l’objectif de cette proposition de loi.
Nous entendons également préciser que cet accord doit être écrit et que l’éventuel refus du salarié ne doit pas donner lieu à discrimination lors de l’embauche. Cela signifie notamment que les offres d’emplois et le contrat de travail qui les accompagne ne doivent pas prévoir de manière automatique le travail le dimanche.
Tout cela ne veut pas dire que nous nions la volonté de certains salariés de travailler le dimanche. D’ailleurs, peu avant l’adoption de la loi Mallié, Le Journal du Dimanche avait publié un sondage révélant que 67 % des Français étaient favorables au travail dominical.
Mais, en y regardant de plus près, on se rend compte que ce sondage ne portait que sur les actifs. C’étaient donc 67 % des actifs qui étaient favorables au travail le dimanche et non 67 % des Français, ce qui relativise un peu les choses !
Parmi eux, 17 % seulement annonçaient vouloir travailler tous les dimanches ; 50 % déclaraient vouloir travailler occasionnellement le dimanche ; par ailleurs, 33 % déclaraient ne vouloir jamais travailler le dimanche. Il faut donc relativiser l’engouement pour le travail dominical !
Je me souviens d’un autre sondage selon lequel 67 % des Français déclaraient trouver agréable que les magasins soient ouverts le dimanche. Mais ce sont les mêmes qui refusaient à 85 % l’idée de travailler eux-mêmes ce jour-là !
Par conséquent, il faut tenir compte de tous ces éléments et proposer une réponse adaptée ; c’est ce que nous faisons avec notre proposition de loi.
En réalité, le renoncement au repos dominical, qui concerne souvent les salariés des grandes surfaces et singulièrement les femmes, est rarement un choix libre. Les contraintes économiques pèsent lourdement sur les choix de ces derniers.
Dans la grande distribution, la durée moyenne d’un contrat s’établit autour de vingt-trois heures par semaine, soit, pour une rémunération au SMIC – en vigueur le plus souvent dans cette profession –, un salaire hebdomadaire de 160 euros.
Dans ces conditions, comment ne pas s’étonner que des salariés fassent le « non-choix » de travailler le dimanche ? Avec une hausse des salaires importante, les salariés y renonceraient sans doute. Il en va de même pour les étudiants, qui préféreraient se consacrer sereinement à leur formation plutôt que de travailler le dimanche pour financer leurs études, payer leur logement, leur nourriture et parfois leurs soins.
Enfin, nous proposons que, dans le cadre des PUCE, plus aucune dérogation nouvelle ne puisse être délivrée. L’idée est de figer le nombre des PUCE existants.
Initialement, notre proposition de loi allait plus loin et prévoyait la suppression des dérogations accordées aux établissements qui méconnaissaient la législation en vigueur avant l’adoption de la loi de 2009. Cette disposition visait les zones commerciales qui ouvraient le dimanche sans avoir ni sollicité ni obtenu de dérogations préfectorales.
Nous visions notamment le cas du centre commercial Thiais village, qui a bénéficié d’un classement en PUCE, justifiant une habitude de consommation installée durant les mois précédant l’adoption de la loi du 10 août 2009, ce centre étant déjà ouvert le dimanche sans avoir obtenu de dérogations.
À l’inverse, la zone commerciale Plan de Campagne, qui historiquement a bénéficié durant près de quarante ans d’un droit à l’ouverture dominical sur la base d’arrêtés préfectoraux, même cassés par les tribunaux administratifs, aurait pu rester ouverte.
Par souci de clarification et de simplification, la commission a décidé d’adopter un mécanisme plus simple : le gel des PUCE, qui permet de freiner la multiplication des dérogations au principe du repos dominical. Cette solution, que nous approuvons, correspond aux observations de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, CEACR.
En effet, « Elle rappelle également que l’article 7 de la convention [C106 sur le repos hebdomadaire] ne permet l’application de régimes spéciaux de repos hebdomadaire que si la nature du travail, la nature des services fournis par l’établissement, l’importance de la population à desservir ou le nombre des personnes employées ne permettent pas l’application du régime normal de repos hebdomadaire. »
Le rapport précise encore : « Les considérations sociales, quant à elles, à savoir l’impact de cette dérogation sur les travailleurs concernés et leurs familles, ne paraissent pas avoir été prises en compte ou en tout cas pas au même titre que les considérations économiques. »
Pour nous, il s’agit de rompre avec la logique parfaitement identifiée par l’OIT selon laquelle la hausse des dérogations au repos hebdomadaire en France obéit à des « préoccupations économiques », sans tenir compte de l’impact social pour les salariés.
Ainsi, mes chers collègues, après le travail réalisé en commission, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui va dans le bon sens.
Nous ne remettons pas en cause les dérogations déjà consenties dans le cadre des PUCE, afin de ne pas déstabiliser l’emploi et les économies locales.
Nous limitons l’expansion des dérogations et accordons plus de droits aux salariés. Contrairement à ce qui a pu être dit en commission, il ne s’agit donc pas d’une loi « très orientée politiquement ». C’est, au contraire, un dispositif équilibré, pragmatique et protecteur des droits des salariés, de l’intérêt de la société comme des commerces de proximité, ce qui n’était pas le cas de la loi de 2009.
Pour toutes ces raisons, et parce que, eu égard aux réponses des organisations syndicales sollicitées dans le cadre du protocole de consultation des partenaires sociaux, qui figurent en annexe du rapport, nous savons que ces mesures sont attendues par les salariés, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, rapporteure. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 1906, la loi garantit aux salariés de l’industrie et du commerce un jour de repos hebdomadaire, traditionnellement fixé le dimanche. À l’époque, ce jour de repos avait été instauré non seulement pour protéger la santé des salariés, mais aussi pour préserver leur vie de famille. Ces deux objectifs restent aujourd’hui pleinement d’actualité.
Pour autant, le principe du repos dominical a toujours été assorti de dérogations : certaines sont nécessaires pour assurer la continuité de nos services publics, d’autres sont justifiées par les contraintes techniques de secteurs industriels qui doivent fonctionner en continu, d’autres encore ont été accordées pour répondre aux besoins de la clientèle, besoins sans doute réels, mais parfois créés, voire suscités, par notre société de consommation. Mes chers collègues, nous avons toutes et tous connaissance, par exemple, de campagnes promotionnelles justement mises en place certains dimanches ou jours fériés.
La loi Mallié du 10 août 2009 a cependant rompu l’équilibre qui prévalait jusqu’alors entre les intérêts des entreprises, les besoins des consommateurs et les droits des salariés. Son adoption avait d’ailleurs été difficile, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, car ce texte avait suscité de fortes réticences, y compris au sein de la majorité présidentielle ; ma collègue Isabelle Pasquet l’a souligné.
La loi Mallié, je vous le rappelle, a introduit de nouvelles dérogations au principe du repos dominical au profit des commerces établis dans les communes et les zones touristiques, et de certaines zones commerciales installées dans de grandes agglomérations.
Ces nouvelles dérogations vont bien au-delà de ce qui suffirait à satisfaire la demande de la clientèle touristique ou celle des habitantes et habitants de ces grandes agglomérations. De surcroît, elles s’accompagnent d’une inégalité de traitement choquante entre les salariés.
La commission d’experts de l’Organisation internationale du travail s’en est d’ailleurs émue et a invité la France à apporter les mêmes garanties à toutes et tous les salariés.
La proposition de loi que nous examinons cet après-midi vise donc à corriger les excès de la loi Mallié et à rétablir l’égalité entre les salariés, en garantissant les mêmes contreparties à toutes celles et tous ceux qui sont concernés par ces dérogations.
Conformément au protocole relatif à la concertation avec les partenaires sociaux, j’ai invité les organisations syndicales et patronales représentatives à me faire connaître leur point de vue sur ce texte. Cinq organisations syndicales m’ont répondu : trois organisations de salariés – la CGT, la CFDT et la CFTC – et deux organisations patronales – la CGPME et l’UPA.
Les syndicats de salariés soutiennent globalement les orientations du texte. Les organisations d’employeurs ont exprimé une position nuancée, réaffirmant leur attachement à la défense du petit commerce face à la concurrence des grandes surfaces, mais aussi leur souci que les contreparties accordées aux salariés ne mettent pas en danger l’équilibre financier des entreprises.
La proposition de loi vise d’abord à restreindre le champ des dérogations au repos dominical introduites par la loi Mallié.
En ce qui concerne les communes et les zones touristiques, elle tend à inscrire dans le code du travail deux principes de bon sens : d’abord, limiter le droit à déroger à la règle du repos dominical aux seuls établissements qui mettent à la disposition du public des biens ou des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs, ce qui revient à rétablir ce qui existait pour les zones touristiques ; ensuite, pour ces dernières, n’accepter ces dérogations que pendant la saison ou les saisons touristiques, étant rappelé que ces saisons peuvent être définies différemment en fonction des territoires et qu’elles le sont par la préfecture. Plusieurs collègues ont en effet souligné en commission que la période touristique pouvait être longue dans certaines régions et qu’il fallait veiller à ne pas pénaliser leur activité.
La commission a également précisé que ce sont bien les communes classées touristiques au sens du code du travail qui seront concernées par ces dérogations.
Elle a également clarifié la rédaction de la proposition de loi concernant les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE. L’objectif visé par les auteurs du texte était non pas de supprimer les PUCE existants, mais bien de mettre un coup d’arrêt à la multiplication de ces zones à l’intérieur desquelles il est possible de déroger au principe du repos dominical. La rédaction adoptée par la commission lève toute ambiguïté, en indiquant qu’aucun nouveau PUCE ne pourra être délimité après l’entrée en vigueur de la proposition de loi, sans remettre en cause les PUCE existants.
Sur l’initiative de notre collègue Ronan Kerdraon, nous avons pris en considération le cas des commerces de détail alimentaires. Comme vous le savez, ces commerces peuvent faire travailler leurs salariés le dimanche jusqu’à treize heures en vertu d’une disposition issue de la loi Mallié. Auparavant, c’était jusqu’à douze heures. Or certaines grandes enseignes qui proposent des denrées alimentaires, mais qui vendent aussi d’autres produits, s’appuient sur cette disposition pour ouvrir tous les dimanches et font ainsi une concurrence déloyale aux petits commerces.
Nous avons donc choisi de réserver désormais cette faculté aux seuls commerces de moins de cinq cents mètres carrés. De cette manière, les petits commerces alimentaires qui contribuent à l’animation de nos villes et de nos villages pourront ouvrir le dimanche matin, contrairement aux grandes surfaces, qui ne le pourront pas. Dans les communes et les zones touristiques, toutefois, la réglementation actuelle continuera à s’appliquer, afin de tenir compte des besoins particuliers de la clientèle touristique.
J’en arrive à la question des contreparties que la proposition de loi envisage d’accorder aux salariés privés du repos dominical.
Le texte consacre d’abord le principe du volontariat : seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit pourront travailler le dimanche.
Ensuite, l’autorisation de déroger au principe du repos dominical sera subordonnée à la conclusion d’un accord de branche ou interprofessionnel fixant les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés du repos dominical, ainsi que les contreparties qui leur sont accordées.
Enfin, la loi garantira aux salariés le bénéfice d’un repos compensateur et d’un salaire double pour les heures travaillées le dimanche.
Je voudrais m’arrêter un instant sur le repos compensateur. Comme il est précisé dans la proposition de loi, si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur sera accordé au salarié le jour de cette fête légale. Cette disposition figure déjà dans le code du travail, à l’article relatif à l’autorisation exceptionnelle d’ouverture accordée par le maire pour un maximum de cinq dimanches par an, et n’est donc pas introduite par le texte que nous examinons aujourd’hui. Toutefois, une organisation syndicale a attiré mon attention sur le fait que cette précision risquait de ne pas être toujours favorable aux salariés. En effet, le salarié peut être lésé si le jour de cette fête légale correspond à un jour chômé dans l’entreprise. Aussi cette question devra-t-elle, selon moi, être revue au cours de la navette parlementaire, après consultation des autres organisations syndicales et patronales sur ce point.
La commission s’est enfin attachée à préciser le champ d’application des garanties que je viens d’évoquer. Elles viseront les salariés employés dans les PUCE, celles et ceux qui travaillent dans les communes et les zones touristiques, celles et ceux qui sont privés du repos dominical dans le cadre des cinq dimanches exceptionnels d’ouverture autorisés par le maire et, enfin, celles et ceux dont l’entreprise déroge au repos dominical sur le fondement de l’article L. 3132–20 du code du travail, cas où le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de l’établissement.
En conclusion, je veux souligner à quel point la question du repos dominical est d’une nature éminemment politique. Elle nous amène à confronter nos visions, diamétralement opposées, de l’organisation de la vie en société et de la place qu’il convient d’accorder aux activités commerciales.
Il est indiscutable que la pratique religieuse a reculé dans notre société et que le dimanche n’a plus, pour la majorité de nos concitoyennes et concitoyens, la signification qu’il pouvait avoir autrefois. Isabelle Pasquet a d’ailleurs cité à cet égard les propos d’un historien, lequel démontre que la loi du 13 janvier 1906 n’est en rien liée à la religion.
Il n’en reste pas moins que le repos dominical mérite d’être défendu, car le dimanche est souvent le seul jour chômé où les familles peuvent se retrouver et passer du temps ensemble. Conserver ce jour de repos commun au plus grand nombre est un objectif qui devrait, je l’espère, nous rassembler toutes et tous.
Pour cette raison, je vous invite, mes chers collègues, à approuver la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical dans la rédaction résultant des travaux de notre commission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste–EELV. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis maintenant un mois et demi, j’ai été amené à travailler avec la nouvelle majorité sénatoriale. Nos rapports sont empreints de la cordialité et du respect que j’avais expérimentés avec l’ancienne majorité. Mais la politique mise en œuvre par cette majorité est d’une dureté sans pareil à l’égard des Français et des salariés. Ce texte en est d’ailleurs la preuve. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la meilleure !
M. Xavier Bertrand, ministre. D’une certaine façon, les masques tombent, puisque, pendant longtemps, vous êtes restés cantonnés à des discours et des amendements dont vous saviez qu’ils seraient rejetés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On a lu ça dans la presse. C’est un « élément de langage ».
M. Xavier Bertrand, ministre. Par le projet de loi de financement de la sécurité sociale et par ce texte, vous démontrez que les grandes déclarations sont bien loin de la réalité.
Avant-hier soir, dans la nuit, plus de 9 millions de salariés ont compris que, si vous aviez également la majorité à l’Assemblée nationale, si vous étiez au gouvernement, ils perdraient les avantages fiscaux et sociaux liés aux heures supplémentaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Annie David, rapporteure. Nous examinons la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical !
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour ces ouvriers et ces employés, cet argent est celui de leur travail. Ce travail, ils ne le volent à personne.
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Éliane Assassi. Et les chômeurs ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous avons besoin, pour la croissance et l’économie, de leur pouvoir d’achat. Or l’adoption des mesures proposées par la majorité sénatoriale, par la gauche, aurait pour conséquence de l’amputer. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Mme Annie David, rapporteure. Nous sommes en train d’examiner la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical !
M. Xavier Bertrand, ministre. De la même façon, si le texte présenté par Mme David était adopté et mis en œuvre, 250 000 emplois seraient immédiatement menacés dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Telle n’est pas notre politique !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il s’agit, tout simplement, des emplois situés dans les zones touristiques. Je le répète, par le véritable retour en arrière défendu par ce texte, un quart de million de salariés verraient leur emploi et leur pouvoir d’achat menacés. Telle est la réalité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt. Tout doit être assumé en politique.
Mme Colette Giudicelli. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes bien placé pour le dire, monsieur le ministre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je le dis, et je l’assume ! Nous pouvons avoir des divergences de vue très fortes, tout en nous respectant mutuellement. Votre proposition de loi reflète en réalité votre idéologie par rapport au travail et au fait de travailler plus.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et les chômeurs ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Votre texte est un texte de régression (Mme Éliane Assassi s’exclame.), de recul, et une menace pour l’emploi et les salariés dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Car derrière vos bonnes intentions, la réalité se révèle tout autre.
Je sais lire, les sénateurs et sénatrices savent lire, les Français aussi savent lire : ils voient bien que ce texte est inutile et dangereux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dangereux pour qui ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Inutile, parce que vous prétendez, comme l’indique l’intitulé de la proposition de loi, garantir le droit au repos dominical. Or ce principe est réaffirmé dans la loi Mallié du 10 août 2009. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Ce n’est pas parce que la gauche le reformulera qu’il différera de ce qui a été adopté par la droite ! Car on ne transige pas avec un principe inscrit dans la loi de la République. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Réécrire tout simplement ce qui est déjà gravé dans le marbre de la loi, quelle innovation !
Ce texte est dangereux, surtout, parce que son adoption détruirait l’équilibre auquel nous sommes parvenus, dans cette même loi du 10 août 2009, sur la question du travail dominical. Il s’agit d’un bon équilibre, non pas à mes yeux, mais aux yeux des salariés, de celles et ceux qui désirent travailler le dimanche et augmenter leur pouvoir d’achat.
Que cela plaise ou déplaise, certains Français veulent travailler le dimanche (Mme Patricia Schillinger s’exclame.),…
Mme Éliane Assassi. Il y en a aussi qui veulent travailler tout court !
M. Xavier Bertrand, ministre. … dans les conditions définies par la loi du 10 août 2009.
Je ne m’interromprai pas, madame le sénateur. Quand on est sûr de ses convictions, on n’a pas besoin de s’interpeller. Le temps de parole est ainsi fait qu’il permet à chacun de s’exprimer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Cet équilibre tient compte à la fois du respect d’un droit, le repos dominical, et des évolutions de la société, ainsi que des aspirations des salariés qui souhaitaient travailler le dimanche et ne le pouvaient pas.
Je vais être franc avec vous, j’aurais voulu que nous allions plus loin concernant la possibilité de travailler le dimanche. Cela aurait évité à Catherine Procaccia de porter à mon attention des situations aberrantes où des entreprises, parce qu’elles sont implantées sur une commune ne bénéficiant pas de certaines dispositions dérogatoires, contrairement à une autre, limitrophe, ne peuvent ouvrir le dimanche, ce qui fait peser une menace sur des dizaines d’emplois. Oui, j’aurais préféré que l’on soit encore plus clair ! (Mme Éliane Assassi proteste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez voir à Paris si l’emploi est menacé !
M. Xavier Bertrand, ministre. Allez vous expliquer avec ces salariés chez Catherine Procaccia ! Le ton ne sera sans doute pas le même ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Il est facile de tenir certains propos dans l’hémicycle, il est plus compliqué de dire à des salariés qui veulent travailler que ce n’est pas possible parce qu’on a souhaité qu’il en soit ainsi. La réalité, c’est que je préfère avoir des élus qui favorisent l’emploi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
J’aurais voulu, je le répète, que nous puissions aller plus loin concernant les possibilités, pour ceux qui le souhaitent, de donner du travail le dimanche ou de travailler le dimanche.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et le travail dans la semaine ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Tel n’a pas pu être le cas (Mme Éliane Assassi s’exclame.), nous avons néanmoins ouvert de nouvelles possibilités très concrètes, que le texte que vous nous proposez aujourd’hui refermerait. Et encore, votre main a tremblé, vous n’êtes pas allés jusqu’au bout de votre idéologie pour ce qui concerne les fameux PUCE. Sinon, votre texte aurait menacé non pas 250 000 emplois, mais 260 000 emplois !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui faites peser une menace sur des milliers d’emplois !
M. Xavier Bertrand, ministre. En fin de compte, vous vous contentez d’interdire la création de nouveaux PUCE. Vous vous êtes donc bien aperçus de votre erreur en la matière, mais vous n’avez pas eu, je le dis, le courage politique de faire marche arrière. Vous restez prisonniers non pas de vos convictions, mais d’une certaine vision de l’économie, qui n’est pas adaptée à la réalité de la France d’aujourd’hui. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Avant de passer à l’examen de votre texte, il est nécessaire, je crois, de rappeler les principes de la loi du 10 août 2009 et les avancées qu’elle a permises. Nous verrons d’ailleurs que ces dernières, malgré les exclamations qui fusent aujourd’hui sur certaines travées, ont été acceptées par les élus, qu’ils soient de gauche ou de droite. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
M. Philippe Dominati. C’est vrai !
M. Xavier Bertrand, ministre. Existe-t-il deux discours ? Évidemment ! En effet, plus on est proche du terrain, plus on est pragmatique. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Il arrive même à des élus de gauche d’affirmer que ce texte est un bon texte ayant offert des opportunités pour les élus de gauche.
Quel bilan peut-on faire aujourd’hui de cette loi ? Un équilibre a été trouvé, le droit au repos dominical étant non seulement maintenu mais même réaffirmé. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Des possibilités nouvelles, assorties de garanties, ont été ouvertes, pour que ceux qui le souhaitent puissent travailler le dimanche.
Opposer, comme vous le faites, les intérêts des entreprises et les considérations sociales, c’est tout simplement céder à une démagogie dont je pensais qu’elle n’avait plus sa place dans la France d’aujourd’hui.
M. Pierre Hérisson. C’est habituel !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous, nous avons voulu préserver le bon équilibre.
Le repos dominical, en tant qu’élément important de notre vivre ensemble, est un principe auquel la droite comme la gauche de la Haute Assemblée sont attachés.
Certaines situations étaient pourtant totalement absurdes : des salariés n’avaient pas le droit de travailler le dimanche, des commerces où 95% du personnel était favorable à une ouverture dominicale mais qui devaient rester fermés…
Mme Annie David, rapporteure. Pourquoi y étaient-ils favorables ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je le sais, je suis allé leur rendre visite. Vous savez, quand on va sur le terrain, la réalité ne peut pas être dogmatique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est toujours sur le terrain ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Xavier Bertrand, ministre. Dans certaines zones, des entreprises entières luttaient pour leur survie. Alors que des accords avaient été signés avec les syndicats (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) et que des consensus avaient été trouvés plusieurs dizaines d’années auparavant, le travail dominical était menacé ! Pour être allé à plusieurs reprises à Plan de Campagne,…
M. Xavier Bertrand, ministre. … je peux vous affirmer que telle est bien la réalité.
Madame la rapporteure, ce n’est pas parce que l’on est attaché à un principe qu’il faut refuser de prendre en compte les réalités et les évolutions de la société. Non seulement les demandes des salariés, des entreprises et des consommateurs évoluent, mais en outre la France n’est pas une île repliée sur elle-même (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) : elle accueille notamment, nous en sommes toutes et tous fiers, de nombreux touristes, qui constituent pour elle une source de croissance. Ces derniers sont prêts à dépenser, mais pas seulement les lundis, mardis, mercredis, jeudis, vendredis et samedis ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Mme Annie David, rapporteure. On ne consomme pas tous les jours, tout de même !
M. Xavier Bertrand, ministre. Et dans les propos que vous tenez sur le travail dominical, n’oubliez pas de rappeler que 6,5 millions de Français travaillent le dimanche.
M. François Calvet. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Telle est la réalité.
Voila pourquoi il était indispensable de répondre à la demande des salariés et des entreprises de certaines zones situées dans les grandes agglomérations. Alors que le personnel souhaitait travailler, sous certaines conditions, le dimanche, il ne le pouvait pas, arrêté par une loi qui les privait de cette liberté.
Voilà pourquoi il est légitime de permettre aux commerces d’ouvrir le dimanche dans un certain nombre de zones et de communes touristiques : chacun le voit bien, il s’agit d’une réponse pragmatique, ou plutôt de bon sens, pour soutenir l’activité économique et répondre à la demande sociale, qui ne s’exprime pas de la même façon, j’en ai conscience, dans toutes les communes de notre territoire. Chez moi, à Saint-Quentin, en Picardie, la demande n’est bien évidemment pas la même qu’à Plan de Campagne.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bientôt, on travaillera aussi le dimanche à Saint-Quentin !
M. Xavier Bertrand, ministre. Or la loi, loin de toute intransigeance, permet une telle souplesse.
Ainsi, au fil des ans, des dérogations au principe du repos dominical ont été appliquées dans un certain nombre de situations, par exemple dans les communes et les zones touristiques, ainsi que dans certaines grandes agglomérations, lesquelles ont timidement essayé d’entrouvrir une porte qui était restée bloquée au niveau législatif. Pour votre part, vous voulez tout fermer, tout casser. (M. Pierre Hérisson s’exclame.)
De telles situations étaient source d’insécurité juridique pour les entreprises, les salariés et les élus locaux. La législation était devenue largement inadaptée aux réalités du terrain. Elle était incompréhensible tant aux touristes qu’aux professionnels eux-mêmes. Dans un même secteur touristique, un vendeur de lunettes de soleil pouvait ouvrir le dimanche, alors qu’un vendeur de lunettes de vue ne le pouvait pas. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) C’était pour le moins ubuesque !
Débarrassez-vous de vos œillères ! Pour ce qui concerne, notamment, les opticiens, la situation était incompréhensible. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Il était donc du devoir du législateur de trouver une solution équilibrée et claire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est clair, il y a beaucoup de touristes qui s’achètent des lunettes de vue le dimanche ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Xavier Bertrand, ministre. J’ai l’habitude d’écouter mes interlocuteurs, cela ne m’a jamais causé de tort. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Au contraire, je peux savoir ainsi qui dit juste et qui ne remet pas en cause ses convictions. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Mon expérience parlementaire m’a appris une chose : répondre à une interpellation ne sert à rien. L’écoute, en revanche, est non seulement un droit, mais aussi l’intérêt de chacun. (Mmes Chantal Jouanno et Christiane Hummel applaudissent.)
La loi du 10 août 2009 a clarifié le droit et permis de sortir de l’insécurité juridique.
Elle a d’abord clarifié certaines règles devenues illisibles. Ainsi, la distinction, dans les zones et communes touristiques, entre les établissements autorisés à ouvrir et les autres, en fonction de la nature des produits vendus – c’est l’exemple des lunettes –, était incompréhensible dans la pratique : la loi de 2009 l’a supprimée.
Cette loi a permis une seconde avancée : sortir de l’insécurité juridique. Dans les zones commerciales des plus grandes agglomérations, des habitudes de consommation le dimanche avaient été prises : à Plan de Campagne, dans les Bouches-du-Rhône, tous les acteurs – élus locaux, partenaires sociaux, entrepreneurs et salariés – étaient favorables, sans exception, à une ouverture le dimanche ; mais celle-ci n’était pas légalement possible !
Grâce à la loi du 10 août 2009, cette zone commerciale a pu continuer à se développer : des travaux ont été entrepris, des investissements réalisés, des salariés embauchés.
Tout cela s’est fait dans l’intérêt des consommateurs – à mes yeux, ils comptent –, mais aussi des salariés. Ces derniers, grâce à un accord conclu par les partenaires sociaux du secteur, bénéficient en effet d’une majoration salariale et d’un repos compensateur supplémentaire.
La situation est désormais plus claire. Les inquiétudes des uns et des autres ont été levées, parce que le cadre dessiné par la loi respecte les trois grands principes encadrant les dérogations au travail dominical : répondre à la demande des consommateurs, faciliter l’activité des entreprises, protéger les salariés concernés.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet équilibre a mis du temps pour être trouvé. Il est le fruit d’un long travail préparatoire mené avec l’ensemble des parties concernées. Je m’en souviens bien pour avoir suivi ce dossier lors de mon premier passage au ministère du travail.
De nombreux échanges avaient eu lieu avec les partenaires sociaux, en amont de l’initiative parlementaire : sur un tel sujet de société, il y a place pour le dialogue social, au niveau local comme au niveau national.
Ce n’est pas ce qui s’est passé pour cette proposition de loi ! A-t-elle été soumise aux partenaires sociaux dans les zones touristiques concernées ?
Mme Éliane Assassi. Mme David l’a dit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mme David l’a dit : il y a eu une concertation.
Mme Annie David, rapporteure. Bien sûr qu’il y a eu une concertation !
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous, vous faites des concertations ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Avez-vous parlé de cette proposition de loi avec les salariés des zones où son adoption marquerait un retour en arrière ?
Discuter avec les salariés, c’est toujours intéressant, vivifiant et porteur d’enseignements. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Vous qui prétendez prendre le parti des travailleurs, vous affaiblissez leur pouvoir d’achat (Oh ! sur les travées du groupe CRC.), de surcroît sans avoir pris la peine d’un véritable échange avec leurs représentants !
Un sénateur de l’UMP. Eh oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le dialogue social, j’en entends parler matin, midi et soir… Mais quand il s’agit de le pratiquer, on se croirait revenu à l’époque où Martine Aubry passait en force avec les 35 heures ! Passer en force : depuis toujours, c’est la marque de fabrique de la gauche ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Voilà pour ce qui est des objectifs de la loi de 2009. J’en viens à son bilan.
Le bilan de l’application de la loi Mallié est aujourd’hui connu ; les médias s’en sont fait l’écho. Or il est particulièrement bon. Je mentionnerai simplement quelques chiffres.
Sur les cinq cent soixante-quinze communes touristiques au sens du code du travail, huit ont été classées depuis le vote de la loi Mallié ; c’est le cas, par exemple, de Fréjus et d’Agde.
Sur les quarante et une zones touristiques, sept ont été créées depuis que cette loi existe. Parmi elles, il y a le front de mer de Nice, celui de Cannes et les abords de la cathédrale de Chartres. Qui osera se lever et dire que ces zones ne sont pas touristiques ? Vous diriez, peut-être, que la cathédrale de Chartres ne présente aucun intérêt touristique ? (Mme Gisèle Printz s’exclame.)
Mme Éliane Assassi. On n’a jamais dit ça !
M. Xavier Bertrand, ministre. Que Nice, Cannes et la Côte d’Azur n’attirent pas les touristes ? Ce n’est pas la réalité !
Dans ces zones, tous les commerces peuvent désormais ouvrir, quelle que soit leur activité.
Je veux maintenant parler des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE – l’expression est un peu absconse, mais elle correspond à une réalité importante.
Parmi les trente-deux PUCE qui ont été délimités à la demande des maires concernés, vingt-neuf correspondent à de grandes zones commerciales autour de Paris.
Sur ces trente-deux PUCE, je tiens à le souligner et je requiers particulièrement votre attention sur ce point, douze ont été délimités à la demande de maires socialistes (Sourires sur les travées de l’UMP.), deux à la demande de maires communistes ! (Applaudissements ironiques sur les mêmes travées.)
En préférant le pragmatisme à l’idéologie, ces élus locaux ont pu créer des emplois et répondre à la demande des consommateurs comme des salariés.
Ces derniers, tous volontaires, bénéficient d’emplois supplémentaires, d’un pouvoir d’achat accru et de contreparties importantes : c’est la réalité !
Mme Annie David, rapporteure. Ne dites pas qu’il y a des contreparties : c’est faux !
M. Xavier Bertrand, ministre. Mais allons au fond des choses. Posons-nous la question de la cohérence politique.
Notez que je ne parle pas de cohérence idéologique. Je préfère croire aux valeurs, comme la valeur travail. L’idéologie, je la laisse ! (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De l’idéologie ? Mais vous ne faites que ça !
M. Xavier Bertrand, ministre. Parlons donc de cohérence politique : que dira la majorité de gauche du Sénat aux douze maires socialistes et aux deux maires communistes qui ont demandé et obtenu la création de zones dans lesquelles le travail dominical est autorisé ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Qu’irez-vous dire au maire communiste de Gennevilliers et à son premier adjoint, Roland Muzeau, (M. Jackie Pierre applaudit.)…
M. Philippe Dominati. Eh oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. … que vous avez bien connu sur les travées de cet hémicycle, eux qui ont demandé à obtenir un PUCE ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils appliquent la loi !
M. Xavier Bertrand, ministre. Que parce que Roland Muzeau est parti à l’Assemblée nationale, la majorité sénatoriale détricote un dispositif dont il a souhaité bénéficier ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Je ne suis pas sûr qu’ils seraient d’accord…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est nul !
M. Xavier Bertrand, ministre. Qu’irez-vous dire au maire socialiste de Roubaix, votre collègue M. Vandierendonck, qui a demandé un PUCE pour sa ville ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il applique la loi !
M. Xavier Bertrand, ministre. Lui direz-vous, lors de la réunion du groupe socialiste, que vous avez décidé de supprimer ce dispositif ? Et lui, qu’ira-t-il dire aux commerçants de Roubaix, aux jeunes des quartiers qui sont embauchés dans cette zone d’activité ? Que le travail le dimanche, c’est terminé ?
Mme Annie David, rapporteure. Ces élus appliquent la loi qui existe aujourd’hui ; elle n’existera plus demain.
M. Xavier Bertrand, ministre. Il faudra aussi vous expliquer avec le député-maire de Gonesse, M. Blazy, et avec M. David Derrouet, le maire de Fleury-Mérogis…
Plus généralement, au-delà des élus de votre famille politique qui, sur le terrain, demandent à bénéficier du travail le dimanche que vous proposez de détricoter (Mme Patricia Schillinger marque son impatience.), c’est aux commerçants, aux entrepreneurs et aux salariés de ces zones, qui permettent le développement économique de leurs territoires, que vous devrez rendre des comptes.
J’irai, moi, leur dire ceci : tout en prévoyant des garanties, nous voulons permettre aux entreprises de donner du travail. Mais vous, vous interdisez aux salariés de travailler pour augmenter leur pouvoir d’achat ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Annie David, rapporteure. On dirait qu’il se prépare pour la présidentielle.
M. Xavier Bertrand, ministre. En définitive, parce que chez vous l’idéologie est au pouvoir, vous faites peu de cas des salariés. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC.) Certes, vous en parlez beaucoup. Mais, chaque fois, vous leur causez du tort !
Hier, c’était en supprimant les heures supplémentaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame également.) Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous avez créé ou augmenté des impôts à dix-sept reprises. Ce sont autant de mauvaises manières faites aux salariés, de mauvais coups que vous leur avez portés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas crédible, avec tout ce que vous faites aux salariés !
M. Xavier Bertrand, ministre. Aujourd’hui, en mettant cette proposition de loi en discussion, vous leur portez un coup supplémentaire.
J’ajoute, pour conclure, que le texte adopté par la commission des affaires sociales montre bien votre embarras. Vous essayez de préserver les PUCE qui existent – sans autoriser les créations nouvelles, ce qui ne trompera personne et inquiétera tout le monde. Vous reconnaissez donc que nous avons eu raison d’adopter la loi du 10 août 2009. Tout ça pour ça ! Quelle acrobatie, finalement illisible !
M. Pierre Hérisson. Exactement !
M. Xavier Bertrand, ministre. Croyez-vous que, demain, aucune nouvelle commune n’aura besoin de créer un PUCE ? Qu’en pensent les quatorze maires de gauche d’une commune dotée d’un PUCE ? Êtes-vous vraiment certains que de nouvelles demandes ne viendront pas de vos rangs ? Bien sûr que non !
Mesdames, messieurs les sénateurs, force est de constater que cette proposition de loi n’est rien d’autre qu’un retour en arrière et un mauvais coup porté aux salariés, à leurs droits et à la compétitivité des entreprises. (Sourires et exclamations sur les travées du groupe CRC.) Je vois les sourires, j’entends les critiques quand je parle des entrepreneurs. Mais quand une entreprise se porte mal, les salariés ne peuvent pas se porter bien !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À cause de qui les entreprises se portent-elles mal ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes mal placé pour tenir ce discours !
M. Xavier Bertrand, ministre. La prospérité économique est dans l’intérêt de tous, surtout quand des droits et des garanties sont accordés aux salariés.
En définitive, votre initiative augure de ce que ferait une majorité de gauche : aucune proposition, seulement un positionnement par rapport à ce que nous avons voté.
Mme Patricia Schillinger. Oh là là !
M. Xavier Bertrand, ministre. Et parce que la critique doit être systématique, vous oubliez les bénéficiaires de nos mesures : les salariés.
Concernant le service minimum, que vous avez tant décrié mais grâce auquel aujourd’hui le pays n’est plus paralysé, reviendriez-vous en arrière (Mme Gisèle Printz s’exclame.), puisque c’est toute votre politique ?
Vous n’avez pas d’idées, pas de projets : vous vous positionnez uniquement par rapport à celles et ceux que nous avons fait voter ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Or, dans la situation économique que nous connaissons, nous avons besoin d’aller de l’avant ; il nous faut du réalisme et de la souplesse, de la clarté et des garanties.
C’est ainsi que nous pourrons préserver les principes sur lesquels est fondé notre modèle économique et social. L’équilibre sur lequel repose la loi du 10 août 2009, nous en avons besoin pour les entrepreneurs et pour les salariés.
Je tiens à le dire : le rejet de ce texte signifierait tranquillité et garanties pour un quart de million de salariés dans notre pays. Pour moi, cela compte ! Le Gouvernement demande donc le rejet de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la haine de classe !
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, après le lancement du plan de campagne de la droite pour 2012, je reviens au texte de la proposition de loi…
Le droit au repos du dimanche est l’un des marqueurs de notre société. C’est un droit fondamental pour les salariés français, consacré par la loi du 13 juillet 1906 dont les principes sont toujours en vigueur aujourd’hui.
Au fil du XXe siècle, le dimanche est devenu la journée consacrée à la famille, mais aussi à l’exercice des pratiques culturelles, sportives, touristiques et cultuelles.
M. Jean Besson. Oui, cultuelles !
M. Ronan Kerdraon. En un mot, le dimanche s’exprime le lien social, que, toutes et tous ici, nous cherchons à promouvoir et à renforcer.
Dans l’opinion, les oppositions au travail le dimanche dépassent très largement les clivages politiques. Des enquêtes multiples ont établi qu’environ 84 % de nos concitoyens se déclarent attachés au repos dominical. Le Conseil économique et social a rendu, en 2007, un avis négatif sur l’extension du travail dominical.
Si les Français sont éminemment attachés au droit au repos dominical, il en va de même des partenaires sociaux.
Ainsi, les sept principales organisations syndicales sont unanimement hostiles à toute déréglementation du travail dominical, en raison des répercussions négatives qu’elle aurait sur l’économie et la société françaises.
Les fédérations et syndicats patronaux rejoignent leur position. C’est ainsi que la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, analyse l’ouverture des magasins le dimanche comme un facteur de destruction d’emplois. Cet avis est d’ailleurs partagé, notamment, par la Confédération des commerçants de France, la Fédération nationale des centres-villes et la Fédération française des associations de commerçants.
Compte tenu du consensus qui existe dans la société, nous ne pouvons que nous réjouir de l’examen de la proposition de loi utile que notre collègue Annie David a déposée. Elle nous donne l’occasion de réaffirmer et de renforcer le droit des salariés au repos du dimanche.
Notre intention n’est évidemment pas d’empêcher toute activité professionnelle le dimanche ; il serait caricatural de le penser. Nous savons bien que des dérogations sont nécessaires pour permettre la continuité des services essentiels et assurer aux entreprises les conditions de leur compétitivité internationale.
Mais le travail le dimanche doit garder un caractère dérogatoire, exceptionnel. La vigilance s’impose afin d’éviter qu’il ne se banalise et ne devienne la règle.
Telle est la motivation de cette proposition de loi, qui repose sur un juste équilibre entre le besoin de travailler et l’acquis social que constitue le repos hebdomadaire. Ce texte met fin à l’hypocrisie qui entoure les règles du volontariat et du repos compensateur.
Un constat s’impose : la rareté du travail, la précarité, le faible niveau des salaires, la hausse des loyers et la situation peu reluisante du marché du travail amènent bien souvent les salariés à se porter volontaires malgré eux pour travailler le dimanche.
Dans de telles conditions, la notion de volontariat apparaît bien ambiguë. Elle peut même s’avérer totalement factice lorsque le volontariat s’exprime sous la menace d’une mutation ou d’un licenciement, ce qui, malheureusement, est souvent le cas. Force est de constater qu’en pareil cas le volontariat n’existe pas.
Il était donc urgent de renforcer la législation. Je souscris pleinement à l’article 2 de la proposition de loi aux termes duquel tous les salariés souhaitant travailler le dimanche devront manifester leur volonté par écrit.
Cet article garantit aussi le droit pour tous à bénéficier d’un repos compensateur en cas de travail dominical, qu’il soit exceptionnel ou régulier. Ce jour de repos, devenu un droit effectif inscrit dans la loi, devra être accordé dans la quinzaine qui suit ou qui précède le dimanche travaillé ; il ne pourra pas faire l’objet d’une monétisation.
Les dispositions relatives à la rémunération constituent une avancée notable et bienvenue, alors que la loi Mallié du 10 août 2009 se contentait de prévoir l’ouverture de négociations au niveau de la branche ou de l’entreprise, sans rendre obligatoire la conclusion d’un accord.
Le durcissement de la loi au profit des salariés fera réfléchir à deux fois les directions des grandes entreprises et des grands groupes lorsqu’elles envisageront une ouverture le dimanche.
J’insiste également sur la nécessité de mieux encadrer la possibilité offerte aux commerces de détail alimentaire d’ouvrir leurs portes le dimanche matin.
Cette dérogation spécifique, accordée dès 1906, est aujourd’hui régulièrement utilisée par des supermarchés qui, pourtant, ne constituent pas des commerces de détail alimentaire au sens de l’INSEE. L’interprétation de la loi sur laquelle ils s’appuient s’apparente à un détournement de son esprit d’origine : c’est inacceptable.
Les supermarchés et hard discounters sont de plus en plus nombreux à ouvrir le dimanche, provoquant de vives contestations. Cela s’est produit à La Mézière, en Ille-et-Vilaine – une ville que connaît bien Edmond Hervé –, à Albertville, en Savoie, ou – tout récemment – à Loudéac, dans mon département, en raison de l’ouverture d’un Carrefour Market.
Face à ces situations, les élus, ceux de gauche comme ceux de droite, monsieur le ministre, sont totalement impuissants et ne peuvent que constater les effets négatifs engendrés par ces ouvertures sur le commerce local. Tout au plus peuvent-ils prendre des positions de principe pour déclarer leur opposition à ce type d’ouvertures, sans avoir la capacité réelle d’agir.
Nous le savons bien, dans des zones à dimension touristique limitée, l’effet de contagion peut être dévastateur non seulement pour les commerces de centre-ville, mais aussi pour tous les magasins multiservices des petites communes environnantes, qui réalisent une partie non négligeable de leur chiffre d’affaires le dimanche.
L’enjeu est d’importance : à chiffre d’affaires égal, les supermarchés emploient trois fois moins de personnel que les petits commerces. Rendez-vous compte, c’est un potentiel de 30 000 emplois qui sont ainsi directement menacés !
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a complété ce texte d’une disposition visant à encadrer l’ouverture dominicale des commerces alimentaires, en la conditionnant au critère de la superficie commerciale. Seuls les magasins alimentaires de moins de cinq cents mètres carrés seraient autorisés à ouvrir leurs portes le dimanche matin.
En parallèle, par souci d’équilibre, dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, le dispositif actuel continuerait de s’appliquer.
Le groupe socialiste votera un texte utile et bénéfique pour les salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Un sénateur de l’UMP. Un texte inutile !
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l'examen de la proposition de loi du député Richard Mallié, mes deux collègues François Fortassin et Jacques Mézard étaient intervenus au nom du groupe RDSE. Ils avaient démontré comment le dispositif proposé venait rompre avec la tradition de la loi républicaine, humaniste et laïque, la loi Sarrien de 1906.
Ils avaient dénoncé encore la volonté de faire croire, pour partie du moins, que le travail dominical serait le remède à la crise économique et sociale dont nous pressentions déjà alors, le 21 juillet 2009, lors de l'examen du texte, qu'elle serait aiguë et longue.
Ils s'inquiétaient enfin des conséquences du nouveau régime sur les salariés eux-mêmes. D’une part, s’agissant de la notion de volontariat, les salariés ne seraient-ils pas souvent des « volontaires d’office » ? D'autre part, quels seraient les modes de compensation horaire et financière ?
La loi, promulguée le 10 août 2009, a très vite démontré ses forces et ses faiblesses.
Ses forces : la liberté d'entreprendre, en s'adaptant à l'évolution de nos mœurs sociétales, qui, progressivement, RTT oblige, efface – ou du moins amenuise – le poids et la place du repos dominical au profit du repos hebdomadaire.
Nos débats ont clairement montré que nombreux sont les bricoleurs, les jardiniers amateurs, les familles qui profitent d'un temps libre, partagé, pour aller faire leurs achats ou, tout simplement, flâner dans les magasins de grande distribution.
Nombreux aussi, tout simplement, sont ces salariés qui n’ont pas eu le temps, pendant le jour de travail, de faire posément leurs courses, des courses du quotidien, le plus souvent des achats alimentaires.
Là est le point de vue du chaland, de plus en plus avide de sa liberté, au risque d'amputer celle de l'autre.
Quand l’autre est son propre patron, propriétaire de son commerce et qu’il ne contraint pas un salarié à travailler le dimanche, la liberté des uns, comme celle des autres, n'est pas mise à mal.
Personne ne se plaindra de pouvoir aller acheter la presse chez son marchand de journaux, qui ouvre régulièrement le dimanche matin pour la plus grande satisfaction de tous.
Avantage encore que d'avoir régularisé des situations que la force des habitudes avait institutionnalisées. Je pense en particulier au domaine de l'ameublement, du bricolage et du jardinage, à la reconnaissance des périmètres d'usage de consommation exceptionnel ; je pense encore aux zones touristiques, d’influence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente.
Il est évident, et la volonté de tous est bien établie, qu'il ne s'agit en aucun cas d'affaiblir, comme l’a d'ailleurs fort justement souligné Mme la rapporteure, la compétitivité des entreprises industrielles, de réduire l'activité de secteurs commerciaux fragilisés par la crise, de complexifier la vie des consommateurs.
En revanche, et là réside la principale faiblesse du dispositif existant, les salariés soumis au travail du dimanche ne sont pas suffisamment protégés.
La loi d'août 2009 avait fait un premier pas d’équilibre – ou plutôt d'équilibriste – pour concilier les intérêts des salariés avec ceux des entreprises et des commerces. Mais la réalité du terrain a mis au jour les difficultés auxquelles se sont heurtés les différents acteurs et montré le bien-fondé de la réticence de celles et ceux qui, au sein de la Haute Assemblée, s'étaient opposés à ce texte.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui rectifie le dispositif de 2009 et répond aux observations de l'Organisation internationale du travail, qui, dans un rapport récent, a mis la France en garde au sujet de l'application de cette loi.
Avait été notamment soulignée la nécessité que soit assurée une protection équivalente aux salariés employés dans des zones touristiques ou dans les PUCE, les premiers ne bénéficiant pas de la garantie du caractère volontaire de leur participation au travail dominical et du droit à des contreparties, reconnus au second.
Dès lors, on ne peut que se satisfaire de l'extension du principe de volontariat à l'ensemble des salariés sur l'ensemble du territoire, sans distinction ni de la nature des activités salariées ni de leur localisation.
Cette disposition restaurera l’égalité entre ceux qui sont amenés à travailler dans le cadre des dérogations soumises à autorisation, y compris s'agissant des commerces de détail non alimentaires, dont l’ouverture est autorisée par le maire cinq dimanches par an.
Cette garantie est accompagnée d’une autre, tout aussi essentielle, qui oblige à conclure un accord collectif fixant les contreparties aux salariés, accord sans lequel l'autorité administrative compétente pour accorder la dérogation ne pourra se prononcer.
Enfin, au cas où le salarié n’accepterait pas ou ne pourrait accepter de travailler le dimanche, la proposition de loi prévoit de le protéger contre d'éventuelles mesures discriminatoires qui nuiraient à sa situation professionnelle.
Si, pour ma part, j'adhère aux trois garanties dont le principe est ici posé, je voudrais néanmoins mettre en garde notre assemblée contre une éventuelle rigidité excessive du dispositif, qui, au lieu de réguler le travail dominical, en dévoierait l'esprit.
Comment ne pas admettre que les employeurs auront intérêt à privilégier soit la compensation dans le temps, soit la compensation financière, et non pas à les cumuler avec une rémunération représentant au moins le double de la rémunération normale ?
La conclusion de conventions recueillant l'accord de tous les partenaires s'en trouvera assurément complexifiée.
Comment encore distinguer, au sein des zones touristiques et thermales, celles dont l'activité est effectivement limitée dans le temps ? Au demeurant, l'extension aux zones d'influence exceptionnelle et d'animation culturelle élargit le champ dérogatoire et milite pour une extension de la durée d'ouverture vers une ouverture permanente.
Enfin, comment ne pas être attentif à la situation de nos petits commerces de proximité, que, fort opportunément, notre commission a tenu à préserver et qui font la force et l'attractivité tant de nos territoires ruraux que des zones urbaines qui auraient parfois tendance à se départir de cette indispensable humanité, celle de la raison, des yeux et du cœur ?
Dans ce contexte, dont chacun mesure la complexité, le groupe RDSE se partagera, fidèle à son principe de liberté de conscience, entre opposition à cette proposition de loi, abstention et vote positif. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, tout d’abord, permettez-moi de vous faire part de ma stupéfaction de voir les travées de gauche aussi clairsemées. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Un sénateur de l’UMP. Eh oui !
Mme Isabelle Debré. Déjà, la nouvelle majorité sénatoriale ne semblait pas très intéressée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais elle ne me semble pas plus concernée par les propositions de loi dont elle est à l’initiative. Dont acte ! Les Français jugeront.
M. François Trucy. Très bien !
Mme Éliane Assassi. N’importe quoi !
M. Jean-Louis Carrère. Pour nous, c’est tous les jours dimanche ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Isabelle Debré. La proposition de loi qui nous est soumise vise à annuler les dispositions de la loi du 10 août 2009 consacrée au repos dominical.
Cette loi avait été adoptée après des débats parlementaires approfondis, parfois très animés, empreints d’un grand respect mutuel, qui avaient permis de trouver un équilibre entre le souci légitime de garantir l’effectivité du repos dominical et la nécessité de procéder à des adaptations de ce principe érigé en 1906.
Cette loi, je le rappelle, avait été le fruit d’un long et patient travail d’élaboration qui avait mobilisé, pendant plusieurs mois, parlementaires, élus locaux, acteurs du monde économique et partenaires sociaux.
Déférée au Conseil constitutionnel, elle avait été déclarée conforme à la Constitution, à l’exception d’une disposition concernant la ville de Paris.
En tant que rapporteur de ce texte au Sénat,…
M. Jean-Louis Carrère. Ancien rapporteur !
Mme Isabelle Debré. … je tiens à dire mon opposition à la remise en question de ce qui a été décidé par le Parlement dans le respect du dialogue social.
Tous ici, nous sommes attachés au principe du repos dominical, inscrit dans notre droit depuis 1906, comme je l’ai déjà précisé.
À aucun moment, je dis bien « aucun », il n’a été question de remettre en cause cette conquête sociale.
Mais parce que notre société évolue constamment, le principe du repos dominical a été assorti par le passé de nombreuses dérogations. Nous avons voulu y mettre bon ordre avec la loi de 2009.
M. Gérard César. Exact !
Mme Isabelle Debré. Une réalité s’impose à nous : à l’heure actuelle, près de 7 millions de nos concitoyens – précisément 6,24 millions, selon les chiffres de l’INSEE pour 2009 – travaillent régulièrement ou occasionnellement le dimanche.
Ne rejetons pas le travail dominical par dogmatisme.
M. Jean-Louis Carrère. Travailler plus pour gagner plus !
Mme Isabelle Debré. Il faut être pragmatique et répondre de manière ciblée aux attentes et aux besoins de notre société ou aux spécificités de l’activité économique de telle ou telle partie du territoire.
C’est sans doute d’ailleurs la souplesse avec laquelle a été appliquée la règle du repos dominical qui a permis d’en préserver le principe.
Lors des débats parlementaires, en 2009, l’opposition…
M. Jean-Louis Carrère. Qui est devenue majoritaire !
Mme Isabelle Debré. … avait tenté de faire passer le texte pour ce qu’il n’était pas : une généralisation du travail le dimanche. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Pour semer le trouble dans les esprits et tenter de convaincre nos concitoyens que nous voulions faire travailler la France entière le dimanche,…
Mme Annie David, rapporteure. Deux cent cinquante mille d’entre eux !
Mme Isabelle Debré. … certains n’avaient pas hésité, notamment, à entretenir la confusion (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) sur la notion de commune touristique, fondant leurs arguments sur la nature touristique d’une commune au sens du code du tourisme, alors que seule la nature touristique au sens du code du travail emporte des conséquences en matière de législation du travail. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Madame le rapporteur, c’est cette même confusion que vous avez entretenue dans la première mouture de votre proposition de loi.
Pourtant, les faits nous ont donné raison, car, depuis 2009, nous n’avons pas constaté de multiplications d’ouvertures le dimanche, le rapport du comité de suivi, auquel vous appartenez d’ailleurs, madame le rapporteur, faisant foi.
Les mesures introduites par la loi en 2009 répondaient à de réels besoins et apportaient des garanties effectives aux salariés.
Deux séries de dispositions sont aujourd’hui mises en cause par les auteurs de la proposition de loi : celles qui concernent le travail dominical dans les communes et les zones touristiques et celles qui permettent l’ouverture de magasins dans certaines grandes agglomérations, au sein de périmètres d’usage de consommation exceptionnel, PUCE.
Tout d’abord, il n’est pas inutile de rappeler que la situation dans les communes touristiques était, avant le vote de la loi de 2009, proprement incompréhensible, pour les touristes comme pour les professionnels eux-mêmes.
En particulier, la distinction entre les établissements selon la nature des produits vendus était devenue totalement inadaptée aux réalités du terrain et de nombreux contentieux étaient nés de ces incohérences.
Les dispositions que nous avons votées en 2009 n’avaient d’autre but que d’encourager le secteur touristique, afin qu’il soutienne la croissance et l’emploi dans les territoires concernés.
Je veux ici rappeler que le Conseil constitutionnel les a déclarées conformes aux exigences constitutionnelles contenues dans le préambule de la constitution de 1946 qui garantissent le développement de l’individu et de la famille et le droit au repos.
De même le Conseil a-t-il jugé conforme à la Constitution la différence de traitement entre les salariés travaillant, d’une part, dans les communes et les zones touristiques et, d’autre part, dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, prenant ainsi le contrepied de l’opposition de l’époque qui estimait inéquitable cette différence de traitement.
J’ajoute que le rapport du comité de suivi parlementaire établit qu’il n’a pas été constaté d’accélération des demandes de classement en communes et zones d’intérêt touristique.
Huit communes, oui, mes chers collègues, huit communes seulement ont été classées d’intérêt touristique depuis l’entrée en vigueur de la loi ! Sept autres ont été classées zones touristiques d’affluence exceptionnelle. Nous sommes bien loin d’une généralisation du travail dominical.
Le texte présenté aujourd’hui prévoit un complet retour en arrière…
M. Jean-Louis Carrère. C’est normal !
Mme Isabelle Debré. … en n’acceptant l’ouverture le dimanche que pendant la saison touristique…
M. Jean-Louis Carrère. On n’est pas en zone touristique s’il n’y a pas de touristes !
Mme Isabelle Debré. … et en séparant les services ou produits fournis. Encore des limitations, les mêmes que celles qui nous avaient conduits à légiférer !
Par ailleurs, vous vous indignez, madame le rapporteur, de l’absence de contreparties pour les salariés travaillant dans ces communes et zones touristiques.
Comment pouvez-vous nier la réalité de ce que nous avons inscrit dans la loi de 2009, dans le cadre de laquelle nous nous en sommes clairement remis à la négociation collective ?
Je considère que l’on peut faire confiance aux partenaires sociaux pour élaborer, au plus près du terrain, les compensations les mieux adaptées et éviter que ne se développent des situations inéquitables.
Le rapport du comité de suivi, dont nous sommes toutes deux membres, madame le rapporteur, ne révèle-t-il pas que les accords d’entreprise conclus depuis la loi « ont uniformisé le régime des contreparties applicables aux salariés de l’entreprise, quels que soient le lieu d’implantation du magasin et le régime de dérogation » ?
Plusieurs exemples d’accords prévoyant une majoration de salaire, un repos compensateur, le volontariat et la prise en compte de l’évolution de la situation personnelle des salariés sont donnés. Quant aux entreprises signataires, elles ont pour noms Decathlon, Boulanger, Maxi Toys, Kiabi, Leroy Merlin, toutes les grandes entreprises qui ont su prendre leurs responsabilités et choisir le statut le mieux-disant pour leurs salariés. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Non, mes chers collègues, nous n’avons pas créé de zone de non-droit !
Je voudrais maintenant évoquer la création des fameux périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE.
Disons les choses clairement : le régime d’attribution des dérogations souffrait de nombreuses imprécisions, ce qui plaçait les entreprises en bénéficiant dans une grande incertitude juridique.
C’est ainsi que certaines zones commerciales avaient pris l’habitude d’ouvrir le dimanche, parfois depuis des décennies, le plus souvent sur le fondement d’arrêtés préfectoraux autorisant l’ouverture dominicale qui ont ensuite été annulés par les tribunaux.
Une vingtaine de zones commerciales s’est trouvée confrontée à cette difficulté, par exemple Plan de Campagne, dans les Bouches-du-Rhône, dont nous parlera notre collègue Bruno Gilles, ou Éragny dans le Val-d’Oise.
En 2009, nous avons cherché des solutions afin de permettre la poursuite de l’activité des entreprises et de maintenir l’emploi. Faut-il rappeler les manifestations des salariés de Plan de Campagne,…
Mme Isabelle Pasquet. Et des patrons !
Mme Isabelle Debré. … organisées à l’époque devant l’Assemblée nationale, pour la défense du droit de travailler le dimanche ?
Dans une France de plus en plus urbaine, l’ouverture de certains magasins le dimanche apparaît comme une évidence. Les habitants des très grandes agglomérations passent trop de temps dans les transports pour avoir le loisir de faire leurs achats le soir en sortant de leur travail. Ils n’ont souvent du temps disponible que le week-end, en particulier pour faire ce que j’appellerai des achats réfléchis,…
M. Jean-Louis Carrère. S’ils travaillent le dimanche, ils ne peuvent pas le faire !
Mme Isabelle Debré. … à condition, bien sûr, que les magasins concernés soient ouverts.
En outre, certains achats, par leur nature, sont faits en famille. Si les magasins sont fermés le dimanche, ces achats ne se reportent pas sur les autres jours de la semaine, ce qui constitue un manque à gagner évident pour nos commerces, qui subissent déjà, pour un certain nombre d’entre eux, la concurrence frontale des sites internet.
Le Conseil économique, social et environnemental a d’ailleurs mis l’accent à plusieurs reprises sur les nouveaux rythmes de vie et les nouveaux comportements de consommation.
Nous sommes dans un pays de liberté où les gens qui veulent travailler plus doivent pouvoir le faire,…
M. Jean-Louis Carrère. Mais ils ne gagnent pas plus !
Mme Isabelle Debré. … surtout dans la période extrêmement difficile que nous traversons du point de vue de l’emploi.
Mme Isabelle Pasquet. Dans les commerces, nombreux sont les salariés qui aimeraient faire 35 heures !
Mme Isabelle Debré. La loi de 2009 a prévu que, dans les agglomérations de plus de 1 million d’habitants, des PUCE puissent être délimités par le préfet, sur demande du conseil municipal, là où existe un usage de consommation de fin de semaine, intéressant une clientèle importante et éloignée de ce périmètre.
Des PUCE peuvent également être délimités dans les zones frontalières qui subissent la concurrence de commerces situés à l’étranger. (Mme Gisèle Printz s’exclame.) Tel est notamment le cas du département du Nord et, en particulier, de l’agglomération lilloise qui est en compétition directe avec les magasins situés en Belgique où il existe un usage de consommation dominicale. (Mme Gisèle Printz s’exclame de nouveau.)
Une fois le PUCE délimité, les commerces qui souhaitent ouvrir le dimanche doivent solliciter auprès de la préfecture une autorisation qui leur est délivrée seulement si les contreparties auxquelles ont droit les salariés travaillant le dimanche ont été préalablement définies, soit par voie d’accord collectif, soit par référendum d’entreprise. Dans cette seconde hypothèse, les salariés ont droit, au minimum, à un repos compensateur et à une rémunération double.
Dans le cas des PUCE, je le répète, la loi a offert de nouvelles garanties, qui jusqu’alors n’existaient pas. Le volontariat est désormais consacré tout comme la possibilité pour le salarié de revenir sur son choix. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
J’ajoute que le Conseil constitutionnel a considéré qu’il était loisible au législateur de définir un nouveau régime de dérogation au principe du repos dominical en prenant acte d’une évolution des usages de consommation dans les grandes agglomérations.
En outre, à ceux qui dénonçaient – comme vous, chers collègues de gauche – la légalisation après coup de certaines pratiques illégales, le Conseil constitutionnel a apporté un démenti magistral en rappelant que la loi modifiant pour l’avenir le régime du travail dominical n’avait aucune incidence sur l’issue d’éventuelles procédures juridictionnelles en cours.
S’il est une chose que je ne comprends pas, c’est bien la condamnation qui tombe à l’article 5 de votre proposition de loi, madame David. Dans votre texte initial, il s’agissait d’ailleurs de supprimer purement et simplement les PUCE existants ! Mais vous vous êtes aperçue – je cite les propos que vous avez tenus en commission – « qu’il ne fallait pas créer une instabilité juridique qui serait de nature à pénaliser les salariés eux-mêmes. Celles et ceux qui ont été embauchés pour travailler le week-end risqueraient de perdre leur emploi si les commerces pour lesquels ils travaillent devaient fermer le dimanche » !
Voilà qui en dit long sur le dogmatisme qui animait les auteurs de la proposition de loi avant qu’ils se rallient, heureusement, à une position un peu plus pragmatique. (Mme Gisèle Printz s’exclame.)
Dans la version finale de votre proposition de loi, vous vous contentez donc d’empêcher la création de tout nouveau PUCE, à partir de l’entrée en vigueur du texte.
Permettez-moi cependant de vous rappeler que trente-deux PUCE seulement ont été créés depuis la loi de 2009 et que pas moins de dix-sept refus ont été notifiés par les préfets, neuf d’entre eux étant motivés par l’absence d’usage de consommation exceptionnel.
J’ajoute que les conseils municipaux ayant présenté une demande de délimitation d’un PUCE relèvent de l’ensemble de l’éventail politique. Ainsi, comme l’a rappelé M. le ministre voilà un instant, sur les trente-deux PUCE créés, douze l’ont été à la demande de maires socialistes et deux à la demande de maires appartenant au parti des auteurs de la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui…
M. Philippe Dominati. Presque la moitié !
Mme Annie David, rapporteure. Le Parti communiste, vous pouvez le dire !
Mme Isabelle Debré. Permettez-moi aussi, avec peut-être une certaine malice puisqu’il s’agit de mon département, les Hauts-de-Seine, d’évoquer le cas de la commune de Gennevilliers, dont l’élu, membre éminent du Parti communiste français,…
Mme Annie David, rapporteure. Ah ! Elle l’a dit !
Mme Isabelle Debré. … a sollicité la création d’un PUCE sur la zone commerciale des Chantereines. (Sourires sur plusieurs travées de l’UMP.)
Reconnaissons que le pragmatisme de ces maires de gauche a permis de créer des emplois pour des salariés volontaires qui bénéficient tous de contreparties importantes !
Mme Annie David, rapporteure. Ce n’est pas vrai ! Ce sont précisément ces contreparties que je conteste !
Mme Isabelle Debré. En conclusion, je dirai que, contrairement à ce que l’actuelle majorité sénatoriale avance, il ne s’agissait pas, par la création des PUCE ou par la redéfinition des zones touristiques, de laisser la porte grande ouverte à la déréglementation du repos dominical. Ce sont là des arguments martelés pour troubler l’opinion. Or, nous le savons bien, des idées fausses cent fois répétées ne font pas une vérité.
Mme Annie David, rapporteure. Sur ce point, je suis d’accord !
Mme Isabelle Debré. Le texte que vous nous proposez est rétrograde, figé et ne tient compte ni du principe de réalité ni des évolutions de la société. Vous ne serez donc pas étonnés que, dans ces conditions, le groupe UMP vote contre cette proposition de loi. (Applaudissements prolongés sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, à peine deux ans après l’adoption de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical, nous sommes invités à débattre d’une proposition de loi garantissant le repos dominical. Si la différence sémantique semble faible, ce texte n’en illustre pas moins la volonté de la nouvelle majorité sénatoriale de revenir sur la plupart des textes adoptés par notre Haute Assemblée : le travail dominical cet après-midi, le conseiller territorial ce soir.
Je fais partie de ceux qui ont voté, sans états d’âme, la loi du 10 août 2009.
MM. Gérard César et Pierre Hérisson. Très bien !
M. Hervé Maurey. Si je suis naturellement attaché au repos dominical, j’ai toujours été favorable à un assouplissement de la législation, notamment dans les zones touristiques.
M. Pierre Hérisson. Encore mieux !
M. Hervé Maurey. J’avais d’ailleurs proposé, dès 2009, lors de l’examen du projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques, de clarifier la situation en la matière.
Notre pays, première destination touristique au monde, doit être en mesure de capter les dépenses des touristes même le dimanche et particulièrement en ces temps de crise.
Dans la plupart des capitales, Londres et Rome par exemple, un touriste peut faire des achats le dimanche,…
M. Jean-Louis Carrère. Il faut déjà y aller ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Hervé Maurey. … et ce pour le plus grand profit de l’activité économique et de l’emploi. Je ne vois pas pourquoi cela ne serait pas possible à Paris.
J’avais par ailleurs souligné, à l’époque, combien il était incohérent que l’on puisse acheter des lunettes uniquement s’il s’agit de lunettes de soleil, ou des vêtements seulement s’ils sont assimilés à de la création artistique.
Mme Gisèle Printz. Des maillots de bain !
M. Hervé Maurey. J’avais alors eu à faire face à de vives réactions de l’opposition, mais aussi d’une partie de la majorité et du Gouvernement. Pourtant, celui-ci nous proposait, quelques mois plus tard, d’adopter une proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical, mais favorisant l’ouverture des magasins dans les communes d’intérêt touristique et apportant des réponses à des situations qui se devaient d’être clarifiées.
Ce texte – la proposition de loi Mallié – a donc permis, de manière simple et pragmatique, d’adapter notre législation aux réalités et aux évolutions de la société, ainsi qu’à la nécessité de conforter l’attractivité touristique et économique de notre pays.
L’adoption de cette proposition de loi n’a par conséquent pas entraîné de Grand Soir du travail dominical, mais elle a amélioré la situation, peut-être d’ailleurs insuffisamment, comme le soulignait M. le ministre tout à l’heure.
Seules huit communes d’intérêt touristique sur cinq cent soixante-quinze et sept zones touristiques ont eu recours au dispositif de cette loi. Seuls trente-deux PUCE ont été créés, dont plus d’un tiers à la demande d’élus socialistes ou communistes.
Je regrette, en revanche, que l’on n’ait pas progressé en matière d’harmonisation des contreparties accordées aux salariés travaillant le dimanche et sur le nécessaire respect du volontariat. Les dérogations au principe du repos dominical nécessitent en effet une harmonisation des contreparties.
Au fil des années et des gouvernements, y compris de gauche, les dérogations se sont multipliées – plus de 180 – et les garanties également. De ce point de vue, la loi Mallié est encore venue diversifier les situations en prévoyant des dispositions différentes entre les salariés selon qu’ils travaillent dans un PUCE ou dans une commune touristique.
J’avais, à l’époque, lors de la discussion, attiré l’attention du Gouvernement sur ce sujet et il s’était engagé à transmettre au Sénat les éléments relatifs « aux différentes contreparties du travail dominical, à leur nature et à leur niveau » dans un volet spécifique du bilan annuel de la commission nationale de la négociation collective.
Si le bilan a bien été transmis au Parlement, monsieur le ministre, aucune des informations promises n’y figure.
M. Hervé Maurey. Je vous renouvelle donc cette demande, déjà réitérée voilà un peu plus d’un an lors de ma question orale du 5 octobre 2010. Je souhaite que, sur la base de ces éléments et en concertation avec les partenaires sociaux soient étudiés les moyens d’harmoniser progressivement, et dans la mesure du possible, ces contreparties.
En revanche, la solution unique de la double rémunération que proposent les auteurs de ce texte ne me paraît pas réaliste, car elle mettrait en péril l’existence même de petites entreprises et de commerces et serait, par là même, source de destruction d’emplois. J’ajoute qu’elle balaierait le dialogue social qui a pu s’instaurer dans ces secteurs.
Quant au volontariat, qui reste à mon avis le point le plus important de ce sujet, je rappelle que c’est sur la proposition du groupe Nouveau Centre à l’Assemblée nationale qu’a été inscrite la nécessité d’un accord écrit.
Je me souviens, madame la présidente David, que ce dispositif vous semblait à l’époque « impossible à appliquer ». Il traduisait pour vos collègues communistes notre ignorance du monde de l’entreprise.
Je constate donc, non sans malice, que vous ne proposez rien d’autre sinon d’étendre encore ce dispositif. Je le regrette, car je suis bien conscient que la signature du salarié ne suffit pas à prévenir les pressions qui peuvent altérer la réalité du volontariat.
J’ai d’ailleurs interrogé voilà tout juste un an le Gouvernement dans une question écrite du 18 novembre 2010 sur l’opportunité et la possibilité de renforcer les garanties offertes aux salariés travaillant le dimanche sur la base du volontariat.
Malgré une relance en juin dernier, cette question, elle aussi, est restée sans réponse.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé ne nous paraît pas satisfaisant.
M. Hervé Maurey. Il déclame un grand principe de manière incantatoire, la formule employée à l’article 1er prêtant d’ailleurs à sourire : « Aucune dérogation à ce principe n’est possible, à moins que... ». Mais il n’apporte pas de réponse sérieuse et crédible aux problèmes de nos concitoyens travaillant le dimanche.
Enfin, il ignore les réalités économiques, qui sont, me semble-t-il, plus prégnantes encore aujourd’hui qu’il y a deux ans.
M. Hervé Maurey. Affirmer, comme le fait Mme le rapporteur, que les dérogations de la loi Mallié « ne répondent pas à une véritable nécessité économique » – page 7 de son rapport – montre à cet égard le fossé qui existe entre les réalités économiques et le dogmatisme communiste. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Au-delà du caractère doctrinaire de votre propos, madame le rapporteur, force est de constater qu’il n’est pas cohérent, puisque, dans le même rapport, vous indiquez renoncer à supprimer les PUCE, car selon vous – cette fois page 15 du rapport – « de nombreux emplois disparaîtraient si les commerces qui ouvrent le dimanche […] devaient fermer ce jour-là ».
Comment pouvez-vous considérer que les PUCE ne répondent pas à une nécessité économique et reconnaître dans le même temps que leur suppression aurait un impact sur l’emploi ? Votre proposition de loi ne nous semble donc pas pertinente.
Ce n’est d’ailleurs pas le laps de temps que vous avez prévu pour examiner les problèmes que rencontrent les 6,3 millions de Français travaillant le dimanche qui nous permettra de trouver des solutions crédibles et efficaces.
Je m’étonne d’ailleurs, madame la présidente David, que vous ne nous proposiez plus, aujourd’hui, le référendum que vous appeliez de vos vœux sur cette question voilà deux ans.
M. Hervé Maurey. Pourquoi ce qui méritait hier un débat national ne semble plus justifier aujourd’hui qu’une demi-niche parlementaire ?
Mme Annie David, rapporteure. Ce propos est méprisable !
M. Hervé Maurey. Cette attitude révèle en réalité les intentions de la majorité sénatoriale, qui cherche, à travers cette proposition, non pas à améliorer la situation des salariés, mais à rouvrir un débat à des fins uniquement politiciennes. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Le groupe de l’Union centriste et républicaine déplore cette attitude. En conséquence, il ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos, au nom du groupe CRC, se situera dans la continuité des interventions de mes collègues Annie David et Isabelle Pasquet.
Cet après-midi d’initiative parlementaire, la première pour le groupe CRC depuis le basculement du Sénat, est un moment fort : outre le repos dominical, je pense au débat sur l’abrogation du conseiller territorial.
Les thèmes que nous allons aborder illustrent bien la volonté politique des sénateurs et sénatrices communistes de garantir des fondamentaux de justice sociale et de qualité de vie pour toutes et tous.
J’ai entendu avec beaucoup d’étonnement parler de pragmatisme, de dogmatisme, de retour en arrière parce que l’on osait revenir sur une loi. J’estime pour ma part que la loi doit aussi être à l’épreuve des réalités, et qu’il faut, à partir d’un constat, tenter de l’améliorer pour le bien-être de chacun. Effectivement, la majorité n’est plus la même au Sénat, mais la démocratie a tranché et vous devez vous y faire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Ronan Kerdraon applaudit également. – Exclamations et sourires sur les travées de l’UMP.)
Si Annie David a été l’initiatrice, pour notre groupe, de cette proposition de loi garantissant le droit au repos dominical, c’est bien pour tenter de répondre à une dérive, que chacun peut constater, notamment depuis la loi Mallié du 10 août 2009.
Le groupe CRC-SPG s’était opposé à cette loi considérant qu’elle portait atteinte au droit des salariés à disposer de deux jours consécutifs de repos, dont un jour en commun, afin de préserver la vie familiale et la vie personnelle.
La loi Mallié remet en cause, dans les faits, une conquête sociale, celle de pouvoir bénéficier d’un moment de temps libre partagé qui profite à tous.
Le Conseil économique et social affirmait d’ailleurs en 2007, certains d’entre vous l’ont dit dans leurs propos liminaires, que le dimanche ne devait pas être banalisé et qu’aucune nouvelle dérogation de plein droit ne devait être envisagée.
Deux ans après son application, cette loi a surtout légalisé des pratiques qui jusqu’ici étaient interdites et a ouvert la porte à de nombreux contournements. Ce qui ne devait être que des exceptions ou des possibilités, au nom d’intérêts économiques ou touristiques, au travers des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, ou PUCE, a entraîné des abus.
Je pense notamment à de nombreuses supérettes alimentaires dans les grosses agglomérations qui ouvrent toute la journée le dimanche, au-delà de treize heures et pas seulement dans les zones touristiques, et ce en toute illégalité, y compris, de plus en plus souvent, à des heures de nuit en semaine.
Ces abus commencent aujourd’hui à être sanctionnés : je citerai la récente victoire de salariés d’Ed à Créteil, dans le Val-de-Marne, injustement licenciés pour motif d’« insubordination » alors qu’ils refusaient les modifications de leur contrat de travail qui leur imposaient de travailler le dimanche.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est la réalité !
Mme Laurence Cohen. Je pense également, et ce point a été évoqué par ma collègue Isabelle Pasquet, à la magnifique lutte victorieuse qu’ont livrée pendant près de deux ans et 104 dimanches de grève les femmes salariées de Ed/DIA à Albertville.
Mme Annie David, rapporteure. Exactement !
Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, je ne sais pas si vous les avez rencontrées ; nous, nous l’avons fait.
Ces femmes, parmi lesquelles des mères de familles, ont obtenu que seules les volontaires travaillent désormais le dimanche et ont réussi par leur détermination à faire entendre que, à l’instar du temps partiel, le plus souvent subi et non choisi, travailler le dimanche n’est pas un choix et nuit à la vie familiale.
En effet, de quel choix peut-on parler quand travailler le dimanche est l’unique façon de gagner quelques euros de plus pour boucler ses fins de mois ? Et encore, – vous devriez vous renseigner – pour ceux qui ont la chance d’être payés davantage ce jour-là, ce qui est de moins en moins vrai…
Mme Éliane Assassi. C’est exact !
Mme Laurence Cohen. Où est le choix quand votre direction, votre patron vous menace de licenciement en cas de refus ?
M. Pierre Hérisson. Ce n’est pas vrai !
Mme Annie David, rapporteure. Mais si, c’est la réalité !
Mme Laurence Cohen. Au pays du « travailler plus pour gagner plus » – celui qui l’a dit vous est cher ! –, on allonge les heures de travail, on accroît l’âge légal de départ à la retraite, mais on n’augmente jamais les salaires...
C’est le principe des politiques libérales qui ont choisi de mettre en berne le pouvoir d’achat du plus grand nombre, d’instaurer un véritable précariat, une flexibilité toujours plus grande avec des horaires de travail de plus en plus atypiques, une France des bas salaires…
Mme Laurence Cohen. … quand quelques-uns continuent de s’enrichir. Chiche ! Il faut les augmenter !
Ce n’est pas non plus un hasard si la plupart des enseignes qui recourent aujourd’hui au travail le dimanche de façon imposée sont celles qui pratiquent d’une manière générale le dumping social : une main-d’œuvre pas chère, corvéable à merci mais qui commence à se faire entendre...
Il s’avère que la plupart des employés sont des femmes, des caissières. Chacun constate donc très bien la double peine : une inégalité flagrante dont sont une nouvelle fois victimes les femmes, avec des conditions de travail dégradées et une difficulté à concilier vie professionnelle et vie familiale.
Le travail des femmes, les conditions dans lesquelles elles exercent leur activité professionnelle, constitue parfois une sorte de laboratoire qui permet, hélas ! la mise en place de mesures régressives qui sont ensuite étendues à l’ensemble du monde du travail. Il est important d’obtenir des améliorations de leur situation pour tirer l’ensemble de la société vers le haut.
Bien entendu, l’objet de cette proposition de loi n’est pas de se positionner, comme vous essayez de le caricaturer, « pour ou contre le travail du dimanche » : chacun d’entre nous constate que les modes de vie ont évolué, que des amplitudes horaires plus larges peuvent constituer un bien-être pour les consommateurs.
Vous parlez de réalisme, monsieur le ministre, mais au nom de qui et pour qui ? Faire ses courses le dimanche, est-ce vraiment d’utilité publique ; est-ce une avancée sociale ?
M. Jean-Luc Fichet. Non !
Mme Laurence Cohen. L’enjeu aujourd’hui, au travers de cette proposition de loi, est bien d’assurer des protections et de donner des droits aux salariés du dimanche, de ne pas banaliser ce jour qui reste un acquis social.
M. Didier Guillaume. Exactement !
Mme Laurence Cohen. Une consultation a été engagée sur ce sujet.
Deux points nous paraissent, à ce titre, essentiels dans cette proposition de loi : d’une part, il est prévu que seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit puissent travailler le dimanche ; d’autre part, ce texte prévoit que le salarié bénéficie d’un autre jour de repos compensateur et perçoive une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due.
À nos yeux, ce sont des principes intangibles, seuls à même de garantir des conditions de travail acceptables.
En aucun cas, les intérêts économiques, marchands ne doivent primer sur le bien-être des individus.
Le travail le dimanche doit être un choix dans une exception encadrée, le repos dominical, un droit. C’est bien le sens de cette proposition de loi, qui constitue une avancée, un point d’appui que notre groupe porte avec force et avec fierté.
Les élus communistes, contrairement à ce qui a été dit du haut de cette tribune, sont des élus républicains qui respectent la loi. Je n’en dirai pas autant de certains élus de l’UMP (Protestations sur les travées de l’UMP.) qui contreviennent à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU ».
Un sénateur de l’UMP. Scandaleux !
M. Claude Léonard. À Moscou !
Mme Laurence Cohen. Cela ne vous plaît pas, mais c’est la réalité ! Allez voir dans les Hauts-de-Seine, interrogez l’ancien maire M. Sarkozy et vous verrez si la loi SRU est respectée au nom de la démocratie ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – M. Robert Tropeano applaudit également. – Nouvelles protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, c’est avec conviction que les élus Europe Écologie-Les Verts s’associent à cette proposition de loi (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et marques d’ironie sur les travées de l’UMP.) …
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quelle déception !
M. Ronan Dantec. … visant à strictement limiter et encadrer le travail du dimanche. Je vais vous expliquer pourquoi.
Beaucoup a déjà été dit sur l’enjeu politique de légiférer sur cette question, alors que ce droit, acquis de haute lutte voilà plus d’un siècle, a été progressivement remis en cause, notamment par la loi Mallié de 2009, déclinaison dominicale de ce fameux slogan « travailler plus pour gagner plus », un slogan aujourd’hui daté mais que de nombreux salariés modestes gardent en mémoire comme une terrible tromperie politique.
Mme Annie David, rapporteure. C’est vrai !
M. Ronan Dantec. Deux ans après l’adoption de cette loi, les salariés modestes ne sont pas devenus plus riches, notre taux de chômage ne s’est pas réduit, mais, sans nul doute, nombre de salariés en situation difficile et dans l’incapacité de refuser de travailler le dimanche ont vu leur vie de famille et leurs relations sociales se compliquer, pour un gain sans commune mesure avec les contraintes subies.
J’en profite d’ailleurs pour évoquer ici un autre scandale de nos sociétés – cela fait écho à la précédente intervention – : cette habitude installée – habitude que nous ne retrouvons pas dans la plupart des pays européens – selon laquelle les bureaux des salariés aux emplois souvent garantis sont nettoyés au petit matin ou le soir par d’autres salariés en situation bien plus précaire,…
Mme Annie David, rapporteure. Exactement !
M. Ronan Dantec. … par exemple des femmes à la tête de familles monoparentales, sans aucune prise en considération des difficultés ainsi créées, en termes de transports ou de garde d’enfants. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
D’un côté, un gain très faible, quelques minutes de dérangement, de l’autre, des quotidiens très dégradés… Ainsi va notre société, dans son incapacité à mesurer les coûts globaux et les intérêts collectifs !
Pour répondre à la question posée par ce débat, le Conseil économique et social – avant qu’il devienne le Conseil économique, social et environnemental – a rendu un avis intéressant : « [il a recommandé] de ne pas banaliser cette journée en généralisant l’ouverture des commerces et de maintenir le principe du repos dominical ».
En début de séance, Mme Pasquet a fait référence à l’histoire des luttes sociales qui ont abouti au repos dominical, et je voudrais compléter son propos.
En 1906, c’est au lendemain d’une grève générale dont le mot d’ordre était, on l’a un peu oublié, la journée de huit heures que le Sénat vota la loi sur le repos hebdomadaire, sous la pression de la rue, et notamment des employés du commerce, très nombreux à Paris depuis la création, à la fin du XIXe siècle, des grands magasins. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Ne voulez-vous pas écouter l’histoire de votre pays ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je n’étais pas née ! (Sourires sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Annie David, rapporteure. L’histoire a-t-elle démarré avec vous ?
M. Ronan Dantec. La réponse par le dimanche chômé ne correspondait donc pas totalement aux revendications de la journée d’action du 1er mai 1906, mais c’était bien sûr une avancée sociale majeure.
Je souhaiterais citer ici, probablement pour la première fois, les propos de M. Luquet, secrétaire de la Fédération des coiffeurs de l’époque qui, dans l’hebdomadaire confédéral, déclarait alors : « Le résultat matériel le plus tangible de la campagne, qui, durant dix-huit mois, a maintenu la classe ouvrière en haleine pour la mettre debout au 1er mai 1906, est, sans contredit, la conquête du repos hebdomadaire. »
Ce résultat sera néanmoins longtemps contesté par les propriétaires de grands magasins, qui argueront du fait que les autres ouvriers n’ont pas le temps de faire leurs courses durant la semaine, en raison de la durée quotidienne du travail, souvent de dix heures à l’époque.
Ils obtiendront de très nombreuses dérogations et, finalement, les employés du commerce n’auront vraiment des garanties pour leur dimanche chômé qu’avec l’instauration de la journée de huit heures pour les ouvriers et les employés, en 1919, en attendant la semaine de quarante heures en 1936.
Il y a donc toujours eu un lien fort entre travail du dimanche des salariés du commerce et réduction du temps de travail. Et si le gouvernement Fillon s’est attaqué, avec la loi Mallié, au repos dominical des salariés du commerce, c’est bien parce que la droite sarkozyste voulait et, si j’en crois vos propos, monsieur le ministre, veut toujours remettre en cause les 35 heures et la durée hebdomadaire du temps de travail. Nous devons donc rester très mobilisés.
Voter aujourd’hui pour le respect du repos dominical représente un enjeu fort, qui s’inscrit dans la défense des autres acquis sociaux. C’est pourquoi les écologistes soutiendront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Chantal Jouanno. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous allons discuter d’un texte dont j’ai entendu l’un des orateurs dire qu’il avait pour objet de revenir sur la loi Mallié, laquelle aurait remis en cause une conquête sociale.
Je ne sais pas si nous parlons de la même loi de 2009, mais nulle part dans ce texte il n’est écrit que le travail du dimanche doit être la règle, nulle part il n’est écrit que le principe fondateur de la loi de 1906, qui vient de nous être longuement exposé, est caduc.
Vous devriez plus simplement dire que votre objectif est de revenir sur la loi de 2009, conformément à votre stratégie d’opposition, qui consiste à détricoter systématiquement tout ce qu’a fait le Gouvernement.
Mme Isabelle Pasquet. Ce n’est pas le cas !
Mme Chantal Jouanno. Notre droit, après la loi de 2009, est-il vraiment aussi laxiste que vous le décrivez ?
Regardez autour de nous en Europe !
L’Allemagne, pays conservateur, a confié aux autorités locales, les Länder, le soin de décider de la question…
La Suède, que vous citez toujours comme exemple de démocratie sociale, a fait du dimanche un jour travaillé comme les autres… Je vous rassure, même si vous nous le demandez ardemment, chers collègues de gauche, nous n’irons pas jusque-là !
Cette loi de 2009 va-t-elle à l’encontre de notre société et de son évolution ? Pour le Conseil constitutionnel, elle constitue au contraire une adaptation nécessaire à l’évolution de notre société.
Et puisque vous ne voulez pas créer de PUCE supplémentaire, regardons donc ce qui se passe à Paris, car c’est sans doute dans la capitale que les conséquences les plus caricaturales de votre posture se feraient ressentir.
Le préfet a proposé d’ouvrir certains commerces boulevard Haussmann, ou encore à Bercy Village, dans le XIIe arrondissement. Est-il vraiment hérétique d’ouvrir le Printemps ou les Galeries Lafayette le dimanche ? Dix mille commerces sont potentiellement concernés, je dis bien « potentiellement » parce qu’ils ne seront pas obligés d’ouvrir le dimanche. Ces ouvertures dominicales permettraient de créer 2 000 emplois supplémentaires, et nous en avons grand besoin à Paris, notamment pour nos étudiants. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
Mme Annie David, rapporteure. C’est donc cela que vous voulez pour nos étudiants ! Quelle ambition !
Mme Chantal Jouanno. À vous entendre, madame Pasquet, tout va bien dans la capitale, puisque Paris reste la première destination touristique mondiale. Vous oubliez juste de dire que les touristes dépensent proportionnellement beaucoup moins à Paris qu’ailleurs. (M. Philippe Dominati opine.) Ainsi, par rapport à l’Espagne, nous perdons 10 milliards d’euros chaque année ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Notre pays est-il dans une situation économique si florissante qu’il puisse se passer de cette manne ? Je ne le crois pas !
Pourquoi, surtout à Paris, ne pas être plus pragmatiques ? (M. Jean-Luc Fichet s’exclame.)
On vous parle d’emplois, de volontariat, de doublement de salaire dans le cadre des PUCE, de rayonnement de Paris ; on vous parle de la société telle qu’elle est !
Mme Chantal Jouanno. Vous nous parlez d’une société telle que vous la voudriez. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Mme Chantal Jouanno. En effet.
M. Roger Karoutchi. La gauche archaïque !
Mme Chantal Jouanno. Fondamentalement, nos visions s’opposent. Vous suspectez systématiquement les entreprises et le secteur économique et vous prônez invariablement la loi. Nous voulons promouvoir la négociation, la convention collective, voire même le référendum des salariés. Je sais bien que cette dernière idée vous fait frémir, chers collègues de gauche, mais pourquoi ne pas faire confiance à ce mode de consultation ?
Vous légiférez une société telle que vous la souhaiteriez ; nous la prenons telle qu’elle est ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas bon du tout !
Mme Annie David, rapporteure. Vous mélangez tout !
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi garantissant le droit au repos dominical.
Cette proposition de loi est un bon texte, et je remercie nos collègues du groupe CRC d’avoir pris cette initiative. En effet, depuis 2009, je n’ai eu de cesse, avec mes collègues socialistes, de m’élever contre le travail du dimanche généralisé.
Nous nous sommes fortement opposés à l’ouverture dominicale des commerces, parce que le travail du dimanche représente une véritable menace pour les sphères familiale, amicale, culturelle, spirituelle et associative. Il conduit à un délitement des liens humains et à une perte des valeurs, au seul bénéfice de la recherche du profit.
Nous nous sommes opposés au travail dominical parce qu’il ne représente en aucune façon une solution pour relancer la consommation. Il ne fait que fragiliser les petits commerces de proximité au profit des grandes surfaces.
Mme Gisèle Printz. C’est vrai !
Mme Patricia Schillinger. Sur le plan économique, il ne crée pas d’emplois puisque, bien souvent, les grandes surfaces ne proposent que des temps partiels, tout en provoquant, par leur concurrence, des pertes d’emplois dans les commerces de proximité.
Mme Annie David, rapporteure. Exactement !
Mme Patricia Schillinger. En ce qui concerne le volontariat, c’est un véritable leurre, comme nous l’avions déjà dit à l’époque.
Aujourd’hui, pour dresser un bilan de la loi Mallié sur le travail dominical, on peut dire que son application est un échec économique, social et moral.
Son impact général sur la croissance est nul, voire même négatif, puisque cette loi a provoqué des distorsions de concurrence et la fermeture de commerces traditionnels.
Le bilan du travail du dimanche, c’est « travailler pour gagner la même chose » ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre Hérisson. Quelle mauvaise foi !
Mme Patricia Schillinger. Cette loi devait sauvegarder l’emploi en période de crise. En réalité, elle a conduit à une forte augmentation des contrats à temps partiel, plus précaires, et n’a pas créé d’emplois supplémentaires. Le travail du dimanche est souvent imposé aux salariés et les majorations prévues sont largement inférieures au doublement du salaire horaire. En résumé : pas d’emplois supplémentaires et plus de précarité !
Les organisations syndicales sont unanimes à dénoncer le volontariat illusoire, l’absence de doublement de la rémunération et la discrimination entre salariés. En effet, selon que l’on se trouve d’un côté ou de l’autre de la rue, le même travail, à tâche et à qualification égales, peut être rémunéré du simple au double, et vous ne le nierez pas, monsieur le ministre.
On a voulu diviser les Français entre ceux qui doivent travailler le dimanche et ceux qui ne travaillent pas le dimanche. On a divisé les salariés, ceux qui travaillent le dimanche avec un doublement de leur salaire et ceux à qui l’on refuse ce doublement de salaire.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
Mme Patricia Schillinger. Les salariés des PUCE se sont vite rendu compte que, contrairement aux promesses de la loi, ils ne pouvaient pas « prétendre au repos compensateur ou au doublement de leur rémunération lorsqu’ils travaillent le dimanche ».
Le doublement de la rémunération des salariés n’est pas systématique. Dans le cadre des PUCE, bien souvent, les salariés voient leurs rémunérations majorées, mais pas doublées. Les majorations prévues sont largement inférieures au doublement du salaire horaire.
Pour le patronat, les bénéfices économiques du travail dominical ne concernent qu’une très faible minorité, les représentants de la grande distribution.
Je souhaiterais également souligner ici que, en avril dernier, l’Organisation internationale du travail a attribué un carton rouge à la France. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) En effet, dans le rapport de la 100e session de l’OIT, la législation française a été particulièrement visée et a reçu un avis plus que défavorable.
La commission de l’OIT « demande au Gouvernement français de poursuivre l’examen avec les partenaires sociaux » de la nouvelle législation sur le travail dominical « sur le plan pratique, en tenant compte des considérations tant sociales qu’économiques ». Les experts de l’OIT s’inquiètent en effet de l’élargissement progressif des dérogations autorisées.
Dernièrement, on a observé de nombreuses plaintes contre les ouvertures dominicales. Trente supérettes, suspectées d’ouvrir abusivement le dimanche, vont être traduites en justice par le Comité de liaison intersyndical du commerce de Paris, neuf mois après une première vague de condamnations.
Le 17 novembre, cinq magasins Franprix et Carrefour City comparaîtront, puis, le 22 novembre, douze supérettes Franprix seront convoquées devant la 1ère chambre civile.
En ce qui concerne le volontariat, je citerai un exemple : le 21 septembre dernier, Ed a été condamné par le Conseil de prud’hommes de Créteil à verser 40 000 euros de dommages et intérêts à trois salariés, licenciés pour avoir refusé de travailler le dimanche. Il s’agissait en l’occurrence d’un abus de pouvoir de la part de l’entreprise.
Ainsi, le texte que nous examinons aujourd’hui est essentiel si l’on veut éviter les excès ou les abus. Il permet en effet de restreindre fortement les possibilités de dérogations, d’encadrer la notion de volontariat pour éviter « le chantage à la mutation » dénoncé par les syndicats et de renforcer les compensations pour les salariés, en termes tant de repos que de salaire.
Les intérêts économiques des employeurs ne doivent pas l’emporter sur les besoins humains !
Je conclus mon intervention en précisant que, en Alsace, le repos dominical est respecté, grâce au droit local. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, vous avez fait fort !
Il ne fait guère de doute que vous êtes déjà en campagne…
M. Pierre Hérisson. Vous non ?
M. Philippe Dallier. Qu’est ce que vous faites, vous ?
M. Jackie Pierre. La gauche molle !
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. … pour le Président de la République et, dans la compétition qui vous oppose à vos collègues, vous avez sans aucun doute marqué des points ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Dans cette affaire, et sans vilain jeu de mots, vous avez asséné non pas un petit coup de maillet, mais un grand coup de massue ! (Sourires.)
Après avoir supprimé quelque 800 000 emplois voilà quelques jours, nous en ferions disparaître 250 000 de plus à travers ce texte. À vous entendre, nous aurons bientôt supprimé plus d’emplois qu’il n’en existe, alors que nous ne sommes pas au pouvoir.
M. Roger Karoutchi. Vous en êtes capables !
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Vous nous dites d’aller voir ce qui se passe sur le terrain. Mais nous en sommes issus, comme vous-même, monsieur le ministre. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.) Nous connaissons le monde du travail !
M. Pierre Hérisson. Nous aussi !
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Je ne dis pas le contraire, mon cher collègue ! Contrairement à vous, je n’exclus personne.
Vous nous dites que dans certains secteurs, les salariés sont obligés de travailler le dimanche. En effet ! Vous avez cité le cas des hospitaliers, et vous avez raison.
Mais il faut avoir entendu ces salariés – des femmes pour la plupart – décrire la façon dont ils perçoivent ce travail dominical, comment ils le vivent dans leur chair. Savez-vous quelles sont les conséquences pour leur vie de famille, pour leurs enfants ? Des fratries entières sont ainsi pénalisées ! (Mme Patricia Schillinger ainsi que MM. Claude Dilain et Robert Tropeano applaudissent.) Ces femmes travaillent le dimanche par devoir, et non par choix !
Parce que certains salariés doivent travailler le dimanche, faut-il que tout le monde en fasse autant ? (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Mme Gisèle Printz. Voilà !
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Il est dangereux de vouloir ériger en modèle le travail dominical.
Quels sont finalement les objectifs de cette proposition de loi, qui vise à aménager la loi du 10 août 2009 ?
Elle tend tout d’abord à augmenter la protection et la rémunération des gens qui vont accepter de travailler le dimanche. Mais on n’achète pas tout, monsieur le ministre ! Il ne faut pas seulement prendre en compte les rémunérations, et vous le savez bien.
Quand le travail du dimanche est accepté, c’est bien souvent parce qu’il y a une dysharmonie forte dans le rapport employeur-employé. Si je lui réponds « non » quand il me demande de travailler le dimanche, comment mon patron se comportera-t-il plus tard quand j’aurai, moi, à lui demander quelque chose ? La sécurité de mon emploi est-elle garantie ? Une autre personne ne sera-t-elle pas choisie pour occuper mon poste ? Et en fin de compte, je gagnerai, il est vrai, un peu plus ; compte tenu du niveau des salaires actuels, cela mettra peut-être un peu de beurre dans les épinards. Alors, j’accepte !
Monsieur le ministre, nous essayons d’améliorer la loi du 10 août 2009, mais vous caricaturez les propositions du groupe communiste et, au-delà, de tous ceux qui continuent de dire que nous sommes à l’avant-garde de la défense des travailleurs dans ce pays. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Vous prétendez, vous et vos collègues, pouvoir nous reprocher le manque de consultation ? Qu’à cela ne tienne : nous allons en avoir une dans quelques mois, une consultation, et d’ampleur nationale. Vous aurez tous d’ici là l’occasion de développer les propositions que vous avez à formuler pour nos concitoyens, pour les travailleurs de ce pays,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Les travailleurs ? Ce ne sont pas vraiment eux qui vous ont élus…
Mme Annie David, rapporteure. Parmi les élus, il y a des travailleurs !
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. … comme lors de la récente campagne des sénatoriales, qui nous a permis d’être majoritaires au sein de cette assemblée et pendant laquelle les uns et les autres ont eu l’occasion d’expliquer comment on traitait les collectivités locales… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Les Français l’ont très bien compris. C’est la raison pour laquelle nous avons obtenu la majorité ici et c’est pourquoi nous l’obtiendrons également au mois de mai prochain ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.- Vives exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Roger Karoutchi. C’est le dernier meeting, c’est bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Xavier Bertrand, ministre. Je reprendrai un certain nombre des propos qui ont été tenus dans cet hémicycle lors de la discussion générale, car certains méritent, à mon avis, d’être relevés.
Monsieur Kerdraon, vous avez parlé du lien social, mais le plus important en la matière, c’est d’avoir un travail, un revenu lié à ce travail…
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. Or votre proposition de loi casse le lien social ! (Non ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Votre proposition de loi diminue le pouvoir d’achat des salariés concernés. (Oui ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, en ce moment, les Français, comme tous les Européens, sont particulièrement lucides.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les Allemands ne travaillent pas le dimanche !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ils savent que le pouvoir d’achat ou même l’emploi peuvent être menacés en raison de la crise économique. C’est très préoccupant, c’est vrai. Mais voir son emploi et son pouvoir d’achat menacés à cause d’une proposition de loi communiste, voilà qui est intolérable et insupportable ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.- Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est scandaleux !
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame la présidente, vous avez raison de réagir, ce n’est pas seulement une proposition de loi communiste, c’est une proposition de loi soutenue par toute la majorité de gauche de cet hémicycle.
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous avez raison de me permettre d’apporter cette précision, elle est justifiée !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont vos propos qui sont scandaleux !
M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas vous laisser faire !
Vous parlez du volontariat, alors que c’est nous qui l’avons fait inscrire dans la loi…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlez-nous de PSA et de la sidérurgie !
M. Xavier Bertrand, ministre. … et, à l’époque, vous avez refusé de le voter. Il apporte une garantie, mais parce que c’était nous, vous avez dit « non », par principe.
M. Roger Karoutchi. Évidemment !
M. Xavier Bertrand, ministre. Parce que c’est nous qui les avons fait voter, vous revenez par principe sur ces dispositions. Vous ne regardez même pas si votre position de principe pénalisera les salariés. C’est une forme d’opposition systématique à la majorité présidentielle, pratiquée matin, midi et soir, une sorte d’anti-sarkozysme, aussi, pratiquée matin, midi et soir. Seulement, être contre tout, cela ne fait pas un projet pour les Français.
Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.- M. Hervé Maurey applaudit également.)
Vous qualifiez le texte d’« utile » pour les salariés. Ah non ! Il faut expliquer aux salariés que ce texte n’a rien d’utile pour eux, qu’il est au contraire dangereux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
La loi Mallié, elle, est utile, pour les salariés,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La protection des salariés est dangereuse, on le répétera !
M. Xavier Bertrand, ministre. … pour les entrepreneurs, pour la prospérité économique. Allez expliquer à ceux qui ne pourront plus travailler le dimanche à cause de votre texte qu’il est utile pour eux : je vous souhaite bon courage !
Mme Claire-Lise Campion. On l’a déjà fait !
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame Escoffier, vous avez évoqué le texte, mais avec une erreur de fond.
Vous avez signalé que les magasins de bricolage étaient concernés. Non ! Le bricolage n’a pas accès aux dérogations de plein droit au repos dominical. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) L’ameublement y a droit, grâce à nous, mais pas le bricolage.
Mme Annie David, rapporteure. Avec la loi Mallié, bien sûr, le bricolage y a droit !
M. Xavier Bertrand, ministre. Quand on veut légiférer, on doit faire attention à la portée du texte que l’on propose. Cela étant, entre le texte initial et vos différents reculs, il est vrai qu’il est difficile d’y voir clair ! Voilà aussi pourquoi ce texte présente un caractère particulièrement dangereux. En effet, si vous n’êtes pas précis dans le texte lui-même, on sait ce que cela donnera sur le terrain pour les salariés et les entreprises concernés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David, rapporteure. Le bricolage est concerné, c’est vous qui ne savez pas de quoi vous parlez !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vois bien votre embarras sur toutes les dispositions de cette proposition de loi. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) On l’a vu, madame la rapporteure, vous avez formulé des propositions au début, vous vous êtes aperçue que vous aviez fait trop d’erreurs, mais vous n’avez pas voulu retirer ce texte parce que vous étiez prisonnière de la logique qui était la vôtre dès le départ.
Mme Annie David, rapporteure. C’est faux, laissez-moi vous répondre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Contrairement aux accords signés avec les salariés sur les repos compensateurs, votre texte, lui, constitue sur ce point un véritable recul, un de plus.
Je dirai à Isabelle Debré…
Mme Annie David, rapporteure. Qu’elle a très bien parlé, évidemment !
Mme Annie David, rapporteure. C’est exactement ce que vous faites ici, un écran de fumée !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le terme a été repris tout à l’heure, c’est bien un écran de fumée qui a été monté par la gauche lors de l’examen au Parlement de la loi Mallié sur la notion de communes touristiques.
La gauche a essayé à l’époque de créer une confusion entre les communes touristiques au sens du code du tourisme et les communes touristiques au sens du code du travail. Mais la gauche s’est prise à son propre piège puisque le texte initial présenté par Mme David contenait la même confusion que celle qu’elle nous reprochait à l’époque.
Cela montre bien que, quand on n’a pas les idées claires, on a des idées derrière la tête, et que vous cherchez encore une fois à faire le contraire de ce que vous annoncez dans votre exposé des motifs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Quelle confusion, et quel entêtement à vouloir revenir sur un texte dont le défaut majeur, à vos yeux, est d’avoir été adopté par une majorité UMP et centriste !
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Une majorité de droite, il faut le dire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Adopté à une très faible majorité !
M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà ce qui vous pose problème. Sans doute ce texte est-il à vos yeux marqué de ce péché originel, mais tout de même ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste -EELV.)
Monsieur Maurey, vous avez souhaité disposer d’un bilan et j’ai bien entendu le sens de votre intervention.
Dans le bilan 2009 de la négociation collective, nous avons fait un point sur la négociation de branche. Je vous le communiquerai, bien évidemment.
Le rapport parlementaire qui a été transmis le 9 novembre dernier, élaboré à la fois par des députés et par des sénateurs – certains sont présents dans cet hémicycle – apporte des éléments particulièrement intéressants.
Je vous donnerai quelques exemples.
Decathlon ? Accord de décembre 2009, majoration de salaire et volontariat. Boulanger ? Accord d’octobre 2009, doublement de salaire et volontariat. Kiabi ? Accord de janvier 2010, doublement de salaire et volontariat.
Voilà ce qu’il en est aujourd’hui. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Le volontariat était inscrit dans la loi Mallié, il a bien évidemment été au rendez-vous dans les entreprises. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Voilà la réalité !
Madame Cohen, nous n’avons visiblement pas la même conception de la justice sociale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous, c’est l’injustice sociale !
M. Xavier Bertrand, ministre. La justice sociale, c’est non seulement permettre l’accès à l’emploi, mais c’est aussi ne pas diminuer le salaire, le revenu et le pouvoir d’achat des salariés. En effet, il y a des mots que vous utilisez très facilement les uns et les autres de ce côté (M. le ministre désigne la gauche de l’hémicycle.), mais, pour les mettre en pratique, c’est une autre histoire ! Ce qui prouve que ce n’est pas parce que l’on invoque toute la journée, très haut et très fort, la justice sociale que l’on est pour autant en mesure de la garantir concrètement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes le garant de l’injustice sociale !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, savez-vous combien gagne une vendeuse en grande surface ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous voulez parler des salariés ? J’ai quelques compléments à apporter à ce que vous en avez dit.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si le juge a pu obliger l’entreprise ED à ne s’adresser qu’à des volontaires, c’est sur la base des textes que nous avons fait voter.
Voilà la réalité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout cela est faux !
M. Xavier Bertrand, ministre. Oui, la loi offre les garanties nécessaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.) Je précise la jurisprudence, je n’invente rien, je ne cherche pas à faire plaisir à qui que ce soit,…
Un sénateur du groupe socialiste-EELV. Si, au patronat !
M. Xavier Bertrand, ministre. … je rappelle juste l’application qui a été faite par le juge des textes qui ont été votés par notre majorité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le travail du dimanche, c’est aussi une réponse pour des services socialement utiles, et je ne vois pas au nom de quoi, au nom de quelle règle, sinon une règle arbitraire que vous auriez posée, nous remettrions en cause la possibilité, qui existe depuis de nombreuses années, d’aller à la boulangerie le dimanche chercher son pain. Allez-vous remettre en cause cette faculté ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les boulangeries ne sont pas des grandes surfaces !
Mme Annie David, rapporteure. Ces magasins-là ne sont pas concernés !
M. Xavier Bertrand, ministre. Mais vous ne ferez sans doute pas plus la différence pour les services de sécurité et les services de santé, évidemment…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous nous prenez pour des imbéciles ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je veux bien rouvrir le débat sur l’accès aux loisirs et à la culture, mais je ne suis pas sûr de ne pas voir alors réapparaître une ligne de fracture dans cet hémicycle…
Mme Annie David, rapporteure. Monsieur le ministre, puis-je vous interrompre ?...
M. Xavier Bertrand, ministre. … entre ceux qui sont profondément conservateurs – et vous êtes dans le camp des conservateurs – et ceux qui sont réellement progressistes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
Voilà la réalité !
De la même façon, monsieur Dantec, vous vous êtes fait l’avocat des 35 heures, à la façon de Mme Aubry. C’est particulièrement audacieux !
Mme Annie David, rapporteure. Je ne peux pas vous laisser dire autant de contrevérités à la tribune, monsieur le ministre !
M. Xavier Bertrand, ministre. En 2008, j’ai proposé une réforme des 35 heures et le Parlement l’a votée. Les 35 heures dans ce pays ne sont plus un plafond intangible, elles sont devenues un plancher. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Annie David, rapporteure. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?...
M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà la réalité !
Mais vous avez voulu imposer à toutes les entreprises et, par voie de conséquence, à tous les salariés – ils en ont fait les frais -, l’obligation de ne pas dépasser ces 35 heures. Quelles ont été les principales victimes ? Les ouvriers et les employés, qui ont vu leurs salaires bloqués pendant des années à cause des 35 heures ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Voilà la réalité !
Mme Annie David, rapporteure. Mensonges !
M. Xavier Bertrand, ministre. Avec les 35 heures, vous avez foulé au pied la valeur travail et minoré le pouvoir d’achat des ouvriers et des employés. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Cette vérité ne vous fait pas plaisir, mais c’est celle que les ouvriers ont lue sur leur fiche de paie pendant des années. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)
Voilà la réalité !
Et aujourd’hui, vous récidivez. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas vrai !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous n’avez pas entendu le message de 2002, vous n’avez pas entendu le message de 2007, et même si vous parlez souvent des ouvriers et des employés, vous n’avez jamais rien fait pour les défendre. Vous avez amputé leur pouvoir d’achat et vous voulez recommencer aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi que sur certaines travées de l’UCR. - Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Annie David, rapporteure. Nous ne sommes pas en meeting ! Nous examinons une proposition de loi sur le travail dominical !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous, nous sommes pour la valeur travail et c’est certainement l’une des questions qui nous séparent.
Mais, si vous êtes si sûrs de vous, reprenez la proposition de Chantal Jouanno, qui a parlé d’un référendum pour les salariés !
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. On va l’avoir !
M. Xavier Bertrand, ministre. Chiche ! Faites un référendum dans les fameux PUCE ! Demandez leur avis aux salariés et vous aurez clairement la réponse ! (Protestations continues sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez voir les caissières à Paris !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne pouvez pas, ici, sur ces travées, refuser cet exercice démocratique,…
Mme Annie David, rapporteure. Ce n’est pas possible ! Nous ne sommes plus dans le débat parlementaire !
M. Xavier Bertrand, ministre. … alors même que nombre de vos collègues socialistes et communistes ont réclamé et obtenu la mise en place de PUCE. Si vous n’avez pas peur de la démocratie, demandez leur avis aux salariés, voire aux élus de votre sensibilité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Annie David, rapporteure. Monsieur le ministre, puis-je vous interrompre ?...
Mme la présidente. Monsieur le ministre, Mme la rapporteure souhaiterait vous interrompre. (Vives protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Roger Karoutchi. Non !
Mme Annie David, rapporteure. Savez-vous au moins ce que je veux dire ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je veux juste terminer, madame la présidente. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, autorisez-vous Mme la rapporteure à vous interrompre ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est n’importe quoi !
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame la présidente, c’est vous qui conduisez les débats dans cet hémicycle, et je n’ai jamais eu l’habitude de mettre en cause la présidence, quelle qu’elle soit. Je tiens juste à préciser que le Gouvernement a toujours la possibilité d’interrompre les orateurs : je ne l’ai jamais fait, ni au Sénat ni à l’Assemblée nationale.
Je voudrais juste achever mon propos, je n’en ai que pour quelques instants. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, c’est M. le ministre qui décide ! (Protestations redoublées sur les mêmes travées.)
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame Schillinger, un échec économique, social et moral ? Ce serait le cas si ce texte était adopté. C’est cette proposition de loi qui entraînerait un tel échec, certainement pas la loi présentée par Richard Mallié.
Vous parlez d’ailleurs d’une rémunération différente pour un même travail, selon le côté de la rue où l’on se trouve. Permettez-moi de vous le dire, madame le sénateur, c’est le principe même des accords collectifs que de savoir produire des différences. (Oui ! sur les travées de l’UMP.)
D’ailleurs, la Constitution et la loi permettent ces accords collectifs. C’est la loi de la République, c’est la norme juridique française. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Voilà pourquoi il ne faut pas chercher à fixer forcément les mêmes normes pour tous. C’était l’erreur des 35 heures. Il faut, me semble-t-il, des lois qui protègent et, ensuite, de la souplesse, absolument nécessaire. Le contester, c’est remettre en cause tout l’édifice du droit social dans notre pays.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des boniments !
Mme Annie David, rapporteure. Un bonimenteur, exactement !
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Le Menn, vous avez évoqué ces familles qui seraient sacrifiées en raison du travail du dimanche. Allons !
Près de 6,5 millions de Français travaillent habituellement ou occasionnellement le dimanche.
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Et alors ?
Mme Annie David, rapporteure. Sur 64 millions de Français !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le tableau que vous dressez de ces « familles sacrifiées » correspond-il véritablement à la réalité ? Le dimanche est un jour particulier et, bien évidemment, le repos dominical est un principe, mais certaines personnes souhaitent pouvoir travailler le dimanche, j’en ai rencontré. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Oui, bien sûr !
Mme Annie David, rapporteure. Et celles qui travaillent à temps partiel « choisi » ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Dans certaines familles monoparentales, pour les personnes qui, un week-end sur deux, n’ont pas la garde des enfants, travailler le dimanche, ce n’est pas forcément imposé, c’est parfois un choix.
Mme Gisèle Printz. Oh !
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il ne m’appartient pas de dire si c’est bien ou mal. J’ai juste à m’assurer que la loi leur apporte des garanties et leur permette de choisir. Voilà ce que je pense nécessaire dans un pays comme le nôtre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
En définitive, on en revient toujours à cette vieille lune du partage du travail.
M. Yves Rome. Et le chômage ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous avez parlé d’avant-garde, tout à l’heure.
Oui, je dois le dire, la majorité sénatoriale est aujourd’hui à l’avant-garde de ce que serait le programme de la gauche. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Au-delà de l’opération de communication qu’a été l’organisation des primaires,…
Mme Annie David, rapporteure. Cela vous ennuie !
M. Xavier Bertrand, ministre. … il faut maintenant entrer dans le concret et dire la vérité ; il faut que les masques tombent.
Nous avons entendu bien des grands discours, bien des promesses. Des grands discours, des promesses, voilà la réalité ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sarkozy, c’est le roi des promesses depuis cinq ans !
M. Xavier Bertrand, ministre. Êtes-vous irréalistes au point de croire à vos promesses ou bien cyniques au point de les faire tout en les sachant intenables ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
En vérité, et les Français doivent le savoir, l’application de vos idées serait un formidable recul ! Hier, la gauche supprimait les avantages fiscaux et les exonérations sociales sur les heures supplémentaires. Aujourd'hui, elle menace l’emploi et le pouvoir d’achat d’un quart de million de Français !
M. Yves Rome. Et vous, vous êtes le champion du chômage !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je le dis très clairement, les Français ne veulent pas du recul social que vous imposeriez à l’ensemble de notre pays !
Voilà la vérité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes le ministre du chômage !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça y est ! Les anticommunistes se réveillent !
Mme Annie David, rapporteure. Pour ma part, je m’étonne que nos collègues ne se soient pas levés pour applaudir M. le ministre. (Plusieurs sénatrices et sénateurs de l’UMP se lèvent alors et applaudissent.) En effet, en l’écoutant, j’ai eu l’impression d’assister à un meeting de l’UMP organisé dans le cadre de la campagne présidentielle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Pierre Hérisson. Et vous, vous faites quoi ?
M. Roger Karoutchi. Oui, vous faites quoi, en ce moment ?
Mme Annie David, rapporteure. Pourtant, je croyais que nous examinions une proposition de loi garantissant le droit au repos dominical inscrite à l’ordre du jour du Sénat dans le cadre d’une niche parlementaire.
Mes chers collègues, lorsque vous étiez dans la majorité et nous, dans l’opposition, vous étiez tout à fait d'accord pour laisser la Haute Assemblée débattre des propositions de loi déposées dans ce cadre. (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.) Mais, aujourd’hui, vous vous évertuez les uns et les autres à ne pas débattre du sujet.
Mme Catherine Troendle. Débattre ? C’est ce que nous faisons !
Mme Annie David, rapporteure. Je m’étonne d’ailleurs de la longueur des propos de M. le ministre. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.) Alors qu’il se contente d’ordinaire d’un laconique « favorable » ou « défavorable », sans autre forme de procès, pour se prononcer sur les amendements que nous lui présentons, il s’est exprimé aujourd'hui pendant une heure au total ! (Protestations redoublées sur les mêmes travées.)
Vous ne m’empêcherez pas de parler, mes chers collègues ! Hurlez tant que vous voulez ! Cela montre simplement combien vous êtes en colère d’avoir perdu la Haute Assemblée ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.) Vous avez décidément du mal à accepter votre défaite. Pourtant, il va falloir vous y faire, vous en avez encore pour six ans au moins !
Mme Catherine Troendle. Trois ans !
Mme Annie David, rapporteure. Et j’espère même plus longtemps encore !
M. Roger Karoutchi. Dans trois ans, c’est fini !
Mme Annie David, rapporteure. Mais non ! Dans trois ans, le résultat des élections sénatoriales sera, j’en suis certaine, encore plus favorable à la gauche !
Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, nous ne sommes pas là pour débattre de la majorité et de l’opposition au Sénat. (Vives exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Alain Gournac. Et que faites-vous d’autre ?
Mme Annie David, rapporteure. En réalité, par vos subterfuges et votre attitude parfaitement méprisable, vous voulez simplement empêcher le débat parlementaire sur une proposition de loi garantissant le droit au repos dominical. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Je n’entrerai pas dans le détail des arguments que vous avez avancés. Nous pourrions les démonter très facilement. (Exclamations indignées sur les mêmes travées.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh bien, faites-le !
Mme Annie David, rapporteure. Non ! Je me refuse à entrer dans ce jeu ! Je préfère me réserver pour la discussion des articles, et je démonterai alors chacun de vos arguments, amendement par amendement.
M. Pierre Hérisson. Comme hier soir ! On va vous laisser seuls ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David, rapporteure. Selon vous, 250 000 emplois seraient menacés. Mais il y a tout de même 65 millions d’habitants dans notre pays !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Jusque-là, c’est juste !
Mme Annie David, rapporteure. Pourquoi ces 250 000 salariés n’auraient-ils pas droit au repos dominical dont tous les autres Français bénéficient ? (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Jean-Claude Lenoir. Nous travaillons même le dimanche !
M. Rémy Pointereau. Tout à fait !
Mme Annie David, rapporteure. Vous prétendez que la loi Mallié a permis de trouver un équilibre. C’est l’inverse, et vous le savez ! Cette loi a au contraire cassé l’équilibre qui existait auparavant dans notre code du travail !
M. Roger Karoutchi. Mais non !
Mme Annie David, rapporteure. Vous invoquez la nécessité de soutenir notre économie. Mais ceux qui consommeront le dimanche ne consommeront pas la semaine, d’autant que le pouvoir d'achat des Français diminue ! Ceux qui auront acheté un canapé ou une voiture le dimanche ne retourneront pas racheter un canapé ou une voiture le lundi ou le mardi ! Ne soyez pas ridicules à ce point, chers collègues ! (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
S’agissant des PUCE, il est vrai que nous avons décidé de ne pas revenir sur le dispositif, et cela n’a jamais été l’intention des auteurs. Simplement, et j’aurai l’occasion de m’en expliquer lors de la discussion des articles, nous voulons empêcher la création de tout nouveau PUCE, car vous utilisez ce dispositif pour favoriser l’ouverture illégale des magasins le dimanche dans l’intention de généraliser le système, une fois que les habitudes seront prises ! (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Par conséquent, nous sommes effectivement totalement opposés à la loi Mallié. C'est la raison pour laquelle, avec mon groupe, nous avons déposé la présente proposition de loi et pour laquelle aussi j’ai accepté d’en être la rapporteure.
Monsieur le ministre, chers collègues, je vous démontrerai, article après article, que la loi Mallié n’institue en rien un équilibre favorable aux salariés, bien au contraire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Isabelle Debré. Rappel au règlement !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
Mme Isabelle Debré. Rappel au règlement !
Mme la présidente. La discussion générale est close. (Vives protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Jean-Claude Lenoir. Mme Debré demande la parole pour un rappel au règlement, madame la présidente.
M. André Reichardt. Le rappel au règlement est de droit !
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des deux motions qui ont été déposées. (Plusieurs sénateurs de l’UMP scandent : « Rappel au règlement ! »)
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Procaccia, Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon, Pinton, Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 2. (Protestations continues sur les travées de l’UMP.)
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical (n° 90, 2011-2012)
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, Mme Isabelle Debré a formulé une demande de rappel au règlement. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David, rapporteure. C’est Mme la présidente qui préside !
Mme la présidente. Madame Procaccia, ce n’est pas vous qui présidez ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Vous avez la parole pour défendre la motion n° 2, madame Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Bien, madame la présidente. Toutefois, comme j’ai la parole, je vais faire un rappel au règlement avant de défendre la motion tendant à opposer la question préalable. (Nouvelles marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, nous sommes ici pour débattre, et vous n’avez pas eu une attitude de présidente !
M. Alain Gournac. Vraiment pas !
Mme Annie David, rapporteure. Je suis rapporteure de la proposition de loi !
Mme Catherine Procaccia. Je sais bien que vous êtes rapporteure, mais vous nous avez injuriés ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui nous injuriez !
Mme Catherine Procaccia. Dans cette assemblée, il n’est pas courant que l’on se respecte si peu.
M. Claude Bérit-Débat. Montrez l’exemple !
Mme Catherine Procaccia. Aussi, et je m’adresse à la fois à Mme la présidente et à Mme la rapporteure, je souhaite que nous puissions désormais débattre un peu plus sereinement qu’en ce début d’après-midi.
Par exemple, madame la rapporteure, vous avez voulu interrompre M. le ministre pendant qu’il répondait aux parlementaires, ce qui est contraire à la pratique républicaine.
Mme Annie David, rapporteure. Pas du tout ! Cela se fait très fréquemment !
Mme Catherine Procaccia. Vous pouviez attendre qu’il ait fini de s’exprimer !
Et les invectives qui fusaient des travées de la gauche pendant que M. le ministre répondait aux intervenants ne sont pas plus républicaines ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Annie David, rapporteure. Ce n’était pas mieux pendant que je parlais !
Mme Catherine Procaccia. J’en viens à présent à la motion proprement dite. Je souhaite, madame la présidente, que les chronomètres soient remis à zéro et que mon temps de parole soit intact, puisque j’ai simplement fait le rappel au règlement qui nous a été refusé tout à l’heure. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.- Mme la rapporteure proteste.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le législateur a le devoir de répondre aux transformations sociales et culturelles de notre société, qui est en perpétuel mouvement.
Mme Éliane Assassi. Là, il a tout raté !
Mme Catherine Procaccia. C’est ce qu’il a fait en 2009, en adoptant la loi du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales, ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.
Si le dimanche n’est pas une journée comme les autres, et ne doit pas le devenir, comment ne pas prendre en considération les évolutions sociétales ?
Le législateur de 2009 a décidé de prendre acte des nouveaux modes de vie, notamment dans les plus grandes agglomérations. C’est pour répondre à une telle évolution que la loi a tenu compte d’un certain nombre de situations spécifiques.
Madame David, le texte que vous, le groupe CRC et d’autres sénateurs de gauche nous présentez remet en cause non seulement la loi du 10 août 2009, mais aussi et surtout le droit au libre choix de travailler ou non le dimanche et même le rôle du Conseil constitutionnel, qui a validé cette loi !
Nous sommes d’accord pour dire que le dimanche est un jour d’exception où l’on a le plaisir de se réunir en famille. Mais c’est aussi bien souvent le seul jour où l’on peut prendre le temps de faire, en famille, des achats et des choix qu’il est impossible d’effectuer le reste de la semaine.
Madame David, vous voulez ignorer que la France a profondément évolué.
Mme Catherine Procaccia. Voilà plus d’un siècle que la loi existe ! On ne peut pas appliquer sur l’ensemble du territoire les mêmes règles que celles qui dataient de 1906 !
Un des orateurs a voulu nous faire un cours sur l’histoire de la loi au XXe siècle. Nous, nous pourrions lui faire un cours sur l’histoire de l’évolution de la société du XXe siècle jusqu’au XXIe siècle.
M. Ronan Dantec. Vous, vous voulez nous faire revenir au XIXe siècle !
Mme Catherine Procaccia. En France, il existe treize agglomérations de plus de 500 000 habitants, qui totalisent un peu plus de 20 millions de personnes. Les modes de vie y sont très différents de ceux que l’on observe sur le reste du territoire.
La véritable question n’est pas d’être pour ou contre l’ouverture des magasins le dimanche ; c’est celle de la liberté, qu’il s’agisse de la liberté des consommateurs, de la liberté du commerce, de la liberté de choix des salariés.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Mirassou. La liberté du renard dans le poulailler !
Mme Catherine Procaccia. Cette proposition de loi révèle un décalage entre une vision totalement idéologique et dépassée de la société et la réalité d’aujourd’hui.
Chers collègues communistes, allez donc en Russie ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) À titre personnel, j’étais à Moscou ce week-end, et je peux en témoigner : tout y est ouvert sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre !
M. Alain Gournac. Ah !
Mme Catherine Procaccia. Certains pays ont su évoluer, mais pas les communistes en France !
Mme Annie David, rapporteure. J’ignorais que Poutine était communiste ; vous me l’apprenez ! Sarkozy aussi est communiste ? Ce serait une sacrée nouvelle !
Mme Catherine Procaccia. Vous refusez d’admettre que le travail le dimanche peut être aussi souhaité et relever d’un choix totalement libre. Vous ne voulez pas voir que si certains choisissent le dimanche comme jour de repos, d’autres préfèrent prendre leur vendredi ou leur samedi !
Mme Éliane Assassi. Et ceux qui vont à la messe ? (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Catherine Procaccia. Allez donc au bout de la logique et laissez les gens choisir eux-mêmes leur jour de repos ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
L’article 2 de la proposition de loi prévoit de réécrire le code du travail pour y insérer une section supplémentaire relative aux garanties et protections pour les salariés qui travaillent le dimanche.
L’article 1er de la loi du 10 août 2009, qui rédige l’article L. 3132-27 du code du travail, garantit pourtant à chaque salarié privé de repos dominical une majoration de salaire égale au trentième de son salaire mensuel ou à la valeur d’une journée de travail s’il est payé à la journée. Le salarié bénéficie d’un repos compensateur en temps.
L’arrêté pris en application de l’article L. 3132-26 du même code, qui porte sur les établissements de commerce de détail, définit les conditions dans lesquelles ce repos est accordé, soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos.
En outre, cet article 2 vise à encadrer le principe du volontariat. L’article L. 3132-25-4 du code du travail prévoit que seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche sur le fondement des autorisations d’ouverture dominicale accordées.
Enfin, cet article 2 prévoit qu’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation ne peut pas prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour ne pas l’embaucher.
Or l’article L. 3132-25-4 du code du travail prévoit que le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’autorisations ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement et que, à défaut d’accord collectif applicable, l’employeur est tenu de demander chaque année à tout salarié travaillant le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou pour reprendre un emploi ne comportant pas de travail le dimanche, et ce dans la même entreprise.
La loi que nous avons adoptée au mois d’août 2009 accorde donc déjà des garanties fortes aux salariés concernés, et le dispositif est fondé sur le volontariat, qui reste la base du travail dominical. Cette loi reconnaît même au salarié la possibilité de revenir sur son choix au terme d’une période donnée.
En outre, le législateur a fait toute sa place à la négociation pour fixer les modalités de travail et les compensations accordées aux salariés. Grâce aux nouvelles règles de représentativité, c’est bien au plus près du terrain, et avec des accords d’entreprise ou de branche, que la loi a été mise en œuvre.
Cette loi a prévu un encadrement meilleur, une protection des salariés accrue, ainsi qu’une clarification de la situation dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE, dont il sera évidemment beaucoup question aujourd’hui.
Les partenaires sociaux ont été entendus. Idem pour le Conseil économique, social et environnemental.
La loi de 2009 n’a jamais prévu une généralisation du travail dominical, contrairement à ce qui a été affirmé sur certaines travées ; elle a tout simplement prévu une extension limitée et encadrée, avec quelques dérogations nouvelles. Les droits individuels des salariés n’ont aucunement été sacrifiés.
L’article 4 de la proposition de loi vise à remettre en cause les dérogations accordées aux communes touristiques et thermales déjà prévues par la loi du 10 août 2009, et ce même pendant les périodes d’activités touristiques, ce qui est particulièrement grave pour ces communes et ces emplois. Je doute que les communes, les employeurs et les employés concernés soient enchantés de cette disposition…
Le régime dérogatoire au repos dominical, pour les communes et les zones touristiques, est différent, certes, puisqu’il est de droit.
Pour tous les commerces situés dans les communes et zones touristiques, cette dérogation est donc transformée en dérogation de plein droit.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6 août 2009, a considéré qu’il résulte du texte même des dispositions précitées que les communes et les zones touristiques sont déterminées sur le fondement des seules dispositions du code du travail qui définissent le régime des dérogations au repos dominical ; que les dispositions du code du tourisme qui permettent à certaines communes d’être dénommées « communes touristiques » ont un objet différent ; que dès lors, le grief selon lequel le texte méconnaîtrait l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi doit être écarté.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a considéré qu’en étendant la dérogation à tous les commerces situés dans ces communes et ces zones le législateur a voulu mettre fin aux difficultés d’application du critère actuel des établissements de vente au détail qui mettent à la disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel ; qu’en étendant cette dérogation à l’ensemble de l’année, le législateur a pris en compte l’évolution des modes de vie et de loisirs ; qu’en transformant cette dérogation en une dérogation de droit, il n’a fait que tirer les conséquences de cette double modification. Ainsi, toujours d’après le Conseil constitutionnel, le législateur a fait usage de son pouvoir d’appréciation sans priver de garanties légales les exigences constitutionnelles résultant des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946.
Pour ces motifs, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le régime dérogatoire au repos dominical des communes et zones touristiques, Paris mis à part, comme il a jugé conforme le régime dérogatoire des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE.
Le Conseil constitutionnel a également estimé que les critères retenus par le législateur de 2009 ne revêtaient en aucun cas un caractère équivoque et étaient suffisamment précis. La loi ne portait donc pas atteinte au droit au repos ni au droit à mener une vie familiale normale.
Les salariés travaillant dans les communes touristiques, en vertu d’une dérogation de plein droit liée aux caractéristiques des activités touristiques de celles-ci, sont dans une situation différente de celle des salariés travaillant dans les PUCE.
Le Conseil économique, social et environnemental a estimé, pour sa part, que, pour des raisons d’équité et de cohérence commerciale, l’autorisation d’ouverture le dimanche pour les commerces situés en zones ou communes touristiques est collective et doit s’appliquer à l’ensemble des commerces.
La loi du 10 août 2009 tend donc à clarifier les conditions auxquelles peut s’appliquer la dérogation au repos dominical dans les communes et zones touristiques.
À partir du moment où il existe une activité touristique régulière et soutenue qui justifie l’ouverture des commerces dans une commune ou une zone touristique, et si le maire le demande, le préfet peut autoriser, sous le contrôle du juge, tous les commerces de cette commune ou de cette zone à employer des salariés le dimanche.
Il s’agit là d’une double garantie de liberté des collectivités locales et de légalité du processus de décision placé sous le contrôle du juge administratif.
Les dérogations doivent obligatoirement correspondre à des critères économiques clairement identifiés et ne peuvent être autorisées sans que des contreparties sérieuses et des garanties juridiques strictes soient apportées aux salariés concernés.
L’article 5 de la proposition de loi vise, lui, à remettre en cause les dérogations possibles dans certaines grandes agglomérations, à savoir les PUCE, alors que ce régime dérogatoire a été validé par le Conseil constitutionnel.
Les dérogations nouvelles concernent le personnel des établissements de vente au détail travaillant dans un PUCE caractérisé par des habitudes de consommation dominicales. Sont également pris en compte l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement du centre-ville.
Le Conseil constitutionnel a bien indiqué que le législateur pouvait, usant de son pouvoir d’appréciation, définir un nouveau régime de dérogation au principe du repos dominical au regard des évolutions des modes de consommation dans les grandes agglomérations et que, ce faisant, il ne privait pas de garanties légales les principes reconnus par les dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946.
Le PUCE est créé sur demande du conseil municipal de la commune. En tout état de cause, si un ensemble commercial est installé sur le territoire de plusieurs communes, c’est le préfet qui prendra la décision de création du périmètre, excluant ainsi toute tutelle d’une commune sur une autre.
Dans mon département, comme le ministre l’a rappelé, madame Cohen, monsieur Favier, cela pose des problèmes : plus de soixante emplois viennent de disparaître parce que le préfet n’a pas voulu étendre le périmètre, alors qu’il s’agissait de deux communes séparées de cent cinquante mètres !
Le Conseil économique, social et environnemental a d’ailleurs mis l’accent, à différentes reprises, sur les nouveaux rythmes de vie et les nouveaux comportements de consommation dans les très grandes agglomérations.
Le préfet a la possibilité de délimiter des périmètres d’usage de consommation exceptionnel caractérisés, au sein d’unités urbaines de plus de 1 million d’habitants, par des habitudes de consommation de fin de semaine, par l’importance de la clientèle concernée et par l’éloignement de celle-ci du périmètre susvisé.
Bien évidemment, des garanties et des avantages ont été prévus pour les salariés visés, tous volontaires, et il n’est pas possible d’y déroger.
Enfin, je rappellerai les termes du protocole Larcher du 16 décembre 2009. En effet, à la demande du Premier ministre, Gérard Larcher, alors président du Sénat, a formalisé une procédure de concertation préalable des partenaires sociaux en cas de proposition de loi à caractère social examinée par le Sénat. Ce protocole, établi après une consultation de la présidente de la commission des affaires sociales, du président de la commission des lois, de l’ensemble des présidents de groupe du Sénat, ainsi que des partenaires sociaux, a été approuvé par le bureau du Sénat le 16 décembre 2009.
Il organise la concertation avec les partenaires sociaux préalablement à l’examen, par le Sénat, des propositions de loi relatives aux relations individuelles et collectives du travail, à l’emploi et à la formation professionnelle.
Or la procédure de cette concertation préalable n’a pas vraiment été respectée.
Mme la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Annie David, a fait inscrire la proposition de loi à l’ordre du jour de nos travaux sans avoir encore envoyé le texte aux partenaires sociaux. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Ce n’est pas bien !
Mme Annie David, rapporteure. C’est faux ! Mensonges ! Lisez la fin du rapport !
Mme Catherine Procaccia. Les courriers qui ont été envoyés n’ont pas tous reçu de réponse puisque vous vous y êtes prise très tardivement.
Ainsi, en commission, vous êtes convenue de l’absence d’auditions liée aux circonstances, notamment à l’inscription un peu rapide de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée. Quelle précipitation !
En conclusion, parce que cette proposition de loi aura un impact économique désastreux pour notre pays, comme la loi imposant de manière uniforme et autoritaire la réduction du temps de travail à 35 heures ; parce que les dérogations prévues par la loi du 10 août 2009 pour les communes et zones touristiques, ainsi que pour les PUCE, ont été validées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 août 2009 ; parce que Conseil constitutionnel a estimé que la loi ne porte aucunement atteinte au principe d’égalité entre salariés, encore moins aux droits individuels des salariés, et parce que les auteurs de cette proposition de loi n’ont pas respecté le protocole Larcher approuvé par le bureau du Sénat le 16 décembre 2009, mes collègues du groupe UMP et moi-même demandons le retrait de la proposition de loi n° 794 rectifié.
Mme Éliane Assassi. Vous avez dépassé votre temps de parole !
Mme Catherine Procaccia. Je n’ai pas dépassé mon temps de parole, madame la sénatrice ! Dois-je vous rappeler que Mme Isabelle Debré n’a pas pu faire son rappel au règlement ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Annie David, rapporteure. Sans hésitation, la commission émet un avis défavorable.
Je souhaite m’arrêter sur les arguments qui ont été avancés par Mme Procaccia, car ils ne me semblent pas recevables.
Certes, ce texte vise à revenir sur une loi qui a été votée en 2009. Néanmoins, mes chers collègues, le Sénat n’a-t-il pas adopté au mois de juin dernier, M. le ministre ne peut pas l’avoir oublié, la loi Fourcade, qui reprend une grande partie des dispositions de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST ? Ce texte datait également de 2009 et précédait de peu l’adoption de la loi Mallié. Je ne vois donc rien d’illogique à ce que nous modifiions la loi Mallié quelques mois après avoir révisé la loi HPST. Ce qui vaut pour l’un, vaut pour l’autre…
Par ailleurs, quelle différence, madame Procaccia, y aurait-il ici avec les textes budgétaires, votés en novembre et en décembre, qui font l’objet tout au long de l’année suivante de modifications ? Les diverses lois de finances rectificatives apportent la preuve qu’il faut prendre en compte l’évolution de la société. Nous n’avons pas d’autre ambition avec cette proposition de loi.
La loi Mallié, contrairement à ce que vous avez affirmé, madame la sénatrice, ne constitue pas un point d’équilibre. D’ailleurs, si tel avait été le cas, la majorité sénatoriale de l’époque l’aurait sans doute votée de manière beaucoup plus massive. Or ceux qui étaient au Sénat se souviendront que la majorité UMP était extrêmement divisée sur ce texte et ne l’avait emporté que de quelques voix ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. On l’a voté !
Mme Annie David, rapporteure. Le texte a été adopté à quelques voix de majorité. Dire qu’il s’agit d’un texte d’équilibre est donc un mensonge !
M. Alain Gournac. Quelle audace !
Mme Annie David, rapporteure. De surcroît, l’ensemble des organisations syndicales sont opposées à la loi Mallié et au travail dominical. Où est le point d’équilibre ?
M. Alain Gournac. La loi a été votée, respectez-la !
Mme Annie David, rapporteure. Merci de m’interrompre, monsieur Gournac ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous avez bien interrompu le ministre !
M. Gérard César. Oh là là !
Mme Annie David, rapporteure. Parmi les organisations patronales, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, la CGPME, et l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, ont émis de fortes réserves, car elles sont très soucieuses du maintien et de la préservation des commerces de proximité. Elles nous ont fait savoir que l’ouverture le dimanche des magasins, notamment des grandes surfaces, risquait de mettre en péril les commerces dans les villages et les quartiers. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard César. Liberté !
Mme Annie David, rapporteure. Si vous souhaitez la fermeture des commerces de proximité, c’est votre choix ! Vous dites que nous supprimons des emplois mais, vous, vous fermez des commerces de proximité ! (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jackie Pierre. C’est incroyable !
Mme Annie David, rapporteure. La proposition de loi que nous examinons cet après-midi constitue, elle, un vrai point d’équilibre, car les dérogations au repos dominical seront proportionnées au but visé.
Avec la loi Mallié, les magasins de bricolage, comme tous les autres, peuvent ouvrir le dimanche dans les zones touristiques, sans volontariat, sans rémunération supplémentaire, sans repos compensateur pour les salariés.
La loi Mallié a donc introduit des discriminations entre les salariés puisque, dans les zones touristiques, les employés n’ont aucun droit sauf celui de se taire et d’aller travailler le dimanche. Dans les PUCE, il en va un peu autrement, mais le dispositif n’est pas pour autant satisfaisant : le salaire n’est pas forcément doublé et le repos compensateur n’est pas non plus obligatoirement accordé. La loi fait seulement mention du volontariat. Quand on sait que, dans les entreprises ou les commerces, les salariés sont soumis à leur employeur par un lien de subordination, on mesure toutes les limites du volontariat…
M. Gérard César. Et les comités d’entreprise, alors ?
Mme Annie David, rapporteure. Mme Jouanno a parlé des étudiants, qui pourraient travailler le dimanche. Son projet de société est de faire travailler les jeunes le dimanche pour qu’ils financent leurs études ? Je la laisse libre de ses choix ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Pour ma part, je ne souhaite pas que les étudiants issus de familles modestes soient contraints de travailler le dimanche pour payer leurs études, contrairement à leurs petits copains et petites copines d’un milieu plus favorisé. Ce serait discriminatoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Vives exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre Hérisson. Laissez-les vivre !
Mme Annie David, rapporteure. J’en reviens aux arguments qui ont été développés à l’appui de la motion tendant à opposer la question préalable.
Vous avez affirmé que nous voulions revenir sur les PUCE, alors que, parmi les élus de gauche, certains y sont favorables. Je vous rappelle que vous étiez tous, à droite, opposés aux emplois-jeunes, mais je vous mets au défi de trouver une seule commune de droite qui n’a pas d’emploi- jeune sur son territoire ou, en tout cas, qui n’y a pas eu recours. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Vous nous dites aussi que 250 000 emplois seraient menacés. Monsieur le ministre, je pense que vous faites référence au rapport du comité de suivi, dont j’étais membre. Si le chiffre de 250 000 salariés est effectivement avancé dans ce rapport, il est précisé que le nombre de salariés concernés n’est pas connu avec précision et qu’il est largement surestimé puisque, d’une part, il compte les commerces alimentaires, et, d’autre part, il englobe l’ensemble des communes comportant des zones touristiques, notamment Lyon, Paris, Marseille. Ces chiffres sont donc assez hasardeux, monsieur le ministre.
Vous retrouverez ces précisions à la page 27 du rapport du comité de suivi, dont je vous épargne la lecture à cet instant, mais que je vous encourage à consulter puisqu’il est désormais disponible.
Vous nous dites aussi qu’il faut prendre en compte les réalités. C’est ce que nous faisons en écoutant les salariés qui viennent nous dire qu’ils veulent pouvoir bénéficier de leurs dimanches sans être obligés de travailler ces jours-là, qu’ils soient employés dans un commerce ou dans n’importe quelle entreprise.
M. Pierre Hérisson. Eh oui, le paradis n’est pas sur terre !
Mme Annie David, rapporteure. Enfin, madame Procaccia, il n’est pas du tout correct de votre part de dire que je n’ai pas engagé de discussions avec les organisations syndicales.
M. Alain Gournac. Il n’y a eu aucun respect des organisations syndicales !
Mme Annie David, rapporteure. J’ai sollicité par courrier l’ensemble des organisations et, si vous aviez lu mon rapport, vous y auriez trouvé les réponses qu’elles m’ont adressées. Les organisations m’ont répondu qu’elles étaient favorables à cette proposition de loi et qu’elles ne souhaitaient pas l’ouverture de négociations nouvelles. (Mme Catherine Procaccia proteste.) Je n’ai donc pas engagé de nouvelles négociations.
J’ai respecté à la lettre leur volonté, contrairement à M. Mallié qui, lui, n’avait engagé, à l’époque, aucune concertation syndicale. Le Gouvernement s’était d’ailleurs déchargé de sa responsabilité sur un député de sa majorité pour éviter la concertation avec les partenaires sociaux.
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas vrai !
Mme Annie David, rapporteure. Cela avait fait partie de la longue discussion que nous avions eue à l’époque, vous vous en souvenez sans doute. M. Mallié n’avait engagé aucune concertation avec les partenaires sociaux, se contentant d’une visite à Plan de Campagne, dans sa circonscription. Il n’avait pas consulté les organisations syndicales au niveau national.
Par conséquent, me faire ce reproche, qui est injustifié,…
Mme Isabelle Debré. Non !
Mme Annie David, rapporteure. … c’est dire un mensonge puisque, dans le rapport du comité, figurent les réponses de l’ensemble des organisations syndicales que j’ai sollicitées.
La commission émet donc un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Personne ici ne peut se faire le porte-parole de qui que ce soit, mais vous avez évoqué les organisations syndicales, madame la rapporteure. Sans surprise, parmi celles et ceux qui vous ont répondu, il y avait la CFTC, qui a toujours fait part de son opposition au principe même du travail du dimanche, ainsi que, sans davantage de surprise, la CGT.
Mais vous avez beaucoup parlé de la CGPME. Il est intéressant de lire dans le détail la réponse que celle-ci vous a adressée parce que l’on se rend ainsi compte qu’elle diffère quelque peu de ce que vous en avez dit à l’instant. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
Voici ce qu’on peut lire à la page 61 du rapport de la commission : « Pour les commerces alimentaires : […] la CGPME considère que cette législation est adaptée à ce type de commerce et ne souhaite aucune modification de cette réglementation ». (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Je n’invente rien, je ne fais que lire ce qu’a répondu la CGPME.
Mme Annie David, rapporteure. Mais ce n’est pas du tout pareil ! Lisez les pages suivantes !
M. Xavier Bertrand, ministre. J’y viens.
À la page 63, il est écrit : « Concernant les restrictions relatives à la négociation des conditions du travail dominical […] la motivation essentielle de la CGPME étant d’aider les petits commerçants à se développer […], elle demande que les conditions de travail du dimanche restent négociées au sein de chaque entreprise, sans remise en cause des accords existants. »
Cela signifie donc très clairement que la CGPME ne souhaite pas l’application d’une loi qui casse les accords existants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Roger Karoutchi. Et voilà !
M. Xavier Bertrand, ministre. Quand on veut parler des syndicats comme des organisations professionnelles, on doit tout dire et tout reprendre.
Quant à la consultation des partenaires sociaux, certes, elle a eu lieu, au niveau national. Mais avez-vous interrogé les partenaires sociaux sur le terrain, …
Mme Annie David, rapporteure. Oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. … à Plan de Campagne, par exemple ?
Moi, je me suis rendu sur place. Je commence à avoir un peu d’expérience ministérielle et je sais que, quand on sort de son bureau et que l’on va au contact, on est susceptible de faire moins d’erreurs. (Rires sur les travées du groupe CRC.)
J’ai rencontré des représentants syndicaux, notamment dans les Bouches-du-Rhône, dans le Val-d’Oise ; ils m’ont dit qu’ils avaient bien conscience des positions nationales, mais qu’ils veillaient avant tout à ce que la demande des salariés qui sont volontaires puisse être prise en compte.
J’ai effectué une visite dominicale à la librairie du Grand Cercle, dans le Val-d’Oise, en compagnie du maire de la commune, qui fut secrétaire d'État dans le gouvernement Jospin. Elle est elle-même totalement favorable à l’ouverture le dimanche et très demandeur en la matière. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV). Elle m’a dit qu’elle ne savait pas quoi répondre à ces salariés qui veulent travailler le dimanche, sans même parler des habitants de la commune ou des communes environnantes, qui veulent tout simplement pouvoir accéder le dimanche à cette librairie, au passage, une librairie qui a été sauvée grâce à la loi Mallié.
Vous dites que certaines de ces ouvertures seraient illégales, par exemple à Plan de Campagne. Croyez-vous que tous ces bâtiments, que tous ces commerces sont apparus et ont grandi comme des champignons en toute illégalité ? La réalité, c’est qu’il y a un besoin et que des centaines de salariés, sur place, souhaitent travailler le dimanche ; si la loi n’avait pas évolué, on aurait assisté à un retour en arrière sans pareil.
La vérité, madame David, si l’on s’en tient à votre contribution au rapport du fameux comité parlementaire dont j’ai fait état tout à l’heure, figure à la page 58, où vous écrivez : « Nous proposons l’abrogation du travail du dimanche » - vous voulez donc revenir complètement sur le travail du dimanche ; telle est votre intention première - « ou pour le moins le vote d’une nouvelle loi plus équitable et respectueuse de l’intérêt des travailleuses et travailleurs ». Soit ! Mais, au-delà du slogan, la vérité, c’est que vous êtes contre le travail dominical.
Mme Annie David, rapporteure. Oui, je suis contre !
M. Xavier Bertrand, ministre. L’un d’entre vous m’a dit tout à l’heure qu’il y avait plus de femmes que d’hommes amenés à travailler le dimanche. Je citerai simplement – chacun choisira sa version en toute connaissance de cause – les derniers chiffres connus, qui sont ceux de l’INSEE. D’après cet institut, parmi les personnes qui travaillent occasionnellement ou habituellement le dimanche, il y a plus d’hommes que de femmes : 52,8 % contre 47,2 %.
Mme Catherine Troendle. Et voilà !
M. Xavier Bertrand, ministre. Si j’ai cité ces chiffres, c’est pour que chacun des membres de cette assemblée, sur l’ensemble des travées, puisse avoir une connaissance de la réalité la plus exacte possible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, on ne légifère pas avec des slogans, ni avec des doctrines.
Mme Catherine Troendle. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. On légifère dans le souci à la fois de protéger et d’avancer. Cette proposition de loi est en tout point contraire à cette double vocation. Voilà pourquoi le Gouvernement demande l’adoption de la motion qui a été défendue par Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi que sur plusieurs travées de l’UCR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’aborderai pas le fond de cette proposition de loi, qui a été largement évoqué, mais je voudrais faire part de quelques remarques.
Cette proposition de loi porte sur le repos dominical, expression qui suscite chez moi quelques réserves.
Première remarque, le repos dominical, institué en 1906, est associé, quoi qu’on en pense, à la messe du dimanche. Or chacun sait que nos concitoyens vont de moins en moins à la messe (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) …
M. Alain Gournac. Sauf les communistes !
Mme Annie David, rapporteure. La liberté de culte ne nous gêne pas !
Mme Muguette Dini. … et que celle-ci est aussi célébrée le samedi.
Par ailleurs, d’autres religions ont également un jour de prédilection, en particulier le vendredi ou le samedi.
Je propose donc de dissocier le repos hebdomadaire du repos dominical.
Deuxième remarque : de nombreux services indispensables ou moins indispensables sont accessibles tous les jours, y compris le dimanche ; je pense aux transports, aux hôpitaux, aux maisons pour personnes âgées ou handicapées mais aussi aux spectacles, aux restaurants, aux commerces de proximité, aux parcs de loisirs, aux animations sportives, et bien sûr à beaucoup d’autres nécessitant la présence de salariés.
Troisième remarque : certains salariés sont volontaires pour travailler le dimanche. C’est le cas des étudiants, on l’a déjà dit, mais aussi des parents isolés, qui peuvent avoir ce jour-là un mode de garde familial ou amical. C’est le cas des parents non isolés, pour qui c’est aussi le moyen d’être plus présents dans la semaine auprès de leurs enfants, celui ou celle qui travaille le dimanche étant plus disponible un jour ou deux dans la semaine. Le travail dominical peut aussi convenir aux couples séparés, dans un régime de garde alternée des enfants un week-end sur deux, et, enfin, à tous ceux qui sont intéressés par la contrepartie prévue par la loi du 10 août 2009.
Si certains salariés, malgré les garanties introduites dans cette loi, ont pu être contraints à travailler le dimanche – et on ne peut que le déplorer –, de nombreux autres salariés souhaitent continuer à le faire par choix.
Quatrième remarque : à vous entendre, mes chers collègues, on a l’impression que, d’un côté, il y a les pauvres salariés du dimanche et, de l’autre, les affreux clients du dimanche. Mais vous savez bien que ce sont les mêmes : les clients qui fréquentent les PUCE pendant le week-end sont aussi des salariés !
Mme Muguette Dini. Qui fait ses courses en semaine ? Très peu de salariés disposent de temps pour cela. Vous trouvez majoritairement dans les grandes surfaces des retraités ou des personnes ne travaillant pas, dont celles qui travaillent le dimanche.
Et ces mêmes salariés-clients ne sont pas fâchés de ne pas se retrouver tous entassés dans les mêmes magasins, le samedi.
Mme Muguette Dini. Ils peuvent aussi apprécier de trouver, le dimanche, des grandes surfaces où l’on peut prendre son temps pour choisir ou faire des courses de dépannage.
Enfin, il est entendu que le sacro-saint dimanche doit être consacré à la famille, aux loisirs en famille, aux promenades dans la nature en famille, aux jeux éducatifs en famille…Mais c’est un monde idyllique que vous décrivez, chers collègues. Vous savez que de nombreux dimanches sont passés par les enfants devant divers écrans, parce que leurs parents sont fatigués ou démunis pour répondre aux exigences éducatives auxquelles nous aimerions idéalement les voir se conformer. (M. Jean-Louis Lorrain applaudit.)
Je ne sous-estime pas les inconvénients de certaines situations, mais, je vous en prie, laissez les gens respirer ! Arrêtez de tout vouloir réglementer ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.) Le monde évolue, le monde du travail aussi.
La loi de 2009 est une bonne loi et je ne vois aucune raison de la modifier. C’est la raison pour laquelle je voterai la motion tendant à opposer la question préalable. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les différents intervenants, notamment Mme Procaccia à la tribune, ainsi que M. le ministre. Quel changement depuis le mois de septembre ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est clair !
M. Ronan Kerdraon. Depuis cette date, vous n’avez de cesse de caricaturer nos propositions (Rires sur les travées de l’UMP.), avec toute la suffisance de ceux qui sont pétris de certitudes et perclus de rancœurs. (Protestations sur les mêmes travées.)
Vous n’avez de cesse d’asséner des chiffres extravagants pour affoler l’opinion.
M. Ronan Kerdraon. Il y a là comme des petits relents d’avant-1981… (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Nous mesurons ici combien vous avez du mal à avaler ce changement de majorité sénatoriale !
Mme Gisèle Printz. Eh oui !
M. Ronan Kerdraon. On l’a encore vu dans la nuit de lundi à mardi dernier, quand vous avez caricaturé le PLFSS que nous avons voté ici.
Vous n’avez de cesse d’user de la démagogie comme arme politicienne.
Vous n’avez de cesse d’accumuler les contrevérités. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Plus l’échéance de 2012 approche, plus vos propos trahissent votre inquiétude, voire un certain affolement. Plus les échéances approchent, plus vous vous transformez en Fouquier-Tinville d’une droite aux abois. (Protestations sur les mêmes travées.)
Alors, sachez, mesdames, messieurs de la droite, sachez, monsieur le ministre, que vos propos, que votre attitude méprisante, ne font que nous renforcer dans notre volonté de proposer une alternative à votre politique de régression sociale, de stigmatisation des plus démunis.
Vous voyez derrière chaque salarié un fraudeur, voire un voleur, comme cela a été dit hier, alors que vous êtes responsables de la montée inexorable du chômage, du mal-être à Pôle emploi, que vous refusez d'ailleurs de reconnaître.
Alors, nous, monsieur le ministre, pour toutes ces raisons, nous rejetterons la motion tendant à opposer la question préalable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Kammermann, pour explication de vote.
Mme Christiane Kammermann. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, bien entendu, à m’associer aux très justes propos de notre collègue Catherine Procaccia.
La question du travail le dimanche et du repos dominical a été abordée, débattue dans ce même hémicycle. Il y tout juste deux ans, une loi a été votée par les deux assemblées afin de mieux encadrer le travail dominical.
Mme Annie David, rapporteure. La loi HPST aussi, et elle a été également modifiée !
Mme Christiane Kammermann. Cet après-midi, une nouvelle proposition de loi est soumise à notre examen, et, avec elle, son flot de réflexions et son lot de réactions passionnelles.
Alors que nous ne disposons toujours pas, depuis le vote de la loi de 2009, d’un véritable bilan sur l’éventuel impact sociétal du travail du dimanche,…
Mme Annie David, rapporteure. C’est bien de le reconnaître !
Mme Christiane Kammermann. … il faudrait aujourd’hui, à en croire certains syndicats, tout remettre à plat ! En effet, sur leurs sites internet, ces derniers appellent de leurs vœux « une remise à plat des critères et des compensations pour déroger au repos dominical, qui doit, lui, rester un fondement pour permettre de retrouver des repères sociaux collectifs pour vivre décemment en société. ».
Je comprends largement qu’il importe de privilégier ce qui reste de repères sociaux collectifs, mais, s’il revient au politique de le faire, on ne peut décider au-delà du libre arbitre et de la volonté de chacun.
En 2011, les modes de vie ont évolué, de même que le travail et le rapport à la famille. Même si nous le regrettons – je pense notamment à l’augmentation croissante des familles monoparentales, proportionnelle à celle du nombre de divorces –, nous sommes obligés de nous adapter au monde dans lequel nous vivons. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
L’ouverture, dans certaines zones, de commerces le dimanche répond non seulement à des critères de consommation, mais aussi à des critères d’organisation : bon nombre de Français sont heureux de pouvoir s’organiser autrement et d’aller faire leurs courses le dimanche.
En outre, elle permet à des étudiants de travailler parallèlement à leurs études,…
Mme Isabelle Pasquet. S’ils travaillent, c’est qu’ils n’ont pas le choix !
Mme Christiane Kammermann. … d’acquérir un début d’autonomie financière et une première expérience professionnelle. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Enfin, certains Français sont satisfaits de travailler le dimanche et de pouvoir bénéficier des compensations financières qui en découlent.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. S’ils en ont !
Mme Christiane Kammermann. Dans ce débat, beaucoup d’entre nous mettent en avant la préservation de la structure familiale.
Je ne peux que m’en réjouir (M. Ronan Dantec s’exclame.), et j’aimerais que cet argument soit pris en compte dans d’autres discussions ! Toutefois, il est des Français qui n’ont pas fait ce choix de vie et qui, le dimanche, souhaitent travailler. Nous ne pouvons, au nom de valeurs et d’idéaux, ignorer ces réalités. (Exclamations continues sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mes chers collègues, pardonnez ma franchise, mais je trouve regrettable que cette nouvelle proposition de loi soit, en réalité, pour un certain nombre d’entre vous, l’occasion d’affirmer une vision de la société rivée à un seul idéal politique, qui devrait primer sur les autres, sans que soit laissée aux Français la liberté de décider eux-mêmes.
Mme Annie David, rapporteure. De toute façon, ils ne l’ont pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne la leur avez pas laissée !
Mme Christiane Kammermann. Alors même qu’en 2009 les syndicats ont été réunis, consultés et écoutés, il faudrait revenir aujourd’hui sur ce qui a été fait à l’époque et bafouer le consensus général au nom du seul affichage politique.
À croire qu’en France toute décision, notamment celle de travailler ou non le dimanche, relève forcément de la lutte des classes, du combat entre capitalistes et anticapitalistes, de la problématique de patrons terrorisant leurs employés, de l’opposition d’une partie de la société, consumériste, à une autre, forcément plus humaniste. (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas la peine de ricaner, à gauche !
Mme Christiane Kammermann. Vous ne perdez rien pour attendre : je ricanerai moi aussi le moment venu !
En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je peux vous dire que, ailleurs dans le monde, le travail du dimanche ne s’inscrit pas en faux contre les valeurs familiales, religieuses et sociétales.
Mes chers collègues, sachons être à la hauteur de cette assemblée et gardons-nous de ces caricatures grossières, des prismes et autres carcans idéologiques.
La loi de 2009 avait pour objectif initial de régulariser certaines pratiques d’ouverture des magasins le dimanche et de protéger les salariés. Il s’agissait non pas de nier le principe du repos dominical (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.), mais de clarifier des situations et des pratiques qui avaient alors pris quelques longueurs d’avance sur le législateur.
En revanche, on ne peut légiférer sans tenir compte des modifications des rythmes de vie, le rôle premier du législateur étant de mettre le droit en accord avec les faits et les besoins de la société.
Mme Christiane Kammermann. C’est ce qu’il a fait en 2009 ; la commission des affaires sociales du Sénat avait à l’époque énormément travaillé, y compris le dimanche ! Les deux assemblées se sont prononcées et ont voté.
La présente proposition de loi est une tentative purement politique de rééditer le débat parlementaire d’il y a deux ans,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Votre comportement n’est-il pas politique ?
Mme Christiane Kammermann. … alors que nous pourrions travailler tous ensemble sur d’autres sujets aussi urgents.
C’est la raison pour laquelle je voterai la motion tendant à opposer la question préalable présentée par ma collègue Catherine Procaccia. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore ?...
M. Xavier Bertrand, ministre. Je voudrais juste revenir sur les propos qu’a tenus M. Kerdraon.
On peut être combatif ; on peut être très ferme ; mais pourquoi être agressif ? (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne vous êtes pas entendu !
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Kerdraon, vous avez parlé à mon égard de « suffisance », d’« arrogance », d’« attitude méprisante ».
Mme Éliane Assassi. C’est vous qui êtes agressif !
M. Xavier Bertrand, ministre. En introduction de mon propos, j’ai déclaré tout à l'heure à la tribune que l’on pouvait respecter les opinions d’autrui, même en ayant de très fermes désaccords sur le fond.
Monsieur le sénateur, où est l’arrogance ? Où est la suffisance ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles sont chez vous !
M. Xavier Bertrand, ministre. N’est-il pas arrogant et suffisant pour un candidat socialiste de déclarer aujourd'hui : « Je ne suis pas un contre-président, je suis le prochain » ? (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Ronan Kerdraon. Il le sera !
M. Xavier Bertrand, ministre. N’est-ce pas de l’arrogance et de la suffisance que de charger M. Fabius de mettre en place les cent premiers jours suivant l’élection présidentielle ?
Sachez que les Français détestent qu’on leur dise : « Circulez, il n’y a rien à voir : les élections sont faites ; les jeux sont faits ». (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Les Français n’aiment pas que l’on décide à leur place ! Vous devriez le savoir : les Français scrutent aujourd'hui tous les responsables politiques, quels qu’ils soient, en cherchant à voir si ceux qui sont au pouvoir les protègent pour sortir de la crise,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils vous ont surtout assez vus !
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous sommes hors sujet !
M. Xavier Bertrand, ministre. En réalité, non seulement vous n’avez pas aujourd'hui de proposition véritable, mais la présente proposition de loi est perçue comme un véritable danger, comme un véritable recul.
Vous avez évoqué 1981 : cela me permet de faire remarquer que le rêve que vous aviez alors promis n’a même pas duré deux ans, et la situation a été bien pire. (Très vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Encore hors sujet !
M. Xavier Bertrand, ministre. En vérité, soit vous vivez dans un autre monde, soit vous connaissez la situation économique actuelle, et je ne doute pas que vous la connaissiez aussi bien que moi, mais, sans oser le dire,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sans oser dire qu’il faut travailler plus pour gagner moins ? Vous avez tout faux !
M. Xavier Bertrand, ministre. … vous savez pertinemment que, aujourd’hui, votre rêve ne durerait même pas huit jours ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Telle est la réalité ; elle est simple ! Mais, en attendant, les Français doivent savoir dès à présent que vos propositions constituent pour eux un véritable danger.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je savais que la question du travail du dimanche nous passionnait, mais, pour être franche, je ne pensais pas qu’elle pouvait aller jusqu’à susciter des sentiments aussi proches de la haine ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David, rapporteure. Elle a raison !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument ! C’est de la haine de classe !
Mme Isabelle Pasquet. Nous avons entendu le ministre, comme des membres du groupe UMP, notamment pour défendre la motion, dire des contrevérités auxquelles il nous faut maintenant répondre.
Tout d’abord, M. le ministre a pris prétexte de la rédaction initiale de notre proposition de loi – avant l’examen du texte en commission – pour tenter de discréditer son contenu.
Une telle manœuvre est inacceptable dans cette enceinte. À cet égard, je m’étonne, monsieur le ministre, que vous ne connaissiez pas mieux le mode de fonctionnement du Sénat et du Parlement ! (Rires et exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Certes, notre rédaction initiale faisait référence aux communes touristiques, au sens du code du tourisme. Notre rapporteure a, en commission, rectifié cette erreur rédactionnelle et le texte dont nous discutons aujourd'hui fait au final référence aux communes touristiques, au sens du code du travail.
Mme Annie David, rapporteure. En effet !
Mme Isabelle Pasquet. Cette correction est à l’honneur de notre rapporteure, et c’est l’objet même du travail en commission que de permettre l’amélioration d’une proposition de loi avant qu’elle soit examinée, en séance publique, par la Haute Assemblée.
M. Bruno Gilles. Il était temps !
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, par cette manœuvre, vous n’avez cherché qu’à éviter de parler du fond. Cela ne nous a pas échappé, et cela n’échappera pas aux Français !
Vous avez également tenté de faire croire que le groupe communiste, républicain et citoyen était à l’initiative d’une mesure qui jouait contre les salariés. (Oui ! sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, pourriez-vous me dire combien d’emplois ont été créés par les nouveaux PUCE ? Je souhaiterais le savoir.
Mme Chantal Jouanno. Ce sont 10 000 emplois !
Mme Annie David, rapporteure. D’où tenez-vous ce chiffre ?
Mme Chantal Jouanno. C’est dans le rapport !
Mme Isabelle Pasquet. Je crois au contraire que les PUCE ont favorisé la précarité et la flexibilité de l’emploi, en multipliant les contrats à durée déterminée et les temps partiels. D'ailleurs, les trois organisations syndicales qui ont répondu à la sollicitation de notre rapporteure apportent tout leur soutien à cette proposition de loi.
Vous avez également affirmé que la loi Mallié permettait aux salariés travaillant le dimanche de bénéficier d’importantes contreparties.
Importantes, dites-vous ? Pour les caissières de Dia – ex-ED – à Albertville, le travail le dimanche ne rapporte que cinq euros de plus qu’une journée ordinaire…
Mme Annie David, rapporteure. C’est lamentable !
Mme Isabelle Pasquet. Est-ce cela que vous appelez une « contrepartie importante » ? Ce n’est même pas le prix d’un sandwich ?
Mme Éliane Assassi. C’est scandaleux !
Mme Isabelle Pasquet. Ce pourrait être risible si ce n’était pas si grave.
À Plan de Campagne, la contrepartie n’excède pas 25 % : le salaire n’est donc pas doublé, mais il a simplement été majoré au taux des heures supplémentaires.
M. Bruno Gilles. C’est faux ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur Gilles, consultez l’accord relatif à Plan de Campagne !
M. Bruno Gilles. Je l’ai ; le voici ! (M. Bruno Gilles brandit un document.)
Mme Isabelle Pasquet. Lisez-le et vous constaterez que, pour les salariés, la seule vraie mesure protectrice, la seule vraie contrepartie importante, c’est ce que nous proposons : le doublement du salaire. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
D'ailleurs, je note que, si la loi doit impérativement permettre aux commerces situés dans une même rue de pouvoir ouvrir simultanément, vous faites bien peu de cas de la situation des salariés. Il vous indiffère que ceux qui travaillent dans des commerces situés du côté pair soient payés double, alors que ceux qui travaillent côté impair ne bénéficient d’aucune contrepartie. Ce qui compte pour vous, c’est moins l’égalité des salariés que l’égalité des commerçants !
Chers collègues du groupe UMP, les salariés seront heureux de voir le peu de cas que vous faites d’eux !
Par ailleurs, ils n’ignorent rien du sort que le Gouvernement leur réserve.
Vous avez déclaré que notre proposition de loi aurait pour effet de réduire leur pouvoir d’achat... Curieuse remarque de la part de ceux qui, à grands coups de franchises médicales, de forfaits hospitaliers, de hausse de la TVA, de taxation des contrats mutualistes et des indemnités journalières en cas d’accidents ou de maladie professionnelle, d’instauration de journée de carences supplémentaires, de déremboursements constants des médicaments pour les patients souffrant d’une affection de longue durée, ne cessent de porter atteinte au pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.) et qui, dans le même temps, accordent 1,9 milliard d’euros aux riches contribuables imposables à l’ISF.
Voilà ce qui, chaque jour, fragilise le pouvoir d’achat !
M. François Calvet. La vérité vous rattrapera !
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, vous dites que notre main a tremblé, puisque nous ne supprimons pas les PUCE existants. Mais qu’auriez vous dit si nous l’avions fait ? Vous nous auriez accusés d’être dogmatiques, d’entraîner la suppression de plusieurs centaines d’emplois. Justement, si nous ne supprimons pas les PUCE, c’est pour maintenir l’emploi et tenir compte des réalités locales.
Quant à la suppression de 250 000 emplois qu’induirait l’adoption de cette proposition de loi, je m’interroge : de quoi parle-t-on ? D’estimations qui, selon le rapport lui-même, sont floues ? D’emplois précaires, sous-payés, peu rémunérateurs ? De ces miettes d’emplois qui contribuent au précariat ? Est-ce ce que vous voulez pour les jeunes et les salariés de notre pays ?
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, nous voterons contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations de surprise feinte sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. Xavier Bertrand, ministre. Il faut savoir ce que vous voulez ! Je vous réponds, puisque vous m’interpellez ! Et comme vous n’avez pas tout dit, je vais moi-même le faire.
Vous avez parlé de Dia à Albertville. La réalité est simple : un accord a été passé avec Dia.
Mme Isabelle Pasquet. Obtenu au bout de deux ans de conflit !
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet accord prévoit une majoration de 30 % de la rémunération pour le travail du dimanche. Sauf qu’à chercher à donner des chiffres ridiculement bas, vous avez oublié de préciser l’essentiel : le dimanche, les employés de Dia à Albertville ne travaillent pas toute la journée, seulement le matin.
Mme Annie David, rapporteure. Heureusement !
M. Xavier Bertrand, ministre. Admettons que ces salariés soient à temps partiel et rémunérés au niveau du SMIC.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, 30 % de la rémunération correspondent à cinq euros !
Mme Annie David, rapporteure. Tout à fait !
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame la rapporteure, laissez-moi poursuivre mon explication.
Je me suis rendu à Albertville, où j’ai discuté avec les services de la direction générale du travail.
Mme Annie David, rapporteure. Vous avez refusé sur place de rencontrer les salariés ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame la présidente, sachez que je ne suis pas du genre à rester enfermé dans mon bureau ! Je me déplace dans les entreprises ou sur le terrain, et toute délégation souhaitant me rencontrer est reçue, soit par moi-même, soit par des membres de mon équipe. Je ne suis donc pas le bon client pour ce type de reproches !
Mme Annie David, rapporteure. C’est faux ! Vous avez refusé de rencontrer les salariés de Dia !
M. Xavier Bertrand, ministre. Une majoration de 30 % équivaut peut-être à un gain de cinq euros, mais tenons le raisonnement inverse : si votre texte est appliqué, vous pourrez toujours ridiculiser les cinq euros, mais les salariés concernés, eux, perdront trente-cinq euros par semaine !
Voilà la réalité, mais vous ne le dites pas ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Éliane Assassi. Augmentez les salaires ! Augmentez le SMIC !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous m’avez interrogé sur le nombre de salariés concernés. Je ne cite pas des chiffres au hasard, ils figurent dans le rapport de Pierre Méhaignerie, au paragraphe intitulé « Les autorisations administratives accordées dans les PUCE ». Voici ce que l’on y lit : « Le nombre de salariés potentiellement concernés par les PUCE créés est estimé entre 9 000 et 10 000 salariés par la direction générale du travail, dont plus d’un millier travaille notamment dans le PUCE de Plan de Campagne ».
Mme Annie David, rapporteure. Il ne s’agit pas de créations d’emplois !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous voulez des chiffres concrets et précis ? Les voilà ! Si votre proposition de loi était adoptée, Plan de Campagne serait rayé de la carte et ses emplois dominicaux supprimés ! Telle est la réalité des chiffres. (Applaudissements nourris sur les travées de l’UMP. - M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme Isabelle Debré. Si vous aviez étudié le rapport, ma chère collègue, vous n’auriez pas eu à poser cette question !
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai constaté aujourd’hui qu’une certaine turbulence régnait dans cet hémicycle (Sourires.) J’ai pensé que cette situation était peut-être due au fait que certains découvrent, d’un côté, les délices de l’opposition (Ah ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) et, de l’autre, les contraintes de la majorité ! (Ah ! sur les travées de l’UMP.) Je ne sais pas si je parviendrai à ramener un brin de sérénité dans ce débat. (On en doute sur les travées de l’UMP.)
Cependant, je me permettrai d’observer modestement qu’il ne faudrait pas que notre assemblée devienne une Assemblée nationale bis ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) On m’applaudit, mais personne ici n’a le monopole de la turbulence, mes chers collègues… (Sourires.)
La quasi-unanimité de notre groupe votera contre cette motion, parce qu’il nous semble que le travail parlementaire a été correctement réalisé. Le débat peut se poursuivre, c’est évident, mais chacun doit appréhender la situation d’une manière sereine.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, défendre la liberté de travailler le dimanche revient un peu à défendre la liberté du renard dans le poulailler ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Annie David, rapporteure. Exactement !
M. François Fortassin. Par ailleurs, je dirai à notre collègue provençal qui a brandi des documents – l’origine régionale explique peut-être cette habitude ! –, que je détiens, moi aussi, des documents compromettants (M. François Fortassin brandit un dossier. – Rires sur un grand nombre de travées.), des documents qui prouvent, en particulier, que certains salariés, lorsqu’ils travaillent le dimanche, ne sont pas davantage payés qu’en semaine. Il faut aussi le dire ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà !
M. Philippe Dallier. Il ne faut pas non plus généraliser !
M. François Fortassin. Enfin, gardons un peu de mesure ! Nous sommes tous responsables ! L’État n’est pas capable, sauf en période d’épidémie, d’imposer des gardes médicales, le dimanche, dans un certain nombre de régions qui constituent de véritables déserts médicaux, mais l’on ne verrait aucun problème à ce qu’il protège les vendeurs de casseroles ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Évitons donc d’aborder cette question sous un angle idéologique.
À titre personnel, même si je reconnais que l’on peut défendre de chaque côté de cet hémicycle des arguments valables, je serai toujours du côté des travailleurs, qui n’ont parfois pas le choix et sont même souvent assez mal traités ! (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable et le Gouvernement un avis favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 40 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l’adoption | 166 |
Contre | 177 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. François Trucy. J’espère que M. Guérini a bien voté !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour un rappel au règlement.
Mme Isabelle Debré. Madame la présidente, avant la brève suspension de séance, j’ai demandé la parole pour un rappel au règlement, mais vous me l’avez refusée, alors qu’elle est de droit.
Je ne comprends pas ce refus, qui est contraire au règlement du Sénat.
Mme la présidente. Je ne vous avais pas entendue, ma chère collègue.
Mme Isabelle Debré. Dans ce rappel au règlement fondé sur les articles 36 et 40 du règlement, je tiens à relever un manque de respect à l’égard de M. le ministre, notamment.
Il s’agit pour nous non de faire de l’obstruction parlementaire mais de participer au débat !
En 2009, lorsque j’étais rapporteur de la proposition de loi qui devait devenir la loi dont nous parlons, jamais – je dis bien « jamais » –, il n’y a eu pareille ambiance au Sénat.
Il est vrai, madame le rapporteur, que vous n’avez prévu que deux heures pour examiner un texte d’une telle importance.
M. Hervé Maurey. Eh oui !
Mme Isabelle Debré. Souvenez-vous, mes chers collègues, que l’examen de la proposition de loi Mallié avait nécessité deux jours de débats, certes animés mais toujours dans le respect des personnes, ce que je ne retrouve pas aujourd’hui.
La gauche avait, à cette occasion, pris la parole à quatorze reprises sur les articles et avait formulé quatre-vingts explications de vote !
Jamais la majorité sénatoriale de l’époque ne s’est comportée comme la majorité sénatoriale aujourd’hui : c’est l’objet de mon rappel au règlement, madame la présidente. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme la présidente. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Demande de renvoi à la commission
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical (n° 90, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à Mme Isabelle Debré, auteur de la motion.
Mme Isabelle Debré. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, le renvoi à la commission des affaires sociales me semble s’imposer, tant l’examen du texte s’est révélé insatisfaisant du fait de la précipitation qui a prévalu.
Je suis vraiment étonnée, pour ne pas dire choquée, du peu de cas qui a été fait des différents acteurs concernés par cette proposition de loi.
M. Didier Guillaume. Déjà dit !
Mme Isabelle Debré. Je songe, tout d’abord, aux partenaires sociaux. Ma collègue Catherine Procaccia a déjà rappelé que le « protocole Larcher » n’avait pas été respecté.
Mme Annie David, rapporteure. C’est faux !
Mme Annie David, rapporteure. Des mensonges répétés à tour de bras ne font pas une vérité !
Mme Isabelle Debré. Je précise que ce protocole, souhaité par le Gouvernement et par le président Larcher, a été approuvé par le bureau du Sénat le 16 décembre 2009. A ainsi été créée une procédure de concertation préalable des partenaires sociaux en cas d’examen par le Sénat de propositions de loi à caractère social. Je précise que c’est un protocole propre à la Haute Assemblée.
Ce qu’il faut retenir de la procédure, c’est que l’auteur de la proposition de loi avertit la conférence des présidents, puis fait parvenir son texte par courrier aux partenaires sociaux. Passé un délai de quinze jours, en l’absence de réponse des organisations représentatives, il peut, en conférence des présidents, solliciter l’inscription du texte à l’ordre du jour.
Au lieu de cela, Mme Borvo Cohen-Seat et son groupe ont obtenu l’inscription immédiate de la proposition de loi lors de la conférence des présidents du 19 octobre dernier, au mépris des règles que nous nous étions fixées.
M. Rémy Pointereau. Scandaleux !
Mme Isabelle Debré. Ce n’est que dans un second temps que les courriers ont été adressés aux partenaires sociaux. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Si le protocole avait été scrupuleusement respecté, le groupe CRC n’aurait pu que faire part de son souhait que le texte soit inscrit – je tiens à votre disposition les documents qui attestent mes propos.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je demande la parole.
Mme Isabelle Debré. À l’examen du compte rendu de la conférence des présidents de ce jour-là, nous pouvons constater – et, malheureusement, déplorer – que le président du Sénat cautionne cette méthode, expliquant que l’on pouvait prendre en considération – écoutez bien, mes chers collègues – « le fait que nous sommes dans une phase de transition ». (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. André Reichardt. Vraiment scandaleux !
Mme Isabelle Debré. De quelle transition parlons-nous : d’une transition vers moins de dialogue, vers moins de démocratie, vers plus de précipitation ? Est-ce cela, mes chers collègues, le nouveau Sénat ?
M. André Reichardt. Non !
Mme Isabelle Debré. Ainsi, la gauche s’exempte, à peine élue, des règles qu’elle a toujours réclamées !
Le protocole Larcher n’a pas été respecté. L’envoi des courriers a eu lieu, certes, mais bien tardivement, ne permettant qu’à peu de partenaires sociaux de répondre.
La présidente de la commission des affaires sociales a admis, en commission, ne pas avoir reçu toutes les réponses, sans apparemment s’en inquiéter. Le fait que, je cite Mme David, « le dialogue avec les partenaires sociaux pourra naturellement se poursuivre tout au long de la navette parlementaire » semble lui être suffisant.
Il faut souligner que Mme David a également reconnu ne pas avoir eu le temps de procéder à des auditions, d’abord parce que l’inscription du texte à l’ordre du jour s’était présentée très rapidement, ensuite parce que les travaux entourant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne l’avaient pas permis.
C’est, me semble-t-il, assez grave et surtout inattendu !
Lorsque l’on sait que le temps va manquer pour permettre à la commission de mener à bien ses travaux sur une proposition de loi – le PLFSS étant effectivement, ma chère collègue, un texte très lourd à examiner –, il me semble que le bon sens commande de reporter l’inscription du texte à un ordre du jour ultérieur.
M. François Calvet. Un dimanche ! (Sourires.)
Mme Isabelle Debré. Je citerai encore l’un des arguments de Mme le rapporteur lorsqu’elle a demandé l’inscription du texte à l’ordre du jour en conférence des présidents – je tiens le compte rendu à votre disposition.
Mme Annie David a fait valoir que la concertation – je dirais plutôt l’absence de concertation – était suffisante, puisque les travaux précédant l’adoption de la loi du 10 août 2009 avaient donné lieu à de « très larges concertations ». Selon elle, « les avis des uns et des autres » seraient donc largement connus. Il est vrai que, lorsque j’étais rapporteur, nous avons procédé à toutes les auditions, et que celles-ci étaient ouvertes, je tiens à le préciser.
Il me semble pourtant qu’il serait opportun d’avoir un nouvel éclairage des partenaires sociaux sur l’application de la loi du 10 août 2009.
Là est toute la question. Comment cela se passe-t-il aujourd’hui sur le terrain ? Quelles sont les impressions des salariés, des chefs d’entreprises, des consommateurs ? A-t-on assisté à la généralisation du travail le dimanche annoncée en 2009 ?
Je ferai en outre remarquer que notre commission a accueilli de nouveaux sénateurs, de toutes tendances politiques, depuis les débats de la loi du 10 août 2009. Vous n’êtes pas sans savoir que les élections sénatoriales ont particulièrement remanié la composition de notre commission et de notre hémicycle.
Nos collègues, nouveaux venus, auraient sans doute souhaité être davantage éclairés sur un sujet aussi important que celui du repos dominical et disposer de tous les éléments pour pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause sur les avantages et les inconvénients de ce texte.
Le travail de la commission n’est pas le travail de son seul rapporteur. Je ne doute pas des connaissances de notre présidente sur le sujet de la loi du 10 août 2009 et de ses enjeux, mais il me semble que ce sont les membres de la commission qui adoptent le rapport.
Il y a lieu d’être surpris de la manière dont s’organise le travail parlementaire depuis l’arrivée de la nouvelle majorité au Sénat.
Manifestement, il fallait amener au plus vite le sujet du repos dominical sur le devant de la scène afin d’attirer les projecteurs sur la position de la gauche, à la veille de l’élection présidentielle, comme le soulignait très justement M. le ministre. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Cette précipitation, que je dénonce, a valu à votre texte initial, madame le rapporteur, d’être parsemé de nombreuses erreurs, voire d’invraisemblances.
Mme Annie David, rapporteure. Seuls ceux qui ne font rien ne se trompent jamais !
Mme Isabelle Debré. Oui, mais ceux qui vont trop vite se trompent beaucoup ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Dallier. Bravo !
Mme Isabelle Debré. À l’article 4, nous avons pu découvrir, avec surprise, la proposition d’appliquer le code du tourisme, au lieu du code du travail, pour la définition de la notion de commune touristique. Ainsi auraient été visées, mes chers collègues, non plus 575 communes mais, tenez-vous bien, près de 3 500 communes,…
Mme Isabelle Debré. … c’est-à-dire que l’on généralisait le travail du dimanche à toutes les communes de France accueillant sur une partie de l’année des touristes !
Belle avancée, madame le rapporteur !
Autre exemple – je ne sais d’ailleurs s’il s’agissait d’une erreur ou d’un élan ensuite réprimé –, le texte initial prévoyait purement et simplement la suppression des PUCE existants. Heureusement, en commission, Mme le rapporteur a décidé de « prendre en compte les réalités constatées sur le terrain et de ne pas créer une instabilité juridique qui serait de nature à pénaliser les salariés eux-mêmes ».
Cette position a été soutenue tant par Mme Ghali que par M. Gilles concernant Plan de Campagne, c’est-à-dire que la droite comme la gauche étaient concernées. Mme le rapporteur s’en expliquait en ajoutant que « celles et ceux qui ont été embauchés pour travailler le week-end risqueraient de perdre leur emploi si les commerces pour lesquels ils travaillent devaient fermer le dimanche ».
Mme Isabelle Debré. J’ajoute que cette suppression allait à l’encontre de la décision des maires ayant demandé la création des PUCE dans le but d’offrir un cadre juridique sécurisé à leur zone de développement commercial ainsi qu’aux salariés volontaires pour travailler le dimanche, dont les conditions de travail se sont incontestablement améliorées – nous aurons l’occasion de le rappeler – grâce à la définition d’un socle de garanties obligatoires, notamment le droit au refus.
Bref, la suppression des PUCE existants a manifestement été prévue dans la précipitation et sans qu’en soient pesées toutes les conséquences !
Enfin et surtout, je souhaite souligner que, lorsque la loi du 10 août 2009 a été discutée, il a semblé primordial à l’opposition d’alors de prévoir un suivi de l’application de la loi.
Ainsi, aux termes de l’article 4 de la loi, un comité, « constitué de trois parlementaires appartenant à la majorité et de trois parlementaires appartenant à l’opposition, a été chargé de veiller au respect du principe du repos dominical posé à l’article L. 3132-3 du code du travail. » Ce comité devait présenter un rapport au Parlement afin de dresser le bilan de la mise en œuvre de la loi.
Il est tout à fait étonnant que les auteurs de la proposition de loi se soient empressés de légiférer, alors même que les conclusions de ce rapport n’étaient pas encore rendues publiques.
Cela démontre leur volonté de rejeter en bloc la loi de 2009, sans savoir si le travail le dimanche s’est généralisé dans les zones touristiques comme ils nous le prédisaient, sans savoir non plus si les salariés bénéficiant de la nouvelle législation ont vu leurs droits protégés par la négociation collective.
Le président Méhaignerie, soucieux que les sénateurs disposent de tous les éléments d’appréciation nécessaires, a accéléré la mise en forme du rapport. Le document a donc pu être distribué ce matin.
Si, à titre personnel, je connais le contenu de ce rapport, c’est parce que j’ai été membre de ce comité parlementaire, tout comme Mme le rapporteur. Il me semble que tel n’est pas le cas de nos collègues membres de la commission des affaires sociales, dont la position aurait pu être différente s’ils avaient lu le document.
Je me propose donc de vous présenter les principales données du rapport sur l’évolution des pratiques, d’une part dans les communes et dans les zones touristiques, d’autre part dans les PUCE, depuis la loi du 10 août 2009. Cela nous permettra d’examiner les éléments susceptibles de nous faire revenir sur ce que nous avons voté.
J’évoquerai tout d’abord les communes et les zones touristiques.
Contrairement à ce qui avait été allégué avec véhémence par l’opposition en 2009, on constate qu’il n’y a pas eu d’accélération des demandes de classement en communes et zones d’intérêt touristique depuis l’entrée en vigueur de la loi. Selon les informations transmises par la direction générale du travail, seules vingt-deux demandes de classement, soit moins de 4 % du nombre antérieur de communes et zones classées, ont été enregistrées depuis 2009.
Trois refus de classement sont intervenus depuis l’entrée en vigueur de la loi, concernant trois communes de Seine-et-Marne pourtant proches du parc Disneyland Paris. L’examen des motivations de ces arrêtés de refus montre bien que l’instruction des demandes de classement reste tout à fait approfondie et qu’elle témoigne toujours d’un examen rigoureux des critères de classement réglementaires.
Les auteurs de la proposition de loi que nous examinons reprochant à la loi de 2009 d’avoir instauré de graves différences de traitement entre les salariés, il est intéressant de relever que, sur le terrain, la réalité est tout autre.
Plusieurs accords d’entreprise conclus en matière de travail dominical ont uniformisé le régime des contreparties applicables aux salariés de l’entreprise, quels que soient le lieu d’implantation du magasin et le régime de dérogation. À titre d’exemple, je citerai Decathlon, Boulanger, SFD – les boutiques espaces SFR –, Maxi Toys France, Kiabi Europe et Leroy Merlin.
Permettez-moi maintenant de dire quelques mots du bilan de la création des PUCE.
Tout d’abord, il faut noter que les créations de PUCE par les préfets depuis la loi de 2009 demeurent limitées. Trente et un périmètres d’usage de consommation exceptionnel ont été créés, le premier pour la zone commerciale de Plan de Campagne, chère à Bruno Gilles, dans les Bouches-du-Rhône.
Il est intéressant de consulter la liste des PUCE créés ainsi que celle des dossiers en instance : on observe en effet que les conseils municipaux ayant présenté les demandes de classement sont représentatifs de l’ensemble de l’éventail politique.
L’examen des arrêtés de classement montre que les préfets vérifient parfaitement l’ensemble des critères définis par la loi : l’usage de consommation dominicale et l’importance de la clientèle du dimanche, la situation des zones commerciales et les moyens d’y accéder, ainsi que la délimitation du périmètre.
Comme je l’ai dit au sujet des accords collectifs, la majorité d’entre eux prévoient expressément un doublement de la rémunération ou une majoration de 100 % des heures travaillées le dimanche.
En ce qui concerne les décisions unilatérales de l’employeur, 399 demandes de dérogations ont été recensées au 1er juin 2011. Je rappelle que, dans ce cas, l’employeur est tenu d’octroyer au salarié un salaire double et un repos compensateur équivalent à la durée du travail dominical.
Concernant la mise en œuvre des dispositions garantissant le volontariat, les accords de la société Kiabi Europe et de Decathlon prévoient que les salariés volontaires peuvent revenir sur leur engagement moyennant le respect d’un préavis d’un mois.
L’accord de la société Cultura prévoit que, dans les établissements ouvrant tous les dimanches, le document permettant au salarié de faire savoir s’il est volontaire pour travailler tout ou partie des dimanches de l’année devra comporter un paragraphe précisant la possibilité de modifier le choix effectué, ainsi que la démarche à suivre. Les salariés ne souhaitant plus travailler le dimanche pourront cesser de travailler ce jour-là à la condition de notifier leur décision par écrit. Cette décision prendra effet dans un délai d’un mois.
Lors de l’audition des organisations syndicales, les représentants de la CFDT ont signalé quelques accords que leur organisation avait refusé de signer au motif qu’ils ne garantissaient pas suffisamment le volontariat des salariés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez dépassé votre temps de parole !
Mme Isabelle Debré. À titre d’exemple, la CFDT a refusé de parapher l’accord Kiabi,…
Mme Annie David, rapporteure. Vous avez dépassé votre temps de parole ! Il faut encore voter le texte.
Mme Isabelle Debré. … néanmoins signé par d’autres organisations syndicales représentatives – l’UNSA et le CFE-CGC –, au motif que la direction peut ne pas respecter le volontariat des salariés si 50 % d’entre eux sont absents ou expriment le même souhait de ne pas travailler le dimanche.
Ces cas demeurent toutefois marginaux, même s’il apparaît toujours possible, localement, d’aller plus loin dans l’approfondissement des droits des salariés.
Je pense sincèrement que, avec la loi du 10 août 2009, nous sommes parvenus à sortir d’une situation d’imprécision juridique tout en instaurant des règles très protectrices pour les salariés.
Vous le voyez, mes chers collègues, on peut parfaitement faire confiance aux partenaires sociaux pour veiller à ce que le volontariat soit une réalité sur le terrain. Grâce à la loi du 10 août 2009, cela est possible.
Pour conclure, les informations contenues dans le rapport du comité de suivi me semblent très intéressantes et montrent que la loi est appliquée de façon à la fois pragmatique et équitable.
Le groupe UMP demande donc le renvoi du texte à la commission afin que les partenaires sociaux soient respectés, que des auditions puissent être effectuées et que les informations du rapport du comité de suivi puissent être examinées. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Annie David, rapporteure. Je ne peux que remercier Mme Debré de tous ses éloges, elle qui a finalement fait la démonstration que la commission a très bien travaillé et a fortement amélioré la proposition de loi ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Dès lors, il n’y a pas de raison de renvoyer le texte à la commission. La commission émet donc un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je prie le Sénat de bien vouloir voter la motion que vient de présenter Mme Debré.
Je reviendrai maintenant, si Mme Debré me le permet, sur un certain nombre de sujets.
S’agissant tout d’abord de la suppression des PUCE et donc des garanties obtenues pour les 10 000 salariés concernés, je précise que seraient également visées les communes socialistes et les deux communes communistes.
Il a fallu la correction apportée par la commission, et donc la reconnaissance du bien-fondé de la loi Mallié de 2009, pour vous éviter, madame la rapporteure, une erreur encore plus importante.
Mme Annie David, rapporteure. Vous n’avez rien écouté !
M. Xavier Bertrand, ministre. Par ailleurs, je tiens à relever ce qui me paraît être une incohérence : les communes touristiques au sens du code du tourisme sont 3 600, contre 575 communes touristiques au sens du code du travail.
En somme, dans votre élan, madame la rapporteure, vous vous apprêtiez à faire ce que vous nous aviez reproché de vouloir faire au départ. Il a fallu l’intervention de la commission…
Mme Annie David, rapporteure. La commission a donc bien travaillé !
M. Xavier Bertrand, ministre. … pour éviter que l’erreur ne soit encore plus importante : 260 000 salariés, et non 250 000, étaient potentiellement concernés.
À cet égard, je tiens à dire que le comité de suivi, dont vous avez fait partie, madame la rapporteure, ainsi que deux autres sénateurs, …
Mme Isabelle Debré. J’ai le rapport ici !
M. Xavier Bertrand, ministre. … se félicite dans son rapport « de la rapidité de la publication des textes réglementaires d’application de la loi du 10 août 2009, la circulaire ayant été signée le 31 août et le décret le 21 septembre 2009 » et précise que, de ce fait, le premier PUCE a pu être créé dès novembre 2009.
Mme Annie David, rapporteure. C’était Plan de Campagne !
M. Xavier Bertrand, ministre. En effet, madame la rapporteure, je vous remercie de le rappeler.
Des garanties ont ainsi été apportées.
Je préfère de beaucoup la création de ce PUCE en novembre 2009 à la fermeture de Plan de Campagne le dimanche. Pour le millier de salariés concernés, cela fait tout de même une véritable différence (Applaudissements sur les travées de l’UMP.), comme d’ailleurs pour les consommateurs. Imaginez qu’ils arrivent un dimanche devant des portes closes et qu’il leur faille faire demi-tour…
Ce qui m’intéresse principalement, ce sont les salariés qui travaillent le dimanche et qui sont payés plus ce jour-là.
Par ailleurs, le comité « constate l’absence d’explosion du nombre des communes d’intérêt touristique, puisque seules huit communes ont été classées d’intérêt touristique depuis l’entrée en vigueur de la loi, sur un total de 575 communes, et sept nouvelles zones "d’animation culturelle permanente" ou "touristique d’affluence exceptionnelle" ont été créées, sur les 41 communes comportant une ou plusieurs zones classées. La lecture de la motivation des arrêtés de refus de classement montre que l’instruction est aussi rigoureuse qu’avant l’intervention de la loi. ». Voilà ce qui est écrit dans le rapport !
S’agissant des contreparties au travail dominical, le comité précise bien – c’est un point important – que les accords doivent garantir totalement le volontariat des salariés. En outre, il « appelle les partenaires sociaux à s’approprier la nouvelle législation dans le respect de la loi votée et à négocier de bonne foi ».
Voilà ce que dit clairement dans son rapport le comité dont vous êtes membre, madame la rapporteure. Il ne dit pas tout à fait la même chose que ce que vous avez laissé entendre tout à l’heure concernant la saisine des partenaires sociaux. Nous avons la réponse de trois d’entre eux.
Enfin, le comité « se félicite du fait que certaines grandes enseignes aient conclu des accords valables dans tous les cas de travail dominical, assurant ainsi l’égalité de traitement de leurs salariés travaillant le dimanche ».
Telle est la réalité, madame la rapporteure. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les membres du comité parlementaire chargé de veiller au respect du principe du repos dominical.
Leur rapport montre bien que la loi de 2009, loin de provoquer un recul, a permis une véritable avancée. Si recul il devait y avoir, c’est le texte qui nous est aujourd'hui soumis qui en serait à l’origine !
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous prie, mesdames, messieurs les sénateurs, de voter la motion présentée par Isabelle Debré tendant au renvoi du texte à la commission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. François Fortassin. Je demande la parole pour explication de vote.
Mme la présidente. Je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise, mon cher collègue.
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable et le Gouvernement un avis favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 41 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l’adoption | 165 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
M. Philippe Dallier. Sur quel article se fonde votre rappel au règlement, madame Borvo Cohen-Seat ?
M. Philippe Dallier. Ah !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je connais le règlement, monsieur Dallier, ne vous inquiétez pas !
Je déplore profondément la hargne dont a fait preuve l’opposition, ainsi que M. le ministre, à l’encontre de notre proposition de loi, de la présidente de la commission des affaires sociales et du groupe CRC.
Mme Isabelle Debré. Il n’y avait pas de hargne !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous aurions pu discuter sereinement de la situation des salariés qui travaillent le dimanche, particulièrement dans la distribution, de leurs conditions de travail, de leurs salaires misérables, de la précarité de leur emploi et, de manière générale, de leur mode de vie. C’eût été beaucoup plus productif et cela nous aurait permis de revenir sur le texte voté en 2009.
Or vous avez préféré vous livrer à des attaques ad hominem, vous agiter, voire faire preuve d’agressivité. On se serait cru à un meeting de l’UMP ! (Protestations sur les travées de l’UMP.) Mes chers collègues, nous ne sommes pas sur les estrades d’un de ces meetings,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous ne sommes pas à un meeting socialiste non plus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … où vous pouvez défendre à loisir la politique qui a eu les résultats que nous connaissons tous : hausse du nombre de chômeurs et bas salaires. La situation de nos concitoyens, dont vous êtes responsables, est de plus en plus difficile !
M. Michel Delebarre. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je tiens à dire que la procédure a été parfaitement respectée. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Madame Debré, cette proposition de loi garantissant le repos dominical a été déposée dans les temps : plus de six semaines avant la conférence des présidents qui l’a inscrite à l’ordre du jour. Le délai de deux semaines fixé pour la consultation des organisations a lui aussi été respecté.
Mme Isabelle Debré. Bien sûr, puisqu’il n’y a eu aucune audition !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le délai a été respecté !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est faux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au lieu de faire de la procédure procédurière, intéressez-vous plutôt au fond du dossier et posez-vous la question du bien-fondé de votre politique ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Isabelle Debré. J’ai été rapporteur de la loi Mallié en 2009 ! Je connais le dossier.
Mme la présidente. Madame Borvo Cohen-Seat, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. Hervé Maurey, pour un rappel au règlement.
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, il semble que nos travaux sur la proposition de loi garantissant le repos dominical soient terminés. J’aimerais savoir quel sera le sort de cette proposition de loi dont nous n’avons pas encore achevé l’examen, mais aussi celui du texte visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies, dont le débat était prévu cette après-midi même.
Je suis vraiment étonné de la manière dont travaille la Haute Assemblée depuis le changement de majorité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Si j’en juge d’après l’arrivée du ministre chargé des collectivités territoriales au sein de cet hémicycle, la proposition de loi sur les ouvrages d’art ne sera pas examinée aujourd'hui. Se pose donc un véritable problème d’organisation du travail parlementaire, qui affecte toutes celles et tous ceux qui ont travaillé sur ce texte.
Mme Annie David, rapporteure. Il va être examiné !
M. Hervé Maurey. Je pense notamment aux parlementaires qui siègent à la commission des lois, aux fonctionnaires qui y travaillent, aux collaborateurs des groupes politiques et aux assistants parlementaires, qui ont fait en sorte que le débat sur ce texte puisse avoir lieu aujourd'hui. Or, en l’état actuel des choses, on ne sait même pas quand son examen aura lieu !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est de votre faute !
M. Hervé Maurey. Nous avons siégé quatre heures cette après-midi. Deux heures étaient prévues pour l’examen de la proposition de loi garantissant le repos dominical : nous n’avons même pas commencé à débattre de l’article 1er ! Cela démontre, une nouvelle fois, la mauvaise organisation du travail parlementaire au Sénat depuis le mois d’octobre dernier. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Annie David, rapporteure. C’est une honte de dire cela ! C’est de la provocation ! Vous faites preuve de mauvaise foi !
M. Hervé Maurey. Il s’est passé exactement la même chose, il n’y a pas si longtemps, avec la proposition de loi portant diverses dispositions relatives à l’intercommunalité présentée par M. Sueur.
Nous devions examiner ce texte dans l’après-midi du mercredi 2 novembre, de quatorze heures à dix-huit heures. Or, à l’issue de ce laps de temps, l’examen des articles n’avait même pas commencé. Ils ont été débattus la nuit suivante, ce qui n’a pas été pratique pour les parlementaires qui avaient quitté Paris et qui ont dû revenir le jeudi soir ! La discussion sur l’article 1er a débuté à une heure du matin. La séance a été levée à quatre heures, alors que nous examinions l’article 5. Il a donc fallu que nous revenions vendredi après-midi à quatorze heures trente !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous reviendrez travailler le dimanche !
M. Hervé Maurey. Je trouve extrêmement préoccupante la manière dont s’organise le travail parlementaire sous la gouvernance de la nouvelle majorité.
Madame la présidente, j’aimerais donc que vous nous indiquiez quand se poursuivra le débat sur la proposition de loi garantissant le repos dominical, qui souffre déjà d’avoir été bâclée en commission, ainsi que Mme Debré l’a rappelé fort à propos.
Mme Annie David, rapporteure. La commission a amélioré le texte ! Elle ne l’a pas bâclé !
M. Hervé Maurey. Je souhaite également savoir quand la proposition de loi sur les ouvrages d’art pourra être discutée. Cette dernière nous paraissait d’ailleurs tellement intéressante qu’un certain nombre de membres du groupe de l’UCR étaient prêts à l’adopter, bien qu’elle émane du groupe CRC. Au passage, cela montre combien notre groupe aborde l’examen des textes avec pragmatisme et dans le seul souci de l’intérêt général et des territoires que nous représentons. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
Mme la présidente. Monsieur Maurey, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La conférence des présidents avait prévu pour aujourd'hui, mercredi 16 octobre, un ordre du jour réservé au groupe CRC d’une durée de quatre heures, de quatorze heures trente à dix-huit heures trente.
Je constate que, à ce stade, nous n’avons pas terminé le premier des deux textes inscrits par le groupe CRC.
Je vous propose de renvoyer à la conférence des présidents, qui va se réunir à dix-neuf heures, le soin de régler ce problème.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour un rappel au règlement.
M. Philippe Dallier. Je voudrais faire un rappel au règlement portant sur l’utilisation des rappels au règlement faite par les sénateurs de la majorité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Recourir à cette procédure suppose de faire référence à un article précis du règlement du Sénat. Or, madame Borvo Cohen-Seat, vous vous êtes fait une spécialité d’utiliser ces rappels au règlement pour exposer votre point de vue sur un sujet ou sur un autre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est normal, c’est le règlement !
M. Philippe Dallier. Non, madame ! C’est un dévoiement du règlement du Sénat. En particulier, vous ne pouvez pas vous appuyer sur l’article 36 pour solliciter un rappel au règlement. Vous pouvez utiliser l’article 40 ou une autre disposition, mais pas l’article 36.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous faites de la procédure !
M. Philippe Dallier. D’un côté, vous vous plaignez que les débats s’éternisent et qu’ils ne permettent pas d’étudier les textes au fond. C’est d’ailleurs ce qui va se produire pour cette proposition de loi sur le repos dominical. De l’autre, le groupe CRC a pour spécialité de faire traîner les discussions en longueur !
Lisez le règlement, retenez-le et appliquez-le à la lettre, vous gagnerez du temps, et nous aussi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Monsieur Dallier, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. François Rebsamen, pour un rappel au règlement.
M. François Rebsamen. Je voudrais rappeler un certain nombre de principes qui doivent régir le fonctionnement de la Haute Assemblée.
Tout d’abord, l’ordre du jour de nos séances est réglé par la conférence des présidents. L’ordre du jour arrêté d’un commun accord en conférence des présidents ne peut donc pas faire l’objet à la fois d’un consensus pendant celle-ci et d’une contestation en séance plénière !
M. Michel Delebarre. Exactement.
M. François Rebsamen. En outre, je voudrais rappeler, sans aucun esprit de polémique, l’importance de l’échange et du débat. Le Sénat est un lieu où la démocratie doit régner.
Je me souviens que, lors de l’examen de certaines propositions de loi que le groupe socialiste avait déposées – le Sénat connaissait alors une configuration politique différente –, aucun membre de la majorité de l’époque n’était présent en séance. Les débats allaient donc beaucoup plus vite, puisque nous étions seuls !
Mme Catherine Procaccia. Vous voulez que nous sortions, peut-être ?
M. François Rebsamen. Toutefois, au moment du vote sur l’ensemble, la proposition de loi était rejetée par un scrutin public !
Je crois que nous devons nous féliciter de faire vivre la démocratie dans la Haute Assemblée et d’échanger des arguments – avec respect, naturellement, comme cela a été souligné par les uns et les autres. Que la démocratie règne au Sénat, quoi de plus normal ? Nous avons ainsi la chance d’entendre les arguments, longuement développés, de M. le ministre (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC) et de celles et ceux qui ont déposé la proposition de loi !
À cet égard, je voudrais faire un rappel à l’attention de ceux qui se plaignent d’avoir dû siéger un jeudi soir.
Mme Catherine Procaccia. Et un vendredi !
M. François Rebsamen. Lors de l’examen du PLFSS de l’année dernière, un remaniement gouvernemental, dont je ne conteste pas le principe, avait complètement décalé l’ordre du jour et le calendrier parlementaires. Nous avions dû revenir le samedi et le dimanche pour étudier le texte.
Mme Annie David, rapporteure. Exactement !
M. François Rebsamen. Nous avions certes fait un certain nombre d’observations à ce sujet, mais nous avions continué à siéger et à défendre nos positions.
Il est tout à fait normal que le Sénat soit un lieu de débat démocratique et respectueux, quels que soient les groupes qui présentent des propositions de loi. Je fais confiance à la conférence des présidents pour régler cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Michel Delebarre. Très bien !
Mme la présidente. Monsieur Rebsamen, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je m’exprime ici en tant que présidente de la commission des affaires sociales.
Monsieur Maurey, je vous demande de mesurer vos propos. (Exclamations sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. Michel Delebarre. C’est juste !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. En effet, je n’accepte pas que l’on puisse dire que la commission aurait « bâclé » son travail. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
La commission des affaires sociales s’est réunie mercredi dernier pour examiner la proposition de loi garantissant le repos dominical. Mme Debré a d’ailleurs admis que la commission avait amélioré le texte qui lui était présenté.
Mme Isabelle Debré. Pas du tout !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Le débat fut très intéressant. Chaque amendement a bénéficié du temps qu’il fallait pour être étudié. Les membres du groupe UCR présents lors de la réunion peuvent d'ailleurs en témoigner. Mme Dini en fait partie : elle pourra le confirmer.
Les sénateurs du groupe UMP m’ont annoncé en début de réunion qu’ils ne prendraient part ni aux votes ni aux discussions. C’est leur droit, et j’ai respecté ce choix. Cela n’a pas empêché le débat d’avoir lieu sur chacun des amendements. Différentes propositions de modifications du texte ont été étudiées, notamment une qui émanait de M. Kerdraon.
Essayer d’apporter des améliorations, autant que faire se peut, aux propositions ou aux projets de loi qui seront ensuite discutés en séance publique me semble être l’honneur du travail parlementaire. C’est ce que notre commission a fait !
Dire que le travail de la commission a été « bâclé » est extrêmement désagréable et méprisant à l’encontre de l’ensemble des sénateurs qui étaient présents lors de cette réunion.
Je vous demande donc, Monsieur Maurey, de retirer vos propos. (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On a le droit de s’exprimer ! Vous ne supportez pas la critique !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Les membres de la commission ne méritent pas cela. Même les membres du groupe UMP qui y siègent ne pourront pas prétendre pas que le travail a été bâclé !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ils n’ont certes pas voulu prendre part aux discussions, mais cela ne regarde qu’eux.
En ce qui me concerne, je pense que le travail a été mené correctement. Je n’accepterai pas d’entendre de tels propos, qui sont inadmissibles ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Souffrez tout de même que l’on ne pense pas comme vous !
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour un rappel au règlement.
Mme Isabelle Debré. Mon rappel au règlement porte sur les interventions de deux de nos collègues.
Monsieur Maurey, je confirme vos propos : le travail en commission n’a pas été fait correctement. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) Nous n’avons procédé à aucune audition.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Pour la loi Mallié non plus !
Mme Éliane Assassi. Prenez un peu de hauteur, madame Debré !
Mme Isabelle Debré. Nous ne pouvons pas traiter d’un sujet de cette importance, qui touche un problème de société véritablement crucial, en une heure.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est mensonger et honteux. Vous n’avez pas le droit de parler ainsi de la commission !
Mme Isabelle Debré. Comme je l’ai souligné en commission, si nous n’avons pas voulu prendre part au vote ni discuter des amendements, c’est pour une raison simple : nous proposions des amendements de suppression et vous nous avez annoncé d’emblée qu’ils recevraient, de toute façon, un avis défavorable.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Merci de le dire !
Mme Isabelle Debré. De plus, si vous tenez à tout dire, nous avons commencé à étudier ces amendements à une heure moins le quart de l’après-midi, alors que nous étions censés le faire à partir de midi.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne parle pas de cette réunion, mais de celle de la semaine dernière !
Mme Isabelle Debré. Les travaux de la commission ne respectent jamais les horaires fixés, comme les travaux en séance publique d’ailleurs.
Je voudrais répondre aussi à M. Rebsamen, dont j’ai beaucoup apprécié l’intervention. Je suis d’accord pour dire que les débats, au Sénat, étaient riches et respectueux.
J’ai été rapporteur de la proposition de loi Mallié en 2009. Cela a représenté pour moi un moment très fort. Tout d'abord, l’hémicycle était presque complet. Ensuite, tous les membres de notre assemblée se respectaient. Vous pouvez d’ailleurs relire les comptes rendus intégraux des débats de l’époque : il n’y a jamais eu d’invectives ni de manque de respect, au contraire de ce qui s’est passé aujourd'hui. C’est pourquoi, madame la présidente, j’invoque une fois de plus l’article 40 du règlement du Sénat.
On peut porter un regard différent sur la société et avoir des avis divergents. Mais on peut aussi, sinon s’aimer, du moins se respecter ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme la présidente. Madame Debré, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Rebsamen, au Sénat, les jours se suivent et se ressemblent : dans la nuit de lundi à mardi dernier, nous avons aussi pris notre temps, puisque nous avons achevé l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 à trois heures du matin. Cela témoigne de la tradition de dialogue républicain, parfois empreint de fermeté, mais toujours respectueux – ce point me semble particulièrement important – qui est celle de la Haute Assemblée.
Pour ma part, je n’ai pas à me prononcer sur l’organisation des travaux en commission, ni sur les temps de parole accordés aux groupes dans le cadre des niches parlementaires. Comme tout membre du Gouvernement, je suis à la disposition du Sénat.
Toutefois, permettez-moi de faire remarquer que la commission des affaires sociales a permis d’éviter que la facture ne soit encore plus lourde pour les salariés.
Mme Isabelle Pasquet. Cela prouve que la commission a travaillé !
M. Xavier Bertrand, ministre. À l’origine, c’étaient 260 000 salariés qui devaient voir leur pouvoir d’achat amputé. Au final, ils seront 250 000 à être concernés ! La commission a en effet considéré que l’intégration dans son dispositif des PUCE, les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, serait une erreur, faisant ainsi preuve de bon sens. Mais elle n’est pas allée jusqu’au bout de son raisonnement, hélas !
Madame Borvo Cohen-Seat, vous avez parlé tout à l'heure de « hargne ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dites plutôt d’agressivité !
M. Xavier Bertrand, ministre. Si ce texte est adopté en l’état, c’est la colère des salariés concernés que vous déclencherez ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quels salariés ?
M. Xavier Bertrand, ministre. J’ai demandé aux services de mon ministère d’évaluer les effets du dispositif que vous proposez ; la commission pourra tout aussi bien y procéder.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quels services ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Les choses sont claires : si votre texte est appliqué en l’état, chaque salarié concerné dans les zones touristiques verra son salaire amputé au minimum – je dis bien « au minimum », car il faudrait faire le calcul : dans certains cas, les heures du dimanche sont majorées de 25 %, bénéficient d’exonérations de charges sociales et sont exonérées de l’impôt sur le revenu ! – de 250 euros par mois. Voilà la face cachée du texte que vous proposez ! (Murmures sur les travées du groupe CRC.)
De plus, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, la majorité du Sénat a voté la suppression des exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires prévues dans la loi TEPA. Or ce sont plus de 9 millions de salariés qui bénéficient de ce dispositif. Tout cela constitue, à mes yeux, un recul inqualifiable, un scandale ! Voilà pourquoi j’espère que ce texte ne sera pas adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. François Rebsamen. Je demande la parole, madame la présidente.
M. Patrice Gélard. Sur quel article se fonde ce nouveau rappel au règlement ?
M. François Rebsamen. J’aimerais répondre à M. le ministre, qui a fort courtoisement cité mon nom.
M. François Rebsamen. Certes…
Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Monsieur le ministre, l’opposition au Gouvernement présente des propositions de loi et défend des amendements, mais c’est tout à fait normal dans un débat démocratique. Et le Sénat sert aussi à cela ! Aujourd'hui, deux conceptions différentes s’affrontent, et je puis vous dire que la situation ne va pas s’améliorer dans les mois qui viennent. En effet, il est normal que les Françaises et les Français soient éclairés sur les orientations des uns et des autres.
M. François Rebsamen. Monsieur le ministre, vous venez d’affirmer que la suppression de l’article 1er de la loi TEPA était une catastrophe.
Nous pensons, au contraire, que cet article constitue une erreur économique majeure. Autant on pouvait, à la rigueur, imaginer une exonération des heures supplémentaires dans une période de croissance et de plein emploi, autant cela nous semble aujourd'hui constituer une erreur économique, qui empêche d’embaucher et de lutter contre le chômage ; bref, c’est un dispositif qui bloque, vous le savez très bien, les créations d’emplois.
Le groupe socialiste-EELV continuera, en liaison avec le groupe CRC et le groupe du RDSE, à défendre des propositions de loi pour montrer les orientations stratégiques qu’il veut mettre en place : plus de justice fiscale et de justice sociale !
En effet, nous considérons que le Gouvernement met aujourd'hui à mal la justice fiscale et la justice sociale. Nous le ferons dans le respect,…
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas le cas de tout le monde !
M. François Rebsamen. … mais avec fermeté, conformément à la position que vous venez de défendre, monsieur le ministre. Je tiens d’ailleurs à souligner que, si de tels débats ont tout à fait leur place ici au Sénat, nous devrions-nous peut-être mieux maîtriser, les uns et les autres, nos interventions... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Isabelle Debré et M. André Reichardt applaudissent également.)
Mme Isabelle Debré. Parfaitement !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Rebsamen, vous venez de mettre en cause la politique du Gouvernement sur un sujet qui n’a pas de lien direct avec le texte que nous examinons.
M. François Rebsamen. C’est vous qui en avez parlé !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est un fait : la justice fiscale et la justice sociale sont mises à mal par la nouvelle majorité sénatoriale, que ce soit au travers de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires ou d’autres mesures ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
On vous dit pragmatique dans la ville dont vous êtes le maire… Pourquoi êtes-vous différent ici ?
M. Didier Guillaume. Il ne change pas ! Il s’améliore même !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous êtes pragmatique sur le terrain pour une seule et bonne raison : vous savez quelle est la réalité de l’entreprise.
Dans une entreprise de dix salariés, par exemple, le chef d’entreprise pourra proposer à huit ou neuf de ses employés – en effet, sont plus concernées par les heures supplémentaires les personnes qui sont à la production que celles qui sont au secrétariat – de faire deux heures supplémentaires. Pour autant, il ne recrutera pas quelqu’un d’autre pour travailler seize heures ! Il y a à cela une simple et bonne raison : le travail n’est pas un gâteau qui se partage !
La dernière fois qu’a été avancé l’argument du partage du travail, ce fut lors du passage obligatoire aux 35 heures, ce carcan incroyable qui a failli tuer l’économie française. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Vous avez parlé de justice fiscale, mais ce sont, vous devez le savoir, non pas les millionnaires qui font des heures supplémentaires,…
M. François Rebsamen. C’est sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. … ni même les cadres supérieurs, mais les ouvriers et les employés. Telle est la réalité !
À cet égard, les salariés ne volent le travail de personne : leur salaire est le leur, tout comme l’est la majoration de rémunération versée au titre des heures supplémentaires. Sur le terrain, je vous souhaite bien du courage pour expliquer votre position.
Pour ma part, je visite toutes les semaines des entreprises et, récemment, lors d’un déplacement en Haute-Saône, on m’a demandé si le Gouvernement allait maintenir la majoration versée au titre des heures supplémentaires. Ma réponse a été claire : oui ! Les 35 heures ont empêché les salariés de gagner davantage,…
M. Michel Vergoz. Pourquoi ne les avez-vous pas supprimées ?
M. Xavier Bertrand, ministre. … mais il est vrai que nous n’avons pas la même conception à cet égard. En tout cas, si vous continuez à remettre en cause ces avantages pour les salariés, vous nous trouverez sur votre chemin !
Un fait me marque : la gauche fait preuve ici d’un véritable esprit de revanche. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Mais je vais vous dire une chose, mesdames, messieurs les sénateurs : vous n’êtes pas encore arrivés aux responsabilités, et les Français commencent à ouvrir les yeux sur la politique du parti socialiste. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On n’est pas à un congrès de l’UMP !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour un rappel au règlement.
Toutefois, mes chers collègues, je tiens à vous faire remarquer que nous avons un ordre du jour à respecter, et cela en vertu de la conférence des présidents…
Mme Isabelle Debré. Sur quel article se fonde votre intervention ?...
M. Didier Guillaume. Sur celui que vous voudrez, ma chère collègue ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Je ne vais pas clore ce débat, car je sais qu’il se poursuivra. Permettez-moi de remercier la présidente de la commission des affaires sociales, notre collègue Annie David, d’avoir défendu, selon ses convictions, ce texte. D’ailleurs, ainsi que l’a souligné François Rebsamen, la Haute Assemblée a pour mission de déposer des textes et d’en débattre.
Mme Isabelle Debré. Dans le respect !
M. Didier Guillaume. Certes, mais les torts comme les qualités sont partagés !
Mme Isabelle Debré. Pas vraiment !
M. Didier Guillaume. Il n’y a pas, d’un côté, les vertueux et, de l’autre, ceux qui ne le seraient pas ; pas plus qu’il n’y a, d’un côté, les réalistes et, de l’autre, les utopistes, ou ceux qui connaissent le terrain et ceux qui ne le connaissent pas ! La Haute Assemblée compte 348 sénateurs : tous ont les mêmes responsabilités et sont des acteurs de terrain.
Je veux rendre hommage à Mme David, qui a décidé, en accord avec ses convictions politiques, je le répète, de déposer ce texte. Ce n’est pas par esprit de revanche, monsieur le ministre !
M. Didier Guillaume. Si nous souhaitons qu’une nouvelle majorité arrive aux affaires en mai prochain, ce n’est pas par esprit de revanche !
M. Didier Guillaume. Nous n’avons pas l’intention de détricoter ce que vous avez fait !
Mme Éliane Assassi. Nous voulons changer les choses !
M. Didier Guillaume. Nous souhaitons non pas tellement détricoter les lois de la droite, qui sont empreintes d’iniquité, mais retisser du lien social et mettre en œuvre, dans notre pays, comme l’a souligné notre collègue François Rebsamen, une justice sociale et une justice fiscale. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Nous n’avons pas la même analyse que vous, mais c’est la démocratie ! Nous n’avons pas les mêmes convictions ni même – et loin de moi l’idée d’être « grossier » ! –, le même programme politique ! Dans quelques mois, les Françaises et les Français auront à choisir celles ou ceux qui leur sembleront avoir le meilleur programme.
En soutenant cette proposition de loi, nous pensons à toutes les femmes et à tous les hommes qui sont obligés de travailler le dimanche sans être payés plus, alors qu’ils pourraient être en famille.
L’une de nos collègues a évoqué tout à l'heure les familles monoparentales, qu’il ne faut pas stigmatiser d'ailleurs. Or il existe aussi des familles recomposées, et certaines mères veulent voir leurs enfants le dimanche parce qu’elles travaillent dur toute la semaine. L’objet de cette proposition de loi est non pas d’interdire le travail le dimanche, mais d’empêcher qu’il ne devienne la règle.
Mme Chantal Jouanno. C’est dans la loi !
M. Didier Guillaume. Il est possible de travailler le dimanche en vertu de certains accords, mais le travail du dimanche ne saurait être la règle.
Sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres, nous avons des analyses différentes, des convictions différentes, mais il faut les respecter.
Concernant l’organisation de nos travaux, nous devons saisir la conférence des présidents qui va s’ouvrir dans quelques instants de la façon dont se déroulent les débats dans les espaces réservés aux groupes parlementaires.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas la première fois que cela se passe ainsi !
M. Didier Guillaume. Notre collègue Hervé Maurey a dit tout à l'heure qu’il ne comprenait plus la gouvernance mise en place au Sénat depuis le 1er octobre dernier. Veillons à ne pas dire n’importe quoi : on ne peut pas prétendre que l’on était dans la lumière auparavant et que l’on est dans les ténèbres aujourd'hui !
La façon dont se déroulent les discussions dans le cadre des espaces réservés décrédibilise la Haute Assemblée.
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Nous sommes bien d’accord !
M. Didier Guillaume. Nous devons travailler différemment.
Quoi qu’il en soit, vous ne pourrez pas empêcher les groupes aujourd'hui majoritaires, qui étaient dans l’opposition hier, de proposer des textes fondés sur leurs convictions.
Mme Isabelle Debré. Nous n’avons jamais dit cela !
M. Didier Guillaume. Nous devons débattre, et si vous n’êtes pas d’accord, votez contre ! Néanmoins, la conférence des présidents doit prévoir des temps de parole plus importants, et nous devons nous aussi, chers collègues de la majorité, respecter les règles. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. Très bien ! On est d’accord !
M. Didier Guillaume. Il y va de la crédibilité de la Haute Assemblée.
Cela dit, ne nous faites pas de procès d’intention ou n’émettez pas des critiques sur tous ces sujets !
Madame Debré, vous avez parlé de la joie que vous aviez eue à être rapporteur de la proposition de loi de 2009. Mais si l’on considère l’ensemble des propositions de loi qui ont été examinées depuis une dizaine d’années, on verra qu’il y a eu de tout temps des problèmes.
Mme Isabelle Debré. Je parle de ce que je connais !
M. Didier Guillaume. Respect ! Liberté de conscience ! Liberté de conviction ! La démocratie jouera son rôle : les Françaises et les Français trancheront, car ce sont eux les arbitres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Monsieur Guillaume, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La suite de la discussion de cette proposition de loi est renvoyée à une prochaine séance.
7
Abrogation du conseiller territorial
Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste-EELV, de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues (proposition n° 800 [2010-2011], texte de la commission n° 88, rapport n° 87).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteure de la proposition de loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je précise d’emblée que cette proposition de loi a été inscrite dans les temps et examinée en toute sérénité par la commission compétente.
M. Michel Delebarre. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Merci de le confirmer, mon cher collègue !
Dès l’inscription à l’ordre du jour des propositions issues du rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur, mon groupe a pris position contre la création du conseiller territorial. Le débat parlementaire sur la réforme des collectivités locales n’a pu que nous conforter dans notre conviction.
Par conséquent, je me réjouis que cette proposition de loi déposée par mon groupe et visant à abroger le mandat de conseiller territorial ait rassemblé l’ensemble de la gauche sénatoriale. L’adoption de ce texte permettra à la démocratie de l’emporter et répondra au souhait exprimé par une majorité d’élus locaux. Le verdict est tombé avec le résultat des élections sénatoriales !
Le débat sur la réforme des collectivités locales s’est polarisé sur quelques points qui ont fortement marqué la campagne sénatoriale car, précisément, ils étaient contestés par de nombreux grands électeurs.
Il s’agit, bien sûr, de l’intercommunalité forcée, qui vient de connaître une première mise en cause avec le vote de la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur, et de la mise en place du mandat de conseiller territorial. Monsieur le ministre, ne vous en déplaise, ces dispositions ont pesé lourd dans le basculement à gauche du Sénat.
Les élus ont très bien compris que la réforme des collectivités locales et, en son sein, la création du conseiller territorial mettaient en cause l’existence des communes et des départements, donc la pérennité des services publics. Ils se sont sentis humiliés et méprisés. La presse a même parlé de « révolte des ruraux » !
Le Gouvernement et sa majorité auraient été mieux inspirés d’entendre les nombreuses critiques émanant des élus, y compris au sein de leur sensibilité politique.
Dès la première lecture, notre collègue Jean-Patrick Courtois, alors rapporteur de la commission des lois pour le projet de réforme des collectivités locales, avait été clair en évoquant la création du nouveau mandat de conseiller territorial : « Mes chers collègues, il s’agit là de la clef de voûte de cette réforme. »
« Clef de voûte », en effet, car il s’agit d’une disposition véritablement structurante de la réforme des collectivités territoriales voulue par le Président de la République et d’un vecteur du projet de société de l’UMP. Elle dessine une organisation territoriale qui rompt avec une très longue histoire, celle de l’autonomie communale, de la décentralisation et de la démocratie locale dans notre pays. Le conseiller territorial participe de cette déstructuration.
Le Gouvernement nous avait demandé de lui signer un chèque en blanc sur cette mesure structurante. En effet, dès décembre 2009, il portait à l’ordre du jour de notre assemblée la discussion en procédure accélérée du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, afin d’être en mesure, en 2014, de faire élire les conseillers territoriaux.
L’exposé des motifs de ce texte était explicite : « Permettre l’application de la réforme territoriale en mars 2014 ». En votant ce texte, la majorité d’alors anticipait sur les choix du Parlement, lequel n’avait pas encore débattu de la création de ces nouveaux élus.
Que ce soit sur la forme ou sur le fond, de bout en bout la démocratie a été la grande absente de la réforme des collectivités territoriales.
Voulant passer en force, le Gouvernement s’est montré sourd aux multiples critiques ou inquiétudes exprimées de toutes parts sur la création du conseiller territorial et sur son mode de scrutin.
Rappelons que, au sein de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par notre collègue Claude Belot, aucun accord politique ne s’était dégagé sur ce nouveau mandat. Celui-ci a également suscité l’opposition des délégations parlementaires aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, ainsi que de nombreuses associations féministes soucieuses du respect de la parité.
Si j’en crois le baromètre réalisé par le Courrier des maires et des élus locaux à l’occasion du dernier congrès de l’Association des maires de France, pour 52 % des maires la création du conseiller territorial est une mauvaise chose. Seulement 31 % d’entre eux la considèrent plutôt comme positive. Toutefois, selon le Président de la République, ne s’opposeraient à cette réforme que des « conservatismes » !
La création du conseiller territorial remet en cause l’esprit de démocratisation et de proximité qui sous-tendait les lois de décentralisation de 1982. Elle constitue une régression de la démocratie locale. Ce conseiller territorial, élu bicéphale, multicarte, cumulerait les mandats aujourd’hui distincts de conseiller régional et de conseiller général.
Ce nouvel élu irait à l’encontre de l’autonomie des collectivités territoriales, car nul doute que le cumul favoriserait une confusion entre les deux niveaux de collectivités et donc le risque d’une rivalité entre intérêts opposés. Qui décidera : l’élu régional ? L’élu départemental ? Nous ne savons pas !
Quant au risque de tutelle d’une collectivité sur une autre, donc de mise en cause du principe de libre administration, il est patent. Dans ces conditions, nul doute également que nous risquons d’assister au triomphe de la technocratie.
Monsieur le ministre, vous faites régresser la proximité des élus et des décisions, alors que les Français y sont précisément attachés. Du reste, la proximité des décisions va aussi nécessairement reculer avec le nombre des élus, puisque chacun d’entre eux sera attaché à un territoire plus étendu.
De fait, avec le cumul de deux fonctions électives, vous professionnalisez le mandat de conseiller territorial, contrairement à ce qu’exigerait une représentation sincère du peuple dans les assemblées.
La démocratisation nécessaire de la vie politique suppose la participation aux mandats électifs d’un nombre beaucoup plus grand de citoyens dans leur diversité. Or, avec ce conseiller territorial, vous prenez le chemin inverse. Nos concitoyens n’ont pas fini de percevoir leurs élus comme une « classe politique » éloignée de leur réalité !
Il est donc pour le moins consternant que le Président de la République n’ait pas hésité à discréditer les élus pour tenter de justifier son objectif : en réduire le nombre.
Quant au mode de scrutin, il était initialement renvoyé à un projet de loi ultérieur prévoyant un scrutin uninominal majoritaire à un tour, à l’anglo-saxonne. Du jamais vu dans notre histoire, tant il est antidémocratique ! Et inutile de dire que, dans un tel système, la dose de proportionnelle initialement prévue de 20 % était un leurre.
Finalement adopté après moult débats et coups de force, le scrutin uninominal à deux tours constitue une attaque frontale contre le pluralisme et la parité. Le Gouvernement a, en effet, tout simplement décidé de supprimer la proportionnelle qui est actuellement en œuvre pour l’élection des conseillers régionaux et que même le comité Balladur proposait à l’origine de préserver. Ce faisant a été programmée la fin de la parité, qui était enfin devenue effective dans les régions et qui constitue un objectif à valeur constitutionnelle depuis 1999.
À la fin de 2006 était soumis à notre assemblée un projet de loi tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. En introduction à son rapport, notre collègue Patrice Gélard soulignait : « Ce projet de loi constitue une nouvelle étape dans la mise en œuvre de la parité. ». Certes, c’était un texte a minima, mais, depuis lors, je constate que les nouvelles étapes se parcourent à reculons !
Nous connaissons le faible impact des sanctions financières ; regardons du côté de l’Assemblée nationale ! En outre, les candidats peuvent se déclarer sans étiquette lors de l’élection, puis se rattacher à un parti ou groupement pour contourner la loi. Cette disposition est là pour masquer la question du recul à prévoir de la parité.
Sur les futurs cantons, hormis leur nombre, nous ne savons toujours rien. Nous ignorons en particulier leur configuration. En revanche, nous savons que le tableau de répartition annexé à la loi consacrera de grandes disparités dans la représentation de nos concitoyens et des territoires, au mépris de leur égalité.
Nous savons aussi qu’il y a tout lieu de craindre les découpages sur mesure, comme on l’a vu pour les circonscriptions législatives. Je note d’ailleurs que le projet de loi initialement prévu renvoyait à une ordonnance pour la répartition des conseillers par département…
En créant un bloc départements-régions, le Gouvernement fait fi d’une réalité inhérente à l’existence des deux assemblées, à savoir que l’une est une instance de proximité et l’autre une instance de programmation. Le département n’est-il pas le premier partenaire de la commune ?
En réalité, tout concourt à faire disparaître les départements. Évidemment, vous ne l’avez jamais affirmé clairement, mais vous supprimez les conseillers généraux, autrement dit l’organe délibérant du département. Vous supprimez la compétence générale de ce dernier. Vous vantez une organisation territoriale articulée autour de deux couples : un ensemble départements-régions et un pôle communes-intercommunalités. Il est évident que, à terme, l’une de chaque composante est vouée à disparaître !
La volonté du Gouvernement de supprimer le département, comme la grande majorité des communes, est bien l’un des fils conducteurs de la réforme considérée dans son ensemble. C’est ce qu’a dit encore récemment Gilles Carrez dans Le Point, me semble-t-il.
Les élus coûtent cher, il faut en diminuer le nombre, a asséné le Président de la République, faisant valoir d’hypothétiques comparaisons européennes. Toutefois, dans leur majorité, les pays européens ont une organisation à trois niveaux. Il s’agit donc d’un faux procès !
Résultat : les assemblées régionales connaîtront des effectifs pléthoriques. Il est regrettable que les auteurs de l’étude d’impact n’aient pas travaillé sur les aménagements coûteux qui seront nécessaires pour accueillir les nouveaux conseillers, ni sur l’augmentation considérable à prévoir des frais de déplacement et de suppléance des conseillers territoriaux.
Les chiffres des économies à attendre de la réforme, annoncés là encore récemment par M. Gilles Carrez, paraissent, il faut bien le dire, peu fiables ! En réalité, nous ne disposons d’aucune étude d’impact précise.
Quant aux conclusions de la commission mixte paritaire sur la réforme, elles ont été votées dans des conditions inacceptables, puisque c’est un tour de passe-passe qui a permis de conclure, alors que l’échec de cette CMP était patent.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le conseiller territorial et la réforme des collectivités dans son ensemble font partie intégrante d’un plan gouvernemental de réduction de dépenses publiques utiles, que nous récusons et que les élus locaux eux-mêmes ont récusé.
Toute réorganisation territoriale doit avoir pour fin la satisfaction des besoins et des aspirations de nos concitoyens, et non l’avidité des grands groupes industriels, financiers et de services, qui n’attendent qu’une chose : se voir confier toujours plus de marchés que les collectivités locales devront abandonner, faute de moyens et de compétences, si la réforme devait être mise en œuvre.
En votant pour l’abrogation du conseiller territorial, la majorité de notre assemblée permettra enfin au Sénat d’assumer le rôle qui lui est imparti par la Constitution : être le représentant des collectivités locales, autrement dit légiférer dans leur intérêt et dans celui de leurs habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps est venu, je crois, de ramener un peu de calme et de sérénité dans le paysage local.
M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Depuis maintenant quelques mois, les élus locaux et les collectivités territoriales subissent un bombardement de mesures de toutes sortes, qui créent le désarroi et l’inquiétude.
De la réforme de la taxe professionnelle compensée d’une manière discutable, en passant par l’invention de nouveaux schémas territoriaux, jusqu’à la création du conseiller territorial, les élus ont le sentiment que, derrière cet ensemble de mesures, que je qualifierais plus de « paquet territorial » que de « réforme territoriale », se cachent un autre dessein et d’autres intentions.
D’une certaine manière, le conseiller territorial en est l’illustration, puisqu’on nous présente là un élu hybride, mi-départemental, mi-régional, au point que nul ne peut éviter de se poser la question de son évolution future : élu totalement départemental, au détriment des régions, ou, plus certainement, comme cela a été dit ou avoué par certains sur différentes travées, élu régional faisant disparaître le département ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Pour notre part, nous considérons que, si un débat doit être mené de manière approfondie sur l’avenir de nos territoires, sur les échelons de représentation et sur le rôle de chaque niveau de collectivité, il doit l’être de manière explicite et claire, afin de déterminer ce que nous voulons, les uns et les autres, et au moins partir d’engagements assumés, même si nous prenons ensuite des directions différentes.
Je n’insisterai pas sur cet aspect du problème,...
M. Bruno Sido. Dommage ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. ... bien que les arrière-pensées qui transparaissent derrière ces textes suscitent, je le répète, bien des angoisses et des inquiétudes.
Pour notre part – et je définis là peut-être l’esprit qui nous anime à l’égard de cette réforme –, nous avons de nombreux désaccords, et d’abord une différence de méthode : nous préférons le dialogue au passage en force, la discussion et les élus à l’autorité unilatérale des préfets. Au fond, nous préférons la concertation à une décision imposée par le Gouvernement à nos assemblées, sans véritablement respecter leurs réticences, leurs différences et leurs amendements.
Une partie de nos collègues de l’opposition sénatoriale, ex-majorité, en savent quelque chose, eux qui ont vu un grand nombre de leurs propositions disparaître sous les coups répétés du Gouvernement et de la majorité de l’Assemblée nationale !
C’est justement dans un esprit d’apaisement que nous abordons ce débat.
Nous considérons en effet qu’il est nécessaire aujourd’hui de remettre les choses à plat. Nous l’avons fait tout d’abord en adoptant, voilà quelques jours, la proposition de loi présentée par Jean-Pierre Sueur, qui permet – chacun reconnaît que cette décision fut dictée par la sagesse – d’aborder de nouveau la question de l’intercommunalité d’une manière qui laisse le temps de peser les avantages et les inconvénients de ce renforcement de la coopération auquel nous sommes tous attachés.
Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à supprimer le conseiller territorial, en revenant, au fond, au code électoral tel qu’il était avant la création de cet élu, de façon à engager une réflexion sur ce que peut et doit être une véritable réforme territoriale, c'est-à-dire une réforme qui affiche ses ambitions, qui s’appuie sur la mobilisation des élus et qui soit issue de la plus large concertation. C’est ce que nous ferons dans le cadre des États généraux des élus locaux.
En effet, notre objectif ne doit pas être de décourager les élus, notamment les élus locaux, mais, bien au contraire, de mobiliser nos territoires. Dans la période de crise que nous traversons, plutôt que le désarroi, l’inquiétude, l’interrogation ou l’attente prudente, il vaudrait mieux éveiller chez les maires, les présidents d’intercommunalité et les présidents des conseils régionaux et généraux le sentiment de pouvoir aller de l’avant, pour construire un avenir, favoriser la qualité de vie des habitants et contribuer à l’investissement du pays.
À ce stade, il s’agit simplement d’appliquer à nos lois territoriales un principe de précaution et de préserver notre système administratif de cet OGM juridique ou politique qu’est devenu le conseiller territorial.
Il s’agit non pas d’intenter son procès, mais plutôt de dresser, déjà, son constat de décès. Admettons-le, l’enfant ne pouvait pas survivre dans les conditions où il avait été conçu. (Sourires.)
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Je n’insisterai pas, naturellement, sur la manière dont les choses ont pu se passer, connaissant l’excellent esprit de nombre d’entre vous ! (M. Bruno Sido s’esclaffe.)
Si j’écarte les arrière-pensées dont je me suis fait l’écho tout à l’heure concernant les raisons plus masquées qui auraient dicté ces différents textes et qui leur donneraient leur cohérence, j’en reviens, comme l’a fait la commission, aux arguments susceptibles de plaider en faveur du conseiller territorial. Après m’être penché sur les différentes discussions et examiné les thèmes avancés par les uns et les autres, je peux affirmer que ces arguments ont tous été d’ordre économique : face à des conseils généraux et régionaux trop dispendieux, la création du conseiller territorial devrait permettre de réaliser des économies.
Cette théorie ne tient malheureusement pas la route. En tout cas, elle ne résiste pas à l’examen. Le Gouvernement, à plusieurs reprises, a d’ailleurs été amené à corriger sa copie en la matière. Il nous avait promis monts et merveilles – 70 millions d’euros d’économies, un montant à rapprocher de la dette de l’État. Toutefois, je ne veux pas insister sur ce point, car on pourrait m’accuser de mettre en danger la crédibilité de la France ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Il avait ensuite ramené cette somme à 45 millions d’euros, puis à une quinzaine de millions d’euros, pour tenir compte de l’évolution du nombre d’élus auquel il avait été amené à consentir sous la pression du Conseil constitutionnel.
Or 15 millions d’euros, c’est bien peu par rapport aux dépenses qu’il faudra engager dans le cadre de la création du conseiller territorial. En effet, l’analyse menée par l’Assemblée des départements de France comme par l’Association des régions de France a apporté la démonstration que le coût relatif à l’aménagement des hémicycles, face à l’inflation du nombre de conseillers territoriaux, serait de l’ordre de 600 millions d’euros, somme à amortir sur vingt ans, soit un investissement d’au moins 15 millions d’euros chaque année. (Murmures de protestation sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Au moins !
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Oui, car je ne connais pas, aujourd’hui, d’hémicycle régional qui soit capable d’accueillir autant d’élus qu’il en siège ici ! Vous savez en effet que certaines assemblées réuniront plus de 300 conseillers territoriaux.
M. Éric Doligé. Ce n’est pas vrai !
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Si, mon cher collègue : conformément aux textes, le nombre de conseillers territoriaux pourra être, au maximum, de 310. Bonjour les économies ! Bonjour la bonne gestion de la dépense publique !
M. Éric Doligé. Venez à Orléans et vous verrez : les conseillers tiennent tous dans l’hémicycle.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. L’autre argument économique repose sur une meilleure « jointure » des départements et des régions, le conseiller territorial étant censé corriger l’ensemble des problèmes posés par les différents niveaux de compétence.
Très sincèrement, pour tous ceux qui connaissent la vie locale, cet argument ne tient pas. S’il existe un problème de compétences entre les régions et les départements, clarifions la situation ! Ce n’est pas un conseiller territorial siégeant dans un conseil d’administration de collège ou de lycée qui aura autorité pour se substituer aux exécutifs régionaux ou départementaux ou à leurs services et régler les problèmes qui lui seront présentés. J’aurais tendance à penser que cet argument relève plus de la plaisanterie et de l’humour qui sied sur ces travées que du véritable raisonnement politique et, plus encore, administratif.
Quel autre argument pourrait justifier aujourd’hui pareil remue-ménage ? Car c’est bien ce à quoi on assiste ! On nous accuse en effet de vouloir, par l’abrogation du conseiller territorial, mettre à bas la réforme de la décennie, qui aurait bouleversé l’avenir de nos collectivités – à nos yeux, c’est vrai, mais dans le mauvais sens.
J’ai du mal à me laisser convaincre par l’argument démocratique. En quoi le conseiller territorial rendra-t-il les choses plus claires pour nos concitoyens, qui devront élire une seule personne, qui représentera deux collectivités ? Sur quel bilan se prononceront-ils ? Celui de la majorité régionale ou départementale ? Pour quel programme exprimeront-ils leurs préférences ? Celui du candidat à la présidence du conseil général ou du candidat à la présidence du conseil régional ? Quelle sera la proximité démocratique et citoyenne du conseiller territorial par rapport à l’ensemble de nos élus ?
Que les élus de certains départements – je ne prendrai pas d’exemple polémique, car celui des Hauts-de-Seine vous ferez aussitôt réagir, chers collègues – puissent avoir un rôle très différent selon qu’ils appartiennent ou non au monde rural, nous pouvons l’entendre.
Toutefois, lorsque l’on connaît la réalité de nos territoires et que l’on sait combien les maires des petites communes et leurs habitants ont besoin de la proximité d’un conseiller général, on mesure la conséquence immédiate de l’extension de la circonscription territoriale qui nous est proposée. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nombre de maires de petites communes ont voté, à l’occasion de notre dernier rendez-vous électoral, pour ceux qui proposaient la suppression du conseiller territorial : ils avaient bien compris qu’on les privait, après la disparition de différents services, comme les DDE, les directions départementales de l’équipement, ou les DDAF, les directions départementales de l’agriculture et de la forêt, des élus les plus proches d’eux et les plus susceptibles de les soutenir.
J’ai également du mal à entendre l’argument démocratique quand je l’examine du point de vue de la parité, chère à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, qui s’est clairement exprimée sur ce point. On le sait bien, grâce à la proportionnelle et aux conseils régionaux, la parité a progressé. La seule solution que vous ayez trouvée pour essayer de la défendre, dans un nouveau système qui reposera sur un scrutin majoritaire uninominal, c’est de modifier la loi sur le financement des partis politiques, dont on sait parfaitement qu’elle n’exerce pas aujourd’hui une influence décisive sur le choix et l’élection des femmes par les partis politiques.
Je n’aurai pas la cruauté de donner les chiffres correspondant aux pénalités payées par certains partis – plus à droite qu’à gauche, d'ailleurs –, qui préfèrent voir leurs dotations diminuer plutôt que d’investir des femmes. Toutefois, cela ne fait aucun doute, la mise en place de ce dispositif se traduira par un nouveau recul de la représentation des femmes dans nos collectivités. Alors qu’elle est de 16 % à peine dans nos conseils généraux, on peut imaginer qu’elle ne sera guère supérieure dans les nouvelles assemblées qui seront mises en place par ce biais.
L’argument démocratique de la proximité n’étant guère recevable, quelle dernière raison pourrait justifier aujourd’hui que nous consacrions nos débats à la question du conseiller territorial ? Son seul mérite ne serait-il pas justement de nous faire comprendre qu’il n’est pas la bonne solution ? Alors qu’il a bénéficié d’un effort quasi désespéré du Gouvernement pour passer les étapes de deux censures du Conseil constitutionnel et de trois délibérations dans chacune de nos assemblées, il n’a pas réussi à convaincre.
Aujourd’hui, nous devons entrer dans une nouvelle phase. Pour y parvenir, il faut mettre un terme à ces débordements, à ces situations totalement ubuesques auxquelles nous avons été condamnés.
La Fontaine écrivait : « Je suis oiseau : voyez mes ailes. […] Je suis souris, vivent les rats ! » Vous avez inventé avec le conseiller territorial une sorte d’animal hybride, que le fabuliste aurait eu plaisir à croquer et que, pour notre part, me semble-t-il, nous aurons plaisir à abroger.
Naturellement, la commission vous propose d’aller jusqu’au terme de la réflexion qui a été conduite. Celle-ci, je crois, se trouve partagée sur de nombreuses travées, même si tous nos collègues ne peuvent pas toujours s’exprimer aussi explicitement que je viens de le faire... Il convient donc d’abroger ces dispositions pour engager ensuite une véritable réflexion sur l’avenir de nos territoires dans le cadre des États généraux des élus locaux. À ce titre, je vous proposerai d’adopter simplement un article unique, dont la rédaction est issue d’un amendement que j’ai déposé.
J’espère enfin, dans le prolongement du débat que nous venons de mener sur le texte précédent, que le Gouvernement, respectant le Sénat, aura le souci de mener la discussion jusqu’à son terme en l’inscrivant à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Chacun doit en effet savoir qui respecte ses engagements et qui ne veut pas tenir compte de la volonté exprimée par les grands électeurs et sans doute, bientôt, par une majorité de Français. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-LÉonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Jeudi 17 novembre 2011
À 11 heures, à 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2012 (A.N., n° 3775)
(Pour la discussion générale, la conférence des présidents a décidé de fixer à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.)
Vendredi 18 novembre 2011
À 14 heures 30, le soir et la nuit :
- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Examen des articles de la première partie
(Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au jeudi 17 novembre, à onze heures.)
Éventuellement, samedi 19 novembre 2011
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Suite de l’examen des articles de la première partie
Lundi 21 novembre 2011
À 10 heures, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Suite de l’examen des articles de la première partie
Mardi 22 novembre 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1379 de M. Alain Fouché transmise à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale
(RMI, RSA : les lacunes du système)
- n° 1407 de M. Jean-Jacques Mirassou à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés
(Attaques diffamatoires sur les réseaux sociaux)
- n° 1421 de M. Jean Besson à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés
(Situation du tribunal d’instance de Valence)
- n° 1428 de M. Yannick Botrel à M. le ministre de la culture et de la communication
(Fréquences d’émissions radiophoniques)
- n° 1429 de M. Robert Laufoaulu à Mme la ministre chargée de l’outre-mer
(Statut de la fonction publique territoriale de Wallis et Futuna)
- n° 1430 de M. Philippe Madrelle à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement
(Opération de désamiantage)
- n° 1431 de M. Georges Patient à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement
(Gestion des bases cadastrales en Guyane)
- n° 1432 de M. Pierre Bernard Reymond à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, transmise à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale
(Désinstitutionnalisation des enfants handicapés)
- n° 1433 de M. Rémy Pointereau à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement
(Réforme de la taxe professionnelle et transfert de la part départementale de la taxe d’habitation)
- n° 1434 de M. Philippe Dallier à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration
(Marchés clandestins aux portes de Paris)
- n° 1435 de Mme Claudine Lepage à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes
(Problème des justificatifs d’existence à fournir tous les trois mois pour les retraités établis à l’étranger hors de l’Union européenne)
- n° 1436 de Mme Mireille Schurch à M. le ministre de la défense et des anciens combattants
(Projet de restructuration des activités de défense entre Safran et Thalès)
- n° 1437 de Mme Claire-Lise Campion à M. le ministre de la défense et des anciens combattants
(Restructuration des activités de défense entre THALÈS et SAFRAN)
- n° 1438 de M. Alain Néri à M. le ministre chargé des transports
(Desserte ferroviaire Clermont-Ferrand - Paris)
- n° 1439 de M. Claude Dilain à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé
(Mise en œuvre du programme national de lutte contre la tuberculose)
- n° 1441 de M. Daniel Reiner à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé
(Avenir du régime minier)
- n° 1460 de M. Alain Bertrand à M. le ministre chargé des transports
(Mise à deux fois deux voies de la RN 88)
- n° 1468 de M. Jean-Pierre Godefroy à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique
(Fermeture de l’usine Honeywell de Condé-sur-Noireau)
À 14 heures 30 et le soir :
2°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Suite de l’examen des articles de la première partie
Mercredi 23 novembre 2011
À 9 heures 30 et 14 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Examen de l’article 30 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (deux heures)
(Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mardi 22 novembre, avant dix-sept heures.)
- Suite et fin de l’examen des articles de la première partie
- Explications de vote sur l’ensemble de la première partie
(Il est attribué un temps de parole forfaitaire et égal de cinq minutes à chaque groupe et de trois minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mardi 22 novembre, avant dix-sept heures.)
Scrutin public ordinaire de droit
Le soir :
2°) Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (A.N., n° 3933) ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport mercredi 23 novembre, après-midi.
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mardi 22 novembre, avant dix-sept heures ;
- à l’ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements, à l’issue de la discussion générale.)
Jeudi 24 novembre 2011
À 9 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Justice (+ articles 52 et 52 bis) (deux heures)
- Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation (+ articles 49, 49 bis et 49 ter) (une heure trente)
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
3°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Éventuellement, suite de l’ordre du jour du matin
- Outre-mer (trois heures)
Vendredi 25 novembre 2011
À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Écologie, développement et aménagement durables (+ articles 50, 51, 51 bis, 51 ter, 5 quater, 51 quinquies et 51 sexies) (quatre heures)
. budget annexe : contrôle et exploitation aériens
. compte spécial : contrôle de la circulation et du stationnement routiers
. compte spécial : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
. compte spécial : avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres (+ article 64 ter)
- Travail et emploi (+ articles 62, 62 bis, 63, 63 bis, 63 ter et 63 quater) (deux heures)
. compte spécial : financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
- Culture (+ articles 49 quinquies et 49 sexies) (une heure quarante-cinq)
- Médias, livre et industries culturelles (+ article 52 ter) (deux heures)
. compte spécial : avances à l’audiovisuel public
Éventuellement, samedi 26 novembre 2011
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Missions et articles rattachés reportés.
Lundi 28 novembre 2011
À 10 heures, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Politique des territoires (une heure trente)
- Économie (une heure quarante-cinq)
. compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
- Aide publique au développement (deux heures)
. compte spécial : prêts à des États étrangers
. compte spécial : engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
- Solidarité, insertion et égalité des chances (+ articles 61 et 61 bis) (deux heures)
- Défense (trois heures)
. compte spécial : gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien
Mardi 29 novembre 2011
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Santé (+ articles 60, 60 bis et 60 ter) (une heure trente)
- Action extérieure de l’État (trois heures)
- Ville et logement (+ articles 64 et 64 bis) (une heure quarante-cinq)
Mercredi 30 novembre 2011
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 53, 54, 55, 56, 56 bis, 57, 58 et 59) (deux heures trente)
. compte spécial : avances aux collectivités territoriales
- Sport, jeunesse et vie associative (+ article 61 ter) (une heure trente)
- Gestion des finances publiques et des ressources humaines et Provisions (une heure)
. compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l’État (+ articles 64 quater et 64 quinquies)
- Engagements financiers de l’État (zéro heure trente)
. compte spécial : accords monétaires internationaux
. compte spécial : avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
. compte spécial : participations financières de l’État
- Régimes sociaux et de retraite (zéro heure trente)
. compte spécial : pensions (+ articles 65 et 66)
- Remboursements et dégrèvements (zéro heure quinze)
En outre, à 14 heures 30 :
- Désignation des trente-six membres de la commission sénatoriale de contrôle de l’application des lois
(Les candidatures présentées par les groupes devront être remises à la direction de la législation et du contrôle le mardi 29 novembre, avant dix-sept heures.)
- Désignation :
- des dix-huit sénateurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;
- des trente-six membres :
- de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ;
- et de la délégation sénatoriale à la prospective ;
- et des vingt et un membres de la délégation à l’outre-mer désignés à la représentation proportionnelle, les vingt et un sénateurs d’outre-mer étant membres de droit.
(Les candidatures présentées par les groupes à ces instances devront être remises à la division de la séance et du droit parlementaire le mardi 29 novembre, avant dix-sept heures.)
Jeudi 1er décembre 2011
À 9 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Recherche et enseignement supérieur (deux heures trente)
- Sécurité (une heure trente)
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
3°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Sécurité (suite)
- Sécurité civile (zéro heure quarante-cinq)
- Administration générale et territoriale de l’État (+ article 48 A) (zéro heure quarante-cinq)
- Enseignement scolaire (+ articles 51 septies et 51 octies) (trois heures)
Vendredi 2 décembre 2011
Éventuellement, à 9 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Éventuellement, discussion des missions et des articles rattachés reportés
À 14 heures 30 et le soir :
2°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Immigration, asile et intégration (une heure trente)
- Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales (+ articles 48, 48 bis et 48 ter) (trois heures trente)
. compte spécial : développement agricole et rural
- Conseil et contrôle de l’État (+ article 49 quater) (zéro heure trente)
- Pouvoirs publics (zéro heure quinze)
- Direction de l’action du Gouvernement (une heure)
. Budget annexe : publications officielles et information administrative
Samedi 3 décembre 2011
À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Éventuellement, discussion des missions et des articles rattachés reportés
- Discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
(Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au vendredi 2 décembre, à onze heures.)
Lundi 5 décembre 2011
À 10 heures, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Suite de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
Mardi 6 décembre 2011
À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :
- Éventuellement, suite et fin de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
- Explications de vote sur l’ensemble du projet de loi de finances
(Il est attribué un temps de parole forfaitaire et égal de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 5 décembre, avant dix-sept heures.)
Scrutin public à la tribune de droit
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE
Mercredi 7 décembre 2011
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe RDSE :
1°) Proposition de loi visant à étendre l’obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité, présentée par Mme Françoise Laborde et les membres du groupe RDSE (n° 56 rect., 2011-2012)
(La commission des lois se réunira pour le rapport mardi 29 novembre, après midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 28 novembre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mardi 6 décembre, avant dix-sept heures ;
- au lundi 5 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements mercredi 7 décembre, matin.)
2°) Proposition de loi visant à punir d’une peine d’amende tout premier usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants, présentée par M. Gilbert Barbier et plusieurs de ses collègues (n° 57, 2011-2012)
(La commission des lois se réunira pour le rapport mardi 29 novembre, après midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 28 novembre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mardi 6 décembre, avant dix-sept heures ;
- au lundi 5 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements mercredi 7 décembre, matin.)
À 18 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Débat préalable au Conseil européen du 9 décembre 2011 (demande de la commission des affaires européennes)
(La conférence des présidents a décidé d’attribuer, à la suite de l’intervention liminaire du Gouvernement de dix minutes, un temps d’intervention de huit minutes à la commission des affaires européennes, à la commission de l’économie, à la commission des finances ainsi qu’à chaque groupe (cinq minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe) ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mardi 6 décembre, avant dix-sept heures.
À la suite de la réponse du Gouvernement, les sénateurs pourront, pendant une heure, prendre la parole (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes.)
Jeudi 8 décembre 2011
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif (n° 255, 2010-2011)
(La commission des lois se réunira pour le rapport mardi 29 novembre, après midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 28 novembre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mercredi 7 décembre, avant dix-sept heures ;
- au lundi 5 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements mercredi 7 décembre, matin.)
De 15 heures à 19 heures :
Ordre du jour réservé au groupe SOC-EELVr :
2°) Proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France (n° 329, 1999-2000)
(La commission des lois se réunira pour le rapport mardi 29 novembre, après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 28 novembre, à douze heures)
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mercredi 7 décembre, avant dix-sept heures ;
- au lundi 5 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements mercredi 7 décembre, matin.)
À 19 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Suite de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France
Vendredi 9 décembre 2011
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
- Proposition de loi garantissant le droit au repos dominical, présentée par Mme Annie David et plusieurs de ses collègues (n° 90, 2011 2012)
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 13 décembre 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1382 de M. Antoine Lefèvre à M. le ministre chargé des transports
(Création d’un échangeur sur l’autoroute A 26)
- n° 1384 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire
(Reconduction des contrats "mesures agro-environnementales territorialisées" dans les marais charentais)
- n° 1395 de M. Hervé Maurey à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration
(Achats en ligne par les collectivités territoriales)
- n° 1396 de Mme Maryvonne Blondin à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés
(Les fouilles au corps abusives)
- n° 1404 de M. Roland Courteau à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale
(Point sur les violences conjugales)
- n° 1408 de M. Thierry Foucaud à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement
(Remise en service de matériel ferroviaire)
- n° 1409 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé
(Dégradation de l’accès au service public de la santé dans les Hauts-de-Seine)
- n° 1413 de M. Christian Favier à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé
(Maintien du service de chirurgie cardiaque du CHU Henri-Mondor à Créteil)
- n° 1415 de M. Éric Bocquet à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé
(Suppressions d’emplois dans le secteur de la vente à distance)
- n° 1417 de M. Rachel Mazuir à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration
(Statut des membres d’un syndicat mixte compétent en matière d’aménagement du territoire)
- n° 1420 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie
(Emprunts toxiques DEXIA)
- n° 1422 de M. Claude Domeizel à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé
(Mauvaise santé financière des hôpitaux et projet de service de réanimation à l’hôpital de Manosque)
- n° 1424 de M. Philippe Paul à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement
(Écotaxe et territoire breton)
- n° 1427 de M. Philippe Darniche à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement
(Réalisation de l’autoroute A 831 Fontenay-le-Comte–Rochefort)
- n° 1442 de M. Thierry Repentin à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique
(Avenir de la filière aluminium en France et négociation sur le coût de l’énergie)
- n° 1459 de M. Michel Berson à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé
(Avenir du centre hospitalier sud francilien d’Évry)
- n° 1461 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam à M. le ministre chargé des transports
(Projet de « métro transmanche »)
- n° 1465 de M. Michel Teston à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie
(Difficultés d’accès au crédit pour les collectivités locales)
- n° 1470 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé
(Politique d’urgence sociale à Paris et en Île-de-France)
- n° 1473 de M. Jacques Mézard à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation
(Concurrence déloyale des auto-entrepreneurs avec les artisans)
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (A.N., n° 3874)
(La commission des lois se réunira pour le rapport mardi 29 novembre, après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 28 novembre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 12 décembre, avant dix-sept heures ;
- au jeudi 8 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements lundi 12 décembre.)
3°) Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (A.N. n° 3881)
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 12 décembre, avant dix-sept heures.)
4°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2011
(La commission des finances se réunira pour le rapport mercredi 7 décembre, matin.
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 12 décembre, avant dix-sept heures ;
- au vendredi 9 décembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements mardi 13 décembre, à neuf heures trente et à la suspension de l’après-midi.)
De 17 heures à 17 heures 45 :
5°) Questions cribles thématiques sur la compétitivité
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant douze heures trente.)
À 18 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
6°) Suite de l’ordre du jour de l’après-midi
Mercredi 14 décembre 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011
Jeudi 15 décembre 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin
Éventuellement, vendredi 16 décembre 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011
Lundi 19 décembre 2011
À 15 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée (procédure accélérée) (A.N., n° 3875)
(La commission de la culture se réunira pour le rapport mercredi 14 décembre, matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 12 décembre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, vendredi 16 décembre, avant dix-sept heures ;
- au vendredi 16 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements lundi 19 décembre, à quatorze heures quinze.)
2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi organique relatif à la limite d’âge des magistrats judiciaires
(La commission des lois se réunira pour le rapport mercredi 14 décembre.
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, vendredi 16 décembre, avant dix-sept heures ;
- au lundi 19 décembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements lundi 19 décembre)
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Sous réserve de son dépôt, proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat
Mardi 20 décembre 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 4, 2011 2012)
3°) Projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à l’accord relatif aux rapports intellectuels et artistiques du 19 décembre 1938 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique (texte de la commission, n° 47, 2011 2012)
(Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;
Selon cette procédure simplifiée, le projet de loi est directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard vendredi 16 décembre, à dix-sept heures, que le projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle.)
4°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification de l’accord monétaire entre la République française et l’Union européenne relatif au maintien de l’euro à Saint-Barthélemy, à la suite de son changement de statut au regard de l’Union européenne (procédure accélérée) (A.N., n° 3857 rectifié)
(La commission des finances se réunira pour le rapport mercredi 14 décembre, matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 12 décembre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 19 décembre, avant dix-sept heures ;
- au lundi 19 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements mardi 20 décembre, à quatorze heures.)
5°) Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2012
(La commission des finances se réunira pour le rapport jeudi 15 décembre, à neuf heures trente.
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 19 décembre, avant dix-sept heures ;
- au lundi 19 décembre, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements mardi 20 décembre, à quatorze heures.)
6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs (n° 12, 2011 2012)
(La commission de l’économie se réunira pour le rapport mercredi 7 décembre, matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : vendredi 2 décembre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 19 décembre, avant dix-sept heures ;
- au vendredi 16 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements mardi 20 décembre, matin.)
Mercredi 21 décembre 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2011
(La commission des finances se réunira pour le rapport mercredi 21 décembre, matin.
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mardi 20 décembre, avant dix-sept heures ;
- à l’ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements mercredi 21 décembre, à l’issue de la discussion générale.)
2°) Suite du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs
Jeudi 22 décembre 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite de l’ordre du jour de la veille.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...
Ces propositions sont adoptées.
9
Abrogation du conseiller territorial
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les semaines se suivent et tendent à se ressembler.
Si le sénateur que je fus et le ministre que je suis, toujours à la disposition du Parlement, se réjouit de venir à la Haute Assemblée et s’exprime avec bonheur à cette tribune, je dois reconnaître une certaine perplexité lorsque j’envisage l’utilité de la proposition de loi qui requiert aujourd’hui ma présence.
La majorité sénatoriale a souhaité, une nouvelle fois, débattre de la réforme territoriale dans le cadre des séances réservées à l’initiative parlementaire.
J’attache trop de prix aux droits fondamentaux des parlementaires pour ne pas accepter avec bonheur la nouvelle occasion de débat que nous offre l’examen de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial.
M. Michel Delebarre. Merci !
M. Philippe Richert, ministre. Enseignant de formation, j’ai naturellement le goût de la pédagogie et de l’effort, mais aussi celui de la répétition, qui, d’une certaine façon, est inséparable de la pédagogie.
Mais, tout de même, je m’interroge…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Surtout dans la conjoncture actuelle !
M. Philippe Richert, ministre. Il y a seulement deux semaines, j’ai défendu devant vous les dispositions de la réforme territoriale relatives à l’intercommunalité, dans le cadre de la discussion de la proposition de loi déposée par M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. Philippe Richert, ministre. Je sais que nous ne partageons pas exactement les mêmes options sur l’avenir de nos collectivités locales.
Un sénateur de l’UMP. C’est un euphémisme !
M. Philippe Richert, ministre. Nous en avons d'ailleurs largement débattu.
Après l’intercommunalité, la majorité sénatoriale réitère donc, au sujet cette fois du conseiller territorial. Je lui reconnais de la constance dans son opposition.
M. Michel Delebarre. Merci !
M. Philippe Richert, ministre. Je n’ai aucune illusion sur l’issue des débats d’aujourd’hui. Cependant, dans l’esprit de dialogue qui caractérise le Gouvernement,…
M. Ronan Kerdraon. Pas tout le temps !
M. Gérard César. Ce n’est pas la peine !
M. Philippe Richert, ministre. … de vous en convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs : la création du conseiller territorial constitue une réponse adaptée aux défis que doivent relever nos territoires.
Permettez-moi de commencer par deux remarques liminaires.
J’observe tout d’abord que, dans sa rédaction issue de l’amendement de M. le rapporteur adopté en commission, l’article unique de la proposition de loi supprime des dispositions importantes du code électoral.
M. le rapporteur a proposé de compléter la suppression, dans le code électoral, des dispositions qui régissent le conseiller territorial. Je lui reconnais le mérite de la cohérence. Toutefois, sa démarche emporte des effets secondaires indésirables, dont je souhaite m’assurer qu’ils ont bien été mesurés par la Haute Assemblée.
En abrogeant l’article 81 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui modifie l’article 8 de la loi du 11 mars 1988, l’article unique issu de l’amendement de M. le rapporteur supprime la nouvelle sanction liée au non-respect des dispositions en faveur de la parité pour les élections territoriales.
Je ne suis pas sûr que chacun ait mesuré les conséquences d’une telle suppression, qui me semble malvenue en considération des objectifs de parité défendus par le Gouvernement.
La proposition de loi revient aussi à l’ancienne rédaction de l’article L. 210-1 du code électoral, qui prévoit, notamment, les modalités d’accès au second tour. On reviendrait ainsi au seuil de 10 % des inscrits, au lieu de 12,5 %.
Surtout, la rédaction proposée par M. le rapporteur conduit à abroger une disposition introduite par la loi du 14 avril 2011 – le « paquet électoral » –, selon laquelle, pour que sa candidature soit recevable, un candidat doit avoir procédé à la déclaration d’un mandataire. Cette disposition de bon sens, votée il y a six mois, ne me semble pas non plus devoir être remise en cause.
Ensuite, l’article unique de la proposition de loi, issu de l’amendement de M. le rapporteur, revient à l’ancienne rédaction de l’article L. 221 du code électoral, relatif aux modalités de remplacement des conseillers généraux.
Le conseiller général ne pourrait plus être remplacé par son suppléant pour tout motif, mais seulement dans les cas de décès, de démission pour cause de cumul des mandats, de présomption d’absence et de nomination en qualité de membre du Conseil constitutionnel.
Une telle disposition défavoriserait indirectement la parité, en rendant plus difficile l’accès des suppléants aux mandats. (Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Celle-là n’est pas mal !
Mme Bernadette Bourzai. Il fallait oser !
M. Philippe Richert, ministre. De la même façon, la rédaction proposée par le rapporteur conduit à abroger une disposition introduite par la loi du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits et permettant à un conseiller général nommé Défenseur des droits de se faire remplacer par son suppléant. (Mme Bernadette Bourzai s’esclaffe.)
Je vous le concède : là n’est pas l’essentiel de notre débat. Toutefois, il m’a semblé utile d’appeler l’attention du rapporteur et de la commission des lois sur ces problèmes de rédaction législative, qui me semblent résulter, pour le moins, d’une certaine précipitation…
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Avez-vous prévu d’amender cette proposition de loi, puisque nous nous serions précipités ?
M. Philippe Richert, ministre. Ma seconde remarque liminaire portera sur l’organisation de nos débats.
Je ne reviendrai pas – ce point a été évoqué ce soir – sur les conditions dans lesquelles a été examinée la proposition de loi de M. Sueur. En trois jours, nous avons siégé douze heures,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais c’était à la fois passionnant et utile ! (Sourires.)
M. Philippe Richert, ministre. … qui s’additionnent aux près de deux cents heures consacrées à l’examen de la loi du 16 décembre 2010.
Je redis, naturellement, ma totale disponibilité pour venir au Sénat. Je souhaiterais simplement que, dans la mesure du possible, nous puissions avoir une certaine visibilité sur nos débats, afin de pouvoir les organiser dans les meilleures conditions possibles.
Cela me paraît d’autant plus souhaitable que, si j’en juge par l’ordre du jour du Sénat de ces dernières semaines, il existe une certaine volonté de recommencer des discussions que nous avons déjà menées il y a moins d’un an.
Mme Catherine Troendle. Eh oui !
M. Philippe Richert, ministre. L’organisation de ce débat permanent ne me semble pas correspondre à une gestion optimale de l’agenda politique – c’est mon appréciation personnelle –, ni à ce qu’attendent les Français de leurs responsables.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Surtout dans la conjoncture actuelle !
M. Philippe Richert, ministre. Avant de la remettre en cause, il faut laisser du temps à la réforme territoriale pour qu’elle produise ses effets. Évaluons-la le moment venu, corrigeons-la le cas échéant en procédant à des ajustements, comme le Gouvernement était lui-même partisan de le faire s’agissant de son volet intercommunal.
Toutefois, je ne crois pas qu’il soit raisonnable de refaire en permanence ces débats.
Le calendrier rend difficile, pour ne pas dire impossible, toute recherche « de solutions toutes simples, pratiques, concrètes », comme l’appelait de ses vœux M. Jean-Pierre Sueur le 2 novembre dernier ; la meilleure illustration en est sa propre proposition de loi relative à la situation transitoire des exécutifs intercommunaux.
Nous aurions pu nous entendre si le texte initial n’avait pas été dénaturé. D’un texte qui aurait dû et pu être consensuel, qui faisait écho à la proposition de loi de Jacques Pélissard, la majorité sénatoriale a fait un texte mettant à mal la réforme territoriale, ses longs travaux préparatoires comme ses riches développements dans les territoires depuis onze mois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. Pélissard a parlé de « convergence ». Ne lui faites pas dire ce qu’il n’a pas dit !
M. Philippe Richert, ministre. La culture politique de la Haute Assemblée a toujours permis de faire avancer les sujets importants dans un esprit de responsabilité, et sans confusion des rôles. C’était sa marque de fabrique et sa profonde utilité dans notre paysage institutionnel.
Je ne conteste pas à la nouvelle majorité le droit de s’opposer au Gouvernement.
M. Jean-Jacques Mirassou. Le devoir !
M. Ronan Kerdraon. Cela va mieux en le disant !
M. Philippe Richert, ministre. Toutefois, je remarque que, sur le conseiller territorial, nous sommes non plus dans le débat, mais sur une position de suppression pure et simple.
M. Ronan Kerdraon. Eh oui !
M. Philippe Richert, ministre. La discussion au fond, dans un esprit républicain, laisse place désormais à une position de principe de refus de débattre.
Tout à l’heure, M. le rapporteur parlait d’apaisement.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Un mot que je tente de vous apprendre !
M. Philippe Richert, ministre. En réalité, je ne vois que la volonté de supprimer.
Par conséquent, plus les semaines passent et plus les hommes de bonne volonté ont du mal à se rejoindre pour faire avancer la décentralisation.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Et cela ne risque pas de s’arranger !
M. Philippe Richert, ministre. Ce n’est pas une critique que je formule, c’est un constat que je dresse.
J’ai eu l’occasion de le dire à maintes reprises, ici et ailleurs : la décentralisation est un bien commun de notre République décentralisée. Elle fait partie d’un héritage que chacun peut assumer et revendiquer. Elle n’est plus ni de droite ni de gauche. Elle mérite par conséquent mieux que des postures. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
C’est ma conviction profonde d’élu local depuis près de trente ans, viscéralement attaché aux libertés locales.
Je pense avoir démontré, pour ce qui me concerne, que j’étais toujours prêt au débat sur ces sujets. Je n’en ai jamais refusé un seul et le Gouvernement reste malgré tout dans une attitude constructive. Cela veut dire qu’il est prêt à discuter demain sur les conditions de la mise en œuvre de la réforme, comme il était prêt à le faire hier sur le volet intercommunal en proposant lui-même des ajustements techniques.
Cependant, l’ouverture n’est pas synonyme de renoncement. Le Gouvernement n’entend pas faiblir dans sa volonté de réforme.
M. Ronan Kerdraon. Il a tort !
M. Philippe Richert, ministre. Le Premier ministre l’a d’ailleurs rappelé avec force le 5 novembre dernier devant l’assemblée générale des maires de Haute-Savoie : il a redit sa fermeté pour atteindre les objectifs de la réforme territoriale, mais également sa volonté de dialogue dans sa mise en œuvre.
Ni le sujet – la décentralisation – ni le contexte – la crise en Europe – ne peuvent justifier un tel renoncement, que les Français ne nous pardonneraient pas. Pour autant, tout n’est pas écrit et des débats restent à venir.
J’en viens donc à présent au fond, c’est-à-dire au conseiller territorial lui-même, à sa pertinence, à sa légitimité et au pragmatisme qui guide sa mise en œuvre.
La création du conseiller territorial répond à un vrai besoin de modernisation de notre démocratie locale, qui doit aller vers plus de lisibilité démocratique, plus d’efficacité politique, plus de vertu économique.
Le conseiller territorial est un nouvel élu destiné à rendre la démocratie locale plus efficace.
Je veux rappeler ici les trois raisons fondamentales qui justifient pleinement la création du conseiller territorial.
Tout d’abord, une lisibilité démocratique accrue. Tel est bien le défi majeur auquel répond la création du conseiller territorial.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est un défi, en effet !
M. Philippe Richert, ministre. Il est une réponse pragmatique à la défiance croissante et inquiétante de nos compatriotes à l’égard de leurs élus. Même les élus locaux sont désormais frappés par ce phénomène.
Il devient donc urgent de rapprocher nos élus d’électeurs qui ne comprennent plus qui fait quoi dans un paysage démocratique atomisé.
Des élus mieux identifiés siégeront à la fois au conseil général et au conseil régional. Chaque conseiller sera élu dans un canton « rééquilibré » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) : le lien entre l’électeur et son élu sera ainsi maintenu, tout comme la représentation des territoires qui composent chaque région et chaque département.
On a dit et redit, et je l’ai encore entendu tout à l’heure, qu’un élu qui serait à la fois conseiller général et conseiller régional serait un élu hybride. J’ai donc été un élu hybride puisque j’étais à la fois conseiller général et conseiller régional ! (Oui ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Je crois savoir que, même au sein des partis de gauche, on trouve des élus siégeant dans chacune de ces deux assemblées. (Oui ! sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On a des noms !
M. Philippe Richert, ministre. Je salue donc ces hybrides, puisque c’est ainsi que vous les qualifiez !
Quand on est élu à la fois d’un conseil régional et d’un conseil général, on peut faire son travail très sérieusement et être aussi efficace que lorsqu’on est à la fois parlementaire et conseiller général, ou bien parlementaire et conseiller régional, ou bien parlementaire et responsable d’un exécutif local.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Absolument !
M. Philippe Richert, ministre. Il est parfaitement envisageable que ce conseiller qui siégera à la fois au département et à la région s’investira autant pour l’un que pour l’autre sans qu’on puisse le qualifier d’hybride. Pourquoi porter par avance sur ces élus une appréciation négative ? Il s’agit simplement de rendre de la cohérence, de la lisibilité, de faire en sorte que, lorsqu’un responsable d’association s’adressera à un conseiller territorial, il s’exprimera à la fois en tant que conseiller général et conseiller régional.
La cohérence est accrue par la réforme : ce sont les mêmes élus qui pourront relayer à la région et au département les préoccupations de leurs électeurs et les priorités de leur territoire.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Et le cumul des mandats ?
M. Philippe Richert, ministre. Un chef d’entreprise, une association, un maire, un particulier aura ainsi, à travers son conseiller territorial, un interlocuteur unique, le même pour le département et la région. Que de temps gagné pour eux, que de simplification apportée !
M. Jean-Luc Fichet. Mais non !
M. Philippe Richert, ministre. Un conseiller territorial pourra, par exemple, aider dans sa démarche une entreprise sollicitant une subvention de la région pour s’agrandir, monter une formation pour ses salariés ou bien améliorer la route départementale qui la dessert. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Pour le maire qui délivre le permis de construire relatif à l’extension de l’entreprise, c’est aussi une vraie facilité que d’avoir un seul interlocuteur. En effet, nous savons bien que même les maires ont parfois du mal à savoir qui fait quoi entre le conseil général et le conseil régional. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Mesdames, messieurs les sénateurs – j’ai failli dire : mes chers collègues –, cet effort de lisibilité dans ce que l’on appelle à raison le « millefeuille » des collectivités est la véritable valeur ajoutée de ce nouvel élu.
M. Jean-Luc Fichet. Cela ne change rien au millefeuille !
M. Philippe Richert, ministre. Les Français l’ont bien compris et soutiennent cette réforme de bon sens, comme d’ailleurs bon nombre d’élus locaux, notamment les maires. (Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Un seul élu aux compétences élargies, ancré sur son territoire, proche de ses concitoyens : voilà l’alchimie de cette réforme que vous contestez !
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est beau comme du Sully Prudhomme !
M. Philippe Richert, ministre. Le conseiller territorial sera par ailleurs le véritable moteur d’une meilleure articulation entre les conseils régionaux et les conseils généraux. Naturellement, il imposera dans ses deux collectivités d’élection une cohérence et une complémentarité accrues qui déboucheront sur une efficacité politique renforcée.
Les interventions parfois concurrentes du département et de la région, même s’ils sont de la même couleur politique, sur un territoire identique ne seront plus possibles (Mais si ! sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Leurs interventions complémentaires seront facilitées.
Oui, le conseiller territorial ne pourra pas dire une chose le matin au conseil général et affirmer, le soir venu, le contraire au nom du conseil régional ! (Sourires sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, vous n’allez pas me dire que les élus se contredisent ! Un conseiller est constant dans ses propos… Vous n’allez pas commencer à douter des élus de la Nation ! Je n’ose l’imaginer ! (Mêmes mouvements.)
Le conseil régional et les conseils généraux d’une même région devront définir la manière dont ils souhaitent travailler ensemble, en fonction des spécificités et des enjeux de leur territoire. Ils élaboreront ensemble un schéma d’organisation des compétences et des services qui définira la répartition optimale de leurs compétences.
La loi, mesdames, messieurs les sénateurs, maintient par ailleurs une capacité d’initiative locale permettant au département ou à la région de se saisir de tout domaine d’intérêt départemental ou régional s’il apparaît que celui-ci n’entre pas dans les compétences attribuées à une autre collectivité publique.
Cette précaution prise par le législateur permet d’éviter les « conflits négatifs », c’est-à-dire que des secteurs de l’action publique ne soient pas couverts par des collectivités qui s’estimeraient incompétentes pour intervenir.
Dans le prolongement de la loi du 16 décembre 2010, qui clarifiait déjà les blocs de compétences, le rapport de Jean-Jacques de Peretti a, quant à lui, ouvert des pistes intéressantes en proposant des schémas d’organisation entre collectivités qui laissent la place aux spécificités locales et aux expérimentations.
Au-delà, une remise à plat des compétences des différents niveaux de collectivités territoriales sera sans doute nécessaire à l’avenir pour parachever, dans le prolongement de la réforme territoriale, l’architecture de nos institutions locales.
Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je suis prêt à y travailler.
Néanmoins, c’est bien le conseiller territorial qui constitue le moteur de cette indispensable dynamique de convergence et de cohérence. Le supprimer, c’est revenir au statu quo, à un moment où nous devons, plus que jamais, innover pour optimiser la dépense publique dans un contexte de crise.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La dépense, ils ne savent pas ce que c’est…
M. Jean-Luc Fichet. Et les bâtiments ?
M. Philippe Richert, ministre. Troisième argument qui milite en faveur du conseiller territorial : le contexte de crise qui pousse à ne pas fléchir dans l’effort de réforme. Qui ne le voit pas ?
Le Président de la République et le Gouvernement se battent dans la crise pour sauver le modèle social français, auquel nous sommes tous très attachés.
La crise nous oblige à une attitude de responsabilité. Aussi, tous nos efforts, ceux du Gouvernement, ceux du Parlement, ceux des collectivités territoriales, ceux des entreprises, ceux aussi des Français doivent être tournés vers cette exigence supérieure.
Les collectivités ne sauraient être exemptes de l’indispensable effort de rationalisation de la dépense publique. La création du conseiller territorial participe de l’effort général demandé à tous, aux collectivités comme à l’État ou aux autres acteurs publics, pour réduire les dépenses publiques.
M. Yves Daudigny. C’est faux !
M. Philippe Richert, ministre. La création du conseiller territorial permettra une meilleure coordination des différents niveaux de collectivités. Des gains très importants de productivité seront ainsi réalisés grâce à ces gisements de coopération et de mutualisation. Je pense notamment à l’entretien des collèges et des lycées, ainsi qu’à la restauration scolaire. (M. Yves Daudigny s’exclame.), mais bien d’autres champs sont à explorer.
Il existe aussi une autre source d’économies, que certains pourraient contester. Chaque élection coûtant 111 millions d’euros, nous pourrons ainsi réaliser autant d’économies en organisant non plus trois scrutins – les élections cantonales et régionales –, mais un seul – les élections territoriales. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est une découverte… Le plus simple serait de supprimer les élections !
M. Philippe Richert, ministre. Certes, là n’est pas la question essentielle, mais il n’est pas inutile de rappeler les dépenses qu’engage l’État pour organiser ces élections. Si vous diminuez le nombre d’élections, vous réduisez tout simplement les dépenses ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
D’ailleurs, cela aurait pu être, mesdames, messieurs les sénateurs, une raison d’invoquer l’article 40 de la Constitution… (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Philippe Richert, ministre. Personne ne l’a fait ! J’indique simplement que ce serait une dépense supplémentaire, puisqu’il s’agirait de mettre en place les conditions de l’organisation d’élections supplémentaires. Or personne ne peut ignorer ici que l’organisation des élections a un coût.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Supprimez le droit de vote !
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Vous affinez votre modèle !
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu, çà et là, des chiffres sur les coûts liés à cette réforme, s’agissant de la construction d’hémicycles régionaux, notamment.
Ces estimations sont totalement infondées. Elles sont erronées parce que la question immobilière n’est pas généralisée à tous les conseils régionaux : j’en veux pour preuve la situation de l’Alsace ou du Limousin.
M. Gérard César. Au hasard !
M. Philippe Richert, ministre. L’Alsace, vous le savez, s’est engagée dans une démarche spécifique, que je ne souhaite pas du tout généraliser à l’ensemble du pays d'ailleurs.
Mme Bernadette Bourzai. De toute façon, on n’en veut pas !
M. Philippe Richert, ministre. Nous avons prévu de réunir les conseillers généraux et les conseillers régionaux dans une collectivité unique. Nous le faisons dans une démarche transversale, tous partis politiques confondus.
Cette réforme a été votée au conseil régional, à l’unanimité, par les socialistes, les écologistes,…
M. Alain Gournac. Ils sont bien, là-bas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La main dans la main ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Richert, ministre. … dans l’intérêt de notre région. Nous avons recherché les moyens d’aboutir à une organisation plus efficace.
Je ne souhaite pas la généralisation de cette expérience, je le répète. Toutefois, nous avons constaté que les enceintes du conseil général du Haut-Rhin, à Colmar, ou du conseil régional, à Strasbourg, offraient suffisamment de place pour accueillir tous les élus, sans qu’il soit nécessaire d’engager des dépenses supplémentaires.
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
M. Philippe Richert, ministre. Les dépenses qui ont été avancées – un milliard d’euros, parfois ! – pour adapter les hémicycles me paraissent pour le moins surévaluées.
Sur ce chapitre, permettez-moi enfin de relever que poser la question des hémicycles régionaux avant celle de l’articulation du conseil régional et du conseil général me semble une erreur de perspective.
Je pense avoir démontré que la création du conseiller territorial était pertinente. Mais vous ai-je convaincu quant à sa légitimité ? (« Oui ! » sur les travées de l’UMP. – « Non ! » sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Je vais donc essayer une nouvelle fois !
N’en déplaise à ses détracteurs, le conseiller territorial est un élu pleinement légitime de la République.
Je veux rappeler – mais est-ce bien nécessaire ? – que le conseiller territorial a déjà fait l’objet de débats très larges tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, tout d’abord dans le cadre de la loi du 16 décembre 2010, ensuite dans celui de la loi du 26 juillet 2011 fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région.
Le Parlement s’est souverainement prononcé, à plusieurs reprises. Par conséquent, ce nouvel élu ne souffre d’aucun déficit de légitimité parlementaire.
J’ajoute, s’il en est encore besoin, que le Conseil constitutionnel a très clairement validé la création du conseiller territorial, comme il a validé le tableau de répartition par département et par région.
Pour ma part, j’ai le plus grand respect pour les décisions de la Haute juridiction,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Bel argument.
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
M. Philippe Richert, ministre. Vous me permettrez donc de relever que tous les arguments développés contre la création du conseiller territorial ont été écartés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 décembre 2010.
Permettez-moi d’en rappeler les principaux éléments.
Tout d’abord, la création du conseiller territorial n’entraîne pas la tutelle d’une collectivité sur une autre.
Ensuite, le Conseil a validé le seuil minimum de quinze conseillers territoriaux pour sauvegarder la représentation de nos territoires ruraux. Et s’il a réformé les effectifs du tableau, ce n’est qu’à la marge.
Enfin, le Conseil constitutionnel a été très clair sur la parité : le conseiller territorial n’y porte pas atteinte ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Il le précise sans ambiguïté dans le considérant 34 de sa décision. Le Conseil considère que le conseiller territorial porte d’autant moins atteinte à la parité que la loi du 16 décembre 2010 prévoit deux dispositions favorisant la parité à l’occasion des élections territoriales de 2014.
L’article 4 dispose en effet que les futurs conseillers territoriaux élus au scrutin majoritaire pourront être remplacés par leur suppléant pour « quelque cause que ce soit », alors qu’un conseiller général ne l’était que dans un nombre limité de cas.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est scandaleux !
M. Philippe Richert, ministre. Combinée à l’article L. 210-1 du code électoral, qui prévoit que le suppléant d’un conseiller général doit être de sexe différent, la généralisation du dispositif de suppléance devrait permettre à davantage de femmes d’accéder au mandat de conseiller territorial.
Mme Natacha Bouchart. Quel progrès !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il n’y aura que des suppléantes !
M. Philippe Richert, ministre. Toutefois, un amendement du rapporteur a eu pour objet de supprimer cette disposition, je le répète.
En outre, l’article 81 a introduit un dispositif d’incitation financière au respect de la parité dans les candidatures aux élections territoriales.
Ce mécanisme de modulation financière, adopté par le législateur, incitera fortement les partis et groupements politiques à respecter la parité des candidatures lors des élections territoriales.
Néanmoins, là encore, M. le rapporteur a supprimé, sans doute par mégarde,…
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Je n’ai même pas cette circonstance atténuante ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Philippe Richert, ministre. … cette disposition importante qui renforçait le dispositif de promotion de la parité en politique voulu par le Gouvernement ! Je le regrette vivement.
La parité est pour le Gouvernement un élément fondamental d’une démocratie locale rénovée et modernisée.
M. Jean-Luc Fichet. On est mal parti !
M. Philippe Richert, ministre. Dans sa décision du 21 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a, en outre, rejeté deux autres griefs : s’agissant d’assemblées régionales, le principe d’égalité devant le suffrage doit s’apprécier à l’intérieur d’une région, et non sur le plan national ; les conseillers territoriaux ne portent pas atteinte au corps électoral des sénateurs.
Pour clore mon propos (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – « Encore ! Encore ! » sur les travées de l’UMP.), je dirai un dernier mot sur la mise en œuvre du conseiller territorial.
Le statut du conseiller territorial, son régime d’incompatibilités et d’inéligibilités, le statut du remplaçant doivent encore être précisés.
Le Gouvernement sera naturellement ouvert sur ces sujets, qui feront l’objet de débats parlementaires approfondis le moment venu, lorsque le projet de loi n° 61 viendra en discussion.
Nous avons jusqu’à mars 2013 pour faire adopter ces mesures à l’élaboration desquelles le Parlement, j’en suis persuadé, prendra toute sa part.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, le Gouvernement ne peut être favorable à une proposition de loi qui s’offre une nouvelle fois pour seul but de mettre à mal la nécessaire modernisation de nos libertés locales votée le 16 décembre 2010.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas ce que pensent les élus !
M. Philippe Richert, ministre. La majorité sénatoriale se fige dans le symbole ; elle ne recherche pas des solutions d’avenir pour nos territoires. Le Gouvernement entend quant à lui conserver le cap de l’action et des réformes au service des Français.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes encore en meeting, monsieur le ministre !
M. Philippe Richert, ministre. Vous permettrez également à un homme qui est né en politique avec et grâce à la décentralisation de formuler un regret, celui d’un rendez-vous manqué,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous en avez manqué pas mal !
M. Philippe Richert, ministre. … d’une occasion ratée de faire œuvre commune pour la République décentralisée que nous avons en partage. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées de l’UMP.)
M. Yves Daudigny. À qui la faute ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, permettez-moi de saluer l’enthousiasme de M. le ministre, qui s’est exprimé avec beaucoup de fougue pour justifier un texte dont on pouvait penser qu’il était accepté avec bien plus de facilité, qu’il ne nécessitait pas une telle dépense d’énergie et d’arguments. J’en prends note.
Le rapporteur ayant été directement mis en cause, et avec lui le travail de la commission, je tiens à rappeler au Sénat que ce n’est pas par négligence, comme vous l’avez suggéré, monsieur le ministre, que nous avons abrogé les articles que vous avez évoqués et ceux qui comprenaient certaines des dispositions que vous avez citées : il s’agissait bien d’un choix volontaire.
Ainsi en est-il de l’article prévoyant le relèvement du seuil des inscrits nécessaire pour pouvoir se maintenir au second tour de l’élection. Cette disposition ne faisait pas, me semble-t-il, l’unanimité. Je ne suis pas certain non plus qu’elle présentait les garanties de pluralisme nécessaires.
Toutefois, le plus intéressant, c’est le reproche que vous nous adressez sur la parité. Certes, dans un souci de cohérence, nous avons supprimé les dispositions qui sanctionnaient le fait de ne pas présenter un nombre de candidates équivalant au nombre de candidats aux élections de conseiller territorial. Ces dispositions ne s’appliquaient que spécifiquement à cet élu. Sa suppression implique donc la disparition de ces dispositions, qui ne pouvaient pas s’appliquer aux élections cantonales.
Pour autant, votre argumentation mérite d’être relevée sur deux points.
Tout d’abord, vous avez laissé entendre que la parité aurait été encouragée par la possibilité de prévoir le remplacement, pour tous motifs, du conseiller territorial par son suppléant. C’est donc poser comme pétition de principe que le titulaire est nécessairement un homme et le suppléant obligatoirement une femme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Cette disposition qui, du point d’où vous venez, est sans doute un progrès, constitue manifestement, par rapport au point où nous voulons aller, une régression.
Je prendrai un autre exemple – je comprends que vous n’ayez pas forcément envie qu’on l’évoque – tiré du rapport de ma collègue Michèle André, rapporteure de la commission des finances, qui rappelle le montant des retenues sur la dotation des partis politiques au titre de la parité en 2009.
Monsieur le ministre, à vous qui témoignez d’un élan oratoire et d’une éloquence formidable pour défendre la parité, je rappellerai simplement que l’Union pour un mouvement populaire, une organisation qui ne vous est pas totalement étrangère, a fait l’objet d’une retenue sur sa dotation au titre de la parité de plus de 4 millions d'euros, contre 500 000 euros pour le parti socialiste et 67 000 euros pour le parti communiste. (Hou ! sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) En matière de parité, ce sont les faits qui parlent ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Voilà une quinzaine de jours, on m’a reproché de faire des réponses trop longues. Néanmoins, si, chaque fois que je m’exprime, M. le rapporteur reprend la parole après moi, vous comprendrez qu’il me sera difficile de ne pas réagir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
J’interviendrai donc à la fin de la discussion générale afin de répondre à M. le rapporteur de la commission, tant sur cette intervention que les sujets qu’il a évoqués dans son discours liminaire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, vous avez déclaré tout à l’heure qu’un rendez-vous avait été manqué : si tel fut le cas, c’est parce que vous avez posé un lapin aux collectivités locales ! (Sourires.)
Il est logique et sain que le message des grands électeurs ait une traduction législative au Sénat, maison des collectivités locales.
Il est logique aussi que, conformément à l’article 39 de la Constitution, la Haute Assemblée, en priorité, débatte du meilleur moyen de ramener la sérénité dans nos collectivités. Pour ce faire, il faut abroger le conseiller territorial, créature hybride – je revendique l’expression – qui mérite de retomber dans l’oubli avant d’avoir vécu.
M. Pierre Hérisson. Créature à deux têtes !
M. Jacques Mézard. Une créature dont vous refusez, avant l’élection présidentielle, de discuter dans chaque département de l’assise territoriale, assise qui relève, certes, du domaine règlementaire, mais qui aurait justifié une concertation, y compris dans le cadre de la rationalisation de la carte intercommunale.
Il est logique, enfin, que le Sénat exprime fortement qu’il lui fut fait de bien mauvaises manières pour arriver, in fine, à lui arracher un vote majoritaire de deux voix dans des conditions qui ne méritent pas de rester dans les annales parlementaires. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Christian Cambon. La République fut votée à une voix de majorité !
M. Jacques Mézard. En fait, vous avez provoqué l’opposition sénatoriale et vous l’avez rendue majoritaire.
Faut-il rappeler les péripéties de ce texte,…
M. Yves Daudigny. Cela pourrait durer longtemps !
M. Jacques Mézard. … la façon dont le travail de la mission sénatoriale « Belot-Gourault-Krattinger » fut déconsidéré par la survenance, dirigée d’en haut, le dernier soir, du conseiller territorial ? Faut-il rappeler encore la façon dont vous évoluâtes (Exclamations amusées.)…
M. Yann Gaillard. Quelle grammaire !
M. Jacques Mézard. … sur le mode de scrutin avec le fameux amendement About, sirop indispensable pour amadouer nos collègues centristes, et la pilule qui suivit pour faire absorber le scrutin uninominal majoritaire à deux tours ?
Faut-il rappeler, enfin, les conditions déplorables dans lesquelles la commission mixte paritaire fut menée, le feuilleton du tableau du nombre de conseillers, les avatars du projet de loi n° 61, déposé au Sénat par le Gouvernement le 21 octobre 2009, dont on attend toujours, monsieur le ministre, l’éclosion en séance publique ? J’en passe, et tout cela mérite de trépasser.
Simplifier l’architecture et le fonctionnement de nos collectivités locales, voilà un objectif qui pourrait et devrait rassembler au-delà des clivages politiques, comme le fit, par exemple, la loi Chevènement. (M. Christian Cambon s’exclame.)
Le conseiller territorial ne découle pas d’une telle approche.
M. Alain Gournac. Vive le millefeuille !
M. Jacques Mézard. Il résulte de la volonté du Gouvernement de mettre en place un instrument électoral de nature à modifier la situation actuelle, en particulier dans les régions. (M. Alain Bertrand applaudit.) Regardons les choses en face : entre le rapport Balladur, dont les conclusions étaient très régionalistes, et la loi du 16 décembre 2010, il y a un abîme.
Sur cet aspect électoraliste qui n’échappe à personne se greffe la suppression de la taxe professionnelle et la perte d’autonomie fiscale des régions. La cible était déterminée !
Et tout cela avec un mécanisme lourd, un fonctionnement dont la complexité est évidente et qui, en certains points, se trouve d’ailleurs en contradiction avec le discours tenu par le Président de la République le 20 octobre 2009 à Saint-Dizier ! Je le rappelle à ceux de nos collègues qui l’ont oublié,…
M. Pierre Hérisson. On n’oublie rien !
M. Jacques Mézard. … le chef de l’État avait affirmé : « Je ne suis pas l’homme des commissions oubliées et des rapports enterrés – ceux qui ont travaillé pendant six mois à la mission Belot s’en souviendront…
« Le pluralisme des idées politiques justifie que l’on réserve une place aux petits partis dans les conseils généraux et les conseils régionaux. C’est ce que nous proposons en attribuant une partie des sièges à la proportionnelle ». (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
« Bien sûr, toutes les mesures seront prises pour atteindre l’objectif de la parité. » !
Certes, les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent, mais regardons le résultat.
Premièrement, des assemblées régionales pléthoriques, ingérables pour effectuer un travail sérieux. Au moment où vous réduisez le nombre des conseillers communautaires, considérant que les EPCI ont trop d’élus, vous les multipliez dans les conseils régionaux. Où est la logique ?
Deuxièmement, un cumul des mandats officiel que vous refusez de reconnaître, mais c’est bien cumuler que siéger à la fois au conseil général et au conseil régional, en plus avec des contraintes de déplacement considérables. Pour aller du nord de l’Allier au sud de la Haute-Loire, vous m’expliquerez comment on fera ! (Brouhaha sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. On prendra des voitures !
M. Jacques Mézard. Il faudra réduire leur nombre, mes chers collègues !
Monsieur le président, je continuerai mon propos lorsque le calme sera revenu.
M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser M. Mézard s’exprimer.
Un sénateur de l’UMP. Prenez votre temps !
M. Jacques Mézard. Troisièmement, une parité foulée au pied, car la compensation que vous avez annoncée dans les petites et moyennes communes n’a strictement aucun rapport avec les départements et les régions. Cette compensation n’a aucun sens.
Quant à la distorsion de la représentation au sein des différents départements et des régions, elle est profondément inéquitable.
De la même manière, votre prédécesseur, monsieur le ministre, a affirmé que le chevauchement des compétences coûtait 20 milliards d’euros,…
M. Bruno Sido. Au moins !
M. Jacques Mézard. … tout en déclarant que vous garantissiez les ressources des collectivités.
M. Jacques Mézard. Vous n’avez qu’à vous référer aux comptes rendus des débats.
Cette réforme n’a plus qu’un seul fondement électoral. Elle ne simplifie rien et complique la situation. Vous avez eu peur de supprimer un niveau de collectivité comme vous y invitait le rapport Balladur. Vous avez donc créé ce conseiller territorial, qui sera partout et nulle part. (M. Bernard Fournier s’exclame.) Je sais bien que cela ne vous fait pas plaisir, parce que les conséquences en sont connues !
M. Bernard Fournier. Ce n’est pas votre proposition de loi !
M. Jacques Mézard. Si, je l’ai cosignée !
Vous comprendrez donc que, très majoritairement, notre groupe votera cette proposition de loi, car nos collectivités méritent mieux. Elles le savent et elles l’ont dit. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Prenez votre temps !
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que dire de nouveau, moins d’un an après l’adoption de la réforme des collectivités territoriales, en décembre dernier ?
Sans répéter l’ensemble du débat que nous avons mené, cette réforme était nécessaire, et même indispensable. Elle a fait l’objet de nombreuses critiques, mais personne ne peut dire aujourd’hui qu’elle n’était pas fondée.
M. Gérard Miquel. Nous le disons !
M. Jean-Patrick Courtois. Elle constitue d’ailleurs une première étape, qui permettra la mise en place d’une nouvelle organisation institutionnelle, lors des prochaines élections locales, c’est-à-dire en 2014.
Cette grande réforme voulue par le Président de la République a été largement discutée par le Parlement : la Haute Assemblée, mes chers collègues, y a d’ailleurs passé plus de cent vingt heures de débat.
Depuis plusieurs années déjà, les travaux se sont multipliés pour attirer l’attention de tous sur la nécessité d’engager une réforme de notre organisation territoriale. Dois-je rappeler dans cet hémicycle l’impressionnante liste des rapports écrits sur le sujet ? Outre celui du comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par l’ancien Premier ministre M. Balladur, je pense aux rapports Mauroy, Pébereau, Richard, Fouquet, Valletoux, Lambert, Attali, Warsmann, Belot ou Saint-Étienne.
Certes, je le reconnais volontiers, tous n’ont pas proposé les mêmes remèdes ; mais tous se rejoignent sur le diagnostic. Tous ont souligné la fragmentation de notre paysage institutionnel, qui a vu s’empiler au fil du temps un grand nombre de structures, sans que l’on cherche vraiment à les réorganiser.
M. Bruno Sido. Exact !
M. Jean-Patrick Courtois. Tous ont souligné l’enchevêtrement des compétences : l’ambition initiale d’une répartition par blocs a progressivement cédé le pas à un partage de la plupart des compétences entre plusieurs niveaux de collectivités territoriales, ou entre celles-ci et l’État.
Voilà le fondement de la réforme qui a été courageusement engagée en 2009.
N’était-il pas responsable, chers collègues, de vouloir rationnaliser une multitude de structures, pour un meilleur fonctionnement de notre démocratie locale, et surtout pour une plus grande visibilité au profit de nos concitoyens ? Et voilà que, aujourd’hui, vous souhaitez détricoter ce pendant d’une réforme structurante pour nos territoires !
Permettez-moi, tout d’abord, d’être étonné que vous ayez voulu saucissonner ce texte en plusieurs parties,…
M. Yves Daudigny. Vous vous y connaissez en saucissonnage !
M. Jean-Patrick Courtois. … vous qui, voilà moins d’un an, rejetiez toutes les propositions de ce texte en bloc. Vous me répondrez que c’est par cohérence, aujourd’hui, que vous souhaitez l’abrogation de ce conseiller territorial, après avoir proposé, dans une grande alliance, une refondation complète de l’intercommunalité.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-Patrick Courtois. Chers collègues, avez-vous réellement compris l’utilité de cette réforme ? J’en doutais voilà un an, j’en ai maintenant la certitude !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Les grands électeurs non plus n’ont pas compris son utilité !
M. Jean-Patrick Courtois. L’organisation territoriale de la France plonge ses racines dans une histoire forgée au cours des siècles. Au fil du temps, notre pays a su dégager un modèle original d’administration locale. Nous sommes restés fidèles à cet héritage tout en adaptant notre organisation territoriale aux défis de notre temps.
L’ambition était clairement affichée d’engager une profonde réforme territoriale, près de trente ans après les premières lois de décentralisation.
Longtemps, la centralisation a dominé l’histoire politique et administrative de notre pays.
Tout au long du XIXe siècle et durant une bonne partie du XXe siècle, la France resta marquée du sceau de la centralisation et même de l’uniformité, toutes deux vécues comme des garanties pour l’unité de la Nation. Peu à peu, pourtant, il y eut la lente progression des libertés locales, qui cependant ne se fit jamais de manière linéaire.
Il fallut donc attendre 1946 pour que les collectivités territoriales se trouvent consacrées dans la Constitution.
L’histoire retient que c’est François Mitterrand qui, en 1982, enclencha de manière décisive le mouvement de décentralisation de notre pays avec les lois Defferre.
M. Jean-Jacques Mirassou. Exact !
M. Didier Guillaume. Excellent !
M. Jean-Patrick Courtois. C’est néanmoins la droite qui, quelques années plus tard, s’efforça, avec la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, de tirer les conséquences de la décentralisation sur l’aménagement du territoire.
Ce sont en effet la droite et le centre qui, en 2003, ont modifié l’article premier de la Constitution pour proclamer solennellement : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. [...] Son organisation est décentralisée. »
Ce sont la droite et le centre, encore, qui ont inscrit la région dans la Constitution.
Ce sont la droite et le centre, enfin, qui ont affirmé dans notre loi fondamentale les principes de subsidiarité et d’autonomie financière, avec Jean-Pierre Raffarin. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
La vérité, c’est que, au terme de ces trois décennies, la décentralisation n’est plus de droite, de gauche ou du centre ; elle est devenue le patrimoine commun des républicains.
La décentralisation a contribué à la vitalité démocratique de notre pays. Elle a renforcé les libertés locales, libéré les énergies et consacré une nouvelle forme de gestion publique, plus proche des citoyens : la démocratie de proximité.
Pour autant, devions-nous nous interdire d’en relever certaines faiblesses ? Je reste convaincu que la force d’une institution se mesure précisément à sa capacité d’adaptation. C’est en réformant notre organisation territoriale que nous confortons la décentralisation et les libertés locales. C’est au contraire en ne faisant rien que nous les affaiblissons.
Que n’avons-nous pas entendu pendant deux ans comme idées fantaisistes ! « Supprimez les départements », nous ont conseillé les uns, jugeant que ceux-ci étaient « trop petits, trop uniformes »… « Fusionnez d’autorité les régions », nous ont suggéré les autres, estimant que celles-ci étaient « trop exiguës, pas assez compétitives vis-à-vis de leurs homologues européennes »… « Réduisez drastiquement le nombre des communes », ont soufflé d’autres encore, prétendant que « plus de 36 000 communes, c’est le mal français par excellence »…
Je puis pourtant vous affirmer, mes chers collègues, et je suis plutôt bien placé pour vous le rappeler, qu’il n’a jamais été question de supprimer les départements. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Il n’a pas non plus été question de regrouper d’autorité les régions, ni même que l’État impose des fusions de communes.
La réforme que nous avons adoptée – n’oubliez pas qu’elle a été votée, mes chers collègues ; ne volez pas cette légitimité au Parlement ! – refonde notre organisation territoriale autour de deux pôles complémentaires, un pôle départements-régions et un pôle communes-intercommunalités, comme l’avaient d’ailleurs proposé le Comité pour la réforme des collectivités territoriales et la Cour des comptes.
Le premier pilier de cette réforme est l’émergence d’un pôle départements-régions.
D’un côté, nous avions le département, une institution plus que biséculaire dont les compétences n’ont cessé de croître au fil du temps, en particulier dans le domaine social, et qui reste, en outre, un appui indispensable aux communes rurales. Qui peut nier en effet que cette institution dispose aujourd’hui d’une forte légitimité, et que nos concitoyens lui marquent légitimement leur attachement ?
De l’autre, nous avions la région, la plus jeune de nos collectivités territoriales. Dans un pays de tradition unitaire et centralisatrice, la reconnaissance du fait régional ne s’imposait pas comme une évidence. Chacun s’accorde aujourd’hui à considérer que la région a vocation à conduire des politiques structurantes, à mi-chemin entre l’État et l’échelon de proximité. Il nous fallait donc continuer à conforter cette vocation.
Le second pilier est fondé sur le pôle communes-intercommunalités. Cependant, je n’aurai pas ce soir l’audace de revenir sur ce thème dans ce propos introductif.
Dès lors, je vous pose de nouveau la question, mes chers collègues : fallait-il vraiment choisir entre le département et la région ? Étions-nous condamnés à ce choix binaire ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Non !
M. Jean-Patrick Courtois. Le Parlement a fait un choix, simple, pragmatique et ambitieux, au travers de l’institution d’un nouvel élu local, le conseiller territorial, qui siégera à la fois au sein du conseil régional et du conseil général de son département d’élection.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois. La création du conseiller territorial constitue, de ce fait, une innovation.
N’est-elle d’ailleurs pas directement inspirée de la pratique ancestrale de l’agora, en Grèce, où les mêmes personnes débattaient de l’ensemble des problèmes locaux ?
M. Bruno Sido. Parfaitement !
M. Jean-Patrick Courtois. En réalité, l’instauration du conseiller territorial doit permettre d’engager le chantier de la clarification et de la simplification.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois. Le conseiller territorial a pour vocation d’être porteur d’une double vision, départementale et régionale. Sa connaissance du mode de fonctionnement des départements et de la région, de leurs compétences respectives et des modalités de leurs interventions techniques et financières lui permettra de favoriser la complémentarité des actions de ces deux niveaux de collectivités et d’éviter ainsi les initiatives concurrentes ou redondantes sur un même territoire. Il sera, en fait, l’interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, ce qui contribuera à améliorer la réactivité et la cohérence dans le choix des financements.
Créer le conseiller territorial, mes chers collègues, c’était faire le pari de l’intelligence des territoires, et nous sommes convaincus que régions et départements ont tout à y gagner. Plus que jamais, je suis persuadé que la région peut y trouver un surcroît de légitimité. Je ne pense aucunement que le conseiller territorial ne sera pas capable de développer une vision régionale. Au contraire, j’estime que l’échelon régional souffre aujourd’hui, auprès de nos concitoyens, d’un manque de visibilité, et donc de légitimité.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Jean-Patrick Courtois. On connaît son maire, on connaît son conseiller général – en tout cas en milieu rural –, mais on connaît rarement son conseiller régional. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-Patrick Courtois. Avec le conseiller territorial, la région trouvera un relais de proximité auprès de nos concitoyens. Le département, quant à lui, pourra trouver matière à élargir utilement ses horizons.
Ainsi, mes chers collègues, ce nouveau mandat constitue un fabuleux facteur de renouvellement de l’action publique locale, en renforçant l’assise des politiques régionales et en faisant accéder l’élu territorial à des enjeux plus larges.
Que dire de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui ? Faut-il y voir la manifestation d’un excès de zèle d’élus qui ne peuvent ou ne veulent pas assumer des choix politiques locaux, ou une application stricte des propositions peu innovantes de Terra Nova ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Terra Nova ne représente personne !
M. Jean-Patrick Courtois. Que propose Terra Nova ? Ce think tank reprend fidèlement la trentième proposition du projet socialiste, qui s’attache à défendre les corporatismes locaux !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous mélangez tout ! C’est un club de réflexion, qui n’engage pas le parti socialiste !
M. Jean-Patrick Courtois. À travers cette proposition démagogique, le parti socialiste défend ses positions dans les régions, ni plus ni moins ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
La suppression des conseillers territoriaux entraînerait le rétablissement des conseillers régionaux et des conseillers généraux. Cette mesure n’a qu’une seule vocation : surtout, ne rien changer ! (Voilà ! sur les travées de l’UMP.)
Pour les conseillers régionaux, Terra Nova suggère de revenir au mode de scrutin établi par la loi du 19 janvier 1999, c’est-à-dire, mes chers collègues, à une élection au scrutin de liste proportionnel régional, avec des sections départementales et, surtout, une prime majoritaire.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais Terra Nova ne représente pas le parti socialiste !
M. Jean-Patrick Courtois. J’attends avec impatience, monsieur le rapporteur, que vous nous fassiez part clairement de vos intentions.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Jean-Patrick Courtois. Sous prétexte de parité – nous nous attristons que l’on puisse l’utiliser ainsi comme un alibi –, le parti socialiste entend garantir l’élection de ses apparatchiks (Marques d’approbation et applaudissements sur les travées de l’UMP.), quand nous entendons, pour notre part, ancrer les élus dans les territoires, en optant pour un mode de scrutin uninominal qui les rend visibles, audibles et en prise avec les préoccupations des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Bruno Sido. Bravo !
M. Jean-Patrick Courtois. L’introduction de la proportionnelle est la garantie d’un affaiblissement du conseil général, que nous ne saurions accepter ni tolérer. C’est la mort programmée des communes, au profit des communautés de communes, qui n’en demandaient d’ailleurs pas tant.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Jean-Patrick Courtois. Par ailleurs, Terra Nova propose de supprimer le canton en tant que circonscription électorale,…
M. Gérard César. Absolument !
M. Jean-Patrick Courtois. … et oscille entre deux nouveaux découpages.
La première hypothèse serait d’établir la représentation proportionnelle à l’échelle départementale, assortie d’une prime majoritaire, sur le mode du scrutin régional. Il s’agit là d’une proposition ancienne du parti socialiste, qui obéit à la même logique que le scrutin régional. (Huées sur les travées de l’UMP.)
La seconde hypothèse, qui a le mérite d’être plus originale, mais est totalement irréaliste, fait des périmètres des EPCI à fiscalité propre des circonscriptions d’élection, en prévoyant soit un scrutin binominal paritaire majoritaire à deux tours, soit un scrutin de liste proportionnel. Autant dire que ce serait une usine à gaz !
M. Alain Gournac. Très juste !
M. Jean-Patrick Courtois. Cette option aurait aussi pour défaut d’associer des carpes et des lapins : alors que l’intercommunalité a pour ambition d’apporter un meilleur niveau de service public au bassin de vie qu’elle administre, tout en respectant la commune comme premier lieu d’expression de la démocratie locale, en faire une circonscription électorale la condamnerait définitivement à devenir seulement l’enjeu des politiques départementales. Il ne serait en effet plus possible d’adapter les périmètres des intercommunalités aux besoins des habitants sans modifier la carte électorale du département. Ce ne serait certainement pas rendre service aux habitants de nos communes !
Au lieu de clarifier et de rendre plus efficace l’action locale, Terra Nova, ou plutôt le parti socialiste (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.),…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Patrick Courtois. … hésite, complexifie, pour finalement étendre au maximum le scrutin proportionnel, parfois dans le cadre de circonscriptions improbables et incompréhensibles, ce qui permettrait alors toutes les combinazioni, au nez et à la barbe de l’électeur ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
À la lecture de ces propositions, je doute fortement de votre capacité réelle à gouverner… Car qu’est-ce que gouverner, sinon orienter et administrer une politique publique ?
Oui, l’administration de l’État impose parfois des choix difficiles, mais le pire service que nous pourrions rendre aujourd’hui à la décentralisation, ce serait de ne rien entreprendre, alors que nous dressons tous le même portrait d’une décentralisation vivante et utile, mais pénalisée par une trop grande complexité, qui ne facilite pas l’accès des citoyens à la démocratie locale et décourage les bonnes volontés.
Cette réforme, nous l’avons voulue pour nos institutions, mais aussi pour nos concitoyens ! Nous ne pouvons légiférer au gré d’une humeur, ni par d’ultimes moyens pour faire passer en force des textes motivés seulement par des intérêts particuliers ou par ceux d’un groupe politique.
Mes chers collègues, vous faire entendre raison me semble bien ambitieux ! En revanche, faire comprendre aux Françaises et aux Français que la création du conseiller territorial était, et reste, une idée formidable pour nos territoires et nos institutions me semble primordial ! C’est pourquoi nous défendrons trois motions de procédure afin de nous opposer à ce texte qui, pour nous sénateurs UMP, est une mauvaise farce faite aux Français, digne d’un grand prestidigitateur ! (Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP se lèvent et applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Mes chers collègues, je voudrais vous expliquer pourquoi je vais voter ce texte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
L’honneur d’un parlementaire, c’est de voter selon ses convictions, quelle que soit l’origine du texte qui lui est soumis.
Mme Catherine Tasca. Oui !
M. Philippe Adnot. Ainsi, il est arrivé que mes amendements soient soutenus par la gauche.
La leçon que nous ont donnée les élus locaux lors des dernières élections sénatoriales semble déjà oubliée. Pourtant, au lendemain du changement de majorité sénatoriale, certains reconnaissaient qu’il aurait peut-être fallu les écouter davantage, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Certes, ceux qui siègent aujourd’hui sur les travées de droite de notre hémicycle sont passés à travers les mailles du filet… Mais bon nombre de nos anciens collègues qui n’ont pas été réélus pourraient vous dire qu’ils avaient voté la réforme des collectivités territoriales – adoptée à trois voix près ! – contraints et forcés : il ne faudrait pas l’oublier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Dans le contexte actuel, il me semble que la nation a mieux à faire qu’entreprendre cette réforme coûteuse et inutile, qui entretient la confusion et divise les Français à l’heure où il conviendrait au contraire de se rassembler et d’unir toutes les forces du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
Les forces du mal sont toujours à l’œuvre, car on ne nous a pas dit la vérité. La semaine dernière, dans l’hebdomadaire Le Point, M. Gilles Carrez exposait clairement les intentions réelles qui sous-tendent cette réforme : en fusionnant les départements et les régions, on économiserait 2,5 milliards d’euros. Mais y aura-t-il demain moins de routes à entretenir, moins de services sociaux à faire fonctionner, moins d’assistantes familiales, d’assistantes maternelles ou de pompiers à rémunérer ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Bien sûr que non !
En réalité, monsieur le ministre, une telle fusion obligerait à mettre en place des états-majors et des généraux pour diriger les services, avec les frais de fonctionnement que cela suppose. Ce sera le retour des voitures de fonction avec chauffeur,…
M. Bruno Sido. Payées par les départements !
M. Philippe Adnot. … alors que, aujourd’hui, dans les départements, ceux qui sont à la tête des services n’en ont plus ! Vous verrez que, loin de faire des économies, les collectivités devront engager des dépenses supplémentaires…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La technocratie est à l’œuvre !
M. Philippe Adnot. Je regrette que cette réalité ne vous apparaisse pas ! Mobilisons-nous plutôt pour gérer efficacement ce pays et faire en sorte que les dépenses servent à créer de la richesse.
Le Gouvernement doit remettre en cause un certain nombre de politiques qu’il a mises en œuvre et dont le bilan est désastreux : notre endettement s’est accru de 500 milliards d’euros en quatre ans ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Concentrons-nous donc sur l’essentiel ! Il faut aujourd’hui avoir le courage de détricoter ce qui a été mal tricoté.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Adnot. Il n’y a rien de pire que de persévérer dans l’erreur par orgueil. J’espère que, en votant le présent texte, nous montrerons qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, qu’il me soit permis tout d’abord de me féliciter de ce que cette proposition de loi, déposée initialement par notre groupe, puis signée par l’ensemble des sénateurs de la majorité de gauche du Sénat, vienne aujourd’hui en discussion dans notre assemblée.
Ce large rassemblement, qui peut d’ailleurs encore se renforcer – nous venons de le constater à l’instant –, reflète une vision partagée, qui nous a déjà réunis lors des débats sur la réforme des collectivités territoriales de décembre 2010.
Rappelons que ce n’est que par le biais d’un amendement de dernière minute, négocié en catimini, que la création du conseiller territorial fut finalement adoptée, sans recueillir l’assentiment de l’ensemble des élus de la majorité.
Rappelons aussi les multiples débats que nous avons eus sur l’annexe relative à la répartition des futurs conseillers territoriaux par département et par région. À chaque fois, nous sommes revenus sur le principe même de la création d’un tel élu, tant elle pose problème.
Enfin, chacun a pu mesurer, au cours de la campagne pour les élections sénatoriales, combien ce nouveau type d’élu hybride était contesté par une majorité d’élus locaux. Comment s’en étonner ? Comment la disparition de 2 000 élus locaux, soit près de 50 % des élus départementaux actuels, pourrait-elle être acceptée ?
C’est pourquoi nous avions déposé cette proposition de loi, fermement décidés à la défendre, que la majorité du Sénat soit ou non passée à gauche.
En effet, nous avons toujours refusé la création de cet élu cumulard par définition et schizophrène dans ses missions.
Je ne reviendrai pas ici sur l’ensemble des arguments que viennent de défendre la présidente de notre groupe, Nicole Borvo Cohen-Seat, et notre rapporteur, Gaëtan Gorce.
Un sénateur de l’UMP. C’est dommage !
M. Christian Favier. Je n’étonnerai personne en soulignant que je les partage, tout comme l’ensemble des sénateurs et des sénatrices de notre groupe.
Cela étant, je voudrais revenir sur certains aspects essentiels qui justifient, à notre avis, l’abrogation des articles de la loi de décembre 2010 créant ce conseiller territorial, en attendant l’abrogation de cette loi dans son ensemble.
Il s’agit, à nos yeux, d’un recul démocratique sans précédent, d’une remise en cause totale de la décentralisation, car avec 2 000 conseillers généraux en moins, les départements ne pourront plus être gérés ni mettre en œuvre leurs missions dans des conditions satisfaisantes, faute d’un nombre d’élus suffisant.
M. Bruno Sido. Dans le Val-de-Marne ?
M. Christian Favier. Dans le Val-de-Marne, après la suppression de quatorze conseillers généraux, il n’en restera que trente-cinq pour gérer un département de 1,3 million d’habitants. Très sincèrement, je ne crois pas que ce soit suffisant !
M. Bruno Sido. C’est le président qui fait tout ! (Sourires.)
M. Christian Favier. Cette mesure, ajoutée à la perte de la compétence générale, transformera inéluctablement nos départements en de simples administrations déconcentrées de l’État.
De plus, avec la mise en place des schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services entre les départements et la région, le risque est grand de voir nos départements disparaître peu à peu. Ils deviendront de simples guichets de paiement des politiques sociales définies par l’État et se transformeront en administrations territorialisées des régions.
Un sénateur de l’UMP. On verra !
M. Christian Favier. Ce serait alors la disparition de cet échelon départemental par évaporation, comme le préconisait la commission Balladur.
Pourtant, chacun reconnaît la pertinence de cet échelon pour mener avec efficacité une gestion de proximité des politiques publiques, au plus près des besoins de nos concitoyens.
Chacun sait bien ici le rôle joué par les conseillers généraux, dont le nombre, je le répète, n’est nullement pléthorique. Ce sont des élus de terrain, reconnus par les populations, ainsi que par l’ensemble des élus municipaux.
Tous savent pouvoir trouver auprès d’eux une écoute pour faire entendre et remonter, comme on dit, leurs besoins et leurs attentes, dans l’espoir que le département pourra soutenir tel ou tel projet, surtout quand il faut suppléer au désengagement de l’État. Cela fait toute la richesse démocratique de notre pays, et cette réalité, quoi qu’on en dise, est vécue aussi bien dans les territoires ruraux que dans les zones urbaines. En tant que président du conseil général d’un département fortement urbanisé, je peux en porter aujourd'hui témoignage.
Entendons tous nos conseillers généraux, ruraux et urbains, qui, dans leurs permanences, reçoivent des centaines de personnes venues exposer leurs difficultés et demander leur intervention. Écoutons ce qu’ils nous disent de la richesse des échanges au sein des divers conseils d’administration de collège, d’hôpital, de maison de retraite dont ils sont membres. Enfin, n’oublions pas que beaucoup d’entre eux conservent également une activité professionnelle : c’est là aussi une richesse et une particularité de notre pays.
Ce sont cette proximité et cette écoute qui fondent la pertinence des politiques publiques mises en œuvre à l’échelon départemental. Réduire de 50 % le nombre des conseillers généraux n’est pas seulement une mesure d’ordre quantitatif, c’est aussi un changement qualitatif, amenant une transformation totale des missions de ces élus.
Siégeant dorénavant à la fois à l’assemblée départementale et à l’assemblée régionale, ils vont devenir, de fait, des professionnels de la politique,…
M. Éric Doligé. Cela leur fera du bien !
M. Christian Favier. … accaparés par leurs nombreuses tâches politico-administratives, mobilisés quasiment en permanence, au département et à la région, par les séances et les réunions des diverses commissions.
M. Éric Doligé. Il faut s’organiser !
M. Christian Favier. En effet, ce changement de statut vaudra aussi quand ils exerceront les fonctions de conseiller régional.
D’abord, l’article 5 de la loi de réforme des collectivités territoriales, dont nous soutenons l’abrogation, dispose que désormais les conseils régionaux sont composés des conseillers territoriaux siégeant dans les conseils généraux de la région. C’est donc bien ès-qualité que ces derniers siégeront à l’assemblée régionale, où ils seront des représentants des départements, doublés d’élus cantonaux : il y a bien confusion des genres et changement de statut.
M. Éric Doligé. Que font-ils dans les communautés de communes ?
M. Christian Favier. Leurs missions s’en trouveront totalement bouleversées. Ils perdront de fait la proximité nécessaire à leur mission de conseillers généraux et le recul essentiel à la définition de leurs choix stratégiques en tant que conseillers régionaux.
Par ailleurs, leurs tâches seront si multiples qu’ils ne pourront plus exercer leur rôle irremplaçable d’animateurs de la vie publique locale, de notre démocratie de proximité. Ils perdront peu à peu le contact avec les forces sociales, ne pourront plus les rencontrer sur le terrain, travailler avec elles sur les projets, aller à la rencontre des habitants, participer aux événements de la vie locale.
Compte tenu des charges qu’ils assumeront, ils dépendront toujours plus de la technostructure qui les entoure. Je ne crois pas que c’est ainsi que nous réaliserons des économies ; bien au contraire, nous ne ferons que renforcer une bureaucratie toujours plus envahissante. Ils deviendront alors des gestionnaires éloignés des populations qu’ils sont censés représenter.
Comme le disait Philippe Séguin (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.), la proximité coûte cher. Cela est vrai, et c’est sans doute ce qui conduit le Gouvernement à vouloir éloigner les élus de la population, pour mieux les contraindre à réduire la dépense publique, pourtant si utile au bien commun, à réduire les services publics locaux, auxquels nos concitoyens sont attachés.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Christian Favier. Ces services publics les aident dans leur vie quotidienne, par la mise à disposition d’équipements publics…
M. Bruno Sido. C’est terminé !
M. Christian Favier. … et de prestations utiles d’une grande diversité, allant de la crèche à l’école, de la restauration scolaire aux activités socioéducatives, culturelles et sportives pour tous. Ils apportent un soutien aux familles et à nos retraités, par l’aide au maintien à domicile ou par la gestion des maisons de retraite, ils développent l’aménagement de l’espace public et les transports collectifs, ils soutiennent les travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique et de réhabilitation, ils participent à la réalisation de logements, notamment sociaux, accessibles au plus grand nombre.
C’est tout cela que le Gouvernement veut réduire.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est terminé !
M. le président. Je vous demande de conclure, mon cher collègue !
M. Christian Favier. Nous proposons, tout au contraire, d’inverser cette logique de régression démocratique et sociale.
Souhaitant développer la démocratie de proximité pour toujours mieux répondre aux attentes et aux besoins de nos concitoyens, nous voterons donc, naturellement, cette proposition de loi tendant à l’abrogation du conseiller territorial. Ce faisant, loin de nous contenter de quelques aménagements partiels de la loi de décembre 2010, nous nous attaquons à l’une de ses pièces maîtresses. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Christian Favier. Nous nous félicitons, par avance, de ce qu’une majorité de sénateurs s’accordent à soutenir une telle proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre.
Un sénateur de l’UMP. Le plus grand des cumulards !
M. Bruno Sido. Huit minutes !
M. Michel Delebarre. Je vais essayer de respecter mon temps de parole, mes chers collègues, mais c’est vous qui me supplierez de continuer, vous verrez ! (Rires sur les travées de l’UMP. –Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Je ne reviendrai pas sur les multiples rebondissements ayant entouré la mise en place du conseiller territorial. L’intervention du Conseil constitutionnel n’a pas contribué à crédibiliser la création de cet élu mort-né.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il l’a validée !
M. Michel Delebarre. Je me contenterai d’exposer les raisons profondes qui motivent le dépôt de cette proposition de loi d’abrogation, déposée par nos collègues Nicole Borvo Cohen-Seat, François Rebsamen et Jacques Mézard.
La création du conseiller territorial est en quelque sorte emblématique de cette pseudo-réforme des collectivités territoriales adoptée à la fin de l’année 2010, qui revient à maltraiter les territoires et qui, à nos yeux, marque une régression significative et sans précédent de la décentralisation.
Nous sommes en effet nombreux à considérer que l’instauration du conseiller territorial ne permet pas de respecter le principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage. La répartition des sièges votée avant l’été crée des écarts manifestement disproportionnés entre les régions : un conseiller territorial représentera quelque 8 000 habitants en Lorraine, 8 100 dans le Limousin, mais 29 000 dans le Nord-Pas-de-Calais et 37 800 en Île-de-France !
M. Bruno Sido. Et en Champagne-Ardennes ?
M. Michel Delebarre. Si une seule raison devait justifier la suppression du conseiller territorial, la voilà !
M. Bruno Sido. Mais non !
M. Michel Delebarre. Le Gouvernement a beau jeu de répéter que ces écarts n’ont pas d’importance tant que la cohérence entre départements d’une même région est respectée : sur quels fondements réels repose une telle affirmation, alors que rien ne peut justifier de telles disparités dans le maillage démocratique du pays ?
M. Bruno Sido. Il n’a rien compris !
M. Michel Delebarre. Comment justifier que la voix d’un citoyen puisse valoir trois ou quatre fois plus que celle d’un autre ?
M. Bruno Sido. Pas du tout !
M. Michel Delebarre. Il semble, dès lors, que des considérations électoralistes ont présidé à la mise en œuvre de ce découpage pour le moins condamnable.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est tout le contraire !
M. Michel Delebarre. Un autre mode de calcul aurait peut-être pu être utilisé, mais aujourd'hui nous n’en sommes plus là. C’est de clarté dans l’expression démocratique dont ont besoin nos concitoyens, ce qui nous conduit à soutenir la proposition de supprimer purement et simplement cet élu hybride, mi-conseiller général, mi-conseiller régional, que sera le conseiller territorial. Il ne manquera pas de souffrir d’une forme de schizophrénie : présent au conseil général le matin, il finira la journée au conseil régional ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et alors ?
M. Bruno Sido. Huit minutes !
M. Michel Delebarre. Mes chers collègues, tempérez votre enthousiasme, je n’en ai pas encore terminé ! (Sourires.)
La confusion entre les attributions, départementales et régionales, ne permettra pas au conseiller territorial d’assumer correctement son mandat.
M. Rémy Pointereau. Et vous, comment faites-vous ?
M. Bruno Sido. Il paraît qu’il y en a qui cumulent !
M. Michel Delebarre. L’invention de ce mécanisme de double représentation par un seul élu constitue un retour en arrière par rapport à ce qui fut la logique constante de la décentralisation et, d’une certaine manière, par rapport à la logique de la démocratie, qui exige une clarification des représentations et des compétences.
La création du conseiller territorial va aussi, à nos yeux, à l’encontre de l’indispensable proximité entre les citoyens et les élus. Moins d’élus, c’est souvent moins de démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Non ! sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Drôle de conception de la démocratie !
M. Michel Delebarre. Notre pays a pourtant bien besoin de renforcer les liens entre les citoyens et le monde politique. Réduire les effectifs des assemblées territoriales peut maladroitement affaiblir la proximité, avec au final une moins bonne prise en compte des besoins des populations. En faisant élire les conseillers territoriaux dans le ressort de circonscriptions élargies, le Gouvernement n’aura réussi qu’à éloigner les élus locaux des électeurs, des maires, des habitants. Tout cela, à nos yeux, va de pair avec la diminution régulière de la présence de l’État dans les territoires, par application de la désormais célèbre révision générale des politiques publiques !
M. Bruno Sido. Démagogie !
M. Michel Delebarre. Non, réalisme, mon cher collègue !
La création du conseiller territorial ne viendra pas non plus clarifier la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales. Dans les débats précédant le vote de la réforme, l’argument des « couples » de collectivités a souvent été invoqué pour exprimer une logique sous-jacente. Il existerait ainsi une sorte de solidarité fonctionnelle entre la région et le département, à l’image de celle qui existerait entre la commune et l’intercommunalité. (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.)
Pour certains, cet argument justifierait à lui seul le rapprochement du département et de la région. Mais nos collègues Yves Krattinger et Jacqueline Gourault ont eu l’occasion de rappeler, dans leur rapport au nom de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, que les régions et les départements avaient des « vocations différentes ». Il revient au département d’assurer les solidarités sociales et territoriales, tandis que la région est l’échelon naturel de la stratégie et de la préparation de l’avenir.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est pour cela qu’on les garde !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors vous n’êtes pas d’accord avec le Président de la République !
M. Michel Delebarre. L’étude d’impact du projet de loi de réforme des collectivités territoriales avait, à ce titre, parfaitement montré que l’action du département est bien plus tournée vers la dimension locale que vers l’espace régional.
M. Éric Doligé. Oui, c’est évident !
M. Michel Delebarre. En l’occurrence, si un couple existe, c’est bien celui que forment le département et le bloc communal.
La création du conseiller territorial s’expliquerait avant tout par l’impérieuse nécessité, nous dit-on, de faire des économies. Or toutes les études montrent que les économies en question sont bien dérisoires au regard du déficit budgétaire et de la dette de notre pays. De plus, on a sous-estimé volontairement ce que cette réforme coûtera en réalité. Pour notre part, à l’idéologie, nous préférons aujourd’hui opposer les notions de proximité et de prise en compte des besoins de nos territoires et de nos concitoyens.
Vous avez pu trouver exposés, dans le rapport et la brillante intervention de notre collègue Gaëtan Gorce, bien d’autres risques découlant de la création du conseiller territorial : régression de la parité, affaiblissement presque automatique de l’un des niveaux de collectivités territoriales –on ne saurait d’ailleurs dire a priori s’il s’agira de la région ou du département, la situation pouvant varier à mon sens en fonction des territoires.
Voilà pourquoi nos différents groupes politiques présentent aujourd’hui cette proposition de loi, qui permettra de mettre un terme définitif à l’aventure hasardeuse du conseiller territorial. Le vote de ce texte ne constituera qu’une première étape puisque, comme vous le savez, le président Jean-Pierre Bel a annoncé la tenue d’états généraux des élus locaux.
M. Pierre Hérisson. Il faudra inscrire cela dans vos comptes de campagne pour la présidentielle !
M. Michel Delebarre. Ils préfigureront un nouvel acte de la décentralisation, dans la lignée du formidable progrès qu’avaient représenté les lois votées sur l’initiative de Pierre Mauroy et de Gaston Defferre.
Je suis persuadé que cette proposition de loi recueillera de nombreux suffrages sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée. Cela marquera le début d’une autre décentralisation, fondée réellement sur les préoccupations de nos territoires et les attentes de nos concitoyens. Chers collègues de droite, c’est pour vous la dernière chance de prendre le train en marche ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP. –Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. En engageant une nouvelle fois le débat sur le désormais tristement célèbre conseiller territorial, nous prenons, il est vrai, le risque de lasser nos collègues de l’ancienne majorité sénatoriale…
D’ailleurs, certains d’entre eux seront sans doute tentés, dans un esprit de simplification abusive, de commenter notre démarche d’un lapidaire : « On prend les mêmes et on recommence ! »
Eh bien non, cela ne se passe pas ainsi ! Chacun doit avoir en tête que, sur ce sujet plus que sur bien d’autres, il y a désormais un avant et un après le 25 septembre, date du basculement à gauche de la majorité du Sénat. (Mme Catherine Tasca applaudit.) Cette alternance a signé le rejet massif de la politique d’étouffement du Gouvernement à l’égard des territoires et des collectivités locales, ainsi que de la réforme territoriale qu’il a essayé d’imposer dans les conditions que l’on sait.
Du reste, nous n’avions pas manqué de vous avertir, car depuis de longs mois nous sentions tous monter la colère et l’incompréhension des élus locaux devant cette obstination à mettre en place une réforme incarnée par le conseiller territorial et qui suscite la confusion dans notre paysage institutionnel.
En effet, en raison de sa nature hybride, le nouvel élu que vous avez inventé remettrait en cause, dans l’exercice de ses fonctions, l’autonomie de décision à la fois du conseil général et du conseil régional auxquels il appartiendrait, portant ainsi atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
M. Alain Gournac. N’importe quoi !
M. Jean-Jacques Mirassou. Faut-il également rappeler que le mode de scrutin envisagé pour l’élection du conseiller territorial affaiblirait mécaniquement la représentation féminine au sein des conseils régionaux et généraux?
Faut-il répéter que cet élu, à force de devoir être partout, ne serait nulle part ? C’en serait alors fini de la proximité à laquelle tant nos concitoyens que les élus communaux sont particulièrement attachés.
Les griefs contre la création du conseiller territorial exprimés ici même et partagés par la plupart des élus locaux sont bien plus nombreux encore. Ils ont été largement évoqués par d’autres orateurs.
J’ai indiqué en préambule qu’il y avait un avant et un après le 25 septembre. En effet, le changement de majorité intervenu au Sénat a constitué une sanction à l’égard du Gouvernement et de l’ancienne majorité sénatoriale, qui ont voulu imposer cette réforme des collectivités territoriales. Pour sa part, la nouvelle majorité de gauche du Sénat considère que, par leur vote, les élus locaux nous ont donné mandat pour faire en sorte que la Haute Assemblée, au-delà du rôle qui lui revient dans le cadre du bicamérisme, s’adapte aux nouvelles exigences démocratiques qui s’expriment dans notre pays.
Je pense notamment à la nécessité de rétablir un lien de confiance entre les collectivités territoriales, leurs élus respectifs, le Parlement et le pouvoir central dans le cadre d’une décentralisation aboutie. Cela suppose d’ailleurs que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, fasse vivre sa spécificité au service d’une République dont l’unité doit être renforcée par l’organisation des territoires et la libération des initiatives locales.
Mes chers collègues, cette ambition, cette volonté politique et cette détermination nous animent au moment où nous entendons jeter les bases d’une nouvelle étape de la décentralisation. Cette démarche, faut-il le préciser, sera conduite en tirant la leçon du passé récent : nous prévoyons de laisser toute leur place au dialogue et à la concertation.
Nul doute que l’organisation des états-généraux des élus locaux voulus et annoncés par notre nouveau président, Jean-Pierre Bel, caractérisera cette nouvelle étape vers la décentralisation que nous appelons de nos vœux.
Pour le moment, s’agissant du texte qui nous occupe, l’objectif est simple. Il s’agit de stopper le formidable recul démocratique que constituerait l’avènement du conseiller territorial, cet élu à contre-courant de l’histoire. En abrogeant purement et simplement les articles 1er à 6 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dont nous savons qu’elle a été adoptée ici d’extrême justesse et dans la douleur, nous ferons un pas en avant.
Mes chers collègues, le vote qui clora ce débat aura l’immense mérite de faire disparaître du paysage politique un élu qui n’aurait jamais dû y figurer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le ministre, j’aurais aimé pouvoir m’exprimer tout de suite après votre intervention, car vos propos sur la parité étaient tout à fait consternants. Je remercie M. le rapporteur d’avoir remis les choses à leur place.
M. Michel Delebarre. Très bien !
Mme Bernadette Bourzai. Depuis le début de cette réforme des collectivités territoriales, qui nécessitera par ailleurs d’être largement repensée, la création de cet être hybride et « hors sol », naviguant entre la préfecture du département et la capitale régionale, qu’est le conseiller territorial a suscité de nombreuses réticences. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Personnage à deux têtes dont l’institution ne peut qu’être source de confusion, assumant la double charge de conseiller général et de conseiller régional,…
M. Alain Gournac. C’est affreux !
Mme Bernadette Bourzai. … le conseiller territorial est censé porter des dynamiques territoriales qui déboucheront inévitablement sur la mise sous tutelle d’un des niveaux de collectivités par l’autre, ce qui était bien la finalité de votre projet, fût-elle inavouée.
Nous ne sommes pas dupes : des considérations électorales ont présidé à cette initiative malheureuse. Mais, comme l’ont souligné les rapports de Mme Michèle André au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et de l’Observatoire de la parité, l’une des conséquences les plus préjudiciables pour la démocratie de cette innovation sera une régression de la parité.
En effet, le mode de scrutin retenu par la loi, après les revirements que nous avons connus dans cette assemblée, c'est-à-dire le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, ne favorise pas, par nature, l’accès des femmes aux mandats électoraux.
C’est un fait incontestable, hélas ! La composition actuelle des conseils généraux le prouve. En effet, aux élections cantonales, pour lesquelles s’applique le scrutin uninominal, près de 80 % des candidats sont des hommes, les femmes étant cantonnées à la suppléance. Le résultat est là : actuellement, les conseils généraux comptent 12,3 % de femmes.
En revanche, une réelle parité s’est instaurée au sein des conseils régionaux, qui sont élus au scrutin de liste. Les chiffres sont là aussi parlants : ces assemblées comptent 48 % de femmes.
Ainsi, il est à craindre que le recours au scrutin uninominal pour les futures élections territoriales n’engendre un phénomène comparable à celui que l’on constate actuellement pour les conseils généraux. Cela irait à l’encontre de l’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives inscrit à l’article 1er de la Constitution.
Or, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, la parité, ultérieurement ajustée, progresse significativement, en particulier dans les exécutifs régionaux et municipaux ; il faut le souligner, notre vie publique locale fonctionne plus démocratiquement. Dans ces conditions, un retour en arrière serait inimaginable et pour nous inacceptable.
Monsieur le ministre, votre prédécesseur avait pour habitude de nous inviter à ne pas nous inquiéter, arguant que le mode de scrutin municipal et de désignation des élus communautaires permettrait un accroissement du nombre de femmes élues. Il sous-entendait ainsi que les femmes devraient refaire leurs classes avant de pouvoir accéder à des mandats territoriaux…
J’ai commencé ma vie politique en Corrèze à l’occasion des élections législatives de 1978, face à un candidat nommé Jacques Chirac, qui déclarait : « Pour moi, la femme idéale, c’est la femme corrézienne, celle de l’ancien temps, dure à la peine, qui sert les hommes à table, ne s’assied jamais avec eux et ne parle pas. » (M. Philippe Bas applaudit.) Eh bien sachez, monsieur le ministre, que nous ne nous tairons plus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des motions.
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial (n°88, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest. Chers collègues de la majorité sénatoriale, nous voici une nouvelle fois confrontés à votre entreprise de démolition systématique de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà deux semaines, M. Sueur nous a soumis une adaptation mineure de ce texte relative à l’intercommunalité, sur laquelle un consensus aurait pu s’établir en prenant en compte nos propositions, que notre collègue député Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, avait présentées à l’Assemblée nationale. Mais vous avez préféré mettre à bas toute la démarche visant à conforter et à rationaliser l’intercommunalité…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Je puis vous l’assurer, contrairement à ce que vous affirmez, votre démarche ne rencontre pas l’assentiment des élus locaux,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est le contraire qui est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. … qui, dans nombre de départements, se sont engagés dans un dialogue constructif en vue de la révision de la carte des établissements publics de coopération intercommunale, l’objectif étant d’instaurer une meilleure cohérence territoriale.
M. Gérard César. C’est sûr !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Les grands électeurs se sont exprimés !
M. Jean-Jacques Hyest. Il ne suffit pas que vous vous agitiez pour que la loi cesse d’être appliquée. Elle l’est, et cela fonctionne !
M. Gérard César. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Les élus locaux sont heureux !
M. Jean-Jacques Hyest. Dans mon département, ils le sont,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ils sont dans la béatitude !
M. Jean-Jacques Hyest. … d’autant que les instructions du Premier ministre ont largement apaisé les craintes légitimes qu’ils avaient pu éprouver.
Il faut dire que ces craintes avaient été bien instrumentalisées : on a affirmé n’importe quoi à propos de l’intercommunalité et la désinformation a fait son effet, à la satisfaction de certains ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Delebarre. Quelle perversité !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce soir, à une heure aussi incongrue que lors du précédent débat, la création du conseiller territorial est sur la sellette. Que n’aviez vous dit de l’institution de ce conseiller territorial, élu du département, mais siégeant aussi au conseil régional !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En quoi le présent texte est-il inconstitutionnel ?
M. Jean-Jacques Hyest. Le rapporteur, M. Gaëtan Gorce, a repris tous les arguments qui avaient été développés dans la discussion générale de la loi de réforme des collectivités territoriales et lors de l’examen de son article 1er, au cours duquel plus de soixante sénateurs socialistes et communistes avaient pris la parole pour s’opposer à la création du conseiller territorial : pas d’économies à attendre, ni de meilleure coordination entre les actions du département et celles de la région, mise en place d’assemblées régionales pléthoriques, cumul des mandats institutionnalisé… Or, curieusement, dans mon département, les élus qui siègent à la fois au conseil général et au conseil régional sont de gauche et opposés au cumul des mandats ! (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mais ce qui m’amuse le plus, personnellement, c’est le débat sur les hémicycles…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Quel rapport avec l’inconstitutionnalité ?
M. Jean-Jacques Hyest. J’y arrive !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je l’espère !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur Sueur, il n’est pas rare que vos interventions s’écartent complètement du sujet en débat ! Pour ma part, je n’encours pas ce reproche ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Certains ont construit de véritables palais des collectivités locales ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Guérini !
M. Jean-Jacques Hyest. On a également évoqué une tutelle de la région sur le département – l’inverse peut d’ailleurs également être soutenu ! –, sous prétexte que les conseillers généraux seraient aussi conseillers régionaux. Or un tel cumul est déjà possible aujourd’hui, sans qu’il soit question de tutelle de la région sur le département !
M. Éric Doligé. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. Pour ma part, j’étais favorable à une organisation fondée sur des couples communes-intercommunalité et départements-interdépartementalité.
M. Gérard Larcher. Je m’en souviens !
M. Jean-Jacques Hyest. Oui, j’ai toujours soutenu cette position depuis que je suis élu !
M. Pierre Hérisson. Exact ! À l’assemblée nationale déjà !
M. Jean-Jacques Hyest. Certains sont régionalistes, mais les régions, quoi qu’on en pense, n’ont pas trouvé leur place dans nos institutions,…
M. Christian Cointat. Absolument !
M. Michel Delebarre. Ce n’est pas vrai !
M. Raymond Vall. Vous les avez tuées !
M. Jean-Jacques Hyest. … peut-être en raison du mode de désignation des conseillers régionaux. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Certains défendent les régions parce qu’ils ont été ou sont encore à la tête d’un exécutif régional ; d’autres défendent les départements parce qu’ils président ou ont présidé un conseil général ! En tout état de cause, permettez-moi, à cet instant, d’évoquer le souvenir d’un président de la République qui était très départementaliste, peut-être parce qu’il avait le sens de la tradition française…
Tous vos arguments ont servi de base au recours devant le Conseil constitutionnel que les groupes de ce qui était alors l’opposition sénatoriale avaient déposé sur cette question. Vous connaissez tous le sort qui a été fait à ces objections contre l’institution des conseillers territoriaux. J’ai pourtant encore entendu dire, ce soir, qu’elle était contraire à l’article 72 de la Constitution. Eh bien le Conseil constitutionnel a dit qu’il n’en était rien !
Au cas où certains n’auraient pas encore pris connaissance de la décision du Conseil constitutionnel, je peux donner lecture de ses considérants relatifs aux conseillers territoriaux. (Oui ! sur les travées de l’UMP.).
M. Gérard Larcher. Oui, c’est important !
M. Jean-Jacques Hyest. « Considérant que, selon les requérants, l’institution du conseiller territorial siégeant dans les conseils généraux et dans les conseils régionaux viole l’article 72 de la Constitution ; que, d’une part, la création d’un élu commun aux départements et aux régions méconnaîtrait la distinction constitutionnelle entre ces deux collectivités ; que, d’autre part, elle porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales qui impliquerait que “chaque collectivité soit gérée par un organe délibérant qui lui soit propre, lui-même composé d’élus qui lui soient propres” ; qu’enfin, elle conduirait à l’instauration d’une tutelle de la région sur les départements, en particulier lorsque la région n’est composée que de deux départements ;
« Considérant que l’institution des conseillers territoriaux n’a pas pour effet de créer une nouvelle catégorie de collectivités qui résulterait de la fusion de la région et des départements ; qu’ainsi, elle ne porte pas atteinte à l’existence de la région et du département ou à la distinction entre ces collectivités ;
M. Bruno Sido. Voilà !
M. Jean-Jacques Hyest. « Considérant que les dispositions critiquées ne confient pas à la région le pouvoir de substituer ses décisions à celles du département ou de s’opposer à ces dernières ni celui de contrôler l’exercice de ses compétences ; que, par suite, elles n’instituent pas une tutelle de la région sur le département ;
« Considérant que, si le principe selon lequel les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus implique que toute collectivité dispose d’une assemblée délibérante élue dotée d’attributions effectives, il n’interdit pas que les élus désignés lors d’un unique scrutin siègent dans deux assemblées territoriales. »
Par conséquent, les griefs que vous avez soulevés contre la création du conseiller territorial doivent être écartés !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On ne sait toujours pas en quoi la présente proposition de loi serait inconstitutionnelle !
M. Jean-Jacques Hyest. Je vais vous le dire !
Je pourrais poursuivre la lecture de la décision du Conseil constitutionnel concernant les articles 3 et 5 de la loi, mais je ne voudrais pas vous lasser (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.), d’autant que certains, tels M. Derosier, M. Bartolone ou Mme Borvo Cohen-Seat, ne manquent jamais de remettre en cause l’impartialité du Conseil constitutionnel…
M. Gérard Larcher. Oui, des noms !
M. Jean-Jacques Hyest. Au risque de vous paraître légaliste, je dois vous avouer que j’ai toujours été choqué que l’on puisse critiquer les décisions du Conseil constitutionnel. Certes, elles ne plaisent pas toujours à l’opposition, mais elles plaisent parfois encore moins au Gouvernement ; M. le ministre l’a souligné.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En quoi le présent texte est-il inconstitutionnel ? Il ne vous reste que cinq minutes pour le dire !
M. Jean-Jacques Hyest. Je pourrais, à cet égard, citer quelques décisions récentes concernant la justice,…
M. Gérard Larcher. Oui, allons-y ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest. … qui ont amené de profondes mutations de notre procédure pénale.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En quoi la proposition de loi est-elle inconstitutionnelle ?
M. Jean-Jacques Hyest. Il est vrai que l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité, votée par notre majorité présidentielle, donne un pouvoir accru aux citoyens pour contester la constitutionnalité des lois. C’est un progrès pour la démocratie, comme l’avait été l’institution de la saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés ou sénateurs sous la présidence de M. Valéry Giscard d’Estaing ! (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Delebarre. Et si on revenait au sujet ?
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis parfaitement dans le sujet, monsieur Delebarre !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En quoi le présent texte est-il inconstitutionnel ?
M. Jean-Jacques Hyest. Cessez de faire le perroquet ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Vous auriez pu aussi proposer la suppression de l’article 2.
M. Bruno Sido. Oui ! Que disait l’article 2 ?
M. Jean-Jacques Hyest. Cela aurait sans doute permis un débat intéressant sur le mode d’élection des conseillers généraux, qui aurait pu être éclairant sur vos intentions en matière de recours à la proportionnelle ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Mais passons…
M. Michel Delebarre. Ne soyez pas impatient !
M. Jean-Jacques Hyest. Certains d’entre vous ont déclaré avec une belle assurance que le résultat des élections sénatoriales emportait la condamnation définitive du conseiller territorial.
M. Michel Delebarre. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Personnellement, je pense que ce résultat a de multiples raisons.
M. Michel Delebarre. Bien sûr, mais il y a aussi celle-là !
M. Jean-Jacques Hyest. Le souci des maires, des présidents d’EPCI, est d’avoir des interlocuteurs proches aux échelons régional et départemental. Ils ne veulent pas risquer de se perdre dans le maquis technocratique qui résulte de l’accumulation des structures, des agences diverses et variées, coûteuses pour le contribuable et dont l’efficacité n’est pas prouvée !
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. En Île-de-France, mes chers collègues, on atteint à cet égard un sommet ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Larcher. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. Les maires nous demandent comment atteindre le conseil régional, où il n’y a jamais personne ! (Exclamations et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Ils se plaignent de ne jamais voir les conseillers régionaux et disent ne pas même les connaître ! Mieux vaut donc un élu de proximité : le conseiller territorial.
Monsieur Delebarre, vous avez tout à l’heure jugé scandaleux de diminuer le nombre d’élus.
M. Michel Delebarre. Je n’ai pas dû employer ce terme !
M. Jean-Jacques Hyest. C’était néanmoins l’idée !
Savez-vous que l’écart de représentation entre conseillers généraux est aujourd’hui de un à soixante-trois ? (M. Alain Gournac s’exclame.)
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. Je connais un grand département qui compte quarante conseillers généraux pour 1,3 million d’habitants, tandis qu’un autre en compte soixante-trois pour moins de 300 000 habitants ! Comment peut-on parler d’égalité de représentation ? (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous n’avez plus qu’une minute et demie pour nous dire pourquoi ce texte est inconstitutionnel !
M. Jean-Jacques Hyest. Il était donc nécessaire de faire une réforme. La proposition de loi dont nous débattons est à mille lieues des préoccupations des élus locaux, qui ont un peu l’impression que le maintien des situations acquises est la principale préoccupation de certains !
Comme plusieurs de mes collègues l’ont exprimé dans la discussion générale, nous considérons que la création du conseiller territorial est le volet de la modernisation de la gouvernance locale le plus intéressant.
Que n’a-t-on entendu sur la « cantonisation » de la politique régionale, comme si les conseillers généraux actuels n’avaient pas en vue l’intérêt général, au-delà de celui de leur territoire !
Ce qui m’a étonné – mais ce n’est peut-être que partie remise –, c’est que vous n’ayez pas évoqué l’article 73 de la loi du 16 décembre 2010, relatif à la fameuse « clause de compétence générale », que l’on aurait supprimée alors que tous les étudiants en droit savent qu’elle n’a jamais existé.
M. Bruno Sido. Il n’y a que M. Sueur qui ne le sait pas !
M. Jean-Jacques Hyest. Je vous renvoie, là encore, à la décision du Conseil constitutionnel, qui a été très clair sur ce point ! Ce n’est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République, car seul l’État a compétence générale, n’en déplaise à ceux qui confondent décentralisation et laisser-faire !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Plus que quarante secondes pour nous dire en quoi la présente proposition de loi serait contraire à la Constitution. C’est tragique…
M. Jean-Jacques Hyest. Certains petits roitelets auraient intérêt à méditer cette jurisprudence…
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Jean-Jacques Hyest. Quoi qu’il en soit, la proposition de loi initiale de Mme Borvo Cohen-Seat était manifestement inconstitutionnelle,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pourquoi ?
M. Jean-Jacques Hyest. … puisqu’en conséquence de la suppression du conseiller territorial, la région et le département se trouvaient sans élus. C’est pourquoi je me suis dit qu’il fallait absolument déposer une motion tendant à opposer à ce texte l’exception d’irrecevabilité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez épuisé votre temps de parole !
M. Jean-Jacques Hyest. Si la commission des lois a corrigé la copie en revenant aux articles L. 210-1 et L. 221 du code électoral actuel,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oui, elle a bien travaillé, le texte n’est donc plus inconstitutionnel !
M. Jean-Jacques Hyest. … alors que les conseillers généraux élus au mois de mars l’ont été pour trois ans, comment cela est-il compatible avec le renouvellement par moitié des conseils généraux ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le temps de parole est dépassé !
M. Jean-Jacques Hyest. Votre proposition de loi est incomplète.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Votre temps de parole est épuisé !
M. Jean-Jacques Hyest. J’ai bien envie de demander à la commission des finances de vérifier que l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC tentent de couvrir la voix de l’orateur en tapant sur leurs pupitres.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est terminé !
M. Jean-Jacques Hyest. Le caractère improvisé de votre texte justifie largement le dépôt par notre groupe d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
La parole est à M. Didier Guillaume, contre la motion.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier de leur initiative les auteurs de cette proposition de loi, dont la discussion nous réunit en aussi grand nombre à une heure tardive, dans une ambiance très chaleureuse ! (Sourires.)
Les auteurs de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité considèrent que la proposition de loi est contraire à deux décisions du Conseil constitutionnel : la première, rendue le 9 décembre 2010, faisait suite à la commission mixte paritaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ; la seconde, en date du 21 juillet 2011, porte sur le texte fixant le nombre des conseillers territoriaux.
Je tiens à rassurer d’emblée M. Hyest : oui, les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à tous ! C’est un principe posé par l’article 62 de notre Constitution. Personne, sur ces travées, ne saurait remettre en cause l’impartialité du juge constitutionnel, ni n’oserait contester l’indépendance des magistrats de la rue de Montpensier.
Cependant, l’interprétation de ces décisions que les auteurs de la motion défendent me paraît parfaitement inadéquate. En effet, mes chers collègues, rien n’empêche un parlementaire, ou le Gouvernement, de déposer un nouveau texte abrogeant la réforme territoriale validée par le Conseil constitutionnel.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Évidemment ! Ce que la loi a fait, elle peut le défaire !
M. Didier Guillaume. Si le présent texte est adopté par le Parlement, le Conseil constitutionnel, s’il est saisi, vérifiera, comme il l’a fait par le passé, qu’il est bien conforme à la Constitution. Il ne lui appartient pas de décider de l’opportunité d’une décision politique.
J’ai l’impression que les auteurs de cette motion dénigrent l’article 39 de la Constitution.
En effet, cette proposition de loi visant à abroger le conseiller territorial est avant tout une initiative parlementaire. Or la Constitution défend le droit d’initiative parlementaire : aux termes du premier alinéa de son article 39, « l’initiative des lois appartient concurremment au Premier Ministre et aux membres du Parlement ». Cette proposition de loi relève bien de cette disposition constitutionnelle.
Par ailleurs, je tiens à rappeler à nos collègues que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 – que, contrairement à nous, vous avez votée – devait permettre de « revaloriser le rôle du Parlement », selon les propos tenus par le chef de l’État lors de son discours d’Épinal, le 12 juillet 2007. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Faites donc en sorte que cette affirmation ne reste pas lettre morte ! Cette initiative parlementaire, présentée dans le cadre d’un espace réservé à l’expression d’un groupe politique, s’inscrit pleinement dans l’esprit de la réforme constitutionnelle. Adopter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ne servirait donc ni le Parlement ni les parlementaires.
Nous accordons, toutes et tous, beaucoup d’attention aux territoires, aux collectivités territoriales, à leur fonctionnement et à leurs missions. Lorsque nous sommes dans nos départements, dans nos collectivités locales, nous n’avons de cesse, quelle que soit notre appartenance politique, de vanter la qualité de notre gestion, qui est forcément la meilleure et la plus économe !
Les collectivités territoriales sont au cœur des travaux du Sénat. En deux semaines, notre assemblée a déjà débattu de deux mesures phares de la réforme des collectivités territoriales.
Bien sûr, si nous partageons un même intérêt pour la question territoriale, nous défendons des visions diamétralement opposées. Sur certains sujets, la majorité sénatoriale a d’ores et déjà voté des mesures alternatives : je pense bien sûr au texte relatif à l’intercommunalité que le Sénat a adopté ; à cet égard, je tiens à saluer particulièrement l’excellent travail réalisé par le président de la commission des lois, M. Sueur, et par le rapporteur, M. Richard.
La création du conseiller territorial est une mesure totalement inadaptée à nos territoires, et le symbole d’une réforme inadéquate. La proposition de loi que nous examinons est un texte écrit en concertation avec l’ensemble des forces progressistes du Sénat. (Rires et exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) Notre assemblée, en s’emparant de ce débat, prépare de manière apaisée et sereine l’acte III de la décentralisation.
L’idée même de créer un conseiller territorial, élu hybride à deux têtes, est mauvaise pour plusieurs raisons.
Elle est mauvaise, d’abord, parce qu’il s’agit de stigmatiser une fois encore les élus départementaux et régionaux, ainsi que, bien au-delà, tous les élus locaux, ceux-là mêmes qui se battent au quotidien pour leurs territoires et nos concitoyens. Les élus sont le poumon de la démocratie représentative, quand les citoyens en sont l’oxygène. Au risque de paraître aller à contre-courant d’une opinion répandue, j’oserai dire, monsieur Hyest, qu’il n’y a pas trop d’élus ! Il faut que ceux-ci jouent tout leur rôle.
Elle est mauvaise, ensuite, parce qu’elle repose sur un présupposé erroné, voire un argument fallacieux. Si j’ai bien compris, il s’agissait de réduire le nombre d’élus pour, en particulier, faire des économies. Je rappelle que les indemnités des élus représentent 0,4 % du budget des collectivités concernées. Les récents propos tenus par M. le Premier ministre quant aux supposées dépenses exorbitantes de nos collectivités vont dans le mauvais sens.
Monsieur le ministre, tout à l'heure, vous invoquiez la nécessité de ne pas fléchir en temps de crise, les contraintes que celle-ci nous impose… Vous avez évoqué le coût des élections, celui des hémicycles… Ce sont là de bien faibles arguments pour faire passer la création de votre conseiller territorial !
L’idée est mauvaise, parce qu’à l’heure où la démocratie a besoin de clarté, le conseiller territorial amènera de la confusion. Il faut clarifier les compétences, et non pas fusionner les mandats.
Monsieur le ministre, tout à l’heure, vous invoquiez la lisibilité démocratique, l’urgence, la nécessité de définir les compétences. Pour ma part, je n’ai jamais été interpellé par mes concitoyens sur l’existence d’un millefeuille territorial, sur l’empilement des structures. (Rires sur les travées de l’UMP.) Ce que veulent les élus, ce sont des financements. Vous avez pris l’exemple de l’Alsace, mais s’il est possible d’expérimenter la fusion des collectivités dans une région qui ne compte que deux départements, il n’en va pas de même en Île-de-France, en Aquitaine, en Languedoc-Roussillon ou en Rhône-Alpes !
L’idée est mauvaise, enfin, parce qu’elle est tout à fait inadaptée à un grand nombre de territoires, en particulier aux zones rurales. Monsieur le ministre, vous avez évoqué la légitimité du conseiller territorial, en disant qu’il pourra démissionner quand il le voudra et être remplacé. À quoi bon faire élire un conseiller territorial pour qu’il puisse ensuite démissionner ?
Bien sûr, certains cantons de quelques centaines d’habitants ne sont plus adaptés aux réalités d’aujourd’hui, et il sera nécessaire de procéder à un rééquilibrage démographique. (Ah ! sur les travées de l’UMP.) Mais depuis dix ans que vous êtes au pouvoir, pourquoi ne pas l’avoir fait au travers d’une autre loi ?
M. Christian Cointat. Si, nous l’avons fait !
M. Didier Guillaume. Dans nos campagnes, le conseiller général est l’un des maillons essentiels de la démocratie de proximité. Quelle que soit sa couleur politique, c’est l’élu sur lequel peuvent s’appuyer les maires, les présidents d’association, les patrons de TPE, les agriculteurs, l’ensemble de la population.
Éloigner les citoyens de l’élu qui les représente, c’est éloigner la démocratie représentative du fait démocratique. La création du conseiller territorial porterait ainsi une atteinte profonde à la ruralité, qui verrait son poids politique se réduire, et à la proximité, dont notre démocratie parfois trop médiatique et instantanée a grand besoin.
Monsieur le ministre, vous parliez tout à l'heure d’un rendez-vous manqué par les socialistes : je pense vraiment que c’est vous qui avez manqué le rendez-vous avec les élus du peuple.
Pour toutes les raisons que j’ai exposées, la majorité sénatoriale s’oppose à la création du conseiller territorial.
Cela dit, nous savons être réalistes : une fois que cette proposition de loi aura été adoptée par la Haute Assemblée, il est assez peu probable que le Gouvernement inscrive en urgence son examen à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ; il est en outre tout aussi peu probable que les députés de la majorité la votent.
M. Michel Delebarre. Sait-on jamais ?
M. Didier Guillaume. Quoi qu’il en soit, ce texte portera engagement pour l’avenir de la gauche ; il sera un socle, sous-tendu par une idée partagée par les forces de gauche, posant les bases d’un débat renouvelé sur l’avenir des collectivités. La gauche prépare l’acte III de la décentralisation : espérons que nous serons en mesure de le mettre en œuvre dans les prochains mois.
En conclusion, et pour en revenir à la motion qui nous est soumise, notre argumentation se fonde exclusivement, comme vous aurez pu le constater, sur la Constitution, qui s’impose à chaque républicain. Pour l’ensemble des raisons que je viens de développer, nous voterons contre cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission est naturellement défavorable à cette motion.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Dans mon propos liminaire, j’ai indiqué quelles conclusions il fallait tirer des décisions du Conseil constitutionnel concernant la loi de réforme des collectivités territoriales, s’agissant notamment de la création du conseiller territorial.
M. Hyest a rappelé, dans un exposé brillant (Oui ! sur les travées de l’UMP.),…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Non, il n’a apporté aucun argument !
M. Philippe Richert, ministre. … l’ensemble des raisons qui ont été invoquées par le Conseil constitutionnel pour rejeter les griefs soulevés contre cette loi.
Cela me dispense de longs développements, mais je souhaiterais néanmoins revenir sur un point.
On invoque contre le conseiller territorial le fait qu’il aura à exercer des responsabilités à la fois départementales et régionales, ce qui serait difficilement acceptable dans notre pays. Il faut parfois savoir regarder ce qui se pratique chez nos voisins.
M. Jean Bizet. Eh oui !
M. Philippe Richert, ministre. Le total des budgets de l’ensemble des régions de France atteint 28,8 milliards d’euros, tandis que le budget du seul land de Bade-Wurtemberg s’élève à 35 milliards d’euros.
M. Michel Delebarre. Absolument !
M. Philippe Richert, ministre. Dans un pays comme le nôtre, qui n’est pas encore parvenu au terme de son processus de décentralisation, nous ne devons pas avoir peur de confier des compétences étendues aux collectivités et de les réorganiser.
M. Yves Rome. Sans argent ?
M. Philippe Richert, ministre. Ce qui est proposé ici, ce n’est rien d’autre que de permettre aux élus de s’occuper à la fois des questions sociales, des routes, des collèges au titre du département, des lycées, des réseaux ferroviaires au titre de la région. Pourquoi ne serait-il pas possible qu’un élu soit compétent pour l’ensemble de ces domaines ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Philippe Richert, ministre. Le budget de la Bavière représentait lui aussi 35 milliards d’euros en 2010.
M. Michel Delebarre. En Bavière, les élus ne sont pas à la fois départementaux et régionaux !
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, au lieu de nous obstiner à faire des comparaisons entre nos départements et nos régions, nous ferions mieux de regarder ce qui se passe autour de nous en Europe. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Une telle attitude nous handicape, alors que nous avons des progrès à accomplir : comment pourrions-nous nous satisfaire d’un déficit de 70 milliards d’euros quand l’Allemagne dégage un excédent de 150 milliards d’euros ?
M. Jean-Marc Todeschini. À qui la faute ?
M. Philippe Richert, ministre. Il faut savoir regarder les choses en face ! Je soutiens évidemment la motion qu’a défendue M. Hyest. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l’article 44 du règlement, la parole peut être accordée, pour explication de vote, à un représentant de chaque groupe politique, pour une durée n’excédant pas cinq minutes.
La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
M. François-Noël Buffet. Le groupe UMP fait siennes les observations qui ont été formulées par M. Hyest.
La proposition de loi que nous examinons est contraire aux principes constitutionnels rappelés tout à l'heure.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vos propos sont absurdes ! Vous n’avez pas avancé un seul argument !
M. François-Noël Buffet. M. le rapporteur a déclaré que la création du conseiller territorial allait faire émerger une tutelle de la région sur les départements, ce qui constituerait, de fait, un élément d’inconstitutionnalité.
Or le Conseil constitutionnel, saisi notamment sur ce point, a rejeté ce grief de façon très claire et jugé que la création du conseiller territorial était parfaitement conforme à la Constitution. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Par ailleurs, j’observe que la majorité sénatoriale fait montre d’un degré de conservatisme tout à fait étonnant. (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) Son seul objectif semble être de préserver ses acquis et ses accords. (Marques d’approbation sur les travées du groupe de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes mal placé pour tenir de tels propos !
M. François-Noël Buffet. Il n’a été question, au cours de ce débat, que de défendre les élus.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons le souci de la proximité !
M. François-Noël Buffet. C’est sans doute notre rôle, mais à aucun moment n’ont été évoqués l’intérêt des citoyens (C’est faux ! sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui parle de défendre les services publics ? Vous, peut-être ?
M. François-Noël Buffet. … et la nécessité de se donner les moyens d’améliorer l’efficacité de notre organisation territoriale.
Manifestement, M. Guillaume et moi-même ne fréquentons pas les mêmes endroits… Les citoyens que je rencontre me disent qu’ils en ont assez de la complexité de notre système administratif et du gaspillage d’argent public qu’engendre notre organisation territoriale actuelle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Yves Rome. Scandaleux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le gaspillage est le fait du Gouvernement !
M. François-Noël Buffet. Un tel discours est aujourd’hui peu audible dans notre assemblée. En effet, M. Rebsamen a dit tout à l'heure que les textes qui seraient déposés sur le bureau du Sénat n’auraient qu’une vocation politique, étant destinés à être les prémices du débat de la campagne présidentielle et à roder, dans cette perspective, quelques arguments pour M. Hollande…
Par conséquent, nous savons maintenant que le débat de fond n’aura jamais lieu dans cet hémicycle, puisqu’il a vocation à se tenir sur la place publique en vue de l’échéance présidentielle.
Enfin, je voudrais souligner qu’à aucun moment il n’a été question, dans cette discussion, d’économies, de rationalisation et d’efficacité.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils ne savent pas ce que c’est !
M. François-Noël Buffet. À cet égard, il faut rappeler que, la semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous avez créé dix-sept taxes en moins de quarante-huit heures, afin de pouvoir prélever 5 milliards d’euros de plus sur les Français ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Voilà la réalité de votre discours, voilà la réalité de votre combat, voilà la réalité de votre action politique !
M. Guillaume s’est réjoui que nous soyons nombreux ce soir pour débattre de cette proposition de loi. Mais peut-être ne le sommes-nous pas suffisamment encore : parce que nous considérons que ce texte est important, nous vous demandons, monsieur le président, en vertu des dispositions de l’article 51 de notre règlement intérieur, de procéder à la vérification du quorum. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Le quorum d’abord !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous avons entendu ce soir bon nombre de propos, dont certains n’avaient qu’un lointain rapport avec le sujet…
Nous savons tous très bien que demander la vérification du quorum n’est qu’une manière de différer d’une heure la suite du débat ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. C’est faux ! Nous considérons simplement que ce texte est important !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En ce qui concerne notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, je n’ai entendu aucun argument montrant que la proposition de loi serait contraire à la Constitution.
M. Jean-Marc Todeschini. Exactement !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Dans ces conditions, je m’étonne, monsieur le ministre, de votre soutien aux auteurs de la motion. Il a simplement été dit que le Conseil constitutionnel n’avait pas jugé contraire à la Constitution la création du conseiller territorial, et on en déduit, par un véritable sophisme, que sa suppression serait par conséquent inconstitutionnelle ! La position de la minorité sénatoriale et du Gouvernement ne repose sur aucun argument valide ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vérification du quorum
M. le président. Mes chers collègues, en application de l’article 51 du règlement, je suis saisi d’une demande écrite de vérification du quorum, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues.
En application de l’article 51, alinéa 2 bis, du règlement du Sénat, la constatation du nombre des présents est effectuée sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal.
Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires.
Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
(L’appel nominal a lieu. – Ont signé cette demande et répondu à l’appel de leur nom : M. Jean-Patrick Courtois, Mme Catherine Troendle, MM. Philippe Dallier, Alain Gournac, Louis Duvernois, Ambroise Dupont, Jean-Jacques Hyest Gérard César, Yann Gaillard, Mme Colette Giudicelli, MM. Rémy Pointereau, Jacques Gautier, Jean-Pierre Raffarin, Philippe Bas, François Trucy, Jean-Paul Fournier, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Dominique de Legge, Jean-Louis Lorrain, Christian Cambon, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Pierre Hérisson, André Trillard, Jackie Pierre, Mme Catherine Deroche, MM. Christophe-André Frassa, Marcel-Pierre Cléach, Hugues Portelli, André Reichardt, Francis Delattre, Xavier Pintat, Gérard Cornu, François Grosdidier, Jean-Pierre Chauveau, André Ferrand, Michel Magras, Mme Caroline Cayeux, MM. Charles Revet, Antoine Lefèvre, Mme Sophie Primas, MM. Pierre Bordier, Jean-Claude Lenoir, Joël Billard, Jean-Pierre Leleux, François-Noël Buffet, Patrice Gélard, Bruno Sido, Gérard Larcher.)
M. le président. Mes chers collègues, la présence d’au moins trente signataires ayant été constatée, il peut être procédé à la vérification du quorum.
Cette vérification relève normalement de la compétence du bureau. Mais l’Instruction générale du bureau, telle qu’elle a été modifiée par le bureau le 7 octobre 2009, me donne la possibilité de procéder moi-même à cette vérification pour peu que je sois assisté de deux secrétaires du Sénat.
Je vais procéder à la vérification du quorum et j’invite donc Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Marie-Hélène des Esgaulx, secrétaires de séance, à venir m’assister.
M. le président. Mes chers collègues, je constate, avec les deux secrétaires de séance, que la majorité absolue des sénateurs n’est pas présente. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
En application du XIII bis de l’Instruction générale du bureau, cette constatation étant faite, le Sénat n’est pas en nombre pour procéder au vote.
Aussi, conformément au règlement, je vais suspendre la séance pour une heure. Elle reprendra à zéro heure cinquante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante-cinq, est reprise le jeudi 17 novembre 2011, à zéro heure cinquante-cinq.)
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, la conférence des présidents avait prévu de commencer la séance de demain à onze heures. Au nom de la majorité sénatoriale, je vous demande de consulter le Sénat sur le principe d’une ouverture de séance demain après-midi, à quinze heures. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Il faut suspendre la séance. Nous avons besoin d’en parler !
M. Didier Guillaume. Cette modification de l’ordre du jour nous laisserait un peu plus de temps pour débattre ce soir,…
M. Jean-Marc Todeschini. Sereinement !
M. Didier Guillaume. … d’autant que nos discussions s’annoncent chaleureuses et denses.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette demande ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission ayant adopté cette proposition de loi, elle est naturellement favorable au fait que le texte puisse être voté aujourd’hui en séance publique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement est à la disposition du Parlement. Il s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, nous venons d’entendre la demande formulée par le groupe socialiste…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non ! Par la majorité sénatoriale dans son ensemble !
M. François-Noël Buffet. Excusez-moi : par la majorité sénatoriale, socialo-communiste, verte et autre… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Je voudrais simplement appeler votre attention sur la difficulté que notre assemblée rencontre – une fois de plus, car le cas s’est déjà présenté voilà quelques jours – pour organiser ses débats et pour garantir la validité des engagements pris lors de la conférence des présidents.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est grâce à vous !
M. François-Noël Buffet. Nous ne sommes pas responsables (Si ! sur les travées du groupe CRC.) de cette appréhension de l’organisation de l’ordre du jour, qui ne nous paraît pas maîtrisée et nous crée des difficultés considérables.
M. Éric Doligé. Ça change tout le temps !
M. François-Noël Buffet. Comment peut-on considérer qu’il faille à nouveau modifier l’ordre du jour de demain, alors que nous devons aborder l’examen du projet de loi de finances, qui relève de l’ordre du jour réservé au Gouvernement ? Parce que, une fois de plus, le débat de ce soir n’est pas contenu, nous serions obligés de reporter le début de l’examen du projet de loi de finances !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le Sénat est maître de son ordre du jour !
M. François-Noël Buffet. Dans ces conditions, je demande une suspension de séance de dix minutes afin que mon groupe arrête sa position. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. Elle n’est pas de droit !
M. le président. Mon cher collègue, je vous accorde cinq minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à une heure, est reprise à une heure dix.)
M. le président. La séance est reprise. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Marc Todeschini. Enfin !
M. le président. J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV sur la demande de poursuite du débat jusqu’à son terme.
M. François-Noël Buffet. Je demande la parole. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le scrutin est ouvert !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On a des choses à dire !
Mme Annie David. Non, le scrutin est ouvert !
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, je souhaite vous poser une question en lien avec la demande de modification de l’ordre du jour.
L’article 48, alinéa 3, de la Constitution dispose : « […], l’examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et, sous réserve des dispositions de l’alinéa suivant, des textes transmis par l’autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d’autorisation visées à l’article 35 est, à la demande du Gouvernement, inscrit à l’ordre du jour par priorité. »
Le fait de reporter l’examen du projet de loi de finances constitue-t-il une entorse à ce principe constitutionnel de « priorité » ? Telle est la question qui vous est posée.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le Gouvernement s’en est remis à la sagesse de la Haute Assemblée !
Mme Annie David. Eh oui !
M. François-Noël Buffet. Si vous considérez que la Constitution ne s’applique pas à la demande formulée par la majorité sénatoriale ou n’est pas supérieure au règlement du Sénat, nous souhaitons à tout le moins statuer par un vote à main levée.
M. le président. Je vous rappelle que le Sénat est maître de ses horaires : il n’y a donc pas de modification de l’ordre du jour. (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.)
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je demande une réunion du bureau du Sénat, qui est le seul à pouvoir prendre cette décision ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. L’assemblée est souveraine !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, le bureau, au sein duquel nous siégeons vous comme moi, s’est réuni ce matin. Le président du Sénat nous a alors dit vouloir faire de celui-ci une instance collégiale. Franchement, on affiche la volonté de décider collégialement au sein du bureau et, au premier problème – ce n’est pas notre faute (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) –, on tranche autrement !
Tout cela est extrêmement grave, et je voudrais que cette question soit vérifiée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je regrette, madame, mais lorsque le Sénat siège en séance plénière, il est souverain. Le bureau se réunit en dehors des séances publiques.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n’êtes pas membre du bureau !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes donc pleinement habilités à voter !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Alors ne procédons pas au vote par scrutin public !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est de droit !
M. le président. Mes chers collègues, restons sereins.
Je rappelle qu’il appartient effectivement au Sénat de fixer ses horaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faudra que l’on vérifie tout cela !
M. le président. Sa légitimité en la matière n’exclut pas le fait que chacun peut s’exprimer, y compris au sein du bureau.
La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Au-delà des différentes interprétations du règlement, il est évident que la confusion s’installe dans l’organisation de nos travaux depuis quelque temps. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et le mot est faible !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça suffit !
M. François Zocchetto. Cette confusion n’est ni nouvelle ni, bien évidemment, le fait de la présidence de ce soir. Elle résulte – regardons les choses en face ! – de notre incapacité à prévoir les temps d’examen des propositions de loi, notamment, il faut le dire, celles émanant du groupe socialiste-EELV.
M. Alain Gournac. Et du groupe communiste !
M. François Zocchetto. Nous avons véritablement l’impression de ne plus maîtriser notre emploi du temps ni l’ordre du jour.
M. Jean-Marc Todeschini. Tant que ce n’est qu’une impression, ce n’est pas grave !
M. François Zocchetto. Je rappelle qu’il est prévu que l’examen du projet de loi de finances pour 2012 commence demain. C’est tout de même important !
Si nous continuons à examiner des propositions de loi sans poser de limite de temps (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.),…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez de discuter !
Mme Annie David. Si vous pouviez vous taire…
M. François Zocchetto. … nous ne pourrons bientôt plus étudier les textes principaux.
J’ajoute qu’un certain nombre d’entre nous viennent à peine de sortir d’une conférence des présidents extrêmement longue, pour ne pas dire laborieuse, probablement la plus laborieuse que nous ayons connue depuis un certain temps.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. À quoi aura-t-elle servi ?
M. François Zocchetto. Nous y avons clairement évoqué le problème des propositions de loi. Il a été prévu de doubler, voire de tripler les temps d’étude d’un certain nombre de textes émanant des rangs de la gauche.
À cet égard, je rappelle qu’il y a un précédent. La proposition de loi présentée dernièrement par M. Sueur a nécessité un temps d’examen quasiment trois fois supérieur à celui qui était initialement prévu, essentiellement parce que le texte est passé d’un article unique à douze articles.
Mme Virginie Klès. Cette proposition de loi n’en contient qu’un !
M. François Zocchetto. On voit bien où sont les responsabilités. Je pense que chacun s’est fait une idée : il s’agit non plus d’étudier des textes, mais de faire des effets d’annonce, de répéter.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui ne cessez de vous répéter depuis tout à l’heure !
M. François Zocchetto. Chacun s’interroge : à quoi servons-nous désormais, sinon à faire des répétitions dans une perspective électorale ?
Comme d’autres, j’appelle votre attention sur ce point : si toutes les propositions de loi émanant de la gauche donnent lieu à ce type de dérive, nous ne pourrons plus travailler. C’est aussi simple que cela !
Si vous voulez empêcher le Sénat de travailler,…
Mme Annie David. Ce n’est pas possible d’entendre ça !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le ridicule ne tue pas !
M. François Zocchetto. … si vous voulez le rendre inutile, continuez comme cela ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP. – Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Nous avons également évoqué au cours de la conférence des présidents des cas dans lesquels il avait été décidé, d’un commun accord, de légiférer en deux temps, c’est-à-dire de reporter la suite de l’examen d’une proposition de loi de deux ou trois mois lorsque celui-ci dépassait le cadre de la « fenêtre » qui lui était réservée.
Il serait donc opportun de reporter la suite de l’examen de ce texte à une date ultérieure, afin de nous permettre de légiférer sereinement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez, on vote !
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. La poursuite de la discussion du texte ce soir n’aura aucune incidence sur l’examen du projet de loi de finances pour 2012.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Gérard Miquel. Au lieu d’entamer la discussion à onze heures demain, nous la commencerons tout simplement à quatorze heures trente.
J’ajoute que le nombre d’amendements déposés sur la première partie du projet de budget est très inférieur à celui des années précédentes.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Pour prolonger….
M. Didier Guillaume. … l’obstruction !
M. Hugues Portelli. … les propos de M. Zocchetto, je rappelle que nous devons examiner à partir de demain le projet de loi de finances pour 2012.
Aux termes de l’article 47 de la Constitution, le Sénat dispose de quinze jours. Si nous ne sommes pas capables de voter le projet de loi de finances dans ce délai, le Gouvernement a le devoir de dessaisir le Sénat et de passer immédiatement à la suite de la procédure. (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.) Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet de budget peuvent être mises en vigueur par ordonnance.
Je tenais à aviser nos collègues qu’il y a certaines limites à ne pas franchir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Jean-Marc Todeschini. De toute manière, vous êtes des godillots !
M. le président. Je mets aux voix la demande de poursuite du débat…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Jusqu’à quelle heure ?
M. le président. … jusqu’à son terme.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pourquoi un scrutin public ? Votons à main levée !
M. le président. Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 42 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 172 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, nous poursuivons l’examen de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils n’acceptent pas la décision de la majorité !
Mme Catherine Troendle. Vous êtes minoritaires, j’espère que vous l’avez compris !
Exception d’irrecevabilité (suite)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 43 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 167 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour un rappel au règlement.
M. Francis Delattre. En tant que néophyte au Sénat et ancien député, il me semble que l’article 27 de la Constitution dispose que le vote est personnel. J’aimerais donc comprendre comment un système qui permet de faire voter les absents peut respecter cette préconisation. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La Constitution a été beaucoup évoquée dans nos débats, monsieur le président de la commission des lois. Or je pense que les votes auxquels nous procédons sont totalement inconstitutionnels. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Sachez que le système de vote du Sénat a été validé à deux reprises par le Conseil constitutionnel.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je le répète, la poursuite ou non de nos travaux aurait dû être décidée à main levée et non par scrutin public.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le scrutin public est de droit !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Rien dans le règlement n’autorisait le recours au scrutin public. Ce mode de votation s’applique aux dispositions à caractère législatif, ce qui n’était pas le cas ici.
Monsieur le président, vous avez décidé de faire voter le Sénat sur le sujet. Personnellement, vous le savez, je pense que le bureau aurait dû se réunir. Vous ne l’avez pas voulu, ce qui est votre droit. Quoi qu’il en soit, le vote à main levée s’imposait.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pas du tout !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cette décision me semble donc entachée d’illégalité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Madame Des Esgaulx, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Ce dernier dispose que le scrutin public est de droit, sans spécifier l’objet du vote.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Voilà !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous nous faites perdre notre temps, madame !
Mme Catherine Troendle. Preuve est faite que vous êtes incapables d’assumer le fait d’être la majorité du Sénat. Acceptez-le !
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 2.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial (n° 88, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Patrice Gélard, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par l’entremise de l’examen des trois motions successives, qui a déjà commencé, nous sommes au cœur même de la démocratie parlementaire.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Enfin !
M. Patrice Gélard. Dans ce cadre, les membres du Sénat disposent de trois outils : l’exception d’irrecevabilité, qui vient d’être soulevée, la question préalable, qui est l’objet de mon intervention, et le renvoi à la commission.
Je veux rappeler ici leur spécificité.
L’irrecevabilité est généralement conçue comme un outil opposant un motif constitutionnel à l’examen d’un texte. C’est le cas la plupart des fois où cette motion est soulevée. Mais le règlement du Sénat prévoit que son champ peut s’étendre au-delà du motif constitutionnel. Ainsi, nous pourrions parfaitement étendre l’exception d'irrecevabilité au respect de la conventionalité d’un texte, de peur, par exemple, que celui-ci ne soit l’objet d’un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Pour éviter ce genre de recours, un certain nombre de nos voisins européens ont mis en place une commission spéciale chargée d’étudier, le cas échéant, non seulement la constitutionnalité et la conventionalité d’un texte, mais aussi – chose que nous n’avons jamais faite – sa compatibilité avec les lois et les règlements en vigueur. Nous devrions faire ce travail systématiquement, avant même d’examiner un texte en profondeur.
Le renvoi à la commission, quant à lui, correspond, en fin de compte, à la nouvelle délibération de la loi que le chef de l’État peut demander en vertu de l’article 10 de la Constitution. Il est donc tout à fait normal que la majorité comme l’opposition, face à un texte qui est insatisfaisant ou incomplet, qui n’établit pas de lien suffisant avec le reste de la législation ou de la réglementation, puissent demander une « seconde lecture » et renvoyer le texte en commission.
Je souligne que le renvoi à la commission n’est pas un enterrement. Il permet de reprendre un texte pour qu’il soit amélioré et puisse revenir un jour en séance publique, s’il est inscrit à l’ordre du jour.
J’en viens à la question préalable.
Il en existe au moins deux sortes : la question préalable positive et la question préalable négative.
M. Claude Domeizel. Ah !
M. Patrice Gélard. Soulever cette motion, tout comme l’exception d'irrecevabilité et le renvoi à la commission, est possible tant à la majorité qu’à l’opposition.
La question préalable négative consiste à refuser un texte, c'est-à-dire à l’enterrer. Il y a donc une différence fondamentale avec le renvoi à la commission puisque la question préalable, si elle est adoptée, aboutit à l’abandon du texte.
M. Gérard Larcher. C’est vrai !
M. Patrice Gélard. La question préalable positive, que nous avons utilisée plusieurs fois dans le passé,…
M. Jean-Jacques Hyest. Absolument !
M. Patrice Gélard. … signifie que nous sommes d’accord avec le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale. Le Sénat ne souhaite pas le vote conforme, mais estime qu’il n’est pas nécessaire de perdre du temps à discuter longuement de dispositions qui lui conviennent parfaitement. L’adoption de la question préalable a donc pour effet de renvoyer automatiquement le texte à la commission mixte paritaire, en cas de procédure accélérée, ou à l’Assemblée nationale pour une nouvelle lecture. En somme, cette procédure simplifie le débat.
La motion que nous déposons aujourd'hui est bien évidemment une question préalable négative.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Patrice Gélard. Il faut dire que nous avons beaucoup appris en observant l’opposition dans le passé. En réalité, nous utilisons aujourd'hui les outils dont vous vous serviez hier, mes chers collègues.
M. Jean-Jacques Hyest. Absolument !
M. Patrice Gélard. La présentation successive de l’exception d'irrecevabilité, de la question préalable, du renvoi à la commission me rappelle étrangement toute une série de discussions que nous avons eues dans le passé.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. À l’Assemblée nationale aussi !
M. Patrice Gélard. Surtout ici, monsieur le président de la commission des lois !
M. Charles Revet. Vous avez utilisé tous ces outils, monsieur Sueur !
M. Patrice Gélard. L’attitude de la majorité sénatoriale me fait penser à cette chanson à la gloire de l’armée napoléonienne, Le Rêve passe, dont la musique, soit dit par parenthèse, est absolument magnifique. Un rêve peut en cacher un autre !
Mes chers collègues, je pose la question : pourquoi avoir déposé une motion tendant à opposer la question préalable ? (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Ce serait bien de le savoir !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il aurait été bien de se poser la question avant !
M. Patrice Gélard. Pourquoi cette question préalable est-elle négative ? (Nouveaux rires sur les travées de l’UMP.)
Première réponse : maintenant que nous sommes l’opposition sénatoriale, nous jouons pleinement notre rôle !
Nous sommes en désaccord avec le texte que vous nous présentez. Par conséquent, nous déposons une question préalable. Nous appliquons purement et simplement la jurisprudence que vous avez développée dans le passé !
M. Charles Revet. Eh oui, c’est vous qui nous l’avez appris !
M. Patrice Gélard. Cela étant, je me demande si la majorité sénatoriale ne s’est pas trompée de stratégie,…
M. Francis Delattre. De logiciel surtout !
M. Patrice Gélard. … et ce pour une raison très simple : le Sénat ne décide pas seul.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. Patrice Gélard. Nous ne sommes pas maîtres de l’inscription des textes à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Seuls le Gouvernement, dans les semaines qui lui sont réservées, et la majorité parlementaire, dans les séances qui sont réservées à son initiative, peuvent inscrire à l’ordre du jour un texte qui proviendrait du Sénat. Tant qu’il n’est pas inscrit, il reste un vœu pieux. Il n’a aucune valeur juridique !
M. Gérard Larcher. Absolument !
M. Patrice Gélard. En l’occurrence, c’est le texte qui a été adopté précédemment, c'est-à-dire la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, qui revêt une valeur juridique. Le reste, c’est un coup de publicité…
M. André Reichardt. Mensongère !
M. Patrice Gélard. … et rien d’autre !
M. Charles Revet. C’est le but recherché !
M. Patrice Gélard. Cette publicité risque d’ailleurs de ne pas vous être très bénéfique. Le journal Le Monde en fera un petit entrefilet, comme cela a été le cas pour la proposition de loi Sueur tendant à préserver les mandats en cours des délégués des EPCI,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il y a eu beaucoup d’entrefilets, et des grands !
M. Patrice Gélard. … mais, le lendemain, tout sera oublié.
Je me demande si tout ce temps perdu n’est pas une expédition dans un marécage. Ne sommes-nous pas en train de nous enliser en n’accomplissant pas notre travail de parlementaires ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. À cause de vous !
M. Patrice Gélard. Nous allons naturellement voter la question préalable, et ce pour trois raisons.
M. Francis Delattre. Au moins !
M. Patrice Gélard. La première, c’est parce que tel est notre droit d’opposant.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est clair !
M. Patrice Gélard. Nous sommes dans l’opposition et nous jouirons de l’intégralité de nos droits.
M. Francis Delattre. Toujours !
M. Patrice Gélard. La deuxième raison reprend les arguments développés par M. le ministre et Jean-Jacques Hyest : le texte qui nous est présenté est incomplet et ne règle pas tous les problèmes. De plus, il est à la limite de l’inconstitutionnalité, je dirais même qu’il n’est sans doute pas constitutionnel.
M. Jean-Jacques Hyest. Je l’ai dit !
M. Patrice Gélard. Par conséquent, nous ne voulons pas nous engager dans ce marécage, dans ce vide juridique vers lequel on veut nous entraîner. Par quoi remplacera-t-on le conseiller territorial si on le supprime ? Reviendra-t-on à la situation qui existait auparavant ? Mais nous n’en voulons plus !
M. Jean-Pierre Caffet. Vous n’en voulez plus, pas nous !
M. Patrice Gélard. Vous n’avez rien d’autre à proposer, c’est ce qui est terrible !
M. Edmond Hervé. Zéro, monsieur Gélard !
M. Patrice Gélard. Troisième raison : je ne suis pas sûr que la proposition de loi soit conforme à l’article 40 de la Constitution. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Pour ces trois raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter la motion tendant à opposer la question préalable. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, contre la motion.
M. Yves Rome. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en réponse aux doutes existentiels qui viennent d’être professés du haut de la tribune par M. Gélard, je dirai qu’il est plus qu’urgent de mettre un terme à l’existence de cet être hybride,…
M. André Reichardt. Encore cet argument !
M. Yves Rome. … de cet élu « hors sol » que vous avez conçu dans la douleur, après de très longs débats, y compris à l’intérieur de votre ancienne majorité.
Je pourrais en témoigner : certains de ceux qui siègent sur les travées de l’opposition aujourd'hui n’ont pas été les plus tendres à l’égard de ce nouvel élu au sein de l’Assemblée des départements de France. Lorsqu’ils sont sur leur propre territoire – et j’en vois quelques-uns qui lèvent la tête –, ils ont un regard identique au nôtre.
Je ne reviendrai pas sur les motivations qui vous ont conduits à chercher un bouc émissaire supplémentaire. Vous avez tenté de faire porter la cause de vos errements et de vos défaites successives dans le domaine social, fiscal et économique sur les élus locaux. Mais les Français ne s’y sont pas trompés : lors des dernières élections sénatoriales, ils vous ont infligé un camouflet indéniable dont vous ne parvenez pas, aujourd'hui encore, à vous remettre.
Je ne voudrais pas allonger le débat à cette heure tardive (Murmures sur les travées de l’UMP.), mais les troubles existentiels qui ont animé M. Gélard m’amènent à lui conseiller plus de sérénité. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à repousser cette motion tendant à opposer la question préalable, qu’il a d’ailleurs eu du mal à motiver, avançant trois raisons qui n’en sont pas. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission est naturellement défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Marc Todeschini. Défavorable ?
M. Claude Domeizel. Sagesse ?
M. Philippe Richert, ministre. J’ai déjà eu longuement l’occasion d’expliquer, dans mon propos liminaire, les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi, estimant que le dispositif voté en 2010 mérite d’être appliqué. En conséquence, vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que je sois favorable à la motion défendue par M. Gélard.
Mais permettez-moi d’ajouter un mot.
Tout à l’heure, il a été demandé au Gouvernement s’il était d’accord pour poursuivre l’examen de cette proposition de loi jusqu’à son terme. Je veux simplement rappeler que l’article 48 de la Constitution, que vous connaissez tous – et même mieux que moi, car vous êtes des spécialistes en la matière ! –, dispose dans son troisième paragraphe : « En outre, l’examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale […] est, à la demande du Gouvernement, inscrit à l’ordre du jour par priorité. »
Cette disposition a tout simplement été prévue parce des contraintes très fortes, que M. Portelli a rappelées tout à l'heure, encadrent la durée d’examen de ces textes, des contraintes que nous ne pouvons ignorer.
Je comprends que les propositions de loi soient importantes aux yeux de leurs auteurs, mais prenez garde aux priorités fixées, eu égard notamment, je le répète, à cet objectif majeur qu’est l’examen du projet de loi de finances.
Je l’ai dit, je suis évidemment à la disposition du Parlement, et donc du Sénat ; c’est d’ailleurs mon devoir en tant que ministre. Reste que, dans le cadre d’une autre fenêtre parlementaire, qui devait initialement durer quatre heures, on nous avait dit que la séance s’achèverait vers minuit. Finalement, après nous avoir annoncé qu’elle se terminerait à une heure du matin, puis à deux heures, elle a été levée à quatre heures. J’ai dû enchaîner deux jours de suite sans dormir, car je n’avais pas la possibilité de faire autrement.
Demain matin – c'est-à-dire tout à l'heure ! –, je devais ouvrir le congrès de l’ARF, l’Association des régions de France, mais je me vois contraint d’y renoncer. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demandez à votre majorité de dépêcher l’un des vôtres !
M. Philippe Richert, ministre. Je le répète, le Parlement est prioritaire, mais je tenais simplement à vous informer de l’engagement que j’avais pris. Il est vraiment dommage que je ne puisse pas ouvrir demain matin la séance de ce congrès. (MM. Philippe Dominati et André Reichardt applaudissent.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La faute à qui ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. J’ai été très sensible au plaidoyer de M. le ministre, qui a mis en avant à la fois les menaces que ferait peser le retard de ce débat sur le bon déroulement de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 et les difficultés à exercer sa charge à l’égard des régions.
Cependant, je crois comprendre que ses reproches s’adressent en premier lieu à l’opposition. En effet, je n’ai pas le sentiment que ce soit les sénateurs qui siègent du côté gauche de l’hémicycle qui retardent la discussion de cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le rapporteur, que ce débat était prévu pour une durée de quatre heures.
L’examen de cette proposition de loi devant commencer à dix-huit heures trente, je ne pouvais imaginer qu’il s’achèverait vers trois heures du matin !
M. Éric Doligé. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 40 de notre règlement.
Cela ne fait que dix ans que je siège dans cette assemblée, mais j’ai pu constater tout au long de ces années que les règles qui étaient jusqu’à présent établies avaient contribué au bon fonctionnement de cette institution. Ces règles d’équité et d’équilibre entre la majorité et l’opposition,…
Mme Annie David. Non !
M. Éric Doligé. … les deux précédents présidents, MM. Poncelet et Larcher, se sont attachés à les appliquer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pouvez dire ce que vous voulez !
M. Éric Doligé. Vous aussi, mesdames, vous pouvez dire ce que vous voulez, cela ne me gêne pas du tout !
Lorsque l’examen d’une proposition de loi était prévu pendant quatre heures, nous faisions en sorte de respecter cette durée,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À l’époque, il n’y avait pas de propositions de loi !
M. Éric Doligé. … que le texte soit présenté par la majorité ou par l’opposition, et les temps de parole impartis étaient équilibrés.
Je dois dire que je ne sais pas ce qui s’est passé ici au début du mois d’octobre, …
Mme Annie David. Nous si ! Les élections sénatoriales sont passées par là !
M. Éric Doligé. … mais je constate que notre assemblée est totalement désorganisée : nous ne parvenons plus à travailler dans des conditions satisfaisantes.
Depuis quelques heures, nous assistons à un débordement total, à l’instar de ce qui s’est passé la semaine dernière, où la durée d’examen de la proposition de loi, initialement prévue pour quatre heures, a triplé. J’ai entendu dire – j’aimerais d’ailleurs qu’on nous le confirme, au sein du bureau du Sénat ou au cours d’une séance publique – que l’opposition allait bénéficier d’un temps équivalent.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Éric Doligé. Eu égard au calendrier prévisionnel de nos travaux jusqu’à la fin du mois de février, j’aimerais savoir quand on va pouvoir restituer à l’opposition toutes les heures que la majorité est en train d’engranger. Le président du Sénat sait parfaitement que c’est techniquement impossible.
Mme Annie David. Il y a les vendredis, les samedis, les dimanches, les lundis !
M. Éric Doligé. À la fin du mois de février, il nous dira que nous en disposerons au mois de juin ou de juillet ou que nous pourrons les récupérer ultérieurement.
Mme Annie David. Les vendredis !
M. Éric Doligé. La ficelle est un peu grosse ! Vous savez d’ores et déjà que nous ne pourrons pas les récupérer. En réalité, vous êtes en train de rogner les accords que nous avons passés. Ces procédés sont inadmissibles !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La faute à qui ?
M. Éric Doligé. Les conditions de travail du Sénat étaient en général équilibrées et empreintes de sérénité.
Mme Annie David. Vous avez la mémoire courte !
M. Éric Doligé. Depuis le début du mois d’octobre, cela ne fonctionne plus du tout ainsi, pour des raisons, je le répète, que j’ignore. Ce soir, nous avons la démonstration parfaite que nous n’arrivons pas à travailler, ce que je regrette.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et alors ?
M. Éric Doligé. Si vous avez quelque chose à dire, madame Borvo Cohen-Seat, n’hésitez pas à prendre la parole ! Cela me fait toujours plaisir de vous entendre.
M. Francis Delattre. Menteur ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Justement, j’ai l’intention d’intervenir !
M. Éric Doligé. Je souhaiterais que les membres éminents du bureau nous fassent part des engagements pris par le président du Sénat. Les humbles sénateurs ici présents peuvent-ils connaître les conditions dans lesquelles ils vont travailler dans les semaines et les mois qui viennent ? L’opposition aura-t-elle une chance de bénéficier du même éventail horaire pour l’examen de ses propositions de loi ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà !
M. Éric Doligé. Si vous pensez que l’opposition n’a plus droit à la parole, dites-le clairement ! Nous saurons en tirer les conséquences. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est de la provocation !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je constate que nos collègues veulent encore gagner du temps.
Si nous avions passé un accord sur la durée d’examen des propositions de loi de chaque groupe, c’est parce que l’opposition de l’époque respectait le temps imparti. (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.) Or, depuis le changement de majorité, il se trouve que l’actuelle opposition a décidé de ne pas respecter les temps de parole.
M. Charles Revet. Et c’est vous qui dites cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un minimum de démocratie impose que les propositions de loi déposées par les parlementaires, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, puissent aller jusqu’à leur terme, jusqu’au vote. Sinon, il n’y a plus d’initiative parlementaire possible !
La conférence des présidents…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On se demande à quoi elle sert !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pourrez le constater demain en lisant le compte rendu de sa réunion !
La conférence des présidents, disais-je, a décidé, à la demande de Mme Troendle, que l’opposition pourra récupérer les heures que la majorité a utilisées. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Quatre heures !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous serez donc comblés !
Mme Annie David. Fondé sur quel article ?
M. Jean-Claude Lenoir. Je veux intervenir au titre de l’article 40 du règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sûrement pas !
M. Jean-Claude Lenoir. Membre depuis peu de temps de cette assemblée, je suis frappé par l’improvisation qui règne ici.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Une improvisation totale !
M. Jean-Marc Todeschini. Cela va bientôt être la faute du président de séance ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Claude Lenoir. M. le ministre a relevé avec pertinence que le texte examiné par la commission des lois serait à revoir, tant il omet certains aspects et surcharge d’autres articles.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est son point de vue !
M. Jean-Claude Lenoir. Mais il y a plus grave ! Nous connaissons les règles constitutionnelles relatives à l’organisation de nos débats. Or quand je vois avec quelle légèreté on balaie l’examen du projet de loi de finances, qui un est texte fondamental dans notre République, dont les conditions d’examen sont strictement encadrées par la Constitution,…
M. Didier Guillaume. L’examen a été repoussé d’une heure !
M. Jean-Claude Lenoir. … je me demande comment seront traités les autres projets de loi. Cette banalisation des textes présentés par le Gouvernement est inquiétante.
Certains débattent actuellement de l’avenir de nos institutions, avançant même l’idée d’une VIe République. J’ose dire que nous assistons plutôt ici au retour de la IVe République !
M. Jean-Jacques Mirassou. Oh là là !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous voyons aujourd'hui qu’une assemblée – que dis-je ? –, une majorité dans une assemblée peut bousculer l’ordre du jour, en repoussant l’examen d’un texte présenté par le Gouvernement et en consacrant l’essentiel du temps à examiner des propositions de loi qui n’ont aucun avenir législatif, comme l’a souligné tout à l'heure avec beaucoup de talent notre collègue.
Je voudrais mettre l’accent sur le risque que l’on prend en permettant à des textes d’initiative parlementaire de grignoter progressivement le reste de l’ordre du jour. Aucun garde-fou ne semble avoir été prévu. Je ne mets pas ici en cause le président de séance (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.), mais sachez que le Gouvernement ne sera plus en mesure de présenter ses projets de loi si d’autres présidents de séance estiment qu’il est effectivement possible de reporter ultérieurement l’examen d’un texte prévu le lendemain ou le surlendemain.
Si c’est un retour à la IVe République, dressons-nous, mes chers collègues de l’UMP et de l’UCR ! Certains errements de ce régime avaient justifié une réforme profonde de nos institutions. Il nous appartient de protéger l’essentiel de ce que la Ve République a apporté, à savoir la primauté de l’action gouvernementale.
Je souhaite, monsieur le président, que ce rappel au règlement fasse réfléchir l’ensemble des membres de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en revenons aux explications de vote sur la motion n° 2 tendant à opposer la question préalable.
La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendle. Tout le monde en conviendra, les propos de Patrice Gélard ont été très clairs. Le sujet que nous abordons aujourd’hui a en effet été longuement débattu à l’occasion des différentes lectures du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, lequel a abouti à la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010.
Monsieur le ministre, vous l’avez déclaré avec beaucoup d’empathie : « Les semaines se suivent et tendent à se ressembler. » Comme vous, nous avouons une certaine perplexité quant à l’utilité de ce texte. En effet, une nouvelle fois, la majorité sénatoriale a souhaité débattre de la réforme territoriale. Certes, la répétition a du bon, mais tout de même...
Mes chers collègues, à l’instar de M. Éric Doligé, je m’interroge sur le bien-fondé de votre posture. À mon sens, ce n’est pour vous qu’une vulgaire tribune politicienne à l’approche du congrès des maires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Catherine Troendle. Voilà seulement deux semaines, nous avons rediscuté le volet intercommunal de la réforme territoriale. Ce débat a d’ailleurs été l’occasion de montrer de nouveau au grand public que nous ne défendons pas les mêmes valeurs concernant l’avenir de nos collectivités. (C’est sûr ! sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. Les Français l’ont compris !
Mme Catherine Troendle. Après l’intercommunalité, vous réitérez avec le conseiller territorial.
Comme l’a démontré Philippe Richert, il existe une volonté manifeste de votre part de refaire des débats que nous avons déjà eus voilà moins d’un an. Cette méthode de gouvernance ne correspond pas à une gestion optimale de l’agenda politique, ni à ce qu’attendent les Français de leurs responsables politiques.
Vous nous l’avez rappelé, monsieur le ministre, il faut laisser à la réforme territoriale le temps de produire ses effets avant de la remettre en cause. Évaluons-la le moment venu, corrigeons-la le cas échéant, comme le Gouvernement le propose d’ailleurs sur le volet intercommunal. Mais il n’est pas raisonnable de refaire en permanence les débats, chers collègues.
La culture et l’esprit républicains de la Haute Assemblée ont toujours permis de faire avancer les sujets importants, dans un esprit de responsabilité et sans confusion des rôles. C’était sa marque de fabrique et sa profonde utilité dans notre paysage institutionnel.
M. Jean-Jacques Mirassou. Bla-bla-bla ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Quelle délicatesse !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est bien connu !
Mme Catherine Troendle. Je commence à douter des intentions réelles de gouvernance partagée de la nouvelle majorité.
Dans cette lente institution du conseiller territorial, nous ne sommes plus dans le débat ; nous sommes sur une position de suppression pure et simple.
Mme Virginie Klès. C’est vrai !
Mme Catherine Troendle. Notre position, notre vision sont bien différentes des vôtres.
Mme Virginie Klès. C’est vrai !
Mme Catherine Troendle. Même s’il vous en déplaît, le conseiller territorial est une réponse adaptée aux défis qui se posent à nos territoires. Il est un élu légitime de la République, comme l’a rappelé notre collègue François-Noël Buffet.
Nous ne pouvons donc pas être favorables à une proposition de loi qui s’offre une nouvelle fois pour seul objectif de mettre à mal la nécessaire modernisation de nos libertés locales, votée le 16 décembre 2010.
Je comprends parfaitement les interrogations qui se sont exprimées sur ces travées lors de la discussion de la réforme territoriale concernant le mode de scrutin ou les diverses compétences des collectivités. Je partage ces préoccupations. Mais ce n’est pas en supprimant d’un trait de plume ce qui a été voté voilà un an que nous en sortirons grandis.
Que proposez-vous, mes chers collègues ?
M. Éric Doligé. Rien !
Mme Catherine Troendle. Nous ne voyons pas, sur le papier, le début d’un commencement de proposition, ou alors peut-être vos idées sont-elles inavouables au grand public ?
Vous êtes dans le symbole, la caricature, au détriment de propositions structurantes pour l’avenir de nos territoires.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne pouvons accepter de rediscuter une énième fois des principes structurants de la réforme que nous avons voulue et que le Parlement a votée l’année dernière. Par conséquent, nous voterons la question préalable ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. Les citoyens qui nous écoutent doivent se demander de quoi nous parlons.
Mme Catherine Troendle. Surtout à deux heures du matin !
M. Alain Bertrand. Ils aimeraient sans doute mieux que nous débattions de la croissance, de la réduction des déficits ou que nous leur expliquions comment 1,2 million de chômeurs ont pu être créés en quelques années, grâce au Gouvernement que vous soutenez !
Une chose me choque : plusieurs de nos collègues s’adressent à leurs pairs, fussent-ils, comme moi, d’une tendance différente, en mettant en cause leur droit à proposer une loi. Mais nous sommes tous ici par la volonté du peuple !
Alors vous, vous seriez vertueux, vous auriez des valeurs, une vision,...
Mme Catherine Troendle. Absolument !
M. Alain Bertrand. … vous vous intéresseriez à l’avenir du pays, et nous pas ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Vous, vous seriez rigoureux.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est sûr !
M. Alain Bertrand. Nous, nous serions dispendieux !
M. Philippe Dallier. C’est vrai !
M. Alain Bertrand. Vous êtes si rigoureux que vous avez fait passer le déficit annuel du budget de la France de 20 milliards d’euros à 150 milliards d’euros en très peu de temps !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. C’est fort !
M. Alain Bertrand. Vous êtes si vertueux que l’on compte maintenant 1,2 million de chômeurs de plus !
Vous êtes tellement vertueux que vous nous proposez une réforme territoriale dont le seul but est de priver les électeurs de leur droit de choisir que des régions et des départements ne soient dirigés par l’UMP.
Vous êtes tellement vertueux que vous n’osez pas dire la vérité, à savoir que votre loi du 16 décembre 2010 n’avait que des objectifs politiques et démagogiques. Ne dites pas au peuple que cette réforme va permettre de faire des économies, c’est faux !
Votre vertu, je la conteste. Si vous aviez été vertueux, vous auriez proposé, comme nous avons envie de le faire, une réforme des collectivités territoriales ambitieuse (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.), une réforme qui offre des perspectives aux Français et qui apporte au peuple de France, monsieur le ministre, ces solutions d’avenir dont vous avez parlé.
Votre réforme des collectivités territoriales n’apporte aucune clarification des compétences des départements et des régions, aucune redéfinition, à part l’assèchement de leurs moyens...
M. François-Noël Buffet. C’est faux !
M. Alain Bertrand. ... avec la suppression de toutes les possibilités de faire progresser leurs richesses.
Vous n’avez nullement redéfini les missions dans lesquelles l’État devrait se cantonner, car les régions et les départements font mieux que lui dans certains domaines. Vous avez également fait fi d’une réforme de la fiscalité locale, alors que, vous le savez, c’est une obligation.
Pour terminer, je vais vous parler, à vous qui êtes si vertueux, de la Lozère, département de montagne. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
À ma grande satisfaction, j’y ai vu défiler un grand nombre de sommités, dont certaines que je respecte, toutes appartenant au monde politique français actuel. Étant un bon républicain, j’étais présent lors de la venue du Président de la République, d’un sénateur connu de Marseille, qui est un homme excellent, de l’ancien président du Sénat, M. Gérard Larcher, qui est aussi un homme excellent, et de bien d’autres.
Savez-vous ce que tous ont expliqué aux grands électeurs ? Que s’ils avaient finalement voté la réforme portant création du conseiller territorial, c’est parce qu’ils avaient été quelque peu brusqués par le Président de la République. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Voilà la vérité ! Alors, les leçons de vertu, on n’en donne que lorsqu’on a raison sur l’éthique !
L’un des vôtres a annoncé qu’il votait « en conscience ». Si nous votions tous en conscience, sans tenir compte de nos appartenances politiques – c’est un rêve qui passe ! –,...
M. Gérard Larcher. Ce n’est pas un rêve !
M. Alain Bertrand. ... votre réforme des collectivités territoriales et la création des conseillers territoriaux ne recueilleraient ici qu’une minorité de voix ! (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très mauvaise explication !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 44 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 169 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Notre collègue de la Lozère a fait une brève apparition et est déjà parti ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Marc Todeschini. Il va revenir !
M. Jean-Jacques Hyest. J’aurais préféré qu’il m’entende, car il est parfaitement désagréable de mettre en cause l’éthique des uns ou des autres.
M. Philippe Dominati. C’est déplacé !
M. Jean-Jacques Hyest. On peut trouver des élus qui croient en ce qu’ils font sur toutes les travées. Dire qu’il s’agit de comédie et que nous ne sommes pas en accord avec ce que nous défendons, c’est indigne de la part d’un parlementaire ! (Oh oui ! sur les travées de l’UMP.)
Par ailleurs, puisque vous parlez d’initiative parlementaire, mes chers collègues, rappelez-vous que celle-ci existe parce que nous avons révisé la Constitution pour y inscrire le partage de l’ordre du jour.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous, nous l’avons voté !
M. Jean-Jacques Hyest. En revanche, ceux qui n’ont pas voté ce texte s’en servent aujourd’hui !
M. Éric Doligé. Voilà !
M. Jean-Jacques Hyest. Initialement, la Constitution de 1958 ne prévoyait aucune initiative parlementaire. Sous la présidence de Jacques Chirac, nous avons instauré une journée par mois pour l’opposition. Puis, nous avons instauré le partage de l’ordre du jour.
Je tiens à dire aussi que, pour avoir siégé à la conférence des présidents pendant de très nombreuses années (Trop ! sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC),...
Un sénateur de l’UMP. Jaloux !
M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai que certains n’y siégeront jamais, et heureusement ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
… jamais, sous l’ancienne majorité du Sénat, nous n’avons connu de tels coups de force. Quelles que soient les circonstances, c’est la recherche du consensus qui prévalait. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Aujourd’hui, nous voyons à quel point tout cela a changé.
Pour ma part, j’ai travaillé très longtemps avec Bernard Frimat sur la réforme du règlement, pour trouver des solutions consensuelles permettant à nos travaux de se dérouler dans de bonnes conditions. Tout cela, c’est terminé !
Ce qui faisait la spécificité du Sénat, à savoir la courtoisie qui animait généralement nos débats, a disparu avec l’arrivée d’une nouvelle majorité, très courte, décidée à imposer à tous moments ses vues, sans même respecter la Constitution, notamment l’ordre du jour prioritaire pour les textes d’origine gouvernementale et le projet de loi de finances. C’est invraisemblable !
M. Jean-Marc Todeschini. Vous êtes mis en cause, monsieur le président !
M. Jean-Jacques Hyest. Commencerons-nous à examiner le projet de loi de finances demain soir à vingt-trois heures cinquante-cinq ? Est-ce cela respecter la Constitution ? C’est inouï !
Il est temps que le bureau et la conférence des présidents examinent ces questions afin que nous puissions retrouver un fonctionnement normal de notre institution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. le président. Je suis saisi, par M. Maurey et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, d'une motion n°4.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l´article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu´il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d´administration générale, la proposition de loi relative à l´abrogation du conseiller territorial (n° 88 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la motion.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a à peine plus d’un an, le 9 novembre 2010, le Sénat adoptait le projet de loi de réforme des collectivités territoriales au terme de plus de 200 heures de débats passionnés en séance publique et de très nombreuses heures de travail en commission.
Vous le savez tous, la création du conseiller territorial constitue la mesure la plus emblématique, le pivot, de cette réforme, qui devait simplifier l’enchevêtrement des compétences et des financements.
À titre personnel, je m’étais prononcé en faveur de la création du conseiller territorial, laquelle vise non pas à supprimer le département ou la région, comme certains ont voulu le faire croire dans cet hémicycle et dans nos territoires, mais à les rapprocher. Je pense en effet qu’un même élu siégeant au département et à la région peut permettre une meilleure cohérence des politiques publiques menées aux échelons départemental et régional, sous réserve de régler un certain nombre de questions que j’évoquerai ultérieurement.
Pour avoir siégé un certain nombre d’années dans une assemblée départementale, je sais qu’un conseiller général ignore les actions mises en place par le conseil régional, comme les conseillers régionaux ignorent certainement les actions mises en place par le conseil général, ce qui peut conduire à des politiques contradictoires ou redondantes.
Aujourd’hui, la nouvelle majorité sénatoriale entend supprimer le conseiller territorial, ce qui est son droit.
M. Jean-Marc Todeschini. C’est une bonne chose !
M. Hervé Maurey. Toutefois, je me pose un certain nombre de questions à cet égard. Pourquoi vouloir agir si vite, alors que les conseillers territoriaux ne devraient être élus qu’en 2014 et que le président du Sénat entend mettre en place des états généraux de la démocratie territoriale ?
M. Jean-Marc Todeschini. Pourquoi avoir voté si vite leur création ?
M. Hervé Maurey. Pourquoi ne pas attendre la tenue de ces états généraux ? Pourquoi cette impatience, qui s’était déjà manifestée il y a deux semaines, lors de l’examen de la proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur, par la voix de notre collègue du groupe CRC, Christian Favier, qui avait indiqué qu’il souhaitait « voir la réforme du 16 décembre 2010 abrogée au plus vite » ? Pourquoi cet empressement à supprimer sans rien proposer à la place ?
Quelle contradiction entre les propos du président du Sénat, qui dit vouloir, au travers des états généraux de la démocratie territoriale, bâtir « le creuset d’une nouvelle réflexion sur les droits, les libertés des collectivités locales, sur les compétences, les financements et les solidarités territoriales, en un mot sur le devenir de la France des territoires », tout cela dans « un dialogue serein et respectueux de chacun », et cette hâte à tout « déconstruire » pour le plaisir !
Où est le dialogue « serein et respectueux » quand on veut supprimer à la va-vite le dispositif phare d’une réforme sans aborder l’ensemble des questions liées à ce sujet ? Comment parler de respect et de dialogue quand on décide tout avant la discussion et l’échange ? Dans ces conditions, à quoi serviront ces états généraux, si ce n’est à une communication politique réalisée aux frais du Sénat et des contribuables ?
M. Francis Delattre. Eh oui !
M. Hervé Maurey. La motion que je défends aujourd’hui, au nom du groupe de l’Union centriste et républicaine, est fondée sur une conviction : la question du conseiller territorial ne peut être isolée d’un certain nombre d’autres sujets importants, qui lui sont fondamentalement connexes. Je pense à la répartition des compétences entre le département et la région, au statut de l’élu, au cumul des mandats, au mode de scrutin et à la parité.
Nous avions été nombreux, dans cet hémicycle, notamment au centre et à gauche, à reprocher au Gouvernement de ne pas aborder l’ensemble de ces sujets. Aussi, je m’étonne que la nouvelle majorité fasse aujourd’hui ce qu’elle dénonçait quand elle était, il n’y a pourtant pas si longtemps, dans l’opposition. Peut-être même fait-elle pire !
Pour notre part, et en toute cohérence, nous considérons que le maintien ou la suppression du conseiller territorial ne peut être décidé qu’en lien avec l’ensemble de ces points.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui doit donc être renvoyée à la commission des lois, afin que cette dernière puisse examiner l’ensemble de ces questions et intégrer à notre réflexion les fruits du « dialogue serein et respectueux » promis par le président du Sénat.
Sur la question des compétences, je fais partie de ceux qui ont approuvé le Président de la République quand il appelait à leur clarification, en déclarant notamment, le 7 janvier 2009, à l’occasion de ses vœux aux parlementaires, « lorsque tout le monde se mêle de tout, personne n’est responsable de rien ».
Je fus donc extrêmement déçu que les versions successives du projet de loi de réforme des collectivités territoriales conduisent à renoncer à une véritable clarification des compétences, qui doit aller de pair avec la création du conseiller territorial.
La question du statut de l’élu, évoquée depuis de nombreuses années, revêt aujourd’hui une acuité particulière avec la création du conseiller territorial, compte tenu de l’importance des fonctions assignées à ce dernier. Celui-ci devra en effet siéger au conseil général et au conseil régional, ainsi que dans un nombre beaucoup plus grand d’organismes : là où il siégeait dans un collège, il siégera dans plusieurs collèges et dans un ou plusieurs lycées. Il représentera un territoire beaucoup plus grand et comportant beaucoup plus de communes.
À ce propos, j’avais indiqué le 26 janvier 2010 à M. le garde des sceaux, Michel Mercier, combien il était indispensable que « des assurances nous soient données sur le statut de cet élu qui garantissent qu’il aura le temps d’exercer ses fonctions ». Il sera en effet quasi impossible d’exercer un tel mandat dans le cadre d’une activité professionnelle, comme peut le faire aujourd’hui un conseiller général ou régional.
Ces questions devaient être évoquées lors de l’examen du projet de loi n° 61, très attendu, mais reporté, et relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Elles devront donc être abordées par la commission des lois.
En ce qui concerne le cumul des mandats, je suis de ceux qui considèrent que cette question doit être révisée. Il n’est pas normal, par exemple, j’ai eu l’occasion de le dire lors du débat du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, que les fonctions de président d’EPCI ne soient pas concernées, même si cet établissement public est important, par les dispositions relatives au cumul des mandats, alors que celles de conseiller municipal le sont.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est juste !
M. Hervé Maurey. Nous avions fait adopter par le Sénat un amendement visant à intégrer dans les règles du cumul la présidence d’un EPCI de plus de 50 000 habitants. Cette disposition, alors que le seuil était très élevé, pour ne pas dire trop, avait été supprimée par l’Assemblée nationale. La question doit donc être revue, et la situation du conseiller territorial examinée précisément.
Par ailleurs, eu égard à l’importance de sa mission, il y a tout lieu de se demander s’il remplit une ou deux fonctions. Sur ce point également, un examen plus approfondi s’impose.
Enfin la question du mode de scrutin est tout à fait essentielle. Au-delà de nos débats pour savoir si le conseiller territorial doit être élu au scrutin uninominal majoritaire ou au scrutin mixte, force est de constater que le mode de scrutin retenu et le tableau des effectifs, après sa modification résultant de la première censure du Conseil constitutionnel, cumulent tous les inconvénients. En effet, nous avons à la fois des conseillers territoriaux qui risquent de représenter des territoires trop grands, avec un nombre de communes trop élevées – 50 à 60, voire plus dans certains cas – et des assemblées pléthoriques. Le nombre de conseillers territoriaux serait de 299 en Rhône-Alpes, de 226 en PACA et de 251 en Midi-Pyrénées.
Peut-on trouver un système pour remédier à cette situation ? Peut-on envisager que tous les conseillers territoriaux ne siègent pas au conseil régional ? Peut-on régler cette difficulté avec un scrutin majoritaire en zone rurale, où le canton a une vraie existence, et un scrutin de liste en zone urbaine ? Comment faire en sorte que la représentation des territoires soit mieux appréhendée ? Est-ce possible sans une modification de la Constitution ? Toutes ces questions méritent, là encore, un examen très approfondi.
Par ailleurs, en lien avec la question du mode de scrutin, se pose celle de la parité. Le mode de scrutin choisi entraînera un recul très important de la parité dans les conseils régionaux, qui est actuellement de presque 50 %. Une solution doit être proposée pour éviter un tel recul.
Tous ces éléments le démontrent, mes chers collègues, la suppression du conseiller territorial, objet de la présente proposition de loi, ne peut se faire de manière hâtive et déconnectée de ces problématiques connexes.
Tel est le sens de notre demande de renvoi à la commission, que devrait soutenir la majorité si elle était cohérente avec les propos qu’elle tenait quand elle était encore dans l’opposition. Mais j’avoue craindre qu’elle ne le fasse pas, car j’observe à regret que la majorité sénatoriale ne souhaite ni légiférer ni réformer, comme en témoigne l’ensemble des propositions de loi qu’elle fait inscrire à l’ordre du jour de la Haute Assemblée. La nouvelle majorité souhaite uniquement, dans le cadre d’une campagne électorale qu’elle a déjà engagée, faire des coups politiques.
M. Robert del Picchia. Eh oui !
M. Hervé Maurey. Nous l’avons vu cet après-midi, nous le constatons cette nuit, à deux heures et demie du matin.
Cela ne nous semble ni sérieux ni conforme à la vocation de la Haute Assemblée, laquelle, jusqu’à présent, a toujours privilégié le travail de fond aux manœuvres politiciennes.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. Hervé Maurey. J’appelle d’ailleurs votre attention, mes chers collègues, sur les risques que votre attitude fait peser sur l’image et la réputation de sérieux du Sénat et, par là même, sur son rôle.
Quoi qu’il en soit, le groupe de l’Union centriste et républicaine ne se retrouve pas dans une telle démarche.
Je rappelle qu’il n’y a aucune urgence à voter ce texte, puisque, je le répète, les conseillers territoriaux ne seront élus qu’en 2014. Il est préférable de prendre plus de temps pour légiférer de manière satisfaisante, au lieu de voter à la sauvette et nuitamment, comme vous le faites depuis plus d’un mois, quantité de textes sur des sujets aussi importants que celui-ci, uniquement pour faire des coups politiques.
En conclusion, je vous invite donc à adopter cette motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Berson, contre la motion.
M. Michel Berson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en dépit des interventions convergentes, pertinentes et convaincantes de la majorité sénatoriale, notre collègue Hervé Maurey vient de demander à notre assemblée de renvoyer à la commission la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial.
Les débats qui sont déroulés ce soir ont permis de le réaffirmer, le conseiller territorial était la pierre angulaire mal taillée de la réforme – que dis-je ? –, de la contre-réforme territoriale voulue par le Président de la République. Retirons cette pierre, et l’ensemble de l’édifice s’écroulera !
L’abrogation du conseiller territorial ouvrira de nouvelles perspectives de débat, pour construire sereinement le nouvel avenir de nos collectivités territoriales, pour bâtir un nouveau pacte territorial de confiance, indispensable, entre les élus locaux et l’État et pour entamer la réflexion sur le nécessaire acte III de la décentralisation.
La motion tendant au renvoi à la commission du texte s’inscrit en vérité dans l’esprit de l’acte I de la recentralisation voulue par le Gouvernement.
La nouvelle majorité sénatoriale considère, à l’inverse, qu’il est grand temps de mettre en œuvre l’acte III de la décentralisation. C’est pourquoi il est urgent d’abroger le conseiller territorial, afin de préparer au plus tôt cet acte III avec les élus, leurs associations pluralistes et les acteurs locaux.
Ce sera d’ailleurs l’objet des états généraux de la démocratie territoriale, dont notre président Jean-Pierre Bel a pris l’initiative, ce qui semble gêner beaucoup les membres de l’opposition sénatoriale…
Telles sont les raisons pour lesquelles, ce soir, je demande au Sénat de rejeter catégoriquement la motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission est défavorable à cette motion de renvoi à la commission.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’intervention d’Hervé Maurey. Je suis d’accord avec le fond de son propos, notamment lorsqu’il évoque les sujets qui restent ouverts : le statut du conseiller territorial, son régime d’incompatibilité et d’inéligibilité, les règles relatives à la campagne électorale et aux contentieux.
Nous aurons l’occasion d’aborder ces questions lors de l’examen du projet de loi n° 61, relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Le Gouvernement, comme le sénateur Hervé Maurey, souhaite que, le moment venu, soit précisé le statut de ce nouvel élu de la République. Mais, ce soir, on nous propose tout simplement d’abroger le conseiller territorial !
M’étant déclaré favorable à la motion tendant à opposer la question préalable, je considère qu’il n’y a plus lieu de débattre ; je me contenterai donc, sur la motion de renvoi à la commission, de m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Je mets aux voix la motion n° 4, tendant au renvoi à la commission.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV. (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment !
M. Éric Doligé. La majorité est minoritaire !
M. le président. Je rappelle que la commission souhaite le rejet de cette motion, sur laquelle le Gouvernement s’en remet, quant à lui, à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 45 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, je tiens, en cet instant, à faire part de mon inquiétude devant la manière dont nous travaillons et qui conduit, selon moi, à un affaiblissement de la Haute Assemblée.
Je vais vous faire une confidence ; l’heure s’y prête !
M. Éric Doligé. Une confidence sur l’oreiller ! (Sourires.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ayant été députée, je suis en mesure de parler des deux assemblées. D’ailleurs, j’aurais probablement pu rester députée beaucoup plus longtemps, mais j’ai choisi de venir au Sénat parce que je le tenais pour un meilleur législateur que l’Assemblée nationale. Et, pendant trois ans, j’ai pu constater que c’était vrai.
On entend souvent dire que le Sénat n’a pas le dernier mot, notamment en matière financière. Or j’ai observé que, dans les faits, au cours des trois dernières années, c’est exactement l’inverse qui s’est produit ! J’ai pu en juger depuis que je suis membre de la commission des finances, mais je l’avais déjà constaté à la commission des lois, où j’ai eu la chance de siéger sous la présidence de Jean-Jacques Hyest.
Je prendrai l’exemple du projet de réforme de la taxe professionnelle, sujet financier par excellence. Tel qu’il était présenté par le Gouvernement, il était inacceptable, et je l’avais dit à l’époque. Il visait en effet à diminuer la taxe professionnelle de 5 % chaque année pendant vingt ans ; moyennant quoi, au bout de vingt ans, il n’y aurait plus rien eu ! Le texte a été réécrit par l’Assemblée nationale et, au Sénat, nous l’avons réécrit à notre tour. Eh bien, c’est la version du Sénat qui s’applique aujourd’hui.
C’est d’ailleurs grâce au Sénat que vous ne pouvez affirmer qu’à tort que les recettes perçues en remplacement de la taxe professionnelle ont diminué, car il y a eu compensation intégrale. Pour beaucoup de collectivités, la réforme a même constitué une chance formidable !
À mes yeux, le Sénat est donc un excellent législateur, meilleur que l’Assemblée nationale. C’est pourquoi, au cours des trois dernières années, il a souvent marqué des points, imposé ses vues.
M. Éric Doligé. Hélas, c’est fini !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, cette intervention n’a rien à voir avec un rappel au règlement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Prenez pratiquement n’importe quel projet de loi et considérez-le à l’issue de la navette : 90 % des modifications intégrées dans la version finale sont d’origine sénatoriale.
Nous devons tenir cette ligne ! Il est très important que nous maintenions la qualité de nos travaux législatifs. D’ailleurs, je veux pour preuve de cette qualité que la plupart des organismes de lobbying viennent d’abord au Sénat pour défendre leurs positions.
Comment pouvez-vous, en un mois et demi, faire table rase de cet acquis ? À nous faire travailler dans des conditions inacceptables, vous allez aboutir à ceci : le Sénat ne sera plus du tout écouté et l’Assemblée nationale aura de nouveau le dernier mot. À cet égard, chers collègues, dites-vous bien que votre responsabilité est capitale ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour un rappel au règlement.
M. Hugues Portelli. Plusieurs orateurs, notamment M. le ministre, ont soulevé la question de la compatibilité de la proposition de loi avec l’article 40 de la Constitution.
Je rappelle que, selon les études d’impact annexées au projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région, l’introduction du conseiller territorial aura pour effet de diminuer de 111 millions d’euros les charges relatives à l’organisation des élections – les élections cantonales et régionales étant remplacées par la seule élection des conseillers territoriaux. En outre, du fait de la diminution du nombre des élus, 45 millions d’euros supplémentaires seront économisés sur les indemnités.
Dans ces conditions, la suppression du conseiller territorial et le rétablissement du système antérieur se traduiraient mathématiquement par une augmentation des charges publiques de 156 millions d’euros.
C’est pourquoi je considère que la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial est contraire à l’article 40 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. J’interroge donc la commission des finances : l’article 40 de la Constitution est-il applicable à la présente proposition de loi ?
M. Gérard Miquel, vice-président de la commission des finances. Après vérification, l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour un rappel au règlement.
M. Charles Guené. Monsieur le président, vous venez, en faisant application de l’article 45 de notre règlement, de demander à un représentant de la commission des finances de se prononcer sur l’irrecevabilité, soulevée par notre collègue Hugues Portelli, de la présente proposition de loi au titre de l’article 40 de la Constitution.
Dès lors, si cette proposition de loi était adoptée, elle serait, je le crains, entachée d’illégalité. En effet, s’agissant d’une proposition de loi, c’est l’alinéa 4 de l’article 24 de notre règlement qui est applicable : il prévoit que « le bureau du Sénat ou certains de ses membres désignés par lui à cet effet sont juges de la recevabilité des propositions de loi ou de résolution ».
Or le bureau n’a pas désigné les membres en question, les délégations n’ayant probablement pas encore été faites.
Je considère donc que, pour juger de la recevabilité de la proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution, il vous faut, monsieur le président, demander la convocation du bureau.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je ne cesse de le dire !
M. le président. Je vous rappelle, mon cher collègue, que la proposition de loi a été déposée devant le bureau et que celui-ci l’a jugée recevable ; c’était d’ailleurs avant le 1er octobre. C’était donc bien à la commission des finances qu’il appartenait maintenant de se prononcer.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour un rappel à au règlement.
M. Éric Doligé. Monsieur le président, je me permets d’invoquer l’article 40 de notre règlement au sujet de l’applicabilité de l’article 40 de la Constitution. Je reconnais qu’il y a de quoi s’y perdre un peu…
J’ai cru comprendre, monsieur le président, que vous aviez demandé à la commission des finances de se prononcer sur la compatibilité de la proposition de loi avec l’article 40 de la Constitution. Mais par qui la commission des finances est-elle représentée ce soir ? (Miquel ! Miquel ! sur plusieurs travées de l’UMP.)
On me dit que c’est M. Miquel. Mais un seul de ses membres représente-il toute la commission ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et pourquoi M. Miquel ?
M. Éric Doligé. M. Miquel serait-il le nouveau président de la commission des finances ?
Tout est possible, après tout, puisqu’il semble que, depuis quelques jours, on s’organise pour que les choses se passent comme on souhaite les voir se passer !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission des finances est représentée par l’un de ses vice-présidents.
M. Éric Doligé. Le débat doit être organisé de façon suffisamment précise pour nous épargner cette fâcheuse impression qu’il emprunte une direction qui pourrait se révéler particulièrement risquée pour le Sénat.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous contestez la conduite des débats par la présidence de séance !
M. Éric Doligé. Il conviendrait que le bureau de la commission des finances se réunisse pour trancher cette question. À tout le moins, j’aimerais bien que l’on nous explique par quel moyen un membre de la commission peut seul décider, contre toute évidence, que l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas.
Monsieur le président, peut-être est-ce de votre ressort ? Ou peut-être le président de la commission des lois, qui connaît certainement la Constitution, les lois et le règlement du Sénat sur le bout des doigts, pourra-t-il emporter notre conviction ? Loin de moi l’intention de le mettre en difficulté, mais j’aurai plaisir à l’entendre.
M. le président. La parole est à M. Charles Guené.
M. Charles Guené. Monsieur le président, vous invoquez l’article 45 du règlement ; or celui-ci porte sur la seule recevabilité des amendements, et non sur celle des propositions de loi. Dans le cas présent, vous n’avez pas à consulter la commission des finances.
M. le président. Mon cher collègue, c’est une tradition qui nous appliquons depuis 1958 ! (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.)
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, tout à l’heure, certains collègues ont émis quelques critiques sur le déroulement de la conférence des présidents qui s’est tenue hier soir. Contrairement à ce que certains ont pu affirmer, je peux vous dire qu’elle s’est très bien passée et que le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, a été à l’écoute de tous les groupes.
M. Éric Doligé. Oui, mais ses conclusions ne sont pas respectées !
M. Jean-Marc Todeschini. Elle a été en tout cas très utile puisque M. le ministre chargé des relations avec le Parlement nous a informés que, parmi les propositions de loi qui ont été déposées, aucune ne posait de problème au regard de l’article 40, si ce n’est peut-être celle de Jean-Pierre Bel relative au logement, en particulier son article 32. Il a pris soin d’ajouter qu’il conviendra d’examiner plus précisément ce point. Et c’était le Gouvernement qui parlait ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Cela fait maintenant plusieurs heures, pour ne pas dire plusieurs jours, voire plusieurs semaines, que nous nous heurtons à un problème de fonctionnement de notre assemblée. Je constate que le règlement, dont l’application varie en fonction des circonstances, n’est respecté que quand cela vous arrange ! Ce n’est pas acceptable !
Monsieur le président, je ne vous mets pas en cause personnellement,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien sûr que si ! Vous contestez la présidence de séance !
M. François-Noël Buffet. … mais vous ne pouvez pas invoquer la tradition alors que, la semaine dernière, nous avons appliqué strictement le règlement.
Plus personne ne s’y retrouve dans cette affaire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
La seule et unique solution consiste à respecter strictement le règlement et à renoncer à toute interprétation de circonstance. Ce n’est pas parce que certains veulent à tout prix faire passer en force un texte justifié uniquement – nous l’avons dit et redit – par la tenue du prochain congrès des maires de France et l’élection présidentielle de 2012 que nous devons avancer à marche forcée !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En pédalo !
M. François-Noël Buffet. Le Sénat doit retrouver un peu de sérénité : cela ne sera possible que si le règlement est strictement appliqué. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut lever la séance !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je voudrais faire une observation à M. Doligé, qui m’a interpellé.
Cela fait plus de vingt ans que j’ai l’honneur d’être parlementaire, siégeant aujourd’hui au Sénat après avoir siégé à l’Assemblée nationale. Ce à quoi nous assistons ce soir est finalement assez banal. J’ai vécu d’innombrables séances de nuit comme celle-ci, entendu de nombreux rappels au règlement et assisté à la mise en œuvre de bien des stratégies visant à prolonger la séance.
M. François-Noël Buffet. Moi aussi !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On peut apprécier, d’un point de vue esthétique, la qualité des stratégies ; elles donnent lieu parfois à de bons moments, parfois à des moments un peu plus pesants.
Dès lors que l’on a prévu des « niches », c'est-à-dire que le temps accordé à l’examen d’un texte est limité à deux ou quatre heures, il est très facile de faire durer les débats pour que l’examen du texte ne puisse être achevé dans le délai imparti. Il suffit de multiplier les rappels au règlement ou les explications de vote.
Pour notre part, nous ne l’avons jamais fait les années précédentes.
M. Jean-Jacques Hyest. Vous l’avez fait !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous aussi en ce moment !
M. Buffet prétend que nos débats sont désorganisés. En quoi le sont-ils ? Depuis 1958, c'est-à-dire depuis cinquante-trois ans, la pratique veut que le président ou un vice-président de la commission des finances décide s’il y a lieu d’appliquer ou non l’article 40 lorsque celui-ci est invoqué. C’est ainsi et, pour ma part, cela ne me perturbe pas du tout !
M. Éric Doligé. Nous le voyons bien !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Puisque certains multiplient les prises de parole afin de faire durer les débats, la majorité sénatoriale a demandé que l’ordre du jour de notre assemblée soit légèrement modifié. Dois-je rappeler que le Sénat, comme toute assemblée, est maître de son ordre du jour ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Aujourd’hui, nous sommes dans le cadre d’une semaine du Gouvernement !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. L’examen du projet de loi de finances commence demain…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non ! Aujourd’hui !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je le répète, ce que nous vivons ce soir n’a rien de dramatique ou de catastrophique. Il faut garder son calme, car il n’y a là rien que de très banal.
Pour ma part, j’apprécie, sur un plan esthétique, tant les bons moments que les moins bons. Il vous est loisible de faire durer encore les débats ; nous sommes à votre disposition.
Madame Des Esgaulx, vous savez très bien, nous savons tous, quel rôle vous devez jouer. Ne nous racontons pas d’histoires ! Vous vous demandez simplement par quel moyen vous allez réussir à prolonger le débat.
Quand un collègue se met en colère, on sait bien que, dix minutes après, sa colère est apaisée… On peut se dire cela parce qu’on se connaît.
Mes chers collègues de la majorité gouvernementale, libre à vous de faire durer le débat, de vous livrer à cette dramaturgie. Pour ma part, je préfère celles auxquelles on peut assister juste à côté, au théâtre de l’Odéon, mais il est vrai qu’il est fermé à cette heure… Au moins, l’occasion nous est donnée d’apprécier votre talent.
Nous sommes parfaitement sereins et prêts à continuer, maintenant que nous sommes parvenus à l’article unique.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Continuer jusqu’à quelle heure ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Jusqu’au petit-déjeuner… Tout cela n’est pas bien dramatique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, l’autre jour, lors de l’examen d’une proposition de loi, le Gouvernement a soulevé une exception d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution. Que s’est-il alors passé ? La commission des finances s’est immédiatement réunie ! (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.)
Comment parler de tradition si la pratique change tous les trois jours ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela dure depuis 1958 !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président de la commission, c’est ainsi que les choses se sont passées ! Les cas sont similaires.
Si le Gouvernement ou un membre de notre assemblée invoque l’article 40, alors la commission des finances se réunit pour statuer. Je ne vois pas au nom de quoi cette règle pourrait varier selon les circonstances !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Ce n’est pas la même chose !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et depuis cinquante-trois ans, un vice-président de la commission des finances est présent en séance pour statuer !
M. Jean-Jacques Hyest. L’autre jour, c’était aussi une proposition de loi ! Alors cela veut dire que, la dernière fois, le règlement n’a pas été appliqué ? (Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Mon cher collègue, la commission des finances s’était effectivement réunie pour statuer, mais le Gouvernement avait préalablement envoyé un courrier.
Article unique
I. – Les articles 1er, 3, 5, 6, 81 et 82 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales sont abrogés.
II. – Les articles L. 210-1 et L. 221 du code électoral sont rétablis dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Afin de ne pas faire perdre plus de temps à notre assemblée, je serai brève, d’autant que nous avons déjà expliqué les raisons pour lesquelles nous réclamons la suppression du conseiller territorial.
À certains d’entre nous qui se sont exprimés dans la discussion générale ou lors du débat sur les motions de procédure, je dirai que, effectivement, le conseiller territorial est la pierre angulaire de la réforme des collectivités territoriales.
Mais je leur demanderai aussi de ne pas oublier que sa création a été fortement critiquée par tous les élus, de quelque bord qu’ils soient. Ceux-ci reprochent en effet au conseiller territorial d’avoir des fonctions mal définies ; ils craignent une emprise croissante de la technocratie, une augmentation des dépenses ; ils dénoncent une atteinte à l’autonomie des collectivités territoriales et le coup d’arrêt qui est porté à la parité telle qu’elle existait dans les conseils régionaux.
Pour toutes ces raisons, il n’y a pas d’autre solution que d’abroger les articles de la loi de réforme des collectivités territoriales portant création des conseillers territoriaux. C’est seulement après que nous pourrons discuter de quelle manière nous pouvons donner un nouvel élan à la démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, sur l'article.
Mme Catherine Troendle. La création du conseiller territorial n’a laissé aucun de nous indifférent, car son institution bouleverse la physionomie du monde territorial tel que nous le connaissons depuis 1982.
C’est une innovation qui méritait un véritable débat de principe au sein de la Haute Assemblée, représentante des collectivités locales.
Je voudrais, à ce titre, remercier le Gouvernement et l’excellent rapporteur de la loi de réforme des collectivités territoriales, Jean-Patrick Courtois. En effet, mes chers collègues, sous son impulsion et celle de Jean-Jacques Hyest, nous avons pu débattre, faire part de nos doutes, de nos incertitudes, de nos expériences personnelles, demander des éclaircissements afin de pouvoir nous forger une opinion personnelle sur l’instauration de ce nouvel élu, qui va bien au-delà des clivages partisans.
Je tiens à rappeler que le vote du texte sur la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux n’était pas un blanc-seing donné au pouvoir exécutif. Le Parlement a conservé durant les débats sur la création du conseiller territorial une entière souveraineté et s’est prononcé librement sur cette question.
Nous avons souhaité la mise en place des conseillers territoriaux, car nous avions fait plusieurs constats.
Le premier était que notre architecture territoriale n’était plus lisible pour nos concitoyens.
Le second était que notre architecture territoriale n’était plus satisfaisante pour les acteurs locaux.
Qui peut affirmer dans cet hémicycle que chacun des concitoyens de sa circonscription connaît son conseiller régional ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Qui connaît son sénateur ou sa sénatrice ?
Mme Catherine Troendle. On connaît son maire, son conseiller général, en tout cas en milieu rural. Mais qui peut affirmer que le niveau régional ne souffre pas aujourd’hui, auprès de nos concitoyens, d’un manque de visibilité et donc de légitimité ?
Mes chers collègues, la démocratie est affaiblie quand le citoyen ne comprend plus qui est qui et qui fait quoi, quand il se perd dans les responsabilités. Et alors, la réforme est nécessaire.
Qui peut affirmer dans cet hémicycle que les départements et les régions ne se marchent pas sur les pieds ?
Qui n’a jamais vu d’actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire, qui nuisent inutilement à l’équilibre de nos finances publiques ?
Mes chers collègues, les financements concurrents ayant un objectif similaire nuisent au développement de nos territoires. Ce sont autant de ressources qui ne seront pas utilisées pour des actions culturelles, sociales ou entrepreneuriales qui permettraient un plus fort dynamisme de nos territoires.
En créant le conseiller territorial, nous avons fait le pari de l’intelligence des territoires. Nous avons fait le choix de la réactivité. Le conseiller territorial, en étant l’interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, contribuera à garantir une meilleure réactivité et permettra d’accélérer le montage des projets.
Nous, nous avons fait le choix d’améliorer nos finances publiques. Le conseiller territorial permettra d’améliorer la coordination entre les départements et les régions. En simplifiant la gouvernance, nous pourrons mieux gérer nos finances publiques et ainsi mener des politiques plus dynamiques sur nos territoires.
Nous avons engagé, pour nos collectivités, un véritable processus de modernisation. Les collectivités ne peuvent pas éternellement rester à l’écart de la modernisation du pays, elles doivent également contribuer à la réduction des déficits.
Nous, nous avons fait le choix de faire confiance à nos élus locaux. Les conseillers territoriaux bénéficieront de missions plus étendues et de responsabilités plus larges que les actuels conseillers généraux et conseillers régionaux.
Nous, nous avons fait le choix de la responsabilisation de nos élus locaux. Avec le conseiller territorial, nous dotons les élus de proximité de la capacité d’accéder à la réflexion globale. Ils pourront ainsi défendre les intérêts de leurs territoires et les volontés de leurs électeurs au niveau régional.
Mes chers collègues, pour l’ensemble de ces raisons, nous ne pouvons vous laisser dire que cette réforme n’a été faite que pour réduire le nombre d’élus locaux. Sur l’ensemble de ces bancs, nous savons que les élus locaux donnent de leur temps et de leur talent pour être en première ligne de notre démocratie locale. Nous saluons chaque jour, au sein de cette assemblée, le travail essentiel qu’ils réalisent pour animer nos territoires.
Réduire le nombre d’élus n’est pas le cœur de cette réforme. La diminution du nombre d’élus locaux n’est qu’une des conséquences de la réforme, pas un préalable. La diminution du nombre d’élus est le résultat d’une réforme qui vise à une meilleure organisation de la décentralisation.
Mes chers collègues, comme la démocratie, la décentralisation est devenue un bien commun. La réforme des collectivités territoriales que nous avons votée ne vise qu’un seul objectif : un fonctionnement efficace de la décentralisation pour les années à venir. Pour cela, elle s’appuie, à travers la création du conseiller territorial, sur les élus locaux, en leur donnant plus de responsabilités et donc plus de légitimité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le temps de parole !
Mme Catherine Troendle. Mes chers collègues, ma position, comme celle de mon groupe d’ailleurs, est claire ; nous soutenons l’innovation de la loi de 2010 dans la création de ce nouvel élu : le conseiller territorial. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, sur l'article.
M. Dominique de Legge. Au moment où nous abordons cet article unique, permettez-moi de vous livrer deux réflexions.
La première porte sur la méthode et sur la forme. J’ai, je l’avoue, beaucoup de mal à comprendre que l’on puisse discuter, voilà huit jours, d’une proposition de loi sur l’intercommunalité, et aujourd’hui, d’une autre proposition de loi sur le conseiller territorial. Que je sache, il s’agit d’un dispositif d’ensemble. Si vous prenez les articles séparément, en leur faisant dire des choses qu’ils ne disent pas, parce qu’ils n’ont de sens que placés dans leur contexte, je comprends que l’on arrive aux caricatures que vous avez faites. Et je considère que de telles caricatures ne peuvent que cacher de mauvaises intentions.
Comme l’a rappelé tout à l’heure M. Maurey, le président du Sénat nous dit qu’il veut réunir des états généraux. Dans ces conditions, pourquoi prendre ces articles les uns après les autres ?
J’ai cherché une réponse et je n’ai trouvé qu’une seule explication : vous ne parvenez pas à vendre à nos collègues élus la vérité de votre pensée, qui est exprimée dans un excellent rapport de Terra Nova, qui explique tout…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Encore !
M. Dominique de Legge. Le problème, en France, tient non pas à l’empilement des échelons, mais au trop grand nombre de communes. Et le rapport précise que, pour régler ce problème, il faut donner la compétence générale aux intercommunalités, sous-entendu supprimer les communes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est du Balladur !
M. Dominique de Legge. Et ce même rapport indique que le danger tient au fait qu’avec le conseiller territorial on va cantonaliser les conseillers régionaux et les régions : quel mépris, mes chers collègues, pour les conseillers généraux, pour les départements ! Quel aveu !
Mais, dans la mesure où personne ne veut d’une telle réforme, vous préférez détricoter la loi article par article plutôt que d’aborder le problème de fond, car vous n’en avez pas le courage. Et peut-être même n’êtes-vous pas convaincus ; vous savez que nos collègues élus ne le sont pas davantage.
Ma seconde réflexion porte sur le fond. Il faut regarder les choses en face. À partir du moment où l’on n’a pas le courage d’aborder la question des compétences – et vous avez refusé le débat –, où l’on soutient que toutes les collectivités territoriales ont la compétence générale, il devient évident qu’il y a trop d’échelons. Mais comme vous ne voulez pas supprimer d’échelon, il vous fallait trouver une solution pour essayer d’harmoniser les politiques, notamment entre le département et la région.
Ne me dites pas que tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Dans un souci pratique – je ne fais pas de théorie – je prendrai deux exemples.
Dans le département du Finistère, le conseil général réhabilite, au titre de sa compétence de transport terrestre, la liaison routière entre Quimper et Brest. Dans le même temps, au titre de sa compétence ferroviaire, le conseil régional rénove la ligne ferroviaire entre Brest et Quimper. Or ces deux liaisons sont en concurrence. Je me dis que, si la même personne avait siégé dans les deux assemblées, peut-être aurait-on évité cette situation.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut qu’ils se parlent.
M. Dominique de Legge. Second exemple : le conseil régional de Bretagne mène une politique touristique à laquelle ne souhaite pas s’associer le conseil général de mon département, l’Ille-et-Vilaine. Résultat : voilà trois ans, nous avons vu une campagne de promotion de la région Bretagne portant sur trois départements, alors qu’elle en revendique cinq, et, parallèlement, une campagne de promotion du tourisme en Ille-et-Vilaine. J’avoue avoir quelques difficultés à comprendre la logique qui sous-tend ces politiques.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut qu’ils se rencontrent !
M. Dominique de Legge. La vérité est très simple. Elle nous a été révélée tout à l’heure par Didier Guillaume, qui sait parfaitement que ce texte n’a aucune chance de prospérer. Il a clairement déclaré qu’il s’agissait d’un symbole. Et c’est un symbole alors que nous sommes à huit jours du congrès des maires…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le temps de parole !
M. Dominique de Legge. Je considère pour ma part, et je ne suis pas le seul, que le Sénat ne sortira pas grandi de cette affaire. Je crois que les Français sont aujourd’hui plus préoccupés par la crise et par la dette. Mieux vaut entamer rapidement la discussion du projet de loi de finances plutôt que de perdre notre temps à faire prospérer un texte qui, vous le reconnaissez vous-mêmes, mes chers collègues, n’a aucune chance d’aboutir.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
M. Claude Domeizel. Encore !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je n’ai pas pris la parole sur cet article, mon cher collègue.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment ne pas s’inscrire en faux contre les arguments développés dans l’exposé des motifs de la proposition de loi de Mme Borvo Cohen-Seat ?
Non, je ne laisserai pas dire que la réforme territoriale et la mise en place des conseillers territoriaux constituent une régression politique majeure pour le développement des territoires et la démocratie locale. Il n’est pas responsable de véhiculer de tels propos mensongers.
La création du conseiller territorial est, contrairement à ce que vous affirmez, une innovation majeure, et la réforme territoriale, dans son ensemble, revêt un caractère fondamental. Les maires – et j’en suis un – en seront les premiers bénéficiaires, puisque nous avons choisi de maintenir la clause de compétence générale au profit des communes.
C’est donc une réforme qui passe par le respect des communes – vous oubliez de le dire –, qui restent la cellule de base de la démocratie territoriale. Je constate d’ailleurs que ce n’est pas ce que vous souhaitiez, puisque vous vouliez faire élire au suffrage universel les conseillers communautaires. Nous y étions opposés et nous avons fait de la commune une cellule de base.
Il s’agit aussi d’une réforme pragmatique, d’une réforme historique de l’organisation territoriale, qui tend à tirer les leçons d’une expérience décentralisatrice vieille de près de trente ans, sans remettre en cause les principes fondamentaux des réformes qui l’ont précédée.
Ce grand rendez-vous institutionnel, voulu par le Président de la République, nous donne l’occasion de renouer avec l’ambition qui fut celle, il y a trente ans, des lois Defferre, lois que vous voudriez voir figées dans le temps, madame Borvo Cohen-Seat, et cela s’appelle de l’immobilisme !
La décentralisation et l’intercommunalité ne sont ni de gauche ni de droite.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Heureusement qu’il y a eu la gauche !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Elles sont devenues le patrimoine commun de notre pays. Personne aujourd’hui n’envisage sérieusement de revenir sur cette avancée. Pour autant, notre organisation territoriale comporte encore quelques faiblesses, soulignées par de nombreux travaux et rapports, et qui demandent des adaptations.
Madame Borvo Cohen-Seat, c’est en réformant notre organisation territoriale que nous conforterons les libertés locales. En ne faisant rien, nous les affaiblirons. Le pire service que nous pourrions rendre aujourd’hui à la décentralisation, serait précisément de ne rien entreprendre.
L’État se modernise, et cette modernisation, c’est déjà 15 milliards d’euros d’économies depuis quatre ans. Les collectivités territoriales ne pouvaient échapper à ce formidable mouvement de rationalisation.
Il faut cesser d’opposer l’État et les collectivités territoriales.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bien sûr ! Et ce n’est pas ce que nous faisons !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est terriblement dépassé.
Cette réforme est tout simplement la première de l’histoire institutionnelle française à simplifier les niveaux d’administration sans créer de structures nouvelles. Elle doit donner davantage de lisibilité à l’organisation locale, ainsi qu’une nouvelle impulsion aux initiatives locales en faisant progresser la solidarité territoriale. Elle doit améliorer la coordination entre les départements et les régions, sans remettre bien entendu en cause les spécificités de chacune de ces collectivités, qui resteront administrées par des assemblées délibérantes distinctes.
Quant aux conseillers territoriaux, il s’agira de super-conseillers et non pas, comme je l’ai entendu, de conseillers hors sol. C’est le contraire : ils auront un canton, un territoire, on les connaîtra. Aujourd’hui, lorsque je vois un maire et que je lui demande qui est son conseiller régional, neuf fois sur dix, il est incapable de répondre. Or le conseiller général, lui, on le connaît.
Avec cette réforme, nous allons faire de super-conseillers…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Superman !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … qui vont répondre à une véritable attente de nos concitoyens. Ils seront élus au suffrage universel direct, ce qui leur donnera une force considérable.
D’ailleurs, le Conseil constitutionnel n’a-t-il pas validé la création du conseiller territorial ? Je voudrais bien vous l’entendre dire.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais nous l’avons dit tout à l’heure. Ne vous énervez pas ainsi !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui, le Conseil constitutionnel a validé le conseiller territorial. Les aléas de la vie politique et parlementaire, qui ont toujours existé, ne doivent pas nous faire perdre le sens de l’essentiel : le conseiller territorial sera, que vous le vouliez ou non, un élu légitime de la République, plus efficace, car il mettra en cohérence les politiques du conseil général et celles du conseil régional. Il sera l’interlocuteur unique des particuliers, des associations, des entreprises, des collectivités territoriales, et ce sur un territoire homogénéisé.
Dans mon département, des conseillers généraux sont élus dans des cantons de 2 000 habitants et d’autres dans des cantons de 40 000 ou 50 000 habitants. Ce n’est pas raisonnable. On ne peut pas continuer ainsi.
La création du conseiller territorial entraîne une diminution substantielle du nombre des élus…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le temps de parole !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je reprendrai la parole en explication de vote, ma chère collègue. Nous avons été à bonne école avec vous lorsque vous étiez dans l’opposition sénatoriale. Vous pouvez manifester, faire ce que vous voulez, cela ne nous empêchera pas de nous exprimer, car il s’agit là d’une affaire d’une extrême gravité. Vous voulez nous entraîner dans n’importe quoi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez épuisé votre temps de parole.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous voulez que je me taise ? Eh bien, je me tais, mais je reprendrai la parole ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Que dira-t-elle lorsque la République sera en danger ?
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour un rappel au règlement.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, permettez-moi d’insister, par un rappel au règlement, sur l’application des articles 45 et 24 de notre règlement. Mon intention est non pas de vous demander de revenir immédiatement sur votre décision, mais d’alerter notre assemblée – dans l’hypothèse, dont je ne souhaite pas voir la réalisation, où ce texte serait adopté non seulement par le Sénat, mais aussi par l’Assemblée nationale –, sur les risques constitutionnels que fait courir la procédure retenue pour apprécier l’irrecevabilité financière.
Les principes d’interprétation de textes clairs sont eux-mêmes clairs.
Quand l’article 45 de notre règlement dispose que la recevabilité des amendements est appréciée d’une certaine façon, il s’agit seulement de la recevabilité des amendements. Et, à la différence de ce qui peut se passer en matière constitutionnelle, le règlement d’une assemblée parlementaire ne peut être modifié par la coutume, la tradition, la pratique constante. Il ne peut être remanié que par un vote de notre assemblée.
Par conséquent, la seule procédure applicable en matière d’examen de la recevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution d’une proposition de loi est bien celle de l’article 24 de notre règlement. Il n’y en a pas d’autre ! À partir du moment où la recevabilité de la proposition de loi a été appréciée selon la procédure de l’article 45 du règlement, c’est tout le processus législatif qui a présidé à l’examen de cette proposition de loi qui risque d’être vicié.
J’entends bien qu’il ne s’agit que d’un risque. Mais je le crois très fort, pour ma part. Dans l’intérêt même des auteurs de cette proposition et de ceux qui la soutiennent, il serait à mon avis prudent de ne pas le prendre. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. Philippe Dominati, pour un rappel au règlement.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, je souhaiterais compléter ce que vient de dire Philippe Bas.
En effet, nous n’avons pas eu d’explication sur la procédure qui a été appliquée pour statuer sur la recevabilité de la proposition de loi au titre de l’article 40 de la Constitution. Est-ce la coutume qui détermine le membre de la commission des finances qui s’exprime le premier ?…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le vice-président !
M. Philippe Dominati. En fonction de quelle délégation notre collègue Gérard Miquel s’est-il exprimé au nom de la commission des finances, alors que d’autres vice-présidents de la commission des finances étaient présents ? Est-ce le premier membre de la commission des finances ou le premier vice-président qui lève le doigt et à qui l’on donne la parole qui définit la position de la commission des finances ?
M. Bernard Fournier. C’est la coutume depuis une heure !
M. Philippe Dominati. Monsieur Miquel, en vertu de quels pouvoirs avez-vous pu donner l’appréciation de la commission des finances ? Normalement, il y a une procédure à suivre. Or, ce soir, elle n’est pas respectée.
Je le répète, pourquoi demander à tel vice-président plutôt qu’à tel autre de se prononcer ? Nous sommes confrontés à un véritable problème de procédure et j’aimerais que la commission des finances nous apporte des éclaircissements sur ce point.
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Article unique (suite)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, sur l’article.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous vous en doutez, je ne voterai pas cette proposition de loi de suppression du conseiller territorial.
En effet, je fais partie de ces élus qui approuvent fondamentalement le conseiller territorial. Ma démarche est dictée par des convictions profondes.
Je comprends parfaitement les interrogations qui se sont exprimées sur ces travées, lors de la discussion de la réforme territoriale, quant au mode de scrutin ou quant aux diverses compétences des collectivités... Je partage ces préoccupations, mais je voudrais dénoncer le faux procès qui est intenté ici aujourd’hui.
Je ne vois pas l’incompatibilité qui pourrait exister entre l’enracinement dans un territoire et le souci de la prospective. À entendre certains d’entre vous, aujourd’hui, il y aurait deux types d’assemblées et deux types d’élus : des conseils généraux qui n’auraient que le souci du local, voire du subalterne, et des conseils régionaux qui auraient le souci de la noblesse et de la prospective. Certains élus auraient les pieds dans la glaise et d’autres la tête dans les étoiles !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut les deux !
Mme Catherine Deroche. On a entendu parler de tellement de caricatures, de la « République des giratoires », de la « cantonisation des régions », à croire que seuls les conseillers régionaux pouvaient penser globalement !
Comme l’a rappelé Jean-Patrick Courtois dans son intervention, il n’a jamais été question de supprimer les départements.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si, cette semaine !
Mme Catherine Deroche. Il n’a pas non plus été question de regrouper d’autorité les régions.
Alors, fallait-il choisir ? Département ou région ? Région ou département ? Cette opposition devait cesser !
Nous sommes tous ici, pour la plupart, à la fois parlementaires et élus locaux. C’est une tradition démocratique, républicaine et française. Le fait de siéger à Paris nous empêche-t-il de faire un travail de proximité, de parcourir des dizaines de kilomètres dans notre département pour aller voir des électeurs, des concitoyens, des maires ? Bien sûr que non ! Le fait d’être un élu local et un parlementaire « cantonalise »-t-il, pour reprendre le terme employé par M. Sueur à l’époque, le Parlement ? Eh bien non !
J’ai pour ma part un profond respect pour les élus locaux, et ce toutes tendances politiques confondues. Je sais que l’on peut retrouver chez un même élu le souci du territoire, de la proximité et le souci de la prospective.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Catherine Deroche. Étant moi-même conseillère régionale des pays de la Loire, je le vois au travers d’élus de la minorité et de la majorité, qui cumulent à la fois le mandat de conseiller général et de conseiller régional.
Le Parlement a fait un choix simple, pragmatique, ambitieux et innovant, le choix de la confiance en un élu local, le conseiller territorial, pour engager le chantier de la clarification et de la simplification.
Voilà qui permettra d’éviter les actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire que connaissent la plupart des maires et dont on a tellement entendu parler lors de la campagne électorale. Le conseiller territorial sera l’interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, ce qui contribuera à la réactivité, à la cohérence dans le choix des financements.
Enfin, il sera parfaitement connu et reconnu des citoyens.
Par la création du conseiller territorial, régions et départements ont tout à gagner !
Comme mes collègues de l’UMP, je ne soutiendrai pas la proposition de loi, qui, je le rappelle, comportait une lacune majeure avant d’être rectifiée en commission, puisque, dans sa rédaction initiale, elle supprimait purement et simplement le conseiller territorial, mais sans dire qui allait administrer les collectivités départementales et régionales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l’article.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Jean-Patrick Courtois, ancien rapporteur du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, a été clair, me semble-t-il : « N’était-il pas responsable de vouloir rationnaliser une multitude de structures, pour un meilleur fonctionnement de notre démocratie locale et pour une plus grande visibilité de nos concitoyens ? »
Comme il l’a rappelé, « l’organisation territoriale de la France puise ses racines dans une histoire forgée au cours des siècles. Au fil du temps, notre pays a su dégager un modèle original d’administration locale ».
Nous devions donc rester fidèles à cet héritage tout en adaptant notre organisation territoriale aux défis du temps.
Nous avons tous fait l’expérience un jour ou l’autre, en tant qu’élus locaux, de la complexité de certaines démarches. Tous les rapports successifs, de droite comme de gauche, ont d’ailleurs pointé du doigt la fragmentation excessive de notre paysage institutionnel, l’enchevêtrement des compétences et les excès de la pratique des financements croisés.
Le conseiller territorial est la réponse que le Gouvernement a souhaité apporter à la simplification de notre paysage institutionnel et au renforcement de la complémentarité de l’action des départements et des régions.
Il n’a jamais été question de supprimer l’une ou l’autre de ces deux structures,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … qui ont chacune leur légitimité et leur utilité.
L’enjeu est bien de les faire fonctionner sur le mode de la complémentarité et non sur celui de la concurrence. Nous avons donc voulu mieux articuler leurs actions respectives.
Mes chers collègues, c’est en faisant confiance au conseiller territorial que nous obtiendrons l’organisation la plus efficace, celle qui répond aux enjeux et aux défis propres à chaque territoire.
Nous n’avons jamais souhaité la mort ou la disparition de nos régions. La région sera consolidée grâce au conseiller territorial, qui va enfin rapprocher cette collectivité de la population. En effet, ne vous en déplaise, les conseillers régionaux étaient jusqu’à présent des ovnis politiques ! Nous avons d’ailleurs tous pu nous en rendre compte lors des dernières élections régionales : 50 % d’abstention, cela signifie bien quelque chose.
Le conseiller régional n’a actuellement aucune proximité, et, en tant qu’ancienne conseillère régionale, je mesure la portée de mon propos. Et c’est certainement la raison du mépris que vous affichez à l’égard du département et du canton. Prétendre que cette grande réforme est la victoire du rond-point et de la salle des fêtes sur les investissements du futur, c’est tout simplement nier la réalité locale.
Le conseiller territorial sera ancré dans un territoire parfaitement identifié et contribuera à une meilleure articulation entre les interventions des départements et celles des régions.
Cela permettra aussi d’enrayer l’excessive concentration des investissements au profit des départements chefs-lieux de région, au détriment des petits et des moyens. Mais cela aussi, vous semblez le nier....
J’ajouterai un point. Depuis que l’on parle du conseiller territorial, c'est-à-dire depuis 2009, on n’a de cesse d’invoquer la parité. Mais, dans mon département où des élections ont eu lieu en 2005, on compte seulement deux femmes sur 49 conseillers généraux ! Nous pensions que la loi de 2009 nous permettrait de rectifier le tir ; or, après les dernières élections cantonales de 2011 – c’est donc tout récent ! –, rien n’a changé !
Par conséquent, avant d’affirmer que nous avons voté une loi scélérate pour la parité, il faudrait que chacun regarde chez soi. Certes, cette réforme n’est peut-être pas très bonne pour la parité, mais, actuellement, aucune place n’est faite aux femmes,…
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Sauf dans les conseils régionaux !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … et ce dans tous les départements !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Regardez chez vous !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Justement ! Il faudrait d’abord que chacun regarde chez soi avant d’aller voir ce qui se passe chez les autres ! Je le répète, dans mon département, les conseillers généraux ne sont quasiment que des hommes : seulement deux femmes sur 49 conseillers généraux ; faites le calcul !
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Et dans les régions, vous voulez renoncer à la parité !
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, sur l’article.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création du conseiller territorial figurait à l’article 1er de la loi de réforme des collectivités territoriales ; c’est dire son importance dans ce dispositif.
Dans l’exposé des motifs du projet de loi initial, a été rappelé le rôle essentiel qui sera dévolu au conseiller territorial : il sera le garant de la cohérence des interventions du département et de la région. Il permettra une bonne articulation entre la région et les départements qui la composent, grâce à la mutualisation des moyens et la coordination des actions.
Ce collège unique d’élus, appelés à siéger simultanément dans les assemblées régionales et départementales, doit contribuer à donner une plus grande cohérence aux différentes politiques locales.
En effet, actuellement nos concitoyens se plaignent de l’éloignement des élus régionaux qui ne sont pas réellement territorialisés. Pour s’en convaincre, il suffit, comme le soulignait à l’instant Marie-Thérèse Bruguière, d’examiner les chiffres décevants de la participation aux dernières élections régionales, chiffres particulièrement décevants pour une élection locale !
Beaucoup n’ont pas voté parce qu’ils ne connaissent pas le conseil régional et encore moins ceux qui y siègent. Ma collègue Marie-Hélène Des Esgaulx l’a très bien rappelé.
Du fait du scrutin de liste régional, l’électeur ne connaît pas, même au bout de six ans de mandat, son conseiller régional ! Je le sais, car j’ai été moi-même conseiller régional.
Or, en siégeant à la fois au conseil régional et au conseil général, le conseiller territorial constituera un lien privilégié entre la population et l’assemblée au sein duquel il siégera, à l’échelle de son territoire. À mon sens, cet élu aura ainsi plus de poids sur son territoire.
La création du conseiller territorial, lequel siégera à la fois au conseil général et au conseil régional, tend en réalité à la « cantonalisation » des élus régionaux sur le territoire d’un canton, à l’inverse de ce qu’ils étaient auparavant : n’ayant pas de véritable attache territoriale, ils étaient considérés comme étant hors-sol.
Certains ont prétexté que, du fait de ce système, un conseiller territorial défendrait son territoire à la région et ne serait pas capable d’avoir une vision globale du développement régional. Voilà qui me paraît particulièrement insultant pour tous les actuels conseillers généraux qui, tout en défendant les intérêts de leur canton, possèdent une véritable vision du département et défendent également l’intérêt général de la collectivité départementale.
Tout à l’heure, mon collègue Dominique de Legge a évoqué des exemples d’aménagements et d’infrastructures en Bretagne. Je citerai pour ma part un exemple pris dans mon département de l’Aisne, dirigé, vous le savez, par notre collègue Yves Daudigny : l’ensemble des conseillers généraux, de gauche comme de droite, soutiennent de façon unanime les efforts de la collectivité départementale en faveur de la mise à deux fois deux voies de la RN2, axe structurant de notre département dont Yves Daudigny et moi-même avons déjà parlé.
Or, les conseillers régionaux de Picardie, parce qu’ils ne sont pas suffisamment territorialisés, n’apportent pas le même soutien à cette RN 2, malgré une convergence politique des trois départements avec l’exécutif du conseil régional.
Il en était d’ailleurs de même lorsque mon prédécesseur Paul Girod dirigeait le département, avec là aussi une convergence politique et des difficultés.
J’ai la faiblesse de penser qu’un conseiller territorial aura à cœur de garder la même cohérence et de soutenir les mêmes dossiers au conseil général et au conseil régional.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est bien cela le problème !
M. Antoine Lefèvre. Enfin, pour conclure, je voudrais répondre à ceux qui ont comparé le conseiller territorial à un élu génétiquement modifié ou à un ovni.
En 2004, lorsque j’étais conseiller régional de Picardie, Charles Watelle, conseiller général socialiste du canton de Wassigny dans l’Aisne, était également conseiller régional à mes côtés. Pendant toute la durée de son mandat, je n’ai à aucun moment entendu de la part de ses collègues ou de ses concitoyens la moindre critique sur l’exercice de ce double mandat. Personne, à l’époque, ne l’a traité d’EGM, d’ovni, ou que sais-je encore. À mon sens, il a d’ailleurs plutôt été, dans une certaine mesure, un vecteur de rapprochement et, parfois, de cohérence entre les deux collectivités dont il était l’élu.
Voilà pourquoi j’ai voté, en conscience, cher Alain Bertrand, la réforme territoriale, et voilà pourquoi, toujours en conscience, je suis contre cette proposition de loi et son article unique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. René Beaumont, sur l’article.
M. René Beaumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure avancée de la nuit, vous permettrez à un élu qui pratique depuis plus de quarante ans les collectivités locales de livrer son impression sur ce dossier.
Comme l’a brièvement et intelligemment rappelé M. le ministre chargé des collectivités territoriales, dont je tiens à saluer l’investissement personnel sur ce dossier, « le conseiller territorial est une réponse adaptée aux nombreux défis qui se posent à nos territoires ».
L’institution de ce nouvel élu, dans la réforme de décembre 2010, fait partie d’un tout, qui marque une étape importante pour notre paysage institutionnel.
Il s’est agi alors, pour nous, de nous interroger sur la gouvernance de notre pays dans le triple rapport des communes aux communautés de communes, des régions aux départements et des collectivités locales à l’État.
Il peut être utile de rappeler d’abord que les rapports entre les collectivités continuent de s’exercer, en France, dans le respect d’une autonomie totale qui se caractérise par l’absence de tutelle d’une quelconque collectivité sur une autre, ce dont aucun pays voisin ne peut se targuer.
Quant au rapport de ces collectivités avec l’État, il s’effectue toujours en conciliant une centralisation aiguë du champ réglementaire et une décentralisation approfondie des moyens financiers.
Comme l’a souligné l’un de nos collègues députés lors des débats à l’Assemblée nationale, il s’agit là d’une étape importante dans le rapport communes-communauté.
J’en veux pour preuve l’achèvement de la carte intercommunale, prévue désormais pour 2013 – rappelons qu’aujourd’hui 89 % des communes et 93 % de la population sont en intercommunalité –, mais aussi l’élection directe des délégués intercommunaux, grâce au scrutin fléché, ainsi que la création de métropoles, d’ailleurs vigoureusement défendues ici même par notre éminent collègue socialiste Gérard Collomb.
Il s’agit aussi, et surtout, en ce qui nous concerne ce soir, d’une étape importante dans les relations région-départements, avec la création de conseillers territoriaux siégeant alternativement dans les deux assemblées. Ces derniers créeront ainsi une vraie cohérence entre celles-ci – d’aucuns ont souligné les incohérences qui existent actuellement – et supprimeront de très onéreuses concurrences telles que la gestion des collèges et des lycées, du tourisme ou du développement économique, par exemple.
En effet, tel est bien le sujet central de ce débat, que vous tentez d’esquiver en proposant, assez basiquement je dois l’avouer, la suppression de ce nouvel élu.
Vous nous avez assez rarement habitués à autant de conservatisme, mes chers collègues socialistes. Vous souhaitez, par un statu quo rétrograde, le retour à une situation institutionnelle dont tout le monde s’accorde à dire aujourd’hui, et depuis plus de dix ans maintenant, qu’elle ne favorise plus aucune synergie, qu’elle est un frein réel à la démocratie locale et, surtout – et c’est plus grave en ces périodes de pénurie –, qu’elle conduit à un gaspillage important d’argent public.
Notre pays, qui a la plus faible densité moyenne d’habitants en Europe, se doit de défendre nos territoires et, avec eux, la démocratie de proximité, si chère à nos concitoyens. C’est notre conception bien française de la démocratie et de la République, et nous y tenons particulièrement.
Et pourtant, vous avez milité, avant nous et depuis longtemps à nos côtés, pour la décentralisation. Je commence vraiment à douter de la confiance que vous portez aujourd’hui aux institutions décentralisées, que vous voulez ce soir sanctuariser dans leur costume d’autrefois.
La décentralisation est pourtant une belle évolution, un bien commun de notre République. Elle fait partie d’un héritage que chacun peut assumer et revendiquer, comme nous l’a rappelé utilement Jean-Patrick Courtois. Elle n’est ni de droite ni de gauche. Elle mérite par conséquent mieux que des postures tacticiennes et politiciennes de campagne électorale.
Nous ne sommes pas ici en campagne électorale, nous sommes réunis ce soir pour améliorer le fonctionnement de nos institutions en l’adaptant au XXIe siècle.
Pour notre part, nous avons fait le choix, voilà maintenant un an, de renouveler notre confiance aux élus locaux et de créer un nouvel élu, le conseiller territorial, sur un territoire agrandi, avec des compétences enrichies et une accessibilité conservée.
Ce soir, nous risquons de retarder dangereusement une réforme qui s’imposera demain. Que de temps perdu pour l’amélioration de la démocratie locale, que vous prétendez pourtant défendre, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, sur l’article.
M. Philippe Dallier. À cette heure avancée de la nuit, je préfère laisser de côté le papier que j’avais préparé et vous livrer quelques vérités, mes chers collègues.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Si vous avez trouvé la vérité, tant mieux pour vous !
M. Philippe Dallier. Si certains avaient encore des doutes, ils savent désormais, après ce long débat, où se trouvent les conservateurs et les réformateurs sur ce sujet !
Le conseiller territorial peut vous déplaire, mes chers collègues, mais, à tout le moins, ce gouvernement a eu le courage de proposer une réforme. Celle-ci ne vous convient pas. Dont acte ! On attendait logiquement de votre part une contre-proposition. Au lieu de cela, c’est le vide, le néant ! La seule chose que vous proposez, c’est de revenir en arrière, de ne rien changer en quelque sorte !
Il me semble pourtant que nous pourrions au moins nous rejoindre sur un constat relativement inquiétant pour les élus locaux.
Nos concitoyens le disent de plus en plus fréquemment sur le terrain : ils ne comprennent rien à notre organisation territoriale !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez déjà dit tout cela !
M. Philippe Dallier. Et bien vous souffrirez une nouvelle fois d’entendre cette vérité, madame Borvo Cohen-Seat !
Nos concitoyens connaissent leur maire, leur conseiller général – tout au moins pour ceux qui habitent en milieu rural –, mais ne connaissent ni les conseillers régionaux ni les délégués communautaires, et ne savent pas qui s’occupe de quoi, qui est responsable de quoi.
La seule chose certaine pour eux, c’est l’augmentation continue des impôts locaux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) On peut débattre des raisons de cette hausse, mais c’est une réalité !
Nos concitoyens nous reprochent également de ne pas être efficaces sur les grandes politiques publiques. Et pour cause : tout le monde s’occupe de tout, comme cela a été dit à de nombreuses reprises ! Pourtant, sur ces travées, nombreux ont été ceux qui n’ont pas voulu bouger d’un pouce sur ce sujet, et nombreux sont ceux qui réclament cette garantie absolue qu’est la clause de compétence générale.
Face à la pénurie d’argent public, il va falloir rationaliser, et vous le savez ! Mais personne ne veut bouger !
Arrêtons-nous quelques instants sur la façon dont la décentralisation a progressé au cours des quarante dernières années. En 1971, à travers la loi Marcellin, on proposa la fusion des communes. Mais celle-ci était optionnelle. Et que croyez-vous qu’il se passât ? Strictement rien, personne n’ayant jamais rien voulu lâcher !
La première grande loi de décentralisation constitua une avancée importante, mais se traduisit aussi par la création de structures nouvelles ; la deuxième suivit le même chemin.
Revenons à l’intercommunalité : à la suite de la première loi, intervenue au début des années quatre-vingt-dix, très peu de communes se saisirent de l’intercommunalité. Pourquoi ? Parce qu’il fallait lâcher du pouvoir sans réelles contreparties !
Jean-Pierre Chevènement passa alors par là et, comme il nous l’a lui-même rappelé à plusieurs reprises, il eut alors l’idée de génie de proposer aux élus locaux de s’organiser en intercommunalités contre une subvention de l’État et la garantie que les communes pourraient continuer à exercer leurs compétences.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’était déjà le cas en 1992 !
M. Philippe Dallier. Cela a fonctionné !
La conséquence de ces quarante années d’histoire de la décentralisation, c’est un système au bout du rouleau. Nous le savons tous dans cette assemblée !
Croyez-moi, mes chers collègues, j’ai voté le texte sur le conseiller territorial de bon cœur ! Je regrettais simplement qu’il n’aille pas assez loin.
J’espère que nous pourrons progresser vers la rationalisation et la suppression d’un niveau. Lequel ? Nous pouvons en débattre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous savons tous que vous voulez supprimer le département !
M. Philippe Dallier. Certains peuvent en effet se demander si c’est plutôt la région ou le département qui pâtirait de cette réforme.
Mais l’on peut aussi imaginer des situations différentes selon les territoires, parce que les élus locaux se seront saisis de cette opportunité pour proposer la réorganisation qui leur semble la plus adaptée.
À cet égard, je veux vous dire, monsieur Richert, combien je suis admiratif de ce qui se passe en Alsace, où droite et gauche sont capables de se mettre autour d’une table pour discuter et tenter d’élaborer un nouveau système. Ailleurs, nous en étions incapables.
En Île-de-France, nous avons été incapables, à l’occasion du débat sur le Grand Paris, d’avancer ne serait-ce que d’un centimètre sur la gouvernance, parce que personne ne veut rien lâcher. Quand on a de l’argent, on ne veut pas le lâcher ! Quand on a du pouvoir, on ne veut pas le lâcher ! Voilà la vérité !
Le système est à bout de souffle ! Alors, de grâce, laissons vivre ce conseiller territorial. Il sera bien temps d’y revenir une fois que nous aurons mesuré les effets de la réforme. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l’article.
M. Jean-Claude Lenoir. J’ai écouté avec beaucoup d’attention M. le rapporteur exposer les motifs pour lesquels il faudrait, selon lui, adopter cette proposition de loi.
Nous connaissons le talent de M. Gorce, mais le meilleur avocat dans le prétoire n’emporte pas forcément la conviction du tribunal ou des jurés…
Je reprendrai les trois arguments que vous avez développés, monsieur le rapporteur.
Premièrement, la création du conseiller territorial répondrait principalement à un souci d’économies. Vous siégiez alors à l’Assemblée nationale, monsieur Gorce : je vous suggère donc de relire le compte rendu des débats, et vous verrez que rien ne vous autorise à dire qu’il s’agit là du fondement de la loi du 16 décembre 2010.
Deuxièmement, avec le conseiller territorial, les électeurs ne pourraient plus choisir leur exécutif… Je me permets simplement de vous rappeler que d’autres assemblées sont déjà dans cette situation, monsieur le rapporteur.
Dans les communes de moins de 3 500 habitants, ce sont les conseillers assis autour de la table qui désignent un exécutif.
Les conseils généraux, de surcroît depuis qu’ils sont renouvelés par moitié, sont également dans cette situation, que le retour en arrière que vous proposez ne ferait que conforter.
Et comment les majorités se font-elles à Paris, à Lyon et à Marseille ? Les électeurs ne votent pas pour une liste emmenée par celui qui deviendra le maire de la ville ; ce sont bien les conseillers municipaux de ces grandes villes qui choisissent leur exécutif.
Troisièmement – et il me semble là que vous dépassez toutes les limites –, vous avez invoqué la proximité pour revenir en arrière, plaidant que les conseillers régionaux actuels seraient plus proches du terrain et des citoyens.
J’étais moi-même conseiller général et conseiller régional dans une vie antérieure : j’étais reconnu dans mon canton, assez connu dans ma région. Il n’empêche que le conseiller régional reste bien le grand inconnu des élus que nous sommes ; personne ne peut le contester.
Demandez à vos concitoyens, aux maires – je ferai éventuellement cet exercice devant vous –, demandez à chacun d’entre nous de citer les conseillers régionaux de son département. Je suis absolument persuadé que la plupart d’entre vous seraient incapables de les citer tous.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est très désagréable pour M. Richert !
M. Jean-Claude Lenoir. Je plaide pour le lien, pour la proximité. La légitimité de l’élu vient non pas seulement de l’élection, mais du lien direct avec son territoire, un lien avec ceux qui l’ont mandaté, et c’est l’intérêt du dispositif qui a été proposé.
En plus, le système présenté assure une vraie cohérence entre le département et la région.
Je disais à l’instant que j’avais été conseiller général et conseiller régional. Combien peuvent témoigner que les deux ne fonctionnent pas ensemble ? Moi-même j’appartenais à deux assemblées qui étaient politiquement semblables. Pour autant, nous ne disposions pas des passerelles permettant de coordonner les actions, de planifier ces dernières et de les rendre cohérentes.
Aujourd’hui, vous voulez faire marche arrière. En réalité, mes chers collègues, j’attire votre attention sur certaines intentions, émanant notamment du parti socialiste. La poussière qui recouvrait ces propositions – elles remontent en effet à quelques années ! – a été chassée hier dans le cadre de l’accord – même si quelques exégètes réfutent le mot « accord »… –conclu, semble-t-il, …
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Avec les Verts !
Un sénateur de l’UMP. L’accord sur le désaccord !
M. Jean-Claude Lenoir. … entre les Verts et les socialistes.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est un autre sujet !
M. Jean-Claude Lenoir. On reparle de la généralisation de la proportionnelle. En effet, voilà quelques années – moins de dix ans –, cette proposition figurait au programme du parti socialiste. En 2002, Lionel Jospin s’était engagé à ce que, s’il était élu Président de la République, les conseillers généraux soient élus à la proportionnelle. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) C’est un système qui nous éloigne du citoyen et du territoire.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La moitié du Sénat est élue à la proportionnelle !
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le rapporteur, je vous ai déjà fait un compliment, et j’en ajouterai un autre.
L’homme cultivé que vous êtes a cité la fable de La Fontaine La chauve-souris et les deux belettes, comme vous l’aviez d’ailleurs déjà fait à l’Assemblée nationale, le 6 juillet dernier. Mais je n’insinue nullement que votre culture s’arrête à ces quelques vers de La Fontaine…
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Si, je dois l’avouer !
M. Jean-Claude Lenoir. Permettez-moi simplement pour terminer, puisque vous avez semble-t-il un faible pour les rongeurs, de citer une autre fable de La Fontaine : Le lion et le rat.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. J’espère que ce n’est pas la seule que vous connaissez !
M. Jean-Claude Lenoir. Ce que La Fontaine écrivait motive notre ténacité, notre détermination : « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. » (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela plaira à Mme Des Esgaulx !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La rage, cela vous va très bien !
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’adresse à celles et ceux qui sont encore présents sur les travées de la majorité sénatoriale puisque, manifestement, cette question du conseiller territorial n’intéresse plus grand monde à cette heure dans cette partie de l’hémicycle.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous sommes très attentifs !
M. André Reichardt. Sur les travées de l’UMP du moins, nous ne répéterons jamais assez l’affirmation selon laquelle l’abrogation du conseiller territorial serait une erreur gravissime pour notre pays.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là !
M. André Reichardt. Comme l’ont rappelé mes prédécesseurs, le conseiller territorial constitue effectivement la bonne réponse au renforcement de la complémentarité de l’action des départements et des régions.
L’enjeu, c’est de faire fonctionner ces deux types de collectivités territoriales sur le mode de la complémentarité et non sur celui de la concurrence.
L’objectif est simple pourtant : il s’agit de favoriser les synergies, de supprimer les doublons, de simplifier et d’accélérer les démarches pour les élus locaux, les entreprises et les citoyens.
Ce conseiller territorial, tel que nous avons fait le choix de l’instituer, doit siéger à la fois au conseil général et au conseil régional. Il pourra simplement développer une double vision à la fois proche des territoires et stratégique, en raison des missions exercées par les régions. C’est tellement vrai, mes chers collègues, que, en Alsace, il a d’ores et déjà permis le regroupement des départements et de la région, et cela constitue un challenge et une chance formidable pour notre région, que je vous invite à copier.
Il est vrai que le conseiller territorial est conçu pour favoriser au mieux une excellente articulation entre l’action des départements et celle des régions, respectant leurs compétences, leurs spécificités et leurs atouts : la proximité pour l’aspect départemental et la vision stratégique d’avenir pour la région.
Ce conseiller territorial doit être l’interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, et notamment des maires. Le même élu s’occupera des collèges et des lycées – et pourquoi devrait-il en être autrement ? Le même élu s’occupera de formation et d’insertion – et pourquoi devrait-il en être autrement ? Il donnera de la cohérence dans les choix de financement et permettra d’accélérer le montage des projets.
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, n’ayez pas peur ! N’ayez pas peur du conseiller territorial !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À force d’écouter le Président de la République, on a peur !
M. André Reichardt. C’est en lui faisant confiance que nous obtiendrons l’organisation la plus efficace, celle qui répond aux enjeux et aux défis propres à chaque territoire.
Le Gouvernement est le seul à avoir eu le courage de prendre cette question à bras-le-corps en engageant une réforme historique avec un objectif clair : simplifier l’organisation territoriale pour renforcer la démocratie locale et rendre nos territoires plus attractifs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est raté !
M. André Reichardt. Je vous l’ai dit : pour l’Alsace, c’est en marche. Cessez de dire que cette réforme tourne le dos à la décentralisation. ! Ce n’est pas vrai, c’est tout le contraire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sous la houlette des préfets !
M. André Reichardt. Elle la renforce, elle la conforte en donnant aux élus des outils mieux adaptés aux initiatives locales.
Permettez-moi de revenir sur l’Alsace. Que seraient les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin face au monstre que constitue le Land du Bade-Wurtemberg juste en face, la Haute-Bavière derrière et le Piémont ? Seul le conseiller territorial permet d’arriver à ce que nous voulons.
Cette réforme, mes chers collègues, renforce les libertés locales, celles dont Tocqueville disait qu’elles sont « la force des peuples libres ».
C’est pourquoi, avec nombre de collègues, je soutiendrai l’amendement que notre collègue François-Noël Buffet présentera afin de supprimer l’article unique scélérat qui nous est présenté aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. « Scélérat » ?
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, sur l’article.
M. Christophe-André Frassa. N’ayons pas peur de le dire, mes chers collègues, la création du conseiller territorial est l’une des grandes innovations de la loi de réforme des collectivités territoriales de décembre 2010. Cette création constitue l’originalité de cette grande réforme, que la majorité, derrière le Président de la République, a voulue et soutenue. En confirmant l’échelon départemental, cette réforme permet de valoriser le rôle des élus de proximité que sont les conseillers généraux.
Lors de la deuxième grande loi de décentralisation de 2004, certains élus de notre groupe avaient fait part de leur souhait de parvenir à un réel rapprochement dans le fonctionnement des conseils généraux et des conseils régionaux. Nous avons dû attendre.
Nous assistons en permanence à des superpositions qui n’ont aucun sens, qui complexifient le rôle réel de chacun et qui rendent inaudibles les élus. Que l’on ne me dise pas que le citoyen sait réellement faire la distinction entre le conseiller général et le conseiller régional !
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Et vous-même ?
M. Christophe-André Frassa. L’avènement du conseiller territorial va rendre naturelle la complémentarité incontournable entre département et région.
La création du conseiller territorial avait fait l’objet de critiques, qui posaient notamment la question de sa constitutionnalité ou encore celle de la difficulté potentielle à mener de front deux mandats fondus en un. Or, le Conseil constitutionnel, dans ses décisions successives, a rejeté tous les griefs qui prétendaient remettre en cause l’existence même du conseiller territorial.
Pour ce qui est de la surcharge de travail, je ne pense pas que ceux qui mettent en avant ce point en soient totalement convaincus. Je constate simplement que, bien souvent, ils sont eux-mêmes à la fois parlementaire, membre de l’exécutif d’une collectivité importante et président d’une communauté de communes ou titulaire d’une fonction plus prenante mais non comptabilisée.
En réalité, cette réforme est conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales, puisqu’elle ne porte atteinte ni à l’existence de la région, ni à celle du département, ni à la distinction entre ces deux collectivités.
Cette réforme est également conforme au principe de liberté de vote. Ce principe ne saurait avoir pour effet d’interdire au législateur de confier à un élu le soin d’exercer son mandat dans deux assemblées territoriales distinctes.
Ni la création des conseillers territoriaux ni les modalités d’élection ne posent donc de problème d’un point de vue juridique et constitutionnel, et M. Hyest nous l’a admirablement rappelé tout à l’heure.
Les fondements de cette réforme sont issus de notre expérience de terrain, de l’histoire de notre pays, de l’histoire de notre République, des étapes franchies successivement.
Le conseiller territorial est en effet – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – le trait d’union entre l’échelon local, qui gère au quotidien la vie de nos compatriotes dans le cadre du département, et l’assemblée régionale. Il sera l’interlocuteur puissant et donc respecté des décideurs nationaux.
Nous avons décidé de faire confiance à un élu local, le conseiller territorial, pour engager le chantier de la clarification et de la simplification que, collectivement, nous n’avons pas su faire aboutir en près de trente ans.
Le conseiller territorial, tel que nous l’avons souhaité, sera porteur d’une double vision à la fois territoriale et régionale. Sa connaissance du mode de fonctionnement des départements et de la région, de leurs compétences respectives et des modalités de leurs interventions techniques et financières lui permettra de favoriser la complémentarité des interventions respectives des deux collectivités. Il évitera les actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. « Redondant », c’est le mot de la soirée !
M. Christophe-André Frassa. Créer le conseiller territorial, c’était faire le pari de l’intelligence des territoires. Nous avons souhaité simplifier nos institutions locales sans créer de structure nouvelle, renforcer la compétitivité des territoires en donnant une nouvelle impulsion aux initiatives locales et faire progresser la solidarité territoriale. Je n’ose croire que l’ensemble de mes collègues dans cet hémicycle ne partagent pas cette triple volonté pour nos territoires et les élus que nous représentons.
Pour toutes ces raisons, il est de notre devoir, aujourd’hui, de nous rassembler contre cette proposition de loi, afin que nos ambitions inscrites dans la loi deviennent demain réalité. C’est la raison pour laquelle, en conscience, je voterai l’amendement de suppression de l’article unique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela fait un certain temps que nous n’avions pas entendu M. Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest. Je comprends parfaitement les doutes de bonne foi exprimés par certaines personnes lorsque l’on a parlé de changements : nous sommes en effet très attachés à nos institutions, et parfois au confort de ces dernières.
Dans certains départements, des conseillers généraux sont élus par moins de 1 000 habitants. Je veux bien que la tâche soit très prenante, mais ce n’est quand même pas le sujet.
En fait, au début de la mise en œuvre de la décentralisation, les lois de 1982 et suivantes avaient opéré une répartition stricte des compétences entre les collectivités. Certaines avaient été données au département, d’autres à la région.
D’autres lois ont transféré de nouvelles compétences, le plus souvent d’ailleurs au département. C’est ainsi que certaines collectivités rencontrent aujourd’hui des difficultés s’agissant du financement des compétences sociales.
Quelques grands penseurs parisiens, qui ne sont parfois jamais allés au-delà du périphérique (Sourires sur les travées de l’UMP.),…
M. Philippe Dominati. Nous allons de temps en temps jusqu’au bois de Boulogne !
M. Jean-Jacques Hyest. … – ensuite, c’est pratiquement la campagne, et il faut se méfier des routes rendues glissantes par les betteraves… – ont dit qu’il fallait supprimer des collectivités, compte tenu de leur trop grand nombre.
Mais en fait, toutes les collectivités ont leur utilité ! Nous avons réaffirmé à plusieurs reprises, contrairement à ceux qui veulent supprimer les communes – il paraît que les petites communes ne servent à rien,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais non, c’est faux !
M. Jean-Jacques Hyest. … et j’ai lu une telle affirmation à de nombreuses reprises chez certains penseurs, de droite comme de gauche d’ailleurs –,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument, nous ne sommes pas d’accord !
M. Jean-Jacques Hyest. … que la solution était l’intercommunalité. Pourquoi ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oui, nous sommes d’accord !
M. Jean-Jacques Hyest. Dans un souci à la fois de mutualisation d’un certain nombre de services et d’égalité entre les citoyens : il y a en effet des choses que les très petites communes ne peuvent pas offrir aux habitants.
Il a donc été décidé de supprimer le département. Pourquoi ? Parce que c’est plus facile ! Les régions constituent des collectivités éloignées, et il a été parfaitement démontré par certains que les conseillers régionaux, quelles que soient leurs qualités personnelles, sont hors sol. On ne les connaît pas !
J’ai ainsi procédé à des sondages, demandant à des élus de me donner le nom de cinq conseillers régionaux de leur département.
M. Jean-Claude Lenoir. Mission impossible !
M. Jean-Jacques Hyest. Ils en étaient incapables ! Cela prouve bien que le conseiller général demeure le niveau adéquat ! Il faut donc conserver le département, car il est profondément inscrit, comme la commune, dans notre histoire politique depuis la Révolution française et qu’il assume des tâches considérables de proximité.
J’ai été conseiller général et conseiller régional en même temps. C’était l’époque bénie où la région était non pas encore une collectivité locale, mais un établissement public régional.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’était pas une époque bénie ! C’était le préfet qui faisait le budget !
M. Jean-Jacques Hyest. C’est faux, monsieur le président de la commission des lois ! Le président du conseil général ou du conseil régional dirige l’exécutif local depuis 1982. Et la situation que je décris a duré quatre ans.
C’est à cette époque que, par exemple en Île-de-France, ont été mises en œuvre toutes les grandes politiques de coopération entre les communes, les départements et la région. Depuis, il n’y a plus rien eu ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann le conteste.) La région est en effet devenue une sorte de monstre qui s’occupe de tout, avec des agences sur l’eau, sur l’air, sur le feu – que sais-je encore ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais arrêtez ! Vous êtes ridicule !
M. Jean-Jacques Hyest. Nombre d’acteurs s’occupent de sujets très différents et se permettent en plus de venir nous faire la leçon, voire de nous donner des ordres !
Pour ma part, je préfère que ce soient des élus de terrain qui assurent au quotidien l’exercice des tâches du département.
À cet égard, il me paraîtrait normal que le conseil général gère à la fois les collèges et les lycées. Je ne vois pas ce qui justifie une différence de traitement entre les bâtiments des collèges et ceux des lycées. Pourquoi faire appel pour les lycées à la région, qui ne dispose même pas d’un service de construction et qui se voit contrainte de solliciter des cabinets privés, alors que les départements ont les services compétents ?
Quoi qu’il en soit, la création du conseiller territorial se justifie. À mon sens, le conseiller territorial sera avant tout un conseiller général. Or les conseillers généraux savent gérer au quotidien, ce qui permettra de réaliser des économies.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Temps écoulé !
M. Francis Delattre. Ce n’est pas vous la présidente !
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis convaincu que le conseiller territorial est la réponse adaptée au flou qui caractérise la répartition des compétences entre certaines collectivités locales. Ces nouveaux élus sauront agir avec efficacité, à faible coût et au service de l’intérêt général, et non des intérêts particuliers de quelques-uns ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli, sur l'article.
Mme Colette Giudicelli. Mon intervention sera extrêmement brève. D’une part, à cette heure avancée de la nuit, nous ne sommes peut-être plus en état de bien saisir ce que chacun d’entre nous dit.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est très lucide, ma chère collègue !
Mme Colette Giudicelli. D’autre part, je risquerais de répéter ce que d’autres orateurs ont déjà souligné.
Simplement, mon collègue et ami Jean-Claude Lenoir évoquait tout à l’heure une fable de La Fontaine que M. Gaëtan Gorce se plaisait à citer lorsqu’il siégeait à l’Assemblée nationale. Avec votre permission, j’aimerais citer les quatre derniers vers d’une autre fable de La Fontaine, Le Conseil tenu par les rats.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est beaucoup question de rats ce soir ! (Sourires.)
Mme Colette Giudicelli. Cette fable se termine ainsi :
« Ne faut-il que délibérer,
« La Cour en conseillers foisonne ;
« Est-il besoin d’exécuter,
« L’on ne rencontre plus personne. »
Voyez-vous, c’est justement ce que nous pensons de ce côté de l’hémicycle ! Nous soutenons le Gouvernement et la majorité présidentielle, parce que nous préférons la voie de l’action et de la réforme à celle de la démagogie !
Par conséquent, à l’instar de mes amis, je ne voterai pas cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, sur l'article.
M. François Grosdidier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nécessité de dépenser mieux s’impose aujourd'hui plus que jamais à toutes les collectivités publiques, dans l’intérêt des contribuables et usagers.
Le Président de la République et le Gouvernement ont imposé un tel effort à l’État, via la révision générale des politiques publiques. Certes, ce n’est pas une partie de plaisir ! Mais sans ces mesures, et sans la réforme des retraites, la France serait dans la situation de la Grèce. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Si l’État se réforme, ce n’est ni par mesquinerie ni par idéologie. C’est par nécessité. Les doutes qui pouvaient exister sont balayés par la réalité de la crise mondiale. Seules les autruches ne le voient pas !
Pendant que l’État réalisait péniblement et douloureusement des économies de fonctionnement, nombre de collectivités locales, notamment de gauche, s’empressaient de créer davantage de dépenses.
Dans ces conditions, il était impossible d’équilibrer les comptes de la nation. En cinq ans, de 2004 à 2009, rien que les régions ont augmenté les impôts de 36 % en moyenne, l’augmentation étant de 11 % à 120 % selon les régions.
M. Jean-Jacques Mirassou. Les régions ne perçoivent plus d’impôts !
M. François Grosdidier. Bien entendu, l’État ne peut pas empêcher une collectivité locale de dépenser à outrance. Mais il peut poser un cadre plus rationnel pour les actions et les dépenses des différents niveaux de collectivités. Il peut dessiner une architecture évitant que l’on ne s’occupe de tout à tous les étages.
Qu’est-ce qui marche bien dans le couple « commune/intercommunalité » ? Les mêmes élus agissent de façon complémentaire sur des terrains différents. Et qu’est-ce qui ne va pas dans le couple « département/région » ? Des élus différents se marchent sur les pieds !
Trop souvent, départements et régions agissent dans les mêmes domaines de compétences en prenant des initiatives au mieux redondantes, au pire contradictoires. Et même quand chacun reste dans son champ de compétence, il y a un manque de coordination.
Ainsi, il n’y a aucun lien entre l’insertion sociale, qui relève du conseil général, et l’insertion professionnelle, qui dépend du conseil régional. On peut multiplier les exemples à l’infini.
Ces incohérences ne résultent même pas toujours d’oppositions politiques. Elles sont parfois le fait de rivalités structurelles, voire d’une obsession existentielle de chaque niveau de collectivité dans la tête des élus, et souvent davantage encore dans celle des cadres territoriaux.
Par ailleurs, comment reprocher à un conseiller général de vouloir mener des actions pour le développement économique dans son canton alors que c’est davantage la vocation de la région ? Et comment faire grief à un conseiller régional de vouloir aussi mener des actions sociales alors que c’est d’abord la mission du département ? Le conseiller territorial n’aura plus ce problème.
L’idée initiale, déjà imaginée par Pierre Mauroy ou François Bayrou, était de supprimer soit le département, soit la région. Mais une gestion de l’action sociale et des collèges depuis la région apparaîtrait comme lointaine, tandis qu’une gestion du TER, de la recherche et des infrastructures structurantes depuis les départements semble impossible dans la plupart d’entre eux.
L’idée géniale de cette réforme a été d’adopter pour le couple « département/région » ce qui fonctionne bien dans le couple « commune/intercommunalité », à savoir les mêmes élus pour siéger aux deux niveaux et des compétences distinctes à chacun de ces niveaux. Il y aura non plus concurrence, mais complémentarité.
Pour les administrés comme pour les élus communaux, ce sera plus simple. Il y aura un seul interlocuteur et un seul dossier. Économisant sur leur fonctionnement propre, départements et régions pourront éviter de recourir à la fiscalité supplémentaire et consacrer davantage de moyens aux investissements ou aux services publics, au bénéfice direct des usagers.
Mes chers collègues, passant de l’Assemblée nationale au Sénat, je me réjouissais de siéger dans une assemblée où les clivages partisans paraissaient s’effacer devant l’intérêt général et où le pragmatisme semblait l’emporter sur l’idéologie. Quelle déception !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Retournez donc à l’Assemblée nationale !
M. François Grosdidier. Faux prétexte que celui de la défense de la parité dans cette proposition de loi !
La réforme territoriale renforce les dispositifs d’incitation financière pour le respect de la parité. Elle institue un suppléant qui sera obligatoirement de sexe opposé et qui siègera désormais en cas de démission du titulaire, même pour cause de cumul ou de convenance personnelle. C’est un système très efficace pour renforcer la représentation féminine. D’ailleurs, il a fonctionné dès cette année après les élections cantonales.
En abaissant le seuil du scrutin de liste aux élections municipales, la réforme permettra l’élection de dizaines de milliers de femmes supplémentaires dès 2014.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais arrêtez !
M. François Grosdidier. Alors non, le motif de cette proposition de loi n’est pas la défense de la parité ! Ce texte est d’abord l’expression du sectarisme et d’une volonté de s’empresser de défaire ce que la majorité présidentielle a fait. C’est aussi l’expression d’une idéologie, celle d’une extension infinie du secteur public, bien au-delà des moyens de la nation. C’est enfin l’expression de la défense des intérêts les plus partisans et les plus électoralistes, au détriment de la représentation des territoires, par le maintien de la proportionnelle aux élections régionales et peut-être même par son extension au niveau départemental, si j’en crois la fondation Terra Nova.
M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !
M. François Grosdidier. Les Verts accepteront la poursuite du programme nucléaire et les communistes accepteront des socialistes les adaptations à l’économie de marché. Mais il est sujet sur lequel Verts et communistes ne lâcheront pas et sur lequel les socialistes leur céderont : tous veulent des collectivités pléthoriques et le scrutin proportionnel !
Au moment où la France se trouve face à elle-même et à ses faiblesses structurelles en pleine tempête mondiale, une telle proposition de loi est vraiment décalée et irresponsable. Il faut la rejeter ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l'article.
M. Philippe Bas. À vrai dire, je suis un peu déconcerté par notre manière de travailler.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous aussi !
M. Philippe Bas. Jusqu’à ces dernières semaines, le Sénat légiférait. À présent, il « délégifère » !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oh !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un néologisme !
M. Philippe Bas. Voilà une nouvelle approche de notre mission, et j’avoue qu’elle me surprend un peu.
Nous voyons bien, puisque cela nous a été expliqué par les auteurs de ce texte, que cette proposition de loi est en réalité d’un texte d’attente. Mais attente de quoi ?
M. Jean-Jacques Mirassou. De lendemains qui chantent ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Philippe Bas. Attente des résultats des états généraux de la démocratie locale ! Or il s’agit d’une initiative personnelle du président de la Haute Assemblée. Nous n’en avons été informés qu’a posteriori. La démarche a été engagée hors de tout débat au sein du Sénat ; elle ne saurait donc engager l’institution.
Et l’on se demande bien sur quel budget pourrait reposer la mise en œuvre pratique et matérielle de cette initiative. Ce ne sera certainement pas le budget de la Haute Assemblée, et encore moins celui de collectivités territoriales, dont ce n’est pas l’objet légal. On voit donc mal ce qu’il en est.
Par conséquent, nous avons un texte d’attente, mais un texte d’attente de rien du tout ! Voilà qui me déconcerte encore plus ! Curieuse catégorie de loi que les lois d’attente, surtout quand on ne voit pas ce que l’on attend.
D’ailleurs, pourquoi aurait-on besoin d’un texte de loi pour attendre ? Si l’on veut adopter un système autre que celui du conseiller territorial mais qui soit différent du mécanisme antérieur, il n’y a strictement aucune urgence, puisque l’élection des conseillers territoriaux n’est prévue qu’en 2014 !
On nous annonce qu’il y aura des états généraux et que le Parlement reprendra docilement leurs conclusions pour instituer un nouveau dispositif. Nous n’avons donc pas besoin d’un texte d’attente pour nous engager dans un tel processus, qui est lui-même assez singulier et, pour tout dire, totalement improvisé.
L’idée que le retour à la législation antérieure pourrait survivre à une telle attente m’inquiète beaucoup. Dans nos départements, l’écart de représentativité des conseillers généraux les uns par rapport aux autres est parfois considérable, et il l’est d’ailleurs encore plus d’un département à l’autre. Je siège au conseil général de la Manche en représentant 2 900 habitants quand l’un de mes collègues en représente 23 000 !
Mesdames et messieurs qui soutenez cette proposition de loi, si vous pensez que nous avons un bon système et que le législateur a eu tort de vouloir y mettre fin, assumez vos responsabilités ! Dites clairement que vous voulez maintenir en l’état un mécanisme aussi inégalitaire entre les représentants de chaque département et à l’intérieur de chaque département.
J’ajoute que le système de désignation des conseillers régionaux entraîne – cela saute aux yeux – la désignation d’élus totalement en apesanteur, sans enracinement, ni interlocuteur parmi les forces vives de la société ni connaissance réelle du terrain.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Comme à l’Élysée !
M. Philippe Bas. Le seul combat politique qu’ils ont eu à mener est celui qui les a amenés en position éligible sur les listes aux régionales !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes quand même au courant qu’ils sont élus dans les départements ?
M. Philippe Bas. Ces élus ont parfois des compétences militantes, qui sont d’ailleurs précieuses dans l’exercice de certaines activités, mais qui ne sont pas la meilleure garantie pour une gestion optimale des collectivités territoriales. Là encore, je pense que le retour au système antérieur n’est pas la bonne solution.
Si nous voulons évoluer vers un système autre que celui du conseiller territorial, il serait temps, me semble-t-il, de préciser lequel !
Mme Éliane Assassi. Temps écoulé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est l’heure, monseigneur !
M. Philippe Bas. Et vous devrez aussi expliquer que le système supprimé par la réforme de l’an dernier ne sera pas remis en place à la suite de l’éventuelle adoption de cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, sur l'article.
M. Alain Bertrand. À vous écouter, il semblerait que les régions ne comptent que quelques analphabètes qui s’échinent à faire le malheur de nos concitoyens !
Il est grossier de parler ainsi des régions, car nul n’ignore leur action en matière de formation professionnelle, de transports, des lycées, de développement économique, d’emplois ou d’apprentissage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bref, tout ce que l’État ne fait pas !
M. Alain Bertrand. Vouloir faire passer les régions pour des cancres,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas ce qu’on a dit !
Mme Annie David. Si !
M. Alain Bertrand. … c’est aborder la République par le petit bout de la lorgnette, sans se préoccuper trop des citoyens.
De plus, présenter le conseiller régional comme un élu qui n’y comprend goutte n’est pas correct. Dans ma région, peu de manifestations culturelles, sportives ou événementielles s’organisent sans que soit consulté le conseiller général, mais aussi le conseiller régional. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Mes chers collègues, je suis vice-président d’une région qui compte un département de 70 000 habitants, mais aussi un département de 1,5 million d’habitants. Je connais les élus locaux, nous faisons tous le même travail.
Devrions-nous ces critiques sur les conseillers qui sont incultes, qui ne sont pas proches des citoyens, qui veulent du mal à l’ensemble de la France, au fait que les régions sont majoritairement de gauche ? Certainement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si c’est vous qui le dites…
M. Alain Bertrand. Par ailleurs, un de nos collègues a gentiment affirmé que les régions avaient augmenté les impôts en moyenne de 36 %.
M. André Reichardt. Pas en Alsace !
M. Alain Bertrand. Je le crois, mais le même collègue aurait pu également préciser que l’État transfère massivement les charges et les personnels, tape en touche, etc. Cessez donc la curée sur les régions !
Un autre sujet me tient particulièrement à cœur, à savoir les départements de 70 000 habitants. Il s’agit non pas de la ruralité, mais de l’hyper ruralité. Évidemment, ces départements ne comptent pas d’université ! Tout à l’heure quelqu’un disait que, pour se rendre dans sa capitale régionale, il lui fallait une heure, ce qui est commode. Moi, en train, un aller-retour pour Montpellier me prend huit heures !
M. André Reichardt. En train ou à cheval ? (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Bertrand. Le vrai élu de proximité est donc le conseiller général – vous avez raison à cet égard –, qui est le capitaine de l’équipe des maires ruraux et des petites communes, ceux dont le budget – je le rappelle à certains qui doivent diriger des communes plus importantes – peut s’élever à 80 000 euros pour une année, somme avec laquelle il faut payer beaucoup de choses.
En Lozère, nous avions vingt-cinq conseillers généraux. La nouvelle forme du conseiller territorial ne nous en laissera plus que quinze ! J’ai entendu ce qu’a dit l’orateur qui s’est exprimé avant moi. Comme d’autres, je souhaite une réforme constitutionnelle pour que l’on tienne compte du nombre de citoyens que les élus locaux représentent, mais aussi dans certains cas du territoire qu’ils représentent. Il n’y a pas de territoires sans hommes et il n’y a pas d’hommes heureux sans amour d’un territoire, et sans envie ni projets ! Je me fais donc énormément de souci quant à l’hyper ruralité.
Par ailleurs, vous évoquez les états généraux de la démocratie territoriale annoncés par le président du Sénat et vous nous dites que nous n’avons rien à proposer. Permettez-moi de vous indiquer que nous avons autant de propositions que vous ! Chaque fois que vous parlez du conseiller territorial, vous ne savez rien sur les compétences, sur le mode d’élection dans les petits départements, sur le rôle des élus au sein des régions et des départements. D’ailleurs, si l’élu est affecté à la région, il ne sera plus aussi disponible sur le terrain et il perdra son caractère d’élu de proximité !
Mme Annie David. Exactement !
M. Alain Bertrand. Votre pseudo-réforme, qui est un coup politique du Président de la République (Protestations sur les travées de l’UMP.), est inaboutie et très loin d’être achevée.
Au stade de réflexion où nous en sommes, nous sommes mieux à même et mieux engagés que vous pour mener une réforme des collectivités territoriales rapide, avec pour objectif davantage d’emplois pour les citoyens, davantage de croissance et la réalisation d’économies pour le pays ! Quand vous parlez des départements et des régions, ne les opposez pas !
M. le président. Mon cher collègue, je vous demande de conclure !
M. Alain Bertrand. Vous oubliez le blocage des dotations des collectivités et la réforme de la taxe professionnelle. Pour ma communauté de commune, c’est 2 millions d’euros de base de moins que ce qui m’a été notifié. Vous prenez vraiment de très larges libertés avec la réalité !
La vérité n’est pas plus dans votre camp que dans le nôtre. Pourquoi ne consulterions-nous pas tous les élus locaux, tous les élus de la République pour une véritable réforme des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, sur l'article.
M. Francis Delattre. Je suis conseiller territorial. De 1979 à 1982, j’ai siégé comme conseiller général et conseiller régional d’Île-de-France. Je me fais donc une bonne idée des avantages et des inconvénients de cette position.
Comme l’a souligné mon collègue Jean-Jacques Hyest, à l’époque, lorsque le grand projet de redéveloppement des transports en commun avait été lancé, le président de région, les présidents de département et tous les élus concernés s’étaient coordonnés, aboutissant ainsi à un bon résultat.
Mais j’ai le sentiment que, depuis un certain nombre d’années, nous avons beaucoup péché par manque de coordination. Il ne fait donc aucun doute que le conseiller territorial peut constituer un « plus » à ce niveau.
Il en est de même en ce qui concerne la légitimité. Même en région parisienne où un certain nombre de départements sont assez récents et manquent parfois d’identité, le conseiller général a apporté une légitimité en termes de connaissance du terrain, reconnue par la population. Mais il a aussi fait la preuve de son incapacité à travailler, à compétences parfois presque égales, avec la technostructure. Pour traiter avec les grands ingénieurs de la RATP, de la SNCF, etc., les élus doivent être capables de parler des transports et des lycées aussi bien dans leur canton qu’au conseil régional de Paris, faute de quoi ils se trouvent vite débordés.
À l’époque, s’agissant des transports en commun, qui sont le noyau dur des compétences de la région parisienne, sujet qui intéresse autant les conseillers généraux que les conseillers régionaux, il n’a pas toujours été évident d’infléchir les décisions et d’apporter les bonnes réponses. On le voit bien aujourd’hui avec l’implosion du système des transports en commun en Île-de-France, dont le développement, à bien des égards, a manqué de coordination, notamment entre tous les départements de la grande couronne et le noyau dur de la région parisienne.
Plutôt que de nous livrer à ce type de combats d’arrière-garde – nous savons très bien que le texte n’a aucune chance d’être adopté par l’Assemblée nationale –, nous pourrions nous mettre d’accord sur bien des sujets ! Le vrai problème aujourd’hui pour les régions est le financement durable. Certes, l’État a confié beaucoup de responsabilités aux régions sans opérer le transfert de ressources nécessaire. C’est flagrant en région parisienne. Les régions ont aujourd’hui beaucoup investi et sont très endettées. La grande difficulté pour elles est d’obtenir que l’État accepte de partager certaines recettes.
À l’époque, mes chers collègues, nous nous étions beaucoup battus pour pouvoir au moins partager la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, impôt qui permettrait à de nombreuses régions d’avoir des ressources pérennes et donc un endettement. Mais je vous garantis que, après les dettes de l’État, ce seront, dans deux ou trois ans, les dettes des régions qui poseront de graves problèmes !
Dans une région comme la mienne, la complémentarité, la légitimité et la remise à niveau ont leur importance. On parle beaucoup d’inégalité. Dans mon département, le canton de Vigny compte 10 000 habitants contre 50 000 habitants pour Argenteuil et Cergy. Le fait d’avoir trouvé un point moyen autour de 38 000 habitants rétablissait un système plus équitable sur l’ensemble de la région. Le conseiller territorial était donc légitime dans son action au sein du département comme de la région.
Pour toutes ces raisons, nous devrions nous concentrer sur la meilleure façon de répartir les compétences et discuter sérieusement avec l’État pour trouver un meilleur partage des ressources et des recettes.
Compte tenu des enjeux que nous avons à relever, il est vain de discuter à l’infini de questions finalement assez ridicules et à la marge. Je souhaite qu’à l’avenir nous puissions travailler sur les vrais sujets que sont des finances pérennes pour les collectivités territoriales et des compétences bien réparties entre ces dernières. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier, sur l'article.
M. Pierre Bordier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage le souci du Gouvernement de ne pas faiblir dans sa volonté de réforme.
Le Premier ministre a récemment rappelé avec force sa fermeté pour atteindre les objectifs de la réforme territoriale, mais également sa volonté de dialogue dans la mise en œuvre du processus.
Nous avons déjà débattu, pour partie, de la question de la mise en œuvre de cette réforme en discutant voilà deux semaines du volet de l’intercommunalité.
le Parlement a marqué de son empreinte cette grande réforme territoriale, voulue par le Président de la République.
Alors que nous avions laissé depuis de nombreuses années les élus locaux dessiner la carte de l’intercommunalité, nous avons fait le constat partagé que de nombreux périmètres relativement fantaisistes ont découlé de cette situation.
Comme je l’ai rappelé à l’occasion de l’examen de la proposition de loi déposée par M. Sueur, qui, elle, a véritablement été dénaturée par le rapporteur Alain Richard, « les intercommunalités n’ont pas toutes été créées sur des territoires forcément pertinents aujourd’hui puisqu’elles l’ont été sur des critères géographiques et/ou économiques susceptibles d’évoluer. Leurs périmètres peuvent dès lors ne plus être adaptés pour répondre à l’objectif d’élaboration de projets communs de développement dans un cadre de solidarité ».
J’avais aussi rappelé que, de droite comme de gauche, nous faisions tous le constat du caractère trop confus du maillage du territoire national par les collectivités locales. Trop de périmètres ne correspondent à aucune réalité concrète et ne permettent pas de rationaliser la dépense publique, ce qui est l’un des objectifs de la réforme.
C’est aussi sur la base de ce double constat que le Gouvernement nous a alors proposé l’institution du conseiller territorial.
Nous avons longuement débattu de ce sujet lors de la réforme de 2010, pour aboutir à la création de ce nouvel élu proche de nos concitoyens qui fera la force de nos territoires.
Nous reprocheriez-vous, mes chers collègues de la nouvelle majorité sénatoriale, d’être en phase avec les attentes des Français ?
Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales, nous l’a rappelé tout à l’heure : le Gouvernement n’entend pas faiblir dans sa volonté de réforme, et nous l’en félicitons ! Comme il l’a souligné, « ni le sujet de la décentralisation, car c’est bien de cela dont nous parlons ce soir, ni le contexte économique ne se prêtera à ce renoncement que les Français ne nous pardonneraient pas ».
Mes chers collègues, je fais donc un constat attristant ce soir : celui d’une gauche conservatrice dogmatique !
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Pierre Bordier. Où est votre « grand soir » de réformes que les Français attendent ? Où est passée votre confiance dans la décentralisation ?
Nous, nous y croyons et nous le montrons jour après jour.
La semaine dernière, j’étais en Hongrie avec quatre-vingt-dix maires et adjoints de mon département. Bien évidemment, nous avons écouté ce que nous disaient les élus locaux hongrois. Comparaison n’est pas raison, mais une grande réforme des collectivités est en marche dans ce pays. Et je peux vous dire que la méthode française issue de la loi de décembre 2010 est une médecine extrêmement douce.
En Hongrie, dans les communes de moins de 2 000 habitants, il n’y a plus d’école ; si vous n’êtes pas contents, on vous coupe les finances, et vous ne faites plus rien ! Dans les communes de moins de 5 000 habitants, des regroupements autoritaires sont imposés. On ne vous demande pas votre avis ! Et si vous n’acceptez pas, on vous coupe les crédits !
La médecine que nous appliquons ici, je le répète, est extrêmement douce. Elle a fait l’objet d’une très large concertation, de discussions extrêmement longues au mois de décembre 2010. Essayons de conserver tous ces éléments présents à notre esprit. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, sur l’article.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une journée entière de débat – nous examinions en effet cet après-midi une proposition de loi sur le droit au repos dominical et nous poursuivons avec cette proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial –, un constat sur la méthode employée s’impose. Malgré les propos rassurants du président de la commission des lois, cette méthode est relativement simple : …
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est la vôtre !
M. Philippe Dominati. … une proposition de loi à article unique visant à abroger des dispositions antérieurement adoptées ; il s’agit de détruire sans formuler aucune proposition, la concertation venant bien après.
C’est une nouveauté ! Habituellement, il est question de concertation, mais, avec les deux propositions de loi qui nous ont été présentées aujourd'hui, nous n’avons vu que la brutalité simple et nette : circulez, il n’y a rien à voir ! On détruit ce qui a été fait pendant des mois, des années !
Sur des sujets aussi sérieux que l’ouverture des magasins le dimanche ou la réforme territoriale, des concertations ont été engagées. C’est un débat public. Or, en réalité, madame Borvo Cohen-Seat, vous vulgarisez ce débat à des fins politiques, politiciennes, et vous prenez cette enceinte pour un de vos lieux de congrès et de meetings. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) C’est particulièrement préjudiciable pour notre institution et pour le travail que nous essayons de mener concrètement, s’agissant des collectivités territoriales.
Le conseiller territorial serait, dites-vous, un élu hybride ? L’élu hybride, en matière territoriale ou en tant qu’élu, a été créé par Gaston Defferre, alors ministre de l’intérieur. À Paris, l’élu hybride existe depuis 1983. La loi relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille et Lyon, et des établissements publics de coopération intercommunale, dite « loi PLM », a prévu – Mme Borvo Cohen-Seat le sait – des élus à Paris, Lyon et Marseille qui siègent à la fois dans un conseil d’arrondissement et un conseil municipal, pour Lyon et Marseille, et au conseil de Paris, pour la capitale. (M. Claude Domeizel s’exclame.) Il y a une séparation des pouvoirs. Il y a à la fois la proximité et la compétence générale de la commune ou du territoire. Il y a un élu hybride qui peut être à la fois président du conseil général et maire de Paris ; c’est aussi une invention socialiste.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. On peut l’être de père en fils...
M. Philippe Dominati. L’élu hybride n’est donc pas une nouveauté, et cela fonctionne très bien. Le grand mérite du Président de la République a été de s’atteler à une réforme à laquelle personne ne croyait. Tout le monde sait très bien que la coexistence du département et de la région ne pouvait pas perdurer. Il fallait innover.
Or votre seule proposition consiste d’abord à supprimer, la concertation ne devant venir qu’ensuite. C’est déjà ce que nous avons constaté cet après-midi, au sujet du repos dominical : la consultation des syndicats n’interviendra qu’après.
Vous nous avez parlé toute la soirée de l’acte III de la décentralisation,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Non, on n’en a pas parlé !
M. Philippe Dominati. … mais, au-delà du titre, vous n’avez même pas le premier mot. Derrière cet acte III, il n’y a aucune proposition, rien qu’un vide sidéral !
L’aspect pragmatique, la proximité, a été évoqué. En Île-de-France, lorsqu’un lycéen veut obtenir le passe Navigo, il doit d’abord en faire la demande en remplissant un formulaire d’inscription puis lire les conditions générales des huit départements afin de savoir quel tarif lui sera appliqué, selon qu’il est boursier ou que son département de résidence rembourse une partie des frais, etc. Les citoyens ne veulent plus du millefeuille administratif. Depuis des années, ils réclament une simplification, que vous refusez, en prônant même un retour en arrière jusqu’au point où il n’y a strictement rien à faire.
C'est la raison pour laquelle il fallait véritablement une impulsion courageuse. En effet, chaque fois qu’un président de la République a voulu engager une réforme des collectivités, il s’est heurté à la partie conservatrice du Parlement. Ainsi, à trois reprises sous la Ve République, les plus conservateurs ont essayé de bloquer le système et y ont parfois réussi.
Pour ma part, j’attendais beaucoup de la création du conseiller territorial. J’espère bien que cette réforme s’appliquera et que, dans leur sagesse, les Français lui permettront de perdurer.
Une telle réforme est d’autant plus nécessaire pour Paris et pour la région d’Île-de-France qu’elle s’insère dans le cadre du Grand Paris, qu’a évoqué M. Dallier tout à l’heure.
M. Philippe Dallier. Bravo !
M. Philippe Dominati. Nous voulons en effet prolonger cette réforme pour Paris, comme je l’ai moi-même demandé à plusieurs reprises au travers de divers amendements. Il est indispensable de faire renaître la prospective et l’ambition, qui, malheureusement, font bien défaut à Paris depuis un certain temps. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, sur l'article.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on dit que la répétition a vocation pédagogique.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est aussi la solution de ceux qui n’ont rien à dire !
M. Jacques Gautier. Je vais donc m’y essayer et me permettre de vous rappeler quelques points essentiels évoqués cet après-midi par Jean-Patrick Courtois dans la discussion générale.
Cette réforme, vous le savez tous, était nécessaire, et même indispensable. Si elle a fait l’objet de critiques, parfois méritées et légitimes, personne n’a pu dire qu’elle n’était pas fondée.
Cette réforme représente d’ailleurs une première étape qui devrait permettre la mise en place d’une nouvelle organisation institutionnelle, lors des prochaines élections locales, c’est-à-dire en 2014.
Comme plusieurs d’entre nous l’ont rappelé, cette grande réforme voulue par le Président de la République a été largement discutée par le Parlement. Ici, au sein de la Haute Assemblée, nous y avons passé plus de cent vingt heures ; c’est vous dire si, ce soir, nous jouons petit bras !
Depuis plusieurs années, les travaux s’étaient multipliés pour attirer l’attention de tous sur la nécessité impérieuse d’engager une réforme de notre organisation territoriale.
Certes, je le reconnais volontiers, tous n’ont pas proposé les mêmes remèdes, mais tous avaient formulé le même diagnostic. C’est le fondement même de la réforme qui a été courageusement engagée en 2009.
Je vous pose à nouveau la question : n’était-il pas responsable de vouloir rationaliser, pour un meilleur fonctionnement de notre démocratie locale et pour une plus grande visibilité de nos concitoyens ?
Comme nous l’avons tous fait remarquer ce soir, vous souhaitez aujourd’hui « détricoter » une réforme structurante pour nos territoires, élaborée par un ouvrage de dentelière.
Je ne referai pas l’Histoire de France et ne vous citerai pas de vers de La Fontaine, bien d’autres que moi excellant en la matière. Mais n’oublions pas que l’organisation territoriale de la France puise ses racines dans une histoire forgée au cours des siècles. Au fil du temps, notre pays a su dégager un modèle original d’administration locale. Nous avons donc souhaité rester fidèles à cet héritage tout en adaptant notre organisation territoriale aux défis de notre temps, alors que vous nous proposez un retour vers le passé, digne des meilleures bureaucraties au monde.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De celle du conseil général des Hauts-de-Seine !
M. Jacques Gautier. Nous avons fait le choix de relever avec lucidité les faiblesses que comportait notre système. Je reste convaincu, comme cela a été dit tout à l’heure, que la force d’une institution se mesure précisément à sa capacité d’adaptation. C’est en réformant notre organisation territoriale que nous sommes en mesure de conforter la décentralisation et les libertés locales. C’est en ne faisant rien que nous les affaiblissons.
La réforme que nous avons votée refonde notre organisation territoriale autour de deux pôles complémentaires, auxquels nous sommes tous attachés : un pôle département-région et un pôle commune-intercommunalité, comme l’avaient d’ailleurs proposé le comité pour la réforme des collectivités territoriales et la Cour des comptes.
Notre choix a été celui du pragmatisme et de l’ambition pour les élus locaux et les territoires que nous administrons.
La création du conseiller territorial est une innovation. Nous avons fait le choix de la confiance à un élu local, le conseiller territorial, pour engager le chantier de la clarification et de la simplification.
Créer le conseiller territorial, c’était faire le pari de l’intelligence des territoires, car nous sommes convaincus que régions et départements ont à y gagner !
L’administration de l’État, mes chers collègues, nécessite parfois des choix difficiles ; mais le pire service que nous pourrions rendre à la décentralisation serait de ne rien entreprendre, alors que nous dressons tous le même portrait d’une décentralisation vivante et utile, mais pénalisée par une grande complexité, qui ne facilite pas l’accès des citoyens à la démocratie locale et décourage les bonnes volontés.
Mes chers collègues, pour une fois, faites preuve d’un peu de raison, d’un peu de civisme, dirai-je même : il est encore temps de retirer votre proposition de loi ! Si tel n’était pas le cas, je soutiendrais l’amendement de suppression qui sera présenté dans un instant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Buffet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article unique de cette proposition de loi, qui vise elle-même à supprimer l’existence du conseiller territorial.
Beaucoup de choses ayant été clairement dites et rappelées, je me contenterai de souligner que la loi de réforme des collectivités territoriales avait plusieurs objectifs et qu’elle a commencé de s’appliquer.
Il s’agissait de simplifier notre millefeuille administratif, de réaliser des économies d’échelle dans l’organisation de nos collectivités territoriales et de définir des compétences claires entre les deux échelons maintenus. Il s’agissait aussi, bien sûr, de donner à ce conseiller territorial nouveau une légitimité renforcée, représentant à la fois le territoire et la population, avec un territoire et un mode électoral déterminés, puisque le scrutin uninominal a été retenu et est aujourd'hui inscrit dans les textes.
Voilà tout l’intérêt du conseiller territorial, qui s’inscrit dans une réforme plus large, comportant d’autres projets, d’autres modifications, et qui se met actuellement en place dans nos territoires. C’est une chance pour notre pays.
Je voudrais, avant de terminer la présentation de cet amendement, saluer l’initiative qui a été prise par la région et les départements d’Alsace, lesquels ont su, grâce aux moyens juridiques offerts par ce texte, en rassemblant les bonnes volontés de droite comme de gauche, se retrouver pour faire progresser nos territoires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dans un premier temps, je voudrais rappeler quelques problèmes de forme. Dans un second temps, je m’exprimerai sur le fond.
J’évoquerai tout d'abord la forme.
Mes chers collègues des travées de gauche, ce matin, vous êtes vingt, et je tiens à ce que cela figure au compte rendu.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Nous ne débattons pas en vain !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela fait sept heures et demie que vous avez pris en otage notre institution. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Vous aviez droit à un créneau de quatre heures ; on en est à sept heures et demie de débats, et même à huit si l’on prend en compte la demi-heure ayant précédé la suspension intervenue à dix-neuf heures vingt-cinq.
Ce n’est pas la première fois que vous prenez le Sénat en otage : vous avez décidé que, étant la majorité, vous pouvez faire ce que vous voulez, quand vous voulez.
Vous avez doublé les délais. Nous ne pouvons qu’en prendre acte !
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, vous le savez, j’ai beaucoup d’amitié pour vous. Je suis toutefois obligée de souligner un certain nombre de dysfonctionnements qui ont eu lieu ce soir.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l’avez déjà fait !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. D'abord, comme je l’ai déjà indiqué, je ne suis pas d’accord avec la façon dont nous nous sommes prononcés tout à l'heure sur la poursuite de nos travaux cette nuit. Vous avez refusé ma demande de renvoi de cette question au Bureau ; vous avez également refusé de réunir la commission des finances sur la base de l’article 40 de la Constitution. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est scandaleux !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dois-je vous rappeler que, lors de la réunion du Bureau de ce matin à laquelle nous avons tous deux assisté, c’est M. Charles Guené qui a été désigné vice-président en charge de l’application de l’article 40 par le président du Sénat ? Pour ma part, j’y avais cru !
J’ai également cru à ce que m’a affirmé le président du Sénat, à savoir qu’il souhaitait faire travailler le Bureau d’une manière collégiale. J’ai même déclaré à un journaliste tout à l'heure – mais c’était en fin d’après-midi, avant tous ces événements – que la réunion du Bureau de ce matin s’était plutôt bien passée : je crois que je vais devoir le rappeler !
Je constate que vous nous avez dit tout à l'heure que c’était M. Miquel qui représentait la commission des finances et qui, à ce titre, avait autorité sur l’application de l’article 40 de la Constitution. J’interrogerai à ce sujet le président de la commission, M. Marini, dont je suis un peu étonnée qu’il ait désigné M. Miquel. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Ce soir, beaucoup de choses se sont passées, qui ont véritablement entaché la procédure de la Haute Assemblée. Je le regrette. C’est une très grande première pour moi, et je ne m’en réjouis pas.
J’en viens maintenant au fond.
Avec cette proposition, nous ne sommes pas dans un travail législatif classique, constructif, innovant : cela a d’ores et déjà été très bien dit et tout le monde l’a compris. Nous sommes dans de la démagogie, dans du populisme préélectoral et dans ce que la gauche fait de mieux aujourd'hui : conserver le conservatisme !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Magnifique expression !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est ce que l’on appelle un pléonasme !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mes chers collègues, je ne peux mieux résumer ce que vous êtes en train de faire ! Vous n’avez d’autre souci que de cacher l’absence cruelle de proposition de réforme, voire de proposition tout court. Ce soir, vous n’avez fait que déconstruire, sans rien proposer en échange.
On nous affirme, sans peur du ridicule et avec une certaine solennité, que la réforme de 2010 marque un recul démocratique.
Madame Borvo Cohen-Seat, on peut même lire, dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, que la création du conseiller territorial porte « des risques démocratiques ». Rien de moins !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est pourtant vrai !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La réforme de 2010 « éloign[erait] les citoyens des lieux de décision ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vrai !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cette réforme serait même le signe intangible de la reprise en main politique par le Gouvernement des affaires locales,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vrai !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … une recentralisation insupportable déguisée en nouvel acte de la décentralisation…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vrai !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. J’en passe et des meilleures !
Mes chers collègues, soyons sérieux ! Les masques tombent ! Mme Borvo Cohen-Seat ne supporte même pas que je prenne la parole ! Mais dans quelle démocratie sommes-nous ?
Nous sommes pourtant dans une assemblée parlementaire ; j’ai pourtant, comme vous, été élue. Laissez-moi donc finir de m’exprimer, car je n’ai pas épuisé mon temps de parole ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Vous avez un argument absolument ridicule. Je rappelle que si, dans les discours, la décentralisation est défendue par nos collègues de gauche au nom de la démocratie, au nom de la pluralité politique, tout le monde sait qu’elle est depuis toujours pour eux l’alibi en béton pour augmenter la fiscalité locale, c’est-à-dire les dépenses de fonctionnement.
Je n’aurai pas la cruauté de rappeler à nos collègues la hausse continue des impôts locaux dans les collectivités territoriales gérées par la gauche depuis des années : j’ai des noms et des chiffres !
Mme Virginie Klès. Comment expliquez-vous alors leur réélection ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour qui votent les citoyens ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cette réalité ne doit pas être cachée à nos concitoyens car, derrière nos débats, c’est bien de tout cela qu’il s’agit ! Nous sommes dans une période où la boîte socialiste à promesses et à miracles ne cesse de se remplir !
Cette situation explique pour beaucoup l’acharnement avec lequel vous voulez conserver le modèle ancien, lucratif semble-t-il,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, et M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Faites attention à vos propos ! Un peu de mesure !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … refuser la réforme qui permet de réaliser de vraies économies et, surtout, de mettre en place un travail efficace et transparent dans les actuels petits potentats locaux. (Marques d’impatiences sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez épuisé votre temps ! Quand on invoque le règlement, il faut le respecter soi-même !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je m’arrêterai donc là, mais, pour être franche, j’estime que vous n’avez pas à être fiers de votre comportement de ce soir. Cela ne donne pas une belle image du Sénat ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour un rappel au règlement.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, permettez-moi de faire un rappel au règlement avant que vous ne déclariez le scrutin ouvert. Il est bientôt cinq heures, Paris s’éveille et il serait peut-être temps pour nous d’aller prendre un peu de repos…
Cela dit, les membres de la commission des finances ont été convoqués ce matin à neuf heures, soit deux heures avant le début de la séance publique consacrée au début de l’examen du projet de loi de finances, le PLF. Or neuf heures, c’est dans quatre heures !
Monsieur le président, est-il envisageable, pour nous permettre de prendre quelque repos et, malgré tout, d’assister à la réunion de la commission des finances consacrée à l’examen du PLF, de décaler l’heure de cette réunion ? En effet, quatre heures, cela me semble un peu court, même si je ne dois faire l’aller-retour que jusqu’en Seine-Saint-Denis !
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 46 :
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 137 |
Contre | 180 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore ? Vous venez d’en faire un !
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, par ce rappel au règlement, je voudrais simplement apporter une réponse à la question de mon collègue Philippe Dallier puisque j’ai compris qu’en vertu d’une nouvelle jurisprudence le premier membre de la commission des finances à s’exprimer donne le ton au nom de la commission. En effet, la réponse donnée tout à l’heure par notre collègue Gérard Miquel à une question a été considérée comme engageant la commission tout entière.
Comme aucune réponse n’a été donnée à la question posée voilà quelques minutes par Philippe Dallier, je voudrais, au nom de la commission des finances, proposer à mes collègues que la réunion de la commission soit reportée à onze heures. Je ne fais qu’appliquer ce qui me semble être devenu une nouvelle coutume de notre assemblée !
À moins qu’il n’y ait un avis contraire, notamment de la part du président Miquel,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. M. Miquel est vice-président, et non président de la commission !
M. Philippe Dominati. … la commission des finances reporte donc sa réunion à onze heures.
M. Philippe Dallier. Très bien !
Mme Annie David. C’est du cirque que tout cela ! Cela ne concerne pas les travaux qui nous occupent cette nuit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sommes-nous au Cirque d’hiver ? Cessez vos clowneries !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque nous en sommes parvenus aux explications de vote, je souhaitais indiquer que nous avons assisté à ce débat très riche avec beaucoup d’intérêt.
M. Philippe Dallier. Nous avons beaucoup appris !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous avons nous aussi beaucoup appris sur les diverses manières de tenir un même propos.
Toutefois, ce n’est pas parce qu’un discours est répété, sous différentes formes, ou même dans les mêmes termes, qu’il est juste.
Je n’insisterai que sur quelques points.
On nous a dit à de nombreuses reprises que le scrutin uninominal était le gage de la proximité, et que cette dernière était bonne.
M. Philippe Dallier. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On nous a dit que le scrutin proportionnel, c’était l’éloignement, dans toute son horreur.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, je me permets de faire remarquer que M. Sueur s’exprime sans que son temps de parole soit décompté !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le règlement est respecté !
Mme Virginie Klès. Cette règle ne vous dérangeait pas quand vous étiez dans la majorité !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Est-ce un nouvel arrangement entre copains ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Un peu de respect !
M. Claude Domeizel. Ça suffit maintenant !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Madame Des Esgaulx, restons calmes !
M. le président. Mes chers collègues, j’aimerais que nos débats se déroulent avec un minimum de sérénité et d’objectivité.
Les règles qui ont toujours été appliquées dans cette enceinte doivent pouvoir continuer à l’être. À cet égard, le temps de parole du président de la commission n’a jamais été décompté !
Monsieur le président Sueur, je vous demanderai toutefois d’être relativement bref.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, je le serai. Je ferai d'ailleurs observer que ni le rapporteur ni moi-même n’avons abusé de notre droit à la parole. (Absolument ! sur les travées du groupe CRC.)
Je reviens maintenant à mon propos.
Vous opposez les élus en fonction du mode de scrutin dont ils procèdent. Cela n’a pas grand-chose à voir avec le débat ! Il suffit de regarder la manière dont sont élus les sénateurs pour constater que tous les différents modes de scrutin ont une légitimité démocratique. Nous devons donc tous nous respecter, que nous soyons élus au scrutin uninominal ou à la proportionnelle.
Pat ailleurs, on nous a dit que de grandes inégalités existaient, en termes de population, entre les cantons ; mais ce constat ne justifie en rien la réforme créant le conseiller territorial : il est possible de réviser la délimitation des cantons afin de réduire ces inégalités sans pour autant procéder à cette réforme.
On nous a dit aussi que certains avaient les pieds dans la glaise et d’autres la tête dans les étoiles. Cette formule est très belle et je souhaiterais qu’elle puisse s’appliquer à chacun d’entre nous.
On nous a dit enfin beaucoup de choses qui avaient peu à voir avec le sujet qui nous occupe. Or la vraie question consiste à savoir s’il est bon pour la France, pour son avenir, d’institutionnaliser le cumul de deux fonctions, entraînant une très grande confusion entre les vocations et les prérogatives.
À cet égard, j’ai été très étonné de ne pas beaucoup entendre parler des régions, au cours de ce débat. Or nous avons besoin de régions beaucoup plus fortes, dotées de plus de moyens pour se mettre à l’heure européenne, voire mondiale, pour pouvoir investir dans l’enseignement supérieur, la recherche, l’économie, les nouvelles technologies, les infrastructures innovantes, etc.
M. Francis Delattre. Nous l’avons dit !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Voilà de quoi nous avons besoin et, pour y parvenir, il nous faut faire preuve de modernité, de volonté, de sens de l’innovation. Là est l’essentiel !
Or on nous dit que l’élu régional doit aussi être l’élu d’un canton. Certes ! Mais ce discours aussi est parfaitement ringard (Protestations sur les travées de l’UMP.), …
M. Francis Delattre. « Ringard »…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … au vu des véritables enjeux.
Au cours de ce débat, un syllogisme a été développé : si l’on n’accepte ni le cumul institutionnalisé ni la base cantonale pour l’élection des représentants à la région, on est conservateur ! C’est stupide, et vous le savez bien ! Alors, pourquoi l’avoir répété constamment ?
Dans ce domaine, les vrais progressistes sont ceux qui ont une vision du développement de la région ! Le département, quant à lui, continuera à exercer des compétences qui seront peut-être amenées à évoluer – un certain nombre d’entre nous le souhaitent d’ailleurs.
Dans ces conditions, affirmer que le nec plus ultra de la modernité se résume à cette histoire de base cantonale pour repenser l’avenir des régions ne témoigne pas d’un grand sens de l’innovation ! Nous avons entendu cinquante fois ces arguments ; je les ai écoutés avec plaisir parce que j’essayais de déceler des modulations entre les différentes interventions. Mais, en même temps, je n’ai perçu aucun souffle ! Or c’est précisément du souffle de régions nouvelles et fortes dont nous avons vraiment besoin et que j’appelle de mes vœux.
La troisième étape de la décentralisation est devant nous, et nous n’en avons pas assez parlé ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Puisque nous parvenons au terme de l’examen de ce texte, permettez-moi de redire solennellement que je trouve dommage, m’étant engagé à participer à un débat de quatre heures, de devoir constater que sa durée a finalement doublé. En effet, l’emploi du temps de chacun d’entre nous s’en trouve complètement perturbé. Je souhaite que, à l’avenir, nous puissions nous organiser afin que les choses se passent plus sereinement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous aussi !
M. Philippe Richert, ministre. Le plus désolant pour moi est de me trouver dans l’impossibilité de me rendre, demain, au congrès de l’Association des régions de France, l’ARF.
M. Jean-Jacques Mirassou. À quelle heure ouvre ce congrès ?
M. Philippe Richert, ministre. Peu importe ! Laissez-moi m’exprimer, je serai relativement bref. La démocratie consiste aussi à laisser le ministre reprendre la parole à l’issue du débat.
Vous savez très bien que l’ARF est composée de régions dirigées par la gauche et d’une seule région métropolitaine dirigée par la droite – celle que je préside. Je crois donc qu’il aurait été bon que je puisse participer à ce congrès ; mais il est tout à fait normal que la priorité soit accordée au Parlement. Je regrette simplement que nous n’ayons pas pu nous organiser afin que toutes les orientations politiques puissent être représentées à ce rendez-vous important de la démocratie qu’est le rendez-vous des régions. En effet, comme d’autres, je pense que les régions ont un rôle important à jouer.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Sur ce point, nous sommes d’accord !
M. Philippe Richert, ministre. Sans doute, suivant les territoires, les rôles de la région et du département peuvent varier. Les conditions existant en Alsace ne se retrouvent pas nécessairement ailleurs : l’Alsace est une région relativement petite, assez peuplée, jouissant d’une identité clairement définie, qui peut donc s’organiser différemment de la région Centre, par exemple, dont l’identité est un peu moins affirmée territorialement, historiquement, etc.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est d’ailleurs son véritable problème !
M. Philippe Richert, ministre. Notre approche doit donc être pragmatique, et ce pragmatisme m’amène à dire que les postures adoptées par certains, consistant uniquement à remettre en cause le résultat de travaux antérieurs, nous font parfois faire fausse route.
Il est important de regarder ce qui se passe. Voilà quinze jours, nous débattions dans cet hémicycle d’une proposition de loi relative à l’intercommunalité. Tout le monde m’expliquait qu’il serait impossible de mettre en place les schémas départementaux de coopération intercommunale, sauf dans très peu de cas. Or les choses se passent finalement beaucoup mieux que l’on ne le pensait, et j’espère qu’elles évolueront de mieux en mieux. Tout le monde a intérêt à ce que les élus travaillent ensemble et trouvent des solutions : on ne va pas les empêcher de le faire ! Regardons comment on peut les aider à résoudre les difficultés, au lieu de considérer comme normal que, chaque fois qu’une nouvelle majorité gagne les élections, elle commence par démolir tout ce que la précédente a réalisé.
J’ai vécu cette expérience dans une région où la majorité a régulièrement changé au sein des municipalités : pendant les deux premières années, la nouvelle équipe ne fait rien de concret parce qu’elle est occupée à déconstruire les réalisations de ses prédécesseurs et, pendant les quatre années suivantes, on précipite le rythme afin de pouvoir affronter la prochaine échéance électorale avec un bilan important. Ainsi, pendant près de la moitié d’un mandat, la nouvelle équipe ne fait quasiment rien, parce qu’elle est trop occupée à démolir ce qu’elle a trouvé en arrivant.
Ne pourrions-nous pas nous résoudre enfin, en France, à travailler ensemble dans un sens positif ? J’ai déjà évoqué l’exemple du Land de Bade-Wurtemberg : le ministre-président est écologiste – il est le seul ministre-président, en Allemagne, à appartenir à ce parti – et le président de l’assemblée appartient à la CDU, l’Union démocrate-chrétienne, c’est-à-dire la droite. Je pourrais aussi citer l’exemple de la ville de Fribourg-en-Brisgau, où le maire, élu au scrutin uninominal, est un écologiste et le conseil municipal est à majorité démocrate-chrétienne, ou encore l’exemple de la ville de Kehl, située juste en face de Strasbourg, où le maire est socialiste depuis des générations et le conseil municipal est démocrate-chrétien : tous travaillent ensemble parce qu’ils partagent une véritable tradition de l’écoute.
J’ai longtemps fait partie de la majorité sénatoriale et je suis désolé, quand je reviens dans cette maison, de la trouver dans cet état : il faut être attentif à la minorité !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. Philippe Richert, ministre. La minorité a besoin de trouver toute sa place. Or les dérives successives que nous observons risquent de détruire le climat qui caractérisait cette assemblée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Sachons recréer ce climat, car il est important que nous puissions travailler tous ensemble à l’avenir de notre pays : cette seule préoccupation devrait nous rassembler !
Si je tente d’esquisser un bilan de ce débat, la priorité, aujourd’hui, ne consistait pas à discuter d’une proposition de loi visant uniquement à remettre en cause la création du conseiller territorial. Vous savez bien que, même si cette proposition de loi est aujourd’hui adoptée, il faudra qu’elle le soit ensuite par l’Assemblée nationale. Or il ne faut pas être grand clerc pour se douter que ce processus risque de se révéler relativement compliqué. Vous avez fait le choix de l’affichage, de la prise de posture, pour montrer que vous êtes prêts à remettre en cause tout ce qu’a entrepris l’actuelle majorité présidentielle : permettez-moi de vous dire que cela ne me paraissait pas absolument nécessaire.
Monsieur le président de la commission des lois, vous avez exprimé votre position ; quant à moi, au nom du Gouvernement, j’ai rappelé les raisons pour lesquelles nous nous sommes engagés dans cette réforme. Je vous remercie de m’avoir écouté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 47 :
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 180 |
Contre | 137 |
Le Sénat a adopté la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 17 novembre 2011 à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2012, (n° 106, 2011-2012).
Rapport (n° 107, 2011-2012) de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.
- Discussion générale.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 17 novembre 2011, à cinq heures quinze.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART