M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, je pense que nous pourrions faire un parallèle avec les magistrats : ceux qui s’occupent de l’instruction ne peuvent pas participer à la formation de jugement.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il faut faire une loi applicable sur l’ensemble du territoire de la République, ce que ne permet évidemment pas le dispositif qui est proposé.
Certaines brigades de gendarmerie comptent deux OPJ, d’autres un seul. Or il n’est pas possible de regrouper les brigades de gendarmerie pour disposer de deux OPJ. S’il était adopté, cet amendement entraînerait donc la fermeture d’un grand nombre de brigades de gendarmerie. Le Gouvernement y est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
L’article 63-2 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « dans le délai prévu au dernier alinéa de l’article 63-1 » sont supprimés ;
a bis) (nouveau) Les mots : « ou son employeur » sont remplacés par les mots : « ou son curateur ou son tuteur » ;
b) Il est ajouté deux phrases ainsi rédigées :
« Elle peut en outre faire prévenir son employeur. Lorsque la personne gardée à vue est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf en cas de circonstance insurmontable, qui doit être mentionnée au procès-verbal, les diligences prévues au premier alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande. »
M. le président. L'amendement n° 77, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« En raison des nécessités de l'enquête, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention afin qu'il ne soit pas fait droit à cette demande. »
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Nous considérons que la restriction prévue par cet article – un officier de police judiciaire peut ne pas faire droit à la demande de la personne gardée à vue de prévenir un proche ou son employeur – doit relever du juge des libertés et de la détention et non du procureur de la République.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement est parfaitement logique dans l’esprit de ses auteurs. Il vise à confier au juge des libertés et de la détention le contrôle complet de la garde à vue.
Or nous avons déjà expliqué pourquoi nous pensons que, au moins dans les premières quarante-huit heures de la garde à vue, le procureur de la République est le mieux à même d’assurer ce contrôle, en particulier lorsque, en raison des nécessités de l’enquête, il n’est pas fait droit à la demande du gardé à vue de prévenir un proche ou son employeur.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Anziani, à l’heure actuelle, aucune exigence constitutionnelle ou conventionnelle n’impose que l’autorisation donnée aux enquêteurs de reporter l’avis à un proche ou à un employeur soit délivrée par un juge.
Cette règle ancienne de notre droit a été introduite par la loi Sapin-Vauzelle du 4 janvier 1993 voilà près de vingt ans. Elle y a été maintenue par la loi Guigou du 15 juin 2000, qui avait pour objectif de renforcer la protection de la présomption d’innocence. Elle a été maintenue telle quelle par la loi Lebranchu du 4 mars 2002. Je pense qu’il faut rester dans cette ligne historique.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 176, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
les diligences prévues au
par les mots :
les diligences incombant aux enquêteurs en application du
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
L’article 63-3 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Le médecin se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue et procède à toutes constatations utiles. Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences prévues au présent alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande. Sauf décision contraire du médecin, l’examen médical doit être pratiqué à l’abri du regard et de toute écoute extérieurs afin de permettre le respect de la dignité et du secret professionnel. » ;
2° À la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « par lequel il doit notamment se prononcer sur l’aptitude au maintien en garde à vue » sont supprimés.
M. le président. L'amendement n° 177, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer les mots :
les diligences prévues au
par les mots :
les diligences incombant aux enquêteurs en application du
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 113 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au deuxième alinéa, après les mots : « À tout moment, », sont insérés les mots : « le juge des libertés et de la détention, ».
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 28, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2° L'avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque le médecin délivre un certificat médical d'incompatibilité de l'état de santé de la personne avec la garde à vue, celui-ci a un caractère impératif. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a déjà été présenté à l’Assemblée nationale, qui ne l’a pas retenu, ce qui est bien dommage. Peut-être sera-t-il adopté par le Sénat ?
Cet amendement vise à conférer un caractère impératif au certificat médical d’incompatibilité de l’état de santé de la personne avec la garde à vue. Il m’a déjà été répondu qu’une telle disposition était inutile.
Je vous rappelle pourtant que cette proposition constitue une recommandation ancienne et constante de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS.
J’ai d’ailleurs eu l’occasion de saisir la CNDS d’un cas de non-respect du certificat médical dans un commissariat. La Commission déplorait, dans un rapport de 2007 relatif aux zones d’attente, qu’elle étendait à l’ensemble des lieux de privation de liberté, d’avoir été « souvent été saisie de réclamations où il était fait état du non-respect par les fonctionnaires de police ou par le personnel de surveillance des prescriptions médicales, ou encore du non-respect des certificats d’incompatibilité ».
Nous soutenons cette recommandation, car nous considérons que l’article 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui prévoit que la nation « garantit à tous […] la protection de la santé », doit conforter le caractère impératif du certificat médical dans de telles circonstances.
Il n’appartient pas à un fonctionnaire de police n’ayant aucune compétence médicale de ne pas donner suite au certificat médical établi par un professionnel de santé dans des conditions d’indépendance indiscutables.
En outre, cet amendement nous apparaît d’autant plus opportun que, depuis le 1er mars 2010, a été instaurée la question prioritaire de constitutionnalité, qui permet à chaque justiciable de soutenir, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction administrative ou judiciaire, « qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit », en application de l’article 61-1 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel, dans une décision en date du 30 juillet 2010, a, je vous le rappelle, déclaré que les articles 62, 63, 63-1 et 77 du code de procédure pénale étaient contraires à la Constitution.
Une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité est donc possible. Elle serait naturellement légitime, compte tenu de la violation manifeste de l’article 11 du Préambule. De toute évidence, on méconnaît de fait le droit à la préservation de la santé de nos concitoyens alors qu’il serait possible de concilier les exigences de sécurité et de préservation de l’intérêt de l’enquête avec celle, tout aussi fondamentale, de préservation de la santé des personnes gardées à vue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Il n’est pas possible de faire dépendre le déroulement de la garde à vue, en l’occurrence son interruption ou sa poursuite, d’un certificat médical. C’est l’officier de police judiciaire qui dirige la garde à vue. À ce titre, il prend ses responsabilités.
Un officier de police judiciaire qui méconnaîtrait les conséquences d’un certificat médical prendrait la responsabilité d’invalider la procédure. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation est assez claire : elle indique que la poursuite de la garde à vue d’une personne dans des conditions qui sont, selon les constatations d’un médecin, incompatibles avec son état de santé porte nécessairement atteinte à ses intérêts. Elle peut entraîner l’annulation complète de la garde à vue.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Bien évidemment, si un médecin constate l’incompatibilité de l’état de santé d’une personne avec la garde à vue, il est mis fin à la garde à vue, sauf dans le cadre d’une prise en charge hospitalière conforme aux éventuelles prescriptions médicales.
Ces dispositions résultent de la jurisprudence de la Cour de cassation et d’un arrêt rendu par la chambre criminelle le 27 octobre 2009. Il n’est nullement nécessaire de les faire figurer dans la loi, d’autant que l’amendement ne tend pas à prévoir la poursuite de la garde à vue en milieu médicalisé.
Il existe par exemple à Paris, à l’Hôtel-Dieu, salle Cusco, des chambres réservées aux personnes gardées à vue devant être hospitalisées.
Madame Borvo Cohen-Seat, vous avez par ailleurs évoqué le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Celle-ci a effectivement noté dans son rapport de 2009 avoir constaté la poursuite d’une garde à vue malgré un certificat médical ayant relevé une incompatibilité. Selon ce même rapport, cette situation s’explique, selon les indications du ministère de l’intérieur, par un dysfonctionnement de service. Des mesures correctives auraient été prises.
La CNDS indique par ailleurs dans son rapport que le non-respect d’un certificat médical d’incompatibilité est déjà contraire aux dispositions actuelles du code de procédure pénale. Elle ne sollicite donc pas de modification législative sur ce point.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous prie, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Je tiens à appuyer l’amendement de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, car il me paraît très important.
En théorie, bien sûr, le certificat médical a du poids. Monsieur le ministre, vous avez cité un exemple, permettez-moi d’en citer un autre.
Dans un avis du 1er décembre 2008, la CNDS constate qu’une personne placée en garde à vue est décédée alors qu’elle était manifestement malade et qu’elle aurait dû être hospitalisée. Ce cas est plus grave que celui qu’a évoqué Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, car la personne gardée à vue n’a même pas rencontré de médecin.
L’amendement de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ouvre un débat. Le non-respect de la réglementation, même si celle-ci est bien faite, ce qui n’est d’ailleurs peut-être pas le cas, a abouti à un décès.
Peut-être serait-il bon de rappeler, par voie de circulaire ou autre, les quelques règles qui s’imposent à chacun ?
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° La seconde phrase de l'avant-dernier alinéa est complétée par les mots : « et une copie en est immédiatement remise au gardé à vue et, si ce dernier en fait la demande, à un membre de sa famille ou à une personne de confiance ».
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a pour objet de compléter la rédaction actuelle de l’article 63-3 du code de procédure pénale. Il tend à prévoir que non seulement le certificat médical doit être versé au dossier de la personne gardée à vue, mais que cette dernière peut, à sa demande, en obtenir immédiatement copie. Ce certificat est naturellement très important puisqu’il peut constituer une preuve pour la personne gardée à vue en cas de recours contre l’administration.
Dans un souci légitime de simplification des démarches juridiques de nos concitoyens, il serait préférable que les personnes qui font l’objet d’un examen médical se concluant par la remise d’un certificat en soient également les destinataires, car ce certificat concerne leur état de santé. À défaut, les personnes gardées à vue sont obligées d’en demander la communication aux autorités de police, voire, en cas de refus, de saisir la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA.
Par ailleurs, notre amendement, qui relève du simple bon sens, nous semble conforme à l’obligation qui est faite actuellement au médecin de remettre ce certificat médial en mains propres au patient, exigence qui est en réalité le corollaire du secret professionnel auquel est astreint le médecin.
Cette exigence est, je vous le rappelle, inscrite dans la partie réglementaire du code de la santé publique en son article R. 4127-35 qui porte transcription de l’article 35 du code de déontologie médicale.
Rien ne justifie en effet que la situation administrative des personnes gardées à vue les prive de l’application des apports considérables qui résultent de l’adoption de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Il faut que ces personnes puissent avoir accès, si elles le désirent, directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’elles désignent, aux informations de santé les concernant, que ces informations soient établies dans cette perspective ou détenues par un professionnel ou un établissement de santé.
Enfin, nous proposons par cet amendement que la personne gardée à vue puisse, pour des raisons évidentes de conservation de ce document, faire expressément la demande que ce certificat médical soit confié, au choix, à un membre de sa famille ou à une personne de confiance telle que définie à l’article L. 1111-6 du code de la santé publique, créé par la loi du 4 mars 2002, si elle en a désigné une.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement, qui procède d’une intention louable, est en effet intéressant. Il paraît normal que la personne examinée par un médecin puisse avoir connaissance du résultat de cet examen.
Néanmoins, nous avons le souci de ne pas trop alourdir les procédures pendant la garde à vue. J’observe que ce certificat médical figure au dossier, dossier qui doit être consultable par l’avocat.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ah oui !
M. François Zocchetto, rapporteur. Je demande donc au garde des sceaux de bien vouloir me confirmer que l’avocat pourra avoir connaissance de ce certificat et, ainsi, informer son client.
Si la réponse est positive, j’espère qu’elle vous satisfera et que vous retirerez votre amendement, madame Borvo Cohen-Seat. Dans le cas contraire, la commission émettra un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je vais tâcher de répondre à M. le rapporteur de la façon la plus précise qui soit, mais également de la façon la plus agréable pour lui. Me référant au texte qu’il a établi au nom de la commission des lois, je lui rappellerai que le texte proposé pour l’article 63-4-1 du code de procédure pénale à l’article 7 dispose : « À sa demande, l’avocat peut consulter le procès-verbal établi en application du dernier alinéa du I de l’article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l’article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste. »
Vous vous êtes donné entière satisfaction, monsieur le rapporteur. On n’est jamais mieux servi que par soi-même ! (Sourires.)
L’amendement de Mme Borvo Cohen-Seat est donc satisfait par ces dispositions. Par conséquent, je lui demande de bien vouloir retirer son amendement. Si elle ne le retirait pas, le Gouvernement serait défavorable à cet amendement.
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, votre amendement est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Après le même article 63-3, il est inséré un article 63-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 63-3-1. – Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat. Si elle n’est pas en mesure d’en désigner un ou si l’avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu’il lui en soit commis un d’office par le bâtonnier.
« Le bâtonnier ou l’avocat de permanence commis d’office par le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.
« L’avocat désigné est informé par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l’infraction sur laquelle porte l’enquête.
« S’il constate un conflit d’intérêts, l’avocat fait demander la désignation d’un autre avocat. En cas de divergence d’appréciation entre l’avocat et l’officier de police judiciaire ou le procureur de la République sur l’existence d’un conflit d’intérêts, l’officier de police judiciaire ou le procureur de la République saisit le bâtonnier qui peut désigner un autre défenseur.
« Le procureur de la République, d’office ou saisi par l’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire, peut également saisir le bâtonnier afin qu’il soit désigné plusieurs avocats commis d’office lorsqu’il est nécessaire de procéder à l’audition simultanée de plusieurs personnes placées en garde à vue. »
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous pourrions penser qu’aujourd’hui le respect des droits les plus basiques, tels que ceux de la défense, ou tout simplement le respect de la dignité humaine, inscrits par ailleurs dans la Constitution, étaient chose acquise.
Nous nous demandons pourquoi l’on nous présente aujourd’hui la présence de l’avocat comme étant « révolutionnaire »... C’est un peu exagéré !
La règle communautaire du droit à un procès équitable, inscrite à l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et à partir de laquelle la jurisprudence communautaire a déduit un certain nombre de principes de droit visant à garantir l’équité de la procédure, implique de toute évidence le droit d’être assisté par un avocat.
Ainsi, dans l’arrêt Dayanan contre Turquie, la Cour européenne des droits de l’homme souligne que « l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. À cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer ». Autrement dit, le travail de l’avocat doit se faire dans des conditions qui lui permettent de véritablement préparer sa défense et de préparer les interrogatoires avec la personne gardée à vue.
On est, aujourd’hui, bien loin du compte.
Nous n’avons de cesse de répéter que le texte du Gouvernement reste bien en deçà de ce qu’il devrait être pour garantir le droit à une assistance effective, telle que la souhaitaient le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation. Dans l’arrêt Sahraoui rendu par la Cour de cassation, le juge effectue une distinction claire entre la présence de l’avocat et l’assistance de l’avocat en statuant sur la base de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Vous en faites, pour votre part, une interprétation restrictive !
En tout état de cause, le texte aurait dû être modifié afin de garantir à la personne gardée à vue, pendant la durée entière de la mesure, le droit à l’assistance effective d’un avocat, qui comprend le droit de s’entretenir en privé, la présence aux auditions avec la possibilité de poser des questions et la possibilité d’avoir accès aux pièces du dossier au fur et à mesure de sa constitution.
Comme l’a rappelé la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, dans son avis rendu le 6 janvier 2011 sur ce projet de loi, l’avocat est plus souvent un vecteur d’apaisement et de sérénité, à condition qu’il ne soit pas cantonné à un rôle de surveillant privé de réels moyens de jouer son rôle primordial dans la garantie des droits de la défense !
Il convient également d’appréhender les besoins des barreaux, qui ne disposent ni des délais ni des subsides nécessaires à leur réorganisation à court terme. Rappelons également que, selon la CNCDH, pour que le droit à l’assistance d’un avocat en garde à vue soit effectif, les crédits alloués à l’aide juridictionnelle doivent être impérativement augmentés. Or les crédits alloués au service public de la justice ne cessent de s’amenuiser – nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’en discuter lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 – et sont réduits à une portion congrue.
Somme toute, l’impact de cette réforme sera très limité puisqu’elle ne prévoit pas les garanties inhérentes à l’exercice de ce droit à l’assistance effective d’un avocat. Les dispositions prévues à cet article ne sont que des expédients destinés à répondre aux injonctions européennes. Hélas, ces dispositions promettent, encore, un contentieux à venir.
M. le président. L'amendement n° 148 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'avocat peut également être désigné par un membre de la famille de la personne, son employeur, ou tout autre proche. Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’article 5 du projet de loi prévoit que la personne placée en garde à vue peut désigner un avocat ou, si elle ne peut pas le faire, se voir attribuer un avocat commis d’office.
Dans la pratique, nous savons que, très souvent, des personnes placées en garde à vue n’ont pas le réflexe de faire appel à un avocat qu’elles connaissent, et même qu’elles n’ont pas la moindre réaction. Très souvent, des conseils sont contactés directement par des proches, notamment des membres de la famille – conjoint, concubin, frère ou sœur, par exemple. Les avocats ainsi contactés rencontrent de grandes difficultés – et cela pose souvent un problème déontologique – à entrer en contact avec la personne gardée à vue. Cette situation étant très fréquente, il m’apparaît souhaitable qu’il soit possible pour les proches de la personne gardée à vue de proposer qu’un avocat choisi par eux soit désigné. Cette désignation devrait alors simplement être confirmée par la personne gardée à vue. Cela existe dans la pratique, mais des difficultés demeurent.
Je ne vois pas ce qui pourrait s’opposer à ce qui constituerait une vraie facilitation du processus de désignation. En effet, dans certains cas, et même assez souvent, l’avocat contacté par les proches se voit refuser l’accès aux locaux de garde à vue, faute d’avoir été désigné par la personne gardée à vue elle-même.
Il faut impérativement essayer de réparer ce dysfonctionnement en adoptant cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement ouvre à un proche la possibilité de désigner un avocat à condition que celui-ci soit agréé par la personne gardée à vue. Cela paraît aller de soi.
Cette disposition que vous proposez, monsieur Mézard, consacre en effet la pratique actuelle. Néanmoins – nous en avons parlé en commission –, votre amendement, tel qu’il est rédigé, pourrait entraîner des dérives et, en pratique, soumettre la personne gardée à vue à certaines pressions s’agissant du choix de son avocat. Pour ne parler que des cas de criminalité organisée, des trafics de stupéfiants impliquant de nombreux intervenants, cela n’est pas souhaitable.
La commission est par conséquent favorable à cet amendement, sous réserve d’une rectification. La première phrase se lirait ainsi : « L’avocat peut également être désigné par l’une des personnes susceptibles d’être informées du placement en garde à vue en application du premier alinéa de l’article 63-2. »