Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. En voyant le Gouvernement manœuvrer – je n’irai pas plus loin dans mes réflexions –, je pense à Georges Bernanos, ce grand chrétien, qui a dit que, si le ridicule tuait, il y a longtemps que l’église serait morte.
Le Dictateur, de Charlie Chaplin, a très bien montré en quoi l’arbitraire et l’excès pouvaient être redoutables.
Comme tout un chacun, je ne manquerai pas de rappeler que tuer un policier, un gendarme ou tout être humain est un acte horrible, qui doit être sévèrement sanctionné.
Je ne reviendrai pas sur les débats sur la constitutionnalité du texte, sur l’égalité entre les citoyens. En revanche, je pointerai le ridicule du texte si on le prend en creux. Il faudra protéger – nous en sommes tous d’accord – les préfets, les gendarmes, les policiers,... Je note, que, en route, monsieur le rapporteur, vous avez laissé tomber les gardiens d’immeuble et un certain nombre de braves gens. Il ne faudra surtout pas tuer un gendarme ou un policier dans les dix ans suivant l’obtention de la nationalité française. En revanche, une fois ce délai passé, l’auteur d’un tel crime sera sévèrement puni, bien sûr, mais il ne sera pas déchu de la nationalité française. Tout cela est grotesque !
Quiconque commet un crime de ce genre doit être sévèrement sanctionné. Tout le monde est d’accord sur ce point. Tout le reste, c’est de la propagande à destination de l’opinion publique. Monsieur le ministre, quoi que vous en disiez, vous avez bel et bien l’horizon 2012 dans votre viseur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. L’article 3 bis, en ses alinéas 3 et 4, constitue assurément la mesure la plus symbolique de ce texte. Il est surtout symptomatique de la façon dont le Gouvernement envisage les questions, ô combien sérieuses et complexes, des migrations. Dans ce domaine, il fait preuve de démagogie, d’opportunisme politique et d’instrumentalisation.
Il n’est contesté par personne, comme en témoignent toutes les interventions dans notre hémicycle, que la portée de cette disposition sera très limitée et qu’elle concernera peu d’individus. De ce point de vue d’ailleurs, l’incapacité du Gouvernement à fournir des statistiques sur le nombre de criminels auxquels aurait pu être appliquée la déchéance de la nationalité selon les termes de ce nouvel article, autrement dit les personnes ayant acquis la nationalité française depuis moins de dix ans, témoigne du peu de cas que le Gouvernement fait de la réalité.
Cette mesure, chacun le sait, sera peu dissuasive. Les peines susceptibles d’être appliquées à ce type de crimes contre des agents dépositaires de l’autorité publique sont déjà très lourdes. Leurs auteurs sont passibles, pour beaucoup d’entre eux, de la perpétuité, tout à fait légitimement. Notre arsenal judiciaire contre les actes odieux perpétrés contre des policiers, des gendarmes ou des magistrats est d’ores et déjà très complet. Quels que soient les auteurs de ces crimes, ils doivent être condamnés lourdement.
Les réponses de M. le ministre et de M. le rapporteur montrent bien ce qui nous sépare.
Ce qui nous inquiète – et nous le dénonçons –, c’est que le Gouvernement, monsieur le ministre, ne cesse de mêler dans son discours et dans ses initiatives législatives criminalité et immigration, proposant à nos concitoyens une image confuse et menaçante de l’étranger, alors même que la nouvelle donne mondiale appelle au contraire à renforcer nos capacités d’accueil, d’échange, de compréhension.
Avec les alinéas 3 et 4 et l’extension de la déchéance de la nationalité, monsieur le ministre, vous prenez la lourde responsabilité de pousser l’opinion publique sur une pente que ne doivent emprunter ni la république ni la justice. C’est une politique dangereuse et à court terme.
Telles sont les raisons pour lesquelles les alinéas 3 et 4 de l’article 3 bis doivent absolument être supprimés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. On s’énerve, on essaie de se convaincre sur cette question. Vous n’arrivez pas à comprendre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, pourquoi elle est très importante pour nous.
Dans un premier temps, monsieur le rapporteur, vous avez justifié l’extension de la déchéance de la nationalité par le fait que les crimes commis sont tellement odieux que ceux à qui on a fait l’honneur d’octroyer la nationalité française doivent savoir qu’elle peut leur être retirée. Vous avez encore l’illusion qu’une telle mesure peut être dissuasive. Nous sommes tous intervenus sur ce sujet. Personne n’est convaincu que le risque d’être déchu de la nationalité française pourrait être plus dissuasif que celui d’être condamné à perpétuité.
Ensuite, vous dites que cela ne laisse pas de trace. Nous essayons de vous convaincre que non seulement cette mesure ne sera pas efficace, mais que, d’un point de vue pédagogique et symbolique, elle sera néfaste pour notre société.
Au cours de la discussion générale hier, j’ai raconté une anecdote personnelle, que je vais répéter aujourd'hui. J’ai récemment participé à un débat télévisé avec Jacques Myard, député UMP, sur la déchéance de la nationalité. Alors que chacun avançait ses arguments, je lui ai dit qu’il était, comme moi, un représentant de la nation, de la République, mais que j’étais, moi, d’origine marocaine et que j’avais été naturalisé. Pensait-il, lui ai-je demandé, que nous étions aussi français l’un que l’autre ? Il n’a pas voulu me répondre. Nous étions en direct à la télévision, je lui ai posé quatre fois la question, il n’a jamais répondu !
Si un représentant UMP de la nation n’arrive pas à répondre à ma question, c’est parce qu’il a peur de mécontenter l’électorat auquel il s’adresse, qui ne me considère peut-être pas comme un Français comme les autres puisque je suis naturalisé. Sinon, cela lui serait facile de répondre à ma question. Je vous invite, mes chers collègues, à vous rendre sur les blogs, à regarder ladite émission. Vous verrez, c’est édifiant ! J’étais stupéfait.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, comprenez ce que nous vous disons : le message que vous envoyez flatte ceux qui pensent ainsi ou pour qui le fait d’être un Français d’origine étrangère pose problème.
Si M. Myard a du mal à me répondre, imaginez comment sont considérés ceux qui ne sont ni députés ni sénateurs !
Vous ne pouvez pas ignorer les conséquences des brèches que vous ouvrez. Elles font des dégâts dans les consciences de tous nos concitoyens. Alors qu’il faudrait les élever, vous cédez à la facilité : « Ah, mon bon monsieur, ce criminel a tué un gendarme, mais les socialistes ne veulent pas qu’il soit déchu de la nationalité française ! » Tout le monde trouvera cela odieux, naturellement, comme à l’époque du débat sur la suppression de la peine de mort. Il faut pourtant parfois faire preuve d’audace : aujourd'hui, plus grand monde ne remet en cause la suppression de la peine de mort, en tout cas pas la majorité des Français.
Comprenez donc notre propos, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, et cessez de vous réfugier derrière des arguties qui ne passent pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La polarisation sur la déchéance de la nationalité française ne doit pas masquer les autres dispositions du projet de loi. Le texte ne serait pas parfait même s’il ne comprenait pas l’article 3 bis.
Cet article, comme bien d’autres, contribue à diviser les Français, selon qu’ils sont anciens ou récents, et à stigmatiser les étrangers.
Monsieur le ministre, votre réponse sur la déchéance de la nationalité n’est pas convaincante.
Vous dites que la déchéance de la nationalité ne sera appliquée qu’à la suite d’actes très graves contre la communauté que forment les Français. L’assassinat du préfet Claude Érignac par un nationaliste corse – je ne me prononce par sur l’auteur – qui refuse la République fut un acte très grave. Que direz-vous de l’appartenance de cette personne à la communauté que forme la République ? Rien ! Vous ne pourrez pas la déchoir de sa nationalité !
En clair, ce projet de loi vise seulement à diviser les Français entre ceux qui sont nés en France de parents français et ceux qui ont acquis leur nationalité de manière plus tardive.
Par conséquent, mieux vaut, me semble-t-il, s’abstenir d’adopter de telles mesures.
En outre, personne ne peut croire à la valeur dissuasive de ce type de dispositions. Vous le savez comme moi, monsieur le ministre, l’application de la peine de mort n’a jamais empêché les crimes – demandez donc aux Américains, qui s’entêtent pourtant dans cette voie ! –, et son abolition n’a pas fait augmenter la criminalité.
Au final, ce sont seulement des mesures d’affichage, et d’affichage très nauséabond ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Certains de nos collègues se plaisent à nous faire des grands discours sur l’Europe et affirment que nombre de pays membres de l’Union européenne ont introduit la déchéance de nationalité dans leur législation.
Je souhaite donc rappeler un élément. Aux termes de la Convention européenne sur la nationalité, la déchéance de nationalité ne peut être prononcée qu’en cas de trahison et d’activité contre les intérêts essentiels de l’État, et non pour les autres infractions à caractère pénal, quelle que soit leur gravité. Je souligne que la France n’a pas voulu ratifier cette convention…
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 rectifié, 108 rectifié et 278.
J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe de l'Union centriste et, l'autre, du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 150 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 182 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.
(L'article 3 bis est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Article additionnel après l’article 3 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 279, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 3 bis insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les perspectives de ratification de la Convention de New York de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Il s’agit d’un amendement d’appel. Comme vous le savez, un certain nombre de textes internationaux visent à réduire le nombre d’apatrides.
Ainsi, la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, adoptée à New York le 30 août 1961, reconnaît un minimum de droits aux apatrides et incite les États à leur faciliter dans la mesure du possible l’acquisition de la nationalité. La France est signataire de cette convention des Nations unies, mais elle ne l’a jamais ratifiée.
Par conséquent, monsieur le ministre, nous souhaiterions connaître la position du Gouvernement sur les perspectives de ratification.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission ne juge pas opportun que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur un tel sujet et émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le 31 mai 1962, la France a effectivement signé la Convention sur la réduction des cas d’apatridie du 30 août 1961, mais elle ne l’a pas ratifiée.
Comme vous le savez, notre droit tient compte de cette convention depuis 1961, et notre pays demeure très attaché à la prévention des cas d’apatridie.
À ce stade, le Gouvernement ne prévoit pas d’engager le processus de ratification d’un tel accord.
En effet, deux dispositions du code civil relatives à la nationalité seraient incompatibles avec cette ratification ; elles concernent des cas de figure très précis qu’il est légitime d’envisager et que la Convention ne prend pas en compte. Il serait donc juste de réclamer une modification du texte conventionnel plutôt que du droit français.
D’abord, l’article 27-2 du code civil prévoit la possibilité d’abroger les décrets portant naturalisation, réintégration en cas de fraude ou de constat que l’intéressé ne remplissait pas les conditions légales pour obtenir la nationalité française. Si la Convention prévoit bien les cas de fraude – c’est le b) du 2 de son article 8 –, elle n’institue aucune dérogation dans l’hypothèse où le requérant ne satisferait pas aux conditions légales.
Ensuite, l’article 21-4 du même code, modifié en 2006, permet au Gouvernement de s’opposer à l’acquisition de la nationalité française « pour indignité ou défaut d’assimilation ». Cette opposition peut également avoir pour effet de rendre l’intéressé apatride lorsqu’aucun des cas n’est autorisé par la Convention.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 279.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3 ter
À l’article 27-2 du même code, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 109 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 280 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 109.
Mme Marie-Agnès Labarre. Nous souhaitons supprimer l’extension du délai pendant lequel un décret de naturalisation ou de réintégration de la nationalité française peut être rapporté par l’administration si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales en cas d’erreur.
En cas de fraude, le délai serait maintenu à deux ans à compter de la découverte de ladite fraude. En cas d’erreur sur les conditions légales, le délai actuel d’un an serait également porté à deux ans, à compter de la publication du décret.
Si l’erreur ou la fraude est avérée à l’issu de ce délai, le retrait de la nationalité est prononcé par un avis conforme du Conseil d’État.
De notre point de vue, les douze mois qui sont prévus actuellement sont suffisants pour mener à bien l’instruction préalable et l’éventuelle procédure de retrait, eu égard au respect du principe de sécurité juridique de l’intéressé.
Nous ne sommes pas favorables à l’extension du délai, qui aurait pour effet d’altérer les droits des personnes acquérant la nationalité française, en les plaçant dans une situation d’incertitude pendant une trop longue période. L’erreur et la fraude sont deux cas de figure différents ; le délai ne saurait donc être le même pour les deux, et il doit être proportionné à la gravité de l’acte.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 280.
M. Richard Yung. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté par Mme Labarre.
Le Gouvernement propose de modifier l’article 27–2 du code civil pour porter le délai pendant lequel un décret de naturalisation ou de réintégration de la nationalité française peut être rapporté de un an à deux ans. D’ailleurs, nous observons qu’il y a beaucoup de dispositions de la sorte dans le projet de loi.
Pour nous, une telle extension crée de l’insécurité juridique et fait peser les conséquences éventuelles d’une erreur d’appréciation de l’administration sur l’individu ayant formulé une demande de nationalité française, alors qu’il n’en est pas responsable. C’est un peu comme une peine supplémentaire…
Nous proposons donc d’en rester au délai actuel d’un an.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
L’allongement d’un an du délai pendant lequel un décret de naturalisation, de réintégration ou d’acquisition de la nationalité française peut être rapporté lorsqu’il apparaît que l’intéressé ne satisfait pas les conditions légales se justifie par la durée d’instruction moyenne de telles procédures.
Tel n’était pas le cas des décisions rapportées pour cause de fraude. C’est ce qui a conduit la commission des lois à supprimer l’allongement pour ces dernières.
Je souhaite ajouter deux éléments. D’une part, le retrait se justifie par l’illégalité initiale, qui aurait en principe dû interdire l’acquisition de la nationalité. D’autre part, les faits retenus pour rapporter la décision doivent être suffisamment graves, ce dont s’assure le juge saisi d’une demande d’annulation du retrait en vertu d’un arrêt de principe du Conseil d'État du 13 février 1974.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Il s’agit d’harmoniser les durées dont dispose l’État pour retirer la nationalité en maintenant le délai à deux ans pour mensonge ou fraude et en le faisant passer de un à deux ans en cas de non-respect des conditions légales. L’ensemble des délais serait de deux ans. Le Gouvernement reste sur cette position et émet un avis défavorable sur les amendements nos 109 et 280.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 109 et 280.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3 ter.
(L'article 3 ter est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article 26-3 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans le cas où une procédure d’opposition est engagée par le Gouvernement en application de l’article 21-4, ce délai est porté à deux ans. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
L'amendement n° 31 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 110 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 9.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 4 tend à allonger le délai d’enregistrement des déclarations acquisitives de nationalité française, à raison du mariage avec un français, afin de l’aligner sur le délai d’opposition du Gouvernement.
En effet, la modification proposée à l’article 4 a pour objet d’allonger d’une année supplémentaire le délai d’enregistrement de la déclaration.
Or rien ne justifie une telle inégalité de traitement des conjoints de ressortissants français par rapport aux autres personnes acquérant la nationalité française.
Le maintien des deux délais d’opposition ne se justifie pas plus et rend la situation juridique du déclarant conjoint de français au regard de la nationalité française provisoire et imprévisible.
Il convient donc d’adopter cet amendement afin de supprimer l’article 4 du projet de loi et de ne pas créer de discrimination supplémentaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 31 rectifié.
Mme Anne-Marie Escoffier. Je ne reprendrai pas les arguments qui viennent d’être développés. J’ajoute simplement que ce nouveau durcissement ne me paraît en aucun cas justifié. Il accentue la défiance à l’égard des étrangers alors que, à l’heure actuelle, toute notre action vise à faire en sorte que les étrangers soient mieux et plus vite intégrés. C’est notamment l’objet des contrats d’intégration.
Ce durcissement paradoxal, voire contradictoire, nous gêne, raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 110.
Mme Éliane Assassi. L’article 4 vise à étendre le délai pendant lequel l’administration peut refuser d’enregistrer une déclaration de nationalité française à raison d’un mariage en cas d’opposition formée par le Gouvernement afin d’aligner le délai d’enregistrement sur le délai d’opposition du Gouvernement.
En effet, le Gouvernement dispose d’un délai de deux ans pour s’opposer à l’acquisition de la nationalité de conjoints étrangers pour indignité ou défaut d’assimilation.
Ainsi, la décision de refus d’enregistrement par l’administration pourrait intervenir également dans un délai de deux ans au lieu d’un an actuellement. Ce délai de deux ans est excessif dans les deux cas. Il crée une grande insécurité et met le conjoint dans une situation imprévisible durant une période prolongée.
Certes, il est vrai que vous vous plaisez à laisser planer le plus grand soupçon sur les mariages mixtes alors même que les conjoints de ressortissants français sont présumés intégrés.
Depuis 2006, le Gouvernement a engagé un processus visant à diminuer l’immigration familiale en rendant le parcours d’intégration des conjoints particulièrement difficile. Alors que les délais et les contrôles prévus sont déjà nombreux, ils ne cessent d’être renforcés.
Nous refusons de souscrire à cet article, qui s’inscrit dans la droite ligne de la politique de restriction des conditions et d’augmentation des délais d’acquisition de la nationalité française. Avec les quatre années de mariage exigées, le délai de deux ans pendant lequel le Gouvernement peut s’opposer à l’acquisition de la nationalité et les deux ans supplémentaires après l’annulation de la décision de refus, il faut aujourd’hui entre sept et neuf ans pour que le conjoint acquière la nationalité française, contre cinq ans pour les candidats à la naturalisation !
Cette inégalité de traitement au détriment des conjoints de ressortissants français est injustifiable et ne saurait être renforcée par cet article 4, dont nous demandons la suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’allongement à deux ans du délai pendant lequel l’administration peut refuser l’enregistrement d’une déclaration d’acquisition de la nationalité française par mariage vise à rendre ce délai compatible avec le délai de deux ans pendant lequel le Gouvernement peut s’opposer à l’acquisition de la nationalité par le déclarant pour des raisons d’indignité ou de défaut d’assimilation autres que linguistiques.
Le délai actuel d’un an fait que l’administration peut être conduite à enregistrer la déclaration, ce qui permet à l’intéressé d’acquérir la nationalité française alors même que le Gouvernement envisage d’y faire opposition et attend pour cela, par exemple, les résultats d’une enquête en cours. Si l’opposition est fondée, il en résulte une insécurité juridique pour l’intéressé, qui pourra voir l’acquisition de sa nationalité remise en cause. L’alignement des délais de refus d’enregistrement et d’opposition est donc opportun.
J’ajoute que, contrairement à ce qu’estiment les auteurs des amendements, cette disposition ne porte pas atteinte au principe d’égalité compte tenu de la différence de situation des conjoints par rapport aux autres candidats à l’acquisition de la nationalité française. Il convient de donner à l’administration les moyens de lutter contre la fraude en matière matrimoniale. D’ailleurs, d’ores et déjà, le délai prévu pour le refus d’enregistrement est d’un an, contre six mois dans les autres cas.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Concrètement, la mesure prévue à l’article 4 permettra d’éviter qu’une incohérence apparaisse si, dans le délai d’examen de l’opposition, la déclaration de nationalité est engagée et que, quelques semaines ou mois plus tard, lui succède la décision d’opposition.
La mesure ne met donc pas en cause les droits des conjoints de Français, comme j’ai pu l’entendre dire tout à l’heure. Elle est un outil nécessaire pour faire respecter la loi dans les cas d’abus et ne concerne pas l’ensemble des situations qui ont pu être évoquées par ailleurs.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9, 31 rectifié et 110.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)