M. François Trucy, rapporteur. Je répondrai précisément à M. Marc, qui a soulevé une question importante.

Le principe de la réalisation d’études d’impact a été introduit par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, mais il n’est cependant applicable que depuis l’adoption de la loi organique du 15 avril 2009, alors que le présent projet de loi a été adopté par le conseil des ministres et déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale antérieurement, le 30 mars 2009. Il n’est donc pas, juridiquement, soumis à l’obligation de présentation d’une étude d’impact.

Cela étant, la commission des finances souligne qu’une clause de revoyure est explicitement prévue par le projet de loi.

Mme Nicole Bricq. C’est à la mode !

M. François Trucy, rapporteur. En outre, une étude d’impact accompagnant un projet de loi vise simplement à établir un état des lieux. Or le rapport de la commission des finances, que je vous engage à lire attentivement, mon cher collègue, présente sur soixante-dix pages tous les éléments permettant de mesurer l’incidence des dispositions du projet de loi.

La commission vous invite donc à retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, une étude d’impact préalable n’est pas obligatoire en l’occurrence, puisque le présent projet de loi a été déposé antérieurement à l’adoption de la loi organique.

Cependant, ce texte, comme tous les projets de loi, a fait l’objet d’un travail très approfondi. Nous avons beaucoup observé et écouté. Nous avons ainsi rencontré les opérateurs, les représentants du monopole, les associations familiales, les responsables des filières sportives, de la filière équestre, les casinotiers et les médecins spécialistes des addictions. Nous avons également étudié ce qui se passait à l’étranger. Bref, nous avons vraiment essayé de faire la part des choses.

A priori, nous y sommes parvenus, car si certains considèrent que nous allons trop loin, les opérateurs, quant à eux, nous reprochent d’être trop timides. Il semble donc que nous ayons trouvé un équilibre à peu près satisfaisant…

En tout état de cause, le dispositif a fait l’objet d’une analyse très circonstanciée, comme en témoigne par exemple le rapport de M. Trucy. En outre, le texte prévoit une clause de rendez-vous dans les dix-huit mois, qui nous permettra, le cas échéant, de rectifier le plus vite possible d’éventuelles erreurs, sur la base d’une évaluation.

Je pense donc que vous devriez pouvoir être rassuré quant à la qualité et au sérieux du travail qui a été accompli, monsieur Marc.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Je tiens à rassurer à mon tour M. le ministre et M. le rapporteur : nous n’avons pas l’intention de remettre en cause le travail d’analyse de la situation présente et passée qui a été effectué.

Nous disons simplement qu’il existe suffisamment d’éléments nouveaux et de points d’interrogation concernant l’avenir des jeux en ligne pour que le Parlement prenne le temps de tout étudier en détail. Depuis plusieurs décennies, les évolutions de la législation ont été introduites de façon très prudente dans un domaine économique qui n’est pas comme les autres. Il convient donc de prendre beaucoup de précautions.

Que l’on n’invoque pas la proximité de la Coupe du monde de football pour nous inciter à aller vite et à bâcler l’examen de ce texte.

M. Philippe Marini. Il faut éviter l’évasion fiscale !

M. François Marc. M. Barnier a annoncé qu’un texte d’orientation européen sur les jeux serait présenté d’ici à la fin de l’année. Il ne serait peut-être pas inutile d’attendre d’en avoir connaissance pour nous assurer que nous sommes « dans les clous ».

En outre, nous n’avons pour l’heure pas de vision claire de l’équilibre financier global du dispositif. Nous savons simplement que 2 milliards d’euros de recettes sur 5,5 milliards vont être perdus, mais nous ignorons comment cette perte sera compensée : c’est là une question grave.

Enfin, j’ai énuméré à l’instant les éléments devant figurer dans une étude d’impact. J’appelle l’attention sur certaines études alarmantes publiées ces derniers jours, notamment celle du professeur Mark Griffiths, de l’université de Nottingham, qui indique que le taux d’addiction passe de 0,5 % à 5 % lorsque le jeu est en ligne. Cela devrait nous conduire, par application du principe de précaution, à être très attentifs aux risques que courent nos concitoyens, surtout les plus modestes et les plus fragiles d’entre eux, qui sont souvent ceux qui jouent le plus. Sur ce point aussi, il serait bon de disposer d’une étude d’impact.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Contrairement à ce qui a été dit à plusieurs reprises, la Commission européenne ne présentera pas de texte d’orientation sur les jeux d’ici à la fin de l’année : elle étudie la situation à cet égard dans les différents États membres, situation qui est souvent intenable ! Un tel texte n’est donc pas d’actualité, d’autant qu’il n’y a même pas d’accord sur les grandes orientations. Il s’agit simplement d’établir un état des lieux.

Par ailleurs, monsieur Marc, les jeux en ligne existent déjà. Vous ne pouvez donc pas nous accuser de créer une addiction supplémentaire ! L’idée est de réguler une pratique actuellement anarchique, en fixant un cadre ouvert, mais qui permettra une certaine maîtrise. Le monopole actuel coexiste avec une offre abondante de jeux illégaux en ligne. Notre volonté est de prendre en compte cette réalité, mais en régulant les choses. C’est uniquement de cela dont il s’agit ! En effet, les phénomènes d’addiction sont bien pires lorsque le jeu est illégal.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

Article additionnel avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne
Article 1er

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er

I. – La politique de l’État en matière de jeux d’argent et de hasard a pour objectif de limiter et d’encadrer l’offre et la consommation des jeux et d’en contrôler l’exploitation afin de :

1° Prévenir les phénomènes d’addiction et de protéger les mineurs ;

2° Assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ;

3° Prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

4° Veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d’éviter toute déstabilisation économique des filières concernées.

II. – (Non modifié) Compte tenu des risques d’atteinte à l’ordre public et à l’ordre social, l’exploitation des jeux d’argent et de hasard est placée sous un régime de droits exclusifs délivrés par l’État.

Pour les mêmes motifs, sont soumis à un régime d’agrément, dans les conditions prévues par la présente loi, les jeux et les paris en ligne qui font appel au savoir-faire des joueurs et, s’agissant des jeux, font intervenir simultanément plusieurs joueurs.

III. – 1° Il est institué auprès du Premier ministre un comité consultatif des jeux ayant compétence sur l’ensemble des jeux d’argent et de hasard. Il est chargé de centraliser les informations en provenance des autorités de contrôle et des opérateurs de jeux, d’assurer la cohérence de la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard au regard des objectifs généraux mentionnés au I et d’émettre des avis sur l’ensemble des questions relatives à ce secteur et sur l’information du public concernant les dangers du jeu excessif.

2° Le comité comprend un collège composé de dix-neuf membres dont le secrétariat est assuré par les services du Premier ministre. Il est présidé par un membre du Parlement.

Il comprend également un observatoire des jeux composé de huit membres, et deux commissions consultatives dont les membres peuvent être membres du collège. Ces deux commissions sont chargées de mettre en œuvre, respectivement, la politique d’encadrement des jeux de cercles et de casinos et celle des jeux et paris sous droits exclusifs.

3° Un décret en Conseil d’État précise les conditions de désignation des membres des différentes formations du comité et définit leurs modalités de saisine, d’organisation et de fonctionnement.

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mme Payet et MM. Détraigne et Merceron, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

et la consommation

par les mots :

, la consommation et la publicité

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à encadrer non seulement l’offre et la consommation, mais aussi la publicité pour les jeux d’argent et de hasard. En effet, nous connaissons tous la puissance incitative de la publicité.

En 2006, d’après l’Institut national de la statistique et des études économiques, près de 30 millions de personnes ont tenté leur chance au moins une fois dans l’année. Le chiffre d’affaires des jeux autorisés est passé de 98 millions d’euros en 1960 à 37 milliards d’euros en 2006. Un rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale nous apprend en outre que, en sept ans, les mises des joueurs ont augmenté de 77 % pour la Française des jeux, de 91 % pour le PMU en ce qui concerne les paris sur hippodromes et de 75 % pour les casinos. La publicité a sûrement joué un rôle important dans cette évolution.

Des études menées sur les jeux d’argent et de hasard mettent en évidence leurs effets néfastes : paupérisation accrue, surendettement, suicides, problèmes familiaux, divorces liés aux jeux, co-addiction à des substances telles que l’alcool et la drogue.

Quant aux jeux sur internet, qui se sont développés fortement ces dernières années, les spécialistes disent que leur pratique peut devenir néfaste à certains joueurs et engendrer des dommages individuels, familiaux, sociaux et professionnels, voire prendre la dimension d’une réelle addiction.

En effet, le jeu en ligne, anonyme et solitaire, est plus facile et plus confortable que le jeu en public. Le joueur échappe aux éventuelles mises en garde. De nombreux auteurs mettent l’accent sur la dimension ambiguë du recours à l’internet : il est positif pour les individus bien intégrés socialement, négatif pour les sujets isolés ou souffrant de difficultés psychologiques.

La prévalence du jeu pathologique est devenue une véritable préoccupation pour les pouvoirs publics : on estime que de 400 000 à 800 000 personnes seraient concernées en France.

Le rapport de l’INSERM préconise d’imposer une charte de bonne conduite aux éditeurs de jeux, comportant notamment une interdiction d’encourager à rejouer. En attendant de concrétiser cette proposition, je crois que nous devons adopter le présent amendement, car la politique de l’État doit aussi avoir pour objectif d’encadrer la publicité pour les jeux d’argent et de hasard, celle-ci ayant une incidence nuisible sur une grande partie de la population.

Je sais que les opérateurs sont opposés à la limitation de la publicité. Ils préfèrent évoquer le développement d’une publicité responsable et positive, mais s’il s’agit de diffuser des messages comme « jouez avec modération » ou « l’abus de jeu est dangereux pour la santé », nous connaissons d’avance le résultat !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Trucy, rapporteur. Madame Payet, nous savons tous quel combat obstiné vous menez contre certains fléaux sociaux, particulièrement l’addiction à l’alcool. En l’occurrence, nous partageons tout à fait votre souci de lutter contre l’addiction au jeu.

Pour autant, si votre amendement est légitime, est-il utile ? Il va en effet de soi, à nos yeux, que l’encadrement de la consommation de jeux passe par celui de la publicité, qui est d’ailleurs clairement prévu à l’article 4 bis. Il me semble donc que cet article vous donne satisfaction, l’expression « communication commerciale » étant préférée, dans le projet de loi, au mot « publicité ».

D’une manière générale, gardons l’esprit de l’article 1er, madame Payet. Ne nous en veuillez pas de vous demander de bien vouloir retirer cet amendement, qui est donc largement satisfait par ailleurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit d’un amendement important, qui rejoint les préoccupations du Gouvernement en matière de publicité pour les jeux. Cela étant, il est largement satisfait par l’article 4 bis, qui prévoit un encadrement de cette publicité. Sur cette question, j’ai d’ailleurs demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel un rapport, que je tiens à votre disposition, madame Payet.

La publicité pour les jeux sera très encadrée, l’objectif du Gouvernement étant à la fois d’éviter la promotion de sites illégaux et de protéger les personnes les plus fragiles ou les plus enclines à l’addiction.

Nous sommes donc tout à fait d’accord sur le fond, madame la sénatrice. Au bénéfice de ces explications, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement.

M. le président. Madame Payet, l’amendement n° 40 est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Payet. Oui, monsieur le président, parce que je crois tout de même utile de préciser dans la loi que l’État doit s’occuper aussi de la publicité pour les jeux.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Je considère que l’amendement de Mme Payet va dans le bon sens.

Tout à l’heure, vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que les jeux en ligne se développeront quoi qu’il arrive, la loi visant simplement à les réguler. Par conséquent, les phénomènes d’addiction prendront également de l’ampleur, et il convient d’en tenir compte.

J’ajoute que cette tendance sera renforcée par la libéralisation des jeux en ligne qui sous-tend le présent texte. De trente à cinquante opérateurs, voire davantage, devraient obtenir une licence. La concurrence sera exacerbée, et l’on estime déjà que le budget publicitaire annuel pour les jeux pourrait atteindre 200 millions d’euros : c’est considérable ! En particulier, cette déferlante, envahissant tous les médias, pèsera très lourdement sur le comportement des plus jeunes, jusqu’au conditionnement.

Par conséquent, il est légitime de souhaiter réglementer la publicité pour les jeux de façon stricte, en allant au-delà de ce qui est prévu à l’article 4 bis. C’est pourquoi nous voterons l’amendement n° 40.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. L’amendement ne va pas dans le sens indiqué par M. Marc : il pose simplement un principe général. Ce qui importe, c’est le dispositif très précis d’encadrement de la publicité de l’article 4 bis, que je vous invite à relire, madame Payet, car il vous donne entièrement satisfaction.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je crois moi aussi, madame Payet, que votre amendement est parfaitement satisfait, tant par le premier alinéa de l’article 1er que par l’article 4 bis. Par conséquent, à la suite de M. le rapporteur, je vous invite à le retirer.

En effet, aux termes du premier alinéa de l’article que nous examinons, « la politique de l’État en matière de jeux d’argent et de hasard a pour objectif de limiter et d’encadrer l’offre et la consommation des jeux » : la publicité est forcément visée. Il est vrai que, dans ce domaine, nous assistons actuellement à un déchaînement qui fait douter de la volonté des opérateurs historiques de prévenir l’addiction au jeu. Peut-être ceux-ci pourraient-ils calmer leurs ardeurs…

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. M. le président de la commission des finances vient de nous dire que la limitation et l’encadrement de l’offre et de la consommation des jeux inclut la publicité. Dans ces conditions, pourquoi ne pas mentionner explicitement celle-ci ? Nous soutenons l’amendement présenté par Mme Payet.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Payet. Je ne comprends pas en quoi mon amendement gêne la commission des finances et le Gouvernement. Pourquoi ne pas faire expressément référence à la publicité ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Je le répète, au risque d’anticiper sur la discussion de l’article 4 bis : votre amendement ne me gêne pas, madame Payet, mais la loi doit être correctement rédigée. Or le texte a pour objet non pas d’encadrer la publicité, mais d’ouvrir le marché des jeux. La publicité est un moyen de cette ouverture, déjà encadré par l’article 4 bis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

les phénomènes d'addiction

par les mots :

le jeu excessif ou pathologique

La parole est à M. Nicolas About, rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. L’expression « phénomènes d’addiction » nous apparaît quelque peu restrictive et vise d’emblée la phase pathologique de dépendance, en omettant tout un volet important de la prévention, portant sur le jeu excessif.

Il nous semble donc qu’il faut distinguer l’addiction de l’assuétude, qui ne relève pas encore véritablement de la pathologie : il s’agit plutôt d’une habitude, tandis que la notion d’addiction recouvre un état de dépendance, d’asservissement. À ce stade, il est un peu tard pour faire de la prévention ; c’est plutôt d’un traitement que la personne concernée a besoin.

Selon l’INSERM, la part de la « mauvaise habitude » serait, suivant les pays, de deux à cinq fois plus importante que celle du jeu pathologique. Il me semble donc préférable de modifier le vocabulaire employé dans le texte comme le propose la commission des affaires sociales au travers de son amendement.

M. le président. L'amendement n° 94, présenté par MM. Marc, Lozach, Bérit-Débat et Daudigny, Mme Blondin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

d'addiction

par les mots :

de jeu problématique, d'addiction, de co-vulnérabilité

La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement, proche de celui que vient de présenter M. About, vise à élargir la problématique de l’addiction stricto sensu aux notions de « jeu problématique » et de « co-vulnérabilité ».

Le jeu problématique correspond à la phase qui précède l’addiction proprement dite. On observe alors, par exemple, que la fréquence et le montant des mises augmentent. Il est reconnu par les spécialistes que le jeu problématique entraînant l’addiction est identifiable à ce stade, et qu’en le prévenant on peut éviter les dérives addictives.

Quant à la notion de co-vulnérabilité, elle désigne la tendance des victimes d’une addiction à en subir d’autres.

D’après l’étude menée en 2007 à l’université de Nottingham et déjà évoquée par M. Marc, 36 % des joueurs en ligne sont fumeurs, contre 27 % des joueurs en dur. Les premiers sont plus enclins à fumer que les seconds, d’abord parce qu’il n’est plus permis de fumer dans les lieux publics, ensuite parce que les joueurs préfèrent fumer chez eux.

De même, un joueur en ligne sur cinq déclare avoir bu plus de quatre fois la dose d’alcool recommandée dans ses jours de consommation élevée. Dans l’année précédant l’étude, on a constaté une tendance beaucoup plus forte à s’alcooliser chez les joueurs en ligne que chez les joueurs en dur.

Les joueurs en ligne qui fument chez eux sont également plus enclins à boire, le coût de leur consommation d’alcool étant moins élevé que dans un casino, et leur sentiment de sécurité plus grand, dans la mesure où ils n’ont pas à conduire.

Enfin, le surendettement et la dépression font aussi partie des conséquences ou des facteurs aggravant la dépendance.

Ces formes de co-vulnérabilité liées au jeu en ligne doivent également faire l’objet d’une prévention accrue et en ligne. Il s’agit en quelque sorte d’appliquer plus strictement le principe de précaution, auquel nous sommes attachés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Trucy, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 2, nous ne souhaitons pas la suppression du terme « addiction », qui, même s’il est d’un usage relativement récent dans le domaine médico-social, constitue souvent un repère. Cela étant, la commission aimerait connaître l’avis du Gouvernement sur ce point.

Concernant l’amendement n° 94, nous comprenons très bien que chacun souhaite apporter sa contribution à la définition des notions, mais l’introduction de celles de « jeu problématique » et de « co-vulnérabilité » est plutôt perturbatrice, d’autant que la seconde constitue une innovation. Nous connaissons tous les phénomènes de co-addiction, mais est-ce la vocation de la loi d’entrer dans le détail des associations d’addictions et de faire référence à de telles énumérations ? La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est tout à fait favorable à l’amendement n° 2, qui permet de préciser les choses.

Il est en revanche défavorable, comme la commission, à l’amendement n° 94, quelque peu superfétatoire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 94 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 51, présenté par MM. Marc, Lozach, Bérit-Débat et Daudigny, Mme Blondin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et de favoriser le financement et le développement du sport

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Le sport est le support des paris en ligne. Pour autant, les paris sportifs ne concernent pas toutes les disciplines. Il y a une réalité du marché des paris : ce sont les événements les plus médiatiques qui drainent ceux-ci, tandis que bien d’autres, plus confidentiels, ne suscitent guère d’intérêt.

Pour le dire plus simplement, le président de la Ligue de football professionnel se frotte d’avance les mains, tandis que le président de la Fédération française de badminton, par exemple, n’attend pas grand-chose de la légalisation des paris en ligne !

Face à cette réalité, nous avons, là aussi, un choix politique à faire : on peut décider de laisser les fédérations, voire les clubs, discuter de gré à gré avec les opérateurs en ligne, au risque de voir certaines fédérations réaliser des bénéfices importants, tandis que d’autres seront exclues du système ; on peut aussi choisir de favoriser la mise en place d’un système permettant à chaque fédération de bénéficier, fût-ce dans une modeste mesure, des accords de partenariat conclus avec les opérateurs de paris en ligne.

Cette seconde option présente l’inconvénient de la redistribution – certains estimeront toujours anormal de devoir partager une manne financière avec de moins bien lotis qu’eux –, mais aussi et surtout ses avantages : une politique volontariste de redistribution des gains liés aux partenariats avec les opérateurs de jeux permettra d’aider les fédérations sportives confidentielles à développer leur activité et à renforcer leur attractivité.

L’État doit donc veiller à ce que cette redistribution s’opère, de manière à favoriser le développement du sport en général et à améliorer le quotidien financier des petites fédérations en particulier.

C’est la raison pour laquelle il me paraît nécessaire de mentionner dans cet article qui énumère les missions de l’État en la matière le développement du sport. Si l’on comprend qu’il faille aider la filière équine, on conçoit mal pourquoi l’État ne se donnerait pas les moyens de renforcer la pratique sportive en général. C’est après tout un objectif de santé publique.

Je vois un dernier argument pour justifier l’introduction de cette disposition dans le texte.

En Italie, les droits télévisés du football sont négociés directement entre les clubs et les diffuseurs, ce qui a entraîné un renforcement des inégalités entre les clubs, qui étaient déjà importantes. J’estime qu’il faut se prémunir contre une telle dérive, à la fois au sein d’un sport particulier et entre tous les sports. Il serait en effet préjudiciable de n’évaluer l’utilité sociale d’un sport qu’à l’aune de son rendement financier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Trucy, rapporteur. Le financement et le développement du sport sont liés à l’objectif de non-déstabilisation économique des filières, non seulement celle du cheval – qui était implicitement visée dans l’amendement adopté à l’Assemblée nationale –, mais encore celle du sport. Le prélèvement au profit du CNDS traduit bien cet objectif.

Inscrire dans la loi la précision suggérée par les auteurs de l’amendement ne paraît donc pas nécessaire, mais la commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

Il existe déjà un reversement au profit du sport. Si l’on faisait référence à cette filière, il faudrait également citer la filière hippique, voire le patrimoine. D’ailleurs, un amendement de même nature concernant la seule filière hippique avait été présenté à l’Assemblée nationale. Il me paraît clair que toutes les filières sont concernées.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le ministre, notre amendement n’enlève rien au texte ! La manne des jeux en ligne va certes profiter au sport, mais d’abord au football et au tennis en matière de disciplines, et au sport de haut niveau en termes de catégories.

Je rappelle que les crédits du CNDS, alimentés en grande partie par la Française des jeux et destinés principalement au sport amateur, connaissent une baisse depuis trois exercices. Les prévisions réalisées à partir des prélèvements existants et du nouveau prélèvement de 1,3 % sur les jeux en ligne et en dur prévu aux termes du projet de loi mais qui ne sera mis en œuvre qu’après la promulgation de la loi s’élèvent au maximum, pour 2010, à 208 millions d’euros. Je crains donc que le sport amateur, le sport en général ne pâtisse de cette baisse des crédits.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)