Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Michelle Demessine
2. Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés. – Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur.
M. Bernard Frimat, Mme Françoise Laborde, M. Jean Louis Masson, le rapporteur, Mme Catherine Troendle, MM. Richard Yung, David Assouline.
M. le secrétaire d'État.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 1 de M. Jean-Pierre Bel. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Marc Todeschini. – Rejet par scrutin public.
Motion no 3 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jacques Mahéas. – Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 2 de M. Jean Louis Masson. – MM. Jean Louis Masson, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet par scrutin public.
MM. Jean-Pierre Sueur, le président.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
3. Candidatures à une commission
4. Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés. – Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Articles additionnels avant l'article unique
Amendement n° 7 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. – Rejet par scrutin public.
MM. Bernard Frimat, le président.
Suspension et reprise de la séance
MM. Jean-Pierre Sueur, le président.
Articles additionnels avant l’article unique (suite)
Amendement n° 5 de M. Jean-Louis Masson. – MM. Jean Louis Masson, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 4 de M. Jean-Louis Masson. – M. Jean Louis Masson.
Amendement n° 13 de M. Jean-Marc Todeschini. – M. Daniel Reiner.
MM. le rapporteur, le ministre, Jean Louis Masson. – Rejet des amendements nos 4 et 13.
Amendement n° 11 de Mme Jacqueline Alquier. – Mme Jacqueline Alquier, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 19 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 26 de M. Pierre-Yves Collombat. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 29 de M. Jean-Jacques Lozach. – Mme Renée Nicoux, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 30 de M. Philippe Adnot. – MM. Philippe Adnot, le rapporteur, le secrétaire d'État, Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
MM. Pierre-Yves Collombat, Louis Mermaz.
Amendements identiques nos 8 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 9 de M. Bernard Frimat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Bernard Frimat, Jack Ralite, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Amendement n° 10 de M. Yannick Bodin. – MM. Yannick Bodin, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 12 de M. Jean-Marc Todeschini. – MM. Daniel Reiner, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
MM. Hugues Portelli, le président.
Amendement n° 14 de M. Jacques Berthou. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 15 de Mme Christiane Demontès. – MM. Louis Mermaz, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 16 de Mme Catherine Tasca. – Mme Catherine Tasca, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 17 de M. Daniel Reiner. – MM. Daniel Reiner, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jacques Mahéas. – Rejet.
Amendement n° 18 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, Hugues Portelli, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – Rejet.
Amendement n° 20 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 21 de M. Jacques Mahéas. – MM. Jacques Mahéas, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 22 de Mme Michèle André. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 23 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 24 de M. Michel Sergent. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 25 de M. Jean-Jacques Mirassou. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 27 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 28 de M. Louis Mermaz. – MM. Louis Mermaz, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
MM. Jean Desessard, Bernard Frimat, Louis Mermaz, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Joëlle Garriaud-Maylam.
Adoption définitive, par scrutin public, de l'article unique du projet de loi.
M. le président.
5. Nomination d’un membre d'une commission
6. Réforme des collectivités territoriales. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
Division additionnelle avant le titre Ier (suite)
Amendement n° 346 rectifié de M. Pierre-Yves Gérard Collombat (suite). – M. Jean-Claude Peyronnet, Mme Éliane Assassi, MM. Michel Boutant, Yves Daudigny. – Rejet par scrutin public.
M. Jean-Pierre Sueur.
MM. Jean Desessard, le président.
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement n° 109 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Bernard Vera, Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; Pierre-Yves Collombat, Michel Boutant, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Philippe Adnot, Jean-Pierre Sueur. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 112 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre, Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 645 rectifié de M. Nicolas About et sous-amendement no 685 de M. Yvon Collin. – MM. Nicolas About, Jacques Mézard, le rapporteur, le ministre, Philippe Adnot, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Yves Daudigny, Jean-Pierre Sueur, Jean Desessard, Pierre-Yves Collombat, Hervé Maurey, Jean-Claude Peyronnet, Michel Boutant, Claude Biwer. – Rejet, par scrutin public, du sous-amendement ; adoption, par scrutin public, de l'amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 357 rectifié bis de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Jean-Pierre Sueur.
Amendement n° 583 rectifié de Mme Dominique Voynet. – M. Jean Desessard.
MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Sueur, Jean Desessard. – Rejet des amendements nos 357 rectifié bis et 583 rectifié.
Amendement n° 348 de Mme Michèle André. – MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre, Mmes Nathalie Goulet, Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.
Amendement n° 347 rectifié de Mme Michèle André. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre, Hervé Maurey, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Claude Biwer, Mme Dominique Voynet. – Rejet.
Amendement n° 111 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 114 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 113 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
MM. le président, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.
Renvoi de la suite de la discussion.
7. Décisions du Conseil constitutionnel
8. Saisine du Conseil Constitutionnel
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
Mme Michelle Demessine.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés
Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés (projet de loi n° 207, texte de la commission n° 219, rapport n° 218).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un peu plus d’un mois, le 14 décembre 2009, je vous présentais ici même le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés, dernière étape de l’ajustement de la carte électorale entamé voilà maintenant près de deux ans.
L’examen et le vote de ce texte par la Haute Assemblée, juridiquement nécessaire pour que l’ordonnance ne soit plus un acte administratif mais acquiert force de loi, vous plaçaient dans une situation inédite par rapport aux délimitations effectuées sous la Ve République : pour des raisons que j’avais alors exposées, vous n’avez en effet examiné au fond ni l’ordonnance de1958 procédant à la première délimitation des circonscriptions législatives ni le projet de loi qui, à la suite du rétablissement du scrutin majoritaire en 1986, a tracé les circonscriptions actuelles.
Je ne reviendrai pas sur l’incident qui s’est produit lors du vote au scrutin public d’un amendement supprimant l’article unique du projet de loi de ratification, ni sur les circonstances qui l’ont entouré.
M. Daniel Raoul. Cela vaut mieux !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je souhaite en revanche m’exprimer sur les propos que j’ai tenus à l’Assemblée nationale mardi dernier, propos relatifs au précédent ainsi créé par le rejet du projet de loi de ratification par une majorité fortuite de sénateurs.
Que les choses soient bien claires, ces propos visaient non pas le Sénat dans son ensemble (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), mais bien – et chacun l’aura compris, j’en suis sûr – les sénateurs qui avaient fait voter cet amendement. Et c’est à leurs collègues députés de l’opposition que mes paroles s’adressaient à l'Assemblée nationale.
Leur attitude a en effet conduit à une nouvelle lecture d’un texte…
M. Jean-Marc Todeschini. Ce n’est pas l’attitude, c’est le règlement !
M. Bernard Frimat. Ce n’est pas vrai !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … et elle revenait sur une tradition bien établie : celle selon laquelle une assemblée parlementaire ne s’immisce pas dans les questions touchant les membres de l’autre assemblée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. C’est faux !
M. Jean-Marc Todeschini. Il faut supprimer le Sénat !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je ne me serais pas permis d’invoquer une telle position traditionnelle si elle n’avait pas été évoquée à plusieurs reprises, et encore tout récemment, dans cet hémicycle. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Sueur. Pas partout !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’ai d'ailleurs pris le soin de m’en entretenir avec le président de votre commission des lois et j’ai également demandé audience à M. le président du Sénat.
Ainsi, en 1986, lors des débats sur la nouvelle délimitation des circonscriptions législatives, c’est l’ancien président de votre commission des lois, M. Jacques Larché, qui avait constaté que « le Sénat, par principe, ne remettait pas en cause les choix arrêtés par les députés en la matière ». Il avait alors relevé que, sur les neuf lois ayant procédé à de nouveaux découpages ou autorisé les redécoupages précédents, six avaient été adoptées sans modification et trois avec de simples modifications rédactionnelles ou de coordination. Il vous avait en conséquence proposé d’opposer la question préalable au projet de loi, ce que vous aviez fait alors, au motif qu’il ne vous appartenait pas de statuer sur les modalités d’élection des membres de l’Assemblée nationale.
Plus récemment, lors de l’examen en commission du projet de loi habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnance à l’ajustement de la carte électorale, le rapporteur de ce texte, Patrice Gélard, avait estimé « que le Sénat, conformément à une tradition républicaine bien établie, »…
M. Bernard Frimat. Faux !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … « ne devait pas remettre en cause le choix des députés relatif à leur régime électoral ».
Il avait confirmé très nettement cette position en séance publique ; je cite certaines de ses interventions : « le Sénat ne se mêle pas de ce qui concerne l’Assemblée nationale ! » ; « je ne vais pas le répéter dix fois : c’est la règle que nous avons toujours appliquée ! »
M. Jean-Marc Todeschini. Non !
M. Pierre-Yves Collombat. Pas toujours !
M. Jean-Marc Todeschini. C’est à pleurer !
M. Jean-Pierre Sueur. Lisez la Constitution ! C’est le Parlement tout entier qui fait la loi !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il s’agit, je le répète, de citations de l’éminent sénateur Patrice Gélard, rapporteur du texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. On a vu le fonctionnement du Sénat depuis !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Au cours de ces mêmes débats, plusieurs sénateurs se sont également exprimés en ce sens, et je tiens aussi à citer quelques-unes de leurs interventions : « le Sénat avait pour règle de ne pas s’occuper de l’Assemblée nationale ».
M. Jean-Marc Todeschini. Il ne faut pas qu’il se mêle de la loi !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut appliquer la Constitution !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. « La courtoisie sénatoriale nous impose de ne pas nous occuper des questions relatives à l’Assemblée nationale et d’émettre un vote conforme. »
M. Jean-Marc Todeschini. Changez la Constitution !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. « Nos usages républicains veulent que les sénateurs ne se mêlent pas de la vie des députés quant à leur régime électoral ou leur mode de fonctionnement interne » ; « le Sénat, conformément à une tradition républicaine bien établie, se devait de ne pas remettre en cause le choix de l’Assemblée nationale. » Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ces citations ont l’air de vous gêner !
Enfin, l’éminent président de la commission des lois lui-même, M. Jean-Jacques Hyest (M. René Garrec applaudit.), avait approuvé l’un d’entre vous – il s’agissait, me semble-t-il, du non moins éminent sénateur Pierre Fauchon – qui avait ajouté que l’absence de toute intervention de votre part de manière normative pour ce qui concerne l’organisation de l’assemblée nationale se concevait « sous réserve, bien entendu, de réciprocité ».
M. Bernard Frimat. C’est laborieux…
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je n’ai donc pas voulu signifier autre chose aux députés de l’opposition : les sénateurs de leur camp, en votant la suppression de l’article unique du projet de loi de ratification,…
M. Jean-Pierre Sueur. À juste titre !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … les obligeaient à débattre de nouveau de leurs conditions d’élection, bien que l'Assemblée nationale ait déjà approuvé le texte à une très large majorité. Et ce sans qu’ils puissent être assurés de pouvoir à leur tour s’ingérer dans le redéploiement ou la création de sièges de sénateurs et sans qu’ils puissent avoir le dernier mot puisque le Sénat doit une nouvelle fois débattre du texte !
J’ai relevé le retard pris en conséquence par l’achèvement de la nouvelle carte législative, exigée par les textes et demandée par le Conseil constitutionnel depuis maintenant plus de vingt ans.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, si j’ai ainsi souligné la responsabilité des sénateurs qui ont conduit à cette situation, je n’ai en aucun cas voulu, je le répète solennellement, mettre en cause le Sénat dans son ensemble.
M. Bernard Frimat. Vous l’avez quand même fait !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’ai seulement souhaité relever les conséquences d’un comportement que je considère comme partisan. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. C’est votre texte qui est partisan !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Pour ne pas allonger le débat, je ne reviendrai pas sur les propos que je vous ai tenus le 14 décembre dernier : je ne peux évidemment rien retrancher ni ajouter aux arguments…
M. Bernard Frimat. L’absence d’arguments !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … que j’avais alors donnés devant la Haute Assemblée en faveur de la ratification de l’ordonnance. Chacun les ayant bien en mémoire, il ne serait pas convenable de vous les répéter. Ils figurent d’ailleurs en bonne place dans le compte rendu de vos débats, publié intégralement au Journal officiel. J’y reviendrai sans doute lors de notre discussion.
Vous n’aviez pu répondre positivement, du fait du vote que j’évoquais voilà un instant, à la question que je vous posais alors : l’ordonnance dont il vous est proposé la ratification respecte-t-elle les critères…
M. Jean-Marc Todeschini. Non, elle est partisane !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … fixés par la loi d’habilitation et les principes relatifs à l’élection de l’Assemblée nationale énoncés par le Conseil constitutionnel, c'est-à-dire – selon la formule consacrée – « sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges de députés et une délimitation des circonscriptions législatives respectant au mieux l’égalité devant le suffrage » ?
Telle a été, je le rappelle, la position du Conseil d’État, qui a donné un avis favorable au projet de loi de ratification.
J’ai le sentiment que la majorité de votre assemblée estime que le Gouvernement a répondu de façon satisfaisante…
M. Jean-Marc Todeschini. Pas M. Pignard !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … à la confiance que le Parlement lui avait accordée en lui confiant la mission délicate de l’indispensable ajustement de la carte électorale.
C’est ce que le Gouvernement propose au Sénat de dire en se prononçant, à l’occasion de cette nouvelle lecture, sur le projet de loi de ratification qu’il lui soumet. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Les applaudissements sont bien timides !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre assemblée est saisie pour la deuxième fois du projet de loi de ratification de l’ordonnance portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.
Au vu de la richesse des débats qui ont eu lieu le 14 décembre dernier, alors que le Sénat examinait ce texte en première lecture, je me bornerai à effectuer quelques brefs rappels sur l’élaboration de l’ordonnance et sur ses principales caractéristiques.
Tout d’abord, nul ne l’ignore, l’ordonnance dont le Gouvernement sollicite la ratification, en modifiant les frontières de 339 circonscriptions dans 42 départements, répond à un véritable impératif démocratique et constitutionnel.
M. Jean-Marc Todeschini. Tripatouillage !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Elle est rendue nécessaire par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui, tout en créant des sièges de députés pour les Français établis hors de France, a fixé le nombre maximal de membres de l’Assemblée nationale à 577. La constitutionnalisation de ce nombre…
M. Daniel Raoul. C’est une erreur !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … entraîne des conséquences : le Sénat a dû, par homothétie, …
M. Bernard Frimat. Pas nous !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … suivre l'Assemblée nationale, bien que nous ne soyons pas parfaitement convaincus de la pertinence d’une telle disposition de la Constitution. (Ah ? sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous avez l’air étonné ; j’avais pourtant déjà indiqué ma position sur ce point lors de la révision constitutionnelle. Je vous renvoie aux propos que j’ai tenus à cette occasion.
La refonte de la carte législative est également indispensable pour permettre le respect du principe d’égalité devant le suffrage. Ce fait est connu de tous : avec la délimitation actuelle des circonscriptions, qui a été effectuée sur la base du recensement général de 1982 – il y a presque trente ans ! –, la voix de chaque citoyen a un poids très inégal selon son lieu de résidence, en raison des évolutions démographiques extrêmement importantes qu’ont connues certaines parties de notre territoire depuis lors. Voilà plus de dix ans que le Conseil constitutionnel invite d’ailleurs le législateur à remédier à cette situation, qui porte une grave atteinte aux principes démocratiques les plus élémentaires.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous le rappelle, le Sénat avait reçu les mêmes recommandations de la part du Conseil constitutionnel et il s’est lui-même réformé. (M. le secrétaire d’État acquiesce.) Il me semble d’ailleurs indispensable qu’il le refasse régulièrement. Il est donc essentiel que nous actualisions la carte des circonscriptions, en gardant à l’esprit que cette mesure est urgente et nécessaire.
Comme vous le savez, cette actualisation est effectuée par le biais d’une ordonnance, conformément à l’habilitation qui figure à l’article 2 de la loi du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue par l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés.
Cette habilitation a mis en place trois critères majeurs pour encadrer le travail du Gouvernement.
Premièrement, la population de chaque circonscription ne doit pas s’écarter de plus de 20 % de la moyenne démographique départementale.
Deuxièmement, le tracé des circonscriptions doit respecter le principe de continuité territoriale, ce qui signifie concrètement que seuls les cantons de plus de 40 000 habitants et les villes de plus de 5 000 habitants peuvent être divisés.
Ces deux premiers critères ont été parfaitement respectés par l’ordonnance : aucune circonscription ne présente d’écart par rapport à la moyenne départementale supérieur à 17,5 %, et seuls 42 cantons, qui comptent tous plus de 40 000 habitants, ont été divisés.
Enfin, l’habilitation prévoyait qu’au moins deux sièges de député seraient attribués à chaque département. Toutefois, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, qui a estimé nécessaire de revenir sur cette tradition très ancienne afin de tenir compte de l’augmentation globale de la population française depuis les années quatre-vingt et de la révision constitutionnelle de 2008. Il est aussi revenu sur la jurisprudence selon laquelle chaque collectivité d’outre-mer constitue au moins une circonscription électorale.
En conséquence, l’ordonnance prévoit que la Lozère et la Creuse, dont la population est inférieure à la valeur de la « tranche », soit 125 000 habitants, n’éliront qu’un seul député.
En outre, je vous rappelle que cette ordonnance a été examinée par la commission prévue par l’article 25 de la Constitution, qui a rendu deux avis publics sur la question.
Le Gouvernement a entendu ces avis et a modifié son projet dans vingt-cinq départements. Certes, il n’a pas suivi les recommandations de la commission dans treize autres départements ; mais il a tenu à justifier ce choix au cas par cas auprès du rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Charles de la Verpillière, notamment en affichant sa volonté de tenir compte de l’évolution prospective de la population à court terme. C’est par exemple le cas en Seine-et-Marne, département que je connais bien : la circonscription englobant la ville nouvelle de Sénart est en pleine évolution, gagnant 8 000 habitants par an en raison du fort déploiement démographique dans ce secteur.
L’ordonnance est donc conforme aux exigences fixées par notre Constitution et par le législateur. Monsieur le secrétaire d’État, ce constat avait poussé la commission des lois, en première lecture, à vous proposer de la ratifier sans la modifier. Nous y étions presque parvenus lorsqu’un malheureux scrutin est survenu.
Je ne reviendrai pas en détail sur les étapes qui nous amènent, une deuxième fois, à examiner ce projet de loi, d’autant que nous connaissons les conditions dans lesquelles ce texte a été rejeté par la Haute Assemblée en première lecture.
Néanmoins, il me semble important de rappeler que, par deux fois, l’ordonnance a été ratifiée par l’Assemblée nationale sans que celle-ci y apporte une seule modification.
M. Bernard Frimat. Quelle surprise !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, la traditionnelle réserve du Sénat sur les textes concernant exclusivement les députés doit nous inciter à suivre la position de l’Assemblée nationale sans nous immiscer dans ses choix. Vous avez évoqué vos propos devant l’Assemblée nationale. Je vous le rappelle, la Constitution a prévu deux assemblées et exige un accord entre les deux pour de nombreuses lois.
M. Louis Mermaz. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le précédent de 1958 que vous avez cité n’a aucune valeur puisque, à ce moment-là, de nombreuses modifications substantielles ont été apportées à notre législation par une ordonnance prévue par la Constitution dont le Parlement n’a, par définition, pas été saisi.
Quant au vote d’une question préalable par le Sénat, qui s’est produit deux fois dans le passé, pour le passage à la proportionnelle, d’une part, et pour le retour au scrutin majoritaire et la fixation des circonscriptions, d’autre part, il n’a pas eu pour corollaire une absence de débat ! Le vote sans débat existait dans une Constitution très ancienne, lorsqu’il y avait une assemblée qui votait et une assemblée qui débattait. Il serait peut-être intéressant de revenir à un tel système (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.), et de choisir le Sénat comme assemblée délibérante, car on y est quelquefois beaucoup plus raisonnable qu’à l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. Louis Mermaz. Excellente séance de rattrapage !
M. Jean-Marc Todeschini. On aurait presque pu vous applaudir !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, vous invoquez la jurisprudence. La seule que je connaisse pour ma part, c’est que, par deux fois, les députés se sont occupés, contre l’avis du Sénat, de notre mode électoral. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Jamais le Sénat ne l’a fait ! Nous aussi pourrions avoir des idées, et procéder à l’égard de l'Assemblée nationale comme elle l’a fait pour nous, mais telle n’est absolument pas notre tradition, laquelle doit être, à mon avis, respectée.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut toujours relire le texte de la Constitution. Il est normal de débattre. La commission des lois souhaite une ratification conforme de cette ordonnance, comme la grande majorité du Sénat, mais le droit d’amendement et le débat existent.
M. Daniel Raoul. Encore !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous auriez dû nous demander de voter la question préalable en première lecture pour respecter la tradition, ainsi nous n’aurions pas eu un réel débat. (M. le secrétaire d’État rit.)Nous pensions qu’il était souhaitable, compte tenu du nombre modéré d’amendements déposés et de l’absence d’obstruction, que chacun d’entre nous puisse demander des explications concernant son département. Le débat s’est d’ailleurs plutôt bien passé.
Il arrive que des députés fassent des déclarations fracassantes sur le Sénat. (M. Daniel Raoul s’exclame.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Hélas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous y sommes habitués,…
M. le président. Mais pas résignés !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. …mais pour autant pas résignés, effectivement ! Lorsque les affirmations sont erronées, comme c’est toujours le cas, nous répliquons !
Monsieur le secrétaire d’État, comme vous êtes un parlementaire expérimenté, toujours soucieux du respect de nos institutions, vos propos ne pouvaient qu’être relevés. Mais vous avez admis les avoir tenus dans le feu du débat. Ils ont certainement dépassé votre pensée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. Nous n’avons pas entendu cela !
M. Jean-Marc Todeschini. Il ne l’a pas dit !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais nous ferons bien entendu toujours respecter les prérogatives du Sénat, seconde chambre du Parlement qui est l’égale de l’Assemblée nationale sur le plan législatif. C’est vrai, celle-ci a toujours le dernier mot, mais quelquefois en deuxième lecture même si cela est arrivé très rarement dans l’Histoire. Je tiens à le souligner, nous maintenons notre jurisprudence. Or, la traditionnelle réserve du Sénat sur les textes concernant exclusivement les députés nous incite à suivre la position de l’Assemblée nationale, sans nous immiscer dans ses choix.
La commission des lois vous propose d’adopter le présent projet de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. David Assouline. Tout ça pour ça !
M. Louis Mermaz. La chute était un peu moins bonne !
M. Bernard Frimat. Cela s’est un peu dégradé sur la fin !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 14 décembre dernier, à cette même tribune, je terminai mon intervention par les mots suivants - excusez-moi de me citer mais vous l’aviez fait : « Il vous reste, monsieur le secrétaire d’État, à échapper à la malédiction qui finit toujours par s’abattre sur ceux qui manipulent les modes de scrutin. Ce n’est qu’une question de temps ».
Je vous l’avoue, je ne pensais pas que la malédiction frapperait si vite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Je n’imaginais pas la ratification de votre ordonnance si chaotique.
M. Bernard Frimat. Mais il en a été ainsi, et vous vous retrouvez une nouvelle fois, à votre corps défendant monsieur le secrétaire d’État, devant le Sénat.
J’espère que vous supporterez avec philosophie cette situation. Je déplore, au demeurant, que vous vous soyez cru obligé de vous livrer, à la tribune de l’Assemblée nationale, à de violentes attaques contre notre collègue, la présidente Catherine Tasca, et contre le Sénat lui-même. (M. le secrétaire d’État le dénie.)
La brutalité de ces offensives a même surpris nos collègues députés, qui n’ont pourtant pas pour habitude de déborder d’affection pour la Haute Assemblée.
Vous évoquez constamment la tradition qui voudrait, selon vous, « qu’une assemblée parlementaire ne s’immisce pas dans les questions touchant les membres de l’autre assemblée ».
Permettez-moi de vous le faire remarquer, votre supposée tradition est à géométrie politiquement variable ! Elle est respectée quand il y a identité de majorité politique entre le Sénat et l’Assemblée, et n’est alors ni plus ni moins qu’un accord politique. En revanche, en l’absence d’identité, le comportement est différent.
Ainsi, quand, en 1985, le gouvernement de Laurent Fabius a proposé une profonde modification du mode d’élection des députés en substituant le scrutin proportionnel au scrutin majoritaire et en augmentant le nombre de députés, le Sénat n’a pas, à ma connaissance, invoqué la tradition. Il s’est opposé avec force – c’était son droit, et cela ne me choque pas – à cette évolution. Le recours à la technique de la question préalable ne l’a pas empêché de débattre et de s’exprimer contre, ni le projet de loi d’être renvoyé, comme aujourd’hui, en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Le Sénat manifestait alors un désaccord politique et exprimait ses convictions. C’était son droit !
M. Jean-Pierre Bel. Très bien !
M. Bernard Frimat. De la même façon, quand le gouvernement de Lionel Jospin a proposé de modifier le mode d’élection des sénateurs, en instaurant le scrutin proportionnel dans les départements élisant trois sénateurs…
M. Jean-Pierre Bel. Second exemple !
M. Bernard Frimat. …parce qu’il lui semblait que les collectivités territoriales seraient ainsi représentées de manière plus fidèle à la réalité des conseils municipaux, l’Assemblée nationale a imposé au Sénat, en dépit de l’opposition de ce dernier, la solution qui avait sa préférence politique.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, Oui, je l’ai dit !
M. Bernard Frimat. Elle exerçait alors son droit, conformément à la Constitution.
En ces circonstances, vous pouvez donc le constater avec moi, l’Assemblée nationale comme le Sénat sont intervenus sur le mode d’élection de l’autre assemblée. Ils n’ont fait que leur travail de législateur en débattant et en votant la loi, quel que soit son objet, fût-il le mode d’élection des députés ou des sénateurs.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Bernard Frimat. Il n’y a pas, au Parlement, de sujet tabou ni de domaine réservé.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sauf en matière de loi organique concernant le Sénat.
M. Bernard Frimat. En définitive, monsieur le secrétaire d’État, nous ne connaissons pas, je vous cite une nouvelle fois – quel plaisir ! – « une situation […] totalement inédite, du moins sous la Ve République ». Nous n’avons donc pas créé un précédent, comme je l’ai démontré et contrairement à vos affirmations.
En tout état de cause, et là encore contrairement aux propos que vous avez tenus à l’Assemblée nationale, celle-ci aura le dernier mot, comme Jean-Jacques Hyest le rappelait. Si, reconnaissant, avec clarté, que votre texte est mauvais, le Sénat avait l’intelligence de confirmer son vote de première lecture, que se passerait-il ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a peu de chance quand même !
M. Bernard Frimat. Le Gouvernement a, conformément à la Constitution, le pouvoir de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Bernard Frimat. C'est bien parce qu’elle peut avoir, en cas de divergence définitive entre le Sénat et l’Assemblée nationale, et si le Gouvernement le souhaite, le dernier mot qu’il est indispensable selon nous de rendre conforme le découpage des circonscriptions d’élection des députés aux règles élémentaires de l’égalité de suffrage, et d’éviter de suivre une démarche essentiellement partisane.
Or, j’ai le regret de le constater, votre démarche est exclusivement partisane. Elle comporte un seul but inavoué, car inavouable, mais évident : favoriser le plus possible votre parti, l’UMP.
M. Jean-Marc Todeschini. Comme en Moselle !
M. Bernard Frimat. Mon ami Bruno Le Roux a opéré une analyse minutieuse des situations les plus inacceptables. Je ne la reprendrai pas dans le détail, mais il nous revient d’expliquer, à l’intention du Conseil Constitutionnel, pourquoi et en quoi votre ordonnance contrevient aux règles les plus élémentaires de l’égalité des suffrages.
Vous avez même, entre ces deux lectures, aggravé votre cas. Vous disposez de chiffres récents issus du dernier recensement, mais vous refusez d’en tenir compte.
M. Louis Mermaz. Eh oui !
M. Bernard Frimat. Vous vous contentez d’affirmer, sans étude d’impact ni démonstration, que cela ne change rien. En effet, vous ne voulez rien modifier à votre travail et à celui de vos conseillers. II ne faut pas d’accroc dans votre dentelle électorale.
Ce faisant, selon nous, vous ne respectez pas les nouvelles exigences constitutionnelles formulées par le Conseil Constitutionnel. Celui-ci vous demande, en effet, de désigner l’Assemblée nationale sur des bases essentiellement démographiques. Cela implique d’utiliser les données les plus récentes, à même de traduire avec le plus d’exactitude la réalité démographique du pays.
De plus, la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions doivent respecter au mieux l’égalité devant le suffrage. Vous avez donc l’obligation, au moins morale, de tendre vers un idéal où la voix de chaque citoyen pèse le même poids au moins au sein d’un département. Nous en sommes très loin, et vous êtes bien placé pour le savoir.
Pour vous, une circonscription n’est pas une réalité historique, sociologique, économique, cernant au mieux, dans le respect des équilibres démographiques, des bassins de vie et d’emploi, et permettant la meilleure représentation des citoyens à l’Assemblée nationale. À vos yeux en effet, une circonscription est le fief de tel ou tel député qui vous conduit à nous proposer un découpage intuitu personae pour satisfaire le titulaire actuel ou le candidat que votre parti envisage de présenter. (Mme Catherine Tasca acquiesce.)
La révision de la carte électorale n’est pas, pour vous et pour vos collaborateurs, le moyen de représenter de manière juste la population. Elle devient dans vos mains un instrument pour tenter de freiner, voire de bloquer, les possibilités d’alternance démocratique. (M. le rapporteur s’exclame)
Pour cette raison, nous devons, par nos interventions, tenter de convaincre le Conseil Constitutionnel de « carboniser » votre découpage, pour recourir à une métaphore à la mode. Nous espérons qu’il en censurera au moins les manipulations les plus criantes.
Votre procédé est toujours le même. D’abord, choisir un mode de répartition des sièges avec le système de la tranche commencée qui vous permet de diminuer la représentation des départements les plus peuplés. Cette méthode, vous le savez, engendre les inégalités les plus profondes entre les départements et, en conséquence, s’écarte le plus du respect de l’égalité de suffrages entre les électeurs des différents départements.
Elle est employée uniquement en France, mais cela vous importe peu dès lors qu’elle est à vos yeux la plus favorable aux intérêts de l’UMP.
Vous autorisant à supprimer 33 circonscriptions, elle vous permet de rayer de la représentation nationale, si l’on s’en tient à leurs titulaires actuels, 23 députés de gauche contre 10 de droite (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) ou, autrement dit, 23 députés de gauche sur 230, soit 10 %, et 10 députés de droite sur 340, soit 3 %.
M. Bernard Frimat. On admirera votre sens de l'équité ! Ma région est bien placée pour en parler puisque le Nord perd trois députés, le Pas-de-Calais, deux. Il est vrai, je le reconnais, que les citoyens de ces départements ont pour habitude d’élire plus de députés de gauche que de droite.
M. Jean-Marc Todeschini. Bravo !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et oui ! Il était bien difficile de ne pas supprimer de députés de gauche !
M. Bernard Frimat. Je conçois que cela vous soit désagréable. Est-ce une raison pour priver ces départements d’une juste représentation à l’Assemblée nationale ?
Après avoir choisi une méthode de répartition des sièges à vos yeux la plus favorable, le deuxième temps de votre exercice consiste à tordre les principes qui président au découpage, et ce jusqu’à la limite de la rupture.
Si vous respectez, rarement, la continuité territoriale, c’est au moyen de circonvolutions extraordinaires, en ignorant, quand cela vous arrange, les solidarités existantes entre les différents territoires du département. Mes collègues députés ont suffisamment mis en évidence ce travers pour que je ne m’y attarde pas. Il en est de même de la possibilité de scinder un canton de plus de 40 000 habitants : prévue comme une exception, vous la transformez en moyen banal, quand cela vous est utile,…
M. Bernard Frimat. … pour vous donner la liberté nécessaire de faire fructifier vos petits arrangements partisans. Je l’ai démontré en première lecture.
Enfin, vous employez de la même façon l’écart de 20 % en plus ou en moins par rapport à la moyenne départementale. Il constitue les limites possibles de vos manipulations et nullement l’exception justifiée par rapport à la règle de l’égalité de suffrage.
Vous faites des dispositions que je viens de mentionner pour le découpage une utilisation venant directement contredire – je me permets de vous le rappeler – le considérant 26 de la décision du 8 janvier 2009.
Les dispositions « pourraient, par leur cumul ou par les conditions de leur application, donner lieu à des délimitations arbitraires ou aboutir à créer des situations où le principe d'égalité serait méconnu ». C’est ce que vous faites.
De plus, le Conseil Constitutionnel ajoute ceci : ces mesures doivent « être réservées à des cas exceptionnels et dûment justifiés ; qu’il ne pourra y être recouru que dans une mesure limitée et en s’appuyant, au cas par cas, sur des impératifs précis d’intérêt général ; […] que toute autre interprétation serait contraire à la Constitution ».
Vous aurez beaucoup de mal à nous persuader que favoriser les intérêts électoraux de l’UMP constitue, au cas par cas, un impératif précis d’intérêt général.
De la même manière, l’usage systématique du confinement des secteurs réputés de gauche au sein d’une même circonscription, pour faciliter l’élection de députés UMP dans les circonscriptions limitrophes, peut difficilement s’apparenter à un impératif précis d’intérêt général. Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, n’y croyez pas. Ce serait faire injure à vos talents de ciseleur de ne pas mettre en évidence votre activité partisane. Les découpes de certaines circonscriptions pour atteindre ce but sont telles que, en comparaison, les contours des fjords norvégiens deviennent des modèles de simplicité !
Monsieur le secrétaire d’État, il est indispensable pour nous d’expliquer au cours de ce débat, à l’intention du Conseil constitutionnel, le caractère inacceptable de votre projet d’ordonnance. C’est ce à quoi nous nous attacherons, mes collègues socialistes et moi-même, en défendant nos amendements.
Un découpage sincère ne doit pas s’effectuer au profit de tel ou tel député. Nous refusons votre manière de faire, car la qualité démocratique d’un découpage ne se juge pas à l’aune du profit que peut en tirer la majorité ou l’opposition. Un découpage sincère se juge à la manière dont il permet au citoyen d’obtenir à l’Assemblée nationale une représentation conforme à ses choix. Il se juge également à la manière dont il permet de traduire dans la composition de l’Assemblée nationale les changements d’opinion de la population. Il se juge pour tout dire à la manière dont il permet à la démocratie de vivre, et donc à l’alternance de se réaliser, si le peuple en décide ainsi.
C’est parce que votre projet de loi de ratification ne répond à aucune de ces exigences que j’invite le Sénat, sans l’aide de la main de Dieu (Sourires.), à le rejeter sereinement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Louis Mermaz. Bravo !
M. Jean-Pierre Bel. Très bonne démonstration !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Haute Assemblée est saisie en deuxième lecture du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.
Le Sénat avait rejeté ce texte le 14 décembre dernier dans les circonstances que chacun ici connaît, sur lesquelles je ne reviendrai pas. L’Assemblée nationale, conduite à s’exprimer de nouveau sur le texte qui lui avait été soumis en première lecture, n’a pas modifié son vote.
Les conditions dans lesquelles nous examinons le projet de loi n’ayant pas davantage changé, les motivations du vote de chacun des membres du groupe du RDSE demeurent intactes. Mon intervention sera donc identique à celle que j’avais faite en première lecture. Je m’en excuse auprès de ceux – peu nombreux – …
M. Charles Revet. Mais non !
Mme Françoise Laborde. … qui l’avaient déjà entendue.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les autres peuvent consulter le Journal officiel !
Mme Françoise Laborde. Certes, mais je vais quand même me faire un petit plaisir en la relisant !
M. Louis Mermaz. Comme le disait Pierre Mendès France : mieux vaut se répéter que se contredire !
Mme Françoise Laborde. Le président Larcher, qui n’était pas en séance à ce moment-là, pourra ainsi m’entendre. (Sourires.)
M. le président. J’aurai plaisir à vous écouter, ma chère collègue.
M. Jean-Marc Todeschini. Quel galant homme !
Mme Françoise Laborde. L’élection au suffrage universel des représentants de la nation est l’acte fondateur de toute démocratie parlementaire. C’est sur elle que s’appuie la légitimité des lois qui régissent la vie en société et donnent corps à la citoyenneté. C’est donc à ce titre que la délimitation des circonscriptions électorales et la répartition des sièges de députés revêtent une importance singulière au regard de ce qui participe de l’essence d’un État de droit, l’alternance des majorités.
La ratification de l’ordonnance du 29 juillet 2009 sur laquelle nous sommes aujourd’hui conduits à nous prononcer intervient au terme d’un long – trop long même ! – processus.
Comme cela a déjà été évoqué, la délimitation actuelle des circonscriptions législatives remonte à la loi du 24 novembre 1986, adoptée au début de la première cohabitation et après le bref intermède du scrutin de liste proportionnel institué en 1985. Le découpage actuel s’appuie donc sur les données issues du recensement général de la population de 1982, lesquelles ne correspondent naturellement plus à la réalité démographique d’aujourd’hui.
Or, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, le Conseil constitutionnel a posé le principe intangible selon lequel l’égalité du suffrage, instituée par l’article 3 de la Constitution, ne peut être garantie que si la délimitation des circonscriptions se fait « sur des bases essentiellement démographiques ».
Cela signifie qu’il faut prendre en compte non pas le nombre d’électeurs d’une circonscription, mais bien sa population, ce qui prend tout son sens pour un département jeune et dynamique comme le mien, la Haute-Garonne.
Nous sommes parvenus à des situations ubuesques où le poids du vote d’un électeur, pour ne parler que de la métropole, n’a pas la même valeur selon son lieu d’habitation.
En prenant les deux extrêmes, le vote d’un électeur de la 2e circonscription de la Lozère, qui compte 35 000 habitants, pèse six fois plus que celui d’un électeur de la 1ère circonscription du Val-d’Oise, qui totalise 188 000 habitants. (M. Louis Mermaz acquiesce.) Lorsqu’on sait que des élections se jouent parfois à quelques voix, et qu’une majorité parlementaire peut être ténue, on comprend aisément où se situe le problème.
Un nouveau redécoupage des circonscriptions était donc devenu indispensable, d’autant plus que deux recensements généraux sont intervenus depuis lors, en 1990 et en 1999.
Le Conseil constitutionnel, par ailleurs, juge de l’élection des députés, n’avait pas manqué d’attirer solennellement l’attention du Gouvernement sur ce point, d’abord en 2005, puis, de nouveau, en 2007, lors de l’examen du projet de loi organique visant à créer les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
Sans nécessairement remonter aux rotten boroughs britanniques ou faire référence au gerrymandering qui se pratique encore parfois aux États-Unis, force est de constater qu’il est difficile de procéder à une nouvelle délimitation de façon absolument neutre et objective.
À cet égard, la méthodologie choisie revêt toute son importance.
On peut ainsi s’interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur le choix de la méthode par tranches, dite méthode Adams, qui n’est utilisée qu’en France, ou encore sur le choix d’une tranche de 125 000 habitants, alors que, en divisant le total de la population française par le nombre de circonscriptions, la tranche type est plus proche de 113 000 habitants.
J’ai toutefois conscience que les déséquilibres démographiques en métropole et la nécessité d’assurer une représentation correcte de l’outre-mer ne permettent pas de garantir une tranche optimale. Mais la différence reste tout de même de 11 % !
En outre, pourquoi avoir choisi un écart de 20 % entre circonscriptions d’un même département, alors que le Conseil de l’Europe recommande, dans son Code de bonne conduite en matière électorale, un écart de 10 % ?
Pourquoi ne pas avoir saisi l’occasion de cette ordonnance pour réduire l’écart et renforcer les conditions d’une réelle égalité des suffrages ?
Certes, le Conseil constitutionnel a validé cet écart de 20 %, mais en rappelant qu’il ne devait être qu’un ultime recours fondé sur des raisons d’intérêt général particulièrement circonstanciées.
En tout état de cause, la difficulté de procéder à la révision des circonscriptions résulte aussi de la révision constitutionnelle de 2008 et de la disposition qui a fixé à 577 le nombre maximal de députés. Je ne suis pas convaincue de l’utilité de cette disposition, même si je conçois que le pouvoir constituant ait voulu empêcher toute inflation d’élus. Néanmoins, ce plafond complexifie, de fait, la tâche, et explique notamment la raison pour laquelle a été censurée la vieille tradition républicaine selon laquelle tout département métropolitain disposait au moins de deux sièges.
Parallèlement, la révision constitutionnelle et la loi organique du 13 janvier 2009 ont permis de créer onze sièges de députés représentant les Français de l’étranger. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que leur répartition géographique est surprenante. L’un d’entre eux sera élu par nos compatriotes qui résident en Suisse et au Liechtenstein, tandis qu’un autre devra, pour faire campagne, courir l’Asie et l’Océanie dans leur ensemble, soit 51 millions de kilomètres carrés ! Voilà un découpage bien saugrenu, dont on se doute qu’il n’est pas tout à fait innocent, au vu de la sociologie des expatriés vivant ici ou là !
La commission prévue à l’article 25 de la Constitution, présidée par Yves Guéna, a été saisie à deux reprises par le Gouvernement, lequel n’a pourtant pas suivi l’ensemble de ses recommandations. Ces dernières tendaient à renforcer le principe d’égalité du suffrage ou la continuité et la cohérence territoriales des découpages retenus. Or nombreuses sont les circonscriptions affichant un déficit démographique qui ont été pointées du doigt par la commission. Mais le Gouvernement est passé outre, comme c’est le cas pour les Alpes-Maritimes, le Cher, la Loire, le Tarn, les Yvelines, ou encore la 5e circonscription des Français de l’étranger, pour ne citer que ces territoires.
Je vous l’accorde, monsieur le secrétaire d’État, le redécoupage des circonscriptions est une tâche complexe, et s’en acquitter avec impartialité est une gageure. Les deux camps qui structurent la vie politique de notre pays sont touchés, certes de façon inégale, par ce remodelage. Insatisfaits et satisfaits se retrouvent dans les deux camps politiques.
L’ancien redécoupage a été, lui aussi, très critiqué en son temps, et pour les mêmes raisons.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
Mme Françoise Laborde. Mais il n’a jamais empêché l’alternance des majorités,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En effet !
Mme Françoise Laborde. … pour la plus grande vitalité de notre démocratie.
La discussion de ce projet de loi de ratification a été l’occasion pour certains de nos collègues députés de se livrer à de savants calculs, assortis de coefficients ou d’extrapolations ou de projections électorales. On a ainsi pu entendre que le bloc de gauche devrait désormais obtenir 51,4 % des suffrages exprimés pour obtenir la majorité à l’Assemblée nationale !
Tous ces calculs sont brillamment étayés et très intéressants, mais omettent un point essentiel : le vote des électeurs n’est pas figé.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bravo !
Mme Françoise Laborde. L’évolution sociologique est, par définition, un phénomène contingent, qui empêche d’enfermer l’arithmétique électorale dans des formules toutes faites et reproductibles à l’infini. L’humeur et l’opinion de nos compatriotes fluctuent : les calculs politiciens d’aujourd’hui ne seront certainement pas valables demain.
Ce projet de loi concerne avant tout, et par définition, les députés. Pour cette raison, mais également en cohérence avec nos collègues radicaux de gauche de l’Assemblée nationale, la grande majorité des membres du groupe RDSE ne prendra part à aucun vote sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean-Marc Todeschini. Je pense que l’on va parler de la Moselle !
M. Jean Louis Masson. Monsieur le secrétaire d’État, comme je l’ai indiqué en première lecture, vous avez procédé à un incroyable charcutage à l’intérieur de la ville de Metz.
Ce découpage, qui passe en zigzag entre les blocs d’immeubles à l’intérieur du canton de Metz III, n’a aucune justification, puisqu’il s’agit quasiment d’une opération blanche du point de vue démographique. En effet, pour favoriser votre ami M. Grosdidier, au détriment de Mme Zimmermann et de Mme Filippetti, l’opération se résume à une permutation des treize bureaux de vote les plus à gauche de la ville contre onze bureaux de vote très à droite.
Plus grave, la Moselle est le seul département où vous avez transmis à la Commission de contrôle du redécoupage électoral des chiffres de population totalement faux. La sous-estimation est tellement grossière qu’il ne s’agit probablement ni d’une erreur ni d’un hasard. Il s’agit au contraire de cacher le fait que votre découpage extravagant n’a aucune justification démographique. C’est ce que je vais maintenant prouver.
Votre dépeçage à l’intérieur du canton de Metz III est tellement tordu que, fin mai, l’INSEE n’avait pas encore calculé la population concernée au titre du recensement de 2006. Le Gouvernement a de ce fait inventé de toutes pièces sa propre estimation qu’il a transmise à la Commission de contrôle du redécoupage électoral.
Or, pour cette estimation, le Gouvernement disposait d’au moins cinq chiffres : tout d’abord, pour l’ensemble du canton de Metz III, ceux des trois recensements de 1990, soit 38 198 habitants, de 1999, soit 40 058 habitants, et de 2006, soit 40 987 habitants ; ensuite, pour les bureaux de vote transférés à votre ami M. Grosdidier, ceux des deux recensements de 1990, soit 15 279 habitants, et de 1999, soit 16 057 habitants. Seul manquait le recensement de 2006.
Ces cinq chiffres dont disposait le Gouvernement montrent que le canton de Metz III est globalement en croissance régulière et que, en son sein, les bureaux de vote dépecés au profit de M. Grosdidier connaissent une augmentation exactement parallèle de leur population. Il suffisait donc de faire une simple règle de trois pour obtenir une bonne estimation de la population de ces bureaux de vote. C’est ce que j’ai fait. À quarante-sept habitants près, on trouve le résultat exact !
Monsieur le secrétaire d’État, votre principal collaborateur chargé du découpage est diplômé d’une grande école scientifique. Il a d’ailleurs parfaitement mis à profit ses cours de topologie à l’École polytechnique pour se transformer en artiste du dépeçage électoral. Vous ne me ferez pas croire que cet éminent collaborateur est incapable de faire une règle de trois,…
M. Pierre-Yves Collombat. Non, une règle de quatre ! (Sourires.)
M. Jean Louis Masson. … laquelle est du niveau du certificat d’études !
Vous ne me ferez pas croire non plus qu’il n’a pas eu le temps de s’occuper de la ville de Metz. Je pense au contraire qu’il y a consacré tellement de temps que, dans le cadre de ses excentricités topologiques, il a découvert ce que personne n’avait vu jusqu’à présent, à savoir un chemin de halage le long d’un canal désaffecté formant un étranglement qui assure la continuité territoriale entre les bureaux de vote transférés à votre ami M. Grosdidier et le reste de sa circonscription !
Or, comme par hasard – c’est incroyable, mais vrai ! –, vous sous-estimez de 2 000 habitants la population charcutée à l’intérieur du canton de Metz III. C’est à croire, monsieur le secrétaire d’État, qu’il y a eu une explosion soudaine du taux de mortalité, une épidémie de peste ou de choléra… De plus, si cette partie du canton de Metz III avait effectivement perdu 2 000 habitants, cela signifierait que, pour assurer mathématiquement la croissance démographique globale du canton de Metz III, la partie restante aurait au contraire connu une explosion de la natalité !
Rassurez-vous, monsieur le secrétaire d’État, il n’y a pas eu d’épidémie de choléra sur le territoire des bureaux de vote que vous avez dépecés, pas plus que les habitants de l’autre partie du canton de Metz III ne se sont mis à se multiplier comme des lapins.
M. Jean-Marc Todeschini. M. le secrétaire d’État ne vous écoute pas !
M. Jean Louis Masson. Je ne ferai pas l’injure à votre collaborateur ni à vous-même, monsieur le secrétaire d’État, d’imaginer un seul instant que vous ne sachiez pas faire une règle de trois. J’en conclus donc que nous sommes face à une opération extrêmement grave, à savoir la manipulation délibérée des chiffres de population…
M. Jean Louis Masson. … afin de minimiser les insuffisances démographiques de votre charcutage électoral.
Plus grave encore, monsieur le secrétaire d’État, vous avez vous-même reconnu que l’INSEE vous avait communiqué dès le début du mois de juillet les chiffres exacts de la population.
M. Jean-Marc Todeschini. Il s’en moque, il ne vous écoute toujours pas !
M. Jean Louis Masson. Malgré cela, vous avez laissé l’Assemblée nationale délibérer en première lecture sur la base de données fausses, grossièrement sous-estimées. D’ailleurs, si moi-même en première lecture au Sénat, puis Mme Filippetti et Mme Zimmermann en seconde lecture à l’Assemblée nationale, n’avions pas soulevé ce lièvre, vous vous seriez bien gardé encore aujourd’hui de dire quoi que ce soit sur cette question.
Il y a là un vice de forme rédhibitoire qui entache toute la procédure. C’est de plus une atteinte grave à la loyauté dont le Gouvernement devrait faire preuve à l’égard du Parlement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le président, pour la bonne organisation de nos travaux, j’indique à nos collègues que je vous demanderai de bien vouloir suspendre la séance à l’issue de la discussion des motions, et en tout état de cause au plus tard à douze heures trente, afin que la commission puisse consacrer quelques minutes à l’examen des amendements qui auront été déposés depuis la réunion qu’elle a tenue ce matin à neuf heures.
M. Pierre-Yves Collombat. Quelques minutes suffiront-elles ?
M. le président. Il sera bien entendu fait droit à votre demande, monsieur le rapporteur.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Troendle.
M. Michel Charasse. Il faudrait tout de même que Pignard soit là !
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui de nouveau invités à ratifier l’ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.
Nous devons aujourd’hui ce débat non pas, comme certains se plaisent à le sous-entendre, à une supposée opposition au projet de loi, mais beaucoup plus simplement à une erreur matérielle.
M. Jean-Marc Todeschini. Rendez-nous M. Pignard !
Mme Catherine Troendle. Comme je l’ai exposé le 14 décembre dernier, ce projet de loi de ratification constitue l’aboutissement d’un travail rigoureux, courageux et équilibré, engagé voilà maintenant plus de dix-huit mois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Que de superlatifs !
Mme Catherine Troendle. Je tiens à saluer l’équilibre, la sincérité et la rigueur du travail…
M. Pierre-Yves Collombat. Cela restera à la postérité !
Mme Catherine Troendle. … effectué par M. Alain Marleix (Applaudissements sur les travées de l’UMP.), secrétaire d’État chargé des collectivités territoriales, ainsi que par le rapporteur, notre collègue M. Jean-Jacques Hyest.
Ce texte est scrupuleusement conforme, n’en déplaise à certains, à la mission qui avait été assignée au Gouvernement lors de l’adoption de la loi d’habilitation du 13 janvier 2009.
Quatre objectifs avaient été fixés : prendre en compte de manière homogène les chiffres du dernier recensement ; procéder à la modification de la répartition des sièges entre les départements et les collectivités d’outre-mer ; délimiter les circonscriptions dans les départements et collectivités d’outre-mer où le nombre de sièges a été modifié ; enfin, créer les sièges destinés à la représentation des Français établis hors de France, conformément à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Force est de constater que ces objectifs ont été atteints.
Je ne reviendrai donc pas sur ces caractéristiques, qui sont toujours d’actualité. Elles résultent d’un travail nécessaire et transparent, destiné à rendre notre démocratie plus représentative et plus efficace.
Aucun gouvernement, depuis plus de vingt ans, ne s’était attelé à cette question, ignorant par là même les évolutions de la démographie et les observations réitérées du Conseil constitutionnel en 2003 et en 2005. Depuis 1986, malgré les recensements de 1990 et de 1999, aucun ajustement des circonscriptions n’avait été entrepris.
De plus, cette réforme s’inscrit dans la logique de la révision constitutionnelle votée en 2008, qui a plafonné l’effectif global des députés à 577 et prévu que les Français établis hors de France seraient représentés à l’Assemblée nationale.
L’objet même de la réforme et l’extraordinaire difficulté des problèmes à résoudre justifiaient le recours à la procédure des ordonnances.
L’ordonnance a fait l’objet d’un contrôle sans précédent lors de son élaboration. Le Gouvernement a été habilité à y recourir dans les conditions fixées par l’article 38 de la Constitution, et un projet de loi de ratification nous est aujourd’hui soumis. Celui-ci a également fait l’objet d’un avis favorable de la commission de contrôle prévue par la révision constitutionnelle à l’article 25 de la Constitution.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit d’un redécoupage contrôlé, public et équitable. C’est pourquoi le groupe UMP soutiendra avec détermination le projet de loi soumis aujourd’hui à notre vote. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Bernard Frimat. Pour être contrôlé, il est contrôlé !
M. Daniel Raoul. Quel scoop !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce second débat sur la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés nous donne l’occasion de remettre notre ouvrage sur le métier et de développer un certain nombre d’arguments nouveaux.
Avant de faire quelques remarques sur la création des circonscriptions des Français établis hors de France, je voudrais revenir sur l’intervention de M. le secrétaire d’État à l’Assemblée nationale le 12 janvier dernier, car elle nous a profondément choqués. Il s’agissait d’une attaque directe contre le Sénat, et ce n’est pas moi qui le dis puisqu’un hebdomadaire bien connu a publié un article intitulé : « Quand Alain Marleix s’en prend au Sénat… »
M. Charles Revet. Ce n’est pas possible ! (Sourires.)
M. Richard Yung. Je tiens cet article à votre disposition, mon cher collègue.
M. Richard Yung. Il s’agit d’un hebdomadaire spécialisé et très sérieux.
M. Richard Yung. On nous a opposé l’argument de la « tradition républicaine ». J’ai donc relu la Constitution : je n’y ai rien trouvé de tel ! Il n’y est question que de deux chambres délibérant également, même si, bien sûr, pour les raisons que nous connaissons, l’Assemblée nationale a le dernier mot. Il s’agit donc peut-être d’une tradition, mais qui n’est pas républicaine ; dans le cas qui nous occupe, ce serait même plutôt l’inverse.
Il serait compréhensible, d’un point de vue éthique, que soit posée une règle interdisant aux députés d’intervenir dans le débat sur le découpage de leurs circonscriptions, puisqu’ils seraient à la fois juges et parties. Mais écarter le Sénat d’un tel débat, les bras m’en tombent !
J’ajoute que le projet de loi qui nous est soumis vise à créer onze circonscriptions pour les Français établis hors de France, Français qui jusqu’aujourd’hui n’étaient représentés par aucun député. Par conséquent, nous sénateurs, qui les avons jusqu’ici représentés – bien, je l’espère ! –, sommes tout de même légitimement fondés, nous semble-t-il, à intervenir sur ce sujet.
Enfin, ce débat intéresse également le Sénat dans la mesure où l’intégralité des cantons a été maintenue dans les circonscriptions.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est la loi !
M. Richard Yung. Cela a évidemment des effets pour les sénateurs.
Votre intervention était malvenue, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez voulu rabaisser le Sénat en le qualifiant de chambre de deuxième ordre.
M. Richard Yung. Si, vous l’avez dit ! Vous avez souligné que nous n’étions pas élus au suffrage universel direct.
M. Richard Yung. Ce n’était pas élégant. En fait, tout cela sert à masquer le véritable débat de fond.
J’en viens maintenant au découpage des onze circonscriptions des Français établis hors de France.
Je commencerai par évoquer l’équilibre démographique des première et deuxième circonscriptions, la première couvrant l’Amérique du Nord, la deuxième l’Amérique du Sud. La première circonscription compte 30 % d’habitants de plus que la moyenne, la deuxième 30 % de moins. Or un autre découpage était possible. Ainsi, mon collègue Christian Cointat et moi-même avions proposé de rattacher la Californie et le Texas à la circonscription de l’Amérique du Sud. Mais vous ne nous avez pas suivis, monsieur le secrétaire d’État !
En outre, je m’interroge sur la cinquième circonscription, qui englobe la péninsule Ibérique – le Portugal et l’Espagne – et ce curieux objet qu’est Monaco. En termes de continuité territoriale, vous avouerez qu’il y a mieux ! Pourquoi rattacher Monaco à l’Espagne, monsieur le secrétaire d’État ?
M. Richard Yung. Certes, mais, pour des raisons à la fois géographiques et historiques, Monaco regarderait plutôt du côté de l’Italie !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Problème de géographie !
M. Richard Yung. Ce rattachement paraît plutôt curieux, mais un peu d’attention permet de mieux le comprendre : 83 % des Français résidant dans la principauté monégasque ont voté pour le candidat Sarkozy au second tour de la dernière élection présidentielle, alors que l’Espagne vote plutôt à gauche – les Français d’Espagne, mais aussi les Espagnols, d’ailleurs.
M. Pierre-Yves Collombat. Ils sont socialistes, c’est normal !
M. Richard Yung. La huitième circonscription pose elle aussi un problème de continuité territoriale. Elle comprend notamment Rome et Athènes, mais aussi Tel-Aviv. Cependant, Beyrouth en a été disjointe : le député qui représentera les Français du Liban représentera également nos concitoyens d’Afrique méridionale et de l’océan Indien.
Pour justifier cette situation, monsieur le secrétaire d’État, vous avez argué de l’existence d’une forte communauté franco-libanaise en Afrique. L’argument me laisse pantois ! On trouve aussi une très forte communauté franco-indienne, très active dans le commerce, sur la côte est de l’Afrique et à Madagascar : pourquoi ne pas l’avoir, en toute logique, rattachée à l’Inde ? Il y a là quelque chose qui ne va pas !
Vous arguez également des difficultés auxquelles se heurteraient les candidats et le futur député pour circuler entre Israël et les pays arabes. C’est en partie vrai ; cependant, monsieur le secrétaire d’État, vous semblez oublier qu’il existe tout de même deux points de passage entre Israël et la Jordanie.
Pour ma part, j’estime que ce n’est pas une bonne idée, même d’un point de vue politique, que de séparer Israël de son environnement. Cela donne l’impression qu’on traite ce pays à part, qu’on le stigmatise, en quelque sorte. C’est là envoyer un bien mauvais message !
Je crois surtout que, dans ce cas également, vous avez une arrière-pensée : plus de 90 % des Français d’Israël ont voté pour le candidat Sarkozy lors de l’élection présidentielle. Il est vrai qu’autrefois ils étaient plus de 80 % à voter pour François Mitterrand…
M. Richard Yung. Votre idée était donc de « sortir » le vote des Français d’Israël.
Enfin, l’Afrique est divisée en deux circonscriptions : l’Afrique de l’Ouest, qui inclut les pays du Maghreb et compte 126 000 inscrits, et l’Afrique de l’Est, qui compte 93 000 électeurs. On retrouve ici la pratique du confinement qu’évoquait tout à l’heure mon collègue : vous isolez les voix de gauche pour éviter qu’elles ne « débordent », et ce petit noyau de gauche vous permet de réserver une circonscription à la droite, en l’occurrence celle de l’Afrique de l’Est, dont feront partie des villes comme Tananarive ou Nairobi. Il me semble qu’il était possible de procéder à un autre découpage, plus fair-play et plus conforme à la réalité !
À vrai dire, mes chers collègues, le déséquilibre que l’on constate tient également au fait que le découpage des circonscriptions de l’Assemblée des Français de l’étranger est lui-même contraire aux principes fixés par le Conseil constitutionnel. Ainsi, le continent européen, où vivent la moitié des Français expatriés, compte seulement 52 élus sur les 155 membres de cette assemblée, soit un tiers. La moitié des expatriés pour seulement un tiers des représentants : c’est une injustice que nous subissons depuis des dizaines d’années !
Nous déposerons donc un certain nombre d’amendements visant à modifier votre projet de découpage des circonscriptions des futurs députés élus par les Français établis hors de France. Nos propositions s’inspirent notamment du compromis que nous avions négocié avec notre collègue Christian Cointat et qui tenait compte de l’équilibre démographique et de la continuité territoriale.
Par conséquent, à moins que nos amendements ne soient adoptés, je voterai contre le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est des moments politiques qui marquent des engagements. Le mien fut marqué, dans ma jeunesse, par un gigantesque charcutage électoral, en l’occurrence celui auquel procéda Charles Pasqua. À l’époque, j’étais révolté, car on touchait à l’essence même de la démocratie.
Vingt-trois ans après, voilà que cela recommence ! Certes, vous avez adopté un style moins spectaculaire, afin qu’il n’y ait pas trop de scandale…
Vous n’avez jamais voulu du débat, ce fut votre ligne de conduite. Je parle du débat politique, démocratique, celui où les principes sont posés, où le mode de calcul de la représentation est clair et accepté par tous, et où, ensemble, nous cherchons les moyens de faire en sorte que, dans le respect des territoires – vous ne vous êtes même pas donné cette peine ! –, il faille être majoritaire en voix dans le pays pour être majoritaire en sièges à l’Assemblée nationale ! L’Assemblée nationale, c’est la nation tout entière !
En d’autres termes, il faut respecter le principe de la démocratie : « un homme – ou une femme –, une voix » ! Or, avec votre charcutage électoral, une voix de gauche comptera moins qu’une voix de droite.
En 2007, la gauche devait obtenir 50,4 % des voix pour être majoritaire en sièges à l’Assemblée. En 2012, selon l’étude précise, qui ne fut jamais réellement contredite, de mon ami l’excellent député Bruno Le Roux, elle devra obtenir au moins 51,4 % des voix !
Dans votre rapport, y a-t-il un équilibre ? Sur les trente-trois circonscriptions qui disparaissent, vingt-trois touchent la gauche et seulement dix la droite : ce n’est manifestement pas ce que l’on peut appeler un équilibre ! Sur les trente-trois circonscriptions créées, neuf auraient un député de gauche et vingt-quatre un député de droite : là encore, nous sommes très loin d’un équilibre !
Résultat : il n’y a qu’un seul gagnant, l’UMP, qui aura vingt sièges de plus ! Tous les autres groupes auront moins de députés.
Bruno Le Roux a également apporté une autre démonstration en se fondant sur le résultat des élections législatives de 2007. Avec le découpage actuel, c’est-à-dire, monsieur le secrétaire d’État, avant votre « retricotage », si la gauche avait recueilli 50 % des voix, elle aurait obtenu 279 sièges sur 577, contre 298 pour la droite, soit un différentiel de 9 sièges. Avec votre découpage, elle n’obtiendrait que 260 sièges, contre 317 pour la droite, qui serait ainsi largement majoritaire en sièges.
Bien entendu, tout cela est noyé, submergé même. Vous espérez que votre manœuvre passera inaperçue dans un contexte où les Français ont bien d’autres préoccupations, en particulier à cause de la politique économique injuste et inefficace de ce gouvernement. Manque de chance, la machine s’est grippée à différentes étapes ! La presse a examiné la situation de plus près, l’opinion a été alertée. Et je pourrais évoquer le dérapage qui a eu lieu ici, au Sénat, lorsque votre texte a été rejeté.
Vous aviez un mandat : faire triompher l’UMP aux élections coûte que coûte, même si les électeurs ne lui donnent pas la majorité, même si elle n’arrive pas à convaincre. C’est incroyable !
Et vous ne manquez pas d’imagination. Aux législatives, on charcute, on redécoupe les circonscriptions. Les conseils généraux et les conseils régionaux sont majoritairement à gauche ? On les supprime et on crée des conseillers territoriaux élus au scrutin uninominal à un tour ! L’UMP arrive en tête au premier tour en faisant l’unité de son camp, mais reste très loin des 50 % nécessaires à une majorité et n’a pas de réserve de second tour ? On invente le scrutin à un tour, qui permet d’être élu avec 30 % des voix, voire moins ! Vous nous présentez des projets que l’on peut qualifier « de convenance UMP ». Notre belle démocratie ne mérite pas de telles humiliations !
L’exemple de Paris est instructif. En effet, Paris, où je suis élu, mérite une attention particulière de la part du Gouvernement et, bien entendu, de l’Élysée. Que ce soit avec ce découpage ou avec le projet de Grand Paris, vous cherchez à regagner le pouvoir par des moyens autres que la conviction et l’adhésion des électeurs à vos projets.
Paris perd 3 députés et aura une moyenne de 181 187 habitants par circonscription, soit l’un des taux les plus élevés de France. Pourtant, si vous n’aviez supprimé que deux sièges, la moyenne parisienne se serait établie à 114 809 habitants, soit un niveau équivalent à la moyenne nationale.
Le choix d’autres méthodes statistiques aurait abouti à un résultat beaucoup plus juste et aurait même permis de garantir l’égalité des électeurs devant le suffrage universel.
Je tiens à souligner et à regretter la pulvérisation qu’a subie la première circonscription, détenue par Martine Billard, alors que sa population était au niveau de la moyenne parisienne avant le redécoupage ! Je note aussi votre tentative de déstabilisation de la onzième circonscription, détenue par Patrick Bloche, consistant à l’étendre vers le nord et vers les quartiers du sixième arrondissement acquis à la droite, tout en lui retirant les quartiers du sud du quatorzième, qui votent traditionnellement plus à gauche.
Monsieur le secrétaire d’État, dès la communication du premier projet à la commission Guéna, vous avez montré votre volonté de faire payer à la gauche, et exclusivement à la gauche, la suppression de ces trois circonscriptions parisiennes. Pour cela, vous n’avez pas hésité à « surpeupler » les circonscriptions de l’est de la ville, qui avaient voté pour des députés socialistes et Verts, et à « sous-peupler » celles de l’ouest, détenues par l’UMP.
Pour arriver à vos fins, vous n’avez eu d’autre choix que de mépriser totalement la jurisprudence du Conseil d’État, selon laquelle les frontières des circonscriptions parisiennes doivent le plus possible respecter celles des arrondissements et des quartiers administratifs. Dans votre projet, vingt et un de ces quartiers sur quatre-vingts se voyaient ainsi à cheval sur deux circonscriptions, alors qu’il n’y en a que six actuellement.
Après la première et la onzième circonscription, votre troisième cible était la dix-septième circonscription, qui englobe une partie des dix-septième et dix-huitième arrondissements et que détient Annick Lepetit. Ce que vous avez tenté d’y faire est un exemple éloquent de vos pratiques et de vos véritables objectifs.
Puisque les circonscriptions du seizième arrondissement n’étaient pas assez peuplées, vous deviez en supprimer une. Mais pour ne pas faire perdre un siège à l’UMP, vous avez inventé un découpage alambiqué afin de noyer les voix de la seule circonscription de gauche du nord-ouest parisien. Heureusement, vous n’avez pas réussi ! Finalement, après deux avis négatifs de la commission Guéna et un autre du Conseil d’État, vous avez fini par céder en ne rattachant pas le huitième arrondissement à cette circonscription. Il était temps !
Sachez, monsieur le secrétaire d’État, que, si le Conseil constitutionnel valide votre projet, nous continuerons à alerter les Français, et les Parisiens, pour qu’ils entendent bien votre appel, car c’est bien un appel que vous adressez aux électeurs.
Les Français devront encore plus qu’auparavant voter à gauche s’ils veulent une alternance. Et ils la voudront, à n’en pas douter, pour sanctionner non seulement votre politique économique et sociale, mais aussi votre mépris de la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, M. le rapporteur Jean-Jacques Hyest est revenu à juste titre sur les contraintes auxquelles nous avons dû faire face pour procéder à ce découpage.
D’abord, le nombre de députés est plafonné. Il s’agit d’une contrainte totalement nouvelle, liée à la révision constitutionnelle de l’année dernière. Cela revient en réalité à une diminution, du fait – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – de la création de sièges pour les Français de l’étranger et pour deux petites collectivités d’outre-mer.
Ensuite, l’ajustement de la carte électorale est apparu comme une urgence, car il était réclamé avec insistance par le Conseil constitutionnel.
Enfin, il fallait respecter les critères fixés par la loi d’habilitation et prendre en compte la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel – vous l’avez évoquée – sur la représentation des petits départements métropolitains et des petites collectivités d’outre-mer.
Vous avez également rappelé, monsieur le rapporteur, les exigences du bicamérisme, et je souscris bien entendu entièrement à vos propos. Le Gouvernement a donc souhaité que le Sénat discute. Sans cela, il aurait engagé la procédure accélérée pour l’examen de ce texte ! Pour ma part, j’ai alimenté vos débats en répondant systématiquement aux motions de procédure et aux interventions des membres de votre assemblée, et ce sans oublier quiconque.
Monsieur Frimat – et mes observations vaudront aussi pour M. Assouline –, pardonnez-moi de vous le dire, votre intervention a, me semble-t-il, été marquée par l’esprit partisan que j’évoquais dans mon introduction. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. C’est un état d’esprit que vous connaissez bien !
Mme Catherine Tasca. Les « partisans » ne sont pas seulement à gauche !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. La méthode de la tranche est traditionnelle et a été validée à maintes reprises par le Conseil constitutionnel. Les trente-trois circonscriptions qui sont supprimées sont partagées entre dix-huit circonscriptions de gauche et quinze circonscriptions de droite. Voilà la réalité ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est faux !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je peux vous en donner la liste, puisqu’elle a été établie par M. Charles de La Verpillière, rapporteur à l’Assemblée nationale du présent projet de loi, et figure dans son rapport. L’exercice est peut-être un peu fastidieux, mais il vous permettra de constater qui dit la vérité.
Vous prétendez que le découpage électoral est plus favorable à la droite qu’à la gauche. C’est faux ! Sur les trente-trois circonscriptions supprimées, dix-huit sont aujourd’hui détenues par la gauche et quinze le sont par la droite.
Je vous renvoie au rapport de M. de La Verpillière :
Page 130, troisième circonscription de l’Allier, député socialiste ; page 135, quatrième circonscription de la Charente, député socialiste ; page 136, troisième circonscription de la Corrèze – c’était celle du président Jacques Chirac –, député UMP ; page 137, la première et la deuxième circonscription de la Creuse fusionnent, c’est celle du député UMP qui disparaît ; page 143, troisième circonscription de l’Indre, député socialiste ; page 146, sixième circonscription de la Loire, député UMP, M. Pascal Clément ; page 147, les deux circonscriptions de la Lozère fusionnent, c’est forcément un UMP qui perdra son siège puisque les deux sortants sont UMP ; page 147, quatrième circonscription de la Manche, député UMP, M. Claude Gatignol ; page 148, troisième circonscription de la Marne, député UMP ; page 149, troisième circonscription de Meurthe-et-Moselle, député UMP ; …
M. Jean-Marc Todeschini. Et M. Féron ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. … page 150, huitième circonscription de la Moselle, député socialiste, j’en conviens ; page 150, troisième circonscription de la Nièvre, député socialiste ; page 151, troisième circonscription du Nord, député socialiste ; page 151, douzième circonscription du Nord, député socialiste ; page 152, vingt-troisième circonscription du Nord, députée UMP, Mme Christine Marin ; page 153, troisième circonscription du Pas-de-Calais, député socialiste ; page 154, onzième circonscription du Pas-de-Calais, député socialiste ; page 154, deuxième circonscription du Puy-de-Dôme, député socialiste ;…
M. Jean-Marc Todeschini. C’est Alain Néri !
M. Jean-Marc Todeschini. Ah bon ?
M. Jean-Marc Todeschini. Il sera bien obligé, avec votre redécoupage !
M. Jean-Marc Todeschini. C’est un excellent député !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je poursuis mon énumération : page 155, première circonscription des Hautes-Pyrénées, député socialiste ; page 158, troisième circonscription de la Haute-Saône, député UMP ; page 158, quatrième circonscription de Saône-et-Loire, député socialiste ; page 159, première circonscription de Paris, député de gauche mais écologiste ; page 159, deuxième ou troisième circonscriptions de Paris, dont l’une disparaît puisqu’elles fusionnent, député UMP ; page 161, seizième circonscription de Paris, député UMP ; page 161, sixième circonscription de la Seine-Maritime, député communiste, il n’y en a qu’un ; page 162, douzième circonscription de la Seine-Maritime, député UMP ; …
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … page 164, troisième circonscription des Deux-Sèvres, député UMP ; page 164, quatrième circonscription de la Somme, député socialiste ; page 164, première circonscription du Tarn, député socialiste ; page 166, première circonscription de la Haute-Vienne, député socialiste ; page 169, troisième circonscription de la Seine-Saint-Denis, député socialiste ; page 170, septième circonscription du Val-de-Marne, député UMP. Voilà !
M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez oublié la Moselle !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous ferez les comptes et vous constaterez que c’est bien 18-15.
M. David Assouline. Et les trente-trois nouvelles circonscriptions ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Depuis le début, vous essayez de faire croire que ce redécoupage crée un avantage en faveur de l’UMP au détriment du parti socialiste : c’est faux, et le rapport de M. le rapporteur à l’Assemblée nationale en fait la preuve !
J’en viens à la deuxième partie de l’intervention de M. Frimat. Pour ce qui est du recensement, le Gouvernement avait consulté le Conseil d’État, qui avait clairement répondu par un avis du 2 juillet 1998 : « Il importe donc que la détermination des bases démographiques fondant cette révision [de la carte électorale] s’appuie sur des données comparables et afférentes à la même année ». Nous avons suivi l’avis du Conseil d’État.
Monsieur Frimat, je suis heureux que vous ayez soulevé la question des écarts démographiques, car elle illustre parfaitement le travail du Gouvernement.
Dans mon intervention présentant en première lecture le projet de loi de ratification, j’ai donné les raisons pour lesquelles, selon moi, l’ordonnance du 29 juillet 2009 respecte parfaitement les critères fixés par la loi d’habilitation et les principes énoncés par le Conseil constitutionnel.
J’ai notamment précisé à quel point nous étions parvenus à un équilibre démographique des circonscriptions bien meilleur que la situation actuelle. (M. Bernard Frimat s’exclame.)
S’agissant tout d’abord des écarts de population dans l’ensemble des circonscriptions délimitées dans les départements, ils se situaient, entre les 577 circonscriptions législatives, dans un rapport de 1 à 3,6 pour le découpage de 1986 (M. Bernard Frimat s’exclame de nouveau) et dans un rapport de 1 à 6 au vu des chiffres du dernier recensement démographique. Ces disparités s’étaient donc profondément aggravées. À titre d’exemple, il y a moins de 36 000 habitants dans la deuxième circonscription de la Lozère et plus de 210 000 habitants dans la sixième circonscription du Var.
Monsieur Frimat, avec le nouveau découpage, ces écarts se situeront dans un rapport de 1 à 2,4. Il s’agit d’un progrès considérable, qui a été récemment relevé par la presse, y compris dans des journaux qui ne sont pas favorables à la majorité, tant s’en faut ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. Il n’y en a pas beaucoup !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Aujourd'hui, la plus petite des circonscriptions est la deuxième circonscription des Hautes-Alpes, qui compte 60 903 habitants, et la plus importante, la sixième circonscription de la Seine-Maritime, qui comporte 146 025 habitants. En chiffres bruts, les écarts ont été très sensiblement réduits.
S’agissant, monsieur le sénateur, des écarts démographiques entre les circonscriptions d’un même département, la marge de 20 %, en plus ou en moins, avait été largement utilisée dans le découpage de 1986. Elle dépassait alors 17,5 % dans sept circonscriptions.
Au vu des chiffres du dernier recensement, soixante-neuf circonscriptions sont dans ce cas. Pire, quarante-quatre circonscriptions présentent un écart de plus de 20 % et sont donc illégales au regard du critère démographique fixé par la loi de 1986 sur le découpage.
Avec l’ordonnance que nous vous présentons, aucune des circonscriptions autres que trois des circonscriptions des Français de l’étranger – nous y reviendrons – ne s’écarte de plus de 17,5 % par rapport à la moyenne. (M. Bernard Frimat s’exclame.) Là aussi, nous avons profondément corrigé les disparités.
J’en viens à l’équité du redécoupage. Vous avez invoqué également l’article 4 de la Constitution, en affirmant que le découpage n’était pas équitable puisqu’il faudrait, à l’avenir, plus de 50 % des voix à la gauche pour obtenir la majorité des sièges. Vous aviez déjà dit cela en 1986,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est exact !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas lui qui l’avait dit !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … mais vous n’avez jamais voulu modifier le découpage malgré les injonctions du Conseil constitutionnel et l’obligation que faisait peser la loi après chaque recensement, notamment en 1999 sous le gouvernement Rocard et en 2000 sous le gouvernement Jospin ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. Vous vous répétez !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le découpage de 1986, que vous détestiez tant, vous a tout de même beaucoup servi. En 1988, vous avez immédiatement été élus, alors que vous racontiez déjà que le redécoupage avantageait la droite au détriment de la gauche !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Votre collègue député Bruno Le Roux a déjà tenté, lors des débats à l’Assemblée nationale, de justifier cette affirmation.
Je ne peux que vous renvoyer à la réponse que je lui ai faite il y a maintenant trois mois : ses opérations arithmétiques mélangeaient le premier et le second tour, ce qui représente une très forte approximation, c’est le moins que l’on puisse dire, dans les 109 circonscriptions ayant élu un candidat de la majorité dès le premier tour.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est un scrutin à deux tours !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Les calculs sont faux parce qu’ils mélangent des choux et des carottes !
M. David Assouline. Ce ne sont pas des choux et des carottes !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En matière électorale, on ne peut pas tout mêler !
Faut-il rappeler que la même affirmation avait été énoncée en 1986, ce qui n’a pas empêché la gauche de remporter les élections législatives deux années plus tard ?
Mme Françoise Laborde, comme M. Frimat, a évoqué en particulier la méthode de la tranche.
Il s’agit d’une méthode traditionnellement utilisée dans notre pays depuis la fin du XIXe siècle.
M. Bernard Frimat. Vous vous payez notre tranche ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Elle a été utilisée – il ne faut pas avoir la mémoire courte – en 1985, à l’époque où M. Fabius était Premier ministre, Mme Aubry était auprès de François Mitterrand à l’Élysée et M. Joxe au ministère de l’intérieur. Cette méthode, qui avait fait l’objet d’un consensus, avait alors été qualifiée par M. Joxe de « mode de répartition le plus simple et le plus compréhensible ». (Plusieurs sénateurs socialistes conversent.) Soyez attentifs lorsque je le cite, cela pourrait vous servir !
J’observe surtout que le choix de cette méthode n’a pas été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 janvier 2009.
J’ajoute que si le Gouvernement avait recours à une méthode proportionnelle, à la plus forte moyenne ou au plus fort reste, le nombre de départements qui n’auraient qu’un seul député aurait fortement augmenté, alors qu’il se limite aujourd’hui à deux. Si nous vous avions suivis, nous aurions pénalisé très fortement une douzaine de petits départements ruraux ou semi-ruraux.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je ne pense pas que tel soit l’objectif visé par le Sénat.
Je vous remercie, madame le sénateur, de l’honnêteté de votre intervention et de la référence au découpage en Haute-Garonne, qui était difficile puisqu’on créait deux sièges de circonscription supplémentaires compte tenu de l’évolution démographique dans ce très gros département. Il n’y a pas eu le moindre reproche sérieux adressé au découpage dans ce département.
Je remercie également Mme Catherine Troendle de son excellente intervention (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…
M. Pierre-Yves Collombat. Vous pouvez la remercier, elle a de la vertu !
M. David Assouline. Dix sur dix !
M. Pierre-Yves Collombat. Elle a le sens du sacrifice !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … claire, juste, bien structurée. (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.) Je la remercie du soutien qu’elle a apporté au Gouvernement, au nom du groupe UMP.
M. Jean Louis Masson m’a posé une question, mais il n’a apparemment pas eu la courtoisie d’attendre la réponse !
M. Jean-Marc Todeschini. Il va revenir, vous n’en êtes pas débarrassé ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Revet. Il lira le compte rendu des débats !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je tiens à le souligner, les chiffres transmis à la commission de contrôle n’étaient pas erronés.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Nous avons simplement joint aux dossiers des différents départements que nous lui avons transmis les chiffres fournis par l’INSEE pour les cantons entiers, et des estimations des populations des cantons urbains partagés entre plusieurs circonscriptions : nous étions, sur ce point, tributaires des travaux de l’INSEE,…
M. Jean-Marc Todeschini. Bien sûr !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … qui avait reçu nos demandes de calcul de ces populations avant la saisine de la commission, mais qui n’a pu y répondre que début juillet, c’est-à-dire avec retard.
Cette contrainte n’a pas concerné que le canton de Metz III, elle a pesé sur tous les cantons urbains partagés – Vallauris, Toulouse, Strasbourg, Saint-Priest, Versailles (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame) –, ainsi que sur certains arrondissements de Paris, comme M. Assouline n’a pas manqué de le signaler.
M. Jean-Marc Todeschini. C’est Metz III que vous avez charcuté !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il était mentionné dans chaque cas qu’il s’agissait d’estimations, donc de chiffres provisoires.
La commission n’a jamais demandé à être en possession des chiffres définitifs. Ces derniers, dès qu’ils nous ont été fournis par les services de l’INSEE, soit le 2 juillet 2009, ont évidemment été transmis au Conseil d’État, qui a donc disposé des chiffres exacts de population des 577 circonscriptions, qu’elles aient ou non été modifiées. Le Conseil d’État a ainsi été en mesure de vérifier dans chaque cas que la commission avait bien pu rendre un avis qui n’était aucunement biaisé par ces approximations.
C’est en particulier le cas en Moselle où la commission mentionne des chiffres parfaitement exacts correspondant à sa suggestion, sans se référer aux chiffres estimés dont elle disposait.
Le Gouvernement a fourni à la représentation nationale les raisons détaillées – qui sont reprises dans le rapport adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale en première lecture – pour lesquelles il n’avait pas suivi l’avis de la commission pour le département de la Moselle, et ce qu’il s’agisse de ses propositions tendant à réduire les écarts démographiques des circonscriptions extérieures à Metz, dont vous ne parlez jamais,…
M. Jean-Marc Todeschini. On vous a parlé des moyennes ! C’est du charcutage !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … ou de sa suggestion relative aux première et troisième circonscriptions, qui aurait eu pour effet d’aggraver les écarts entre leurs populations respectives. (Sourires.)
Tels sont les éléments de réponse que je puis vous fournir.
M. Jean-Marc Todeschini. Ce ne sont pas des réponses !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je suis désolé que l’on mette en cause les fonctionnaires de l’INSEE. Ils s’en souviendront, d’ailleurs, puisqu’ils sont délocalisés pour partie en Moselle ! (Plusieurs sénateurs socialistes s’esclaffent.)
M. Jean-Marc Todeschini. Ne vous en faites pas, ils sont contents d’être en Moselle ! Ce ne sont pas eux qui ont tripatouillé ! C’est vous qui charcutez !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je ne suis pas certain qu’ils apprécieront la remise en cause de leur travail ! Ce sont eux qui ont fourni les chiffres, lesquels ont été certifiés.
Je souhaite répondre à M. Yung, qui a évoqué les députés représentant les Français de l’étranger.
Nous avons refusé d’en faire des députés à part, élus dans des conditions différentes, avec le risque qu’ils ne soient pas considérés comme des députés ayant le même statut que les autres.
Nous avons également voulu que leurs électeurs, ces Français qui sont installés dans d’autres pays, mais qui restent attachés à la France, puissent s’identifier à leur député, qu’ils le connaissent, qu’ils puissent, le cas échéant, faire appel à lui. Bref, nous avons voulu en faire un député qui les représente véritablement.
J’observe, d’ailleurs, que personne ne porte de critiques sur les sénateurs représentant les Français de l’étranger, qui font excellemment leur travail. C’est même sous la Présidence de François Mitterrand que leur nombre a été porté de six à douze, et nul ne s’étonne qu’ils soient les élus du monde entier, c’est-à-dire de l’ensemble des onze circonscriptions que nous proposons pour les futurs députés !
Concernant ces onze circonscriptions, puisque vous les avez critiquées, je dois aussi rappeler que sept d’entre elles, c’est-à-dire une large majorité, sont issues d’un projet commun, élaboré par les sénateurs de la majorité et de l’opposition : il s’agit des deux circonscriptions d’Amérique, avec le déséquilibre démographique qui les caractérise, de quatre des circonscriptions d’Europe et de la circonscription d’Asie-Océanie, exception faite de la Russie, qui n’en faisait pas partie initialement, mais qui doit lui être ajoutée pour atteindre un nombre minimal d’électeurs.
Je rappellerai une évidence : ces futurs députés vont être élus non pas par les ressortissants des pays qui appartiennent à leur circonscription, mais par les Français qui y résident ! Si des Français sont présents dans tous les pays du monde, quel que soit leur éloignement de la tour Eiffel, n’oublions pas que 80 % d’entre eux vivent dans 25 pays. Ce sont ces pays qui constituent le cœur des onze circonscriptions que nous créons. Je rappelle également que le projet initial du Gouvernement proposait d’attribuer sept circonscriptions aux députés représentant les Français de l’étranger et que le Conseil constitutionnel a porté ce nombre à onze.
N’oublions pas non plus qu’à notre époque les communications sont plus que facilitées : les candidats aux élections législatives dans ces nouvelles circonscriptions, il est vrai parfois très étendues, feront, comme les députés qui y seront élus, appel à ces moyens modernes pour communiquer avec leurs électeurs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et le bilan carbone ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Nous y travaillons d’ailleurs ensemble, monsieur le sénateur, dans des groupes de travail auxquels chacun est associé. (M. Richard Yung s’exclame.)
Ne nous accusez donc pas de tripatouillage à propos de ces onze circonscriptions ! Qui peut dire aujourd’hui comment voteront en 2012 nos compatriotes – ils sont 1 250 000 – installés à l’étranger ?
M. Jean-Marc Todeschini. Vos ordinateurs !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Tels sont les précisions que je voulais vous apporter au terme de la discussion générale. J’apporterai des compléments en répondant aux différentes motions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Hervé Maurey et Nicolas About applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
(M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par M. Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés (n° 219, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais vous exposer cinq arguments tendant à démontrer l’inconstitutionnalité du projet de loi que nous présente le Gouvernement.
Sur le premier argument, je serai succinct, car le Conseil constitutionnel a déjà évoqué la question. Mais je souhaite malgré tout revenir sur la procédure suivie devant la commission dite « de l’article 25 de la Constitution ». En effet, il me semble, monsieur le secrétaire d’État, que cette procédure est archaïque, car le pouvoir en place est toujours juge et partie.
Il existe de nombreux pays, le Royaume-Uni, le Canada, l’Allemagne, l’Italie, le Portugal et la liste serait encore longue, où l’instance chargée de découper les circonscriptions est réellement indépendante ou totalement pluraliste.
M. Bernard Frimat. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, la France a ratifié le code de bonne conduite électorale établi par la Commission de Venise du Conseil de l’Europe et approuvé par l’Assemblée parlementaire européenne en 2003. Je cite cette instance et ce code qui dispose que l’autorité chargée d’un redécoupage électoral doit tenir compte « d’un avis exprimé par une commission comprenant en majorité des membres indépendants et […] une représentation équilibrée des partis ».
Or, la commission de l’article 25, baptisée du nom de son président, Yves Guéna, comportait six membres. Sur ces six membres, il n’a échappé à personne que trois étaient désignés par des autorités très respectables, issues toutefois du même parti politique, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État…
M. Jean-Pierre Sueur. Je dis la vérité !
M. Jean-Pierre Sueur. Si nous éprouvons le plus grand respect pour ces hautes autorités, elles sont néanmoins issues du même parti politique – d’ailleurs, je ne pense pas que l’une ou l’autre d’entre elles le conteste –, même si le président du Sénat représente le Sénat, le président de l’Assemblée nationale, l’Assemblée nationale et le Président de la République, la nation !
Toutefois, le document de la Commission de Venise que je viens de rappeler cite, parmi les membres possibles d’une commission indépendante, des spécialistes du droit électoral, des démographes, des statisticiens. On pourrait aussi imaginer, monsieur le secrétaire d’État, qu’une telle commission fût composée de représentants des différents partis, qui pourraient dans ce cas s’exprimer de manière pluraliste.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Le Gouvernement n’a fait qu’appliquer la Constitution ! On ne peut pas revenir sur ce point !
M. Jean-Pierre Sueur. Le Conseil constitutionnel a déjà évoqué cette question, je la cite en quelque sorte pour mémoire, parce qu’il serait important que l’instance en question fût, soit totalement indépendante de toute autorité politique, soit totalement pluraliste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est-à-dire composée à la proportionnelle !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Déjà, le premier ne tient pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Si mon premier argument ne satisfait pas M. Gélard, il m’en reste quatre autres pour le convaincre : je ne perds jamais espoir !
Le rapport de M. de la Verpillière, que vous avez cité abondamment, monsieur le secrétaire d’État, nous rappelle de manière tout à fait opportune que le découpage proposé, après examen de la commission de l’article 25 de la Constitution, a été modifié pour trois départements sans que cette commission ait eu à en connaître.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Évidemment ! Nous n’avons fait que prendre en compte son avis !
M. Jean-Pierre Sueur. Par ailleurs, à la suite de l’avis du Conseil d’État, le découpage a encore évolué dans neuf départements, sans que la commission ait eu à en connaître, ce qui fait, monsieur le président de la commission des lois, douze départements.
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne vais pas les citer, pour ne pas allonger mon propos et parce que je n’ai pas la liste en main. Mais vous la retrouverez facilement (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation) et vous pourrez peut-être, dans la réponse que vous me ferez, informer notre assemblée en citant ces douze départements.
M. Jean-Pierre Sueur. Quels que soient les départements en cause, monsieur le secrétaire d’État, mon argumentation serait la même, car elle n’est pas liée à la situation particulière de ces départements.
En revanche, il est clair que l’avis du Conseil d’État est requis pour tous les projets de loi et d’ordonnance et que l’avis de la commission de l’article 25 de la Constitution est requis pour tout projet de découpage des circonscriptions, fût-il nouveau.
Je cite notre collègue député M. Bruno Le Roux, qui a été particulièrement éloquent, vous devez vous en souvenir, monsieur le secrétaire d’État : « Ce découpage est le premier depuis la révision de 2008. Monsieur le secrétaire d’État, en appliquant pour la première fois le dernier alinéa de l’article 25, persister, parce que vous jugez que le manquement est véniel, dans une interprétation trop peu rigoureuse de ce nouveau mécanisme institutionnel, d’une part l’affaiblirait […] et d’autre part, créerait un précédent » extrêmement préjudiciable.
« Il est donc absolument certain que le redécoupage dans douze départements sera censuré par le Conseil constitutionnel car vous n’avez pas respecté la nécessité de la navette entre la commission prévue à l’article 25 et le Conseil d’État ».
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Elle n’est pas prévue !
M. Jean-Pierre Sueur. Il se déduit, à l’évidence, de l’article 25 de la Constitution qu’après avis du Conseil d’État les nouveaux découpages imaginés par le Gouvernement doivent être soumis, pour consultation, à la commission créée par cet article 25. Vous ne l’avez pas fait !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Rien n’oblige le Gouvernement à le faire !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est écrit dans la Constitution, monsieur le doyen !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, et M. Patrice Gélard, vice- président de la commission des lois. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. Si, c’est la conséquence tout à fait logique et directe du texte même de la Constitution ! Vous argumenterez devant le Conseil constitutionnel, mes chers collègues, et nous aussi !
J’en viens à mon troisième argument.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Les deux premiers ne sont pas bons !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je crains que ce ne soit la même chose jusqu’à la fin !
M. Jean-Pierre Sueur. De toute façon, vous avez décidé de ne rien entendre !
Je souhaite évoquer la méthode de répartition retenue. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit de manière tout à fait juste – et je vous en donne acte – que le Conseil constitutionnel n’a entendu écarter par principe aucune méthode de répartition. Il est donc tout à fait vrai que le Conseil n’a pas écarté la méthode dite « des tranches ».
M. Jean-Pierre Sueur. C’est la simple vérité !
Mais le Conseil a considéré qu’il fallait choisir le dispositif qui permet « de respecter au mieux le principe d’égalité des suffrages » à tous les stades des opérations d’adaptation de la carte électorale. Il convient donc de se demander s’il n’existe pas des méthodes plus justes que la méthode dite « des tranches ». Or, à l’évidence, il en existe !
Vous n’ignorez pas, monsieur le secrétaire d’État, même si vous n’avez pas fait de publicité à ce sujet, les effets extrêmement pervers de la méthode des tranches. Laissez-moi prendre un seul exemple : le département du Jura bénéficie de trois circonscriptions, avec un quotient de 2,28. Ces 28 centièmes au-dessus de 2 lui permettent d’obtenir une troisième circonscription, puisque la méthode des tranches permet à un département d’obtenir une circonscription supplémentaire pour quelques centièmes supérieurs à la tranche.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. À l’inverse, ce mécanisme profite à la gauche dans d’autres départements !
M. Jean-Pierre Sueur. Les circonscriptions de ce département représenteront donc, en moyenne, 85 000 habitants, soit un écart de 24,1 % avec la moyenne nationale.
Or, la nouvelle sixième circonscription de la Seine-Maritime…
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. C’est la mienne !
M. Jean-Pierre Sueur. … représentera, quant à elle, 146 000 habitants. Avec cette méthode, on peut donc obtenir des circonscriptions d’une population de 85 000 habitants et des circonscriptions qui en comptent pratiquement le double !
Mme Virginie Klès a très brillamment parlé lors de la première lecture de ce projet de loi et elle a démontré que ces disparités allant de un à deux pouvaient tout à fait être évitées. Je la cite : « Si l’on avait souhaité garder le principe de cette méthode, mais si l’on avait aussi voulu être honnête, on aurait choisi de calculer un quotient réel : [la] population des unités électorales concernées divisée par le nombre de sièges à attribuer ». Autrement dit, il aurait fallu adopter une véritable méthode proportionnelle. Vous pouviez le faire, monsieur le secrétaire d’État, mais vous ne l’avez pas fait,…
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. C’est impossible dans un cadre départemental !
M. Jean-Pierre Sueur. … parce que cela ne vous arrange pas, ni vous, ni votre majorité. Nous le regrettons. Mais vous ne pouvez pas dire que vous avez cherché à respecter « au mieux » – j’insiste sur ce terme qui figure dans la décision du Conseil constitutionnel – la population.
J’en arrive à mon quatrième argument, puisque le troisième a suscité l’intérêt de M. Gélard, et je m’en réjouis ! Cet argument va naturellement le convaincre, puisqu’il s’agit des découpages eux-mêmes.
Tout le monde voit bien qu’il est possible d’obtenir, en grand nombre, des agrégats de cantons dans chaque département, tout en respectant un certain nombre de principes démographiques.
Mais selon quels critères un canton a-t-il été retenu plutôt qu’un autre ? La question se pose dans plusieurs départements.
Ainsi, je présenterai cet après-midi un amendement tendant à démontrer que, dans mon propre département, le Loiret, il est possible de trouver un découpage qui, par rapport à la solution actuelle, est plus cohérent sur un plan géographique et plus pertinent sur un plan démographique. Pourquoi n’adoptez-vous pas cette proposition, qui est meilleure, monsieur le secrétaire d’État ? La raison est très simple : UMP + UMP + UMP = UMP. (M. Nicolas About s’exclame.)
Nul n’ignorera l’existence du papillon de l’Hérault, du chameau à trois bosses du Var – département cher à M. Collombat –, ainsi que de multiples serpents, scorpions, hippocampes, araignées, scarabées et autres coléoptères. Il y a là une véritable « zoologie électorale », caractérisant l’opportunisme qui prévaut, au détriment de ce qu’une commission indépendante eût forcément suggéré au nom du pluralisme, c’est-à-dire des découpages de bon sens, prenant en compte à la fois la démographie et la géographie.
Toutes ces contorsions à caractère zoologique ont simplement pour but de privilégier une des parties en présence par rapport à l’autre.
Les calculs de M. Bruno Le Roux sont excellents. La gauche, avec 50 % des voix, obtiendrait 260 sièges sur 577 et la droite 317 sièges. Chacun en conviendra, cette situation est parfaitement contraire au principe d’égalité.
Le dernier argument que j’avancerai est très simple et montre tout le génie de notre collègue Jean-Jacques Pignard, qui a senti, dans le tréfonds de son être (M. Nicolas About sourit), qu’un évènement allait se produire. Je parle ici, monsieur le secrétaire d’État, de l’imminence du recensement.
Avant de statuer, il était effectivement sage d’attendre les données qui résulteraient de ce nouveau recensement, ce que le geste tout à fait remarquable de M. Pignard a permis. Nous devons donc lui rendre hommage. (M. René Garrec sourit.)
M. Pierre-Yves Collombat. Les dieux l’ont inspiré !
M. Jean-Pierre Sueur. Puisque M. Garrec semble intéressé par ce point, je préciserai que les positions du Conseil constitutionnel sont très claires sur ce sujet. Permettez-moi notamment, mes chers collègues, de citer le considérant 21 de sa décision n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009 : « Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’Assemblée nationale, désignée au suffrage universel direct, doit être élue sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges de députés et une délimitation des circonscriptions législatives respectant au mieux l’égalité devant le suffrage ».
Or, selon le nouveau recensement, deux départements – le Puy-de-Dôme et la Seine-Saint-Denis – devraient disposer d’un député supplémentaire.
M. Jacques Mahéas. Si ! J’en suis témoin !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, nous attendons que vous nous démontriez le contraire, car j’affirme qu’il suffit de savoir faire des divisions pour comprendre qu’il faut un député supplémentaire dans ces deux départements. J’ajoute que vous êtes parfaitement en mesure, ici, de présenter un ou plusieurs amendements tendant à prendre en compte cette situation.
M. Jean-Marc Todeschini. Nous sommes prêts à les voter !
M. Jean-Pierre Sueur. Si vous ne tenez pas compte du dernier recensement du 31 décembre 2009, dont nul n’ignore l’existence et les résultats et que les dispositions du Conseil constitutionnel vous imposent de prendre en considération,…
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. … vous ne pouvez pas prétendre avoir utilisé « au mieux » les éléments démographiques qui étaient à votre disposition.
Si vous persistez dans cette attitude, consistant à ignorer les réalités démographiques que vous connaissez et que la sagesse de M. Pignard nous a permis de prendre en compte, votre texte sera à l’évidence inconstitutionnel.
M. Jean-Pierre Sueur. Ces cinq arguments devraient suffire et, monsieur le secrétaire d’État, nous entendrons vos réponses avec beaucoup d’intérêt. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette argumentation étant identique à celle qui a été faite en première lecture, la position de la commission demeure inchangée.
M. Jean-Pierre Bel. Et le recensement de la population ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous proposons le rejet de la motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Nous partageons évidemment la position de la commission. Mais je voudrais revenir sur plusieurs points évoqués par M. Sueur.
Je rappelle tout d’abord que les opérations de découpage n’ont jamais été aussi fortement encadrées. Outre l’intervention du Conseil d’État, en amont, et éventuellement du Conseil constitutionnel, en aval, une commission de contrôle a été créée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Cette commission comprend trois magistrats, issus des plus hautes juridictions – Conseil d’État, Cour des comptes et Cour de cassation –, et désignés en assemblée générale – ce qui n’est pas rien ! Par ailleurs, trois personnalités qualifiées sont nommées selon la même formule que pour le Conseil constitutionnel, c’est-à-dire par le chef de l’État et par les présidents des deux assemblées. Ces nominations sont elles-mêmes encadrées, puisqu’elles font l’objet, et ce pour la première fois, d’un passage devant les commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Je crois donc que l’encadrement est maximal et sans précédent.
Toutefois, comme je l’ai déjà indiqué dans cet hémicycle ainsi qu’à l’Assemblée nationale, je suggère pour l’avenir que cette commission de contrôle, qui est désormais en place, puisse également faire des propositions, en tenant compte de la méthode de recensement permanent émanant de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, ou loi « Jospin-Vaillant ».
M. Bernard Frimat. On le sait !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Comprenez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ne pouvons pas effectuer un redécoupage chaque année, en fonction de l’évolution du recensement. Pour autant, on ne peut pas, comme cela a été le cas, attendre 26 ans, refuser d’appliquer la loi et d’entendre les injonctions du Conseil constitutionnel quand celui-ci – ce fut le cas après les recensements de 1989 et 1999 – impose une révision de la carte électorale.
Par le passé, les recensements avaient lieu tous les dix ans. Ils sont désormais permanents. Je pense donc que la commission pourrait émettre un certain nombre de propositions quant à la réactualisation de la carte électorale et que ces propositions pourraient recueillir un consensus dans nos assemblées. Pour l’élection des députés, par exemple, une mise à jour tous les cinq ou dix ans pourrait être envisagée.
Par ailleurs, la méthode de la tranche est inhérente à l’histoire de la Ve République. Elle a été utilisée de manière systématique, lorsque le scrutin majoritaire était en vigueur, et aussi bien par les gouvernements de droite que par les gouvernements de gauche. Ainsi, j’ai rappelé tout à l’heure que l’on y a eu recours en 1985, sous la Présidence de François Mitterrand et alors que M. Laurent Fabius était Premier ministre et M. Pierre Joxe ministre de l’intérieur.
M. Sueur a cité deux cas extrêmes, la Seine-Maritime et le Jura, dans lesquels l’effet de seuil joue. Mais celui-ci est inévitable !
En outre, d’autres situations peuvent paraître choquantes. Par exemple, le fait de ne faire référence qu’à la population prise dans sa globalité crée des disparités et des distorsions, générant d’autres types d’injustices. (M. Bernard Frimat s’exclame.) Maintenant qu’il n’y a plus qu’un seul député dans le département de la Creuse, cet élu représente 123 000 électeurs, alors qu’un député à Paris ou en Seine-Saint-Denis en représente 47 000. Le premier « pèse » donc deux fois plus lourd que le second.
Cela me paraît être une très grande injustice (Mme Marie-Thérèse Hermange opine.) et il me semble que le Sénat, qui assume la représentation des territoires et des populations, y compris des populations rurales, devrait être sensible à cet argument. Je n’ai pas de solution à ce problème aujourd’hui, mais je pense qu’il serait bon d’y réfléchir.
S’agissant des agrégats de cantons, cette pratique correspond à une obligation légale. On ne peut pas construire les circonscriptions à partir des communautés de communes, qui relèvent du décret, et non de la loi, car les députés se retrouveraient à la merci des changements de préfets.
M. Sueur a évoqué tous les animaux fantaisistes qui auraient été créés. Mais, en réalité, nous avons très peu dérogé à la règle de non-découpage des cantons. La France comprend un peu plus de 4 000 cantons ; nous en avons scindé 40 en deux, alors que nous pouvions porter ce nombre à 150. Par conséquent, 1 % seulement des cantons ont été affectés.
En revanche, nous sommes obligés de tenir compte des découpages cantonaux existants. Depuis 1981, 135 découpages cantonaux ont été effectués par la gauche et moins de dix par l’actuelle majorité. S’agissant du papillon de l’Hérault, par exemple, il résulte du découpage voulu, en 1985, par M. André Vézinhet, qui est aujourd’hui président du conseil général. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C’est à partir de ce découpage que nous avons établi les circonscriptions et je ne pense pas, en outre, qu’il en soit désavantagé.
Quant au scorpion du Gard, la circonscription de ce département qui a effectivement une forme étrange, il est aussi issu du découpage fait par un président de gauche de conseil général, découpage que nous avons repris. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Marc Todeschini. C’est un président de conseil général qui découpe ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ces formes curieuses dont vous parlez sont le fait non pas des découpages cantonaux de la majorité, mais des vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, car ce sont vos présidents de conseil général qui les ont faits !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce sont les présidents de conseil général qui font les cantons : c’est une nouveauté, ça !
M. Jean-Pierre Sueur. Jamais ils ne l’ont fait ! C’est le Gouvernement qui découpe !
M. François Marc. C’est la zoologie de Charles Pasqua !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Enfin, sur la question du recensement, le Conseil d’État nous a explicitement demandé…
M. François Marc. De faire de la zoologie !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … de faire référence au même recensement pour tout le monde. C’est ce que nous avons fait !
C’est l’actuelle opposition qui a fait voter la loi Jospin-Vaillant, rendant possible un découpage permanent. Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne pensez tout de même pas qu’on peut découper la carte électorale chaque année ! Si on suivait votre logique, il faudrait faire un découpage tous les ans !
M. Jean-Pierre Sueur. Personne n’a dit ça !
M. Pierre-Yves Collombat. Vous pouvez le faire maintenant !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Conseil d’État a été très clair : « la population des départements est celle authentifiée par le premier décret publié en application du VIII de l’article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ». Nous avons strictement respecté cette consigne et, par conséquent, il n’y a aucune modification à apporter à l’ordonnance que nous vous proposons, du fait des chiffres qui viennent d’être publiés.
Aucun des départements cités par M. Sueur ne gagnerait ou ne perdrait un député à cause de ce recensement,…
M. Jacques Mahéas. Bien sûr que si ! La Seine-Saint-Denis ! C’est évident !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … tout simplement parce que la moyenne remonte. Ce n’est pas évident, monsieur Mahéas, c’est démontré !
M. Jacques Mahéas. Reprenez les chiffres de l’INSEE ! (M. Jacques Mahéas brandit un document.) C’est invraisemblable !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Tels sont les éléments que je voulais apporter en réponse à votre intervention, monsieur Sueur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Mon collègue Daniel Reiner défendra tout à l’heure les amendements qui concernent le découpage et le charcutage de Meurthe-et-Moselle et de la Moselle. Mais je constate dès à présent que vos arguments sont variables, monsieur le secrétaire d’État.
Quand vous avez cité voilà quelques instants la liste des circonscriptions, s’agissant de la Meurthe-et-Moselle, vous avez affirmé que vous supprimiez une circonscription UMP et une circonscription socialiste. En réalité, vous n’en supprimez qu’une en Meurthe-et-Moselle : celle d’Hervé Féron.
M. Jean-Marc Todeschini. Les autres ne sont pas supprimées, vous le savez parfaitement. Mais cela fait bien dans la liste…
Ensuite, vous n’avez pas reparlé de la Moselle et vous n’avez pas mentionné la suppression de la circonscription d’Aurélie Filippetti.
M. Jean-Marc Todeschini. Le groupe socialiste soutient cette motion. En effet, malgré les explications que vous venez de fournir en réponse à Jean-Pierre Sueur, c’est au moment où on légifère et où on vote que l’on a connaissance de l’estimation de la population, et non pas quand vous faites fonctionner vos ordinateurs dans votre cabinet.
Vous avez affirmé tout à l’heure que personne ne connaît par avance le vote des électeurs. Mais vos ordinateurs ont tourné pour essayer d’estimer leur vote.
Une seule raison me conduit à vous dire que vous êtes très partisan et que votre découpage n’est pas équitable.
Mme Raymonde Le Texier. Charcutage !
M. Jean-Marc Todeschini. Effectivement, charcutage, mais on l’a déjà beaucoup dit et je laisserai Jean Louis Masson le redire.
Votre découpage n’est pas équitable, monsieur le secrétaire d’État, parce que si vous citez les circonscriptions que vous supprimez, vous n’évoquez pas l’ouvrage de dentelle auquel vous vous êtes livré pour empêcher la gauche de reprendre certaines circonscriptions.
Je prendrai l’exemple le plus criant.
La majorité fortuite que vous nous disiez avoir trouvée ici même en décembre dernier pour rejeter votre ordonnance s’est reconstituée à la commission des lois de l’Assemblée nationale. Vos amis UMP ont joint leurs voix à celles des socialistes pour dénoncer le fait qu’en Moselle – c’est le seul amendement qui a été adopté – vous avez tripatouillé les circonscriptions au profit de François Grosdidier. Vous avez en effet transféré le canton du maire socialiste de Metz – qui vous dérange beaucoup – dans la circonscription de Metz III, laquelle est bien plus à droite que celle de Metz I, et rendu impossible la victoire de la gauche dans la première circonscription de Metz, détenue aujourd’hui par François Grosdidier, hier par Gérard Terrier, socialiste, et avant-hier par Jean Lorrain.
Vous ne voulez pas qu’on la récupère. Vous avez transféré les bureaux de droite en faisant fi des résultats de l’INSEE – que vous, vous connaissiez ! – et vous transférez massivement la population des bureaux les plus à droite de Metz dans cette circonscription !
Par conséquent, vous n’êtes pas en mesure ici de nous dire que nos déclarations sont partisanes. C’est vous qui êtes partisan. Vous êtes le grand charcutier au profit de l’UMP, et d’ailleurs votre responsabilité au sein de l’UMP, ce sont les élections. On voit aujourd’hui où nous en sommes !
M. Christian Cambon. Scandaleux !
M. Bernard Frimat. C’est la vérité !
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le secrétaire d’État, vous opérez un découpage au profit de l’UMP, reconnaissez-le. N’essayez pas de tirer la couverture à vous.
Quant à la majorité fortuite, elle l’était ici au Sénat. À l’Assemblée nationale, les députés n’ont même pas pu se prononcer au moment du débat. Vous avez demandé le report du vote au mardi, parce que vous aviez peur des parlementaires absents. Les députés socialistes n’ont donc pas pu débattre de leurs amendements.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils pouvaient en débattre !
M. Jean-Marc Todeschini. Reconnaissez tout de même que vous faites marcher le Parlement au canon !
Ici même, la majorité UMP subit beaucoup de choses.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On ne subit rien, on ne s’occupe pas des affaires des députés !
M. Jean-Marc Todeschini. Cependant, ne nous faites pas le procès d’être partisans – parce que c’est exactement ce que vous avez dit tout à l’heure ! À cet égard, je veux rendre hommage à l’intervention de notre collègue Bernard Frimat.
Je rends bien sûr également hommage au président Hyest, lequel invente la jurisprudence qui vous intéresse en disant que le Sénat ne doit pas s’occuper du découpage des circonscriptions des députés. Sur ce point aussi, on a bien vu que vos arguments étaient un peu tendancieux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Louis Masson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Monsieur Masson, je ne puis vous la donner, car le règlement prévoit qu’elle ne peut être accordée qu’à un seul représentant par groupe.
M. Jean-Marc Todeschini. Il n’est pas membre de notre groupe !
M. le président. La réunion administrative à laquelle vous appartenez n’est pas un groupe.
M. Bernard Frimat. Sauf pour les procurations !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public par le groupe UMP sur la motion n° 1 de M. Bel et du groupe socialiste tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je vous rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est également défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?...
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 126 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 142 |
Contre | 174 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 3.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (n° 219, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, auteur de la motion.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, censuré partiellement par le Conseil constitutionnel, entaché de lourds soupçons sur l’honnêteté de la démarche, statistiquement totalement infondé, désavoué même par le Conseil d’État, refusé en première lecture au Sénat, passé en force à l’Assemblée nationale via la procédure du vote bloqué qui permet au Gouvernement de demander un vote sur un texte comportant seulement les amendements qu’il a approuvés, recours aux ordonnances, voici que revient à l’ordre du jour du Sénat ce fameux texte sur le découpage des circonscriptions.
Parler de « passage en force » serait un euphémisme. Considérer qu’il s’agit de « brutalité institutionnelle » est encore un peu tendre. Dire que c’est un « acte antidémocratique » s’approche plus de la réalité.
Monsieur Marleix, il a été maintes fois fait référence, au cours du présent débat, comme lors du précédent, à votre rôle dans le triste redécoupage de 1986.
Considéré comme un horizon indépassable en termes de manipulation électorale, ce palier a tout de même été franchi avec ce nouveau redécoupage.
La censure du Sénat montre bien que votre projet de loi crée un véritable trouble au sein même des élus de droite. Certains des membres de votre majorité n’hésitent pas à dénoncer ce texte. Quelques-uns ne se retrouvent pas dans les chiffres fournis pour justifier le redécoupage de leur circonscription. D’autres se voient offrir – heureux hasard pour la majorité présidentielle – un lot de consolation en échange d’une circonscription qui disparaît.
Pour les élus de gauche, nous assistons à un véritable hold-up.
À l’image de l’instauration des conseillers territoriaux, le Gouvernement tente à tous les niveaux et par tous les biais de capter durablement le pouvoir dans le plus total mépris des principes démocratiques les plus essentiels.
À titre d’exemple, les députés non concernés par le redécoupage sont soixante-treize au groupe socialiste de l’Assemblée nationale, soit 35 % du groupe. Ils sont neuf au groupe GDR, soit 35 % du groupe. Mais ils sont cent quarante au groupe UMP, soit 45 % de l’effectif de ce groupe. Ainsi, étrangement, le pourcentage des députés « protégés » augmente de 10 % quand il s’agit de la majorité présidentielle.
Par ailleurs, comme nous l’avons dénoncé à de multiples reprises, ce texte n’a pas fait l’objet d’une réelle expertise neutre et objective. Je vous propose alors de procéder à l’exercice suivant : appliquons les règles du nouveau redécoupage aux dernières élections législatives et mesurons les écarts.
Si l’on appliquait les mesures prévues par ce texte aux élections de 2007, l’UMP aurait gagné vingt sièges par le simple effet du redécoupage. Le parti présidentiel serait ainsi l’unique et grand victorieux de cette manœuvre puisque le Nouveau Centre ne gagnerait, quant à lui, aucun député supplémentaire. À gauche, on enregistrerait le phénomène inverse : le groupe socialiste perdrait onze représentants et le groupe GDR trois.
Par ailleurs, sur les trente-trois circonscriptions qui seraient créées, neuf donneraient lieu à l’élection d’un député de gauche et vingt-quatre à celle d’un député de droite. Sur les trente-trois circonscriptions qui seraient supprimées, vingt-trois concernent la gauche et dix seulement la droite, alors qu’elle détient plus de sièges. (M. Bernard Frimat s’exclame.)
Enfin, les règles de représentativité démographique ne sont absolument pas respectées.
Je prendrai un exemple pour illustrer mon propos. Selon le nouveau découpage, une circonscription des Hautes-Alpes comprendra 60 000 habitants alors qu’une autre circonscription située dans la Seine-Maritime – on l’a souvent citée en exemple – en comportera 146 000. Un électeur de la Seine-Maritime pèsera donc toujours plus de deux fois moins qu’un électeur des Hautes-Alpes.
De nombreux exemples de ces inégalités persistantes ont déjà été présentés au cours du débat. Ils sont à chaque fois symptomatiques de votre volonté d’accorder une circonscription à telle ou telle force politique, au détriment de la souveraineté populaire.
Quoi que vous puissiez en dire, si ce redécoupage avait lieu en l’état, la gauche devrait recueillir exactement 51,4 % des voix aux élections législatives pour obtenir une majorité.
En somme, aux élections locales comme aux élections nationales, vos réformes consistent à faire en sorte que vous gardiez le pouvoir coûte que coûte, même lorsque vos élus ne sont pas majoritaires. Vous mettez en place, en toute conscience, un système où, malgré les élections, le pouvoir peut rester dans les mains d’une minorité. Ce système politique a un nom : l’oligarchie !
Le découpage des circonscriptions, mais un découpage démocratique et transparent, aurait dû être réalisé non par l’ancien expert du découpage électoral du parti au pouvoir (M. le secrétaire d’État s’exclame), mais par une institution autonome, qui aurait eu pour mission de réfléchir, d’une part, au mode de scrutin à instaurer et, d’autre part, à un découpage respectueux de la démographie et à une représentativité au plus près des citoyens. Elle aurait dû aussi avoir à sa disposition les données statistiques et démographiques, voire sociales, comme les toutes dernières données du recensement dévoilées par l’INSEE.
Or la réalité est malheureusement tout autre. Ce redécoupage a eu lieu dans la plus totale opacité, et nous ne pouvons même pas nous accorder sur des données chiffrées et objectives, un préalable pourtant indispensable à tout débat.
On peut se demander si, en tant que secrétaire d’État aux collectivités territoriales et spécialiste de la carte électorale au sein de l’UMP,…
Mme Josiane Mathon-Poinat. … vous êtes à même de mener ce travail, qui exige une grande neutralité ! Sur quelles bases vous êtes-vous appuyé pour réaliser vos calculs ? Vous en avez cité quelques-unes,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ne vous plaignez pas, madame Mathon-Poinat ! Le découpage n’est pas à votre détriment !
Mme Josiane Mathon-Poinat. … mais vos réponses sonnent faux. Quel dispositif méthodologique avez-vous mis en place ? Quels indices de représentativité avez-vous privilégiés ? Quelles données avez-vous utilisées ? Qui sont les personnes ayant été chargées de les traiter ? Étaient-elles vraiment qualifiées pour assurer cette tâche ? Quels étaient les gages d’indépendance de ce travail ?
Bref, en l’absence de réponses plus précises à ces questions, il nous paraît impossible de pouvoir débattre de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quid de cette motion tendant à opposer la question préalable, alors que l'Assemblée nationale a délibéré deux fois sur ce texte, et le Sénat une fois, même si la situation peut paraître paradoxale ?
Les arguments avancés étant les mêmes, la commission vous demande, mes chers collègues, de rejeter cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à la motion tendant à opposer la question préalable.
Par courtoisie envers Mme Mathon-Poinat, permettez-moi de répondre aux arguments qu’elle a développés au nom du groupe CRC-SPG.
Madame le sénateur, ai-je besoin de vous rappeler que la procédure, dont la dernière étape se déroule actuellement, a été demandée, je dirai même presque exigée, par le Conseil constitutionnel ? Le Gouvernement, vous le savez bien, n’aurait pas proposé au Parlement de procéder à un tel ajustement de la carte des circonscriptions législatives s’il n’y avait pas déjà eu plusieurs rappels à l’ordre,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est sûr !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … qui n’ont pas été suivis d’effets par les gouvernements de gauche en 1989 et en 1999. (Mme Michèle André s’exclame.) Ce redécoupage aurait donc dû être fait depuis longtemps !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je vous l’accorde !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Pouvons-nous donc vraiment attendre encore, et jusqu’à quand, pour que l’une des chambres de notre institution parlementaire renoue avec la légalité ?
Par ailleurs, si cette motion était adoptée, quelle réponse concrète apporteriez-vous au Conseil constitutionnel (Mme Michèle André et M. David Assouline s’exclament), qui a indiqué en 2003, en 2005, en 2007, en 2008 et en 2009 qu’il nous incombait de modifier, et ce rapidement, le découpage des circonscriptions législatives ?
M. David Assouline. On est d’accord sur le fait qu’il faut faire un redécoupage ! Mais il doit être fondé sur le dernier recensement !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Si cette motion était adoptée, que se passerait-il, très concrètement, en cas de dissolution de l’Assemblée nationale ? Certes, il s’agit vraisemblablement d’une hypothèse d’école, mais cela peut arriver. L’Assemblée nationale serait contrainte de renouveler ses membres dans des circonscriptions non remodelées. Dans une telle hypothèse, imaginez la confusion juridique et institutionnelle, car, je me permets de vous le rappeler, les circonscriptions ont été délimitées à partir d’un redécoupage très lointain, qui date de 1982 !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je le sais !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La France comptait alors 55 millions d’habitants, contre quelque 65 millions aujourd'hui !
En outre, qu’adviendrait-il des députés qui seraient élus, en cas d’élection législative partielle, dans telle ou telle circonscription non conforme à l’article 3 de la Constitution, donc non constitutionnelle et non légale ?
Telles sont les raisons pour lesquelles je souhaite que le Sénat rejette cette motion.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la motion tendant à opposer la question préalable se justifie par le fait que vous auriez dû tenir compte des dernières données fournies par l’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques, qui indique, dans ses dernières publications : « Les populations légales […] 2007 entrent en vigueur le 1er janvier 2010 ».
Très franchement, si vous ne retenez pas ces données chiffrées, nous allons passer pour un pays arriéré ! D’autant qu’il s’agit des populations légales de l’année 2007 ! À l’heure de l’informatique et d’internet, vous ne pouvez pas dire que vous n’avez pas eu connaissance de ces chiffres et que nous devons donc travailler à partir d’autres bases.
En défendant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, Jean-Pierre Sueur a indiqué que vous n’aviez aucune raison de supprimer un poste de député en Seine-Saint-Denis.
Pour ma part, je vous parlerai aussi tout à l'heure de la suppression, dans ma circonscription, d’un poste de député, occupé, comme par hasard, par un élu socialiste,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y en a plein !
M. Jacques Mahéas. … alors que les circonscriptions de droite sont bien évidemment confortées.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Il n’y a pas de circonscription de droite ou de gauche !
M. Jacques Mahéas. Il serait intéressant de savoir si nous avons la même calculatrice. S’agissant des circonscriptions de la Seine-Saint-Denis, la population moyenne est supérieure à 125 000 habitants. La circonscription supprimée est l’une des plus peuplées ! De plus, vous le savez fort bien, ce département présente, comme d’autres, une particularité : la présence de sans domicile fixe. Ma ville, par exemple, en accueille 200. Voilà encore un élément supplémentaire à prendre en compte ! (M. le secrétaire d’État s’entretient avec M. le rapporteur.) Mais je constate, monsieur le secrétaire d'État, que vous ne m’écoutez pas ! Peut-être que le Conseil constitutionnel, lui, nous écoutera ! En tout cas, j’ose l’espérer.
Dans ces conditions, ce n’est pas la peine que je perde mon temps !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 3.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP sur la motion n° 3 de Mme Borvo Cohen-Seat et du groupe CRC-SPG tendant à opposer la question préalable.
Je vous rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est également défavorable.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………...
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?...
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 127 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l’adoption | 141 |
Contre | 174 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Masson, d'une motion n° 2.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (n° 219, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la motion.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il n’est pas surprenant que le découpage électoral effectué en Moselle ait été le centre des débats à l’Assemblée nationale, car la Moselle regroupe, à elle seule, toutes les formes de manipulation que l’on peut imaginer.
Qui plus est, monsieur le secrétaire d'État, la Moselle est même le seul département pour lequel vous avez transmis des chiffres de population totalement faux à la commission de contrôle.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On a déjà répondu sur ce point !
M. Jean Louis Masson. La sous-estimation est d’ailleurs tellement grossière qu’il ne s’agit probablement pas, comme je l’ai souligné tout à l'heure, d’une erreur survenue par hasard ! Bien au contraire, il s’agit d’une approximation délibérée pour masquer le fait que le découpage extravagant réalisé à Metz n’a aucune justification démographique !
M. Jean Louis Masson. Le rapport, en première lecture, de la commission des lois de l’Assemblée nationale comporte, aux pages 95 et suivantes, les observations du Gouvernement concernant les treize départements où celui-ci a rejeté en bloc les remarques de la commission de contrôle du redécoupage électoral.
C’est à partir de ces observations – donc de vos observations, monsieur le secrétaire d'État ! – que je vais maintenant mettre en évidence les pratiques qui ont conduit à ce découpage.
Dans la ville de Metz, le nouveau découpage se résume à permuter, entre la première circonscription et la troisième, treize bureaux de vote très à gauche contre onze bureaux de vote très à droite.
Plus précisément, monsieur le secrétaire d'État, vous enlevez à la première circonscription, dont le député est votre ami M. Grosdidier, les treize bureaux de vote du premier canton.
Ce canton a pour conseiller général le maire socialiste de Metz ; beaucoup de bureaux de vote y sont à près de 70 % à gauche. En échange, vous transférez au profit de votre ami Grosdidier onze bureaux de vote soigneusement sélectionnés à l’intérieur du canton de Metz III.
M. Jean-Marc Todeschini. C’est tout à fait vrai !
M. Jean Louis Masson. Certains votent même à plus de 70 % à droite.
M. Jean-Marc Todeschini. Eh oui !
M. Jean Louis Masson. Ce sont les plus à droite de toute la ville.
Vous comprendrez que Mme Marie-Jo Zimmermann, la députée UMP qui est victime de cette opération scandaleuse, soit indignée. Vous comprendrez aussi que la commission des lois de l’Assemblée nationale lui ait donné raison en adoptant son amendement rétablissant le statu quo des limites existantes.
C’est le seul cas en France où la commission des lois a désavoué le Gouvernement, car elle a constaté que votre dépeçage à l’intérieur du canton de Metz III n’avait strictement aucune justification démographique. En effet, d’une part, vous vous bornez à une permutation de bureaux de vote, et donc de population, et, d’autre part, l’actuelle circonscription de Mme Zimmermann n’a que 9,66 % d’habitants de moins que la moyenne départementale ; de ce fait, elle entre très largement dans les critères.
La commission de contrôle vous avait donc, à juste titre, suggéré de rétablir le découpage existant dans Metz. Vous avez refusé de l’écouter, en prétextant qu’un écart de 9,66 % était excessif.
En revanche, toujours en Moselle, la commission de contrôle vous avait demandé de réduire l’écart démographique de plus de 13 % que vous maintenez à Sarreguemines. Or, là aussi, monsieur le secrétaire d’État, vous avez refusé de l’écouter, prétextant qu’un écart de plus de 13 % était tout à fait normal. (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.)
Ainsi, entre le premier et le second paragraphe de vos observations annexées au rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale, vous affirmez tout et son contraire. Quelle bonne foi, monsieur le secrétaire d'État ! Comment pouvez-vous sérieusement prétendre qu’un écart de 9,66 % est inacceptable à Metz, alors que, dans le même département, à Sarreguemines, vous considérez qu’un écart de 13,03 % est tout à fait normal ?
Mme Michèle André. Et voilà !
M. Jean Louis Masson. Pour couronner le tout, votre acharnement à sélectionner les bureaux de vote de droite est à l’origine d’un découpage au tracé extravagant. En effet, la limite historique entre les première et troisième circonscriptions est parfaitement régulière, puisqu’elle a toujours coïncidé avec le lit de la Moselle. Au contraire, avec votre charcutage, les deux circonscriptions formeront des excroissances enchevêtrées de manière inextricable.
En particulier, les bureaux de vote du canton de Metz III transférés dans la première circonscription formeront une hernie qui lui sera seulement rattachée par une bande de terrain d’environ 200 mètres de large. Cet étranglement correspond à un ancien chemin de halage le long d’un canal désaffecté. (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.)
Monsieur le secrétaire d'État, dans vos observations à la commission des lois de l’Assemblée nationale, vous prétendez que ce découpage est pertinent, puisqu’il s’arrête sur une voie ferrée. Or le fait que le fond de la hernie s’arrête sur une voie ferrée ne justifie absolument pas la création de la hernie, ni a fortiori l’existence des nombreux autres tentacules que forment les deux circonscriptions.
C’est d’autant moins une justification que, de l’autre côté de ladite voie ferrée, les bureaux de vote sont politiquement très à gauche. À l’évidence, si vous avez arrêté le découpage sur la voie ferrée, c’est uniquement pour cette raison politique et certainement pas par souci d’honnêteté.
Monsieur le secrétaire d'État, afin de sauver les apparences, vous auriez dû au moins instaurer une égalité de population quasi parfaite entre la nouvelle troisième circonscription et la moyenne départementale. C’était d’autant plus facile que votre découpage passe à l’intérieur du canton de Metz III. Il vous suffisait donc de ne rattacher que le nombre de bureaux de vote nécessaire. Cependant, votre seule finalité était de récupérer tous les bureaux de vote de droite au profit de votre ami le député Grosdidier. Pour cela, vous êtes allé bien au-delà de ce qui était nécessaire en recréant un écart démographique qui, pour le coup, est totalement injustifiable.
Plus précisément, si, au lieu de transférer onze bureaux de vote, vous n’en aviez transféré que sept, l’égalité avec la moyenne départementale aurait alors été parfaite. Or vous avez fait le contraire et, pour essayer de cacher cette turpitude, vos collaborateurs ont inventé de toutes pièces des chiffres de population grossièrement sous-évalués.
Je vais maintenant revenir en détail sur ce vice de forme pour montrer que cette sous-estimation a été délibérée. En effet, votre attitude et celle de vos collaborateurs tout au long de la procédure prouvent que vous saviez très bien ce que vous faisiez.
Dès le départ, monsieur le secrétaire d'État, vous avez caché la vérité, puisque, mis à part votre ami M. Grosdidier, chaque fois qu’un député ou un sénateur de la région messine a contacté votre cabinet pour connaître le tracé exact du charcutage ou la population prise en compte, votre principal collaborateur était prétendument absent.
Mme Raymonde Le Texier. Ce n’est pas beau…
M. Jean Louis Masson. En réponse à nos nombreux appels téléphoniques, la secrétaire indiquait à chaque fois que ledit collaborateur rappellerait dans la journée, ce que, bien entendu, il ne faisait jamais.
C’est donc la publication de l’avis de la commission de contrôle au Journal officiel du 27 juin 2009 qui nous a enfin permis de connaître le tracé du charcutage et les chiffres de population que vous avez utilisés. La manipulation de ces chiffres était tellement flagrante qu’elle m’a sauté aux yeux le jour même, je dis bien « le jour même » ! Comme je l’ai expliqué en détail dans la discussion générale, il suffisait de faire une simple règle de trois pour constater qu’environ 2 000 habitants avaient mystérieusement disparu dans les chiffres que vous fournissiez.
À nouveau, nous avons alors été plusieurs parlementaires à contacter votre cabinet pour réclamer des explications et de vrais chiffres. Là encore, personne n’a jamais accepté de nous répondre. Nos questions écrites à l’Assemblée nationale et au Sénat n’ont pas non plus obtenu de réponse.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous n’êtes pas là quand on veut vous répondre !
M. Jean Louis Masson. Laissez-moi terminer !
Pourtant, dès le début du mois de juillet, vous disposiez des chiffres exacts de l’INSEE !
Finalement, fin octobre, grâce à la procédure des questions signalées à l’Assemblée nationale, vous avez été acculé à admettre la vérité. Votre réponse publiée le 20 octobre 2009 au Journal officiel de l’Assemblée nationale reconnaît, bon gré mal gré, l’ampleur de la sous-estimation. Vous avez alors essayé de faire croire en votre bonne foi, en précisant que, dès juillet, vous aviez transmis les chiffres exacts au Conseil d’État qui était saisi pour avis.
En croyant bien faire, vous vous êtes tiré une balle dans le pied. En effet, cela prouve qu’en toute connaissance de cause, je dis bien « en toute connaissance de cause », vous avez laissé les députés travailler en première lecture à l’Assemblée nationale sur des chiffres totalement faux,...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et en deuxième lecture ? Vous confirmez ?
M. Jean Louis Masson. ... alors que vous disposiez des bons chiffres dès le mois de juillet ! Vous vous êtes bien gardé de les prévenir de la soi-disant erreur que vous aviez commise à l’insu de votre plein gré.
Ainsi, toute la procédure, depuis l’avis initial de la commission de contrôle jusqu’aux débats en première lecture à l’Assemblée nationale, est entachée d’un vice de forme rédhibitoire. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, il suffisait d’une simple règle de trois pour avoir le chiffre exact de population. Par conséquent, non seulement vous avez effectué une grossière minoration de près de 2 000 habitants, mais, en plus, pendant des mois, je dis bien « pendant des mois », vous avez continué à faire circuler ces faux chiffres, alors que l’INSEE vous avait transmis les données exactes.
Dans toute cette affaire, votre seul objectif est d’avantager votre ami le député Grosdidier. Pour cela, vous voulez empêcher la députée socialiste Aurélie Filippetti de se reporter sur la région messine. Vous voulez l’éliminer complètement, la tuer politiquement.
Par contrecoup, la députée UMP Mme Marie-Jo Zimmermann est la principale victime collatérale de cette manœuvre.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tu parles !
M. Jean Louis Masson. L’incident lors du vote de décembre dernier au Sénat est une chance, car il a entraîné une deuxième lecture. Cela m’a permis aujourd’hui d’expliquer encore mieux les manipulations qui entachent le découpage électoral à Metz. Ces manipulations sont des éléments fondamentaux pour la future saisine du Conseil Constitutionnel.
Avant de conclure, je voudrais rappeler cinq constats.
Premier constat : la Moselle fait partie des treize départements où le Gouvernement n’a absolument pas tenu compte des observations de la commission de contrôle du redécoupage électoral.
Deuxième constat : la ville de Metz est l’une des vingt et une circonscriptions de France où le Gouvernement est passé outre à une double recommandation, à la fois de la commission de contrôle et du Conseil d’État.
Troisième constat : le découpage à l’intérieur de la ville de Metz est cité par la presse nationale comme l’un des cinq cas les plus flagrants de charcutage. Il en est ainsi du Figaro, du Monde et du Canard enchaîné, lequel indique : « En Moselle, les circonscriptions dessinées par Marleix prennent des allures de fjords norvégiens ou de carte des Balkans. Pour renforcer l’UMP François Grosdidier [...], ce travail de dentelière a été réalisé au détriment de la députée UMP Marie-Jo Zimmermann ».
Quatrième constat : la ville de Metz est le seul cas en France où le Gouvernement a transmis à la commission de contrôle des chiffres de population inexacts.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Qui a dit cela ?
M. Jean Louis Masson. Cinquième constat : la ville de Metz est le seul cas en France où la commission des lois de l’Assemblée nationale a désavoué le projet du Gouvernement.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais déplorer le fait que la procédure de découpage dans la région messine ait été complètement dévoyée. Nul ne peut vous reprocher d’être en liaison permanente avec votre ami le député Grosdidier. En revanche, il est inadmissible que la cohérence et l’honnêteté du découpage aient été sacrifiées au profit de ses seuls intérêts.
Ainsi, le jour même de la publication de l’avis de la commission de contrôle au Journal officiel, en l’occurrence le samedi 27 juin 2009, M. Grosdidier convoquait une conférence de presse pour annoncer : « Dès lundi, nous rectifierons les choses. Il est clair que le Gouvernement ne tiendra pas compte de la position de la commission ».
Comment prouver de manière plus flagrante que, depuis le début, c’est lui qui tire toutes les ficelles ? Monsieur le secrétaire d'État, une telle collusion de votre part…
Mme Raymonde Le Texier. Conflit d’intérêts ! Cela relève du pénal !
M. Jean Louis Masson. … est inacceptable, d’autant plus que vous connaissez le climat délétère qui règne à Metz. Le lendemain de l’adoption de l’amendement par la commission des lois, M. Grosdidier n’a-t-il pas indiqué sur France 3 Lorraine : « Mme Zimmermann a une circonscription où n’importe qui, avec l’étiquette UMP, même une chèvre, peut se faire élire ». (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Voilà, monsieur le secrétaire d'État, les propos que vous cautionnez ; voilà la personne que vous soutenez à Metz ! C’est affligeant pour la démocratie !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut saisir la HALDE !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous connaissons depuis un certain temps déjà les arguments développés.
Je n’aime pas beaucoup que l’on cite des noms ; nous sommes au-delà de ça !
M. Jean-Marc Todeschini. Mais c’est la réalité !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons refusé tous les amendements après les avoir longuement examinés. Un article additionnel visait même à créer une nouvelle circonscription sans que soit proposée la suppression d’une autre. Comment ferait-on ?
On a beaucoup entendu parler de la Moselle, presque trop de notre point de vue !
M. Daniel Reiner. Mais c’est un cas d’école !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il le restera pour la commission des lois !
En tout état de cause, il ne nous paraît pas justifié de renvoyer le texte à la commission, laquelle va d’ailleurs se réunir dans cinq minutes.
À tous je demande de rejeter cette motion de renvoi à la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
J’ai répondu tout à l’heure dans mon intervention, mais M. Jean Louis Masson n’a pas daigné être présent et donc écouter ma réponse !
Mme Catherine Troendle. Cela méritait d’être souligné !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public par le groupe UMP…
M. Jean-Marc Todeschini. Ils ne sont jamais assez nombreux !
M. le président. … sur la motion n° 2 de M. Jean Louis Masson tendant au renvoi à la commission.
Je vous rappelle que la commission a émis un avis défavorable et que le Gouvernement a également émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?...
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas la peine de dire ça !
M. le président. En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 128 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l’adoption | 141 |
Contre | 174 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, j’observe depuis quelques jours que vous-même ainsi que d’autres présidents de séance énoncent désormais, avant la clôture du scrutin, une phrase que je n’entendais pas auparavant et qui ressemble à une formule rituelle : « Chacun a-t-il voté comme il l’entendait ? »
Je souhaiterais que l’on n’énonçât pas cette phrase, parce qu’il va de soi que, dans cet hémicycle, qu’il s’agisse de votes à main levée, de votes à la tribune ou de scrutins publics, chacun vote comme il l’entend, du moins je l’espère ! Or cette phrase laisse supposer que l’on pourrait ne pas avoir voté comme on l’aurait entendu !
M. Christian Cambon. C’est pour les sourds ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Dans notre démocratie, je n’imagine pas que, lors d’une élection municipale ou cantonale, les électeurs puissent s’entendre dire, après avoir déposé leur bulletin de vote dans l’urne : cher concitoyen, avez-vous bien voté comme vous l’entendiez ?
Il y a là quelque chose de superfétatoire ! Les uns et les autres, nous votons librement, comme nous l’entendons, et il n’y a pas lieu de nous interroger sur la sincérité de notre vote après que celui-ci a été émis.
Je me permets de présenter cette observation, car la formule en question est, vous en conviendrez, monsieur le président, tout à fait inutile. Bien qu’elle figure sans doute sur les papiers qui vous sont fournis, je ne sais pas qui a pu prendre une telle décision. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Je précise simplement qu’il s’agit d’une précaution visant à éviter toute erreur.
M. Jacques Mahéas. Ce n’est qu’à l’Assemblée nationale qu’il y a des erreurs !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
Je rappelle que la commission des lois se réunit immédiatement pour l’examen des amendements.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Candidatures à une commission
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la place laissée vacante par M. Jean-Pierre Bel, depuis le 21 juillet 2009.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
4
Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés
Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article unique
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'unique article, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le mode de représentation proportionnel garantit le pluralisme dans les assemblées élues.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Par cet amendement, nous rappelons que les assemblées élues sont très peu représentatives de la diversité de notre vie politique.
Le meilleur moyen d’y remédier est d’obtenir au plus vite l’instauration du mode de scrutin proportionnel, sans doute le seul à permettre le respect du pluralisme.
Le mode de scrutin actuel favorise le fonctionnement dans nos institutions d’un certain bipartisme, qui ne peut être que préjudiciable à la démocratie. Nous ne voulons surtout pas d’un système « à l’anglaise », apparemment prisé par ce gouvernement dans tous les domaines, y compris pour la justice.
En refusant le scrutin proportionnel, on se coupe d’une réelle partie de nos concitoyens et on favorise, de fait, le développement de l’abstentionnisme. Si le citoyen sait que sa voix compte, il y a plus de chances qu’il participe aux scrutins.
Pour que notre démocratie soit vivante, il faut associer au débat toutes les composantes de la vie politique. C’est la raison pour laquelle nous vous appelons à faire preuve d’un peu d’audace en acceptant cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Cet amendement, comme un grand nombre de ceux qui nous sont soumis, a déjà été rejeté par le Sénat en première lecture. Il est, bien entendu, dépourvu de caractère normatif et constitue un cavalier dans un projet de loi de ratification.
Contrairement à ce que pense Mme Mathon-Poinat, bien des exemples montrent que le scrutin majoritaire permet, selon ses modalités, l’expression du pluralisme.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Sous la Ve République, ce mode de scrutin n’a été utilisé qu’une fois, avec un certain nombre d’arrière-pensées politiciennes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Le résultat fut d’ailleurs bien celui qui était escompté par ses promoteurs puisqu’il y a eu, à l’arrivée, trente-cinq députés du Front national. Bien entendu, ce n’est pas ce que vous espérez, madame Mathon-Poinat. Je ne vous fais pas de procès d’intention.
En revanche, le Gouvernement est favorable, pour les scrutins locaux, à l’introduction d’une certaine dose de proportionnelle. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans d’autres débats.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Mme Michèle André et M. Bernard Frimat. Non !
Un sénateur socialiste. C’est honteux !
M. Pierre-Yves Collombat. Ils sont la majorité ou pas ? Ils devraient assurer une permanence !
M. le président. Je vous rappelle que la commission a émis un avis défavorable et que le Gouvernement a également émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu)
M. le président. Plus personne ne demande à voter ?…
Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?... (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Oh non ! J’ai déjà fait un rappel au règlement sur ce point !
M. le président. En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 129 :
Nombre de votants | 208 |
Nombre de suffrages exprimés | 206 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 104 |
Pour l’adoption | 25 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour un rappel au règlement.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, depuis hier soir, c’est le septième scrutin public consécutif demandé par le groupe de l’UMP pour cause d’insuffisance du nombre de ses membres en séance !
Nous n’avons pas l’intention de subir ces plaisanteries pour le vote de chacun des vingt-sept amendements que nous devons examiner cet après-midi, et je demande, monsieur le président, une brève suspension de séance. Il est en effet nécessaire que mon groupe se réunisse pour déterminer la position qu’il adoptera pour la suite de la séance si cette situation devait perdurer, mais je forme le vœu que, pendant cette suspension, les téléphones fonctionnent et que suffisamment de sénateurs de l’UMP viennent…
M. Pierre-Yves Collombat. Les Parisiens !
M. Bernard Frimat. … afin que nous ne soyons pas obligés d’organiser la disparition de membres de notre groupe pour leur permettre d’être majoritaires. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Ce n’est pas sérieux, je suis désolé d’avoir à le dire, d’autant que, ce faisant, je m’adresse à ceux de nos collègues de la majorité qui sont présents : comme dans la bonne tradition ecclésiastique, ce sont les malheureux présents qui se font « engueuler » pour les absents qui, bien calés dans le cumul des mandats, sont tranquillement en train de régler leurs affaires dans les territoires afin d’assurer leur réélection à une fonction qu’il n’occupe pas !
M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, mon cher collègue.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Sueur. Mon rappel au règlement sera d’autant plus bref, monsieur le président, que j’en ai déjà fait un sur le même sujet avant la suspension de la séance ce matin.
Si l’abondance des scrutins publics pose les problèmes que vient de souligner – et j’ose espérer qu’il aura été entendu – notre collègue Bernard Frimat, c’est quant à moi sur l’apparition d’une formule, utilisée à l’occasion desdits scrutins, que j’avais cru devoir appeler l’attention du président qui présidait ce matin la séance, formule que vous venez vous-même de réitérer, monsieur le président. « Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ? » avez-vous ainsi demandé avant la clôture du scrutin.
Or, monsieur le président, cette formule nous paraît tout à fait humiliante. Il va de soi que, dans la République française, les citoyens votent comme ils l’entendent,…
M. Alain Gournac. Amen !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et j’imagine mal, monsieur le président, qu’à la mairie de Rambouillet, lors de prochaines élections, vous demandiez à chacun après qu’il aura mis son bulletin dans l’urne : « Chère madame, cher monsieur ou cher compatriote, avez-vous voté comme vous l’entendiez ? »
Il serait sans doute plus sage, monsieur le président, de renoncer à cette formule, dont nous comprenons mal la signification républicaine.
M. Alain Gournac. Amen !
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement, non sans avoir relevé le caractère ô combien symbolique du chiffre sept …
La formule que vous évoquez – elle sera analysée ultérieurement par la conférence des présidents - fait expressément référence à une décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987, que nous vous ferons parvenir, mais qui est, en tout cas, celle à laquelle ont abouti les vice-présidents et les secrétaires du Sénat.
Chacun peut donc voir les choses selon un prisme différent. J’espère que j’ai pu vous éclairer, mon cher collègue.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. J’approuve vos propos, monsieur le président. J’indique par ailleurs que, lors des élections « classiques » avec vote à bulletin secret qui interviennent dans la vie courante des communes, un procès-verbal est établi sur lequel chacun peut exprimer ses éventuelles réserves.
M. le président. Au Sénat, c’est de la responsabilité des secrétaires, sous l’autorité du président.
Articles additionnels avant l’article unique (suite)
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement ayant fourni à la Commission de contrôle du redécoupage électoral des chiffres de population grossièrement sous-estimés pour les quartiers redécoupés à l'intérieur du canton de Metz III, la présente loi ne s'applique pas au département de la Moselle.
En conséquence, les dispositions concernant le département de la Moselle contenues dans les tableaux nos 1 et 2 annexés à l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés sont supprimées. La délimitation des circonscriptions de ce département sera définie ultérieurement.
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. J’ai évoqué, ce matin, le caractère géographiquement extravagant et l’absence de fondement démographique du charcutage effectué à l’intérieur de la ville de Metz.
Le Gouvernement aurait dû sauver au moins les apparences en justifiant son argument d’équilibrage démographique par l’instauration d’une égalité quasi parfaite entre la population de la nouvelle troisième circonscription et la moyenne départementale. C’était d’autant plus facile que, le découpage passant à l’intérieur du canton de Metz III – et même à l’intérieur des blocs d’immeubles ! –, il suffisait de ne rattacher que le nombre de bureaux de vote strictement nécessaire.
Afin de transférer dans la première circonscription un maximum de bureaux de vote de droite, le Gouvernement a, au contraire, maintenu un écart démographique non négligeable, ce qui est un comble !
Pour couronner le tout, cet écart est même beaucoup plus important que ce qu’indiquaient les chiffres totalement faux transmis par le Gouvernement à la commission de contrôle du redécoupage électoral, la CCRE. M. le secrétaire d’État a été obligé de le reconnaître dans sa réponse à la question écrite n° 54248 publiée au Journal officiel de l’Assemblée nationale du 20 octobre 2009.
En fait, le charcutage effectué à l'intérieur du canton de Metz III est tellement « tordu » qu’initialement l’INSEE était incapable d’évaluer la population concernée. Le Gouvernement en a profité pour sous-évaluer, délibérément et de manière considérable, l’ampleur de ce charcutage du point de vue démographique.
Quoi qu’il en soit, il est maintenant incontesté que la population concernée à l’intérieur du canton de Metz III est non de 15 539, mais de 17 185 habitants.
On constate, sur cette base, que la population de la nouvelle troisième circonscription est inférieure d’environ 5 % à la moyenne départementale.
Le Gouvernement prétend justifier un charcutage extravagant par le souci de réduire le plus possible l’écart avec la moyenne départementale. Si tel est le cas, il fallait ne transférer que les bureaux de vote nécessaires pour égaliser la population, soit sept bureaux et pas onze.
Au lieu de cela, le Gouvernement en a transféré beaucoup plus, afin de récupérer tous les bureaux de vote de droite du secteur et d’avantager le député François Grosdidier, ami de M. le secrétaire d’État.
Plus précisément, dans le canton de Metz III, l’ordonnance transfère les onze bureaux de vote suivants : 301, 302, 321, 322, 323, 331, 332, 333, 341, 342 et 343. Or il fallait ne transférer que les sept premiers pour assurer une égalité démographique quasi parfaite, c’est-à-dire moins de 1 % d’écart par excès entre la nouvelle troisième circonscription et la moyenne départementale. Tout en respectant la continuité territoriale, cela aurait également permis de réduire l’ampleur de l’excroissance due à la hernie que formera la première circonscription à l’intérieur de la troisième.
Ainsi, pour la Moselle, l’ordonnance est entachée tout à la fois d’un vice de forme résultant de la sous-évaluation des chiffres de population transmis à la CCRE et d’un détournement de pouvoir, confirmé par le transfert d’un nombre tout à fait excédentaire de bureaux de vote du canton de Metz III.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement devrait être irrecevable, puisqu’il conduirait à rétablir un dixième siège de député en Moselle, soit un de trop !
Cet amendement a déjà été examiné par la commission en première lecture, et deux fois par l’Assemblée nationale : nous connaissons donc bien ces arguments, qui ont été, de nouveau, longuement exposés ce matin.
La commission maintient son avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Même avis ! Je me suis déjà exprimé à plusieurs reprises sur le sujet.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Il est tout à fait surréaliste de prétendre que je veux rétablir un siège pour avoir un député supplémentaire !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est pourtant le cas !
M. Jean Louis Masson. Ce découpage électoral étant complètement partial et, à mon avis, entaché de détournement de pouvoir, il ne saurait être accepté. Je propose donc ici que la délimitation des circonscriptions soit fixée ultérieurement.
Je sais bien qu’il n’y aura plus que neuf sièges de député en Moselle, et loin de moi l’idée de réclamer le maintien de dix sièges. Je pense simplement que l’on pouvait conserver ce même nombre de neuf sièges en réalisant un découpage honnête et incontestable.
Je ne suis d’ailleurs pas seul à trouver que le découpage est contestable et qu’il n’est pas honnête ; la commission des lois de l’Assemblée nationale a fait le même constat.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 4, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le tableau n° 2 annexé à l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés, les modifications ci-après sont apportées en ce qui concerne la Moselle :
1° Pour la première circonscription de la Moselle, les mots : « Metz III (partie non comprise dans la troisième circonscription) » sont remplacés par les mots : « Metz I ».
2° Pour la troisième circonscription de la Moselle, les mots : « Metz I, Metz II, Metz III (moins la partie située à l'ouest de la voie ferrée de Nancy à Thionville) » sont remplacés par les mots : « Metz II et Metz III ».
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement a pour objet de rétablir le découpage électoral sur lequel les députés de la Moselle étaient tombés d’accord, à l’exception du député de la première circonscription, dont l’unique but était, comme chacun sait, de récupérer des bureaux de vote de droite dans les circonscriptions voisines et de se débarrasser des bureaux de vote de gauche. Je regrette que le Gouvernement lui ait donné satisfaction, lui permettant ainsi de réaliser une opération qui n’a rien à voir avec le bon fonctionnement de la démocratie.
Je vous ferai part de quelques constats.
Premier constat : la ville de Metz est la seule circonscription qui ait fait l’objet d’un amendement de la commission des lois de l’Assemblée nationale tendant à rectifier les anomalies créées par le découpage fixé par l’ordonnance du 29 juillet 2009.
Deuxième constat : ce découpage a été cité dans toute la presse nationale – Libération, quotidien de gauche, Le Figaro, quotidien de droite, Le Monde, Le Canard enchaîné... – comme le symbole même du charcutage électoral : tous les observateurs considèrent que ce découpage est tout à fait extravagant.
Troisième constat : la ville de Metz est l’une des vingt et une circonscriptions pour lesquelles le Gouvernement a reconnu qu’il avait passé outre aux recommandations de la CCRE et du Conseil d’État ; les interviews données par des membres du Gouvernement respectivement au Monde, daté du 26 juillet 2009, et au Figaro, daté du 29 juillet 2009, le confirment, et ce sont nos seules sources puisque nous ne disposons pas de l’avis du Conseil d’État.
Quatrième constat : la Moselle fait partie des treize départements pour lesquels le Gouvernement n’a absolument pas tenu compte des observations de la CCRE. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le Gouvernement lui-même dans ses observations annexées au rapport de première lecture de l’Assemblée nationale.
Cinquième constat : pour la ville de Metz – ce cas est unique ! –, le Gouvernement a transmis à la CCRE, pour les bureaux de vote concernés par le charcutage électoral, des chiffres de population grossièrement sous-estimés.
Je ne demande pas que l’on utilise les chiffres de 2007, 2008 ou 2009 ! Je me serais contenté de ceux de 2006. Or ce ne sont pas les vrais chiffres de 2006 qui ont été utilisés, comme cela était demandé, mais des chiffres falsifiés ! On a trompé la CCRE et ce mensonge a perduré... Si une question écrite n’avait pas été adressée au Gouvernement sur ce sujet, l’obligeant à répondre à la fin du mois d’octobre, personne ne nous aurait donné les vrais chiffres !
Forts de ces cinq constats, nous comprenons que Metz constitue un cas particulier : « l’archi-symbole » du charcutage électoral. C’est pour dénoncer cette situation que j’ai présenté cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par M. Todeschini, Mme Printz, M. Masseret et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le tableau n°1 annexé au code électoral est ainsi modifié :
1° dans la 1ère circonscription de la Moselle, les mots : « Metz III (partie non comprise dans la 3ème circonscription) » sont remplacés par les mots : « Metz I »
2° dans la 3ème circonscription de la Moselle, les mots : « Metz I, Metz, II, Metz III (moins la partie située à l'ouest de la voie ferrée de Nancy à Thionville) » sont remplacés par les mots : « Metz II et Metz III ».
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Je vais présenter, par solidarité lorraine, cet amendement déposé par mes collègues mosellans Jean-Marc Todeschini, Gisèle Printz et Jean-Pierre Masseret. Il concerne, comme l’amendement précédent, l’étrange découpage électoral du canton de Metz III qui, paraît-il, suit le tracé de la voie ferrée reliant Nancy à Thionville…
En Lorraine, nos sommes très attachés à l’histoire. Or ce découpage ignore l’histoire de la région messine, qui est redevenue française après 1918 ! Historiquement, le lit de la Moselle a toujours servi de limite entre les première et troisième circonscriptions de la Moselle. Vous ne pouvez rompre ainsi avec l’histoire, monsieur le secrétaire d’État !
Par ailleurs, la permutation de bureaux de vote d’une circonscription à l’autre ne repose sur aucune justification démographique. Le nombre d’électeurs de ces bureaux ne correspond pas, en effet, au nombre d’habitants. Il est impossible, dès lors, de chiffrer le nombre d’habitants qui seront transférés vers la circonscription de Metz III.
En outre, ce découpage est en contradiction avec les avis défavorables émis par la CCRE et du Conseil d’État, qui ont suggéré le maintien, entre les deux circonscriptions, des limites existantes.
Comme celui de M. Masson, le présent amendement a pour objet de corriger le charcutage particulièrement partisan opéré ici en faveur de M. Grosdidier, et de maintenir le canton de Metz I dans la première circonscription, le canton de Metz III restant en entier dans la troisième circonscription, comme cela a toujours été le cas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ces deux amendements sont quasi identiques, même si les explications données ne le sont pas : les unes sont moins personnalisées que les autres…
Ces amendements ont déjà été examinés par la commission en première lecture, et par l’Assemblée nationale en première lecture et en deuxième lecture.
La commission maintient son avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. J’émets également un avis défavorable. (M. David Assouline proteste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je tiens à préciser au président de la commission des lois que l’Assemblée nationale n’a pas pu se prononcer sur ces amendements...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si, en première lecture !
M. Jean Louis Masson. Après que la commission des lois s’est prononcée, le Gouvernement a exigé un vote bloqué. On a donc imposé à l’Assemblée nationale de passer outre le vote de sa commission !
M. David Assouline. C’est un scandale !
M. Jean Louis Masson. Nos collègues députés proposaient précisément de rétablir un découpage électoral honnête et loyal.
Vous ne pouvez donc pas dire qu’ils ont voté ce découpage-là ! On sait comment cela se passe en cas de vote bloqué...
Si le vote sur l’article s’était déroulé normalement, rien ne dit que le système aurait été validé... (M. le rapporteur s’esclaffe.)
M. Jean Louis Masson. En effet, de très nombreux députés UMP de la commission des lois ne cautionnaient pas ces pratiques partisanes et ségrégationnistes. Car ce sont en fait deux clans qui s’affrontent au sein même de l’UMP !
M. David Assouline. Cela existe ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Deux députés ! C’est encore moins glorieux...
M. Jean Louis Masson. Ce combat qui fait rage au sein de l’UMP ne fait pas honneur à ceux qui le mènent. Ce règlement de comptes est affligeant !
Je suis du même avis que nos collègues sénateurs de la Moselle. Mais le problème n’est pas, selon moi, qu’une circonscription soit délimitée par une voie ferrée ou par une rivière, mais que l’on ait créé une excroissance, une hernie, au sein de la troisième circonscription, une zone rattachée à la première par un étranglement de deux cents mètres de large.
Le Gouvernement a décidément fait le maximum pour « bétonner » l’élection de M. Grosdidier, au détriment d’une autre élue issue du même parti.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mon cher collègue, je vous rappelle que le Sénat avait déjà rejeté des amendements de même nature en première lecture.
M. Jean Louis Masson. Non !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si, je suis désolé !
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, je demande la parole.
M. le président. Monsieur Masson, pour la sérénité de nos débats, j’accepte de vous donner la parole pour quelques instants, bien que vous veniez d’expliquer votre vote.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, j’ai expliqué mon vote sur l’amendement n° 4, non sur l’amendement n° 13…
Monsieur Hyest, le Sénat a, dans sa très grande sagesse, en première lecture, adopté un amendement supprimant l’article unique et, de ce fait, a rejeté l’ensemble du projet de loi (M. le rapporteur proteste) sans avoir eu le temps de se prononcer sur des amendements comparables à ceux que nous examinons actuellement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est faux !
M. Jean Louis Masson. Ne disons pas n’importe quoi !
Je rends hommage à notre collègue Pignard, qui, indépendamment de toutes les mises en cause dont il a fait l’objet, a très bien voté.
M. Nicolas About. Arrêtez !
M. Jean Louis Masson. En réalité, ce sont plutôt les absents qui auraient dû être mis en cause !
M. Nicolas About. C’est nul !
M. Jean Louis Masson. Je tiens à rétablir la vérité !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, ce n’est pas la vérité !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mme Alquier, M. Pastor et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième colonne du tableau n° 1 annexé à l'article L. 125 du code électoral est ainsi modifiée, en ce qui concerne le département du Tarn :
1° À la ligne correspondant à la 1ère circonscription, les mots : « cantons de Alban, Albi Centre, Albi Est, Albi Sud, Anglès, Brassac, Castres Est, Castres Sud, Lacaune, Montredon-Labessonnié, Murat-sur-Vèbre, Réalmont, Roquecourbe, Vabre, Valence-d’Albigeois Villefranche d'Albigeois » sont supprimés et sont insérés les mots : « cantons de Albi-Centre, Albi-Est, Albi Nord-Ouest, Albi-Ouest, Albi-Sud, Carmaux-Nord, Carmaux-Sud, Cordes, Monestiés, Pampelonne, Valdériès, Valence d'Albi, Vaour, Villefranche d'Albi » ;
2° À la ligne correspondant à la 2ème circonscription du Tarn, les mots : « cantons de Albi Nord-Est, Albi Nord-Ouest, Albi Ouest, Cadalen, Carmaux Nord, Carmaux Sud, Castelnau-de-Montmiral, Cordes-sur-Ciel, Gaillac, Graulhet, Lisle-sur-Tarn, Monestiés, Pampelonne, Rabastens, Salvagnac, Valdériès, Vaour » sont supprimés et sont insérés les mots : « cantons de Alban, Anglès, Brassac, Castres-Est, Castres-Nord, Castres-Ouest, Castres-Sud, Labruguière, Lacaune, Mazamet Nord-Est, Mazamet Sud-Ouest, Montredon-Labessonnié, Murat sur Vèbre, Réalmont, Roquecourbe, St-Amans-Soult, Vabre » ;
3° À la ligne correspondant à la 3ème circonscription du Tarn, les mots : « cantons de Castres Nord, Castres Ouest, Cuq-Toulza, Dourgne, Labruguière, Lautrec, Lavaur, Mazamet, Nord-Est, Mazamet Sud-Ouest, Puylaurens, Saint-Amans-Soult, Vielmur-sur-Agout » sont supprimés et sont insérés les mots : «cantons de Cadalen, Castelnau de Montmirail, Cuq Toulza, Dourgne, Gaillac, Graulhet, Lautrec, Lavaur, Lisle sur Tarn, Puylaurens, Rabastens, St Paul Cap de Joux, Salvagnac, Vielmur ».
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. N’espérant plus guère aujourd’hui que le Gouvernement évolue, c’est donc, plus encore qu’au mois de décembre, non seulement à la représentation nationale, mais aussi à nos concitoyens que M. Pastor et moi-même nous adressons.
Le Tarn fait partie des départements qui doivent perdre un député. Le redécoupage que vous avez mis en œuvre, monsieur le secrétaire d’État, ne tient pas compte des avis de la commission consultative du redécoupage électoral ni même, semble-t-il, de ceux de la section de l’intérieur du Conseil d’État. Certes, il prend en considération le fameux critère démographique, pour rester sous la barre fatidique des 20 % d’écart entre circonscriptions, afin d’échapper, croit le Gouvernement, aux foudres du Conseil constitutionnel.
Mais en fait, la logique retenue est destinée à garantir les intérêts du parti majoritaire, au mépris des réalités.
Cette logique méprise les pôles urbains du Tarn. Le Gouvernement réalise l’exploit de regrouper dans une même circonscription une partie des villes d’Albi et de Castres, soit la préfecture et la sous-préfecture du département !
Elle méprise également les intercommunalités existantes : le territoire de la communauté d’agglomération de Castres-Mazamet comme celui de la communauté d’agglomération de l’Albigeois et de nombreuses autres communautés de communes sont fractionnés.
Elle méprise enfin les identités économiques : celle de Carmaux-Albi, avec son fort ancrage industriel, celle de Castres-Mazamet, ancien bassin textile abritant de nombreuses PME et PMI, et celle d’un troisième bassin, propre à l’ouest du département, qui assure la transition vers l’agglomération toulousaine et regroupe les villes de Rabastens, Lavaur, Graulhet et Gaillac.
On observe que les circonscriptions les plus touchées par ce redécoupage sont les deux de gauche. En revanche, est confortée la circonscription qui, créée en 1986, lie Lavaur et Mazamet, deux villes qui n’ont pas grand-chose en commun, si ce n’est leur couleur politique.
Trois des quatre députés du Tarn, Jacques Valax, Philippe Folliot et Thierry Carcenac, bien que n’étant pas tous de gauche, se sont unanimement élevés contre ce redécoupage. De nombreux élus locaux, l’Association des maires et des élus locaux du Tarn ainsi que de nombreux commentateurs extérieurs à notre département, qui ont stigmatisé les invraisemblances de votre charcutage électoral, ont fait une proposition s’appuyant sur le découpage de 1958.
La commission Guéna propose, elle aussi, « d’approcher au mieux l’objectif d’équilibre démographique par un redécoupage qui, reprenant les grandes lignes de celui de 1958, repose sur la distinction traditionnelle des bassins de vie d’Albi et Carmaux, Castres et Mazamet et enfin Gaillac, Graulhet et Lavaur ».
Pour l’essentiel, nous reprenons cette proposition dans l’amendement n° 11. Face à l’existence incontestable de ces trois bassins de vie et d’emploi, il est urgent, monsieur le secrétaire d’État, de revenir à la raison.
De plus, nous avons bien compris que ce redécoupage en laisse présager un autre, celui des cantons, qui devra s’appuyer, selon vos projets, sur les nouvelles circonscriptions législatives. C’est donc pour éviter ce double charcutage que nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En première lecture, la commission avait examiné avec la plus grande attention un amendement similaire et écouté les explications qui avaient alors été données. Elle avait estimé que ce texte n’était pas pertinent.
L’amendement ayant été rejeté par le Sénat en première lecture, je confirme aujourd'hui l’avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Madame Alquier, le redécoupage du Tarn retenu par le Gouvernement respecte les prescriptions du Conseil constitutionnel et tient compte des dynamiques démographiques.
Je tiens maintenant à vous fournir quelques précisions complémentaires.
Comme vous l’avez rappelé, les écarts démographiques des circonscriptions se situent très largement en deçà des plus ou moins 20 % autorisés par les plus hautes juridictions de la République.
Le redécoupage retenu s’appuie en outre sur les données transmises par l’INSEE et prend en compte les dynamiques géographiques. La croissance démographique du département provenant essentiellement de l’ouest et du sud-ouest – vous en conviendrez –, le partage de l’ouest du département en deux circonscriptions garantit un redécoupage équilibré.
Enfin, le partage de la ville de Castres ne semble pas présenter plus d’inconvénients que celui auquel a été soumise la ville d’Albi. Le soutien apporté au projet par le maire de Castres, par ailleurs président de la communauté d’agglomération de Castres, atteste les avantages d’une telle partition.
M. Bernard Frimat. Le maire de Castres est UMP ?
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Alquier. M. le secrétaire d'État restant sourd à nos arguments, je maintiens cet amendement, que je vous demande de bien vouloir adopter, mes chers collègues.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est normal !
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le tableau n° 1 ter annexé au code électoral est ainsi modifié :
1° Dans la 1ère circonscription électorale des Français établis hors de France, les lignes : « États-Unis : 3e circonscription : circonscriptions consulaires de Houston, La Nouvelle-Orléans ; » et « États-Unis : 4e circonscription : circonscriptions consulaires de Los Angeles, San Francisco. » sont supprimées.
2° Dans la 2e circonscription électorale des Français établis hors de France, après les mots « Trinité-et-Tobago. », sont ajoutées les lignes : « États-Unis : 3e circonscription : circonscriptions consulaires de Houston, La Nouvelle-Orléans ; » et « États-Unis : 4e circonscription : circonscriptions consulaires de Los Angeles, San Francisco. »
3° Dans la 3e circonscription électorale des Français établis hors de France, après la ligne : « Lituanie, Norvège, Suède. » est insérée une ligne ainsi rédigée : « Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizstan, Moldavie, Ouzbékistan, Russie, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine. »
4° Dans la 5e circonscription électorale des Français établis hors de France, après la ligne : « Portugal. » est ajoutée la ligne : « Italie, Malte, Saint-Marin, Saint-Siège. »
5° Dans la 7e circonscription électorale des Français établis hors de France, après le mot : « Slovaquie. » est insérée la ligne : « Chypre, Grèce, Turquie. »
6° Dans la 8e circonscription électorale des Français établis hors de France, les lignes : « Italie, Malte, Saint-Marin, Saint-Siège ; » et « Chypre, Grèce, Turquie ; » sont remplacées par trois lignes ainsi rédigées : « Égypte, Soudan ; », « Irak, Jordanie, Liban, Syrie ; » et « Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar, Yémen ; »
7° Dans la 9e circonscription électorale des Français établis hors de France, les lignes : « Cap-Vert, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Sénégal, Sierra Leone ; » et « Côte d'Ivoire, Liberia. » sont supprimées.
8° Dans la 10e circonscription électorale des Français établis hors de France, la ligne : « Égypte, Soudan ; » est supprimée et les lignes : « Irak, Jordanie, Liban, Syrie ; » et « Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar, Yémen. » sont remplacées par les lignes : « Cap-Vert, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Sénégal, Sierra Leone ; » et « Côte d'Ivoire, Liberia. »
9° Dans la 11e circonscription électorale des Français établis hors de France, la ligne : « Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizstan, Moldavie, Ouzbékistan, Russie, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine ; » est supprimée.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Dans cet amendement, nous reprenons des propositions que nous avions formulées lors de la première lecture, Monique Cerisier-ben Guiga, Claudine Lepage et moi-même.
Nous vous proposons de modifier le nouveau tableau n° 1 ter annexé au code électoral, avec plusieurs objectifs.
Premièrement, il convient de rééquilibrer les deux circonscriptions du continent américain en rattachant les circonscriptions électorales des Français établis hors de France de San Francisco et Houston à la deuxième circonscription, qui comprend le Mexique ainsi que les pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. La première circonscription comporterait alors 125 000 personnes et la seconde, 120 886 personnes. L’équilibre démographique serait ainsi beaucoup plus raisonnable.
Deuxièmement, nous suggérons de rattacher la circonscription de Moscou à la troisième circonscription – îles britanniques, pays scandinaves, pays baltes –, afin que sa population atteigne 130 000 personnes.
Troisièmement, nous proposons de rattacher la circonscription de Rome à la cinquième circonscription – péninsule ibérique et Monaco –, qui passerait ainsi de 95 000 à 136 000 personnes.
Quatrièmement, il s’agit de rattacher la circonscription d’Athènes à la septième circonscription – Allemagne, pays d’Europe centrale et orientale et Balkans –, de façon à disposer d’un ensemble plus étoffé de 136 000 électeurs.
Cinquièmement, il convient de modifier la huitième circonscription, afin d’en faire une circonscription « Proche-Orient », incluant la circonscription de Tel-Aviv et les circonscriptions du Caire, de Beyrouth et d’Abou Dhabi. Cette circonscription comprendrait ainsi environ 100 000 personnes.
Sixièmement, afin de rééquilibrer les deux circonscriptions d’Afrique noire subsaharienne, nous suggérons de rattacher les circonscriptions de Dakar et d’Abidjan à la dixième circonscription.
Indépendamment de tout esprit partisan, ces propositions visent à rééquilibrer, d’un point de vue démographique, les circonscriptions qu’a présentées M. le secrétaire d'État et semblent tout à fait raisonnables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement a également été examiné avec attention par la commission. Un amendement tendant à insérer un article additionnel similaire avait déjà été rejeté en première lecture par le Sénat sur avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
La commission maintient en deuxième lecture son avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Le découpage des circonscriptions dévolues aux Français établis hors de France a été effectué avec le souci de ne pas diviser les circonscriptions d’élection des représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger ; il a été opéré par le gouvernement Mauroy en 1982 et ne peut donc nous être imputé.
Le projet que présente aujourd'hui le Gouvernement reprend sept des onze propositions émanant des sénateurs représentant les Français établis hors de France, vous le savez, monsieur Yung. Il a été validé par la commission prévue à l’article 25 de la Constitution.
C’est tout ce que je peux vous dire aujourd'hui.
M. Bernard Frimat. Ce n’est pas beaucoup !
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le tableau n° 1 annexé au code électoral est ainsi modifié :
1° Dans la deuxième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : «Saint-Mandrier-sur-Mer, La Seyne-sur-Mer, Six-Fours-les-Plages, Toulon II.»
2° Dans la troisième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : « Hyères-Est, Hyères-Ouest, La Crau (moins la commune de La Londe), La Garde. »
3° Dans la quatrième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : « Le Beausset, Ollioules, Toulon III, La Valette-du-Var.»
4° Dans la cinquième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : « Fayence, Fréjus, Le Muy (moins la commune du Muy), Saint-Raphaël. »
5° Dans la sixième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : « Barjols, Besse-sur-Issole, Brignoles, Cotignac, La Roquebrussanne, Rians, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume. »
6° Dans la septième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : « Collobrières, Cuers, Grimaud, Saint-Tropez, Solliès-Pont, commune de La Londe des Maures. »
7° Dans la huitième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : « Aups, Callas, Comps-sur-Artuby, Draguignan, Le Luc, Lorgues, Salernes, Tavernes, commune du Muy. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Si l’on veut une illustration de ce que devient le Parlement en République consulaire, quel magnifique exemple !
Avec cet amendement, dans le respect des critères fixés par le Conseil constitutionnel, nous avions la possibilité d’opérer un découpage dans le département du Var qui respecterait les bassins de vie, les intercommunalités, les moyens de communication.
Comme je sais d’ores et déjà que l’on ne s’épuisera pas à me répondre, je me fatiguerai peu à expliquer mon point de vue. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Le développement démographique du département du Var ayant appelé la création d’une huitième circonscription, le préfet a consulté les députés, tous UMP. Chacun d’entre eux a accepté de « couper » un petit bout de sa circonscription : une énorme huitième circonscription est née, s’étendant des Alpes-Maritimes aux Bouches-du-Rhône, au Vaucluse, aux Alpes-de-Haute-Provence, le tout sans moyens de communication directs permettant de parcourir de bout en bout les 150 kilomètres de distance.
Lorsque je soutiens m’être efforcé de formuler une proposition qui respecte non seulement les prescriptions et, mieux, les équilibres démographiques, les bassins de vie et les intercommunalités, d’aucuns me rétorquent que le projet du Gouvernement respecte ces principes. Certes, mais précisément, on pouvait faire encore mieux tout en respectant les principes !
Je ne comprends pas – ou peut-être ai-je trop bien compris ? – les raisons pour lesquelles le Gouvernement fait la sourde oreille.
Le seul argument qui m’est opposé- le système que je propose reviendrait à laisser le préfet fixer les limites des circonscriptions - est d’une telle stupidité que je ne m’y attarderai pas.
Je le répète : le Gouvernement pouvait tout à fait tenir compte des remarques formulées et faire élire des députés UMP, car même M. Marleix, avec tout son talent, n’arriverait pas à faire élire des personnes de gauche dans le Var !
Nous sommes donc réduits au silence même sur des questions techniques, même lorsque nous proposons des améliorations qui, politiquement, n’engagent à rien !
Chers collègues de la majorité, si vous trouvez que c’est cela, le rôle des parlementaires, bravo !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Collombat, même si vous semblez penser le contraire, nous avons examiné avec attention cet amendement, dont vous nous avez d'ailleurs expliqué vous-même que vous l’aviez déposé pour la beauté du geste, ou peu s’en faut...
M. Pierre-Yves Collombat. C’est important !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je rappelle tout de même que la commission prévue par l’article 25 de la Constitution a donné un avis favorable à ce découpage, tout comme le Conseil d'État.
Cette commission a indiqué expressément que les circonscriptions du Var « présente[nt] un profil équilibré sur le plan démographique » et que le Gouvernement a choisi « l’option la plus opportune pour répartir de manière homogène la population des différentes circonscriptions autour de la moyenne départementale ». (M. Pierre-Yves Collombat manifeste son scepticisme.)
Bien sûr, d’autres découpages sont toujours possibles. Toutefois, en l’espèce, la proposition du Gouvernement a reçu un avis favorable de toutes les instances de consultation. Je ne vois pas pourquoi nous serions plus exigeants !
Mes chers collègues, cet amendement ayant déjà été rejeté par le Sénat en première lecture, je vous propose de confirmer ce vote, et j’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur Collombat, j’écoute toujours vos propositions avec beaucoup d’intérêt, vous le savez. Toutefois, vous proposez ici – pardonnez-moi de le souligner – de ne pas respecter la loi !
Le respect des limites des intercommunalités ne fait l’objet d’aucune prescription constitutionnelle. En outre, une telle contrainte apparaît d’autant moins justifiée qu’il s'agit ici des circonscriptions d’élus de la Nation, et non d’élus locaux. La loi d’habilitation est formelle sur ce point : le respect des limites du canton constitue le seul et l’unique critère qu’il faut prendre en compte.
Enfin, comme l’a rappelé M. le rapporteur, le Conseil d'État aussi bien que la commission de contrôle ont validé ce schéma.
M. David Assouline. Quand ils n’ont pas validé, vous passez outre !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d'État, pourrons-nous un jour avoir un dialogue normal, au lieu de répéter sans cesse les mêmes arguments ?
M. Laurent Béteille. C’est une bonne question ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre-Yves Collombat. Je n’ai jamais prétendu qu’il était obligatoire de constituer les circonscriptions à partir des intercommunalités.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. D’autant que celles-ci peuvent changer !
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai affirmé que, en l’espèce, dans le Var, tout en respectant les critères qui ont servi à réaliser le découpage, nous pouvions également prendre en compte les bassins de vie et les moyens de communication.
Quand M. Guéna s’est rendu devant notre commission, afin de recevoir notre bénédiction (Sourires sur les travées du groupe socialiste), je l’ai interrogé sur ce point, et il m’a répondu que les intercommunalités pouvaient bien être prises en considération, pourvu que d’autres conditions, notamment démographiques, soient satisfaites.
Il a souligné qu’il s’agissait là d’un critère intéressant – je ne me souviens plus exactement de la formule qu’il a utilisée, mais ses propos figurent, j’y ai veillé, au compte rendu officiel de notre réunion - et telle était bien l’idée.
Sans doute M. Guéna ne se souvient-il plus ! Il est tellement indépendant qu’il oublie peut-être aussitôt tout ce qui se dit et s’entend…
Je le répète, je n’ai aucun intérêt personnel ici, et j’interviens peut-être pour la beauté du geste, monsieur le rapporteur. Néanmoins, je préférerais que nos circonscriptions correspondent à peu près aux lieux de vie des gens et ne soient pas complètement « hors-sol » !
Le respect des intercommunalités est un élément supplémentaire ; il ne se substitue pas aux autres critères et je n’en fais pas une condition sine qua non. Je pense tout de même avoir été assez clair !
En tout cas, monsieur le secrétaire d'État, votre réaction montre que nous n’avons même pas le pouvoir de discuter du troisième chiffre après la virgule ! Nous siégeons dans une chambre d’enregistrement qui se borne à applaudir le Gouvernement en toute circonstance et à le féliciter quand il agit comme il doit le faire.
Je le répète, telle n’est pas ma conception du rôle des parlementaires. Certains en ont peut-être une autre ; c’est leur droit, mais je trouve que c’est dommage.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Lozach et Mme Nicoux, est ainsi libellé :
Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le tableau n° 1 annexé au code électoral est ainsi modifié :
- Creuse : deux circonscriptions
- Lozère : deux circonscriptions
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. À travers cet amendement, Jean-Jacques Lozach et moi-même défendons de nouveau la création de deux circonscriptions supplémentaires, une dans la Creuse, l’autre en Lozère.
En effet, le redécoupage électoral entraînerait la perte d'un siège dans la Creuse, où n’existerait plus qu’une seule circonscription, tout comme en Lozère.
Le Conseil constitutionnel a limité récemment « les exceptions à la règle fondamentale selon laquelle l'Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques ».
La haute juridiction fonde sa décision du 8 janvier 2009 sur le principe intangible de l'égalité des citoyens devant le suffrage. Toutefois, elle reconnaît que « le législateur peut tenir compte d'impératifs d'intérêt général susceptibles d'atténuer la portée de cette règle fondamentale, à condition que ce soit dans une mesure limitée ».
En l’occurrence, le maintien de deux circonscriptions, qui ne concernerait que deux départements, relèverait bien d'une telle « mesure limitée ».
Si cet amendement n’était pas retenu, les Creusois, pour ne citer qu’eux, seraient pénalisés : avec un seul député pour un territoire de plus de 5 000 kilomètres carrés, comportant 260 communes et 124 500 habitants – nous sommes donc tout près du seuil fatidique des 125 000 habitants ! –, ils ne seraient pas justement représentés au sein du pouvoir législatif.
J'ajoute que le projet de loi ne tient pas compte des nouveaux chiffres publiés par l’INSEE, qui montrent que le département de la Creuse a gagné des habitants depuis le dernier recensement.
Si le nombre de ses députés passait de deux à un, la Creuse serait très affectée, alors que les territoires les plus fragiles ont besoin d'être défendus, surtout dans un contexte marqué structurellement par les crises agricoles, les fermetures de services publics, la réduction des moyens des collectivités locales et les atteintes portées aux principes de péréquation et de solidarité nationale.
La création d'une circonscription unique omettrait la juste prise en compte de la spécificité des territoires fragiles et le souhait unanime des élus locaux en faveur d'une représentation plurielle de leur département. Or celle-ci est bien utile aujourd'hui pour défendre un service de radiothérapie menacé ; l’intervention de deux députés auprès du ministère concerné n’est pas de trop pour sauver ce service public de proximité !
Depuis la création du département, la Creuse a toujours été représentée par plusieurs députés. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter aujourd'hui cet amendement tendant à maintenir deux députés dans la Creuse et en Lozère.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La loi d’habilitation prévoyait en effet que chaque département compterait au moins deux sièges de député. Toutefois, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions. Nous n’y pouvons rien !
Ni le département de la Creuse ni celui de la Lozère n’atteignent le seuil nécessaire pour disposer d’un second député. Ma chère collègue, si nous adoptions votre amendement, il serait forcément censuré.
En outre, cet amendement est également irrecevable parce qu’il vise à créer deux sièges de député supplémentaires sans pour autant tendre à en supprimer autant ailleurs. Le nombre des députés étant limité à 577, nous nous trouverions dans je ne sais quel imbroglio si nous le votions !
Cette disposition est donc doublement inconstitutionnelle.
M. Jacques Mahéas. C’est facile !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, cher collègue, c’est la réalité !
Tout le monde convenait depuis très longtemps qu’il fallait deux députés par département. Le Conseil constitutionnel en a jugé autrement. Dès lors, nous sommes obligés d’appliquer sa jurisprudence.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, pour les deux raisons constitutionnelles que j’ai indiquées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je voudrais préciser un point à Mme Nicoux et aux autres élus des deux départements concernés, qu’ils soient députés ou sénateurs, d'ailleurs.
Le Conseil constitutionnel a censuré la disposition de la loi d’habilitation proposée par le Gouvernement aux termes de laquelle tout département devait être représenté à l’Assemblée nationale par au moins deux députés, conformément d'ailleurs à ce qui constituait depuis l’origine la tradition de la République.
J’en suis désolé, mais c’est vous qui avez saisi le Conseil constitutionnel, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, pas les parlementaires de la majorité ! Vous vous êtes en quelque sorte tiré une balle dans le pied, si je puis utiliser cette expression cynégétique…
M. Bernard Frimat. Admirable argumentaire !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En conséquence, la Creuse, dont la population est de 123 000 habitants, et la Lozère, qui compte un peu plus de 76 000 habitants, ne désigneront plus, en effet, qu’un seul député chacune.
D’où un paradoxe : dans le département de la Creuse, la circonscription unique comptera plus de 100 000 électeurs. En nombre d’inscrits, elle sera la plus importante de France – nous évoquions cette question ce matin –, et deux fois plus vaste qu’une circonscription moyenne à Paris ou dans la région parisienne.
Comme l’a indiqué M. le rapporteur, seule une révision constitutionnelle rendrait possible la solution que vous préconisez, madame la sénatrice, et que, à titre personnel, j’appelle également de mes vœux, puisque c’est celle que nous avions retenue dans la loi d’habilitation.
Je crois savoir qu’une proposition de loi a été déposée en ce sens, qui devra bien sûr être examinée par la commission de contrôle présidée par M. Guéna, car celle-ci est pérenne et devra donner son avis sur ce texte.
Ensuite, l’évolution que vous souhaitez, madame la sénatrice, pourrait avoir lieu à l’occasion d’une révision constitutionnelle qui interviendrait éventuellement – mais je ne suis pas dans le secret des dieux ! – avant le prochain renouvellement de l’Assemblée nationale.
Certes, nous ne pouvons modifier la Constitution pour ce seul motif. Toutefois, à l’occasion d’une révision de notre loi fondamentale, une telle proposition pourrait trouver un aboutissement et nous permettre de revenir à une solution juste.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, pour explication de vote.
Mme Renée Nicoux. Monsieur le secrétaire d'État, je remarque que votre position est moins rigoureuse que lors de la première lecture de ce texte. Je vous remercie de vous être déclaré favorable à l’évolution du nombre des députés de la Creuse.
D'ailleurs, comme je l’ai souligné tout à l’heure, les résultats du dernier recensement montrent que ce département, qui comptait 124 500 habitants, vient d’en gagner 460 ; nous atteindrons donc au cours de cette année le seuil des 125 000 habitants, qui permet d’obtenir un député supplémentaire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est la conséquence du recensement !
Mme Renée Nicoux. Une telle évolution marque tout de même un changement important pour un département rural comme la Creuse, dont la population a diminué pendant plus d’un siècle – il perdait mille habitants par an ! – et qui, pour la première fois, voit sa situation démographique s’améliorer. Nous espérons d'ailleurs que ce phénomène sera durable et que la population du département, aujourd’hui stabilisée, augmentera de nouveau.
Toutefois, qu’adviendra-t-il si nous n’avons pas la possibilité de revenir sur la suppression d’une circonscription en raison du nombre de députés plafond qui a été introduit dans la Constitution ?
L’un de nos collègues de l’Assemblée nationale a déposé un amendement qui vise précisément à modifier la Constitution, afin que le nombre des députés ne soit plus gravé dans le marbre.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On ne peut pas changer la Constitution par voie d’amendement !
Mme Renée Nicoux. Aujourd'hui, nous devons revoir cette disposition du projet de loi, me semble-t-il, car il ne s’agira là que d’une « mesure limitée ».
Or le Conseil constitutionnel a autorisé le Parlement à s’affranchir du respect de la règle démographique, à condition – ce point est bien précisé dans sa décision – que ce soit de façon « limitée ». Nous pouvons donc choisir de revenir sur le nombre de députés de ces départements.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas aujourd'hui !
Mme Renée Nicoux. Bien sûr, le plafonnement à 577 du nombre des députés qui a été inscrit dans la Constitution pose problème, parce que, pour compenser la création d’une circonscription, il faudrait – mais il n’en est pas question ici – en supprimer une autre.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est obligatoire !
Mme Renée Nicoux. C’est à ce niveau que la question se posera. J’espère que nous trouverons, ensemble, une solution à ce problème.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Le tableau n° 1 annexé au code électoral est ainsi modifié :
1° Dans la première circonscription de l'Aube, les mots : « Méry sur Seine » sont supprimés.
2° Dans la troisième circonscription de l'Aube, ajouter les mots : « Méry sur Seine III ».
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite apporter un peu de sérénité à ce débat. Cet amendement n’a en effet aucune portée politique et son objet ne menace aucun équilibre : il a seulement vocation à voir triompher le bon sens.
M. Bernard Frimat. C’est mal parti !
M. Daniel Reiner. Aucune chance !
M. Philippe Adnot. Dans le département de l’Aube, sur les trois circonscriptions conservées, il en existe une qui est moins importante que les autres en termes de population, mais très importante en nombre de communes. Tout le monde reconnaissait qu’un rééquilibrage était nécessaire. On aurait pu imaginer qu’une concertation serait organisée et que les parlementaires seraient consultés. Mais, en fait de concertation, rien !
Le découpage proposé consiste à attribuer à cette circonscription plus de la moitié du territoire départemental – 220 communes – en diminuant d’autant la circonscription qui compte le moins de communes. Or, dans la mesure où ces trois circonscriptions se rejoignent à Troyes, il suffisait de déplacer 10 000 habitants urbains, pour que ce rééquilibrage ne gêne personne !
Naturellement, c’est le canton rural dont je suis l’élu qui, avec ses 9 000 habitants, a été déplacé et a quitté son arrondissement pour rejoindre la circonscription qui était déjà la plus grande.
Pas un seul citoyen de mon département ne comprend quoi que ce soit à ce découpage ! Organisez un référendum demain et vous constaterez qu’aucune voix ne s’élève pour soutenir cette mesure.
M. Bernard Frimat. Sauf celle d’Alain Marleix !
M. Philippe Adnot. Je le répète, il suffisait de déplacer un canton urbain plutôt qu’un canton rural, et cela ne changeait en rien les équilibres politiques.
Cette décision est-elle un mauvais coup contre François Baroin ? La question se pose, puisque ce découpage lui fera perdre un petit nombre de voix. (Exclamations sur quelques travées de l’UMP.) Mais, monsieur le secrétaire d'État, je vous rassure : cela ne changera rien, il sera tout de même élu !
Est-ce un mauvais coup contre moi ? Ma modeste personne ne justifie pas, à mon sens, une telle manipulation.
Ce qui est sûr, c’est que cela va contre le bon sens.
M. Pierre-Yves Collombat. Cela ne les arrête pas !
M. Philippe Adnot. Est-on toujours obligé de raisonner politiquement ou bien est-il possible, dans cette enceinte, de procéder différemment pour que le bon sens l’emporte ? Telle est la question que je souhaitais poser en défendant cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement est nouveau : il n’avait pas été déposé en première lecture. Initialement, le Gouvernement ne souhaitait pas apporter un grand nombre de modifications à la situation actuelle et le département de l’Aube ne devait pas être concerné. Toutefois, il a été contraint par la commission de contrôle du redécoupage électoral et par le Conseil d’État à rééquilibrer démographiquement les circonscriptions, et ce même dans un département où les circonscriptions ne devaient pas être modifiées.
À entendre certains raisonnements, le député serait quasiment le chef de sa circonscription. Or il s’agit en fait d’une circonscription électorale ! Les communautés de communes, les cantons, c’est autre chose ! (M. Charles Pasqua acquiesce.) M. Pasqua sait de quoi il retourne : on est élu dans un cadre territorial. En 1986, certaines circonscriptions législatives étaient bizarres. Moi-même, j’ai été député d’une circonscription extrêmement étrange.
M. Charles Pasqua. Le fruit du hasard !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela ne m’a d’ailleurs pas empêché d’être élu. Mais c’est une autre histoire. (Sourires.)
Monsieur Adnot, c’est à cause de la commission de contrôle du redécoupage électoral que le Gouvernement a été conduit à procéder à un rééquilibrage démographique, même dans des circonscriptions qui n’étaient pas modifiées.
M. Philippe Adnot. On peut le faire autrement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le découpage qui a été décidé dans le département de l’Aube ne plaît pas plus à vous-même qu’à d’autres éminents parlementaires, mais il répond exactement aux critères fixés par la commission de contrôle du redécoupage électoral.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Nous ne souhaitons pas que le Sénat se trouve amené à redessiner toute la carte des circonscriptions législatives !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Comme c’est la première fois que cette question est abordée, je profiterai de l’examen de cet amendement pour exposer dans le détail la méthodologie retenue par le Gouvernement.
Sur cet amendement, trois observations peuvent être formulées.
Premièrement, dans le département de l’Aube, avec le découpage actuel, les écarts démographiques sont sensibles, puisque l’on va de 83 090 habitants pour la première circonscription – cela représente un écart de 17 % par rapport à une population moyenne départementale des circonscriptions égale à 99 901 habitants – jusqu’à 112 425 habitants pour la troisième circonscription, soit un écart de 13 %.
M. le rapporteur l’a rappelé, dans un premier temps, le Gouvernement avait conservé le découpage de 1986, inchangé depuis 1958, comme il l’avait envisagé pour certains départements dont le nombre de circonscriptions ne varie pas : la loi d’habilitation lui semblait permettre cette stabilité, d’autant que le seuil de 20 % admis par le Conseil constitutionnel était largement respecté.
Deuxièmement, le transfert du canton de Méry-sur-Seine proposé par la commission Guéna a été retenu et le Conseil d’État a également préconisé cette solution.
Le transfert du canton de Méry-sur-Seine, issu de la troisième circonscription, qui permet de réduire le déficit de la première circonscription, malgré les inconvénients que cela peut engendrer, a été demandé par la commission Guéna. Il s’agit non pas d’une « suggestion » mais d’une « proposition », qui est au plus haut sur l’échelle des réactions de la commission de contrôle du redécoupage électoral.
L’ampleur de l’écart démographique entre les deux circonscriptions voisines, proche de 30 %, a été déterminante dans le choix du Gouvernement et l’a conduit à suivre l’avis de la commission de contrôle du redécoupage électoral, comme il l’a d’ailleurs fait dans tous les autres cas similaires.
Troisièmement, une solution de rechange existait, mais sa mise en œuvre aurait été trop lourde de conséquences au regard de la situation actuelle. Elle aurait permis de rééquilibrer les populations des trois circonscriptions du département, tout en respectant mieux la logique de la délimitation actuelle, équilibrée autour de la ville de Troyes, et en maintenant dans chaque circonscription un nombre sensiblement voisin de communes, respectivement 164, 137 et 134.
Cette suggestion a d’ailleurs été transmise à la commission de contrôle du redécoupage électoral par l’un des députés concernés, mais elle n’a pas été retenue, car elle affectait un plus grand nombre de cantons.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne pouvait pas passer outre la proposition de la commission de contrôle du redécoupage électoral.
C’est pourquoi il émet aujourd’hui un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Cette explication ne tient pas. Personne ne conteste la nécessité du rééquilibrage démographique. En revanche, il était possible de l’opérer à partir d’un milieu urbain, sans créer de telles disproportions entre les territoires.
Avec ce nouveau découpage, l’une des trois circonscriptions de l’Aube représentera plus de la moitié du département, avec 220 communes, alors qu’une autre n’en comptera qu’une centaine. C’est ridicule. Personne ne comprend une telle décision. En revanche, tout le monde perçoit le fort mépris manifesté à l’égard des citoyens, à qui l’on impose une situation sans leur demander leur avis.
À la limite, cet amendement avait pour seul objet d’obliger le Gouvernement à réaffirmer qu’il ne tient compte ni de l’avis des gens, des populations concernées, ni du bon sens.
La commission des lois s’est trompée. Nous ne contestons pas le rééquilibrage démographique, mais il était parfaitement possible d’y procéder sans déséquilibrer les territoires : il aurait suffi de déplacer un canton urbain et non un canton rural. Le Gouvernement ne le souhaite pas : il a certainement quelques arrière-pensées. L’histoire jugera !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas à nous de faire la carte électorale !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. La situation qu’expose notre collègue est tout à fait comparable à celle que j’ai décrite s’agissant du département du Var. Personnellement, je voterai cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article unique
(Texte non modifié)
L’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés, prise en application de la loi n° 2009-39 du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et autorisant le Gouvernement à fixer le nombre total et à délimiter les circonscriptions des députés élus par les Français établis hors de France et à mettre à jour la répartition des sièges de députés élus dans les départements et dans les collectivités d’outre-mer, ainsi que la délimitation des circonscriptions législatives, est ratifiée.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite revenir sur ce que conteste M. le secrétaire d'État, à savoir la légitimité de nos débats sur la modification de la carte des circonscriptions législatives. Pour cela, je citerai certains des propos qu’il a tenus à l'Assemblée nationale. Ils méritent que l’on s’y attarde.
« Le passage du texte au Sénat était juridiquement nécessaire [...]. Il devait alors être rapide : la tradition veut en effet qu’une assemblée parlementaire ne s’immisce pas dans les questions touchant les membres de l’autre assemblée. » Mes chers collègues, apprenez que nous nous « immisçons » !
Je ne reviens pas sur ce qui a déjà été souligné : ce type de manœuvre a déjà été pratiqué. Je ferai cependant remarquer que le nouveau découpage aura une influence sur les nouveaux cantons qui seront dessinés pour y installer les nouveaux conseillers territoriaux, si le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales est adopté. Par conséquent, en tant que sénateurs, nous sommes directement concernés.
Mais je poursuis ma citation.
« Je remarque cependant que le Sénat, qui était appelé à voter [...] ne devait pas débattre. » J’ai eu l’occasion de souligner que nous étions dans un régime de République consulaire. C’est exactement cela !
M. Pierre Fauchon. C’était mieux que l’Empire !
M. Pierre-Yves Collombat. Sous le Consulat, sans parler même de l’initiative des lois, rôle qui, dans notre République, semble aujourd’hui assumé par le journal de vingt heures, une chambre débattait sans voter, l’autre votait sans débattre.
C’est ce qui nous était proposé : il fallait que nous votions sans débattre !
À en croire le Gouvernement, c’est d’ailleurs parce que le méchant Sénat a débattu que le texte a dû être examiné en deuxième lecture à l’Assemblée nationale !
Non, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas la discussion au Sénat qui a provoqué cette situation ; c’est un incident – rien de plus – sur lequel il n’est pas utile de revenir éternellement, même si, pour ma part, j’y ai vu la main des dieux. (Sourires.)
La suite est de la même eau, mais plus formidable encore : « Qu’on le veuille ou non, la représentation nationale s’en trouve insécurisée. » Ainsi donc, nous « insécurisons la représentation nationale » ? Quelle accusation ! Ce n’est pas rien !
Enfin et surtout : « Certains ont ainsi voulu, si je puis dire, refaire le match. En laissant le Sénat venir en quelque sorte sur votre terrain, empiéter sur votre choix et donc s’ériger en arbitre, voire en censeur, de vos conditions d’élection, ont-ils conscience de la dérive ainsi provoquée, qui ne sert pas l’Assemblée nationale, seule chambre, rappelons-le, élue au suffrage universel direct ? » (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste.)
En d’autres termes, pour faire accepter le vote bloqué, on met tout sur le dos de la Haute Assemblée en faisant croire aux députés que, s’ils ne sont pas bien gentils, les sénateurs vont venir manger dans leur gamelle. C’est un peu fort !
Cela signifie-t-il que la chambre élue au suffrage universel direct aurait une légitimité plus grande que celle qui est élue au suffrage universel indirect ?
Monsieur le secrétaire d'État, sommes-nous les indigènes de la République ?
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. Le projet de loi de ratification de l’ordonnance concernant les circonscriptions législatives nous revient donc après sa discussion en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, à la suite de son rejet par le Sénat.
Le Gouvernement persiste donc à défendre un projet dont les débats dans les deux assemblées ont pour le moins révélé qu’il portait lourdement atteinte à la démocratie. Le Gouvernement aurait pourtant pu saisir, on l’a fort bien exposé ce matin, l’occasion du recensement publié le dernier jour de l’année 2009 pour revoir sa copie.
En tenant compte de ces nouveaux chiffres et en reprenant totalement la procédure, le Gouvernement aurait respecté les exigences constitutionnelles. Il aurait respecté l’égalité des citoyens devant le suffrage.
Il a préféré une nouvelle fois passer en force pour finir par recourir, mardi dernier, à l’Assemblée nationale, à un vote bloqué, refusant l’examen des amendements dont plusieurs orateurs de l’opposition, comme M. Bruno Le Roux, avaient exposé minutieusement le bien-fondé.
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
M. Louis Mermaz. Notre groupe s’élève à nouveau – mieux vaut se répéter que se contredire – contre le fait que le Gouvernement s’obstine à choisir, pour la répartition des sièges de députés, une méthode de calcul, de préférence à d’autres, méthode qui, par un effet de seuil, vous l’avez constaté vous-même, monsieur le secrétaire d’État, favorise les départements les moins peuplés au détriment de ceux où la population se concentre désormais.
Lors du premier débat d’habilitation devant l’Assemblée nationale, vous avez usé, monsieur le secrétaire d’État, d’une formule à la fois cynique et cocasse : « Mais nous ne sommes pas à la recherche du meilleur système de répartition ». Quel aveu ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Le remodelage des circonscriptions à l’intérieur des départements obéit, on l’a compris, à une tout autre logique, dictée celle-là par l’intérêt exclusif de l’UMP, dont le Président de la République, confondant les genres, est de fait le chef, quelques miettes, monsieur Pierre Fauchon, revenant au Nouveau Centre.
Peu importe qu’il faille pour cela casser des villes ou des cantons, tourner le dos aux réalités administratives ou simplement à celles de la vie quotidienne : il faut refouler autant que faire se peut les électeurs réputés de gauche dans des circonscriptions de sûreté, dans des réserves, si vous préférez, pour conforter les circonscriptions plutôt de droite, que l’on redessine quand nécessaire ou que l’on crée. Et le tour est joué !
Pour les futures circonscriptions des Français résidant hors de France, le Gouvernement a vu large, très large, puisqu’elles enjamberont les continents et les océans sur des milliers de kilomètres. Continents et océans seront logés à la même enseigne que nos cantons métropolitains !
Faut-il que le Président de la République et le Gouvernement soient inquiets pour l’avenir de leur majorité ! On constate, en effet, que, plus les échecs économiques sont patents, plus les inégalités se creusent, plus ils tentent de se prémunir contre un rejet du pays en se barricadant et en s’attaquant non seulement aux libertés et aux droits des collectivités locales, victimes d’une véritable casse – je vous renvoie au projet de loi sur les conseillers territoriaux –, mais aussi bientôt à l’indépendance de la justice, à la liberté de la presse – je vous renvoie ici à la nouvelle loi prévoyant, selon un système bizarre, la nomination des PDG de l’audiovisuel public – ainsi qu’au droit d’asile.
Un ministre s’en prend maintenant au Conseil constitutionnel dans un article du quotidien Le Monde, parce qu’une décision a déplu.
Et mardi, ce fut le tour du Sénat, accusé devant l’Assemblée nationale de se mêler de ce qui ne le regarde pas. Nous avons apprécié, sur toutes les travées de notre assemblée, la mise au point de M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, qui s’exprimait sous l’œil pétillant du président du Sénat. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est toujours pétillant !
M. le président. En effet, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
M. Louis Mermaz. Mais, à mon sens, M. Hyest fut, hélas ! moins bon dans les conclusions de son rapport.
À entendre le secrétaire d’État, le Sénat n’aurait donc pas à se préoccuper de ce qui touche au mode d’élection de l’Assemblée nationale. M. Bernard Frimat a apporté la preuve que les choses ne s’étaient jamais passées comme il semblait le penser.
Comme si les lois électorales ne relevaient pas constitutionnellement d’un vote dans les deux assemblées ; comme si le Parlement n’était pas un, composé de deux assemblées ; comme si chacune d’entre elles n’avait pas pour mission de veiller, par ses délibérations et par ses votes, à l’équilibre des institutions et au respect de la démocratie !
Autant de raisons pour nous, mes chers collègues, de voter contre l’article unique, s’il n’est pas supprimé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 9 est présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour défendre l’amendement n° 8.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce projet de loi, qui redessine les circonscriptions électorales de nos collègues députés, est clairement orienté pour vous permettre de conserver la majorité. La partialité de votre découpage est évidente.
Il ne s’agit en aucun cas d’un projet qui vise à assurer une plus grande représentativité des citoyens. Monsieur le secrétaire d’État, ce matin, en réponse à la motion que je défendais, vous laissiez entendre que je n’étais pas d’accord pour revenir sur le recensement. Pas du tout, je suis tout à fait d’accord au contraire pour que l’on procède à une nouvelle délimitation des circonscriptions puisque la dernière est fort ancienne.
Cependant, votre projet ne respecte en rien les recommandations du Conseil constitutionnel et remet en cause le principe d’égalité des citoyens devant la loi. Votre texte instaure de nouvelles disparités entre les citoyens, raison pour laquelle nous ne pouvons pas l’accepter en l’état.
C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression et j’ose espérer – je suis très optimiste – qu’il connaîtra le même sort que lors de la première lecture…
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Bernard Frimat. S’agissant d’un amendement de suppression, je tiens à attirer l’attention du Sénat, car l’expérience prouve que le vote des amendements de suppression est un moment particulièrement vivant et tonique dans notre hémicycle. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je le dis à chaque sénateur : quand il prendra le bulletin dans son tiroir, qu’il fasse bien attention à ne pas confondre le rouge et le bleu ; que, dans l’exercice de son libre arbitre, il choisisse bien, et que, si jamais il se trompait, il coure, il vole, il bondisse à la tribune pour nous éviter le genre d’incident que nous avons connu ! (Sourires.)
M. Nicolas About. Va, cours, vole, et nous venge !
M. Bernard Frimat. Nous avons déposé cet amendement de suppression pour les raisons présentées par Mme Josiane Mathon-Poinat et pour celles que j’ai indiquées ce matin dans la discussion générale sur le caractère exclusivement partisan d’un découpage qui tord les dispositions et n’a d’autre ambition que de ne pas enfreindre les visions du Conseil constitutionnel.
En outre, ce découpage traduit, M. Jean-Pierre Sueur l’a montré, une lecture, là aussi, partisane du considérant 21. Le Conseil constitutionnel n’a jamais dit : « Si vous ne dépassez pas les 20 %, c’est bien ». Non ! Il s’agit de faire au mieux, en respectant les données essentiellement démographiques et, chaque fois que c’est possible, d’améliorer les équilibres.
Vous avez choisi la méthode de la tranche, qui n’avait pas été utilisée en 1958, puisque l’on avait alors choisi la méthode du plus fort reste. Vous avez fixé la tranche à 125 000 habitants. Cependant, si l’on observe les chiffres des populations municipales fournis par le dernier recensement, on s’aperçoit – vous l’avez vu, je suppose, comme moi – que la Seine-Saint-Denis dépasse ce seuil et arrive à treize députés…
M. Jacques Mahéas. Eh oui !
M. Bernard Frimat. … et que le Puy-de-Dôme, où vous aviez supprimé une circonscription, dépasse également ce seuil et peut retourner à six députés !
N’ayez pas deux logiques. Vous avez fixé la tranche à 125 000 ? Vous devez l’appliquer ! Bien sûr, cela présente l’inconvénient de vous obliger à tout refaire. On ne va pas, dites-vous, changer le découpage tous les ans. Mais, pour l’instant, le découpage n’est pas voté ; il n’existe pas aujourd’hui. Si vous voulez respecter l’esprit du Conseil constitutionnel, vous devez répartir les sièges au mieux.
Le Conseil constitutionnel ne remet pas en cause votre méthode, dites-vous. Soit ! Il faut de toute manière répartir les sièges en respectant les données démographiques les plus récentes, ce que vous ne faites pas.
Voilà pourquoi il vous faut, me semble-t-il, pour votre tranquillité future, revoir la totalité de votre découpage. Nous nous permettons donc de vous rendre service en vous proposant de supprimer l’article unique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 8 et 9.
M. Jack Ralite. En votant les deux amendements de suppression qui viennent d’être présentés, l’un par le groupe CRC-SPG, l’autre par le groupe socialiste, nous allons nous exprimer contre votre chambardement des circonscriptions électorales, animé par votre volontaire tentation de précariser les votes de l’opposition, voire même de séparer un ensemble humain qui vous dérange, en le traitant plus mal que l’ensemble des citoyens de notre pays.
Il en est ainsi du département que je représente au Sénat avec ma collègue Éliane Assassi, la Seine-Saint-Denis. Décidément, sur tous les plans, vous ne cessez de discriminer ce département. Certes, il bouge, et même beaucoup, mais c’est à son aptitude à la solidarité active et à la rébellion constructive qu’il le doit.
Dans le cadre de votre politique de régression et de destruction par exemple des services publics, que vous osez appeler « réforme », vous en arrivez, vous qui chiffrez tout dans la vie et en imposez le résultat comptable, à biffer des électeurs et des électrices !
Si votre loi passait, un député de l’opulent département des Hauts-de-Seine représenterait 117 846 électeurs, un député de la rude et tendre Seine-Saint-Denis, 125 240.
Pourquoi ? Parce que les champions du chiffre que vous êtes sont aussi pour le chiffre comme écriture secrète.
Troussons donc l’arithmétique séquanodyonisienne…
Le 1er janvier 2009, votre date référentielle, il y avait treize députés en Seine-Saint-Denis pour une population de 1 491 970 habitants. Or vous avez décidé que, pour garder les treize parlementaires, il fallait 1 500 000 habitants. Il manque donc 8 030 habitants !
M. Jacques Mahéas. Même pas !
M. Jack Ralite. Mais la réalité, et vous le savez, est tout autre.
Ce département, en 1999, dix ans avant, avait 1 382 861 habitants et a donc augmenté sa population de 109 109 habitants. Tous les élus du département vous confirmeront que cette progression continue. On le constate aux guichets de tous les services municipaux.
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
M. Jack Ralite. Depuis le 1er janvier 1999, l’augmentation est donc en moyenne de 10 000 habitants par an. Au moment où vous avez mitonné votre projet, on pouvait évaluer la population à 1 502 880 habitants ; je rappelle que les Hauts-de-Seine comptent 1 532 000 habitants.
Mais aujourd’hui où nous votons, nous serions 1 691 970 habitants – c’est-à-dire 1 491 970 habitants plus onze fois 10 000, soit une augmentation de 110 000 habitants. On serait presque à quatorze députés ! Pourquoi un député de moins, alors que la Seine-Saint-Denis est le département francilien dont la population a le plus augmenté ?
Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, avez un chiffre plus récent que votre référentiel, celui de l’INSEE, au 1er janvier 2007 : 1 502 340 habitants. Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas validé ce chiffre trois ans après ? À cause de la dotation globale de fonctionnement – je vous donne un argument supplémentaire –, qui devrait être revalorisée ? Encore une ségrégation !
Vous n’aimez pas le réel qui vous dérange, mais la population est là, comptée comme je viens de le faire, avec un député de moins. C’est vraiment de la discrimination, du mépris, et ce sera ressenti comme tel.
J’ajoute que, pour parvenir à votre déformation, vous n’avez rien trouvé de mieux que de supprimer la circonscription d’Aubervilliers, une ville que je connais bien, où je vis et que je représente depuis 1959 au travers de divers mandats, dont celui de maire. Elle a besoin d’être écoutée et entendue en tant que telle, quel que soit le titulaire du siège. C’est une histoire ; elle ne se malmène ni ne se blesse.
Aubervilliers va même devoir quitter son arrondissement, celui de Saint-Denis. Vous la privez de l’un de ses moyens de représentation qu’elle affectionnait.
M. Nicolas About. Vous nous faites pleurer !
M. Jack Ralite. Je me demande si, quand vous avez fait ce mauvais travail anti-démocratique, vous ne nous avez pas considérés comme des étranges étrangers de France !
Mme Nicole Bricq. Ah !
M. Jack Ralite. Et la dignité, monsieur le secrétaire d’État ? Nous ne nous plaignons pas, nous portons plainte, et je vote avec mon groupe contre votre abus de pouvoir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Bizet. C’est pathétique !
M. le président. Pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, j’ai inversé la procédure en donnant d’abord la parole à M. Ralite pour explication de vote, mais notre collègue a ainsi d’emblée enrichi et éclairé le débat.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 8 et 9 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. M. Ralite a déposé un autre amendement sur la Seine-Saint-Denis : nous pourrons entendre plusieurs fois la même chose ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Éliane Assassi. Un peu de respect pour M. Ralite !
M. Jacques Mahéas. Si cela pouvait rentrer un peu !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour en revenir aux amendements nos 8 et 9 de suppression, monsieur le président, la commission y est fermement défavorable.
M. Jean Bizet. Fermement !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Il a largement développé son point de vue ce matin au cours de la discussion générale.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 et 9.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public par le groupe UMP.
Je vous rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est également défavorable.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………...
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Plus personne ne demande à voter ?…
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 130 :
Nombre de votants | 322 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l’adoption | 142 |
Contre | 179 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 6, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
A - Rédiger ainsi le début de cet article :
I. - Sous réserve du second paragraphe du présent article, l'ordonnance...
B - Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
II. - Dans le tableau n° 2 annexé à l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 précitée, les modifications ci-après sont apportées en ce qui concerne la Moselle :
1° Pour la première circonscription, les mots : « Metz III (partie non comprise dans la troisième circonscription) » sont remplacés par les mots : « Metz I » ;
2° Pour la troisième circonscription, la seconde colonne est ainsi rédigée : « sans changement ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 10, présenté par M. Bodin, Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception du département de la Seine-et-Marne.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Parlons quelques instants de la Seine-et-Marne.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que la règle était plutôt de ne pas toucher aux cantons, sauf à partir d’un certain seuil de population, de 40 000 habitants, me semble-t-il, ou bien, si les circonstances l’exigent, au cas par cas.
Une dizaine de cantons sont touchés à travers la France. En Seine-et-Marne, nous avons de la chance, puisque nous en avons un tiers à nous tout seuls ! En effet, l’ordonnance introduit la division des cantons de Thorigny-sur-Marne, de Dammartin-en-Goële, de Combs-la-Ville. Au dernier moment, nous avons sauvé, si je puis dire, Torcy.
Cependant, des écarts importants par rapport à la moyenne sont maintenus : moins 16,77 % pour le canton le moins peuplé, plus 15,13 %, pour le plus peuplé.
Était-il nécessaire de diviser ces cantons pour parvenir à l’équilibre démographique et géographique ? À l’évidence, la réponse est non. Un découpage plus respectueux des équilibres démographiques et ne divisant aucun canton dans notre département était possible.
La raison n’est donc ni démographique ni géographique, mais sans doute d’une autre nature.
Mme Nicole Bricq. Sûrement !
M. Yannick Bodin. Permettez-moi d’en faire la démonstration avec un seul exemple, celui du canton de Combs-la-Ville, que vous connaissez d’ailleurs bien, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Moi, je connais tous les cantons !
Mme Nicole Bricq. Il les connaît tous !
M. Yannick Bodin. Ce canton, qui a un conseiller général de gauche, c’est la ville nouvelle de Sénart.
La seule commune qui est à droite, c’est Combs-la-Ville elle-même, le chef-lieu de canton, ville du député-maire UMP de la circonscription actuelle.
Il fallait évacuer le soldat Geoffroy (Sourires sur les travées du groupe socialiste), et c’est ce que vous avez fait, en découpant ce canton de telle façon qu’une seule commune en soit séparée pour être rattachée à une circonscription voisine, précisément le chef-lieu de canton, siège du député-maire UMP.
Mais je continue l’explication de ce jeu de dominos.
En écartant Combs-la-Ville, vous affaiblissez démographiquement le canton qui vient d’être démantelé. Pour créer une nouvelle circonscription, il faut trouver un autre canton. Qu’à cela ne tienne, vous prenez celui de Savigny-le-Temple, qui se situe, comme par hasard, dans la première circonscription, où se trouve un député UMP, canton qui est le seul à voter à gauche…
Voilà comment, dans la première circonscription de Seine-et-Marne, le député UMP actuel est débarrassé du seul canton qui le gênait…
Je pourrais aussi bien évoquer l’actuelle deuxième circonscription de Seine-et-Marne, celle de Melun Nord, que connaît bien M. Hyest, …
M. Jacques Mahéas. Il connaît tout, M. Hyest !
M. Yannick Bodin. … où, à l’évidence, un effort devait aussi être fait car, malheureusement pour la droite, tous les cantons y votent à gauche ! Il fallait donc prendre le moins vindicatif pour le rattacher à la première circonscription.
Ce jeu de dominos s’est ainsi poursuivi jusqu’à la onzième et dernière circonscription de Seine-et-Marne.
La démonstration est faite que le découpage des cantons en Seine-et-Marne n’a rien à voir ni avec la démographie ni avec la géographie.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Yannick Bodin. Je conclurai, monsieur le président, en évoquant un élément important, le dernier recensement.
Selon les résultats recueillis, la Seine-et-Marne est l’un des premiers départements de France au regard de sa très forte et très rapide expansion démographique. Ainsi, le nombre de sièges de sénateur de ce département est passé de quatre à six en 2004.
M. le président. Il vous faut maintenant conclure !
M. Yannick Bodin. Il conviendrait de tenir compte de ce dernier recensement. Sachant que l’expansion démographique ne s’est pas faite d’une manière égale sur l’ensemble de la Seine-et-Marne, il faut revoir un certain nombre de circonscriptions à l’aune de l’augmentation de cette population nouvelle et de sa répartition sur le territoire seine-et-marnais.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission avait examiné cet amendement en première lecture et avait émis un avis défavorable.
La Seine-et-Marne comptant deux députés supplémentaires, comme l’a dit M. Bodin, il a bien fallu apporter des modifications pour permettre la création de deux circonscriptions. C’est, me semble-t-il, nettement plus facile que d’en supprimer !
Tout en reconnaissant la cohérence de la proposition, la commission avait émis une seule objection, qui concernait, pour être simple et compréhensible, la circonscription de Sénart, au motif qu’elle était inférieure démographiquement aux autres circonscriptions.
Le Gouvernement avait fait observer que cette circonscription, qui connaissait une forte expansion démographique liée à différents programmes immobiliers, rejoindrait très vite la moyenne départementale. Le recensement qui vient d’être publié le confirme à l’évidence.
Pour toutes ces raisons, la commission estime qu’il n’y a pas lieu de modifier les propositions concernant la Seine-et-Marne et elle émet, en conséquence, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’analyse de M. le rapporteur et émet un avis défavorable.
En Seine-et-Marne, le nombre de députés passe de neuf à onze. Le découpage retenu tient naturellement compte des dynamiques démographiques internes au département.
Monsieur le sénateur, l’écart démographique apparemment important qui subsiste pour la nouvelle onzième circonscription, située dans l’est du département, est appelé à se résorber très rapidement compte tenu des évolutions respectives dans ce domaine des communes qui la composent.
La commission présidée par M. Guéna et le Conseil d’État ont proposé des projets différents, qui étaient peut-être plus équilibrés dans la forme, reconnaissons-le, mais qui auraient conduit, dans un futur proche, à d’importants déséquilibres démographiques.
La décision du Gouvernement, qui est un choix d’avenir, me paraît parfaitement fondée au vu des résultats du dernier recensement, qui en apportent la confirmation et l’illustration. Ils montrent que nous ne nous sommes absolument pas trompés dans cette affaire.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour une courte explication de vote, car notre collègue a déjà entamé son crédit de temps...
M. Yannick Bodin. Je ne conteste pas les explications qui viennent d’être données par M. le rapporteur et par M. le secrétaire d’État. Il convenait, en effet, de tenir compte du fait que l’évolution démographique serait très rapidement source de déséquilibres.
Je vous pose donc une seule question : pourquoi est-ce la commune de Combs-la-Ville qui a été basculée dans la circonscription voisine, et pas celles de Moissy-Cramayel ou de Lieusaint ? Comme par hasard, la première est gérée par un député-maire UMP ! Autrement dit, si cela avait été le cas de Lieusaint, c’est elle qui aurait été rattachée à l’autre circonscription.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Impossible !
M. Yannick Bodin. Et si cela avait été Moissy-Cramayel, cela n’aurait-il pas été possible non plus ?
Je le répète, rien n’est dû au hasard : vous avez choisi la commune d’un député-maire UMP.
M. Bernard Frimat. Ils l’ont fait partout !
M. Yannick Bodin. Nonobstant l’argument démographique, que je peux partager, force est de constater que c’est l’actuel député-maire de Combs-la-Ville qui tire bénéfice du nouveau redécoupage.
M. Yannick Bodin. Mais, pour vous, c’est le hasard qui a prévalu !
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par M. Todeschini, Mme Printz, M. Masseret et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l’alinéa suivants :
à l’exception du département de la Moselle.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés. Ce département fera l’objet d’un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Par cet amendement de notre groupe, dont les premiers cosignataires sont mes collègues mosellans, nous allons évoquer une ultime fois la situation du département de la Moselle, dont il a été beaucoup question depuis le début de la discussion.
Lors des débats parlementaires relatifs à la loi d’habilitation, le Gouvernement s’était engagé à tenir le plus grand compte, d’une part, de l’avis de la commission de contrôle du redécoupage électoral, prévue à de l’article 25 de la Constitution, et, d’autre part, de celui du Conseil d’État.
Pour la Moselle, il est clair que cet engagement n’a pas été tenu.
Ainsi, la CCRE a relevé dans ce département le caractère « géographiquement peu satisfaisant » du découpage de la ville de Metz et du canton de Metz III. Celui-ci n’a d’ailleurs aucune justification démographique, puisque la troisième circonscription compte 10 % d’habitants de moins que la moyenne départementale, alors que celle de Sarreguemines, laissée inchangée par l’ordonnance, a une population inférieure de 13 % à la moyenne départementale.
Chacun l’a bien compris, il ne s’agit pas d’un problème de chiffres.
La justification démographique derrière laquelle se cache le Gouvernement n’est qu’un prétexte, dans la mesure où l’ordonnance maintient, de toute manière, de très fortes disparités démographiques dans l’ensemble des circonscriptions de Moselle.
En outre, l’ordonnance opère la division de plusieurs cantons : Metz I, Metz III et Yutz.
Le Conseil constitutionnel avait pourtant rappelé qu’il convenait d’éviter autant que possible la division de cantons. Le choix de procéder ainsi, sans motif précis d’intérêt général, n’est aucunement fondé en la circonstance.
L’exigence constitutionnelle n’étant pas respectée en Moselle et les écarts géographiques restant tout aussi importants, le présent amendement a pour objet de permettre un autre redécoupage et, donc, de retirer la Moselle de la liste des départements concernés par le texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Des amendements semblables, similaires ou identiques avaient recueilli en première lecture un avis défavorable de la commission.
En tout état de cause, je le rappelle, l’amendement n° 12, comme tout à l’heure l’amendement n° 5 de M. Masson portant article additionnel avant l’article unique, est irrecevable. Puisqu’un siège de député est supprimé en Moselle, il faut bien en ajouter un ailleurs.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Mes chers collègues, je suis quelque peu gêné par la tournure prise, à certains égards, par le débat de cet après-midi. Régulièrement, en effet, des sénateurs interviennent au sujet de départements dont ils sont eux-mêmes les représentants.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce sont ceux que l’on connaît le mieux !
M. Hugues Portelli. Je comprends que l’on puisse débattre des critères, notamment démographiques, ayant présidé au redécoupage électoral, mais il est tout de même délicat de se faire à la fois juge et partie en intervenant uniquement sur son département d’élection.
Par ailleurs, n’oublions pas que, dans peu de temps, nous serons appelés à voter un texte de loi qui supprimera les cantons. Il vous faudra donc trouver un autre type d’argument que le critère cantonal pour plaider votre cause, chers collègues ! (Mme Catherine Procaccia applaudit.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Article unique (suite)
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par MM. Berthou, Mazuir et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l’alinéa suivants :
à l’exception du département de l’Ain.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l’objet d’un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je m’apprêtais à indiquer simplement que cet amendement était défendu et à demander à M. le secrétaire d’État, au nom de mes collègues Jacques Berthou et Rachel Mazuir, de bien vouloir nous fournir les explications adéquates.
Mais je saisis l’occasion qui m’est offerte pour répondre à M. Portelli.
Cher collègue, les sénateurs d’un département sont peut-être ceux qui connaissent le mieux la situation sur le plan local…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Bernard Frimat. … et, partant, sont peut-être les mieux à même de démontrer à l’assemblée en quoi le découpage proposé est partisan, en quoi il ne prend en compte ni la réalité administrative et sociologique ni les habitudes de vie.
C’est ce que mes collègues se sont attachés à faire dans l’objet du présent amendement pour le département de l’Ain et la ville de Bourg-en-Bresse. Ils ne plaident pas pour eux, puisqu’ils ne sont pas concernés intuitu personae par cette élection, mais ils essayent de nous faire partager leurs connaissances.
Ils ne sont aucunement juge et partie. S’il y a quelqu'un qui l’est, c’est bien M. le secrétaire d'État, lui qui dispose de la totalité des instruments nécessaires, dont il se garde un usage exclusif. Nulle part en effet nous n’avons pu prendre connaissance d’études d’impact ou de simulations. Quant au découpage, il est, à l’évidence, partisan.
Je le répète, si quelqu’un est juge et partie dans cette affaire, ce n’est pas un sénateur de l’opposition. Lorsque nous intervenons, c’est au Conseil constitutionnel que nous nous adressons, car nous n’avons pas l’ambition de vous convaincre ni l’audace de croire que vous vous tromperez encore une fois ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Il est somme toute normal que ceux qui connaissent le mieux la situation puissent l’expliquer à leurs collègues.
Pour ma part, je serais totalement incapable de parler au nom de Yannick Bodin, Nicole Bricq ou Jean-Jacques Hyest, qui ont une connaissance parfaite du terrain, et d’expliquer en quoi le découpage est choquant par rapport à la solution qui leur conviendrait le mieux et en quoi il est arbitraire.
Monsieur Portelli, votre indignation, au demeurant parfaitement simulée,…
Mme Nicole Bricq. Feinte !
M. Bernard Frimat. … était tout de même quelque peu déplacée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission, déjà appelée à examiner cet amendement en première lecture, avait alors estimé qu’il n’y avait pas lieu de suivre ses auteurs, compte tenu de tout ce qui avait été précisé dans les divers rapports et qui répondait aux objectifs constitutionnels.
Elle émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 14.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous développer, pour que vos explications figurent au procès-verbal ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je veux bien dire un mot sur l’Ain, car c’est vrai qu’il n’en a pas été question, mais je précise que d’autres départements sont dans le même cas.
Les nouvelles délimitations prennent effectivement en compte de nouvelles configurations pour ce département qui, situé aux portes de Lyon et limitrophe de la Suisse, connaît un essor démographique important ayant justifié la création d’une circonscription supplémentaire.
Le nouveau découpage respecte l’organisation du territoire. En premier lieu, l’Ain, de par sa très grande superficie, est composé de différentes régions ou sous-régions naturelles. En second lieu, ce département est confronté à des problématiques spécifiques liées, au sud-ouest, à l’attraction du Grand Lyon et de la future métropole lyonnaise, si du moins cette dernière voit le jour, et, à l’est, à la proximité de la Suisse.
De notre point de vue, ce découpage, qui a d’ailleurs recueilli un avis favorable de la commission de contrôle, est conforme au cadre fixé par la loi d’habilitation.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mme Demontès, M. Collomb et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception du département du Rhône
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Mme Demontès, empêchée, m’a demandé de défendre cet amendement qui concerne le département du Rhône. Nous restons donc aux portes de Lyon !
Dans le Rhône, le Gouvernement souhaite augmenter le nombre d’électeurs de la quatorzième circonscription et, donc, modifie la treizième, celle de Saint-Priest, que je connais bien pour y avoir été élu en 1967. À cette époque, monsieur le secrétaire d'État, alors que vous étiez sans doute encore sur les bancs de l’école (Sourires), les limites départementales entre le Rhône et l’Isère n’avaient pas encore été changées !
À la suite d’un calcul arithmétique très rudimentaire, la seule solution présentée comme incontournable consisterait à morceler un ou plusieurs bureaux de vote de la ville de Saint-Priest et à les rattacher à la circonscription voisine, la quatorzième.
Aucune solution de remplacement n’a été présentée. Selon le schéma actuel, la ville-canton de Saint-Priest, qui regroupe 41 000 habitants, serait scindée en deux portions administratives distinctes et déconnectées, représentées par deux députés. Ce faisant, non seulement la carte électorale serait complètement défigurée, mais en outre le principe d’unité territoriale serait transgressé.
De ce fait, la proposition va à l’encontre des recommandations du Conseil constitutionnel sur le nécessaire respect des cantons.
Monsieur Portelli, vous m’avez fait penser à Ubu roi qui voulait dissoudre le peuple. Mais si vous allez dire au Conseil constitutionnel qu’il ne faut pas s’intéresser aux cantons avec pour seul argument qu’ils vont être dissous, je ne sais si cela va vraiment lui agréer !
Pour en revenir à Saint-Priest, l’éclatement prévu se ferait au détriment de la ville-canton. Ainsi les électeurs seraient-ils forcés de se rendre dans des bureaux de vote démembrés puis affectés à une autre circonscription. Comment leur expliquer qu’ils vont devoir voter dans un territoire spécialement découpé pour les législatives, et dans un second pour tous les autres scrutins, sans nourrir chez eux le sentiment qu’on les promène ?
S’ajoute à cela une dimension pratique. Ce n’est peut-être qu’un détail, mais cela risque d’entraîner d’innombrables difficultés et de perturber la bonne organisation des opérations de vote, de l’élection présidentielle aux autres scrutins. Faudra-t-il distribuer deux cartes électorales à nos concitoyens ?
En outre, tout porte à considérer que la quatorzième circonscription pourrait aisément prétendre au statu quo. Elle a en effet connu une augmentation de sa population et se rapproche désormais de la moyenne départementale, évolution d’ailleurs constatée dès le recensement légal publié le 31 décembre 2008.
Dans la treizième circonscription, la variation du taux se situe au-dessous de 20 %. Il convient d’insister sur la similitude avec la sixième circonscription du Rhône, pour laquelle le considérant évoqué par le Gouvernement est tout à fait explicite. Selon lui, une modification compliquerait le découpage et ferait perdre son unité à cette circonscription. Ce qui serait vrai pour la sixième ne le serait donc pas pour la treizième !
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ferai remarquer que des propositions alternatives au remodelage existent qui n’exigent pas de bouleverser les équilibres géographiques et politiques actuels.
Ainsi, l’intégration de la commune de Mions, comptant un peu plus de 10 000 habitants, à la quatorzième circonscription du Rhône, comme le proposent les élus de terrain, et la validation de la configuration actuelle de la treizième circonscription du Rhône sans la changer seraient satisfaisantes au regard du critère de rééquilibrage des populations.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces diverses observations, nous vous proposons d’adopter cet amendement, afin que le département du Rhône fasse l’objet d’un redécoupage ultérieur plus conforme aux exigences constitutionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission avait également examiné cet amendement en première lecture et s’y était déclarée défavorable. Elle confirme aujourd'hui son avis défavorable.
Il nous est en effet apparu que les critères prévus pour le découpage des circonscriptions du Rhône étaient parfaitement conformes aux obligations posées par la loi d’habilitation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement. Je me permettrais de prendre quelques minutes pour évoquer la situation dans le Rhône, qui n’a pas été souvent abordée jusqu’à présent.
Le Rhône est un énorme département, non pas par sa superficie, mais en raison de sa population et de la présence de la métropole lyonnaise. Plusieurs options étaient donc possibles.
Le Gouvernement a choisi d’opérer un redécoupage ou, plutôt, devrais-je dire, un remodelage a minima.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Hormis le problème posé par Mme le maire de Saint-Priest, dont vous venez de vous faire le porte-parole, monsieur Mermaz, ce découpage a minima a fait l’objet d’un certain consensus entre la majorité et l’opposition départementales.
Dans la configuration initiale, une seule circonscription du département, la quatorzième, excédait de très peu – de 0,8 point, pour être précis – le seuil de 20 % d’écart.
La solution retenue pour rééquilibrer la population de cette circonscription a donc consisté à fractionner le canton de Saint-Priest, limité à la seule commune de Saint-Priest. Ce canton était initialement situé dans la treizième circonscription, qui présentait a contrario un excédent démographique fort, de 16,5 %.
Par ailleurs, le découpage retenu, conformément à la loi d’habilitation, met fin au fractionnement de deux autres cantons qui étaient coupés en deux : Écully et Limonest, tous deux peuplés de moins de 40 000 habitants.
Je signale, pour la petite histoire, que les deux députés concernés par ce remodelage sont, d’une part, M. Gerin, membre du groupe communiste à l’Assemblée nationale, dans la quatorzième circonscription, et M. Meunier, député UMP, dans la treizième circonscription.
Le transfert de la partie ouest du canton, monsieur Mermaz, qui correspond exactement à 30 867 habitants, selon les éléments fournis par l’INSEE, aboutit à un équilibre démographique qui nous a paru beaucoup plus satisfaisant. Le redécoupage retenu par le Gouvernement permet en effet de réduire de manière assez significative les disparités démographiques actuelles.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. Monsieur le secrétaire d’État, on aurait pu obtenir le même résultat sans charcuter la ville de Saint-Priest, en transférant la commune de Mions vers la treizième circonscription.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception du département des Yvelines.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Au risque de décevoir M. Portelli, je vais évoquer les Yvelines, où je suis la seule parlementaire de l’opposition. (MM. Alain Gournac et Nicolas About s’exclament.)
Monsieur le secrétaire d'État, si nous avions dû respecter votre prétendue « tradition » d’abstention du Sénat sur les questions concernant les circonscriptions législatives, vous auriez pu traverser allégrement ce débat à l’abri de vos douze députés et cinq sénateurs, tous de droite, sans être jamais interpellé sur la situation des Yvelines.
M. Nicolas About. Tout va bien !
Mme Catherine Tasca. Heureusement, nous n’avons pas la même conception que vous du rôle du Sénat, comme a tenté de vous l’expliquer M. Hyest.
Dans le département des Yvelines, comme dans bien d’autres, votre « remodelage » est tout simplement partisan.
Le département des Yvelines conserve ses douze sièges, mais sept circonscriptions subissent des modifications. Le redécoupage opéré par le Gouvernement ne règle pas les déséquilibres démographiques, et, par certains aspects, les accentue. De plus, il laisse demeurer de nombreuses anomalies issues du redécoupage de 1986.
Trois circonscriptions sont composées de deux secteurs non contigus, ce qui est contraire aux objectifs affichés du découpage.
Pour la première circonscription, sont concernés les cantons de Versailles Nord, Versailles Nord-Ouest et Viroflay, et celui de Montigny-le-Bretonneux. Les cantons de Chatou et Marly-le-Roi, dans la quatrième circonscription, ont pour seule ligne de contact un « couloir » du territoire de Croissy-sur-Seine.
Le constat est le même pour la sixième circonscription, complétée par une fraction du canton de Poissy Nord qui ne lui est limitrophe que par une ligne d’environ 250 mètres, située dans le lit de la Seine, pour faire bonne mesure ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
L’exigence de continuité territoriale n’est donc pas respectée, non plus que l’exigence de cohérence territoriale, puisque, à titre d’exemple, la ville des Mureaux, donc une unité urbaine, demeure dans la neuvième circonscription, qui est, elle, une circonscription rurale.
Ces anomalies issues du redécoupage de 1986 ne sont pas résolues. Plus grave, le redécoupage proposé en introduit de nouvelles. Ainsi, des écarts excessifs avec la moyenne départementale demeurent : moins 12,62 % pour la douzième circonscription et plus 15,83 % pour la neuvième. Cette dernière circonscription se trouve même à 19,24 % au-dessus de la moyenne nationale.
Le résultat n’est, à l’évidence, pas acceptable.
Pas moins de six cantons sont divisés. Des cantons comme Les Clayes-sous-Bois ou Plaisir se trouvent dispersés sur plusieurs circonscriptions, ce que l’ordonnance a prétendument pour objet d’éviter. Ces anomalies révèlent en fait une double volonté : démanteler la douzième circonscription et conforter la onzième.
La douzième circonscription subit des modifications dont les fondements restent obscurs, à moins qu’ils ne soient trop évidents… Avec une population de 116 317 habitants, elle est la circonscription dont la population est la plus proche de la moyenne départementale. Elle se trouve pourtant démantelée !
Quant à la onzième circonscription, le redécoupage intègre opportunément la commune du Mesnil-Saint-Denis, avec pour conséquence attendue de sécuriser le siège du parti majoritaire. Vous n’en avez jamais assez !
Ce découpage, dont nous démontrons qu’il n’est pas cohérent, a, de fait, sa cohérence politique, au service du seul parti majoritaire. Il doit donc être rectifié. C’est pourquoi je vous demande d’adopter cet amendement.
M. Bernard Frimat. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les circonscriptions des Yvelines présentent des écarts et la moyenne départementale y est largement inférieure au seuil autorisé.
M. Jacques Mahéas. C'est-à-dire ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’écart maximum est celui de la neuvième circonscription, avec 15 %.
Les critères de la loi d’habilitation y ont été respectés et le redécoupage retenu par le Gouvernement a été justifié dûment par ce dernier – il n’a suscité aucune objection importante –, notamment dans la fiche explicative qui figure en annexe du rapport de l’Assemblée nationale.
C’est pourquoi il est apparu à la commission des lois qu’elle devait donner un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il est également défavorable.
Je souhaite répondre à Mme Tasca, car nous n’avons pas eu l’occasion de parler des Yvelines.
Je voudrais vous faire remarquer que le député qui a voté contre le projet du Gouvernement est M. Étienne Pinte, signe que le découpage est équilibré…
Le département des Yvelines a connu, c’est vrai, un profond remodelage des circonscriptions, à nombre de sièges constant. La carte actuelle des douze circonscriptions de ce département que vous connaissez bien se caractérise par des déséquilibres démographiques très forts. Trois d’entre elles excèdent même le seuil admissible de 20 % d’écart, ce pourcentage représentant la tolérance extrême par rapport à la population moyenne du département. Il a donc été nécessaire de remodeler sept circonscriptions sur douze dans ce département.
Les écarts démographiques des circonscriptions ont été fortement réduits et ne sont pas substantiels. Les cinq circonscriptions qui sont situées au nord et à l’ouest du département en particulier ont, pour leur part, conservé leur périmètre actuel. Toutes ces circonscriptions ont des populations proches de la moyenne départementale, à l’exception de la neuvième circonscription, dont l’écart se situe toutefois dans la fourchette admise par le Conseil constitutionnel.
Madame Tasca, les circonscriptions ne contiennent pas de secteur non contigu, ce que n’auraient évidemment pas manqué de faire remarquer tant le Conseil d’État que la commission indépendante.
L’ordonnance du 29 juillet 2009 ne retient pas la proposition de la commission de contrôle concernant le transfert du canton de Houdan de la neuvième circonscription à la douzième afin de remédier aux écarts démographiques présentés par ces deux circonscriptions. La neuvième circonscription n’est en effet constituée que de quatre cantons dont la population est pour chacun d’eux inférieure au seuil des 40 000 habitants. Enlever le canton de Houdan, qui compte près de 25 000 habitants, pour le rattacher à la deuxième circonscription se heurterait à des obstacles géographiques sérieux, d’autant que Houdan est le chef-lieu de la neuvième circonscription.
Tels sont les éléments de réponse que je suis en mesure de vous donner.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Afin de poursuivre ce dialogue, je vous ferai simplement observer, monsieur le secrétaire d’État – j’ai d’ailleurs souligné le problème de la onzième et de la douzième circonscription –, que l’arrivée toute récente de M. David Douillet dans la douzième circonscription vous a sans doute incité à conforter ses espoirs de réélection.
Monsieur le secrétaire d'État, ne nous présentez pas les choses comme si nous étions tous absolument naïfs et tombés de la dernière pluie ! Il n’y a pas de hasard dans le redécoupage tel que vous le concevez, et la logique des chiffres est bien secondaire par rapport à la logique politique qui fonde les choix opérés.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le département des Yvelines compte douze députés, il ne peut pas en avoir davantage !
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Reiner et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception du département de la Meurthe-et-Moselle.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des
départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Je vais, moi aussi, désespérer notre collègue Hugues Portelli, car mon amendement concerne la Meurthe-et-Moselle, département dont je suis l’élu, et qui est celui que je connais le mieux, comme j’ai en tout cas la faiblesse de le croire.
Ce département va perdre un siège – il passe de sept à six - et j’ai été très étonné ce matin, monsieur le secrétaire d’État, de vous entendre, dans vos réponses aux orateurs inscrits dans la discussion générale, déclarer que le siège supprimé était celui d’une députée UMP.
Effectivement, il était logique – c’était d’ailleurs la proposition que nous avions faite – de supprimer cette troisième circonscription, qui était la moins peuplée, la plus éloignée de la moyenne à atteindre et la moins cohérente sur le plan géographique. Mais ce n’est pas ce que vous avez fait, puisque vous avez touché à toutes les circonscriptions, sauf à celle de Mme la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité…
C’est en réalité la deuxième circonscription, celle d’un député socialiste, qui a été la plus touchée, puisqu’elle a été redistribuée entre trois circonscriptions. Pourtant, elle était la plus peuplée, la plus proche de la moyenne départementale et elle avait une cohérence géographique totale, puisqu’il s’agit de la banlieue est et sud de Nancy.
Comme votre découpage n’était pas satisfaisant, la commission de contrôle a formulé plusieurs propositions de rectification. Là, vous avez fait preuve d’une très grande subtilité, puisque vous avez suivi cet avis, mais partiellement et, avec un sens très particulier de la géométrie - une géométrie variable, au demeurant -, vous avez accepté de déplacer, par exemple, le canton de Tomblaine de la deuxième à la quatrième circonscription, ce qui a eu une double conséquence.
Première conséquence : désormais le député socialiste, par ailleurs maire de Tomblaine, n’aura plus sa ville dans sa circonscription législative, contrairement à un engagement que vous aviez pris en séance à l’Assemblée nationale. Existe-t-il un député-maire UMP qui a vu sa commune quitter sa circonscription ?
Seconde conséquence : le canton de Tomblaine, dont les quatre communes les plus importantes appartiennent à la communauté urbaine de Nancy, rejoint un autre arrondissement du département, celui de Lunéville, beaucoup plus rural. En termes de bassin de vie, cela n’a aucune logique.
Dans les communes en question sont situés l’aéroport de Nancy et le stade de l’AS Nancy-Lorraine ; cela n’a aucune relation avec l’arrondissement rural et montagneux de Lunéville.
C’est là que vous n’avez pas suivi totalement l’avis de la commission de contrôle, qui avait proposé le transfert d’un canton de la quatrième circonscription à la cinquième, pour égaliser le tout, en quelque sorte.
Or la cinquième circonscription est celle de Mme la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Reiner. Vous avez refusé de procéder à ce transfert en arguant de l’absence de logique de bassin de vie. Vous avez même précisé que cela mettait en cause la cohérence géographique et administrative de l’arrondissement de la quatrième circonscription.
Bref, vérité en deçà et mensonge au-delà. Mais pourquoi deux poids, deux mesures, en la circonstance ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable : l’amendement tendant à maintenir un poste de député excédentaire, il faudrait en supprimer un autre ailleurs.
Et au nom de quoi ne pourrait-on pas ôter d’une circonscription le canton du député lorsqu’il est également maire ? Mais où va-t-on avec un raisonnement aussi limite ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cela signifierait que le redécoupage des circonscriptions devrait être fait en fonction des mandats locaux des élus en place.
M. Bernard Frimat. Vous ne vous en privez pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Reconnaissez, mes chers collègues, qu’un tel raisonnement est tout de même extraordinaire !
En outre, le découpage respecte la cohérence géographique et administrative du département, car la quatrième circonscription, dont la délimitation est contestée par l’auteur de l’amendement, est en effet calquée sur l’arrondissement de Lunéville. On en revient au système qui existait depuis toujours, celui du scrutin d’arrondissement.
M. Daniel Reiner. Pas du tout !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. De toute manière, si l’amendement était voté, nous aurions un cas d’inconstitutionnalité, puisqu’il y aurait 578 députés.
M. Jacques Mahéas. Mais non !
M. Bernard Frimat. Ce problème pourrait être résolu au cours de la navette.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous ne pouvons pas voter une disposition anticonstitutionnelle !
M. Jacques Mahéas. Ce n’est pas du tout notre travail !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est à voir…
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Nous n’avons pas souvent l’occasion de parler du département dont il est question dans cet amendement, bien qu’il soit important.
Sur le fond, je suis quelque peu étonné. Mme Aubry et les instances du parti socialiste n’arrêtent pas de se prononcer contre le cumul des mandats, et donc pour le mandat unique à venir. Or, là, monsieur Reiner, vous défendez le député-maire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ou le maire-député !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cela ne me paraît pas tout à fait cohérent.
La situation du maire de Tomblaine n’est pas unique. Nombre d’entre nous ont connu, lors de redécoupages antérieurs, qui n’ont d’ailleurs pas été de notre fait, une séparation de leur canton ou de leur ville.
En ce qui concerne la Meurthe-et-Moselle, le Gouvernement a suivi la proposition de la commission indépendante – et une « proposition » émanant de cette commission doit être distinguée d’une « suggestion » – en rattachant le canton de Tomblaine à la quatrième circonscription.
Il a, en revanche, souhaité maintenir le canton de Bayon dans cette même circonscription afin de respecter l’unité du bassin de vie de Lunéville, ce qui était d’ailleurs très largement souhaité sur place, au-delà des clivages politiques locaux.
Monsieur le sénateur, c’est bien la troisième circonscription qui disparaît, celle de Mme Rosso-Debord, députée UMP.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Elle s’en est d’ailleurs plainte !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La nouvelle deuxième circonscription comprendra davantage d’habitants et de cantons de la circonscription de M. Féron que de celle de Mme Rosso-Debord.
Faites le compte, et vous constaterez que c’est bien la circonscription de Mme Rosso-Debord qui est démembrée majoritairement. Votre collègue députée s’en est effectivement plainte par voie de presse.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Mon amendement a pour objet non pas de créer un siège supplémentaire, mais bien de modifier la délimitation de l’une des circonscriptions.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous affirmez que vous avez suivi l’avis de la commission de contrôle. Oui, mais partiellement seulement !
Vous avez effectivement rattaché un canton à la circonscription de Lunéville, mais vous n’avez pas suivi la commission de contrôle quand elle vous proposait d’en retirer un pour l’affecter à la circonscription de Toul.
Quelle est la logique, sinon la logique partisane ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le rapporteur, vous avancez sans cesse l’argument selon lequel la création d’un siège de député supplémentaire doit obligatoirement entraîner la suppression d’un autre siège ailleurs.
Comment ferez-vous lorsque le Conseil constitutionnel vous signalera une anomalie dans tel département où vous ne respectez aucun des critères ? Allez-vous demander au Conseil constitutionnel de nous dire dans quelle circonscription un siège doit être supprimé ? Non ! Vous allez inviter le Gouvernement à revoir sa copie.
Le même raisonnement doit nous être appliqué. Il n’est ni logique, ni habituel pour notre assemblée, que vous nous demandiez de trouver un siège de député à supprimer !
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et un alinéa ainsi rédigés :
à l'exception des circonscriptions électorales des Français établis hors de France
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des Français établis hors de France » faisant mention de ces circonscriptions sont abrogés et ces circonscriptions feront l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je serai bref, car j’ai déjà évoqué ce sujet à la fois dans la discussion générale et lors de la présentation de mon amendement précédent. Les arguments sont les mêmes.
Je souhaite simplement dire à notre collègue Hugues Portelli que son argumentation me pose problème : si les sénateurs n’ont pas à débattre des circonscriptions dans les départements, alors les députés n’ont pas à le faire non plus, puisqu’ils sont directement concernés. Mais alors, si ni les sénateurs ni les députés ne peuvent discuter des circonscriptions, qui va s’en occuper ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà qui prouve l’utilité des ordonnances !
M. le président. La parole à M. Hugues Portelli, par anticipation sur les explications de vote.
M. Hugues Portelli. M. Mermaz est intervenu sur la façon dont était redécoupée la circonscription dont il avait été député auparavant. Ce faisant, il m’a conforté dans mon raisonnement.
Nous le savons très bien, il n’y a pas de différence entre la carrière de député et celle de sénateur : le personnel politique forme un ensemble. Alors, ne soyons pas complètement hypocrites ! S’agissant des interventions des sénateurs sur les circonscriptions des députés et inversement, je peux comprendre que l’on puisse examiner le découpage au regard d’un certain nombre de critères, mais, personnellement, cela me gêne d’entrer dans le détail des cantons.
J’ajoute que sont présents aujourd'hui dans l’hémicycle les sénateurs d’un certain nombre de départements. Qu’en est-il des départements qui ne sont pas représentés à cet instant ? Faut-il considérer que le découpage peut, dans ces départements, se faire tranquillement, sans qu’un parlementaire intervienne ou dépose d’amendement ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 18 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je me suis déjà exprimé sur cet amendement lors des précédentes interventions de M. Yung.
La commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable. Je voudrais apporter des précisions sur les circonscriptions évoquées par M. Yung.
Pour le découpage des circonscriptions dévolues aux Français établis hors de France, nous avons souhaité ne pas apporter de bouleversement excessif aux équilibres politiques et respecter les limites de toutes les circonscriptions utilisées pour l’élection des membres de l’AFE, l’Assemblée des Français de l’étranger. Ce découpage a été validé par la commission de contrôle.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué plus précisément le continent nord-américain : la partition en deux circonscriptions aboutit à un bilan démographique qui est, j’en conviens, déséquilibré. Toutefois, ces écarts sont admis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel lorsqu’ils sont fondés sur des considérations géographiques, ce qui est le cas. En l’espèce, ils sont justifiés par l’incompréhension que pourrait faire naître la création d’une circonscription allant de Seattle, au nord, à Ushuaia, à l’extrême sud.
Il en va de même, monsieur le sénateur, de la onzième circonscription, qui est extrêmement étendue et fortement sous-peuplée, mais dont l’écart de population peut être toléré sur le fondement de la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier 2009.
La huitième circonscription, qui s’articule autour de la Méditerranée orientale, matérialise, quant à elle, une entité méditerranéenne historique en regroupant les grandes capitales des civilisations arabo-musulmanes et européennes de la région.
Enfin, en ce qui concerne la cinquième circonscription, la principauté de Monaco est adjointe à la péninsule ibérique ; il s’agit tout simplement de donner à cette circonscription une population suffisante, car, dans ce cas, les écarts démographiques excessifs n’auraient pas été faciles à justifier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà le raisonnement qui nous a conduits à formuler ces propositions.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Comme M. le secrétaire d'État l’a très bien indiqué à l’instant, le découpage a été fait de manière à ne pas bouleverser ce qu’il a appelé les « équilibres » au sein de l’AFE. Pour ma part, je les qualifierai plutôt de déséquilibres ! Le découpage, qui a été fait sous pression, est totalement aberrant pour de nombreuses parties du monde, en particulier en Afrique.
Il s’agit donc bien de maintenir des déséquilibres qui favorisent outrageusement la droite dans ce type d’élections. Pourtant, dans une élection générale comme l’élection présidentielle, les voix des Français de l’étranger se répartissent équitablement entre la droite et la gauche.
Il est clair, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement cherche à sauvegarder chez les Français de l’étranger la suprématie de la droite, qui ne correspond plus à la réalité dès lors qu’il s’agit d’une élection présidentielle.
Monsieur le secrétaire d'État, vous affirmez que les regroupements sont réalisés en fonction des aires culturelles : cela signifie que, pour vous, Israël ne fait pas partie du Proche-Orient !
Si tel est le cas, vous faites entrer dans ce découpage des considérations géostratégiques qui devraient lui être complètement étrangères et qui sont dangereuses pour l’État d’Israël !
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots de l'alinéa suivants :
à l'exception du département du Loiret.
En conséquence les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez certainement regardé de près mon amendement, qui concerne le département du Loiret.
Cher collègue Portelli, je suis élu de ce département depuis vingt-neuf ans, et je crois connaître tous les cantons et la plupart des 334 communes. Je sais donc bien de quoi je parle.
Dans mon amendement figure une proposition de découpage. Monsieur le secrétaire d'État, ma question est très simple : avez-vous un argument pour défendre la vôtre ? Si tel n’est pas le cas, vous devriez fort logiquement accepter mon amendement.
Je précise que, dans votre proposition, l’écart démographique entre les circonscriptions est de 25 %, alors que, dans la mienne, il n’est que de 10 %.
M. Jacques Mahéas. C’est mieux !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous le voyez bien, le découpage que je propose est meilleur que le vôtre, le Conseil constitutionnel ayant déclaré qu’il fallait respecter au mieux la démographie.
Mais il y a bien entendu la configuration des circonscriptions. Or votre découpage présente quelques bizarreries aussi à ce titre.
La première concerne le canton de Fleury-les-Aubrais, dans lequel est située l’une des deux gares d’Orléans, celle d’Orléans-les-Aubrais, que fréquentent la plupart des Orléanais. Il faut dire que les deux villes se touchent et forment un même ensemble.
Monsieur le secrétaire d'État, vous mettez ce canton dans une circonscription qui comprend notamment les cantons, tout à fait estimables, d’ailleurs, et que j’adore, de Puiseaux et de Malesherbes, qui jouxtent l’Île-de-France, au-delà de la Beauce. M. Pasqua s’était déjà engagé dans cette voie il y a quelque temps. Je serais heureux d’entendre vos explications sur les liens géographiques existant entre Fleury-les-Aubrais et Malesherbes, Puiseaux, Beaune-la-Rolande, Bellegarde : il n’y a aucun rapport !
Il n’y a aucune raison de procéder à un tel rapprochement, sinon une raison d’opportunité politique. C’est la seule que je puisse concevoir. Je suis bien entendu tout à fait disposé, monsieur le secrétaire d’État, à vous emmener sur le terrain, afin que vous puissiez constater par vous-même le caractère incongru de ce regroupement.
Je ne comprends pas non plus le rattachement de La Ferté-Saint-Aubin à Châtillon-sur-Loire et à Briare. De même, on conviendra qu’il est quelque peu curieux, pour le moins, de regrouper le centre-ville d’Orléans avec la magnifique cité de Lorris !
Le découpage que je propose respecte six entités géographiques, naturelles aux yeux de tous, autour d’Orléans, de Pithiviers, de Montargis et de Gien, et présente un meilleur rapport démographique. Si M. le secrétaire d’État dispose d’un argument propre à justifier son découpage, je serai heureux de l’entendre. Sinon, il se ralliera sans doute au mien ; j’y verrai un signe d’entente républicaine, auquel chacun sera sensible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. M. Sueur nous a fait voyager dans ce beau département du Loiret, qui compte des sites tout à fait remarquables, mais son amendement se borne à prévoir que le redécoupage soit remis à plus tard. En effet, s’il nous a exposé oralement sa proposition de découpage, elle ne figure pas dans son texte.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non : votre amendement précise que le Loiret « fera l’objet d’un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles ».
M. Jean-Pierre Sueur. Ma proposition de redécoupage figure dans l’objet de l’amendement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sans doute, mais elle n’est pas dans le texte de l’amendement. C’est ainsi !
M. Jacques Mahéas. Mais il l’a exposée oralement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, mais les choses doivent être écrites !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela revient au même !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le découpage inscrit dans le projet de loi a été justifié par le Gouvernement. Les circonscriptions définies présentent des écarts à la moyenne de population inférieurs à 20 %, avec un maximum de 14,55 % pour la deuxième circonscription. Elles respectent les critères fixés par la loi d’habilitation. Leur délimitation tient compte de l’évolution probable de la population. Une fois encore, il s’agit de garantir que le découpage sera pérenne et ne deviendra pas obsolète à moyen terme.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’émets également un avis défavorable, malgré mon envie de faire plaisir à M. Sueur.
M. Charles Pasqua. Pas trop, tout de même !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En l’occurrence, ce n’est pas possible.
La nouvelle délimitation des circonscriptions du Loiret proposée respecte parfaitement les termes de la loi d’habilitation. En effet, les écarts à la moyenne de la population maximaux sont de 9,88 % et de 14,50 %. La deuxième circonscription reste inchangée, et si sa population est supérieure de 14,50 % à la moyenne du département, les derniers recensements témoignent d’une stabilité globale.
Cela étant, de façon générale, nous avons veillé, autant que possible, à ne pas modifier les limites des circonscriptions quand la loi le permettait, que les députés concernés appartiennent à l’opposition ou à la majorité. Nous pouvons en apporter la preuve.
D’ailleurs, tant le Conseil constitutionnel que le texte de la loi d’habilitation précisent bien que le Gouvernement doit procéder à un « ajustement » de la carte électorale. Ce mot est employé à dessein : il ne s’agit pas d’une refonte globale de la carte électorale, comme cela a parfois pu être le cas dans le passé. C’est ainsi que le Gouvernement a laissé inchangées près de 240 circonscriptions sur 577, tenues aussi bien par la majorité que par l’opposition.
M. Bernard Frimat. Ce n’est pas une réponse !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout d’abord, avec ma proposition, l’écart démographique entre la circonscription la plus peuplée et la circonscription la moins peuplée n’est que de 10 %, contre 25 % dans le projet du Gouvernement. C’est plus satisfaisant.
Par ailleurs, vous avez affirmé, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement s’est efforcé, lorsque cela était possible, de ne pas modifier le périmètre des circonscriptions. En l’occurrence, vous visez sans doute la cinquième circonscription, comprenant à la fois Pithiviers et Fleury-les-Aubrais. Or votre raisonnement choit : vous avez retiré deux cantons à cette circonscription, celui de Ferrières-en-Gâtinais, rattaché à Montargis, et celui de Lorris, intégré à une autre circonscription.
En revanche, vous avez confirmé le rattachement d’une partie de l’agglomération d’Orléans, qui vote peut-être d’une façon qui ne vous convient pas, au nord de la Beauce, ce qui est une aberration complète. Vous n’avez jamais expliqué pour quelles raisons des électeurs résidant à deux cents mètres d’Orléans devraient relever de la même circonscription que les habitants d’un territoire limitrophe de l’Essonne, situé de l’autre côté de la Beauce !
Il serait possible d’opérer un découpage plus équilibré, comme exposé dans l’objet de mon amendement, avec trois circonscriptions pour l’Orléanais, les trois autres correspondant aux bassins de vie de Pithiviers, de Montargis et de Gien. Sur le plan géographique, un tel découpage est tout à fait naturel.
Monsieur le secrétaire d’État, votre argument n’est donc pas valide : à l’évidence, contrairement à ce que vous affirmez, vous modifiez les périmètres des circonscriptions. Il y a toujours plusieurs manières de découper : la vôtre est partisane, sans aucun lien avec la géographie et les habitudes de vie des populations. Là est la question centrale, à laquelle vous n’avez pas de réponse.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception du département de la Seine-Saint-Denis.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Je ne doute pas que vous voudrez me faire plaisir, monsieur le secrétaire d’État, ne serait-ce que pour ne pas transgresser vos propres règles. La Seine-Saint-Denis est un véritable cas d’école, montrant l’arbitraire de vos coups de ciseaux, qui ne claquent que s’il s’agit de favoriser tel ou tel député.
Tout d’abord, le rejet de ce projet de loi en première lecture a eu au moins pour heureuse conséquence de laisser à l’INSEE le temps de publier les chiffres actualisés de la population, valides à compter du 1er janvier 2010. En Seine-Saint-Denis, la population s’élève désormais à 1 502 340 habitants, soit plus de douze tranches de 125 000 habitants : la suppression d’un siège de député n’est donc plus justifiée. De plus, mon collègue Jack Ralite a attiré l’attention sur le développement de la Seine-Saint-Denis, l’augmentation de sa population, le nombre de personnes hébergées non recensées et de personnes sans domicile fixe vivant sur son territoire. On le voit, un député de ce département a beaucoup de travail !
Ensuite, la commission présidée par M. Guéna avait déjà relevé que le projet retenu laisse « subsister un important déficit démographique, moins 13,74 % dans la huitième circonscription, aux contours inchangés ». J’y reviendrai, mais, de manière générale, l’ordonnance n’a tenu compte ni de l’avis de la commission Guéna, ni de celui des fonctionnaires départementaux consultés, ni même de celui du Conseil d’État, qui a souligné le risque d’inconstitutionnalité.
Par ailleurs, un tel découpage repose non pas sur une volonté d’établir un meilleur équilibre démographique, mais sur des considérations politiques, pour ne pas dire politiciennes. De façon manifeste, vous avez décidé de protéger les bastions de l’UMP et du Nouveau centre. Ainsi, la huitième circonscription, celle de Gagny, de Rosny-sous-Bois et de Villemomble, ne compte que 107 786 habitants. Nous sommes donc loin du chiffre de 125 000. Pourtant, cette circonscription demeure inchangée, afin de favoriser son actuel député UMP, alors que la quatrième circonscription et la septième circonscription regroupent respectivement 133 240 habitants et 136 366 habitants. Vous n’avez pas tenu compte, en l’occurrence, de la règle de l’écart démographique maximal de 20 %.
Enfin, vous retaillez à l’inverse la troisième circonscription, qui compte désormais 123 888 habitants, soit un chiffre de population très proche de celui, supposé idéal, de 125 000 habitants.
M. le président. Monsieur Mahéas, il faut conclure.
M. Jacques Mahéas. Le préfet de la région d’Île-de-France, M. Daniel Canepa, avait lui-même préconisé de ne pas modifier les limites des circonscriptions législatives dont la population est proche de la moyenne.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Jacques Mahéas. Mais peu vous importe, monsieur le secrétaire d’État : on comprendra ce qui vous guide quand j’aurai rappelé que la troisième circonscription a un député socialiste, ce qui n’est pas le cas des quatre circonscriptions les moins peuplées…
Je donnerai la suite de mon argumentaire dans quelques instants, en reprenant la parole pour explication de vote.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne suis pas en mesure de répondre à l’argument portant sur le recensement. Cela étant, le découpage de la Seine-Saint-Denis a été validé par la commission prévue à l’article 25 de la Constitution. Celle-ci a émis non pas des réserves, mais de simples suggestions. Ce n’est pas pareil ! L’architecture globale du découpage n’a pas été remise en cause. Les circonscriptions présentent des écarts à la moyenne départementale très limités, d’ailleurs tout à fait admissibles compte tenu de la géographie, le plus élevé, dans la huitième circonscription, n’atteignant pas 14 %.
M. Jacques Mahéas. Non, c’est 35 % !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Peu de départements sont dans ce cas. Par conséquent, il n’est pas opportun de retenir cet amendement, et la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. L’avis est défavorable. Les chiffres du recensement de 2007 ne remettent pas en cause la distribution des sièges telle que prévue dans l’ordonnance, que ce soit pour la Seine-Saint-Denis, pour le Puy-de-Dôme, visé à l’amendement suivant, ou pour tout autre département. D’ailleurs, le Conseil d’État est très clair sur ce point : « Il importe donc que la détermination des bases démographiques fondant cette révision s’appuie sur des données comparables et afférentes à la même année. »
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Je poursuis mon argumentation, qui pourra également intéresser le Conseil constitutionnel !
Monsieur le secrétaire d’État, vous prônez l’unité des cantons présentant une solution de continuité, mais vous ne respectez pas vos propres critères. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, à l’heure actuelle, le canton du Bourget, qui comprend Le Bourget, Dugny et le nord de Drancy, est divisé entre trois circonscriptions. Or l’ordonnance prévoit qu’il demeure partagé, même si ce ne sera plus qu’entre deux circonscriptions, la quatrième et la cinquième. Pourquoi définir des critères si vous vous empressez de les contourner ? Une précision s’impose : vous ajoutez à la circonscription d’un député du Nouveau centre la commune du Bourget, dont le maire, pure coïncidence, appartient à ce même parti.
Vous malmenez également l’unité des communes, dont vous vous réclamez. Pourquoi scinder Bondy entre la neuvième circonscription et la dixième circonscription ? Serait-ce lié au fait que le maire de la commune, Gilbert Roger, et le député de la circonscription dont elle relève actuellement, Élizabeth Guigou, sont tous deux socialistes ? L’objectif était de redécouper les circonscriptions électorales en respectant l’équilibre démographique, en modifiant en priorité les circonscriptions actuellement les moins peuplées, en maintenant l’unité des villes et des cantons. Je veux bien l’admettre, l’exercice peut se révéler complexe par endroits, mais cela ne saurait justifier, pour la Seine-Saint-Denis, que les exceptions aux critères édictés soient si défavorables aux députés socialistes. Le découpage n’est manifestement pas exempt de partialité…
J’ajoute que vous prenez en compte les chiffres qui vous arrangent, monsieur le secrétaire d’État. Pour ma part, je me fonde toujours sur ceux du recensement de 2007, validé en 2010.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela ne change rien !
M. Jacques Mahéas. Nous avons donc droit à treize circonscriptions. Si nous sommes d’accord sur ce point, il n’y a pas de difficulté.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous ne sommes pas d’accord !
M. Jacques Mahéas. Par ailleurs, comment expliquer que la population des circonscriptions varie – excusez du peu – entre 108 000 et 136 000 habitants ? L’écart est de taille !
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les deux alinéas suivants :
Dans le tableau annexe définissant le nombre de circonscriptions dans les départements, pour le Puy-de-Dôme, le nombre : « 5 » est remplacé par les mots : « sans changement ».
Dans le tableau annexe définissant les circonscriptions législatives, pour le département du Puy-de-Dôme, le descriptif est remplacé par les mots : « sans changement ».
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Mon intervention va ravir M. Portelli, puisque je parlerai du Puy-de-Dôme, certainement moins bien, cela étant, qu’aurait pu le faire Michèle André, qui connaît beaucoup mieux que moi la réalité locale.
Faut-il, oui ou non, prendre en compte le dernier recensement validé ? J’ai bien compris qu’à cette question, votre réponse était négative, monsieur le secrétaire d’État. Nous continuons cependant à la poser, car les chiffres font apparaître que le Puy-de-Dôme devrait compter six circonscriptions, en application de la règle des « tranches » de 125 000 habitants.
M. Bernard Frimat. Si vous le contestez, fournissez-nous tous les chiffres sur lesquels vous vous fondez, et le Conseil constitutionnel tranchera.
En outre, je dois reconnaître que vous avez réalisé un petit exploit : tout en réduisant le nombre des circonscriptions de ce département, ce qui devrait engendrer mécaniquement une augmentation de la population de chacune d’elles, vous êtes parvenu à en redécouper une de manière que sa population diminue. Il n’est pas très difficile de deviner pourquoi… Là encore, les considérations partisanes semblent l’avoir emporté sur le bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Une nouvelle délimitation des circonscriptions était nécessaire, ce département perdant un siège. Comme l’a expliqué tout à l’heure M. le secrétaire d'État, les résultats du recensement de 2007 ne changent rien en ce qui concerne le nombre des circonscriptions.
En outre, les écarts démographiques par rapport à la moyenne départementale sont très limités, bien plus d’ailleurs qu’avec l’ancien découpage, le maximum passant de près de 20 % à 12,30 %.
Enfin, le Gouvernement expose dans le rapport annexé les motifs pour lesquels il n’a que partiellement suivi, en l’occurrence, l’avis de la commission indépendante prévue à l’article 25 de la Constitution.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. L’avis est également défavorable.
En 1986, le découpage avait été effectué sur la base du recensement de 1982, soit un décalage de quatre ans. De même, nous nous fondons ici sur le recensement de 2006, conformément à la loi d’habilitation.
Il est vrai que si l’on prenait en compte le recensement de 2007, les bases démographiques de la nouvelle délimitation des circonscriptions seraient différentes. Cela étant, la population française ayant augmenté de 0,66 %, la tranche de population servant de référence passerait, du fait du plafonnement à 577 du nombre des députés, de 125 000 à un peu plus de 126 000. Dès lors, le nombre de circonscriptions ne serait pas différent, que ce soit en Seine-Saint-Denis, dans le Puy-de-Dôme – étant Auvergnat, je le regrette ! – ou dans tout autre département. Cela ne changerait rien par rapport à ce que nous proposons.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales de Nouvelle-Calédonie et des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution » faisant mention de ces collectivités et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ces collectivités feront l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je vais aggraver mon cas aux yeux de M. Portelli, en parlant maintenant de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy…
Votre intention initiale, monsieur le secrétaire d’État, pour des raisons que l’on comprend bien et qui avaient déjà présidé à la création de deux sièges de sénateur, était de permettre à ces deux collectivités, peuplées respectivement de 35 000 et de 8 000 habitants, d’élire chacune un député.
Cependant, le Conseil constitutionnel a considéré que le statut de collectivité d’outre-mer n’emportait pas automatiquement la création d’une circonscription électorale, les députés devant là aussi être élus sur des bases essentiellement démographiques, sauf cas de particulier éloignement. Or ces cas, nous les connaissons bien : il s’agit de ceux de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, dont la situation géographique rend impossible tout rattachement à un autre territoire.
En revanche, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ne sont éloignées de la Guadeloupe que de 255 et de 230 kilomètres respectivement, et partagent avec elle une histoire commune. Rien ne justifie donc le sort particulier qui leur est fait, et qui désole d’ailleurs la moins peuplée de ces îles, laquelle voit s’éloigner la perspective d’avoir son propre député. Ces collectivités sont déjà représentées par deux sénateurs élus par un collège électoral si peu nombreux que, en comparaison, notre séance de cet après-midi ressemble à un gigantesque meeting populaire…
L’Assemblée nationale, qui avait initialement accepté la création d’une circonscription pour chacune de ces îles, est revenue sur sa décision. Aujourd’hui, il n’est plus question que d’un seul député pour ces deux collectivités. Encore un petit effort, monsieur le secrétaire d’État, et vous respecterez les préconisations du Conseil constitutionnel, qui observe que les représentants des collectivités d’outre-mer doivent eux aussi être élus sur des bases essentiellement démographiques.
Saint-Martin et Saint-Barthélemy doivent donc logiquement demeurer rattachées à la Guadeloupe. Cela vous obligera certes à revoir votre découpage, mais vous vous livrez à cet exercice avec un tel ravissement et un tel sens du détail que ce surcroît de travail ne pourra que vous combler de joie !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Reprenons un peu l’historique de cette question.
Dans un premier temps, le Parlement avait adopté le principe, validé par le Conseil constitutionnel, selon lequel chaque collectivité d’outre-mer devait élire un député. Puis, subitement, le Conseil constitutionnel a changé d’avis.
Si Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont souhaité prendre en main leur destin et devenir des collectivités d’outre-mer, c’est précisément, monsieur Frimat, parce que ces îles éprouvaient un sentiment d’abandon, et donc d’éloignement par rapport à la Guadeloupe, quelle que soit par ailleurs la qualité des députés qui les représentaient.
Il eût peut-être été difficile de comprendre que ces deux collectivités puissent constituer chacune une circonscription, mais prévoir qu’elles éliront un député me paraît tout à fait conforme aux critères du Conseil constitutionnel. On ne peut, à mon sens, leur dénier le droit d’être représentées à l’Assemblée nationale.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.
M. Frimat soulève une question importante et récurrente. Comme M. le rapporteur l’a rappelé, la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer a détaché les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy du département de la Guadeloupe pour les ériger en collectivités d’outre-mer et prévu que chacune d’elles soit représentée à l’Assemblée nationale : deux sièges ont été créés, mais non pourvus.
Or, aux termes de la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier 2009, « aucun impératif d’intérêt général n’impose que toute collectivité d’outre-mer constitue au moins une circonscription électorale ; […] il ne peut en aller autrement, si la population de cette collectivité est très faible, qu’en raison de son particulier éloignement d’un département ou d’une collectivité d’outre-mer ».
Le Gouvernement a respecté à la lettre la jurisprudence constitutionnelle en créant un siège de député pour ces deux collectivités proches l’une de l’autre, mais éloignées de plus de 230 kilomètres du département de la Guadeloupe, soit un trajet de plus de quarante-cinq minutes par avion, en survolant les Antilles néerlandaises, compte tenu de la configuration particulière de Saint-Martin, ou d’une quarantaine d’heures par bateau.
M. Jean Desessard. Par bateau ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Eh oui, monsieur Desessard, tout le monde n’a pas les moyens de prendre l’avion.
La création de ce siège de député n’a pas suscité de remarques particulières de la part de la commission indépendante ou du Conseil d’État. Il est toutefois à noter que la population cumulée de ces deux collectivités, soit 40 100 personnes, est supérieure à celle de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna, collectivités qui comptent respectivement 6 345 et 14 300 habitants mais disposent déjà chacune d’un siège de député. Il n’y a donc là rien de scandaleux.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par MM. Sergent et Percheron, Mme San Vicente-Baudrin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception du département du Pas-de-Calais.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Pour le plus grand plaisir de M. Portelli, je parlerai maintenant du Pas-de-Calais, dont le cas est particulièrement intéressant.
Vous ne cessez de vous référer, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, aux avis d’une commission qu’il nous paraît abusif de qualifier d’ « indépendante », et que nous nous obstinons pour notre part à appeler « commission de l’article 25 » : on ne peut pas dire qu’elle ait fait preuve d’une grande sévérité à l’égard du Gouvernement !
Pourtant, cette commission avait émis un avis défavorable sur un premier projet de découpage électoral du Pas-de-Calais, avis qu’elle a maintenu après que le Gouvernement eut opéré quelques modifications, au motif notamment que le nouveau projet laisse intact l’écart démographique à la moyenne départementale affectant la neuvième circonscription.
Ce département, je le rappelle, compte actuellement quatorze députés, douze de gauche et deux de droite, et va perdre deux sièges à la suite de la nouvelle répartition. Le maintien d’un écart démographique significatif pour la neuvième circonscription est lié à votre volonté, monsieur le secrétaire d’État, de préserver les deux députés de votre camp, quitte à ne pas respecter les critères fixés et à aller à l’encontre de la logique des bassins de vie, en l’occurrence dans l’ancien pays minier.
Le Conseil constitutionnel ne manquera pas de lire l’objet de notre amendement et de prendre en compte les conclusions de la commission de l’article 25. Je me borne à appeler son attention sur ce point, à la suite des députés des première et deuxième circonscriptions du Pas-de-Calais.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le découpage proposé reprend partiellement les préconisations de la commission prévue à l’article 25 de la Constitution. Les écarts démographiques à la moyenne départementale sont très faibles, le plus important d’entre eux atteignant 14,74 %. Tous les autres sont inférieurs à 10 %.
L’avis de la commission est donc défavorable. J’ajoute que l’adoption de cet amendement obligerait à supprimer ailleurs deux sièges de député.
M. Bernard Frimat. Je n’ai jamais demandé que l’on change le nombre de sièges !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si, puisque votre amendement prévoit l’abrogation des éléments du tableau des circonscriptions électorales des départements faisant mention du Pas-de-Calais ! Cela signifie bien que le nombre actuel de députés serait maintenu.
M. Bernard Frimat. Nous arrangerons cela en commission mixte paritaire !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est vrai que vous aviez déjà proposé de supprimer le siège dévolu à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. Il faudrait encore en trouver un autre d’ici à la fin de notre débat !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Avis défavorable, monsieur le président.
Pour des raisons démographiques, le département du Pas-de-Calais perd deux circonscriptions, le nombre de celles-ci passant de quatorze à douze. Pour les mêmes raisons, le Nord en perd trois. Cinq des actuelles circonscriptions du Pas-de-Calais présentant des écarts à la moyenne de la population supérieurs à 17 %, il convenait de corriger ce fort déséquilibre et de revoir la délimitation de l’ensemble des circonscriptions, en répartissant au mieux les cantons de celles qui seront supprimées.
Puisque vous citez souvent le Conseil d’État, je vous indique qu’après avoir examiné de très près le cas de ce département et celui du Nord, il a émis un avis favorable sur le projet du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Croyant m’exprimer dans un français à peu près correct, j’espérais que mes propos ne seraient pas travestis…
La commission prévue à l’article 25 a émis un avis défavorable sur le nouveau projet de découpage, qui laisse intact le déficit significatif affectant la neuvième circonscription. Par conséquent, quand vous affirmez, monsieur le secrétaire d’État, que le découpage a été opéré au mieux, vous voulez en fait dire : « au mieux de nos intérêts » !
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. Mirassou, Auban et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception du département de Haute-Garonne.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception du département du Nord.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Le Nord, comme le Pas-de-Calais, les Bouches-du-Rhône ou Paris, fait partie des départements volés en termes de représentation parlementaire : c’est un hold-up organisé par tranches ! Je le répète : d’autres répartitions des sièges étaient possibles.
Raisonnons cependant dans les limites qui nous sont imposées. Là encore, on nous oppose les arguments classiques relatifs au respect des critères démographiques. Or il se trouve que la fameuse commission de l’article 25 a – timidement –présenté deux propositions de remodelage et trois suggestions de redécoupage, dont la prise en compte aurait eu pour effet sinon de résorber l’ensemble des écarts démographiques constatés, du moins de les réduire. Elles s’inscrivaient donc dans la logique du considérant 21 de la décision du Conseil constitutionnel, aux termes duquel l’Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques, dans des conditions respectant « au mieux » l’égalité devant le suffrage. L’une de ces propositions permettait même de ramener l’écart démographique à la moyenne départementale à 1 % pour une circonscription où il est actuellement particulièrement élevé.
Le Gouvernement, qui se déclare très attentif aux propositions de la commission dite « indépendante », n’a pris en compte aucune de ses timides remarques. Cela donne la mesure de la considération qu’il lui porte en réalité ! De fait, son objectif était le même que pour tous les autres départements : mettre en place le découpage électoral le plus propre à entraver, voire à bloquer, l’alternance démocratique. L’étape suivante consistera peut-être à retirer le droit de vote à quelques-uns d’entre nous ! (M. le rapporteur rit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À chaque modification du mode de scrutin ou du découpage électoral, on entend dire qu’il s’agit d’empêcher l’alternance. Or cela n’a jamais été le cas.
M. Bernard Frimat. Sauf au Sénat, pour l’instant !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tiens ! Vous n’en parliez plus depuis deux ans, c’est bizarre !
Certes, on peut toujours estimer qu’un meilleur découpage aurait été possible, mais si les députés étaient appelés à y procéder eux-mêmes, il faudrait, pour parvenir à un résultat, les enfermer dans une salle pendant trois mois avec interdiction d’en sortir ! Ce sujet suscite des débats passionnés, et même des attaques personnelles !
L’avis de la commission indépendante sur le découpage proposé pour le département du Nord a été partiellement suivi par le Gouvernement, et le projet présenté est conforme aux critères fixés par la loi d’habilitation. Dès lors, et comme nous n’avons pas l’intention de remettre en cause l’ensemble du découpage, pour les raisons que j’ai expliquées dans la discussion générale, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.
Il est vrai que la suppression de trois circonscriptions dans un département est une opération lourde et importante. Elle est motivée par le très fort recul démographique que connaît le Nord. Cela étant, je constate qu’aucun amendement n’a été déposé par les députés de gauche de ce département lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale. Le cas est très rare, de nombreux projets de découpage ayant fait l’objet d’amendements.
Conformément aux consignes du Gouvernement, le préfet de région a mené une concertation avec l’ensemble des parlementaires concernés. Elle aurait peut-être pu déboucher sur un meilleur redécoupage des circonscriptions, prenant en compte des éléments que nous aurions négligés. Or il se trouve que cette concertation a cessé après le congrès de Reims, ordre ayant alors été donné aux parlementaires socialistes de ne plus y participer. Je le regrette profondément, car elle aurait pu permettre d’améliorer un certain nombre de choses, les premiers échanges entre la majorité et l’opposition ayant été assez fructueux, chacun restant bien sûr dans son rôle.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d’État, là où la concertation a eu lieu, vous n’en avez pas tenu compte.
Par ailleurs, dans le Nord, ce n’est pas la seule évolution démographique qui entraîne la suppression de trois circonscriptions ; celle-ci résulte également de la répartition des sièges que vous avez choisie, d’autres étant possibles.
Enfin, vous faites grand cas des remarques de la commission de l’article 25 quand elle approuve vos projets, mais vous devenez étonnamment amnésique ou distrait dans le cas contraire.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne peux pas ne pas réagir aux propos de M. le secrétaire d’État sur la concertation.
Nous, les Verts, ne sommes pas concernés par le congrès de Reims.
M. Jean Desessard. Vous avez affirmé, monsieur le secrétaire d’État, qu’il était important que nous nous rencontrions afin de débattre du mode de scrutin pour l’élection des futurs conseillers territoriaux et de la proportionnelle. Nous avons donc répondu à votre invitation, nous avons discuté, mais pour quel résultat ?
Par conséquent, en ce qui concerne le découpage électoral, si tout était joué d’avance, je comprends très bien que consigne ait été donnée aux parlementaires socialistes de ne plus participer à la concertation dans les préfectures. Dans ces conditions, cela revenait en effet à se prêter à une mascarade et à cautionner un découpage qui, de toute façon, ne servira que des intérêts partisans.
Quand on entend vraiment procéder à une concertation, monsieur le secrétaire d’État, on tient compte de ses résultats. En l’occurrence, vous étiez de toute manière décidé à suivre votre idée.
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Mermaz et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception du département de l'Isère.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz. Du fait de l’augmentation constante de la population du département de l’Isère, un dixième siège est créé. On ne pourrait que s’en réjouir, si ce n’était l’occasion de procéder à un certain nombre d’opérations de charcuterie. En son temps, notre collègue Charles Pasqua faisait dans la charcuterie fine (Sourires) ; aujourd'hui, c’est plutôt de l’équarrissage ! Les ciseaux sont maniés avec moins de subtilité…
Dans une circonscription que je connais bien pour l’avoir représentée près de vingt-cinq ans, il est prévu de soustraire du canton de Roussillon trois communes dirigées par l’Union de la gauche : Roussillon et Salaise-sur-Sanne, dont les maires sont communistes, ainsi que Péage-de-Roussillon, dont le maire est socialiste.
Or il était possible de procéder tout à fait autrement, en transférant un canton que je ne nommerai pas et qui, tourné vers la ville nouvelle de l’Isle-d’Abeau, se trouve tout au nord de l’actuelle huitième circonscription. Mais, comme il est orienté politiquement plutôt à droite, on a préféré le laisser avec les cantons de Vienne-Nord et de Vienne-Sud et charcuter le canton de Roussillon. De ce fait, la septième circonscription ressemble à ce que le docteur Rabelais aurait appelé un boyau culier. C'est assez extraordinaire !
Mais ce tripatouillage dans le nord de l’Isère a des conséquences sur d’autres circonscriptions. Ainsi, très au sud, le canton de Vizille, qui présente une grande unité, se trouve coupé en deux pour les besoins de la cause.
Je demande donc que l’on respecte le bassin de vie que constituent les cantons de Vienne-Nord, de Vienne-Sud et de Roussillon. Je souhaite également que, conformément à la recommandation du Conseil constitutionnel, on ne coupe pas en deux un canton et que l’on revoie entièrement le découpage du département de l’Isère, qui me semble en l’état tout à fait contraire aux intérêts de la démocratie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne connaissais pas l’expression rabelaisienne comportant le mot « boyau » que vous avez citée, mon cher collègue…
M. Louis Mermaz. « Boyau culier » ! Rabelais était un grand médecin, en plus d’un humaniste.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ceux qui ont étudié la médecine connaissent donc ce terme…
M. le président. Notamment certains spécialistes ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En tout état de cause, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 28.
M. Jean Desessard. C’est étonnant !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous pouvez vous réjouir, mon cher collègue, que votre département obtienne un dixième siège. La division d’un canton entre plusieurs circonscriptions est possible dès lors que sont respectées un certain nombre de conditions. En particulier, sa population doit être supérieure à 40 000 habitants, ce qui est bien le cas ici.
M. Louis Mermaz. C’est possible à titre exceptionnel !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Par ailleurs, la création d’une nouvelle circonscription s’opère nécessairement par remodelage des circonscriptions existantes.
Quoi qu’il en soit, je ne doute pas que M. le secrétaire d’État vous apportera tous les apaisements nécessaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, qui m’étonne quelque peu.
En effet, à l’Assemblée nationale, les députés de gauche n’ont pas déposé d’amendements sur ce redécoupage, qui n’a pas non plus donné lieu à polémique dans la presse locale, par exemple dans Le Dauphiné libéré. Les députés de l’Isère, en particulier M. Vallini, également président du conseil général, n’ont formulé aucune observation lors de nos rencontres hebdomadaires. Enfin, notre projet a reçu un avis favorable du Conseil d'État et de la commission prévue à l’article 25 de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. Monsieur le secrétaire d’État, peut-être avez-vous eu un moment de distraction, mais, à l’Assemblée nationale, au cours de la séance publique du 12 janvier 2010, M. Bruno Le Roux s’est longuement exprimé sur le sujet, tenant notamment les propos suivants :
« Examinons le cas de l’Isère, qui gagne une circonscription. C’est dans le nord-est du département que l’évolution démographique a conduit à la dessiner. Cependant, à cette fin, le Gouvernement a éclaté deux cantons, ceux de Roussillon et Vizille, ce qu’aucune exigence ni géographique ni démographique ne commandait.
« Première conséquence : la cinquième circonscription hérite d’une fraction du canton scindé de Vizille, se retrouvant avec une population sensiblement plus élevée que la moyenne départementale dont elle était pourtant très proche. Deuxième conséquence : la septième circonscription se voit dotée d’un tracé singulier, tout en longueur, qui la distingue de façon pour le moins suspecte de ses voisines.
« Or, tout ceci est d’autant plus troublant qu’aucun gain substantiel n’est accompli, même au prix de ces acrobaties, en termes d’équilibre démographique, puisque la population des troisième et cinquième circonscriptions serait supérieure de plus de 10 % à la moyenne départementale, tandis que la population de la sixième serait inférieure de plus de 11 % à cette même moyenne.
« S’il n’est pas modifié, le découpage de ce département encourt évidemment la censure, notamment parce que des scissions de cantons ne sont pas dûment justifiées. »
Je ne m’attends pas à ce que vous me répondiez immédiatement, mais je suis certain que vous aurez à cœur d’étudier ces remarques de notre collègue député Bruno Le Roux.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au cours de ce débat, les Verts n’auront pas été nombreux sur les travées. Nous n’avons pas participé à ces travaux de taillage, d’élagage et de charcutage. (Sourires.) Pourtant, nous en avons souffert ! En effet, deux circonscriptions de députés écologistes, celles de M. François de Rugy et de M. Yves Cochet, sont également concernées par le redécoupage. Nous aurions donc pu en débattre longuement.
Pourquoi n’avons-nous guère pris la parole au cours de ce débat ? J’aimerais vous donner un chiffre, monsieur le secrétaire d’État ; peut-être n’en aurez-vous pas la même lecture que moi…
Sur 577 membres de l’Assemblée nationale, on compte seulement quatre députés écologistes, soit 0,7 % des sièges !
M. Jean Bizet. C’est beaucoup !
M. Nicolas About. Le Vert est dans le fruit !
M. Jean Desessard. Peut-être m’objecterez-vous que, en ce moment, les questions écologiques et environnementales ne sont pas importantes et ne méritent pas d’être débattues à l’Assemblée nationale. (Sourires.) Pour vous, le courant écologiste, qui a obtenu 16 % des voix aux élections européennes et qui va continuer sur sa lancée aux élections régionales,…
M. Jean Bizet. Ne rêvez pas !
M. Jean Desessard. … n’est sans doute pas digne de détenir plus de 1 % des sièges à l’Assemblée nationale.
Dans ces conditions, vous l’aurez compris, nous n’allions pas entrer dans des détails relatifs à tel ou tel canton, alors que nous sommes victimes d’une telle aberration démocratique ! Et je ne parle pas d’autres courants politiques, dont certains ne sont même pas représentés à l’Assemblée nationale.
Vous allez sans doute prétendre qu’il n’est pas possible de recourir à la proportionnelle à cause du Front national. Mais, dans ce cas, il faudrait également proscrire ce mode de scrutin pour l’élection au Parlement européen, qui est une assemblée respectable.
Nous n’avons pas pris part à ce débat, à ce charcutage, à ce taillage, à cet élagage, parce que nous, les Verts, souhaitons l’instauration de la proportionnelle intégrale, selon le système allemand : en Allemagne, la moitié des sièges sont attribués au scrutin uninominal dans des circonscriptions territoriales, l’autre moitié servant à compenser. Il s’agit bien d’une compensation, et non d’une représentation : en d’autres termes, on considère le nombre de députés dont devrait disposer chaque formation en fonction de son score global, puis on examine combien elle a obtenu de sièges par le scrutin uninominal dans les circonscriptions territoriales, et l’on procède alors à une compensation à partir de listes nationales.
M. Nicolas About. La proportionnelle ne porte pas seulement sur la moitié des sièges !
M. Jean Desessard. C’est bien ce que je suis en train d’expliquer, mon cher collègue. Je sais que vous êtes favorable au scrutin proportionnel, ou du moins l’étiez-vous à une certaine époque, car je ne sais pas quelle est votre position aujourd'hui…
Pour ma part, je souhaite que la moitié des députés soient élus au scrutin uninominal dans des circonscriptions territoriales et que l’autre moitié des sièges soient attribués en compensation, à partir de listes nationales.
Cela permettrait une représentation de l’ensemble des courants politiques, y compris le courant écologiste, qui, comme je l’ai souligné tout à l’heure, est sous-représenté au regard de l’importance des thèmes dont il est porteur.
En outre, un tel mode de scrutin favoriserait également la parité. En effet, pourquoi le nombre de femmes a-t-il augmenté dans notre assemblée ? C’est grâce aux listes départementales paritaires ! Ce système permet que 21 % des membres du Sénat soient des femmes.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai.
M. Jean Desessard. Des listes nationales permettraient d’atteindre véritablement la parité. De la même manière, la diversité de la population est mieux prise en compte avec des listes nationales.
C’est pourquoi nous sommes pour la proportionnelle intégrale. Ce système assure la représentation de l’ensemble des courants politiques, permet de réaliser la parité et garantit la prise en compte de la diversité.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d’État, à mon sens, le Sénat a fait son travail. Il a débattu avec le rapporteur, ainsi qu’avec vous, à défaut d’avoir pu le faire avec la majorité. En effet, dès lors que celle-ci avait décidé d’émettre un vote conforme, qu’avait-elle à dire dans cette discussion ? Je conçois qu’il soit bien difficile d’être présents dans l’hémicycle en n’ayant ni amendements à défendre, ni observations à formuler… En l’occurrence, on ne pourra même pas arguer que la majorité s’est exprimée en commission : depuis le début, elle est restée muette !
Monsieur le secrétaire d’État, l’erreur humaine intervenue en première lecture vous aura valu le privilège de passer toute cette journée en notre compagnie. Je suppose qu’il s’est agi, pour vous, d’un temps de grande sérénité et que vous souhaitez renouveler l’expérience. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas sur le même sujet ! (Nouveaux sourires.)
M. Bernard Frimat. Tout au long de la discussion générale et de l’examen des amendements, nous avons essayé d’expliquer encore une fois notre point de vue, à l’adresse non pas de la majorité, dont l’opinion est faite – ses deux groupes voteront ce projet de loi –, mais du Conseil constitutionnel.
À cet instant, reconnaissez que nous n’avons ni multiplié les amendements, ni cherché en aucune façon à ralentir le rythme de ce débat. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, il était important pour nous d’insister sur un certain nombre de points.
Tout d’abord, le mode de répartition des sièges de député n’est pas une fatalité. Même si l’on maintient un scrutin uninominal par circonscription territoriale, il est important de toujours s’interroger sur la question de l’égalité des citoyens devant le suffrage. Ce n’est pas parce qu’une méthode de répartition a été un jour choisie qu’elle a vocation à s’appliquer pour l’éternité. Il est évident que, en valeur absolue, plus la tranche augmente, plus les écarts de population entre circonscriptions sont importants. Et ce qui peut être pertinent lorsque la tranche est relativement modeste le devient de moins en moins au fil du temps.
Par conséquent, il y a là un problème que nous devrions pouvoir traiter à froid, sereinement. Mais un découpage n’est jamais serein. Vos coups de ciseaux visent à atteindre un objectif que nous nous sommes efforcés de révéler, au travers de multiples exemples, dans chacune de nos interventions, à l’échelon tant des principes que des cas particuliers. À cet égard, la démonstration faite à l’Assemblée nationale par notre collègue Bruno Le Roux, qui a pointé toute une série de départements dans lesquels le découpage n’a pas été opéré en respectant au mieux l’égalité des citoyens devant le suffrage universel, me semble irréfutable.
Certes, nous ne nous attendons pas à ce que le Conseil constitutionnel, pris d’une frénésie démocratique, modifie entièrement ce projet de redécoupage. Je pense cependant qu’il ne pourra pas rester totalement insensible devant un certain nombre de points particulièrement choquants. D’ailleurs, vous le savez bien. C’est précisément parce que vous craignez sa censure que vous êtes si pressé d’aboutir.
Monsieur le secrétaire d’État, au terme de ce débat, pourriez-vous avoir la courtoisie de nous indiquer combien de conseillers territoriaux comptera chaque département ? Comment réglerez-vous le problème de l’égalité des citoyens devant le suffrage ? Désormais, vous ne pouvez plus objecter, afin de ne pas nous répondre, que vous ne disposez pas des chiffres du dernier recensement ! Les simulations nécessaires ayant sans nul doute été effectuées, vous aurez certainement à cœur de faire connaître à M. Mercier, au moment où nous allons reprendre l’examen de la réforme des collectivités territoriales, le nombre de conseillers territoriaux que vous prévoyez par département. (Sourires.) Connaissant votre agilité d’esprit, je suis persuadé que vous aurez su faire les calculs qui vous sont le plus favorables ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz. Monsieur le secrétaire d'État, votre excellent collègue M. Mercier pourrait vous dire ce qu’il pense du charcutage du canton de Roussillon, avec la soustraction de trois communes dirigées par l’Union de la gauche, Salaise-sur-Sanne, Roussillon et Péage-de-Roussillon, pour les noyer, au sein de la septième circonscription, dans un gros morceau de campagne ! Mais je ne demanderai pas un commentaire public sur ce sujet à M. Mercier, auquel me lie une certaine complicité depuis que nous avons créé ensemble le magnifique musée de Saint-Romain-en-Gal… (Sourires.)
Nous voici parvenus au terme d’un débat qui aura certainement été fort utile, car l’opinion publique, peu à peu, commence à comprendre ce dont il s’agit. Méfiez-vous de la colère qui s’exprimera quand les électeurs découvriront le résultat de votre ouvrage ! Nous verrons d’abord ce qu’en dira le Conseil constitutionnel, institution qui commence, après un certain nombre d’années d’existence, à acquérir quelque densité… Ne spéculons pas, mais il se pourrait qu’il nous réserve une bonne surprise !
Pour l’heure, je souhaiterais mettre en garde le Gouvernement en évoquant ce que j’ai vécu dans le département du Lot, en 1986, à la suite du redécoupage électoral réalisé par M. Pasqua. Je me trouvais alors dans ce département pour soutenir la candidature aux élections législatives du maire de Figeac, Martin Malvy, qui était désespéré qu’un canton réputé très à droite, que je ne nommerai pas, ait été rattaché à sa circonscription. Venus pour animer une réunion avec Maurice Faure, président du conseil général, nous avons constaté que de 2 000 à 3 000 personnes s’étaient rassemblées sur la place du chef-lieu de canton ! Se tournant vers le candidat, Maurice Faure a alors déclaré : « Tu vois, Martin, ne t’inquiète pas ; ils sont déjà là ! »
Le charcutage est donc un art très difficile à pratiquer, monsieur le secrétaire d'État. Il se pourrait qu’un sursaut du peuple vous fasse bientôt payer le juste prix de vos manœuvres ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d’État, ce débat doit nous amener à réfléchir sur l’exigence démocratique.
Tous les gouvernements sont tentés, quand il s’agit de réviser la carte électorale, d’en tirer quelque avantage. Seule une démarche marquée par un esprit de démocratie et de pluralisme peut permettre d’éviter cet écueil. C’est sans doute un exercice difficile, mais il me paraît absolument nécessaire.
La seconde lecture de ce texte intervient alors même que nous examinons la réforme des collectivités territoriales, qui comporte notamment la création d’un nouveau type d’élu, le conseiller territorial, dont nous ne savons rien du mode d’élection. Il me semble que le Gouvernement devrait approfondir sa réflexion avant de mettre en œuvre tant cette réforme que son projet de redécoupage électoral : il convient, en effet, de ne pas mettre la charrue devant les bœufs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme d’un débat engagé depuis maintenant près d’un an, depuis que le législateur a habilité le Gouvernement à procéder par ordonnance au redécoupage des circonscriptions électorales.
Ce projet de loi de ratification répond à une urgence démocratique, dans la mesure où, comme chacun le sait, l’actuelle carte électorale, qui repose toujours sur les données recueillies lors du recensement général de 1982, ne permettait plus d’assurer une juste et équitable représentation de l’ensemble de nos concitoyens sur les bancs de l’Assemblée nationale.
La tâche à laquelle s’est attelée le Gouvernement était complexe et sensible. Je tiens à vous féliciter et à vous remercier, monsieur le secrétaire d'État,…
M. Bernard Frimat. C’est bien normal que l’UMP dise merci !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … tant le travail que vous avez effectué a été entouré de garanties sans précédent dans l’histoire de nos institutions, et tant vous avez su écouter, informer et associer à votre démarche les parlementaires, mais aussi des représentants d’associations et de la société civile.
Nous souscrivons à l’esprit général de cette ordonnance. Ce projet de redécoupage répond parfaitement aux critères d’objectivité. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. C’est un gag !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Il respecte les exigences de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui affirme que l’élection des députés doit se faire sur des bases essentiellement démographiques, selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l’égalité devant le suffrage.
M. Bernard Frimat. Au mieux !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Permettez-moi également, monsieur le secrétaire d'État, de vous dire combien les Français établis hors de France sont heureux de cette avancée historique qui leur permettra enfin d’avoir des élus dans les deux chambres du Parlement, ce qu’ils appelaient de leurs vœux depuis des décennies. Cela leur permettra de se sentir dorénavant vraiment citoyens français à part entière.
Pour cette raison et pour toutes celles qui ont déjà été évoquées, le groupe UMP votera en faveur de ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Bravo !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Je rappelle que ce vote a valeur de vote sur l’ensemble du texte.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………...
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Plus personne ne demande à voter ?…
Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?…
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 131, portant sur l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés :
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 156 |
Pour l’adoption | 167 |
Contre | 144 |
Le Sénat a adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Je remercie tous les participants à ce débat, particulièrement M. le président de la commission des lois et M. le secrétaire d'État. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
5
Nomination d’un membre d'une commission
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Marie-Agnès Labarre membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à la place laissée vacante par M. Jean-Pierre Bel.
(M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
6
Réforme des collectivités territoriales
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 60, texte de la commission n° 170, rapports nos 169 et 171).
Dans la discussion des articles, nous reprenons l’examen d’un amendement tendant à insérer une division additionnelle avant le titre Ier.
Division additionnelle avant le titre Ier (suite)
M. le président. Nous poursuivons les explications de vote sur l’amendement n° 346 rectifié, présenté par MM. Collombat, Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé, Teulade et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
J’en rappelle les termes :
Avant le titre Ier, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre préliminaire
Clarification des compétences des collectivités territoriales et coordination des acteurs
Chapitre Ier : Clarification des compétences des collectivités territoriales
Art. ... - La mission centrale de la région est stratégique et de préparation de l'avenir.
Elle l'assume en partenariat avec l'État et les pôles métropolitains.
La région a en charge la répartition des fonds européens.
Art. ... - Le département a en charge la solidarité sociale et territoriale.
Le département a en charge le développement des territoires ruraux. À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération intercommunale en matière d'ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif.
Il veille à l'équité territoriale.
Chapitre II - coordination des acteurs territoriaux
Art. ... - Il est créé dans chaque région un conseil régional des exécutifs constitué du président du conseil régional, des présidents de conseils généraux, des métropoles, des communautés urbaines, d'agglomération ainsi que des communautés de communes de plus de 50 000 habitants et pour les autres communautés de communes d'un représentant par département, élu par les présidents de communautés de communes de moins de 50 000 habitants.
Le conseil régional des exécutifs est présidé par le président de la région.
Il peut, en tant que de besoin constituer une commission permanente.
Il peut associer à ses travaux, en tant que de besoin, le ou les représentants des organismes non représentés.
Il organise la concertation entre ces membres dans un but d'harmonisation de leurs politiques et afin d'organiser les complémentarités entre elles.
Il établit un schéma d'orientation de l'ensemble des politiques intéressant l'ensemble du territoire régional ou plusieurs départements, il coordonne les politiques, définit les « chefs de file » par projet ou ensemble de projets, prépare les accords et les conventions à passer entre les acteurs, veille à la mise en place de « guichets communs » en matière de développement économique, d'aide à l'emploi, de bourses d'études ou d'aide à la formation.
Il constate le désengagement des collectivités dans leur domaine de compétence. Ce constat de carence autorise une autre collectivité qui entendrait se substituer au titulaire de la compétence à l'exercer à sa place.
Il se réunit au moins une fois par trimestre sur un ordre du jour obligatoire pour délibérer sur les questions d'intérêt régional ou interdépartemental, nécessitant une coordination des politiques des acteurs.
Chaque membre du conseil peut faire inscrire à l'ordre du jour de la plus prochaine réunion toute question de sa compétence dont il souhaite débattre.
Art. ... - Il est créé dans chaque département une conférence départementale des exécutifs regroupant le président du Conseil général, le cas échéant, de la métropole et les présidents des intercommunalités.
Elle est chargée d'organiser la coordination locale et la concertation entre ses membres.
Elle a communication des travaux du conseil régional des exécutifs auquel elle peut communiquer des observations et des vœux.
Elle se réunit chaque trimestre sous la présidence du président du Conseil général.
Art. ... - Le pôle métropolitain est un établissement public destiné à assurer la gouvernance d'un réseau de collectivités territoriales et d'EPCI à fiscalité propre, sur un vaste territoire, éventuellement discontinu, pour des compétences de niveau stratégique : transport, développement économique et emploi, enseignement supérieur et recherche, logement, très grands évènements culturels et sportifs.
Le ou les Établissements Publics Fonciers existant sur le territoire, sont membres du pôle métropolitain, quand les compétences de celui-ci comprennent le logement ou les équipements stratégiques.
Constitué par accord entre les intéressés, il comprend obligatoirement la ou les Régions concernées, la ou les métropoles quand elles existent. Les départements et les EPCI de plus de 100 000 habitants sont, à leur demande, de droit, membres du pôle métropolitain.
L'initiative de création d'un pôle métropolitain relève des régions et des métropoles.
Sa création peut-être décidée par arrêté du représentant de l'État du département chef-lieu de région ou de la région démographiquement la plus importante si le pôle métropolitain s'étend sur plusieurs régions.
Le pôle métropolitain est soumis aux règles applicables aux syndicats mixtes prévus à l'article L. 5711-1 du Code général des collectivités territoriales, sous réserves des dispositions prévues par le présent titre.
L'arrêté constitutif du pôle métropolitain mentionne obligatoirement les compétences qui lui sont confiées par les organismes membres et le niveau d'intervention de celui-ci.
Le pôle métropolitain définit et arrête les axes stratégiques de développement de son territoire pour les compétences qui lui ont été déléguées. Il coordonne et hiérarchise l'action de ses membres. Il peut aussi se voir confier des missions de gestion. Il assume celles-ci directement ou, sous sa surveillance, par voie de délégation.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je comprends l’amertume qu’a exprimée hier dans la nuit notre collègue Collombat. Avec la naïveté du jeune sénateur (Sourires), il regrettait que l’absence de débat, ou plutôt la juxtaposition de discours parallèles, interdise finalement d’améliorer la rédaction de ce projet de loi.
De fait, le présent amendement a été écarté d’un revers de main, avec des arguments qui ne sont pas acceptables, me semble-t-il. Cet amendement de fond vise véritablement à donner un cadre à l’organisation territoriale de la France et à préciser la répartition des pouvoirs. Il définit les missions des différents niveaux de collectivités territoriales et les conditions de leur concertation. Il s’inspire largement du rapport de la mission présidée par M. Belot, dont la teneur, je le rappelle, a été approuvée par l’ensemble des composantes politiques de notre assemblée, jusqu’à ce que soit ajoutée, in extremis, la création des conseillers territoriaux…
Cet amendement a été rejeté par le président de la commission des lois au motif que son contenu ne serait pas normatif et qu’il présenterait de nombreux défauts en termes de droit pur. Ces arguments largement fallacieux, qui ont été constamment répétés au cours de la discussion, pourraient toutefois être acceptables si le comportement de la commission saisie au fond était toujours parfaitement objectif. Or, à l’évidence, tel n’est pas le cas, et le sort réservé à un amendement relatif au mode d’élection des conseillers territoriaux déposé par M. About et ses amis montre bien que la commission applique deux poids, deux mesures : l’appréciation du caractère normatif d’un dispositif varie selon l’identité des auteurs de l’amendement, les nôtres portant sur le même sujet ayant été rejetés pour un motif qui n’a pas été opposé à nos collègues de l’Union centriste.
On nous objecte ici que le présent amendement anticipe la loi à venir sur la répartition des compétences. Or, cet argument n’est pas fondé, parce qu’il tend à fixer un cadre très général, en précisant les missions des différents niveaux de collectivités. Par exemple, le département a la mission d’assurer la solidarité sociale. Il sera loisible ultérieurement de définir les compétences correspondantes, c’est-à-dire, en l’occurrence, la protection maternelle et infantile, le handicap, les personnes âgées, etc. Les missions ne sont pas assimilables aux compétences et nous ne pouvons donc accepter que, d’un revers de main, on écarte notre amendement au motif qu’il anticiperait un texte à venir.
L’amendement n° 346 rectifié tend par ailleurs à organiser la concertation entre les différents niveaux de collectivités territoriales, en reprenant, encore une fois, les importants travaux réalisés par la commission Belot. Cela est nécessaire, car le projet de loi ne comporte aucun élément de cohérence et de concertation entre les diverses strates. En effet, on ne peut pas considérer que la création des conseillers territoriaux, élus qui siègeront à la fois au conseil régional et au conseil général, soit une réponse satisfaisante à cet égard : à l’échelon régional, par exemple, le président de la région se trouvera face aux présidents des départements, qui se concerteront contre lui. Ce n’est pas là une saine conception de la concertation ! À l’inverse, les instances ad hoc que nous proposons d’établir permettraient d’organiser une véritable concertation, assurant un fonctionnement beaucoup plus harmonieux des différents niveaux de collectivités.
C’est pourquoi je vous incite, mes chers collègues, à adopter cet amendement dans l’enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Nous nous félicitons de ce que l’initiative de nos collègues socialistes nous permette de débattre de la nécessaire clarification des compétences.
Nous avons nous-mêmes particulièrement insisté sur cette question, en déposant une motion tendant à opposer la question préalable au motif que le débat sur les structures aurait dû être précédé par une remise à plat de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités locales et par la redistribution des compétences décentralisées. Une telle démarche, permettant de resituer le rôle de l’État, avait d’ailleurs fait l’objet d’un consensus lors de notre premier débat dans l’hémicycle sur le rapport d’étape de la mission Belot.
Cela dit, une telle refonte globale des compétences décentralisées nécessiterait des travaux préparatoires et de véritables échanges de vues, sur la base de propositions prenant en compte un réel bilan de la décentralisation, dont nous ne disposons pas, force est de le constater.
Aussi considérons-nous que ce débat si nécessaire ne peut réellement se développer dans le cadre de la discussion d’un amendement, si important soit-il.
Par ailleurs, en ne précisant que les missions des différents niveaux de collectivités territoriales, y compris les communes, jugées essentielles par nos collègues et en ne définissant pas, de façon plus large, l’ensemble de leurs compétences, cet amendement risque d’être pour le moins restrictif, d’autant qu’il ne réaffirme pas le rôle capital de l’État, ce qui constitue pourtant un enjeu crucial de cette réforme.
En outre, compte tenu des dispositions contenues dans ce projet de loi, il nous semble qu’il serait particulièrement pertinent de réaffirmer la nécessité du maintien de la clause de compétence générale pour toutes nos collectivités territoriales.
Quant aux autres dispositions de cet amendement, relatives aux conseils et aux conférences des exécutifs, nous serons appelés à en débattre ultérieurement : elles méritent pour le moins des approfondissements. Sur ces points, nous présenterons nous-mêmes des amendements dont le contenu est sensiblement différent.
S’agissant de la création et du rôle des pôles métropolitains, nous ne partageons pas le point de vue de nos collègues socialistes, car nous considérons pour notre part qu’ils font partie de ces nouvelles structures tendant à mettre en cause l’existence des départements.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons, cet amendement ne pouvant nous satisfaire. Si nous reconnaissons la pertinence de son objet, nous estimons qu’il procède d’une approche trop partielle et de conceptions parfois discutables.
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, pour explication de vote.
M. Michel Boutant. Nous avons affaire à un projet de loi qui place la charrue devant les bœufs.
Son article 1er prévoit la création de conseillers territoriaux, appelés à remplacer les conseillers généraux et les conseillers régionaux. Puisqu’ils siégeront à la fois au conseil général et au conseil régional, il nous semble indispensable de clarifier les rôles qu’ils auront à jouer au sein de l’un et de l’autre. À cet égard, notre amendement apporte des précisions nécessaires.
En effet, à la suite de cette réforme, le nombre d’élus appelés à siéger à l’échelon départemental se trouvera réduit dans une mesure considérable, alors que, dans le même temps, les compétences du département ne seront pas modifiées. De leur côté, les conseils régionaux accueilleront l’ensemble des conseillers territoriaux élus dans les différents départements, pour exercer des compétences qui, elles aussi, resteront inchangées. La charge de travail des conseillers territoriaux sera donc accrue de manière considérable à l’échelon départemental, et à l’inverse très fortement réduite à l’échelon régional.
Je me demande si, derrière cet article 1er, ne se cache pas l’idée, déjà exprimée par un certain nombre de personnalités, à commencer par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, d’ « évaporer » les départements au profit des régions, en transférant peu à peu leurs compétences à ces dernières.
Il convient donc, à mon sens, de préciser à nouveau les missions des départements. C’est pourquoi j’invite tous ceux de nos collègues qui sont attachés à l’exercice d’un mandat de proximité à accorder l’importance qu’il mérite à cet amendement, à l’examiner de manière approfondie, car son adoption permettrait de remettre de l’ordre dans ce projet de loi, en apportant d’entrée de jeu des précisions nécessaires. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Notre collègue Jean-Pierre Sueur a expliqué hier soir, avec tout le talent qui est le sien, combien l’amendement n° 346 rectifié trouvait sa pleine justification dans le caractère absolument surréaliste de l’article 1er du projet de loi.
Cet article prévoit la création du conseiller territorial, sorti du néant. Nous apprenons qu’il siégera à la fois au conseil général et au conseil régional, mais nous saurons plus tard seulement quelles seront ses compétences, un an après le vote du présent projet de loi ! Nous ne saurons que plus tard aussi comment il sera élu, mais nous savons déjà que le président du Sénat lui-même a déclaré que les dispositions relatives à son mode d’élection, figurant dans un autre projet de loi, étaient impossibles à voter en l’état, qu’elles ne trouveraient pas de majorité dans notre assemblée. Enfin, nous ne connaissons toujours pas le nombre de conseillers territoriaux par département.
Monsieur le ministre, ce texte n’est pas un projet de loi, c’est un jeu de devinettes ! Si un lycéen présentait une dissertation construite de cette façon, on lui reprocherait d’être incohérent, de manquer de logique et de fond et il serait invité à revoir sa copie. Cela étant, il est vrai que M. le président de la commission des lois nous a fort justement expliqué hier que la confection d’une loi répondait à d’autres règles que la rédaction d’une dissertation !
Mais il y a peut-être plus grave. Pourquoi cette incohérence, ce calendrier inversé, ce refus d’examiner l’amendement que nous avons déposé ? Tout simplement parce que ce projet de loi ne répond pas au souci de construire ; il ne représente pas l’acte III de la décentralisation – d’ailleurs, vous ne le revendiquez pas ! Vous ne cherchez pas à approfondir la démocratie, ni à garantir une efficacité accrue de l’action publique, ni à dynamiser la vie politique locale –rappelons que les associations d’élus ont toutes été écartées des travaux menés par la commission de M. Balladur. Il s’agit non pas de construire, mais de détruire ! Ce projet de loi vise à la désorganisation de notre territoire et de ses collectivités, à la destruction de l’action locale et des services publics, afin de réduire la dépense publique en rognant sur les services rendus à la population et en limitant l’équipement de nos territoires.
M. Pierre Fauchon. Quelle caricature !
M. Yves Daudigny. Si l’on comprend cela, le caractère surréaliste que j’évoquais au début de mon propos apparaît clairement ! (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 346 rectifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Plus personne ne demande à voter ?...
Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?...
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 132 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 157 |
Pour l’adoption | 128 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappels au règlement
M. Jean-Pierre Sueur. Pour la troisième fois aujourd’hui, je dois souligner qu’il est réellement humiliant de nous entendre demander, à chaque scrutin public, si chacun a pu exprimer son vote comme il le souhaitait. Je ne comprends pas pourquoi on nous pose cette question !
Lors de mon deuxième rappel au règlement sur ce thème, M. Gérard Larcher, qui présidait alors la séance, m’a expliqué que cette phrase était prononcée en vertu d’une décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987, dont il a bien voulu me communiquer le texte.
Cela appelle de ma part quelques remarques.
Tout d’abord, je ne comprends pas très bien pourquoi il a fallu attendre l’an de grâce 2010 pour appliquer une décision du Conseil constitutionnel datant du 23 janvier 1987…
Ensuite, s’il s’agit de se prémunir contre le renouvellement d’incidents que nous avons pu connaître, cette méthode est inopérante, comme le montre la lecture du considérant suivant de la décision du Conseil constitutionnel en cause :
« Considérant que pour l’application de ces dispositions, la circonstance que, dans le cadre d’un scrutin public, le nombre de suffrages favorables à l’adoption d’un texte soit supérieur au nombre de députés effectivement présents au point de donner à penser que les délégations de vote utilisées, tant par leur nombre que par les justifications apportées, excèdent les limites prévues par l’article 27 précité, ne saurait entacher de nullité la procédure d’adoption de ce texte que s’il est établi, d’une part, qu’un ou des députés ont été portés comme ayant émis un vote contraire à leur opinion et, d’autre part, que, sans la prise en compte de ce ou ces votes, la majorité requise n’aurait pu être atteinte. »
Je crois avoir à peu près compris le sens de ce considérant, mais je ne vois pas en quoi il en découlerait que le président de séance doive nous demander, à chaque scrutin public, si chacun a pu voter comme il l’entendait… Nous votons toutes et tous comme nous l’entendons ! Nous n’avons pas besoin d’être rappelés à l’ordre de cette manière.
Il est important, à mon sens, que l’on respecte la liberté de chacun ; il n’est nul besoin de nous admonester lorsque nous votons, en prononçant des formules superfétatoires, susceptibles de porter atteinte à notre honneur de parlementaires !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour un rappel au règlement.
M. Jean Desessard. Je voudrais attirer l’attention sur le fait que la phrase en question est prononcée par le président de séance à l’occasion des scrutins publics. De nombreux votants n’étant alors pas présents dans l’hémicycle, comment peut-on demander si chacun d’entre eux a pu exprimer son vote comme il l’entendait ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) À qui s’adresse cette question ? Aux fauteuils vides ?
M. le président. Acte est donné de ces rappels au règlement.
Monsieur Sueur, je vous rappelle que le président Larcher a indiqué tout à l’heure que cette question sera évoquée en conférence des présidents. Vous pourrez donc demander à votre président de groupe de soumettre à celle-ci vos observations.
Dans l’immédiat, afin de vous éviter d’avoir à intervenir une nouvelle fois sur ce sujet, j’instaure, en vertu de mon autorité, un moratoire sur cette phrase jusqu’à la prochaine conférence des présidents.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en remercie !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
M. le président. Nous revenons à la discussion des articles.
TITRE Ier
RÉNOVATION DE L’EXERCICE DE LA DÉMOCRATIE LOCALE
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La compétence générale est un principe fondateur de la libre administration des collectivités locales.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer d’emblée un principe constitutionnel à nos yeux essentiel et qui nous semble être remis en cause tout au long du présent projet de loi : celui de la libre administration des collectivités locales et de l’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre.
Or, comment parler de libre administration si les compétences d’une collectivité territoriale sont strictement encadrées ? Au cours de ces dernières décennies, la clause de compétence générale n’a jamais été remise en cause lors de travaux parlementaires. Elle a toujours été considérée comme un élément fondamental, constitutif du principe de libre administration des collectivités locales.
Le législateur a eu l’intelligence de permettre l’exercice permanent de ce principe, en accordant aux collectivités territoriales une clause de compétence générale qui les autorise, en toutes circonstances et dans tous les domaines, à mettre en œuvre les politiques locales qu’elles jugent nécessaires pour répondre aux besoins et aux attentes de leur population.
Réduire ou même supprimer cette clause de compétence générale, c’est remettre en cause ce principe constitutionnel !
Certes, ce projet de loi ne traite pas des compétences, puisqu’un autre texte ad hoc sera présenté dans les prochains mois. Toutefois, force est de constater que cette question y est abordée à de nombreuses reprises. Ainsi, l’article 35 est consacré spécifiquement à ce sujet, auquel il est également fait référence chaque fois que sont évoqués les transferts de compétences d’une collectivité vers une intercommunalité, tout particulièrement quand il s’agit de la création des métropoles.
Nous souhaitons donc ouvrir le débat avec cet amendement, dont l’adoption, nous semble-t-il, éclairerait l’ensemble du texte qui nous est soumis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement tend à assimiler le principe de la libre administration des collectivités locales, qui est effectivement un principe constitutionnel, avec la clause générale de compétence, qui est seulement de nature législative et peut, par conséquent, être aménagée par la loi.
En effet, aucune décision du Conseil constitutionnel ne permet d’affirmer que la clause générale de compétence est de nature constitutionnelle. Le principe de subsidiarité exprimé au deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution, auquel il est parfois fait référence dans ce domaine, implique seulement que la compétence susceptible d’être attribuée à un échelon donné ne doit pas être violée de façon manifeste. Il s’agit là d’une décision du Conseil constitutionnel du 7 juillet 2005.
Étant un principe législatif, la clause générale de compétence peut donc être limitée par la loi. Le Conseil d’État a ainsi estimé, dans un arrêt « Mons-en-Barœul » de 2001, que le législateur, en attribuant des compétences à un niveau de collectivités, apportait légitimement une limite à la clause générale de compétence des autres niveaux.
Nous ne partageons donc pas l’opinion exprimée par les auteurs de l’amendement, selon lesquels la clause générale de compétence est un principe fondateur de la libre administration. En revanche, la libre administration implique bien entendu l’exercice effectif d’un certain nombre de compétences.
À cet égard, je me permets de citer l’article 3 de la Charte européenne de l’autonomie locale, ratifiée par la France : « Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques. »
Le texte que nous examinons ne porte nullement atteinte à ce droit et à cette capacité effective. La commission des lois a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, votre amendement appelle de ma part une observation relativement simple : vous avez lié la clause de compétence générale et le principe selon lequel aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre, et vous avez raison.
Encore faut-il rappeler les niveaux de ces deux normes juridiques : le principe selon lequel aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre est inscrit dans la Constitution. La clause de compétence générale est une création jurisprudentielle, dépourvue de fondement légal. En laissant une liberté d’action, la loi autorise ce qu’on appelle une compétence générale, mais elle ne peut s’exercer que sous le contrôle du juge.
Il ne me semble pas souhaitable d’ériger la compétence générale en règle législative, sauf à contrevenir au principe constitutionnel d’interdiction pour une collectivité d’exercer une tutelle sur une autre.
Pour les raisons que je viens d’exposer, j’émets, comme M. le rapporteur, un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Cette discussion, nous l’avons eue de manière approfondie dans le cadre de la mission Belot. Je me rappelle notamment que notre collègue Retailleau a très bien expliqué pourquoi les notions de compétence générale et de collectivité locale étaient étroitement liées.
Je ne pense pas que la notion de compétence générale soit explicitement mentionnée quelque part dans notre droit. Les choses sont formulées autrement. La Constitution dispose que les collectivités sont compétentes pour toutes les affaires d’intérêt de leur niveau : la compétence de la commune s’exerce pour les affaires d’intérêt communal, la compétence du département s’exerce pour les affaires d’intérêt départemental, et ainsi de suite… Cela revient exactement à la même chose.
Nous avons longuement débattu d’un amendement que j’ai eu la faiblesse de déposer et qui avait pour objet de combler l’une des lacunes de votre texte.
En voici une autre, que le rapport Krattinger, rendu dans le cadre de la mission Belot, avait comblée : sans mentionner la notion de compétence générale, il proposait, d’une part, que soient mis en place des dispositifs de concertation entre les niveaux de collectivités, que vous avez refusée, et, d’autre part, que soit laissée à chacune une capacité d’initiative.
À votre réponse, que j’anticipe, monsieur le ministre, selon laquelle cette capacité d’initiative est prévue dans le texte, j’objecte que les domaines dans lesquels elle s’exerce n’ont pas été expressément prévus par la loi !
J’ai une autre objection à vous soumettre : imaginons que la collectivité en charge de la compétence ne veuille pas l’exercer, tout simplement parce qu’elle n’en a pas les moyens, que se passera-t-il ? Va-t-on attendre que le problème se résolve ? En admettant la capacité d’initiative, et donc de substitution – car c’est ce que cela veut dire –, le problème serait réglé avec élégance : une autre collectivité viendrait se substituer à celle qui est momentanément défaillante.
Mais de cela non plus vous ne voulez pas ! Je vois là, une nouvelle fois, la marque du caractère « ni fait ni à faire » du texte que vous nous proposez.
Le problème fondamental, c’est que vous confondez – c’est une constante dans votre texte – les notions de collectivité territoriale et d’EPCI. Pour vous, c’est la même chose parce que votre objectif est tout simplement de faire disparaître progressivement les communes dans des EPCI. Comme vous ne pouvez pas le faire tout de suite, de façon brutale et sauvage, vous le faites à la façon Mercier, élégante et gentille… (Sourires.)
Mais le but demeure. Et je persiste à dire que vous confondez – même si ce n’est pas précis dans vos têtes – les deux notions.
Je citerai un contre-exemple, qui n’a apparemment rien à voir mais qui vient, en fait, fort à propos. Je veux parler des communes nouvelles. Pourquoi, bigre, créer des communes déléguées ? Si des communes veulent fusionner, pourquoi maintenir des communes déléguées au sein des communes nouvelles ? Parce que, pour vous, les communes nouvelles sont aussi une forme d’EPCI ! De même, à l’autre bout, les métropoles sont des EPCI, tout en étant aussi des collectivités territoriales !
Pour notre part, nous faisons tout à fait la différence, reprenant à notre compte l’excellente formule de notre collègue Jean-Pierre Chevènement, selon lequel les EPCI sont des « coopératives de communes ».
Refuser la compétence générale, quelque forme que prenne le refus, cela revient à transformer les départements et les régions en des sortes d’EPCI.
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, pour explication de vote.
M. Michel Boutant. Si l’on considère la solidarité comme une forme de dépendance ou de tutelle qu’exercerait une collectivité sur une autre, à ce moment-là, en effet, la clause de compétence générale n’a plus lieu d’être.
Mais, sur le terrain – plus particulièrement en milieu rural –, la clause de compétence générale, même si elle n’a d’autre fondement que la jurisprudence, n’en permet pas moins la solidarité ou la péréquation entre communes rurales. Faut-il déplacer les populations pour les rapprocher des villes ? Faut-il rayer de la carte les communes où les médecins manquent ? Est-ce cela l’intention cachée de cette loi ?
M. Pierre-Yves Collombat. C’est une juste stratégie !
M. Michel Boutant. Je citerai un domaine particulier : l’assainissement de l’eau. Nous devons tous, dans nos collectivités, appliquer la loi sur l’eau et rejeter dans la nature des eaux qui soient propres.
Lorsque le Fonds national pour le développement des adductions d’eau, le FNDAE, a été supprimé, qui a pris la relève, et au nom de quoi ? C’est grâce à la clause de compétence générale que, aidées par les départements et les régions, un certain nombre de petites communes ont pu accéder à l’assainissement et se mettre aux normes en matière de rejet !
Lorsque les grands opérateurs en téléphonie mobile ou les fournisseurs d’accès à internet ne veulent pas investir dans les zones les plus reculées, souvent menacées de désertification médicale, c’est cette clause qui permet de maintenir un équilibre entre les territoires : les plus modestes d’entre eux sont soutenus par les moyens dont disposent des collectivités plus importantes.
Au demeurant, n’arrive-t-il pas à l’État de solliciter les départements, les régions, les communautés d’agglomération, les communautés de communes sur tel ou tel projet de ligne à grande vitesse, par exemple ? Si cette clause est récusée, au nom de quoi ces collectivités devraient-elles accepter d’apporter leur contribution ?
Il me semble qu’une collectivité de proximité, même s’il s’agit d’une collectivité de taille intermédiaire comme le département, doit pouvoir mener tout un éventail d’actions, car il y a une forme d’osmose entre les communes, les communautés de communes et les départements.
Pour toutes ces raisons je voterai l’amendement n° 109. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Je voudrais essayer de vous convaincre de la pertinence de notre amendement, auquel notre groupe attache une grande importance. Il est en effet au cœur du statut des collectivités territoriales et au cœur de la problématique soulevée par le projet de loi dont nous entamons l’examen : peut-on respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales posé par l’article 72 de la Constitution quand il est mis fin à leur compétence générale ? En clair, l’autonomie est-elle possible avec des compétences réduites, voire anéanties ?
Le bon sens juridique tend à suggérer qu’il y a incompatibilité et que le projet de loi est pleinement contraire à la Constitution puisqu’il prive les collectivités du principal moteur de leur libre administration : la compétence générale.
Comme cela a déjà été indiqué, c’est cette clause de compétence générale qui, fondamentalement, permet de distinguer un établissement public d’une collectivité locale. Un document de travail mis en ligne sur le site du comité de M. Balladur indique que la clause de compétence générale peut d’abord être considérée comme « consubstantielle à la notion de collectivité territoriale ». C’est cette clause qui distingue une collectivité d’un établissement public défini, quant à lui, par le principe de spécialité.
Ce document rappelle que la région n’a obtenu la compétence générale qu’une fois reconnue comme collectivité territoriale, alors qu’elle était auparavant un établissement public.
Ensuite, les auteurs de cette note affirment sans ambiguïté que la clause de compétence générale est l’une des composantes de la libre administration des collectivités locales.
Enfin, le document indique que le principe de subsidiarité posé par le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution conduit à la « vocation » de chaque collectivité à gérer ses propres affaires.
Il faut donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, appeler un chat un chat. Supprimer la clause de compétence générale pour le département et la région, mais aussi de manière insidieuse, pour la commune, contredit fondamentalement le principe de l’autonomie des collectivités territoriales, de leur place en tant qu’institutions démocratiques.
L’objectif est clair : les transformer, de fait, en administrations chargées d’appliquer une politique décidée à Paris.
M. Pierre Fauchon. Paris n’est pas Moscou !
M. Bernard Vera. La fin du principe de la compétence générale, c’est la fin de la démocratie locale, c’est la remise en cause du processus de décentralisation.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement par scrutin public, car ce vote pèsera sur l’ensemble des débats.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez bien compris que nous tenions beaucoup à cet amendement.
Mon collègue l’a très bien expliqué, en légère contradiction avec ce que vous avez dit, monsieur ministre, le comité Balladur, composé d’éminents juristes, s’est montré très réservé sur le sujet. Sa conclusion est plutôt que la compétence générale est, en effet, consubstantielle à l’administration des communes.
Il faut bien dire qu’elle est également consubstantielle à l’élection au suffrage universel. Qui administre nos collectivités, sinon des assemblées élues par le peuple ? Dès lors, n’est-il pas légitime que lesdites assemblées aient toutes facultés et moyens d’action pour répondre aux besoins des populations qui les ont élues ? Comme vous le disiez vous-même en 2002, cela va de pair avec l’autonomie financière.
Évidemment, on pourrait élire un Président de la République une bonne fois pour toutes et tout le reste en découlerait ! Cela simplifierait grandement les choses ! Mais tel n’est pas le cas, du moins pas encore…
Les choses ne sont pas aussi limpides que vous le dites dans votre interprétation de la Constitution. Tout le monde ne voit pas les choses de la même façon !
Pour ma part, je voudrais faire une observation sur un autre problème qui, me semble-t-il, est de taille.
À ces métropoles que vous créez, vous ne pouvez pas donner la qualité de collectivités locales, car vous devriez sinon modifier la Constitution, ce que, pour des raisons que l’on peut comprendre, vous ne voulez pas faire…
Or, ces métropoles vont avoir de fait une compétence générale par délégation, obligatoire pour les communes et quasi obligatoire pour les départements et les régions, des compétences en matière économique, sociale, scolaire, culturelle, etc.
Il est assez paradoxal, et à mon sens inadmissible, que vous fassiez de collectivités déguisées, que vous n’osez même pas appeler par leur nom, des collectivités à compétence générale, tandis que vous ôtez cette compétence générale à des collectivités territoriales inscrites, en bonne et due forme, en tant que telles dans la Constitution.
Il serait bon que l’on nous explique ce qui peut justifier une telle incohérence, mais, en tout état de cause, j’invite mes collègues à bien réfléchir avant de repousser notre amendement !
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Le sujet est important puisque c’est la capacité de nos territoires à être réactifs face aux problèmes posés qui est en cause : sans la clause de compétence générale, nous ne pourrons plus prendre d’initiatives. Or, mes chers collègues, c’est le plus souvent grâce à la liberté d’initiative de nos départements que nous avons pu enclencher des évolutions essentielles.
Je voterai donc l’amendement.
Auparavant, je souhaite toutefois demander à ses auteurs s’il est possible de le rectifier de manière à préciser que la compétence générale s’exerce, d’une part, dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités pour, justement, qu’il n’y ait pas de tutelle de l’une sur l’autre, d’autre part, dans le respect de l’application de la subsidiarité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D’accord !
Mme Éliane Assassi. C’est très pertinent !
M. Philippe Adnot. Mes chers collègues, je vous engage à voter cet amendement – rectifié de préférence, mais je laisse à ses auteurs le choix d’accéder ou non à ma suggestion – car, dans vos départements, vous serez comptables des capacités d’initiative que vous aurez laissées aux conseils généraux et aux conseils régionaux !
M. le président. Monsieur Vera, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. Philippe Adnot ?
M. Bernard Vera. Absolument !
M. le président. Je suis donc saisi de l'amendement n° 109 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, qui est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La compétence générale est un principe fondateur de la libre administration des collectivités locales, dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités et l'application de la règle de subsidiarité.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. D’abord, madame Nicole Borvo Cohen-Seat, pour créer une nouvelle collectivité territoriale, il n’est pas nécessaire de réviser la Constitution.
Celle-ci prévoit clairement, et vous le savez parfaitement, que « les collectivités de la République sont les communes, les départements, les régions » et que « toute autre collectivité territoriale est créée par la loi ».
On peut donc parfaitement créer par une loi, dans le respect de la Constitution, la métropole collectivité territoriale.
Ensuite, M. Collombat ne l’ayant pas fait, c’est bien volontiers que j’évoquerai moi-même Michel Rocard, car ce n’est pas du tout en vertu de la clause de compétence générale que le département a pu aider les communes, mais bien de la loi de 1982…
M. Jean-Claude Peyronnet. C’est bien antérieur !
M. Michel Mercier, ministre. Non, monsieur Peyronnet : c’est depuis l’adoption – grâce à vous, car je ne doute pas que vous l’ayez votée – de cette loi…
M. Jean-Claude Peyronnet. Non, car je n’étais pas encore parlementaire…
M. Jean-Pierre Sueur. Moi, j’ai voté cette loi, sans problème…
M. Michel Mercier, ministre. Cela ne m’étonne pas, monsieur Sueur, car, dès que vous voyiez le nom « Rocard », vous votiez !
M. Jean-Pierre Sueur. Non, et, quand j’étais en désaccord avec lui, je le lui disais !
M. Michel Mercier, ministre. C’est ainsi que, grâce à M. Sueur, l’aide aux communes est devenue une compétence légale du département, et cette disposition législative a été reprise dans le code général des collectivités territoriales. Donc libre à chacun de jouer à se faire peur, mais inutile de le faire plus que nécessaire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Peut-être voulez-vous que je vous lise le code ?...
M. Jean Desessard. Bien sûr ! Comme cela le débat durera quatre semaines !
M. Michel Mercier, ministre. Je me contenterai de vous renvoyer à ses articles L. 3232-1-1 et R 3232-1 !
Sur ces deux points, je tenais à préciser le droit existant.
Quant à l’avis du Gouvernement sur l’amendement rectifié, il reste défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, vous savez comme moi, et même mieux que moi puisque vous êtes président de conseil général, que, souvent, dans leurs délibérations – en vue, par exemple, de subventionner une opération –, les conseils généraux précisent qu’ils interviennent « au nom de l’intérêt départemental », et cela afin d’éviter que la tutelle ne sourcille trop…
La loi « Rocard » n’a fait que généraliser ce type d’interventions et leur donner un fondement juridique un peu plus sûr, mais c’est bien « au nom de l’intérêt départemental » qu’elles sont généralement menées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je suis en total accord avec l’amendement n° 109 rectifié. Le principe de la compétence générale me paraît relever du bon sens et je ne serais pas intervenu si M. le ministre n’avait pas déclaré que je votais automatiquement chaque fois que je voyais le nom « Rocard ».
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai beaucoup d’amitié pour Michel Rocard, j’ai été très solidaire de son action et j’en suis fier, mais, si quelque chose le caractérise, c’est bien de n’avoir jamais exigé qu’on lui fût inféodé : une de ses grandes qualités a toujours été de respecter pleinement la liberté de ses interlocuteurs, et je vous remercie, monsieur Mercier, de m’avoir donné l’occasion de le souligner.
M. Jean Desessard. Êtes-vous bien intervenu comme vous l’entendiez, monsieur Sueur ?... (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
....................................................................................................
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n 133 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l’adoption | 144 |
Contre | 179 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 112, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le mode de représentation proportionnelle garantit le pluralisme et la parité dans les assemblées élues.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Les membres de mon groupe sont attachés au mode de scrutin proportionnel, qui assure la représentativité du peuple dans nos assemblées démocratiques, et qui est en outre le seul à permettre l’application du principe de parité, consacré par la Constitution.
Ce mode d’élection permet de reconnaître le peuple dans sa diversité, accordant aux sensibilités politiques la place qui leur est due en fonction de leur poids électoral respectif. Cette représentation permet également d’éviter la réduction du débat politique que le bipartisme induit par le scrutin majoritaire, limitant alors le champ de l’expression et de l’opposition politique à un combat binaire pour la conquête du pouvoir.
Le juriste et homme politique britannique James Bryce affirmait que, si les institutions sont au corps politique ce que le squelette est à l’organisme humain, les partis politiques en constituent les muscles et les nerfs !
Ce sont bien les partis politiques, dans leur diversité, qui assurent le bon fonctionnement de la démocratie, qui la font vivre. Il est donc de notre responsabilité de favoriser l’émergence de modes de scrutin qui reflètent le plus fidèlement possible le vote populaire. Il est de notre devoir d’assurer un mode de scrutin qui, pour reprendre l’expression de James Bryce, ne « décharne » pas notre squelette institutionnel, ou du moins ce qu’il en restera après le dépeçage en règle qu’entame la majorité !
Le scrutin proportionnel assure l’égalité des voix, c’est-à-dire l’égalité des citoyens devant les choix politiques, et il est en cela essentiel. Mais il est également le seul à permettre l’application de la parité entre les hommes et les femmes, consacrée de manière constitutionnelle depuis 1999.
Le scrutin majoritaire a le défaut de n’imposer qu’une alternance entre un candidat et un remplaçant de sexes différents ; or, dans la plupart des cas, le candidat est un homme et le remplaçant une femme. Ce mode de scrutin n’assure donc, malheureusement, qu’un semblant d’égalité entre les sexes. Ainsi, aujourd’hui, seuls les conseillers régionaux et les conseillers municipaux des villes comptant plus de 3 500 habitants sont issus d’une application stricte de la parité, grâce au scrutin de liste.
Alors même que la réforme des collectivités territoriales proposée à notre assemblée prévoit la refonte du conseil régional au profit d’un conseil territorial commun avec les départements, et que les communes se voient privées de leurs compétences, le risque est grand d’assister à un recul de la féminisation des assemblées locales et à la perte d’influence du conseil municipal, seule assemblée locale dans laquelle les femmes auraient encore une place.
Pour toutes ces raisons, qui relèvent de l’équité et du bon fonctionnement démocratique, nous souhaitons que le scrutin proportionnel soit garanti dans les institutions représentatives de nos collectivités territoriales.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement, comme plusieurs autres déposés aux articles 1er à 3, porte sur des dispositions du droit électoral qui relèvent en réalité du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, déposé en même temps que le présent texte, mais qui concerne spécifiquement les questions électorales et sera débattu au Parlement au mois de mai ou juin.
Les préoccupations qui s’expriment à travers ces amendements sont tout à fait importantes, qu’il s’agisse de la parité ou de la juste représentation des populations des territoires, par exemple, et je n’en conteste pas la légitimité. Il conviendra cependant d’en discuter lors de l’examen du texte qui leur est spécialement dédié.
C’est la raison pour laquelle, sans statuer au fond, la commission des lois a souhaité le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable sur l’ensemble des amendements qui portent sur des dispositions du code électoral.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Je partage l’avis du rapporteur. Bien entendu, nous débattrons en temps voulu des qualités de la représentation proportionnelle, car elle n’en est pas dépourvue : tout dépend en fait de la dose de proportionnelle introduite dans un scrutin mixte. Mais il n’est guère opportun d’en discuter à l’occasion de l’examen de ce texte ; nous en reparlerons lors de la discussion de la future loi électorale.
Je demande donc à ses auteurs de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je prends acte des propos du rapporteur et du ministre, qui ne me surprennent pas : comme d’habitude, il est toujours urgent d’attendre !
En refusant d’inscrire le principe de la représentation proportionnelle dans nos institutions, le Gouvernement tente de limiter toute forme d’opposition politique. Là encore, vous choisissez d’imposer des modes de représentation injustes, qui déforment la réalité politique et sociale de notre pays. Vous choisissez, en quelque sorte, d’étouffer la diversité politique française, de nier le principe d’équité et de décrédibiliser l’application de la parité. J’estime que, ce faisant, vous portez de graves atteintes à la démocratie.
Je vous rappelle qu’en matière d’élections les réalités sociales l’emportent sur les modes de scrutin, et l’histoire a très rarement donné raison aux majorités qui, jouant aux apprentis sorciers, ont pris des libertés tant avec le découpage électoral qu’avec les modes de scrutin.
Nous continuerons, pour notre part, à dénoncer cette réforme foncièrement antidémocratique et porteuse de mépris à l’égard de nos concitoyens, qui écrase la richesse de la diversité du peuple français en restreignant son expression politique.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je soutiens l’amendement présenté par nos camarades du groupe CRC. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous sommes favorables à la représentation proportionnelle et à la parité entre les hommes et les femmes. Avec un scrutin de liste, en effet, l’égalité de représentation entre les sexes est presque assurée, avec près de 50 % de femmes élues, alors que le scrutin uninominal porte difficilement aux responsabilités 5 % à 10 % de femmes.
Pour ce qui est de la représentation de la diversité politique, les écologistes sont bien placés pour en parler. Alors qu’ils représentent seulement 0,5 % des conseillers généraux, dans les conseils régionaux, en revanche, leur représentation atteint 8 %, ce qui correspond à notre score aux dernières élections. Lors des prochaines élections régionales, nous devrions encore améliorer ce résultat du fait de notre position au sein de certaines listes, qui nous permettra de bénéficier de la prime majoritaire de 25 %. Au demeurant, même dans ce cadre, notre représentation est quelque peu sous-estimée...
Mais ne mégottons pas ! Ce score de 8 % traduit en fait une représentation politique normale, puisqu’elle est le résultat de la proportionnelle introduite dans le mode d’élection des conseillers régionaux. En revanche, le système uninominal qui s’applique lors de l’élection des conseillers généraux prive les conseils généraux de toute représentation politique écologiste.
Vous nous direz que ce n’est pas très grave et que cette représentation est inutile, puisque vous faites de l’écologie à notre place ! Vous nous permettrez cependant d’en douter, car vos options politiques en matière de croissance, entre autres, diffèrent fortement des nôtres.
C’est donc parce que nous souhaitons une représentation de la diversité politique que nous soutenons l’amendement défendu par nos collègues du groupe CRC.
M. le président. L’amendement n° 645 rectifié, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi crée le mandat de conseiller territorial. Le mode d'élection du conseiller territorial assure la représentation des territoires par un scrutin uninominal, l'expression du pluralisme politique et la représentation démographique par un scrutin proportionnel ainsi que la parité.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Nous entamons l’examen du titre Ier, intitulé « Rénovation de l’exercice de la démocratie locale », dont la mesure emblématique, chacun l’a bien compris, est la création du conseiller territorial.
L’amendement déposé et soutenu par l’ensemble du groupe Union centriste, conforme à nos vœux et à nos déclarations depuis de longues années, vise à préciser dès maintenant les principes que devra respecter le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux. Quel que soit le mode de scrutin qui sera retenu à l’issue de la réflexion et de la discussion qui se sont engagées, il ne saurait être question de déroger à ces principes.
Ces principes sont simples et, à nos yeux, fondamentaux.
Il s’agit tout d’abord de garantir la représentation de nos territoires. C’est le scrutin uninominal qui le permettra le mieux.
Il s’agit, ensuite, d’affirmer dès maintenant le caractère mixte du futur scrutin. Ainsi, nous tenons à ce que soit inscrite dans ce texte l’existence d’une part substantielle de proportionnelle. C’est à cette condition que les exigences constitutionnelles d’expression du pluralisme politique et de participation équitable des partis à la vie démocratique de la nation seront garanties. Sans la garantie expresse de cette part de proportionnelle dès aujourd’hui, le respect de ces exigences ne serait pas assuré.
Il s’agit, enfin, et c’est également fondamental, d’affirmer dès maintenant notre attachement à la parité, qui sera aussi confortée par cette part de proportionnelle.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, il ne s’agit pas de préjuger des modalités d’élection, mais d’en fixer les grands principes, sans lesquels le groupe Union centriste ne peut se prononcer sur la création du conseiller territorial.
M. le président. Le sous-amendement n° 685, présenté par MM. Collin et Mézard et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Second alinéa de l'amendement n° 645 rectifié, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le mode d'élection du conseiller territorial assure la représentation des territoires par un scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Nombreux sont ceux dans cette assemblée qui, à plusieurs reprises, ont dénoncé les inconvénients découlant du saucissonnage des textes. On nous a dit ainsi, s’agissant des modalités d’élection du futur conseiller territorial, contre la création duquel nous nous sommes élevés en déposant un amendement de suppression, qu’elles relevaient d’un autre texte que celui-ci et qu’on aborderait ce sujet plus tard. Mais cela, c’était bon pour l’opposition… (Voilà ! sur les travées du groupe socialiste.)
Nous en arrivons inéluctablement à poser, dès ce soir, la question du suffrage et des modalités de l’élection. Le groupe Union centriste le fait avec un amendement, certes intéressant, mais qui constitue, selon nous, la quintessence du compromis – ce n’est pas péjoratif, c’est une simple constatation ! –, lequel ne résout que rarement les questions fondamentales et permet même toutes les confusions.
Une question reste notamment en suspens, sauf peut-être dans la négociation du compromis : celle du nombre de tours de scrutin. Il nous a donc paru important de déposer un sous-amendement sur ce point, au moment où nous abordons le sujet des modalités de l’élection.
Nous persistons dans notre opposition à la création du conseiller territorial, qui, selon nous, doit être supprimé. Mais, dans l’hypothèse où la majorité adopterait le principe de cette création, il nous semble nécessaire, pour dissiper toute confusion, de préciser que celui-ci sera élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, seul moyen de garantir la représentation de la diversité des territoires et d’assurer une proximité entre les électeurs et leurs élus.
Au-delà du clivage entre majorité et opposition sur le texte, il en existe un autre portant sur le système électoral, et en particulier sur la question du scrutin proportionnel.
Nous sommes opposés à ce mode de scrutin. Nous considérons qu’il induirait une diminution du nombre de cantons, une dilution du lien entre les élus et leurs électeurs.
M. Jean Bizet. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. Or, selon nous, il ne saurait y avoir d’élus sans territoire.
L’amendement n° 645 rectifié laisse la possibilité de n’instituer qu’un seul tour de scrutin, ce qui est totalement contraire à la tradition républicaine du scrutin uninominal, qui est à deux tours. Bien évidemment, tout le monde connaît les avantages du scrutin à deux tours : élimination au premier tour et choix au second.
L’expression du lien entre un homme, une femme et le territoire est fondamentale.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jacques Mézard. Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, mes chers collègues, de voter le sous-amendement n° 685.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 645 rectifié tend à inscrire dans la loi non pas les modalités de l’élection des futurs conseillers territoriaux, mais les grands principes sur lesquels cette élection doit être fondée, afin d’apporter les garanties nécessaires en termes de représentation territoriale, démographique, d’expression pluraliste politique et de parité.
Sans trancher le débat futur, ses auteurs rappellent les orientations qui devront être suivies, sachant qu’il faudra concilier les différents objectifs énoncés.
Dans la mesure où cet amendement vise non pas à imposer une option précise, mais à fixer le cadre légitime de la réflexion, à l’instar de l’article 35 du présent projet de loi pour ce qui concerne la détermination des compétences des collectivités, la commission des lois émet un avis favorable.
Le sous-amendement n° 685 ayant été déposé après la réunion de la commission, cette dernière n’a pu l’examiner.
Pour ma part, je considère qu’il est contraire à la position de la commission sur l’amendement n° 645 rectifié ; il rompt l’équilibre que tend à assurer cet amendement entre les exigences essentielles, à savoir la juste représentation des territoires et des populations, ainsi que la parité. De plus, il tranche la question du mode de scrutin qui relève du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. À titre personnel, j’émets par conséquent un avis défavorable sur ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. L’amendement n° 645 rectifié, dans sa première phrase, prend acte de la création du conseiller territorial, ce qui est tout à fait conforme aux intentions du Gouvernement et à l’article 1er.
Il précise ensuite que le mode d’élection du conseiller territorial assure à la fois la représentation démographique, celle des territoires et la parité. Il invoque à ce titre le mixage de deux modes de scrutin : majoritaire et proportionnel. Je ne peux y être défavorable, en raison du mode de scrutin prévu dans le projet de loi que le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat pour l’élection du conseiller territorial.
Le sous-amendement n° 685 vise à exclure le scrutin proportionnel et à prévoir un scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection du conseiller territorial. Il précise surtout que le « conseiller territorial assure la représentation des territoires ». Je ne peux pas émettre un avis favorable, car le conseiller territorial assure la représentation des citoyens avant celle des territoires.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 685.
M. Philippe Adnot. Je suis défavorable à la création du conseiller territorial. De fait, l’amendement n° 645 rectifié comme le sous-amendement n° 685 entérinent cette création. Par conséquent, je ne peux qu’y être opposé.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme vient de le préciser M. Adnot, ce sous-amendement entérine la création du conseiller territorial. L’amendement n° 645 rectifié, quant à lui, vise le scrutin uninominal – à combien de tours ? –, l’expression du pluralisme politique et la représentation démographique par un scrutin proportionnel, ainsi que la parité. En quelque sorte, il va dans le sens du Gouvernement. Nous le savons, puisque nous connaissons le projet gouvernemental, même si nous n’en discutons pas. Les membres du groupe CRC-SPG sont opposés à ces textes.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je demande à comprendre ! Lorsque notre collègue Collombat, hier soir, a présenté un amendement pour fixer un cadre et des principes généraux dans la loi, il lui a été répondu que son texte était sans objet. En l’espèce, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous nous expliquez qu’il existe une nuance entre les principes et les modalités du mode d’élection.
M. Adnot a fort justement indiqué que nous ne devions pas nous prononcer sur le mode d’élection du conseiller territorial, alors que ce dernier n’est pas encore créé.
Depuis des semaines, chaque fois que tel ou tel évoque le mode d’élection du conseiller territorial, on nous rétorque qu’il n’est pas temps de traiter ce sujet, car une loi spécifique en fixera les modalités. Quel accord a donc été conclu pour que cet amendement n° 645 rectifié soit aujourd'hui présenté et reçoive l’avis favorable du Gouvernement ? Où se situe la limite entre les principes et les modalités des élections ?
Nous sommes non plus dans une discussion parlementaire, mais dans un labyrinthe, dans du pudding !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, on se moque de nous !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout le monde a pu le constater. Que ce soit au mois de décembre ou depuis le début du présent débat, chaque fois que, dans la discussion générale ou dans la discussion des articles, nous posons une question sur le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux, on nous rétorque : « c’est hors sujet », « ce n’est pas l’heure ».
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nier que le gouvernement auquel vous appartenez a constamment dit cela.
Or, tout à coup, on change de position : nous devons examiner l’amendement présenté par M. About, ainsi que le sous-amendement soutenu par M. Mézard qui viseraient non pas les modalités de l’élection, mais les principes des modalités ou les modalités des principes. Enfin, qu’est-ce que cela veut dire ?
En fait, c’est très simple : les centristes ont formulé une demande et, en contrepartie d’une réponse favorable, ils « avaleront » la création du conseiller territorial. Au demeurant, monsieur About, votre requête est vaine : vous n’obtenez rien !
M. Nicolas About. Ah bon !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment !
M. Jean-Pierre Sueur. Le fait qu’il y ait une part de scrutin majoritaire et une part de scrutin proportionnel figure déjà dans le texte.
M. Nicolas About. Ce texte est-il voté ?
M. Jean-Pierre Sueur. Certes non, mon cher collègue. Mais votre demande ne sert à rien. Aucune garantie n’est apportée quant au scrutin à deux tours.
M. Nicolas About. Alors, où est le problème ?
M. Jean-Pierre Sueur. Pour notre part, étant opposés au conseiller territorial, nous ne voterons aucun amendement ou sous-amendement qui entérine sa création, pour les raisons que nous avons longuement expliquées.
Par ailleurs, de deux choses l’une, monsieur le ministre : soit on entre dans le débat électoral et l’on détermine, dans le cas où le conseiller territorial serait créé, les conditions de son élection, le nombre de sièges à pourvoir dans chaque département et dans chaque région, le mode de scrutin – proportionnel ou non –, le nombre de tours et on attend les propositions du Gouvernement ; soit on n’en parle pas du tout. Mais, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas tenir deux discours en même temps.
Ne nous menez pas en bateau en disant le contraire de ce que vous avez toujours soutenu. Il y va de la dignité du débat parlementaire.
Mmes Éliane Assassi et Josiane Mathon-Poinat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Pouvez-vous m’expliquer, monsieur le président, pourquoi est présenté un sous-amendement qui « cannibalise » l’amendement auquel il se rattache ?
Imaginons que les Verts déposent d’excellents amendements auxquels s’oppose la majorité.
M. Nicolas About. Imaginons !
M. Jean Desessard. Elle déposera alors systématiquement un sous-amendement qui cannibalisera l’amendement.
M. Nicolas About. Nous ne ferions jamais cela !
M. Jean Desessard. Le dépôt d’amendements permet l’expression des parlementaires, mais si sont déposés des sous-amendements qui, au lieu d’apporter une modification à l’amendement, vont dans le sens contraire, le système est biaisé.
J’en viens au fond. Sous le gouvernement Jospin, en qualité de responsable des élections au sein des Verts, j’avais organisé un colloque sur la proportionnelle rassemblant des communistes, des socialistes, des écologistes, des centristes et des radicaux de gauche. Se sont alors exprimés pour la proportionnelle « à l’allemande », intégrale, soutenue par les écologistes, les communistes et les centristes. Les socialistes étaient partagés. Je n’avais pas compris la position des radicaux de gauche, qui étaient favorables à une proportionnelle « à l’irlandaise ». Cinq ans après, grâce à vous, monsieur Mézard, qui venez de vous déclarer opposé à la proportionnelle, j’ai compris ! (Sourires.) Je vous en remercie. Mais je me demande bien les raisons d’une telle position.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils n’ont pas d’élus !
M. Jean Desessard. Quoi qu’il en soit, je voterai contre le sous-amendement n° 685, visant à instaurer le scrutin uninominal.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais éclairer nos collègues qui se demandent pourquoi l’amendement que j’ai défendu et celui qu’a soutenu M. About n’ont pas connu le même sort : mes chers collègues, dans un cas, il s’agit d’un amendement socialiste, dans l’autre, d’un amendement centriste !
J’hésite entre deux expressions pour qualifier l'amendement n° 645 rectifié : c’est soit « fausse barbe », soit « bon jean », pour reprendre le nom du remède qu’utilisait ma grand-mère pour soigner les aigreurs d’estomac de ses petits enfants et les aider à digérer…
En effet, le seul objet de cet amendement, c’est d’aider les centristes à digérer le projet de loi qui leur est présenté. Nous n’avons aucune raison de nous prêter à cette mascarade.
M. Nicolas About. Dites-le, que vous êtes opposés à la proportionnelle !
M. Pierre-Yves Collombat. Chers collègues de la majorité, je ne voudrais pas employer de grands mots, mais, honnêtement, cette manipulation n’est pas très reluisante.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souhaite m’exprimer de nouveau, mais cette fois sur l’amendement n° 645 rectifié, car celui-ci a reçu une appréciation très différente du sous-amendement qui tend à le modifier !
Sur le sous-amendement n° 685, la commission a émis un avis défavorable. Nous pouvons discuter ce choix, mais reconnaissons que la commission est logique avec elle-même, ainsi d'ailleurs qu’avec la position du Gouvernement, qui refuse, semble-t-il, de débattre du mode de scrutin à l'occasion de l’examen de ce texte, au motif que cette question sera évoquée plus tard.
En revanche, en ce qui concerne l’amendement n° 645 rectifié, j’ai entendu que la commission avait émis un avis favorable ! Mes chers collègues – passez-moi l’expression –, les bras m’en tombent !
Peut-être ai-je eu une absence lors des réunions de la commission des lois,…
M. Nicolas About. C’est pardonnable ! (Sourires sur les travées de l’Union centriste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … dont il n’est pas facile de suivre intégralement les débats lorsque l’on appartient à un groupe aussi peu important en nombre que le mien.
M. Jean Desessard. C’est encore plus difficile pour nous ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En tout cas, je constate qu’il est désormais possible de discuter du mode de scrutin au cours de l’examen de ce texte, dès lors que c’est M. About qui dépose un amendement.
Donc acte ! M. About, président du groupe Union centriste, a le droit, lui, d’évoquer le mode de scrutin, ce qui est refusé aux autres. C’est entendu !
M. Nicolas About. Je n’ai pas évoqué le mode de scrutin, mais seulement des principes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Finalement, que fait M. About ?
Certes, les dispositions de son amendement traduisent les inquiétudes qui s’expriment chez les élus, y compris centristes, quant à la création et à l’élection des conseillers territoriaux.
M. Nicolas About. Bingo ! Vous avez tout compris !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Néanmoins, de façon tout à fait remarquable, il tend à entériner le mode de scrutin que nous proposera plus tard le Gouvernement ; nous le savons, puisque nous disposons déjà de ce projet ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de l’Union centriste.)
M. Nicolas About. Pas du tout ! Vous avez encore eu un moment d’absence…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il suffit pour s’en convaincre de lire le texte de cet amendement : « La présente loi crée le mandat de conseiller territorial. Dont acte, mes chers collègues ! Le mode d’élection du conseiller territorial assure, au niveau départemental, la représentation des territoires par un scrutin uninominal, l’expression du pluralisme politique et la représentation démographique par un scrutin proportionnel ainsi que la parité par la combinaison de ces deux modes de scrutin. » (Protestations sur les travées de l’Union centriste.)
M. Nicolas About. C’est faux ! Ce n’est pas ce qui est écrit !
Mme Éliane Assassi. Comment cela ? Ne nous prenez pas pour des idiots !
M. Pierre Fauchon. Vous ne lisez pas l’amendement rectifié !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que nous proposez-vous ? Un scrutin uninominal à un tour avec 20 % des sièges attribués à la proportionnelle. Monsieur About, vous êtes tout à fait en phase avec le Gouvernement ! Vous cautionnez le système électoral du projet de loi n° 61, et la commission des lois accepte que l’on détermine le mode de scrutin dans le présent texte. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur Desessard, merci pour la proportionnelle « à l’irlandaise » ; mais, à l’évidence, nous ne sommes pas ici à la pêche au saumon, mais plutôt à la pêche aux voix !
Quel est l’objet du sous-amendement n° 685 ? Que la situation soit claire et qu’on appelle un chat un chat ! Parlons-nous du système électoral, oui ou non ?
En effet, l’amendement n° 645 rectifié est entouré d’une hypocrisie manifeste. Nous avons tous compris quel était le but de la manœuvre, qui est tout à fait autorisée, d'ailleurs, car chacun fait ce qu’il veut et vote comme il l’entend. Toutefois, on ne peut pas à la fois nous demander de ne pas parler du mode de scrutin et faire passer de cette façon, avec l’accord de la commission, un amendement qui, très clairement, pose la question du mode électoral !
Pour notre part, nous avons voulu faire toute la lumière sur la situation et, je le répète, appeler un chat un chat. En effet, soit nous débattons des élections, soit nous n’en parlons pas.
Pour ce qui est du fond et du choix du mode de scrutin, je répéterai que nous avons voulu, à travers ce sous-amendement, dénoncer vigoureusement le système électoral qui est proposé.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 685.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que le Gouvernement et le rapporteur à titre personnel sont défavorables à ce sous-amendement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Plus personne ne demande à voter ?...
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 134 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 17 |
Contre | 316 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 645 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous nous sommes opposés au sous-amendement n° 685, parce que nous considérons que le scrutin régional, tel qu’il existe aujourd'hui, présente de nombreux avantages : il permet à la fois de prendre en compte le pluralisme politique, de mettre en place des exécutifs stables, grâce auxquels il est possible de gouverner,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et de respecter la parité !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait, ma chère collègue.
Nous sommes hostiles à l’idée de « cantonaliser » les régions, car ce serait contraire à l’idée que nous nous faisons de cette collectivité. C'est pourquoi, monsieur Mézard, nous étions profondément opposés au sous-amendement que vous avez présenté.
Pour ce qui est de l’amendement n° 645 rectifié, je redis notre colère, et je reprends entièrement à mon compte les propos de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Monsieur le ministre, vous n’avez cessé d’affirmer qu’il n’était pas question de débattre des modalités électorales, ce que nous avons regretté, car nous aurions voulu que vous fassiez toute la lumière sur ce sujet, en toute transparence. Et puis, tout à coup, vous changez d’avis, parce qu’un amendement a été déposé par M. About. Il est clair d'ailleurs que ce texte, comme d’autres l’ont souligné avant moi, n’apportera aucune garantie par rapport au texte qu’a voulu le Président de la République !
Nos collègues centristes n’auront obtenu qu’un plat de lentilles, qui d’ailleurs ne contient pas beaucoup de lentilles...
M. Nicolas About. Attendez ! Nous n’avons pas encore négocié les lentilles !
M. Pierre Fauchon. Et il y a du fer et de l’énergie dans les lentilles ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur About, vous n’avez rien obtenu qui n’existe déjà.
M. Nicolas About. Mais il n’existe rien aujourd'hui !
M. Jean-Pierre Sueur. Si vous avalez à ce prix le conseiller territorial, cette transaction ne sera vraiment pas très satisfaisante, c’est le moins que l’on puisse dire !
Nous nous opposions au sous-amendement n° 685 parce que nous refusons le conseiller territorial. Nous voulons des régions fortes et des départements qui soient des collectivités de proximité !
De même, nous sommes hostiles à l’amendement n° 645 rectifié, parce que, d'une part, il témoigne d’un revirement tout à fait inacceptable – j’y insiste – par rapport aux propos qui nous étaient tenus auparavant et que, d'autre part, il présuppose l’existence de ce fameux conseiller territorial que, en ce qui nous concerne, nous n’avalerons pas aussi facilement !
Monsieur le ministre, voilà notre position. Elle est claire et nette.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Le mode de scrutin des élections régionales est plutôt bon, il faut le souligner. Personne ne s’est plaint que les régions étaient ingouvernables. Je n’ai jamais entendu un mot sur ce thème !
M. Jean-Pierre Sueur. Sauf dans le passé !
M. Jean Desessard. Certes, mon cher collègue, quand s’appliquait l’ancien mode de scrutin, mais l’actuel est bon. Pour assurer une majorité stable, il accorde une prime de 25 % des sièges à la liste arrivée en tête ; ce système est positif, et même préférable à celui qui est en vigueur aux municipales, où la prime majoritaire est de 50 % des sièges, ce qui est beaucoup.
M. Nicolas About. Vous voulez instaurer le système allemand ?
M. Jean Desessard. Nous reviendrons sur le système allemand, monsieur About.
En outre, ce mode de scrutin prend en compte la notion de territoire, à travers l’existence de sections départementales. En fait, il n’a qu’un inconvénient pour la droite, c’est qu’elle est minoritaire dans vingt régions sur vingt-deux ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Provisoirement !
M. Jean Desessard. Je comprends que cette situation l’énerve quelque peu et qu’elle veuille changer ce mode de scrutin qui, pour le reste, n’a été critiqué par personne et dont on ne dit que du bien !
Examinons à présent l’amendement de M. About. Nous pourrions considérer que cette disposition est intéressante, parce qu’elle nous rapprochera du mode de votation allemand, c'est-à-dire celui qui allie le scrutin uninominal à la proportionnelle. Toutefois, derrière cette proposition, il y a l’idée de M. le ministre, qui entend réserver à la proportionnelle, au mieux, 20 % des sièges !
M. Pierre Fauchon. Rien n’est voté !
M. Nicolas About. Les modalités seront discutées plus tard !
M. Jean Desessard. M. About a évoqué lui-même une « part substantielle de proportionnelle » lorsqu’il a présenté cet amendement. Néanmoins, dans le texte de ce dernier, le terme « substantiel » n’apparaît pas ! Autrement dit, il s’agit d’un chèque en blanc !
M. Nicolas About. Pas du tout !
M. Jean Desessard. J’en veux bien un aussi ! Si le Gouvernement ne respecte pas ses engagements, je veux bien encaisser le mien également. (Sourires.)
M. Pierre Fauchon. C’est une condition sine qua non !
M. Nicolas About. N’ayez pas peur !
M. Jean Desessard. Prenons le cas d’une assemblée de deux cents conseillers. Si l’on applique le système proposé par le Gouvernement, à savoir 20 % des sièges obtenus à la proportionnelle, quarante conseillers territoriaux seront élus grâce à ce mode de scrutin. Et comme il s’agit d’un système compensatoire, ces sièges seront réservés aux formations politiques qui n’en ont obtenu aucun avec le scrutin majoritaire.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Jusque-là, je suis d’accord !
M. Jean Desessard. Dans ces conditions, le système est pertinent. Les formations politiques qui ont déjà des élus grâce au scrutin uninominal ne profitent pas du système compensatoire ; ce sont les petites formations qui se partagent les quarante sièges restants et elles peuvent même espérer obtenir une dizaine de sièges. Certes, en proportion, c’est peu, mais cela reste intéressant.
Or le système que propose le ministre de l’intérieur n’est en rien compensatoire ! Selon lui, l’UMP, qui a déjà obtenu le plus grand nombre des sièges, doit aussi détenir une grande partie des quarante sièges qui restent à répartir. C’est aussi valable pour le parti socialiste. Ainsi, les petites listes qui n’auront obtenu que 8 % des voix – je ne sais pas d’où je tiens ce chiffre… – devront se contenter de 8 % des quarante sièges restants, c'est-à-dire seulement trois sièges ! Ce n’est pas cela, la proportionnelle !
M. Nicolas About. Non ! On ne vous abandonnera pas ! Faites-moi confiance !
M. Jean Desessard. C’est ce qui va se passer, monsieur About ! Je le répète, vous faites un chèque en blanc !
Dans le système prévu par le Gouvernement pour la répartition de ces 20 % de sièges, une formation qui atteint 8 % à la proportionnelle et rien au scrutin uninominal n’obtiendra que 8 % des quarante sièges attribués à la proportionnelle !
M. Nicolas About. Non ! Nous tiendrons les modalités !
M. Jean Desessard. Le courant majoritaire de l’UMP est contre la proportionnelle. Vous n’avez donc aucune garantie concernant les modalités en votant un texte aussi flou !
M. Pierre Fauchon. C’est une première étape !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je souhaite répondre aux arguments avancés par un certain nombre de nos collègues de l’opposition.
Tout d’abord, cet amendement est non pas celui de Nicolas About, mais celui du groupe de l’Union centriste unanime.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On l’a bien compris !
M. Hervé Maurey. Ensuite, cet amendement ne vise pas à fixer des règles relatives au mode de scrutin.
M. Hervé Maurey. Il tend à poser des principes. C’est tout à fait différent !
Enfin – je l’affirme avec beaucoup de solennité et de force, et vous savez aussi bien que moi que mes propos figureront au Journal officiel de la République française –, les principes contenus dans cet amendement, dans mon esprit en tout cas, excluent le mode de scrutin proposé jusqu’à présent par le Gouvernement.
J’ai insisté sur ce point dans la discussion générale : le mode de scrutin envisagé par le Gouvernement n’est pas mixte. Il s’agit d’un mode de scrutin-alibi, d’un leurre – peu importe comment on le qualifie – ...
M. Jean Desessard. Nous sommes d’accord !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes naïf !
M. Hervé Maurey. ... qui vise à broyer le pluralisme. C’est précisément ce dont nous ne voulons pas.
De ce point de vue, je partage votre position, monsieur Desessard. Si le scrutin à la proportionnelle ne concerne que 20 % des sièges dans une assemblée qui compte quinze ou vingt-cinq membres, seuls trois ou quatre conseillers territoriaux seront élus grâce à ce mode de scrutin. En outre, s’il ne vise pas à corriger les effets du scrutin uninominal mais est lui aussi au service des grands partis, il ne remplit pas les fonctions que nous souhaitons lui voir assigner.
Je l’ai déjà indiqué au cours de la discussion générale, mais je le répète aujourd'hui : le groupe de l’Union centriste juge impérative l’instauration d’un scrutin véritablement mixte et équilibré. Celui-ci se caractérise par une part de scrutin majoritaire, seul moyen d’assurer une représentation des territoires – nous y tenons beaucoup, et c’est ce qui nous distingue du groupe CRC-SPG –, et par une part substantielle de proportionnelle, qui corrige les effets du scrutin uninominal en assurant le pluralisme politique, une juste représentation démographique et la parité. Tel est le sens de notre démarche.
Certes, j’en conviens, ces principes, une fois posés, ne seront pas faciles à mettre en œuvre, notamment à l’échelle d’une petite assemblée. C'est la raison pour laquelle il faudra sans doute envisager des assemblées départementales un peu plus importantes.
De ce point de vue, il est heureux que nous disposions d’un peu de temps avant l’examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Nous aurons en effet besoin de mener une réflexion approfondie pour trouver un mode de scrutin qui réponde aux principes que nous entendons poser aujourd’hui et qui exclue totalement le système proposé par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Maurey, ou vous êtes un grand naïf ou vous essayez de nous le faire croire, mais – M. le ministre ne me démentira pas, je pense – le mode de scrutin envisagé par le Gouvernement, dont je ne sais s’il sera finalement retenu, est parfaitement compatible avec les principes que tend à fixer cet amendement déposé par l’ensemble des membres de l’Union centriste.
M. Hervé Maurey. C’est pour cela que j’ai tenu à apporter des précisions !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De ce point de vue, vous vous trompez lourdement. Il n’est qu’à lire l’exposé des motifs du projet de loi : 20 % de proportionnelle sont réservés aux formations qui n’auraient pas d’élus au premier tour.
M. Nicolas About. Nous n’avons pas parlé de 20 % !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous verrez ce qu’il adviendra par la suite et comme vous en serez satisfaits !
Je voudrais insister sur un point qui me semble éminemment critiquable. Quand, nous, nous proposons d’inscrire le principe de la proportionnelle, on ne nous répond pas qu’on est contre, on nous oppose que ce n’est pas possible, car le choix du mode de scrutin sera examiné plus tard. Or quand, vous, vous voulez inscrire le principe d’un scrutin uninominal, qui permet en même temps la parité et la proportionnelle, on vous donne satisfaction, considérant que ce principe peut être inscrit dans la loi. C’est totalement inadmissible !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est évident ! On nage en pleine contradiction !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Force est de reconnaître que cette attitude qui se répète depuis qu’a commencé, à la fin de l’année dernière, la discussion des textes relatifs à la réforme des collectivités territoriales est tout à fait scandaleuse. Systématiquement, on nous renvoie à la norme et à des textes à venir pour nous opposer que ce n’est pas le moment. Là, c’est le moment !
J’ai écouté attentivement M. Maurey et je mesure la portée des grands principes que cherche à poser cet amendement. Pour autant, je vous invite à vous remémorer la phrase que l’on prête à Clemenceau sur ce sujet : « Appuyons-nous sur les principes, ils finiront bien par céder. » Selon moi, l’UMP va beaucoup s’appuyer sur les principes et vous allez céder. (Sourires.)
Sur cette question, vous n’avez pas la moindre garantie. Certes, vous pouvez inscrire le mode de scrutin qui a été envisagé. À partir du moment où est prévue une petite dose de proportionnelle,…
M. Pierre Fauchon. Pourquoi petite ?
M. Jean-Claude Peyronnet. ... le principe du pluralisme politique est assuré.
M. Pierre Fauchon. Justement, on verra !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je suis prêt à prendre le pari, monsieur Fauchon, que vous serez finalement floués. Si vous gagnez, je vous offrirai un bon repas dans le restaurant de votre choix. (Sourires.) Le scrutin proportionnel introduira forcément une petite dose de parité.
Ce débat est un modèle d’hypocrisie de la part du parti dominant de la majorité et un modèle de naïveté de la part du groupe de l’Union centriste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Fausse naïveté !
M. Pierre Fauchon. Ne confondez pas naïveté et espérance !
M. Jean-Claude Peyronnet. Au bout du compte, c’est un marchandage un peu honteux qui vient de se dérouler sous nos yeux.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Quand la gauche parle du principe d’un scrutin à deux tours, il s’agit de modalités. Quand le groupe de l’Union centriste évoque le scrutin uninominal, c’est un principe. Nous le découvrons ce soir.
Nous voterons contre cet amendement pour une question de principe. À cet instant, aucune logique, aucune cohérence ne justifient que nous adoptions un amendement sur le cadrage du mode d’élection du conseiller territorial, alors que l'article 1er de ce projet de loi n’est toujours pas voté et que la fonction de conseiller territorial n’existe pas encore.
Procéder ainsi, c’est faire la politique que nos concitoyens n’aiment pas : c’est ce que l’on appelle de la manœuvre politicienne !
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, pour explication de vote.
M. Michel Boutant. La situation est en réalité très simple. Voilà quelques semaines, le président du Sénat a déclaré que, sur cette réforme et la création de la fonction de conseiller territorial, il n’existait pas de majorité à la Haute Assemblée. Cet après-midi, nous avons assisté à une séance de charcutage. Ce soir, nous assistons à une séance de marchandage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D’enfumage !
M. Michel Boutant. Pour disposer de la majorité indispensable à l’adoption de ce projet de loi de réforme des collectivités territoriales, qui suscite de vives réticences de la part d’un certain nombre d’élus de la majorité, le Gouvernement doit céder sur certains sujets : là, il s’agit de principes, de modalités. C’est le prix du ralliement et du reniement.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour explication de vote.
M. Claude Biwer. Au cours de notre réflexion sur ce sujet, nous avons évoqué la création des conseillers territoriaux. Faut-il conserver le système que nous connaissons ou instaurer une nouvelle organisation ?
Si nous approuvons le principe des conseillers territoriaux, c’est parce que ces derniers auront vocation à représenter les territoires, notamment les territoires ruraux, ce qui ne sera possible qu’avec un scrutin uninominal.
En revanche, dans toutes nos discussions, que ce soit en séance publique ou en commission, on insiste sur le fait que la population devrait être plus largement représentée. Si l’on s’achemine vers cette voie, cela signifie que les territoires à faible densité de population seront beaucoup mieux représentés que les autres. Nous ne partageons pas ce point de vue.
Certes, nous sommes prêts à voter la création de conseillers territoriaux et autres délégués pour les départements, étant entendu qu’il faudra sans doute plus d’élus dans certains d’entre eux, car, avec une dizaine ou une quinzaine d’élus, on fait assez peu de chose.
Cette réflexion très sereine au sein de notre groupe nous a incités à accepter la création des conseillers territoriaux, à condition que la représentation des territoires soit assurée. C’est pourquoi nous avons fixé les principes fondamentaux du scrutin.
Nous essayons de répondre à deux questions à la fois. C’est la différence entre vos propositions, madame Borvo Cohen-Seat, et les nôtres.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 645 rectifié, présenté par M. About, tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'Union centriste.
Je vous rappelle que l’avis de la commission et du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………...
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 135 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 181 |
Contre | 157 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 1er.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, ne pourrions-nous pas poursuivre nos travaux jusqu’à vingt et une heures trente ?
M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Nous allons donc poursuivre nos travaux, mais après une brève suspension de séance.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 357 rectifié bis, présenté par MM. Sueur, Bel, Peyronnet et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau et Daunis, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article L. 193 du code électoral est ainsi rédigé
« Les conseillers départementaux sont élus au suffrage universel direct dans une circonscription qui respecte le périmètre des communautés urbaines, d'agglomération et d'une ou plusieurs communautés de communes. »
II. Une loi fixe le nombre d'élus représentant les habitants de chaque communauté au sein du conseil départemental en prenant en compte le respect des équilibres démographiques et de la représentation des territoires.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, j’imagine que vous allez en revenir à votre jurisprudence et considérer que cet amendement vise des modalités électorales, que celles-ci sont naturellement hors sujet et que l’on en débattra ultérieurement.
M. Jean-Pierre Sueur. De toute façon, cet amendement ne s’inscrit pas du tout dans votre logique, puisque nous ne voulons pas, nous, de conseillers territoriaux. Nous sommes pour des élus de la région et des élus du département.
Notre proposition concerne ces derniers. Sans préjuger d’ailleurs du mode de scrutin, les conseillers départementaux sont élus dans une circonscription dont le périmètre est aujourd’hui appelé canton. Or, considérant qu’il y a une réalité montante dans ce pays, qui est celle des communautés, …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Évolutive aussi !
M. Jean-Pierre Sueur. … à tel point que chacun est d’accord pour la généraliser à l’ensemble du territoire, il ne nous paraît pas souhaitable de laisser s’instaurer des dysharmonies touchant aux périmètres.
Afin de les éviter, nous proposons que, pour l’élection des futurs conseillers départementaux, et non pas des conseillers territoriaux, le Gouvernement puisse procéder le cas échéant à des modifications de périmètre ou, dans le cas de l’établissement de nouveaux périmètres, qu’il prenne en compte ceux des communautés de communes, des communautés d’agglomération et des communautés urbaines.
Je m’explique : aujourd'hui, un même canton – je parle de canton pour être clair – peut ne compter qu’une seule communauté de communes, comme il peut en englober deux ou trois. Nous pensons qu’il serait sage de prendre en compte cette donnée dans une communauté d’agglomération ou dans une communauté urbaine, au moment où l’on établit un périmètre. Autrement dit, il faut qu’il puisse y avoir un certain nombre de périmètres à l’intérieur d’une communauté urbaine ou d’une communauté d’agglomération pour élire les conseillers départementaux.
Il s’agit d’éviter ce que l’on constate aujourd’hui, à savoir une sorte de concurrence, voire de dysharmonie, entre le fait communautaire et le fait cantonal, et de faire en sorte que l’on organise les départements en prenant en compte la réalité vivante, montante et dynamique que constitue, vous le savez bien, monsieur le ministre, l’intercommunalité.
M. le président. L'amendement n° 583 rectifié, présenté par Mmes Voynet et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Blandin et M. Muller, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 193 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L. 193. - Les conseillers généraux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.
« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.
« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.
« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »
II. - Le premier alinéa de l'article L. 192 du même code est ainsi rédigé :
« Les conseillers généraux sont élus pour six ans. »
III. - L'article L. 191 du même code est abrogé.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à rédiger ainsi l’article L. 193 du code électoral : « Les conseillers généraux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation.
« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir arrondi à l’entier supérieur. […]
« Si aucune liste n’a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour. »
Tel est le détail des élections des conseillers généraux au scrutin de liste.
Cet amendement vise à changer le mode de scrutin actuellement en vigueur pour les élections cantonales et à le calquer à l’avenir sur celui qui est aujourd’hui utilisé pour les élections régionales. L’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit d’étendre l’égalité entre les hommes et les femmes dans leur représentation au sein des conseils généraux.
Après l’obtention du droit de vote en 1944, venant corriger l’anomalie du code civil et le préambule de la Constitution de 1946 garantissant « à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme », la moitié des citoyens français, en l’occurrence les citoyennes, auront dû attendre 1999 et la révision constitutionnelle pour enfin constater la reconnaissance de leurs droits. Celle-ci proclamait que la loi devrait désormais favoriser « l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Et c’est la loi sur la parité en politique qui est venue apporter une concrétisation législative à ce principe, en juin 2000.
La promotion de l’égalité des droits, monsieur le ministre, ce n’est pas uniquement des mots ! Et lorsque vous nous proposez, dans un mouvement profondément passéiste, d’inverser la vapeur en créant des conseillers territoriaux élus dans le cadre d’un scrutin uninominal non soumis à des mesures paritaires contraignantes, c’est contraire à la Constitution. Vous ne pouvez d’ailleurs pas ignorer que, depuis les élections cantonales de mars 2008, seulement 12,3 % des sièges sont occupés par des femmes, quand les élections régionales de mars 2004 ont permis l’élection de 47,6 % de conseillères régionales.
La démocratie est imparfaite, monsieur le ministre, mais, plutôt qu’un retour en arrière, je propose de poursuivre la marche vers une démocratie, toujours imparfaite certes, mais plus aboutie. Tel est l’objet de cet amendement qui tend à proposer l’élection des conseillers généraux par scrutin de liste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 583 rectifié vise à calquer le mode d’élection des conseillers généraux sur celui des conseillers régionaux. En maintenant deux scrutins séparés pour l’élection des conseillers généraux et des conseillers régionaux, il est contraire à la solution du conseiller territorial.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est évident !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Donc, par définition, puisque la commission est favorable au conseiller territorial, elle ne peut qu’être défavorable à votre amendement, monsieur Desessard.
L’amendement n° 357 rectifié bis prévoit que les conseillers départementaux sont élus au suffrage universel direct dans une circonscription qui respecte le périmètre des communautés urbaines, d’agglomération et d’une ou plusieurs communes.
Pour les mêmes raisons, la commission est défavorable à cet amendement. J’attire en outre l’attention de ses auteurs sur le fait que les communautés d’agglomération peuvent être situées sur plusieurs départements, voire sur plusieurs régions. La disposition, si elle était appliquée, poserait le problème de savoir dans quel département ou quelle région siégeraient les conseillers territoriaux élus au sein de ces communautés d’agglomération.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous pourriez déposer un sous-amendement, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La disposition me paraît donc difficilement applicable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Sueur, l’idée que vous défendez au travers de l’amendement n° 357 rectifié bis, à savoir faire en sorte que le découpage « respecte le périmètre des communautés urbaines, d’agglomération et d’une ou plusieurs communautés de communes », me semble intéressante. Pour autant, rien ne dit qu’il y aura une circonscription par communauté urbaine, car il pourrait y en avoir plusieurs. Mais force est de constater qu’au sein d’une même communauté urbaine se manifestent un certain nombre de solidarités.
On ne peut donc pas rejeter cette idée d’un revers de la main. L’idée est bonne, mais il faut y travailler, et je vous propose donc d’y revenir au moment de l'examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux. Cela étant, il existe un point de divergence majeur entre nous puisque vous continuez à parler de « conseillers départementaux ». Si vous acceptiez de faire référence aux « conseillers territoriaux », je pourrais saluer l’excellence de votre amendement !
Monsieur Desessard, l’amendement n° 583 rectifié, qui porte sur le mode de scrutin pour l’élection des conseillers généraux, appelle la même remarque de ma part. Si vous consentiez à le modifier pour y faire apparaître les « conseillers territoriaux », nous pourrions l’examiner plus au fond, car, en l’état actuel, le Gouvernement ne peut l’accepter.
Je le reconnais, le mode de scrutin que vous proposez est éminemment sophistiqué et mériterait une étude approfondie. Mais dans la mesure où il s’applique à des élus que nous voulons voir transformés en conseillers territoriaux, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 357 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, il ne me paraît pas suffisant, pour récuser l’idée qui est la nôtre, d’exciper de quelques situations particulières qui peuvent tout à fait trouver une solution.
Prenons le cas d’une communauté d’agglomération située sur deux départements. Puisqu’il y aura forcément en son sein plusieurs périmètres pour l’élection départementale, il est tout à fait possible d’imaginer que, parmi les cantons qui la composent, certains appartiennent au premier département et d’autres au second.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, dès lors que l’on veut bien prendre en compte nos propositions, je le répète, les solutions existent. Je remarque d’ailleurs que, sur ce point, vous vous opposez, somme toute légèrement, à M. le ministre, lequel a bien voulu juger notre idée intéressante…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela s’arrête là !
M. Jean-Pierre Sueur. … et dire qu’elle pourrait éventuellement être reprise.
Naturellement, monsieur le ministre, je ne peux souscrire à votre proposition : dans votre esprit, nous atteindrions l’excellence dès lors que nous accepterions de faire apparaître, dans notre amendement, le conseiller territorial en lieu et place du conseiller départemental.
Notre position est à la fois logique, cohérente et extrêmement claire : nous sommes opposés à la création des conseillers territoriaux.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 357 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 583 rectifié.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je vous ai bien écouté, mais peut-être vous ai-je mal compris : êtes-vous allé jusqu’à dire que vous étiez prêt à émettre un avis positif sur mon amendement si j’acceptais de remplacer les conseillers généraux par les conseillers territoriaux ?
Mme Éliane Assassi. Cela y ressemblait !
M. Jean Desessard. Si vous confirmez vos propos, cela mérite réflexion, et je vais demander une suspension de séance pour avoir le temps de téléphoner à tous mes amis ! (Sourires.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. De grâce, non ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Ce qui se passe en ce moment est bigrement intéressant, monsieur le ministre, car vous êtes en train de nous apprendre que l’élection des prochains conseillers territoriaux aurait lieu par scrutin de liste.
M. Yves Daudigny. Ne rêvons pas ! Un amendement a été voté tout à l’heure !
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, j’attends donc avec intérêt que vous confirmiez vos dires !
Je profite de cette intervention pour vous solliciter de nouveau : nous avons été privés de dîner ce soir pour pouvoir continuer à débattre, mais j’aurais tout de même besoin d’une fourchette. (Rires.)
Ne nous leurrons pas : le Gouvernement a travaillé sur les modalités ; les centristes ont d’ailleurs d'ores et déjà négocié. (Mme Nathalie Goulet lève les bras au ciel.) Certains parlent de lentilles,…
Mme Nathalie Goulet. Même pas !
M. Jean Desessard. … quand d’autres évoquent une plus grosse récompense. J’ai donc besoin de connaître ce qui est exactement prévu.
Vous n’allez pas me faire croire que le Président de la République, qui veut régler tous les problèmes avec l’aide de M. Guéant – sur le changement climatique, il n’a pas hésité à intervenir auprès de la Chine, des États-Unis et de l’ensemble des pays du monde ! – a décidé de présenter un texte, ici, au Sénat, sans avoir envisagé un mode de scrutin !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est dans le projet de loi n° 61 !
M. Jean Desessard. Sa décision de réformer les collectivités territoriales ne date pas d’hier, et il doit tout de même avoir une petite idée en la matière.
Que vous ne nous fournissiez pas les estimations au pourcentage près, soit ! Mais indiquez-nous au moins ce qui est « dans les tuyaux », comme l’on dit. En quoi la proposition des centristes constitue-t--elle à vos yeux une avancée ? Nous sommes en droit d’attendre que vous nous donniez les éléments du débat : c’est la transparence, c’est la démocratie. Nous n’avons tout de même pas accepté de siéger jusqu’à vingt et une heures passées pour ne rien entendre !
Monsieur le ministre, je réitère donc mes deux questions : étiez-vous sérieux tout à l’heure ? Allez-vous nous donner des informations sur le mode de scrutin ?
M. le président. L'amendement n° 348, présenté par Mme M. André, MM. Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy, Povinelli et Collomb, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, pour un parti ou un groupement politique, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à ce parti ou groupement, lors du dernier renouvellement des conseillers généraux et régionaux, dépasse 2 % du nombre total de ces candidats, le montant de la première fraction qui lui est attribué en application des articles 8 et 9 est diminué d'un pourcentage supplémentaire égal à la moitié de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement vise à renforcer les sanctions applicables aux partis qui ne respectent pas la parité dans les candidatures aux élections départementales et régionales.
Les sanctions prévues jusqu’à présent concernent uniquement les élections nationales. Pour pallier les conséquences fâcheuses, pour la parité, du scrutin uninominal, nous souhaitons amener les partis politiques à prendre leurs responsabilités et, pour les y aider, si j’ose dire, nous entendons les sanctionner dès lors qu’ils ne respectent pas cette exigence.
La nécessité de mettre en place un tel système coercitif tient – faut-il le rappeler ? – à la situation particulière de notre pays. La parité a du mal à s’établir partout, mais, dans le domaine politique en particulier, la France se signale des autres démocraties occidentales par ses manquements.
Aux élections municipales, 83 % des têtes de liste étaient masculines. Aux élections cantonales, 77 % des candidats étaient des hommes. Il n’est pas du tout sûr – peut-être même est-ce l’inverse – que l’instauration d’un ticket associant deux candidats de sexe opposé ait permis de réduire les inégalités. En outre, il y a un côté macabre à tout cela : celle qui est suppléante doit attendre le décès du titulaire pour espérer prendre sa place. Ce n’est pas une position très enviable !
Mme Éliane Assassi. Ni très valorisante !
M. Jean-Claude Peyronnet. Au-delà des problèmes de représentation en termes de suffrages se pose également la question de la place des femmes dans les différentes fonctions.
Là encore, la représentativité des femmes dans la vie politique française est tout à fait dramatique. Elles participent relativement peu aux exécutifs régionaux, départementaux et cantonaux. Au Parlement, il a fallu attendre l’année 2009 pour qu’une femme accède à la présidence d’une commission.
Si la gauche a fait des efforts et a imposé un certain nombre d’avancées, il ne s’agit pas de jeter l’anathème sur les autres partis, car, dans ce domaine, notre responsabilité est collective.
Il nous faut prendre conscience de la réalité. En 2008, à l’occasion des élections sénatoriales, l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes faisait ainsi remarquer : « La progression du nombre d’élus à gauche bénéficie, toutes proportions gardées, aux femmes : parmi les nouveaux élus, on compte 13 élues sur 61 à gauche […] contre 5 sur 47 à droite ».
Nous sommes, je le répète, tous responsables de cette situation. Il est impératif d’imposer la présence des femmes sur les listes. En dehors des scrutins de liste, il revient aux partis de se discipliner pour faire respecter la parité ou, du moins, s’en approcher le plus possible. De ce point de vue, le renforcement des sanctions que nous proposons peut les amener à la sagesse. C’est dans ce sens que nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur Peyronnet, la question de la parité, soulevée par cet amendement, est extrêmement importante et requiert toute notre vigilance. Pour autant, mieux vaut en débattre à l’occasion de l'examen du texte sur le mode de scrutin, qui viendra prochainement en discussion, aux alentours du mois de mai ou de juin.
C'est la raison pour laquelle la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Tout en faisant miennes les observations de M. le rapporteur, je veux rappeler les engagements pris, ici même, mardi dernier, par le ministre de l’intérieur, M. Hortefeux. « Le Gouvernement abordera ce débat, a-t-il déclaré, en cherchant à définir avec les parlementaires le mode de scrutin répondant le mieux aux exigences qui doivent nous guider : la représentation de l’ensemble des territoires, la prise en compte des réalités démographiques, le respect du pluralisme et l’objectif de parité. »
Nous reprendrons donc cette discussion lorsque sera examiné au Parlement le texte relatif au mode de scrutin. Pour l’heure, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je m’attendais à cette réponse de M. le rapporteur, confirmée par M. le ministre. Mais, comme nous ne sommes pas des centristes, nous voudrions du concret ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
Les vagues promesses, pour le coup non normatives, de M. Hortefeux ne sauraient nous satisfaire. Nous préférons que notre amendement soit voté dès à présent, pour pouvoir fixer un cadre législatif.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Que je sache, l’adoption tout à l’heure de l’amendement n° 645 rectifié, présenté par Nicolas About, a permis d’inscrire dans la loi que la parité sera un élément déterminant du mode d’élection du conseiller territorial.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Nathalie Goulet. En tous les cas, au stade où l’on en est arrivé, de gré ou de force, il semblerait que les conditions soient posées. Nous verrons bien ce qu’il en sera dans le texte relatif à l’élection des conseillers territoriaux.
À titre personnel, je pense qu’il aurait été préférable d’examiner l'ensemble des textes en même temps. On a vu les acrobaties auxquelles il a fallu se livrer pour trouver des circonscriptions aux députés des Français de l’étranger nouvellement instaurés. On ne se laissera pas piéger deux fois.
Au stade actuel, je le répète, le vote de l’amendement n° 645 rectifié, qui vaut ce qu’il vaut, semble apporter les garanties nécessaires. Les propos tenus hier par Mme Michèle André vont d’ailleurs en ce sens.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne sommes pas très favorables aux sanctions financières. Mais les partis politiques ne respectant pas la parité – à des degrés très divers, il faut bien le dire –, il faut bien recourir aux sanctions.
Nous allons voter cet amendement, car il s’agit pour nous du respect d’un principe. Je ne comprends absolument pas pourquoi le rapporteur et le ministre veulent renvoyer à plus tard la discussion de ce sujet : lorsque les partis ne respectent pas la parité – quel que soit le mode de scrutin, ils trouvent toujours des moyens de s’y dérober –, des sanctions doivent s’appliquer.
M. Jean Desessard. C’est comme pour Copenhague, ils ont remis à plus tard !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne comprends donc pas, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous ne puissiez pas approuver cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 347 rectifié, présenté par Mme M. André, MM. Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code électoral est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du titre IV du livre Ier du code électoral est abrogé ;
2° L'intitulé du chapitre III du titre IV du livre Ier du code électoral est ainsi rédigé :
« Dispositions relatives au scrutin »
II. - Pour toutes les communes de moins de 500 habitants, les candidatures isolées sont interdites. Néanmoins, les électeurs conservent le droit de déposer dans l'urne des bulletins dont la liste est incomplète.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit d’une proposition novatrice qui consiste à étendre le mode de scrutin aujourd’hui en vigueur dans les communes de 3 500 habitants à la totalité des 36 700 communes françaises, ce qui se traduirait par l’application de la parité dans toutes les communes, sans aucune exception.
Mes chers collègues, les communes de moins de 3 500 habitants constituent 88,8 % des communes françaises. Or, dans ces communes, siègent 32 % de conseillères municipales alors que, dans les communes de plus de 3 500 habitants, cette proportion est de 48,5 %. On est presque arrivé à 50 % en raison des modalités de l’élection.
Pourquoi proposons-nous cet amendement ?
Premièrement, il permet de développer la parité, comme chacun le comprend.
Deuxièmement, même si l’on nous dit qu’il est difficile d’appliquer un tel mode de scrutin dans les petites communes, il faut bien admettre qu’il se produit quelquefois certaines surprises. C’est le cas, par exemple, lorsque des personnes qui n’étaient pas candidates se retrouvent élues, ou lorsque des maires qui ont eu la sagesse de refuser deux permis de construire en paient lourdement les conséquences. Cela est si fréquent, mes chers collègues, que l’Association des maires ruraux de France, dont nous connaissons tous les travaux et au sein de laquelle M. Collombat joue d’ailleurs un rôle éminent, souscrit à cet amendement.
Afin d’être tout à fait réalistes et pragmatiques, nous proposons que, si les candidatures isolées ne sont plus possibles dans les communes de moins de 500 habitants, les électeurs conservent le droit de déposer des bulletins dont la liste est incomplète. Ainsi, il y aurait un scrutin de liste avec possibilité de liste incomplète et, dans toutes les listes, l’obligation de la parité. La parité serait donc respectée dans les conseils municipaux.
Cette réforme ne nuirait pas au débat démocratique, même là où il ne s’organise pas selon des clivages politiques, comme c’est le cas dans un très grand nombre de communes. Elle permettrait que l’élection prenne en compte les différentes sensibilités qui s’exprimeront. Ce serait une innovation, et j’espère qu’on ne nous dira pas que c’est un sujet dont on parlera la prochaine fois, au motif que nous ne sommes pas des centristes ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nathalie Goulet. Oh !
M. Jean Desessard. Quel coup dur !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Elle a le même avis que précédemment. La question soulevée est effectivement importante ; nous devrons débattre afin de déterminer l’organisation des modes de scrutin dans les communes de moins de 3 500 habitants. Mais elle n’a pas sa place dans le texte que nous examinons.
Mme Éliane Assassi. Et voilà !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Elle sera examinée dans le cadre du projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, vers le mois de mai ou de juin 2010.
Je demande donc, au nom de la commission, le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. M. Sueur sait pertinemment que je partage la position de M. le rapporteur.
Je voudrais tout de même signaler que le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat le texte visant à organiser le système électoral des collectivités territoriales. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, le confirme.) C’est un effort de clarification de la part du Gouvernement que l’on ne salue pas suffisamment. Certes, on ne peut pas discuter de tout en même temps. Il vous a été demandé d’étudier le texte institutionnel mais, afin que les choses soient claires, le texte électoral a été déposé sur le bureau du Sénat.
Chacun connaît les positions du Gouvernement, et il est tout à fait logique que l’on respecte un certain ordre dans l’examen de textes qui ont par ailleurs été déposés simultanément. Comme nous ne savons pas parler, ni les uns ni les autres, de plusieurs choses à la fois, il faut, pour le bon déroulement de la discussion, respecter cet ordre. La réponse du rapporteur ne fait que traduire ce souci de cohérence et de logique.
S’agissant de l’amendement n° 347 rectifié, le seuil de 500 habitants retenu dans le texte du Gouvernement est le résultat d’une concertation avec l’Association des maires de France. Vous avez dit, monsieur Sueur – je le confirme, car j’étais présent à leur congrès –, que l’Association des maires ruraux de France était prête à aller plus loin.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas les maires ruraux dans leur ensemble : l’association ne représente qu’une minorité d’entre eux !
M. Michel Mercier, ministre. Dans le temps qui nous reste avant la discussion du texte électoral, il serait bon que les associations de maires se mettent d’accord afin d’adopter une position unique quant à ce seuil. Après tout, le Gouvernement peut accepter l’un ou l’autre chiffre, mais il ne pourra pas engager de concertation si la commission rurale de l’AMF défend une position différente de celle de l’Association des maires ruraux de France.
Je souhaite donc que soit mis à profit le délai qui nous sépare de la discussion du texte électoral afin de clarifier la position des associations d’élus sur ce point.
En attendant, je vous demande, monsieur Sueur, de retirer cet amendement qui pourra revenir en discussion à ce moment-là. À défaut d’un tel retrait, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote sur l’amendement n° 347 rectifié.
M. Hervé Maurey. Je suis en totale opposition avec M. Sueur puisque son amendement va au-delà de ce que propose déjà le Gouvernement. Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans la discussion générale, le fait d’étendre le mode de scrutin applicable aux communes de plus de 3 500 habitants à celles qui ont plus de 500 habitants me semblait déjà inopportun et ne correspond absolument pas au souhait des élus. Je suis très étonné d’entendre dire que les associations d’élus souhaitent l’abaissement du seuil. Cela tendrait à prouver que les associations d’élus, comme c’est parfois le cas, ne sont pas si représentatives qu’elles le disent.
Comme tout sénateur, je rencontre régulièrement des élus. Je ne suis pas le seul dans cet hémicycle à les avoir entendu dire qu’ils étaient opposés à l’application du mode de scrutin en vigueur dans les communes de plus de 3 500 habitants aux communes à partir de 500 habitants et, a fortiori, en dessous de 500 habitants. Cela entraînerait inévitablement une politisation des élections municipales et, par là même, de la vie politique locale.
La seule chose qui me paraît intéressante dans l’amendement de M. Sueur, et je crois qu’il faudra y revenir dans le texte concernant les modes électoraux, c’est le fait qu’il n’est pas souhaitable que l’on puisse être élu sans être candidat. Sur ce point, je le rejoins tout à fait. Il n’est pas normal non plus que l’on puisse être candidat sur plusieurs listes. Aujourd'hui, dans les petites communes, une clarification est nécessaire.
Même si ce n’est pas le cœur du débat de ce soir, je voulais, à partir de cet amendement, réaffirmer mon opposition à ce que propose le Gouvernement sur ce point et a fortiori à ce que propose M. Sueur, qui va encore plus loin.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, j’ai lu le troisième projet de loi que vous avez bien voulu nous faire parvenir, et il m’a semblé qu’il comportait des lacunes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous les comblerons !
M. Jean-Pierre Sueur. Si l’on s’en tient à la création des fameux conseillers territoriaux, sur laquelle nous sommes en désaccord, ce projet de loi ne précise pas combien il y aura de conseillers territoriaux dans la région Rhône-Alpes ou dans le département du Rhône. Cela ne vous a pas ému, moi si. C’est la différence qui existe entre nous.
Par ailleurs, je voudrais dire à M. Maurey que nous nous honorons de faire des propositions qui vont plus loin que celles du Gouvernement. C’est pour nous une raison de persister dans notre sentiment.
Je l’invite également à être très attentif aux modalités électorales qui s’appliquent dans les petites communes. J’en connais une, par exemple, où un nouveau venu à qui on avait demandé d’être candidat et qui avait accepté pour rendre service a recueilli le plus grand nombre de suffrages. Il est arrivé en tête pour une raison tout à fait évidente : comme personne ne le connaissait, personne n’avait de grief contre lui et personne n’avait rayé son nom, alors que le maire sortant, qui avait fait valoir certains principes républicains et refusé un certain nombre d’autorisations, a été durement sanctionné.
Voilà comment un monsieur que personne ne connaît est en situation d’être maire tandis que le maire est battu ! C’est la démocratie, me direz-vous. Mais cet exemple montre que ce que nous proposons, et ce que d’ailleurs le Gouvernement prévoit pour les communes de plus de 500 habitants, présente un intérêt, le moindre des avantages de notre proposition, chers collègues, n’étant pas de garantir la parité.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, eu égard à la jurisprudence About désormais bien connue, nous maintiendrons notre amendement. Ce qui nous distingue de M. About, c’est que nous n’avons pas de plat de lentilles (Sourires.) et que nous défendrons notre position quoi qu’il arrive. C’est une idée positive qui est versée au débat et que nous soumettons à la sagesse commune.
M. le président. Évitons d’évoquer les aliments, cher collègue, car, à cette heure tardive, nous avons très faim ! (Nouveaux sourires.)
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans l’exemple donné par notre collègue Jean-Pierre Sueur, il devait s’agir d’un homme totalement apolitique ; c’est la raison pour laquelle il voulait être maire. Or, pour moi, la politique, c’est la vie de la cité. Donc, ne pas faire de politique dans les petites communes, c’est une curieuse façon de comprendre l’intérêt de la vie de la cité.
Ensuite, je crois que l’on peut constater le peu de crédibilité de la volonté paritaire de nos collègues centristes : dès qu’il s’agit de renforcer la parité, ils sont tout à fait contre. Il faut donc se méfier des amendements qu’ils font voter tardivement avec l’accord du Gouvernement, car ils manquent de sincérité.
L’Association des maires ruraux de France, dont je ne sais pas si elle est aussi représentative que vous le souhaiteriez, n’y est en tout cas pas hostile. Nos collègues à l'Assemblée nationale, en particulier M. Chassaigne, ont déposé une proposition de loi en ce sens. Nous soutenons donc bien entendu cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour explication de vote.
M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun s’exprime pour essayer de défendre la cause des petites communes, sujet que vous ne maîtrisez pas toujours aussi bien que vous le pensez.
En tant que maire d’une commune d’un peu plus de 500 habitants, je connais bien le problème : politiser davantage le scrutin n’arrangerait certainement pas les choses.
Madame Borvo Cohen-Seat, permettez-moi de vous le faire remarquer, la politique, c’est bien évidemment l’expression des partis, mais c’est aussi toutes les actions menées en matière économique et sociale, notamment par les petites communes.
Monsieur le ministre, je suis président de l’association des maires de mon département. Si les maires ruraux ne sont pas toujours d’accord avec l’Association des maires de France, c’est peut-être parce que les débats ne portent pas uniquement sur la politique économique. De ce point de vue, chacun s’exprime comme il l’entend.
Tout à l’heure, vous avez invité les élus à se mettre d’accord, alors que les maires, quant à eux, attendent du Parlement qu’il se prononce. Finalement, chacun se renvoie la balle. Moi qui vis les problèmes au quotidien, croyez-moi : laissez les représentants des petites communes s’exprimer humainement avant d’essayer de leur imposer quelque doctrine que ce soit !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j’ai le plus grand respect pour M. Biwer et Mme Borvo Cohen-Seat, j’estime qu’à cette heure tardive, où certains souffrent d’hypoglycémie et d’autres de fatigue, nous devrions prendre un certain nombre de précautions.
Monsieur Biwer, aucun d’entre nous ne peut se prétendre spécialiste des communes au motif qu’il maîtriserait les strates démographiques. Vous-même aurez toute légitimité pour débattre des métropoles, qui feront l’objet d’une discussion ultérieure. De même, Mme Borvo Cohen-Seat est parfaitement capable de défendre une approche politique, au sens noble du terme, des communes rurales ou faiblement peuplées.
Il ne s’agit pas ici de doser notre respect à l’égard des communes en fonction de leur taille. Nous voulons entendre de la bouche du ministre, et de façon irréfutable, que le mode de scrutin qui sera adopté ne constituera pas un recul, une remise en cause larvée d’un dispositif permettant une juste représentation des hommes et des femmes.
Pour moi, la politique est une activité noble. Il ne faut pas craindre de faire de la politique dans les petites communes s’il s’agit de défendre un projet ou des orientations, et non de se faire élire uniquement sur la base de la notoriété de sa famille, de son patrimoine ou du statu quo.
Plusieurs amendements tendaient à faire adopter un mode de scrutin garantissant une parité réelle. Il ne faudrait pas, une fois de plus, se contenter de proclamer de grands principes et que, par la suite, les mesures concrètes qui seront adoptées les violent et les piétinent, comme cela a été constaté dans maints domaines. En matière de développement durable, il n’est pas un élu qui ne tienne des discours courageux ; cela ne nous a pas empêchés de voter une taxe carbone mal fichue, inefficace écologiquement et injuste socialement, qui a été censurée par le Conseil constitutionnel.
Je le répète, plusieurs amendements qui vous sont proposés ont comme seul objectif de garantir la parité effective, comme le prévoit la Constitution.
Monsieur le ministre, je vous trouve bien ambigu sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 111, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une consultation nationale des conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux est organisée préalablement à la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Parce qu’il transforme profondément l’organisation de nos collectivités territoriales, ce projet de loi a suscité une forte opposition d’un grand nombre de parlementaires, notamment de gauche – nous avons pu le constater dans cet hémicycle –, et de très nombreux élus locaux.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué les associations nationales qui rassemblent des élus locaux de toutes tendances, comme les associations des conseils régionaux et des conseils généraux, l’Association des maires de France, ou bien encore celles qui représentent des élus d’opposition : toutes ont émis les plus vives critiques à l’égard de votre réforme.
À la lecture des débats organisés par le Mouvement national des élus locaux, force est de constater que ce mécontentement a gagné les rangs de la majorité, laquelle émet de sérieuses réserves sur votre réforme, dont quelques échos parviennent au sein même de notre assemblée.
Toutes ces critiques proviennent d’élus ayant l’expérience de la gestion d’une ville, d’un département, d’une région : ils savent ce que signifient l’exercice de la démocratie et le dévouement à l’intérêt général. Leur opposition à votre réforme est fondée et ne repose pas uniquement sur la peur du changement, comme vous vous plaisez à le faire croire.
Chers collègues de la majorité, redoutant sans doute que les intentions cachées du Gouvernement n’apparaissent clairement, vous avez refusé notre proposition de soumettre cette réforme au référendum populaire.
Certes, nous aurons ici le temps de débattre de ce texte de façon approfondie, et l’Assemblée nationale après nous. Mais je doute que nos débats et l’adoption de la loi par nos assemblées mettent fin aux critiques. Il serait donc prudent, et démocratique, que les assemblées élues concernées puissent, elles aussi, faire part de leur sentiment en toute connaissance de cause.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons d’adopter cet amendement qui tend à proposer une consultation des conseils municipaux, généraux et régionaux avant la promulgation de la loi. Monsieur le ministre, vous y serez certainement favorable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Rien ne justifie l’organisation, après le vote de la loi par le Parlement et avant sa promulgation, d’une telle consultation nationale.
Je le rappelle, un vaste débat a été engagé en amont sur la question. De nombreuses contributions ont été versées à ce débat. Des réunions ont eu lieu au Parlement avec la participation des membres du Gouvernement, et les associations d’élus ont été régulièrement consultées. La commission a elle-même entendu l’ensemble de ces dernières.
Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Cet amendement, auquel je suis défavorable, n’appelle pas de longs commentaires de ma part, car je fais miennes toutes les observations de M. le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 114 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le conseil supérieur de la fonction publique territoriale est consulté avant la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Deux réformes auxquelles nous sommes opposés, pour des raisons que nous avons déjà exposées – la création des conseillers territoriaux et des métropoles, la suppression de la taxe professionnelle –, auront des incidences dangereuses sur les services publics.
Ces réformes accentueront la dégradation des conditions matérielles et morales des fonctionnaires des trois fonctions publiques – la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière – avec des réductions d’emplois, conséquences des contractions administratives, et le recours accru à la contractualisation, justifié par la mise en place des nouvelles structures, notamment des métropoles.
À cela, il faut ajouter la mainmise renforcée du pouvoir présidentiel par le moyen des nouvelles compétences conférées au préfet de région, relais majeur du pouvoir central, écran imposé entre les services publics territoriaux et les ministères de tutelle, dénaturant aussi le statut actuel des régions pour mieux les soustraire à l’opposition.
La fonction publique et les services publics sont donc particulièrement concernés par ce projet de loi. C’est pourquoi il nous paraît essentiel de le soumettre avant sa promulgation au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement a pour objet l’organisation, avant la promulgation du présent texte, d’une consultation du Conseil national de la fonction publique territoriale.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, un vaste débat a été engagé sur la question de la réforme. En tant que rapporteur, j’ai moi-même entendu le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale pour recueillir son avis sur un certain nombre de questions.
En conséquence, la consultation proposée n’apparaissant pas justifiée, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Je reconnais qu’il est un peu tard pour faire de longs développements, mais je tiens à intervenir sur cet amendement.
Le groupe CRC-SPG souhaite que la loi qui sera votée par le Parlement – lorsque les deux chambres se seront mises d’accord sur un texte, ou que l'Assemblée nationale aura eu le dernier mot – soit soumise pour consultation au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale avant sa promulgation.
Une telle disposition est tout à fait contraire à la Constitution ! Seul le Président de la République est habilité à demander une nouvelle délibération de la loi. Il est tout à fait normal d’engager des consultations avant le vote de la loi, mais l’adoption de cet amendement reviendrait à prévoir dans la loi une modification de la Constitution : c’est impossible !
C'est la raison pour laquelle j’émets un avis tout à fait défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 113, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente une étude d'impact sur les conséquences de la réforme des collectivités territoriales notamment en matière de parité, de pluralisme et de coût financier et social.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous savons déjà que la commission est défavorable à notre amendement visant à prévoir une étude d’impact ; mais peut-être le Gouvernement est-il d’un avis différent…
La Constitution contraint aujourd'hui le Gouvernement à réaliser une étude d’impact sur chaque projet de loi. Il nous a été répondu que cette dernière avait déjà été réalisée en l’espèce ; mais, vous le savez, elle est partielle, voire partiale, et fait l’impasse sur toutes les conséquences de la réforme en matière de parité et de pluralisme, ainsi que sur son coût financier et social.
Cette étude d’impact présente de nombreuses lacunes : le Gouvernement se contente trop souvent d’affirmer que les conséquences ne peuvent être évaluées ou chiffrées, quand il n’élude pas tout simplement certains domaines.
Convenez que cela aurait justifié un renvoi à la commission ou un report de l’examen du projet de loi. Puisque tel n’est pas le cas, au moins pouvons-nous espérer disposer de l’étude d’impact que nous demandons avant d’avoir eu à voter l’ensemble des textes sur la réforme des collectivités territoriales, qui sont tous liés. Nous pourrions ainsi connaître le plus précisément possible toutes les conséquences relatives à la création d’un nouveau type d’élus, notamment sur les élus eux-mêmes, leur répartition et leur nombre par département.
Nous pourrions également appréhender les conséquences de l’éloignement des élus de proximité sur les services rendus aux usagers, ainsi que les effets, pour les agents publics, de la réduction de leur nombre et de leur nouvelle répartition sur l’ensemble du territoire.
Il est encore possible, puisque la réforme dans son ensemble ne devrait pas aboutir avant l’été, de nous fournir bien plus d’éléments précis dans une étude d’impact.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à obliger le Gouvernement à présenter une étude d’impact sur les conséquences de la réforme.
Il nous paraît préférable d’éviter la multiplication des demandes de rapports.
Les nouvelles prérogatives du Parlement en matière de contrôle, notamment au travers des travaux de ses commissions, garantiront un suivi scrupuleux de la réforme.
Quant à l’étude d’impact, elle est annexée au projet de loi.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, le Gouvernement s’est tout à fait conformé aux dispositions énoncées par la Constitution en matière d’étude d’impact. J’ajoute que cette étude compte 125 pages et qu’elle est particulièrement détaillée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il manque l’essentiel !
M. Michel Mercier, ministre. Elle explique la totalité de la réforme et aide chaque parlementaire à se faire une opinion sur ce texte. L’obligation constitutionnelle est donc satisfaite.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Mes chers collègues, comme l’a souhaité la commission des lois, je vous propose de ne pas entamer, à une heure aussi tardive, l’examen de l’article 1er relatif aux conseillers territoriaux, sur lequel dix orateurs sont inscrits et seize amendements ont été déposés. Il me paraît plus raisonnable de reporter l’examen de cet article au mardi 26 janvier, à quatorze heures trente. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Je tiens, mes chers collègues, à vous remercier d’avoir participé à cette séance…
M. Jean-Pierre Sueur. Depuis ce matin !
M. le président. Effectivement !
… et d’avoir accepté sa prolongation, souhaitée par certains. Je remercie les personnels du Sénat, notamment les services des comptes rendus, qui, comme à l’accoutumée, ont fait la preuve de leur dévouement et de leur grande résistance physique. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, s’agissant de l’organisation de nos travaux, je pense que vous avez pris la bonne décision. Je tiens donc, au nom de la commission des lois, à vous remercier d’avoir accepté de prolonger une séance qui avait déjà été longue, afin de nous permettre d’avancer dans un débat important.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Décisions du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 21 janvier 2010, les textes de deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution :
- de la loi organique tendant à permettre à Saint-Barthélemy d’imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans ;
- de la loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin.
Acte est donné de ces communications.
8
Saisine du Conseil Constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 janvier 2010 d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de la loi relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Acte est donné de cette communication.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 26 janvier 2010 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe).
À quatorze heures trente :
2. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 60, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 169, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 170, 2009-2010).
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
3. Questions cribles thématiques sur « Copenhague et après ? »
À dix-huit heures et le soir :
4. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures cinquante.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART