Sommaire

Présidence de Mme Catherine Tasca

Secrétaires :

M. Alain Dufaut, Mme Anne-Marie Payet.

1. Procès-verbal

2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

3. Motion référendaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. – Rejet d'une motion référendaire

MM. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.

MM. Edmond Hervé, François Fortassin, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Nicolas About, François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur, Claude Jeannerot.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. François Patriat.

Mme la présidente.

Rejet, par scrutin public, de la motion référendaire.

4. Réforme des collectivités territoriales. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)

Discussion générale (suite) : MM. René Vestri, Gérard Miquel, Alain Fouché, Mme Michèle André.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

Exception d’irrecevabilité

Motion no 8 de M. Jean-Pierre Bel. – MM. Jean-Claude Peyronnet, Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; le ministre, Mmes Éliane Assassi, Anne-Marie Escoffier, M. Alain Anziani. – Rejet par scrutin public.

Question préalable

Motion no 9 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-François Voguet, Gérard Miquel, Yves Daudigny, Guy Fischer. – Rejet par scrutin public.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 24 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le ministre. – Rejet par scrutin public.

Discussion des articles

Division additionnelle avant le titre Ier

Amendement n° 346 de M. Pierre-Yves Gérard Collombat. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Sueur, Jacques Mézard, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.

Renvoi de la suite de la discussion.

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

Mme Anne-Marie Payet.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, en application de l’article D. 614-3 du code monétaire et financier, le rapport pour 2008 du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.

3

Motion référendaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales

Rejet d'une motion référendaire

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Discussion générale (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen de la motion (n° 206) de M. Jean-Pierre Bel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de nos collègues tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour nous tous, les premiers jours de janvier sont toujours l’occasion de rencontrer nombre de nos concitoyens. Pour ma part, je les ai sentis inquiets, ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est surtout vous qui les inquiétez !

M. Jean-Pierre Bel. ... préoccupés par l’avenir, leur avenir, celui de leur famille, de leurs enfants : angoisse portant sur leurs conditions de vie, crainte face au retour massif du chômage, mais aussi peur de la précarité qui, malheureusement, obscurcit l’horizon de centaines de milliers de personnes qui n’ont plus droit à rien.

Dans ce contexte, vous avez choisi de consacrer plusieurs semaines, au Sénat, puis à l’Assemblée nationale, non pas aux souffrances dont je viens de parler, mais à la réforme de l’organisation territoriale de la France.

Bien sûr, il y a motif à aller plus loin sur ce sujet, à poursuivre la décentralisation, à adapter cette organisation aux nouvelles donnes d’un monde et d’une société qui bougent. Mais enfin, cette réforme territoriale est éminemment politique ; je dirais même qu’elle est, dans le vrai sens du terme, profondément « idéologique ».

Nous sommes nombreux à y voir un signe supplémentaire du démantèlement de l’État. Pour être plus précis, nous avons l’impression que l’État républicain s’efface derrière l’État manager. Nous avons bien compris aussi, compte tenu des cadeaux fiscaux que vous accordez aux Français les plus privilégiés, qu’il vous faut chercher de nouvelles marges de manœuvre : vous le faites en vous défaussant sur les collectivités locales.

Pour en revenir à la série de textes que vous nous proposez, j’observe que tous portent la marque d’une même volonté, d’un même objectif que je qualifierai presque d’obsessionnel : remettre en cause la décentralisation, le mouvement entamé par la gauche en 1982 avec François Mitterrand et Pierre Mauroy, ce qui a fait dire au même Pierre Mauroy que cette réforme « replongeait notre pays dans un passé révolu ».

Permettez-moi, au moment où l’on essaye de les désigner comme des boucs émissaires, de saluer les quelque 560 000 élus locaux, qui sont dans leur immense majorité des bénévoles et qui ne comptent pas leurs heures pour exercer un mandat conférant d’énormes responsabilités, sans bénéficier en contrepartie de véritables garanties. Oui, permettez-moi de les saluer, eux qui font vivre la démocratie dans notre pays et qui constituent de formidables leviers pour permettre à la France d’investir, d’innover et de se développer.

Nous affirmons, récusant ainsi tous les procès en conservatisme ou en immobilisme que l’on nous fait, que nous sommes pour la réforme ; nous faisons même des propositions très fortes et très précises, sur lesquelles le débat nous donnera l’occasion de revenir… Mais nous sommes partisans d’une réforme pour aller de l’avant, pas pour aller en arrière ! En tout cas, nous sommes clairement opposés à votre méthode, à votre mépris de l’écoute des élus locaux, de leurs associations, de leurs représentants parlementaires…

Vos projets sont incohérents ; ils suscitent la méfiance, voire la défiance, et remettent en cause tant de valeurs auxquelles les Français sont attachés que seul un référendum, et donc la consultation du peuple souverain, peut leur donner une légitimité.

Ils sont incohérents, tout d’abord, parce que vous avez voulu réformer la fiscalité locale avant même d’avoir clarifié les responsabilités de chaque échelon. La clause de rendez-vous de la réforme de la taxe professionnelle est, théoriquement, un ajustement. Mais si la clarification des compétences aboutit à des transferts de compétence, il faudra reprendre à zéro la réforme des finances locales.

Ils sont incohérents, ensuite, parce que le rapprochement des régions et des départements manifeste une profonde méconnaissance de la réalité locale, comme le juge avec pertinence le président de l’Association des régions de France.

Notre organisation territoriale repose fondamentalement sur deux niveaux. Le premier est celui de la stratégie. Il va de l’Europe à la région, en passant par l’État. La région est ainsi l’échelon de mise en œuvre des politiques stratégiques, économiques et de grands équipements, lancées et financées par l’État et l’Union européenne. Le second niveau est celui de la proximité. Il va du département à la commune, en passant par les intercommunalités. Le département est ainsi l’échelon de la solidarité sociale et territoriale, des politiques de proximité. Ce rapprochement illogique est bien le préalable à la fusion : nous savons tous que ce sera, inévitablement, l’étape suivante.

Vos projets sont incohérents, enfin, parce que la remise en ordre des compétences est renvoyée à plus tard. Alors que le rapport Balladur était intitulé Il est temps de décider, l’article 35 représente une capitulation devant la clarification des compétences : celle-ci est renvoyée à plus tard, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, c’est-à-dire pas avant la mi-2011 ; mais alors, l’élection présidentielle sera trop proche pour que l’on y procède. (Signes de dénégation au banc du Gouvernement.) La clarification sera donc réalisée – si elle a lieu un jour… – sous le prochain quinquennat !

Ce débat parlementaire reflétera, sans aucun doute, la crise de confiance qui oppose les élus locaux et ce gouvernement, une crise illustrée par le congrès des maires en novembre dernier et sur laquelle devraient s’exprimer fortement – tout au moins, je l’espère – des sénateurs de tous bords politiques.

Cette crise de confiance n’est pas nouvelle ; elle est latente depuis la décision prise en 2004 de ne pas compenser les transferts de compétence.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et même avant !

M. Jean-Pierre Bel. Mais elle s’aggrave.

On peut comprendre les élus locaux : ils n’ont pas confiance dans la réforme de la taxe professionnelle et dans la compensation relais : on nous refait le coup de la compensation à l’euro près ! Le Gouvernement sait très bien que ce système est fragile, que ses conséquences sur les ressources des collectivités territoriales sont incertaines et que cette réforme ne s’attaque pas aux inégalités qui existent entre régions et entre départements.

Les élus locaux n’ont pas été entendus lors de la phase de préparation de la réforme.

Il est loin le temps où Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’intérieur, écrivait dans Le Monde du 26 mars 2009, dans un article intitulé Dialoguons pour réformer les collectivités, « une réforme de cette ampleur conduit à la recherche du consensus » et en appelait à la « concertation » !

Le Sénat a-t-il été lui-même entendu ? On peut en douter. Il a constitué une mission d’information pluraliste, qui a rendu un rapport le 17 juin 2009.

Que disait ce rapport, qui a fait l’objet d’un large consensus et était cosigné par M. Krattinger, socialiste, Mme Gourault, centriste, et M. Belot, de l’UMP ? Oui au renforcement de la coordination des exécutifs locaux au niveau régional et départemental, mais non au conseiller territorial ; oui au renforcement du chef de file des différentes collectivités territoriales, mais non à la remise en cause de la clause générale de compétence ; oui au renforcement de l’autonomie fiscale et à l’amélioration de la péréquation.

Pourtant, dès le débat du 30 juin 2009 au Sénat, en écho aux propos tenus par le chef de l’État devant le Congrès, vous annonciez, monsieur le ministre de l’intérieur, la création du conseiller territorial, la remise en cause de la clause générale de compétence…

Quant à la réforme de la taxe professionnelle, elle est loin d’avoir satisfait aux « exigences » du Sénat, y compris à celles des « sénateurs dissidents » de la majorité, qui sont rapidement rentrés dans le rang.

Je suis d’ailleurs curieux d’entendre, à ce propos, la position du ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire qui, lorsqu’il était sénateur, se disait « opposé au rapprochement des conseillers généraux et des conseillers régionaux », car il considérait que « le couple département-région n’était pas un couple pertinent, contrairement au couple département-commune », comme le révèle le rapport Belot ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.–M. Philippe Adnot applaudit.)

Bref, il n’y a eu aucune prise en compte des propositions sénatoriales. Il n’est donc pas étonnant que les élus locaux, et de nombreux sénateurs, se méfient et se défient de cette réforme.

Par son importance, parce qu’elle met en cause des éléments fondamentaux de notre pacte républicain en portant atteinte à des principes constitutionnels, la réforme territoriale justifie, selon nous, le recours au référendum. Or vous repoussez le référendum…

Nous connaissons votre réticence à l’égard de la disposition qui, dans la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, a institué une procédure de référendum mélangeant l’initiative parlementaire et le soutien populaire. Nous attendons toujours la loi organique qui permettrait de l’appliquer…

Ce sont des questions de principe qui motivent ce recours au référendum, car le présent projet de loi pose une série de questions fondamentales, constitutionnelles et politiques, que seul le peuple souverain doit trancher. Le recours au référendum constitue une obligation constitutionnelle pour au moins cinq motifs.

Tout d’abord, nous considérons que les Français doivent se prononcer sur la poursuite ou l’arrêt du processus de décentralisation.

Alors que l’article 1er de la Constitution prescrit que l’organisation de la France est décentralisée, la politique conduite depuis 2007 à l’égard des collectivités locales se traduit par une recentralisation, comme en témoigne la suppression de la taxe professionnelle ou le projet de rapprochement des départements et des régions, malgré l’hostilité des associations d’élus locaux directement concernés.

Le « modèle » que le présent projet de loi s’apprête à imposer à notre pays est, en réalité, une concentration des pouvoirs : le chef de l’État détiendra tous les pouvoirs, notamment pour orienter les dépenses des collectivités locales et canaliser ainsi les investissements nécessaires à l’avenir de la France, de ses territoires et à l’activité de ses entreprises.

Cette tentation récurrente de la droite jacobine avait été dénoncée au mois de juin 2000, une fois encore par Michel Mercier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est la gloire !

M. Gérard Miquel. Quelle référence !

M. Jean-Pierre Bel. À l’époque, Michel Mercier précisait : « Forcé de s’adapter aux réalités de la mondialisation dans un cadre européen plus contraignant, l’État est tenté de faire des collectivités locales les instruments de ses politiques. Il cède trop souvent à la tentation récurrente de la recentralisation ».

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela a changé depuis !

M. Jean-Pierre Bel. Recentralisation, disiez-vous, monsieur le ministre ? Ce constat est plus que jamais d’actualité !

Dans le texte qui nous est soumis, je prendrai pour seul exemple la rationalisation de l’intercommunalité, bien sûr nécessaire, voire indispensable. Mais pourquoi confier au préfet un pouvoir de contrainte exceptionnel ? C’est contraire à la notion même du principe, de valeur constitutionnelle, de décentralisation.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut bien un arbitre !

M. Jean-Pierre Bel. Bref, les Français doivent pouvoir se prononcer directement sur la recentralisation ou sur la poursuite de la décentralisation.

Le deuxième motif du recours au référendum tient à la fusion programmée des départements et des régions. Alors que l’article 72 de la Constitution prévoit que les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus », et donc que chaque collectivité doit disposer d’une assemblée délibérante qui lui est propre, le projet de loi organise la fusion des conseils généraux et des conseils régionaux.

En effet, c’est bien cet enjeu qui est en cause : dans son ouvrage La France peut supporter la vérité, publié en 2006, François Fillon estimait que le conseiller territorial est le préalable à la fusion entre départements et régions. Selon lui, le conseiller territorial « aurait assuré la coordination des politiques de ces deux échelons en attendant leur fusion ». Il regrettait que cette proposition de l’UMP n’ait pas été reprise par Jacques Chirac en 2002. Aujourd'hui Premier ministre, il réalise enfin son projet ! C’est également la fusion entre les deux administrations, que M. Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, a appelée de ses vœux lors du débat avec François Hollande.

Avec le conseiller territorial, chaque niveau perdra sa spécificité : impulsion et coordination pour la région, proximité pour le département. L’un deviendra une simple structure d’accompagnement des politiques nationales ; l’autre préparera sa suppression programmée.

Je note en passant que ce conseiller territorial organise le cumul des mandats obligatoires – ce point a déjà été relevé –, alors que la démocratie locale a besoin d’une respiration, qui pourrait résulter d’une nouvelle étape dans la limitation du cumul des mandats. La réforme a créé un conflit d’intérêt permanent : si ce projet de loi est adopté, chaque élection fera l’amalgame de bilans et de projets contradictoires.

Les Français doivent pouvoir se prononcer directement sur la pérennité des départements et des régions ou sur leur fusion programmée.

Le troisième motif du recours au référendum est de permettre aux Français de se prononcer directement sur le principe de l’organisation territoriale française.

Alors que l’article 72 de la Constitution précise que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon », le projet de loi envisage de supprimer la clause générale de compétence, donc de priver les départements et les régions de la seule solution qui permet d’appliquer des politiques différenciées dans des territoires ayant des problématiques différentes.

Les Français doivent pouvoir se prononcer directement pour savoir si les collectivités locales doivent être cantonnées dans des compétences décidées par l’État ou s’il convient de maintenir leur compétence générale, afin notamment de répondre aux attentes des usagers des services publics locaux.

Le quatrième principe, et non des moindres, remis en cause par la réforme que nous soumet le Gouvernement est celui de la parité.

Alors que l’article 1er de la Constitution oblige la loi à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, le projet de loi procède à une régression de la place des femmes au sein des futurs conseils territoriaux, compte tenu du recul du scrutin proportionnel.

En effet, selon le nouveau mode de scrutin proposé, 80 % des conseillers territoriaux seraient élus au scrutin uninominal à un tour dans le cadre des cantons – soit 2 400 élus –, les 20 % restants le seraient sur des listes paritaires départementales – soit 600 élus –, selon une organisation de report des voix parfaitement incompréhensible pour l’électrice ou l’électeur, fût-il des plus avertis.

Si l’on opère une projection des résultats des dernières élections régionales et cantonales avec ce nouveau dispositif, on peut raisonnablement s’attendre à compter, sur l’ensemble des conseillers territoriaux élus en 2014, 19,3 % de femmes et 80,77 % d’hommes ! (Huées sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n’a pas de sens !

M. Jean-Pierre Bel. De même, pour 3 000 conseillers territoriaux attendus, on peut effectuer la projection chiffrée suivante : 579  d’entre eux seraient des femmes – contre 1 381 aujourd’hui –, dont 285 élues au scrutin de liste à la représentation proportionnelle et 294 élues au scrutin uninominal, et 2 421  seraient des hommes – contre 4 462 aujourd’hui.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous donnez des résultats avant les élections ?

M. Jean-Pierre Bel. Ainsi, dans le processus de fusion des régions et des départements et de réduction du nombre des conseillers territoriaux, les femmes, qui verront leur effectif diminuer de 58 %, sont les grandes perdantes. Le présent projet de loi, au lieu de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, organise tranquillement et obscurément le recul de la parité. Au retour à la situation d’avant 1982, autrement dit avant la décentralisation, vous ajoutez un retour à la situation d’avant 1999, date à laquelle la parité a été inscrite dans la Constitution.

Les Françaises et les Français doivent pouvoir se prononcer directement sur le maintien, ou non, d’un mode de scrutin qui favorise la parité.

Enfin, le cinquième motif justifiant le recours au référendum est de permettre de valider, ou non, une « manipulation électorale » au profit exclusif de l’UMP, parti majoritaire.

Alors que l’élection, c’est-à-dire la désignation d’une femme ou d’un homme par le suffrage des citoyens, constitue un principe constitutionnel fondamental de la République, le projet de loi instaure un mode de scrutin dans lequel une partie des conseillers territoriaux élus à la proportionnelle le sera grâce aux suffrages obtenus par les candidats qui n’ont pas été élus au mandat de conseiller territorial mais qui se sont rattachés à une liste.

Mme Raymonde Le Texier. Il fallait y penser !

M. Jean-Pierre Bel. Le mode de scrutin est d’une telle complexité qu’il a été récusé par le Conseil d’État en ces termes, dans une note du 15 octobre 2009 :…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour notre part, nous ne disposons pas de ce document !

M. Jean-Pierre Bel. …« En rendant très difficile pour l’électeur, dont le choix est lié entre un candidat au scrutin uninominal et une liste au scrutin proportionnel, de prévoir si sa voix sera utilisée au profit du candidat ou de la liste, le dispositif envisagé est de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin ».

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le temps de parole de l’orateur est écoulé…

M. Jean-Pierre Bel. Pour ces motifs, le Conseil d’État a considéré que le dispositif proposé « était de nature à porter atteinte à l’égalité comme à la sincérité du suffrage compte tenu des modalités complexes de la combinaison opérée entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel dans le cadre d’un scrutin à bulletin unique ». Mieux encore, il a estimé que ce mode de scrutin pourrait permettre qu’« une liste ayant recueilli au niveau régional moins de voix qu’une autre puisse néanmoins obtenir plus de sièges qu’elle ».

Bilan politique de ce scrutin illisible, incompréhensible et injuste : il n’obtient pas de majorité au Sénat, si j’en crois les propos mêmes du président de la Haute Assemblée, Gérard Larcher !

C’est la raison pour laquelle nous considérons que les Français doivent pouvoir se prononcer directement sur le maintien, ou non, du principe républicain selon lequel un candidat est élu s’il a bénéficié du plus grand nombre de suffrages exprimés sur son nom.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Bel. Je conclus, madame la présidente.

Nous n’avons pas peur du référendum : il peut se révéler utile, combiné à la démocratie parlementaire.

Le débat que nous aurons lors de la première lecture du présent projet de loi doit pouvoir éclairer utilement les Français sur les enjeux de cette réforme territoriale. C’est la raison pour laquelle nous proposons, par le dépôt de la motion que nous examinons, de les consulter par référendum.

Le sujet est complexe, mais il faut que cette consultation aille à l’essentiel et s’articule sur une question simple autour de grands choix. Voulez-vous la poursuite de la décentralisation, son approfondissement ou la recentralisation ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas la question !

M. Jean-Pierre Bel. Voulez-vous étendre le cumul des mandats en le rendant obligatoire aux échelons départemental et régional ? Souhaitez-vous le recul de la parité au niveau local ? Voulez-vous la suppression du département ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela fait cinq questions !

M. Jean-Pierre Bel. On le voit bien : la réforme territoriale proposée modifierait en profondeur l’organisation des pouvoirs publics. Elle porte la volonté de réduction d’un contre-pouvoir important, celui des collectivités locales, et de remise en cause des services publics au niveau décentralisé. Elle entraînerait un bouleversement d’une organisation façonnée par l’histoire et la pratique, où les mots « décentralisation », « libertés et démocratie locales » seraient remplacés par « centralisation », « négation de la libre administration », « recul de la démocratie et des solidarités locales ».

J’espère vous avoir convaincus, mes chers collègues,…

M. Jean-Marc Todeschini. Ils n’ont pas écouté !

M. Jean-Pierre Bel. …de voter la motion référendaire pour soumettre au verdict suprême des Français un débat qui touche à des aspects fondamentaux de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vais essayer d’être plus concis que mon collègue, qui a dépassé son temps de parole, afin de rattraper le temps perdu. (Applaudissements sur les travées de lUMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Mes chers collègues, il est tout de même normal de respecter les temps de parole ! (Nouveaux applaudissements sur les travées de l’UMP. –Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Yannick Bodin. C’est petit et mesquin !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En application de l’article 11 de la Constitution, nos collègues signataires de la motion demandent que soit soumis au référendum le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, non pas le projet de loi initial n° 60, mais le texte n° 170, résultant des travaux de la commission des lois, ce qui constitue une originalité. C’est ce qui est écrit dans le texte de la motion !

Vous invoquez cinq motifs et voulez poser autant de questions au référendum. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Pas du tout !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si ! C’est ce que vous avez dit !

M. Jean-Pierre Bel. En aucun cas ! (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Chers collègues, je peux, tout de suite et tout simplement, dire que je suis opposé à cette motion, cela nous fera gagner du temps…

Mme la présidente. Mes chers collègues, laissez parler l’orateur ! N’engagez pas de dialogue !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous évoquez donc la recentralisation à laquelle aboutirait la politique conduite à l’égard des collectivités locales, la création des conseillers territoriaux, qui, pour vous, programme la fusion des départements et des régions, la suppression envisagée de la clause générale de compétence, le recul de la parité, enfin le mode de scrutin mixte retenu par le projet de loi n° 61, dont vous ne demandez pas, je le répète, qu’il soit soumis au référendum.

La réforme qui nous est présentée est pragmatique. Depuis hier soir, j’entends parler de « recentralisation ». Mais de quoi s’agit-il ici ? Tout simplement d’ajustements nécessités par la décentralisation qui a été instituée en 1982 et modifiée, depuis lors, à plusieurs reprises.

J’observe d'ailleurs que, à une seule exception près, mais qui est bien antérieure à 1981, aucun texte relatif à la décentralisation n’a jamais été soumis au référendum ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Pierre-Yves Collombat. Mais celui-ci est plus grave !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce projet de loi tend à opérer une réorganisation qui ne remet pas en cause les principes fondamentaux des réformes qui l’ont précédé.

Les préfets voient leur rôle renforcé, mais temporairement, pour achever et rationnaliser la carte de l’intercommunalité (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), ce qui constitue un objectif largement partagé.

Certains critiquent l’intervention des préfets. Pardonnez-moi, chers collègues de l’opposition, mais si ceux-ci n’avaient pas été là depuis 1982, notamment pour mettre en place l’intercommunalité, les égoïsmes de certaines collectivités n’auraient pas permis d’avancer ! (Mme Anne-Marie Escoffier applaudit.) Vous intentez donc là un procès absolument injuste et fallacieux.

D'ailleurs, et avec votre accord, la commission des lois a mieux encadré les pouvoirs du représentant de l’État.

Le projet de loi n’implique pas la disparition à terme des départements et des régions. Je ne vois pas où ce point apparaîtrait dans les textes !

La création du conseiller territorial ne constitue pas une fusion programmée des départements avec les régions. Elle maintient deux assemblées délibérantes distinctes ; départements et régions demeureront administrés par des conseils élus séparés, et la spécificité de chaque échelon sera respectée.

Au contraire de ce que vous affirmez, chers collègues de l’opposition, le conseiller territorial favorisera la coordination des politiques menées par ces collectivités. D'ailleurs, M. Bel a très bien expliqué quelles missions devaient revenir à la région, qui ne s’occupe pas de proximité, ou au département. Il a aussi souligné la nécessité d’harmoniser les compétences de ces deux échelons de collectivités.

J’en viens à la suppression de la clause générale de compétence.

Tout d'abord, cette réforme doit être comprise non pas négativement, mais positivement.

Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La gestion décentralisée implique que les collectivités territoriales soient dotées d’attributions effectives et exclusives. C’est déjà le cas, je le rappelle, quand une commune confie à l’intercommunalité une compétence, qui devient alors exclusive pour l’intercommunalité.

L’article 35 du projet de loi préserve ce principe et prévoit que les collectivités pourront prendre l’initiative dans les cas qui ne sont pas envisagés par la loi.

J’en viens au prétendu recul de la parité.

Certes, le mode de scrutin retenu par le projet de loi n° 61 entraînerait probablement une diminution sensible du nombre des femmes présentes dans les conseils généraux et pourrait ainsi remettre en cause les acquis de la parité.

Toutefois, la commission des lois a adopté ce matin un amendement dont les dispositions, à l’évidence, serviront de guide pour le futur scrutin. Nous aurons à traiter de la parité lors de l’examen du projet de loi n°61, sous le contrôle du Conseil constitutionnel – j’y insiste –, et nous pourrons alors opérer les modifications nécessaires, me semble-t-il.

Nous sommes à l’aube de la discussion parlementaire des différents projets de loi concourant à la réforme territoriale, qui a déjà fait l’objet de nombreuses réunions organisées à travers toute la France.

Hélas, si nos concitoyens sont informés, ils sont aussi parfois désinformés, à cause de la propagande gigantesque organisée par certains conseils généraux (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … avec les fonds publics, avec l’argent des contribuables (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées du groupe UMP.), qui reçoit ainsi une utilisation politique absolument inadmissible.

M. Roland Povinelli. C’est faux ! Et vous n’avez pas le droit, à la tribune du Sénat, de proférer de tels mensonges… (M. Roland Povinelli saisit le microphone et essaie de prendre la parole ; sa voix est couverte par les protestations venant des travées de l’UMP.)

Mme la présidente. Monsieur Povinelli, vous n’avez pas la parole !

M. Roland Povinelli. Je ne peux pas laisser dire cela, c’est faux !

Mme la présidente. Mon cher collègue, vous aurez la parole quand vous l’aurez demandée, mais, pour le moment, vous ne l’avez pas !

M. Roland Povinelli. Chers collègues de la majorité, vous êtes des godillots ! (C’est vrai ! sur les travées du groupe socialiste. – « Vous aussi ! » scandent les sénateurs de lUMP.)

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À l’évidence, certaines vérités fâchent nos collègues de l’opposition, mais elles n’en existent pas moins ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

La commission des lois a déjà profondément modifié le texte qui nous a été soumis, et le Sénat votera certainement d’autres amendements.

D'ailleurs, mes chers collègues, nos débats et nos échanges, quelle que soit notre sensibilité politique, ont été jusqu’ici de qualité, notamment en ce qui concerne l’intercommunalité et les métropoles. Nous devons continuer à faire notre travail, car c’est au Parlement qu’il appartient de traiter de questions aussi complexes.

C’est pourquoi il semble aujourd’hui prématuré d’interrompre le débat parlementaire pour renvoyer au référendum un projet de loi encore perfectible. De grâce, laissons le législateur exercer sa compétence, et la navette se poursuivre !

En outre, reconnaissons-le, pour pouvoir se prononcer en parfaite connaissance de cause, les Français doivent être pleinement informés, et non pas trompés par des caricatures ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier. Qui est-ce qui produit des caricatures ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet, on lit dans certains documents que les services publics vont disparaître, tandis que des courriers sont envoyés à toutes les associations pour leur annoncer que, à cause de cette réforme, elles ne recevront plus de subventions !

M. David Assouline. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais, bien entendu, il ne s'agit pas là de propagande… (Sourires sur les travées de lUMP.)

La question soumise au référendum doit être simple et nette, ce qui n’est manifestement pas le cas ici – cela ressort même des propos de M. Bel –, car il s'agit d’un projet forcément très technique, qui aborde différentes questions et dont les conséquences et les articulations ne peuvent être appréhendées, me semble-t-il, que par le Parlement.

C’est pourquoi, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, je vous propose de rejeter cette motion référendaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Edmond Hervé.

M. Edmond Hervé. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, comme Jean-Pierre Bel, je m’en tiendrai au principal, car c’est cela qui doit gouverner la forme.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Moi aussi, je m’en suis tenu au principal !

M. Edmond Hervé. Demander à nos concitoyens de se prononcer sur un sujet essentiel et prospectif constitue une preuve de respect, un acte de mobilisation et une marque de confiance. C’est aussi, pour le thème qui retient aujourd'hui notre attention, l’affirmation d’une foi en l’avenir.

Avant tout, notre proposition entre-t-elle dans le champ référendaire ? Oui ! Et cela pour trois raisons de droit, que je voudrais rapidement énumérer devant vous.

Premièrement, ce texte concerne bien l’organisation des pouvoirs publics, dont nos collectivités territoriales et leurs établissements sont parties prenantes. En effet, que seraient les pouvoirs législatifs, exécutif et réglementaire, ainsi que l’autorité judiciaire, sans les collectivités territoriales ?

Ce projet de loi touchant à leur existence même, à leurs compétences, à leurs rapports entre elles, à leurs relations avec l’État, et même, à cause de cette invention contradictoire et perfide du conseiller territorial, à l’élection de leurs assemblées délibérantes, vous voyez, mes chers collègues, que nous sommes au cœur de l’organisation des pouvoirs publics.

Les travaux qui ont précédé les débats de notre assemblée, ainsi que la discussion générale ouverte hier, ont montré clairement que nous nourrissions des conceptions différentes sur cette question, et c’est cette différence qui légitime l’appel au peuple.

En effet, le processus qui a été engagé en 1981 est bien remis en cause. Vous allez même, chers collègues de la majorité, jusqu’à rompre une tradition législative inaugurée par une grande loi, la « charte communale » de 1884, qui consistait à retenir, pour chaque collectivité,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour chaque commune !

M. Edmond Hervé. … une généralité de compétence, justifiée par la notion d’intérêt local.

Monsieur le président de la commission des lois, tous les grands textes intéressant la région, le département, la commune, ont suivi ce processus méthodologique que vous remettez en cause.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est faux !

M. Edmond Hervé. Deuxièmement, ce projet a bien trait aux services publics.

Personne ne peut contester la part que nos collectivités territoriales prennent dans le domaine des services publics ; ceux-ci, par leur nature, leur nombre et leurs modalités jouent un rôle déterminant, qu’ils soient administratifs, industriels ou commerciaux, publics ou privés, portés ou non par d’autres organismes.

Suivant la façon dont les collectivités seront organisées et les moyens ou compétences dont elles disposeront, l’existence de ces services différera, tout comme la consistance des principes, que vous connaissez bien, mes chers collègues, principes de continuité, d’égalité, de neutralité, d’adaptabilité, de qualité, de transparence et de protection du consommateur.

Messieurs les ministres, chers collègues de la majorité, prisonniers d’une politique fiscale injuste et, par voie de conséquence, d’un déficit public qui bat tous les records, vous choisissez comme unique salut la diminution systématique de la dépense publique, sans vous préoccuper de ce qui se passera ensuite. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Vous appliquez cet impératif aux collectivités territoriales, en cherchant à diminuer le nombre de leurs échelons. Vous avez constaté qu’il n'existait pas de majorité pour supprimer le département, mais d’autres voies y mènent : enserrer les compétences de la région et du département, limiter l’autonomie financière des collectivités, à travers bien sûr la suppression de la taxe professionnelle, enfin réduire la dépense liée aux élus, en divisant par deux le nombre des conseillers généraux et régionaux.

Le résultat ne se fera pas attendre : les services à la population en feront les frais et la contribution fiscale et financière des ménages augmentera, ce phénomène étant rendu encore plus injuste par une fiscalité locale qui ne tient absolument pas compte du revenu des personnes.

Troisièmement, ce projet de texte concerne bien la politique économique, sociale et environnementale de la Nation.

Je prendrai tout d'abord l’exemple de la politique économique. Nous le savons, les trois quarts des investissements publics civils sont réalisés par les collectivités territoriales.

Mes chers collègues, messieurs les ministres, qu’aurait été le plan de relance si les collectivités territoriales, quelle que soit la sensibilité politique de leurs responsables, ne s’y étaient pas impliquées ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Que seraient l’insertion, la formation, le bâtiment, le logement sans les collectivités ? Des pans entiers de notre industrie dépendent de l’activité de ces dernières, notamment dans les domaines du transport, des travaux publics, de l’environnement, de la maîtrise de l’énergie, des communications.

J’en viens à la politique sociale.

Les départements en sont les chefs de file, mais je n’oublie pas les centres communaux d’action sociale. Le RSA n’aurait pas existé sans le RMI, et celui-ci n’aurait pas été créé par le Parlement si des collectivités territoriales, telles que les communes de Besançon et de Rennes, ne s’étaient emparées de ce dossier, bien avant que le législateur n’intervienne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Enfin, en matière de politique environnementale, nos collectivités territoriales interviennent dans de très nombreux domaines, que vous connaissez bien, mes chers collègues. Ce sont elles qui sont aux avant-postes pour mettre en place les dispositions des différents Grenelles de l’environnement et répondre aux attentes nées du sommet de Copenhague.

La décentralisation nous a permis de réaliser des avancées importantes au cours des trente dernières années. Regrettons avec Jean-Pierre Raffarin qu’un bilan n’ait pas été établi ! Nous voulons poursuivre cette dynamique, au nom même des principes constitutionnels que nous nous sommes donnés.

C’est d’ailleurs parce que nous souhaitons que certains de ces principes soient respectés que nous proposons cette motion référendaire.

Je pense tout d’abord au principe de décentralisation. Qu’est la décentralisation sinon, dans le cadre de l’État, garant du pacte républicain et social, la recherche de la meilleure utilisation des ressources et des compétences pour répondre au mieux aux attentes ? Mes chers collègues, imaginez ce que serait l’université française aujourd'hui, si elle n’avait pas bénéficié des nombreuses décisions permises par la décentralisation, des contrats de plan État-région et du plan Université 2000 ? Il n’est qu’à le constater dans chacune de vos villes !

La décentralisation est la voie incontournable de la modernisation de nos structures et de nos procédures. Elle permet l’approfondissement de la démocratie, une plus grande démocratisation, une extension de la responsabilité.

Je pense aussi au principe de parité, comme à celui de libre administration.

Je pense encore au principe de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

À ce titre, messieurs les ministres, je ne comprends pas les raisons qui vous poussent à vouloir enserrer les compétences de la région et du département. Au nom d’une économie essentiellement arithmétique, vous souhaitez les enfermer dans des blocs de compétences séparés par des cloisons étanches. Ce faisant, vous réinstituez le principe de la tutelle, vous empêchez la contractualisation entre les différentes collectivités locales et l’État. En définitive, vous tournez le dos à ce qu’est la décentralisation. Nous ne sommes plus au temps de la décentralisation transfert de compétences et de décisions : nous sommes au temps…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Des baronnies et des potentats locaux !

M. Edmond Hervé. … de la décentralisation de projets. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Toutes les politiques publiques sont transversales, y compris les plus régaliennes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut tout changer, donc il ne faut rien changer !

M. Edmond Hervé. Je pense à la sécurité, à la défense nationale, aux relations internationales.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La justice ?

M. Edmond Hervé. L’examen de cette motion référendaire est aussi l’occasion de récuser certaines fausses vérités.

Nos régions ne seraient pas à la hauteur ?

Une sénatrice du groupe socialiste. Surtout celles de gauche ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Edmond Hervé. Or, que ce soit en raison de l’importance de leur population ou de la taille de leur territoire, elles ont des capacités analogues à celles d’autres régions européennes. Ce qui leur manque, ce sont les compétences et les capacités budgétaires.

Notre système institutionnel serait illisible ? Mes chers collègues, croyez-vous que l’article 2 de la loi de finances pour 2010 relatif à la suppression de la taxe professionnelle, qui compte 136 pages, le soit ? (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Pierre-Yves Collombat. Quelle lisibilité ! (Marques d’ironie sur les mêmes travées.)

M. Edmond Hervé. Nous avons le devoir de nous intéresser à ce qui est important pour notre pays et d’en saisir nos compatriotes, donnant un véritable sens à la politique.

C’est pourquoi un grand débat doit avoir lieu.

Je veux saluer celles et ceux qui ont été les promoteurs de la décentralisation, en particulier Pierre Mauroy. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Il faut poursuivre les travaux de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales présidée par Claude Belot : les rapports d’Yves Krattinger et de Jacqueline Gourault sont là pour nous éclairer.

M. Nicolas About. Très bien !

M. Edmond Hervé. Mettons ces outils à profit au bénéfice de nos compatriotes et montrons-leur le véritable sens de la politique.

La décentralisation a été une belle réussite. À nous d’en faire un grand projet porté par la nation ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette motion référendaire présentée par le groupe socialiste est au cœur de nos discussions : il n’est qu’à voir la mobilisation et l’attention qu’elle suscite dans cet hémicycle.

Sur ce sujet, le groupe RDSE se trouve divisé. Si tous les membres de mon groupe s’opposent au projet de loi qui nous est soumis, certains estiment que le cœur de métier de la Haute Assemblée est de s’occuper de ce problème de la réforme des collectivités territoriales. Même si je ne partage pas cette opinion, je la comprends.

M. François Fortassin. De plus, ils considèrent qu’un texte touffu, pour ne pas dire confus, pourrait être mal compris par nos concitoyens. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Pour ma part, je voterai cette motion référendaire.

En effet, par certains côtés, ce projet de loi portant réforme des collectivités territoriales s’apparente à un déni de démocratie.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Quand le Parlement débat, c’est un déni de démocratie ?

M. François Fortassin. Et, lorsqu’il y a déni de démocratie, seul le peuple, souverain, est en droit de trancher.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Entendre de tels propos de la part de François Fortassin !

M. François Fortassin. Par ailleurs, ce texte crée une fragilité constitutionnelle, pour ne pas dire plus.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On verra !

M. François Fortassin. Dans la mesure où ce texte provoque une confusion entre le mandat de conseiller régional et celui de conseiller général, nos concitoyens, qu’ils soient simples électeurs ou candidats à l’une de ces fonctions, n’auront plus la possibilité de choisir.

On peut très bien imaginer qu’un citoyen – que ce soit de sa propre initiative ou parce qu’il a été désigné par la formation politique à laquelle il appartient – souhaite devenir conseiller général ou conseiller régional. S’il veut dans le même temps continuer à exercer sa profession, ne serait-ce que pour rester en contact avec un certain nombre de réalités, il ne pourra à l’évidence siéger dans les deux assemblées, même si les électeurs lui en donnent l’opportunité. Il s’agit donc, à l’évidence, d’une fragilité.

Par ailleurs, dans une certaine mesure, qu’on le veuille ou non, le Parlement est bafoué.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est pour cela qu’on cherche à lui retirer en plus le soin de légiférer !

M. François Fortassin. Nous sommes nombreux à avoir salué l’excellent travail réalisé par la mission Belot et par les rapporteurs Yves Krattinger et Jacqueline Gourault.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On a repris nombre de leurs propositions !

M. François Fortassin. Toutefois, ils ont vu, lors de leur dernière réunion, tel un sanglier sortant du maquis, surgir le conseiller territorial. Jusque-là, il n’en avait jamais été question.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela arrive !

M. François Fortassin. Cela s’apparente à un mauvais coup ! Tout laisse accroire qu’il ne fallait surtout pas révéler trop tôt l’existence de ce nouvel élu mais qu’il était préférable d’attendre le dernier moment !

Enfin, le mode d’élection de ce nouveau conseiller territorial n’est pas sans poser de problèmes. Je rappelle que les élections à un tour sont contraires aux usages de notre République !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai.

M. François Fortassin. Et la situation confine à l’insolite, au cocasse, au burlesque – pour ne pas dire à l’ubuesque – lorsque l’on prend conscience qu’un conseiller territorial élu à la proportionnelle pourra, sans avoir jamais vu la tête, la jupe ou même la vareuse d’une électrice ou d’un électeur, devenir président de conseil général ou de conseil régional, alors qu’aucun électeur ne se sera prononcé sur son nom ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Ceux qui estiment que, dans ces conditions, la démocratie est respectée ont une autre conception que la mienne en la matière.

De plus, qu’on le veuille ou non, il y aura recul de la parité. (Nouvelles marques d’approbation sur les mêmes travées.) Certes, d’aucuns pourraient m’opposer que l’élection à la proportionnelle dans les communes de plus de 500 habitants suffira à assurer la parité. Il n’en reste pas moins qu’être conseiller régional ou conseiller général et élu d’une commune de plus de 500 habitants ce n’est pas la même chose ; il y aura donc en quelque sorte une parité à deux vitesses. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Excusez-moi, mesdames ! Au demeurant, chacun connaît empathie toute particulière que j’ai vis-à-vis du sexe féminin ; personne ne me fera donc grief. (Rires.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Quel aveu ! (Sourires.)

M. François Fortassin. Enfin, et en développant ce dernier argument, je cours le risque de recueillir quelques sarcasmes bienveillants, je soutiens que les membres de l’UMP devraient être les premiers à voter cette motion référendaire.

M. David Assouline. Oui, c’est évident. C’est même le bon sens !

M. François Fortassin. La plupart d’entre eux – et c’est bien légitime – se réclament du général de Gaulle. Or, en 1969, sur la réforme des régions et la transformation du Sénat, celui-ci n’a pas hésité à engager sa responsabilité face au peuple.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne dites pas cela au Sénat !

M. Jean-Pierre Sueur. On espère les mêmes résultats !

M. François Fortassin. Messieurs les ministres, si, comme vous le prétendez, vous jugez que cette réforme est excellente – et nous n’avons aucune raison de mettre en doute votre sincérité, même si nous ne partageons pas votre point de vue –, pourquoi auriez-vous peur du peuple ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Au contraire, recueillir l’approbation de la population serait une formidable caisse de résonance !

Si vous refusez cette motion référendaire, c’est sans doute parce que vous êtes certains de la qualité de ce projet de loi, mais que vous êtes moins sûrs du jugement de nos concitoyens !

Une sénatrice du groupe socialiste. Oui !

M. François Fortassin. En tout cas, pour ma part, si jamais je changeais de camp – la probabilité est mince, mais personne ne sait de quoi demain sera fait (Sourires) –, je serais toujours le premier à défendre l’idée qu’il faut faire appel au peuple pour trancher un problème aussi important que celui-là ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme vous le savez, nous soutenons cette motion référendaire. Nous souhaitons en effet que nos concitoyens soient saisis et puissent, au terme d’un débat national, se prononcer sur cette réforme.

La consultation du peuple, en application de notre loi fondamentale, est d’une légitimité bien supérieure à l’interprétation de ses sentiments, voire de ses pulsions. Dans les situations importantes, qui touchent à l’organisation de nos institutions et aux pouvoirs publics, la consultation populaire est une exigence démocratique.

D’ailleurs, nous avons fait valoir la nécessité de cette consultation dès l’annonce du projet du Président de la République, lors de la création du comité Balladur. Nous n’avons pas été entendus jusqu’ici mais il ne faut pas désespérer.

Les raisons de cette nécessité sont très simples. Comme l’ont dit les collègues qui m’ont précédée, elles tiennent à l’importance de ce projet dans l’organisation de nos institutions.

Certes, vous avez fait en sorte de ne pas être contraints de procéder à une nouvelle réforme constitutionnelle en ne supprimant pas, formellement, une collectivité, en ne créant pas, formellement, de nouvelles collectivités et en saucissonnant la réforme en plusieurs textes, pourtant fortement liés, nul ne le nie, y compris dans la majorité.

Néanmoins, personne n’est dupe, vous visez la suppression de deux échelons, la commune et le département, et vous créez de nouvelles entités qui ont tous les attributs des collectivités, les métropoles et des intercommunalités, devenant ou non – pour l’instant – des communes nouvelles, ce qui induit une redéfinition des compétences, qui n’est pas précisée globalement dans le projet, mais qui est déjà assez lourde. Ainsi, les collectivités territoriales existantes, départements ou régions, perdraient leurs compétences, non par délégation, mais, obligatoirement, au profit des métropoles.

Vous supprimez des élus en nombre et en compétence, les conseillers généraux et les conseillers régionaux, et vous créez un nouvel élu, le conseiller territorial, espèce inconnue jusqu’ici.

Vous revenez sur ce que vous avez fait inscrire dans la Constitution en 2002, « l’organisation décentralisée de la République », puisque vous engagez de fait une opération de recentralisation sous la houlette de l’État et de ses préfets.

Je ne peux m’empêcher de citer moi aussi M. Mercier, alors sénateur, aujourd’hui ministre et promoteur du projet de réforme actuel. Il déclarait en 2002 : « Il y a donc une clarification sur les niveaux, mais aussi une clarification sur la définition de ce qu’est une collectivité territoriale. C’est très important. Deux éléments en ressortent : d’une part, la libre administration par des conseils élus, d’autre part, le fait que cette libre administration n’existe que si les collectivités locales peuvent librement disposer de ressources propres. Ce dernier point constitue une avancée très forte de la décentralisation. »

M. David Assouline. Il a changé d’avis depuis !

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Pas du tout !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, la suppression de la taxe professionnelle et la réforme actuelle réunies contredisent vos propos sur l’organisation décentralisée de la République.

M. Longuet affirmait également à l’époque : « Nous aurions pu retenir au contraire quatre niveaux de territoires : la commune, le département, la région et l’intercommunalité. En faisant le choix de n’en retenir que trois, le Gouvernement nous rappelle simplement que, au-delà du devoir évident des collectivités locales, et particulièrement des 36 000 communes, de travailler ensemble, de constituer ensemble des réponses collectives face à des besoins immédiats comme l’intercommunalité rurale, les agglomérations et les communautés urbaines, il n’y a qu’une seule unité terminale qui permette la proximité pour le citoyen : la commune ».

Aujourd’hui, M. Longuet pense que le projet ne va pas assez loin quant aux métropoles et à leurs pouvoirs !

En vérité, il est difficile de le nier, certaines des dispositions de votre projet posent des problèmes au regard de la Constitution confirmée, en ce domaine, en 2008, c’est-à-dire postérieurement à l’élection présidentielle. Autrement dit, vous ne pouvez nous objecter qu’elles figurent dans le programme du candidat élu Président de la République depuis, dans la mesure où la révision constitutionnelle de 2008 n’en a pas décidé ainsi.

En effet, l’article 72 de la Constitution, notamment, n’est pas respecté sur plusieurs points. Cet article, malgré les explications gênées et excessivement complexes du comité de réforme des collectivités territoriales présidé par M. Balladur, pose sans ambiguïté le principe de la compétence générale des collectivités territoriales que sont la commune, le département et la région.

Cette clause de compétence générale est consubstantielle à la libre administration. En un mot, pas de démocratie locale sans compétence générale.

Supprimer la compétence générale, c’est réduire la capacité d’action des élus, au regard des citoyens qui les ont élus, c’est donc réduire la capacité des citoyens à agir sur la réalité de leur quotidien.

L’argumentation du comité Balladur sur ce point est surprenante. Il constate que la Constitution établit clairement par trois raisonnements la compétence générale. Premièrement, la compétence générale distingue une collectivité d’un établissement public. Deuxièmement, la Constitution établit clairement le lien entre libre administration et conseil élu pouvant exercer ses compétences. Troisièmement, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 pose clairement que chaque collectivité locale a vocation à gérer ses propres affaires.

Or, de manière surprenante, le comité a estimé qu’« en l’absence de toute jurisprudence constitutionnelle tranchant clairement la question, il était raisonnable de penser que la modification, voire la suppression de la clause de compétence générale était possible ». Comprenne qui pourra…

Le comité Balladur, le Gouvernement et la majorité exercent un droit dont ils ne disposent pas : interpréter la Constitution à leur guise !

En fait, votre projet tend à changer profondément la conception des institutions telles qu’elles résultent de notre loi fondamentale.

Il en est ainsi de la création des conseillers territoriaux, déjà si souvent critiquée depuis le début de cette discussion. Chacun devine que leur instauration préfigure la fin du département. En outre, ils mettent à mal trois principes constitutionnels lourds : le fait que chaque collectivité dispose d’une assemblée propre élue, le principe de parité et le principe d’une représentation pluraliste. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions avec la motion d’irrecevabilité.

Le mode de scrutin, qui, certes, n’est pas discuté aujourd’hui – c’est un comble ! – mais qui sera bien présent dans nos décisions, met à mal ces deux principes.

Il est donc logique que nos concitoyens soient consultés sur ce changement. Rappelons-nous, c’est lui, le peuple souverain, qui, il y a bien longtemps, par la force de son engagement, a forgé les institutions démocratiques de notre pays. Croyez-vous un seul instant qu’il puisse être mis à l’écart du débat qui s’ouvre ?

Pour nous, la consultation populaire est nécessaire sur les réformes institutionnelles, c’est une exigence démocratique. Il est évident qu’elle s’impose ici, comme elle aurait dû s’imposer lors de la révision constitutionnelle de 2008.

Le Président de la République n’y a pas eu recours alors, comme il ne juge pas nécessaire a priori de le faire pour la réforme territoriale.

Votre peur de la démocratie est très surprenante, alors que toute votre argumentation, monsieur le ministre, tente de nous convaincre que nos concitoyens attendent avec impatience cette réforme !

Notre groupe tout au contraire – il a déposé des amendements en ce sens, amendements que la commission a immédiatement rejetés – considère que les regroupements de collectivités et les modifications interterritoriales, dans la mesure où ils ont obligatoirement des conséquences sur les services rendus à la population, à la démocratie et à l’élection par nos concitoyens de leurs représentants à tous les échelons, doivent faire l’objet d’une consultation des assemblées élues des collectivités concernées – ce que vous refusez – et de la population concernée dans les territoires !

Il est donc logique que nous proposions une consultation populaire sur la réforme que vous voulez vous-mêmes comme structurante de la future organisation territoriale de notre pays.

C’est la raison pour laquelle nous soutenons cette motion référendaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la Constitution, modifiée par la réforme de 2003, prévoit en son article 24 que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».

Dans la logique de cette mission, l’article 39 souligne que « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ».

En observant le titre et le contenu du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, je ne peux m’empêcher d’être perplexe : cette réforme est sans doute le texte consubstantiel à notre mandat de représentants des collectivités, et les sénateurs de l’opposition souhaiteraient que l’on s’en dessaisisse pour un référendum ?

Monsieur Bel, Madame Borvo Cohen-Seat, chers collègues de l’opposition, votre motion référendaire sur le projet de loi est un acte solennel prévu par la Constitution, qui connaît d’ailleurs des précédents. Je trouve simplement assez déplacé de l’utiliser précisément sur ce texte relatif aux collectivités territoriales, alors même que la norme suprême nous confie la mission de représenter les collectivités territoriales.

M. David Assouline. Vous vous le rappelez quand vous voulez !

M. Nicolas About. Pour autant, je voudrais au moins tenter de comprendre l’opportunité de votre motion, et le fondement de votre démarche. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. David Assouline. Ne vous donnez pas ce mal !

M. Nicolas About. Peut-être voyez-vous dans la motion référendaire une opportunité politique.

Cette opportunité pouvait se comprendre pour le projet de loi portant changement de statut de La Poste,…

M. David Assouline. Vous ne disiez pas la même chose à ce moment-là !

Mme Éliane Assassi. Mieux vaut tard que jamais !

M. Nicolas About. … alors que la votation citoyenne avait déjà déformé la question de l’ouverture du capital à l’État et la caisse des dépôts…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce qui est curieux, c’est que vous refusez toute consultation populaire ! C’est malhonnête !

M. Nicolas About. … en une formule bien plus simple et populaire : « Êtes-vous pour ou contre la privatisation de La Poste ? ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas vrai !

M. Nicolas About. Cette fois, il n’y a pas eu de manœuvre fallacieuse de ce type, qui aurait pu consister à recueillir l’avis de l’opinion publique sur une question du genre : « Êtes-vous pour ou contre la suppression des collectivités territoriales ? ». (Mêmes mouvements.)

Vous n’avez pas osé tout de même !

En fait, le sujet de la réforme des collectivités locales recueille une opinion plutôt favorable auprès du public, notamment les sujets relatifs à la simplification du « mille-feuille territorial ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est de la propagande !

M. Nicolas About. Je ne peux donc me résoudre à croire que cette motion, quitte à aller à l’encontre de l’esprit même de la Constitution, découlerait d’un quelconque opportunisme politique.

Le référendum serait-il alors l’expression de l’abdication des parlementaires de gauche sur le sujet de l’évolution de l’organisation des collectivités territoriales ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N’importe quoi !

M. Nicolas About. Je ne le pense pas non plus. La gauche fut au contraire – et je veux croire qu’il en est encore ainsi – un bâtisseur de la décentralisation, avec les lois Deferre de 1982 et 1983.

La gauche avait marqué un bel essai en créant les établissements publics régionaux. Elle l’avait même transformé en faisant des régions des collectivités territoriales quelques années après.

La gauche est l’instigatrice de grandes réformes de l’intercommunalité, avec la loi relative à l’administration territoriale de la République, ou loi ATR, de 1992 et la loi Chevènement de 1999.

Un an après, le Premier ministre Lionel Jospin défendait, dans le cadre des orientations pour une nouvelle étape de la décentralisation, l’élection des délégués communautaires au suffrage universel.

M. Nicolas About. Monsieur Mauroy, vous disiez hier vouloir aller de l’avant et non reculer. Vous affirmiez : « Nous participerons au débat avec la conviction et l’ardeur qui nous animaient en 1981. »

Alors, pourquoi cette motion aujourd’hui ? Pourquoi vouloir un référendum ?

M. Jean-Pierre Bel. Parce qu’on ne peut pas reculer !

M. Nicolas About. Pourquoi sacrifier une question aussi complexe que celle qui nous est présentée dans ces trente-neuf articles à une réponse aussi manichéenne que le « pour ou contre » que nous impose le référendum ?

M. Claude Domeizel. Pourquoi le refuser ?

M. Nicolas About. Le tableau français de la réforme des collectivités locales mérite une gamme de nuances un peu plus diversifiée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous nous prenez pour des idiots ?

M. Nicolas About. La troisième justification possible à votre motion pourrait être la suivante : peut-être nos concitoyens seraient-ils plus légitimes que le Sénat et l’Assemblée nationale pour se prononcer sur le sujet particulier de la réforme des collectivités locales.

M. David Assouline. Non, pas plus !

M. Nicolas About. Vous semblez convaincus, en soulignant dans la motion que « le Gouvernement entreprend une profonde réorganisation administrative locale qui soulève des questions fondamentales, constitutionnelles et politiques, que seul le peuple souverain doit trancher ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On interprète toujours ce que pense le peuple !

M. Nicolas About. Madame Borvo Cohen-Seat, je suis troublé par une telle méconnaissance de notre système.

Je ne crois pas une seule seconde à votre argument, pour deux raisons chères à notre tradition démocratique. D’une part, et c’était là mon premier propos, c’est aller contre l’esprit et la lettre de la Constitution que de vouloir dessaisir le Sénat de ce débat.

Faisons au moins honneur à la Constitution, qui fait de notre chambre le représentant des collectivités locales ! Qui mieux que le Sénat, composé d’une très grande majorité d’élus locaux, peut se prononcer sur ce texte ?

La création des conseillers territoriaux, l’organisation des collectivités, la création des métropoles, la démocratie locale avec l’élection au suffrage universel direct des délégués communautaires méritent, au contraire, toute notre attention et une approche constructive. C’est l’avenir de nos territoires qui se joue. Et vous souhaiteriez vous en défausser ?

D’autre part, j’estime que le recours au référendum doit rester une procédure législative exceptionnelle.

Elle est exceptionnelle, avant tout parce que notre tradition républicaine est fondée sur la démocratie représentative, …

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aujourd'hui, c’est douteux !

M. Nicolas About. … qui fait que nous, parlementaires, avons la légitimité et la responsabilité de proposer, discuter, amender et voter la loi, tout simplement.

Votre velléité de démocratie populaire (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste) n’est donc pas crédible, et me semble plutôt ne constituer qu’une triste échappatoire à des débats pourtant fondamentaux. Je n’ose même pas penser qu’il s’agirait là d’une manœuvre d’obstruction parlementaire. Je ne me permettrai pas, bien sûr, ce procès d’intention.

Mes chers collègues, bien sûr, les membres du groupe de l’Union centriste, comme beaucoup de sénateurs de la majorité et de l’opposition, ont des réticences (Rires sur les travées du groupe socialiste), et non des moindres, sur un certain nombre de sujets. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Mais oui, mes chers collègues ! Mais notre groupe a aussi, et peut-être à la différence de vous, des propositions à soumettre. (Nouvelles exclamations et rires sur les mêmes travées.)

Nous voulons, et cela ne semble pas être votre cas, le débat parlementaire.

M. David Assouline. On ne le croit pas !

M. Nicolas About. Et nous l’espérons serein et constructif et nous souhaitons qu’il s’instaure le plus vite possible au sein de cet hémicycle.

M. David Assouline. Vous ne m’avez pas convaincu !

M. Nicolas About. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous rejetons catégoriquement la motion référendaire qui nous est présentée. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nos collègues de l’opposition ont décidé cet après-midi de déposer une motion référendaire sur le projet de loi que nous examinons depuis hier, dans le souci, en tous les cas tel qu’affiché, au nom de grands principes, de consulter la population française sur l’opportunité de réformer ou, plus exactement, de réorganiser nos collectivités territoriales.

L’organisation d’un référendum est un acte solennel. C’est une procédure importante, qui est d’ailleurs peu utilisée, même si elle existe depuis le début de la Ve République.

En l’occurrence, il me semble que le souci de consulter la population vise peut-être d’autres fins que celles qui ont été affichées jusqu’à présent à cette tribune. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

De deux choses l’une : soit nous sommes confrontés à l’utilisation d’un procédé dilatoire, au nombre de tous les moyens de procédure que nous donne le Parlement pour tenter de gagner du temps, …

MM. David Assouline et Claude Domeizel. Non !

M. François-Noël Buffet. … de bloquer les choses, d’alimenter sans fin un débat toujours renouvelé au travers des différentes interventions n’apportant pas d’éléments nouveaux,…

M. Yannick Bodin. C’est notre droit !

M. François-Noël Buffet. … soit il s’agit pour vous, après avoir tenté de susciter une certaine peur auprès des élus locaux ou de la population dans nos départements et nos collectivités, en leur tenant des propos souvent dénués de tout fondement et en dispensant un ensemble de contre-vérités, d’essayer par cette procédure de les rencontrer et d’espérer une sorte de réussite politique qui viendrait redorer votre blason aujourd’hui en difficulté.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Très bien !

M. François-Noël Buffet. Telle est, me semble-t-il, la réalité des choses et tel est bien l’espoir que vous nourrissez. Car, si l’on se réfère à certains sondages réalisés l’automne dernier – l’on pense ce que l’on veut des sondages, mais ils donnent tout de même une photo instantanée de l’état de l’opinion –, on constate que près de 80 % de nos concitoyens étaient favorables à une clarification, à une simplification de notre organisation territoriale. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Votre réforme rend les choses plus confuses !

M. François-Noël Buffet. C’est là une vérité qui sans doute vous dérange.

À moins que votre souhait de recourir à la procédure du référendum ne résulte de la volonté de protéger le pouvoir sur lequel vous êtes assis et que vous avez eu localement, ce que je peux comprendre, mais qui, en tous les cas, ne correspond pas à la volonté démocratique que vous affichez.

Sur le fond, vous pensez que ce texte remet en cause un grand nombre de principes, …

M. François-Noël Buffet. … en engageant une recentralisation alors que nous étions dans une logique de décentralisation,…

M. François-Noël Buffet. … par une fusion annoncée des départements et régions (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste), par une diminution des compétences exercées par les collectivités, (Eh oui ! sur les mêmes travées), par une difficulté de mise en application de la parité. (Eh oui ! sur les mêmes travées.)

J’ai même entendu dire tout à l’heure que la conséquence première de la réforme serait d’augmenter la pression fiscale des concitoyens. (Hélas ! sur les travées du groupe socialiste.)

Vous n’avez pas attendu la loi, me semble-t-il, pour avoir recours à ce moyen de façon prégnante dans les régions de France. Cela a été démontré partout, et nous savons que vous êtes assez professionnels dans la pratique de ce sport. (M. Paul Blanc applaudit.)

Alors ne venez pas aujourd’hui énoncer de fausses vérités !

Alors que nous souhaitons réorganiser nos collectivités territoriales, personne ne peut dire que la recentralisation soit au cœur des débats et personne ne peut objectivement affirmer que la fusion entre les départements et la région soit un objectif annoncé de la réforme. (M. Jean-Pierre Bel proteste.)

Non, monsieur le président du groupe socialiste, cela n’est pas la vérité.

M. Jean-Pierre Bel. Écoutez Copé !

M. François-Noël Buffet. Que l’on veuille simplifier, spécialiser les compétences pour certains niveaux de collectivités afin de rendre les choses plus claires pour l’ensemble de nos élus, cela me paraît d’une grande nécessité, et ne changera en rien la capacité de nos collectivités à agir sur le terrain et à continuer à répondre aux attentes de la population.

M. François Patriat. Avec quels moyens ?

M. François-Noël Buffet. Certes, le projet a peut-être, pour vous, le défaut de pointer clairement la responsabilité de l’augmentation de la pression fiscale, ce qui vous obligera, le moment venu, à rendre des comptes aux électeurs lorsqu’ils seront appelés à se prononcer.

M. François-Noël Buffet. C’est sans doute cela qui vous pose des difficultés. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Les propos que vient de tenir M. About sont parfaitement justes : le Sénat tire sa légitimité des collectivités territoriales et leur représentation. Dans ce débat, nous sommes effectivement, comme le dirait le président Larcher, dans notre cœur de métier. C’est notre responsabilité première que de travailler sur l’organisation de notre territoire.

M. David Assouline. Le Grand Paris, par exemple !

M. François-Noël Buffet. C’est bien pour cela, vous le savez tous – j’enfonce une porte ouverte – que le texte est examiné en premier lieu par notre assemblée.

C’est faire bien peu confiance à l’ensemble des élus qui siègent dans cette enceinte et se méfier de leur capacité de travailler sereinement à la réorganisation de nos collectivités locales, c’est faire peu de cas des débats qui ont eu lieu dans les commissions que de vouloir dessaisir ainsi notre assemblée de cette réforme. Or, le président de la commission des lois, ainsi que le rapporteur ici présent peuvent témoigner de la qualité des échanges qui ont eu lieu, entre des membres passionnés, désireux de faire avancer ce dossier.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oui !

M. François-Noël Buffet. Au demeurant, n’omettons pas de dire que nous sommes d’accord sur bien des points de ce projet de loi, même si le débat n’est pas fermé. En effet, tant en matière de parité que sur d’autres sujets particuliers, le temps doit être donné à la réflexion pour trouver la solution la mieux adaptée.

Dans ces conditions, sur un sujet aussi complexe, comportant diverses possibilités de légiférer, concernant des domaines à la fois technique et politique, le fait d’organiser un référendum et de demander à la population de se déclarer pour ou contre, c’est vouloir tenter le diable, en tous les cas, avoir la ferme volonté de faire capoter le projet. Ce n’est pas la nôtre ! (M. David Assouline s’exclame.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le peuple, c’est le diable !

M. François-Noël Buffet. Oui, c’est tenter le diable, parce que, sachez, mes chers collègues, que nos concitoyens voudraient peut-être aller encore plus loin que le projet sur lequel nous sommes en train de travailler.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !

M. François-Noël Buffet. En toute hypothèse, le groupe UMP soutiendra fortement ce projet de loi et votera fermement contre la motion référendaire qui nous est présentée. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le grand avantage de la proposition de notre ami Jean-Pierre Bel, c’est de nous inciter à revenir sur le terrain.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et de faire causer !

M. Jean-Pierre Sueur. Les citoyens, la nation, le peuple sont vraiment étrangers, me semble-t-il, au débat qui a lieu dans cet hémicycle et à l’embrouillamini que vous nous proposez, vous le savez bien.

Il n’est plus question du chômage. Il faut parler de l’identité nationale. Il n’est plus question des difficultés des gens et de la nécessité où nous sommes de mobiliser les collectivités locales pour faire face à la crise, à la misère, à la précarité. Non, dans cette enceinte, nous parlons abstraitement, comme l’illustrent les propos tenus, notamment par M. About ou M. Buffet.

À vous entendre, monsieur Buffet, 80 % des Français soutiennent ce texte. Ne voyons-nous pas d’ailleurs les pétitions s’accumuler dans les mairies, les conseils généraux, réclamant un conseiller territorial ? (Exclamations sur les travées de lUMP.) Ne sommes-nous pas assaillis, chacune et chacun d’entre nous, par des manifestations et des délégations venant nous dire : « Mais enfin, le conseiller territorial n’est pas encore voté ? Vous n’entendez pas nos attentes ! Le peuple, à 80 %, veut un conseiller territorial ! ». (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mais si les Français le veulent à 80 %, pourquoi n’organisez-vous pas un référendum ? Il serait historique, …

M. Nicolas About. Superbe !

M. Jean-Pierre Sueur. … avec 80 % des Français se levant pour réclamer un conseiller territorial !

Or tout le monde voit bien que vous êtes dans le faux, dans l’artifice ! Personne ne croit vos affirmations. Vous n’y croyez pas vous-mêmes, et comme cela se voit, il y a un grand malaise.

M. François-Noël Buffet et Mme Catherine Troendle. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais c’est très clair, mes chers collègues !

Nous avons besoin de régions fortes, face aux enjeux sur le plan tant européen que mondial. Les présidents de région présents dans cette enceinte, notamment François Patriat, se battent pour renforcer l’université, l’innovation, la science, l’aménagement du territoire, le rayonnement international de nos régions. Il faut donner à ces dernières le maximum d’atouts et d’efficacité pour leur permettre de faire face à la difficile compétition dans laquelle elles sont engagées.

M. Jean-Pierre Sueur. Comme l’a dit M. Fortassin, il suffit de lire les textes votés sur la taxe professionnelle pour voir à quel point les régions, privées de marge fiscale, sont maintenant à l’étroit, avec des budgets contraints.

Lors du débat sur les renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, un intervenant a déclaré : « Nous nous engageons à ne pas augmenter les impôts ».

M. Nicolas About. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Bel engagement, magnifique, …

M. Nicolas About. Il sera tenu !

M. Jean-Pierre Sueur. … puisque les régions n’auront même plus le moyen de décider de la fiscalité !

Vous alimentez la confusion en ôtant tout pouvoir fiscal aux régions tandis que vous dites dans le même temps : Vive la décentralisation !

M. Gérard Longuet a publié, dans le journal Les Échos, un article très intéressant auquel je tiens à rendre hommage, certaines remarques suscitant la réflexion.

M. André Dulait. Ah ! Très bien !

M. François Trucy. In cauda venenum !

M. Jean-Pierre Sueur. En particulier, mon cher collègue, à propos des régions et des départements, vous écrivez : « Si on avait utilisé la moitié des sommes consacrées aux giratoires à soutenir les nouvelles technologies, on serait peut-être champions mondiaux dans certains secteurs. »

Je comprends bien ce que vous voulez dire : la France compte un grand nombre de carrefours giratoires,...

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. … et l’on devrait consacrer les moyens à la technologie plutôt qu’aux carrefours giratoires.

Seulement, monsieur le ministre, vous nous proposez d’élire les conseillers régionaux sur une base cantonale, autrement dit de créer de gros cantons. Pensez-vous vraiment que c’est ce qui va faire bouger les régions, leur donner une force et une vitalité nouvelles ?

Ne pensez-vous pas que tel ou tel conseiller territorial, attaché à défendre son territoire, son secteur, son pays, sera tenté, lui aussi, de réclamer la création d’un giratoire au président de son exécutif ?

M. Gérard Longuet. C’est une compétence départementale, et non régionale ! C’est pour cette raison qu’il faut un texte clarifiant les compétences : le giratoire relève du département, la recherche de la région !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce texte n’existe pas, monsieur Longuet !

M. Gérard Longuet. Il viendra : ne soyez pas impatient !

M. Jean-Pierre Sueur. Avec votre système, en « départementalisant » les régions, en les « cantonalisant », vous allez instaurer la République des giratoires…

M. Pierre-Yves Collombat. Des gros giratoires ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Longuet. C’est mieux que la République des girouettes ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. Comme vous, nous voulons, des régions vraiment puissantes, pas pour construire des giratoires, mais pour promouvoir le développement technologique, scientifique, économique et universitaire : voilà la différence entre vous et nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Or cela ne sera pas possible tant que l’on entretiendra la confusion avec les départements, qui, eux, ont une mission de proximité, une vocation sociale ô combien nécessaire et éminente.

Il y a quelques années, M. Raffarin nous avait présenté le projet de loi dont il a été question comme un texte de nature à promouvoir la régionalisation. Résultat : ce fut un projet très départementaliste.

Aujourd'hui, en instaurant les conseillers territoriaux, vous allez en vérité affaiblir les régions de France, alors même que, sur les plans économique, scientifique, universitaire et technologique, nous avons besoin de les rendre beaucoup plus puissantes.

Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, quelque chose ne va pas : vous voulez à toute fin imposer ces conseillers territoriaux et vous refusez obstinément, vous et M. Marleix, de répondre à une question simple relativement à leur future répartition sur l'ensemble du territoire. Si vous tenez à présenter loyalement le dispositif, il faut fournir à nos concitoyens l’information à laquelle ils ont droit !

Ce matin, en commission des lois, nous avons proposé un amendement visant à fixer à quinze le nombre minimum des conseillers territoriaux par département. Il nous a été répondu que ce n’était pas le sujet.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Que ce n’était pas le moment !

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est jamais le moment !

M. Jean-Pierre Sueur. Il nous a donc été dit que ce n’était pas le moment.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas pareil !

M. Jean-Pierre Sueur. Au mois de décembre, lors de l'examen du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, ce n’était pas le moment non plus.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Eh non !

M. Jean-Pierre Sueur. Selon cette logique, monsieur Longuet, la répartition des compétences sera examinée par la suite, car, pour l’instant, ce n’est pas le moment.

La fixation du nombre de conseillers territoriaux dans chaque département, ce n’est pas le moment.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, cela sera étudié ultérieurement : le projet de loi a déjà été déposé.

M. Jean-Pierre Sueur. J’entends bien, mais force est de constater que personne n’a le droit de déposer des amendements « électoraux » devant la commission des lois, à l’exception – on se demande pourquoi – de M. Nicolas About.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Pierre Sueur. En tout cas, mon cher collègue, je vous félicite ! Vous avez obtenu satisfaction ; nous, non : il doit y avoir une raison, nous cherchons laquelle !

M. Nicolas About. Je m’en tiens aux principes !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, il n’est pas honnête, j’emploie ce mot à dessein, de proposer des conseillers territoriaux dans toute la France et de ne jamais dire combien il y en aura dans chaque département et dans chaque région.

Mme Françoise Cartron. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. Quand nous proposons quinze conseillers territoriaux par département, on nous rétorque : mais vous n’y pensez pas, on ne peut pas prendre un tel engagement, ce n’est pas l’heure !

Mais si un département compte effectivement quinze conseillers territoriaux, le département voisin, dans la même région, qui est dix fois plus peuplé, devrait en avoir cent cinquante. On est bien d’accord ?

M. Nicolas About. Pas forcément !

M. Jean-Pierre Sueur. Or M. le Président de la République l’a dit, l'objectif est de passer de 6 000 conseillers généraux et régionaux à 3 000. Par conséquent, s’il y a un plancher, il y a aussi un plafond : autrement dit, le principe d’égalité devant le vote est bafoué !

M. Gérard Longuet. Mais c’est le territoire que l’on défend !

M. Nicolas About. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. Comment pourrait-on soutenir qu’un département dix fois plus peuplé qu’un autre n’aurait droit qu’au double de conseillers territoriaux ?

M. Adrien Gouteyron. Et aujourd'hui ?

M. Jean-Pierre Sueur. Ou alors, baissez le seuil minimal de conseillers territoriaux dans un département à huit, six, voire cinq !

Toujours est-il, monsieur le ministre, qu’à cette question, posée chaque jour par les élus dans nos départements, vous n’apportez aucune réponse. Or vous n’avez pas pu imaginer un tel dispositif sans procéder, au préalable, à des calculs et à des simulations pour vous faire une idée du nombre de conseillers territoriaux à prévoir dans chaque département et région.

Nous avons droit à être informés de la nature réelle et concrète de vos projets. J’attends donc avec confiance et intérêt les réponses précises que vous nous apporterez ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Vous les aurez en juin prochain !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pourquoi vous répondre puisque vous demandez un référendum ?

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, quelle est l’ambition affichée de cette réforme ? Pour la connaître, référons-nous aux propos que vous avez tenus, ici même, dans cette enceinte, pas plus tard qu’hier. Il s’agit, avez-vous dit, d’« engager le chantier de la clarification et de la simplification que, collectivement, nous n’avons pas su faire aboutir en près de trente ans ».

Même si la formule est quelque peu lapidaire et simplificatrice, comment, dans un premier mouvement au moins, ne pas partager une telle ambition, qui, finalement, dans ce qui est dit en tout cas, vise à permettre une meilleure lisibilité de l’action et, donc, du fonctionnement des collectivités ? Nous qui, avec François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre, avons inventé la décentralisation, comment ne serions-nous pas favorables à une réforme aboutissant, au bout du compte, car tel est l’objectif à atteindre, à mieux faire fonctionner notre démocratie ?

Messieurs les ministres, c’est parce que nous sommes des femmes et des hommes de progrès et de mouvement que nous étions prêts à accompagner toute initiative de réforme. C’est aussi pour cette raison que nous nous étions engagés sans réserve, au sein de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par Claude Belot, dans une réflexion jugée par tous comme audacieuse et « proactive ».

Le titre du rapport issu de ces travaux – Faire confiance à l’intelligence territoriale – a assigné, à lui tout seul, tout le sens de la démarche. Il n’y a rien d’étonnant, alors, à ce que les dispositions qui en sont issues soient, pour la plupart, innovantes, pragmatiques et porteuses d’une certaine méthode.

Au regard de votre ambition affichée, monsieur le ministre, on pouvait s’attendre à des convergences fortes avec les conclusions de ce rapport. Il n’en est rien. Où est l’erreur ?

Non seulement vos propositions ne servent pas les objectifs affichés, mais elles actent en outre un divorce absolu et contradictoire avec la position exprimée par la mission sénatoriale.

Après tout, les mots clés utilisés par le Président de la République pour justifier cette réforme – clarification, simplification, lisibilité, efficacité, optimisation –, nous pourrions les faire nôtres. Mais, là est le problème, ils ne connaissent aucune traduction effective dans les choix proposés. Entre vos dires et vos actes, la dichotomie est flagrante.

Qu’en est-il, par exemple, des compétences revisitées de l’État par rapport aux domaines transférés ? Il n’en est pas question, il n’en sera jamais question. Voilà pourtant un élément fondamental d’une réforme des collectivités territoriales. Quid de la clarification des compétences ? Elle est remise à plus tard. Quelle étrange logique !

Messieurs les ministres, dans le cadre de la discussion générale, déjà bien avancée, tout a été dit. La convergence des analyses devrait entamer votre certitude ou votre apparente sérénité – je ne sais comment qualifier votre état d’esprit.

Vous, monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui êtes un élu territorial, vous, monsieur le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, qui, comme moi, présidez un département, vous le savez bien, non seulement ce texte ne clarifie rien, n’optimise rien, mais il créera au contraire davantage de complexité et d’opacité, sans que jamais cela se traduise par des économies sur le plan financier.

Nul ne peut l’ignorer, ce texte, où tout n’est pas dit aujourd'hui, porte en germe des décisions susceptibles de mettre en cause la démocratie ; je pense évidemment au mode de scrutin.

Au-delà de tous ces arguments, deux raisons majeures me paraissent devoir être retenues pour justifier le recours à la voie référendaire.

La première a trait au choix du postulat, évoqué par de nombreux collègues, qui est au cœur de la réforme : le rapprochement entre la région et le département, d'une part, la création du conseiller territorial, d'autre part.

Ce faisant, vous dénaturez ces deux collectivités, vous niez la réalité du fonctionnement de nos territoires. Ce n’est pas seulement une erreur d’analyse, c’est un déni du réel. Vous le savez bien, notre organisation territoriale s’articule autour de deux grands types d’acteurs.

Il y a, d’abord, les acteurs de la stratégie : cela va de l'Europe à la région, en passant par l’État.

La région, c’est l’échelon de mise en œuvre des politiques stratégiques et économiques, des grands équipements, souvent engagés en partenariat avec l’État et l'Europe.

Il y a, ensuite, les acteurs de la proximité, issus du département, de la commune ou de la communauté de communes.

Monsieur le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, le département, c’est l’échelon des solidarités sociales, et il n’y a pas de solidarité sociale sans solidarité territoriale. Pour exercer ces compétences, la clause générale de compétence apparaît comme l’outil majeur.

Or la majorité s’en cache à peine aujourd'hui : il suffit d’écouter ce qu’en dit Jean-François Copé avec une tranquille assurance pour comprendre que tout prélude à une fusion certaine de ces deux collectivités.

En faisant un tel choix, vous allez immanquablement « rétrécir » les régions, qui, mon collègue Jean-Pierre Sueur l’a souligné, se trouveront engluées dans des politiques « cantonalistes » alors qu’elles ont à faire face à des enjeux stratégiques de première importance. Quant aux départements, avec des conseillers territoriaux qui passeront leur temps à sillonner les routes d’un territoire trop grand pour eux, ils s’éloigneront, à coup sûr, de toute réalité.

Mes chers collègues, hier, Philippe Adnot, avec lucidité et pertinence, a souligné le caractère inédit et unique du contenu de la réforme. Voici ce qu’il a déclaré à propos du choix d’instaurer un conseiller territorial, et je vous demande d’y être attentifs : « C’est la négation de l’existence pleine et entière des collectivités locales. Il n’y a pas d’exemple, nulle part ailleurs, de deux assemblées auxquelles on aurait imposé d’avoir les mêmes élus. » Je vous invite à entendre cette observation et cette analyse. Elle emporte, me semble-t-il, à elle toute seule, la nécessité de prendre le peuple à témoin.

Visiblement, d’autres l’ont dit plus éloquemment que moi et point n’est besoin de le développer davantage, c’est l'équilibre territorial qui est ici en cause, cet équilibre entre le monde rural et le monde urbain auquel nos concitoyens sont si attachés, non par conservatisme exacerbé, mais par la conscience qu’ils ont qu’une telle réalité « impacte » leur cadre de vie.

La seconde raison qui justifie le recours au référendum tient à la construction et à l’architecture mêmes du projet de loi. La remise en ordre des compétences est renvoyée à plus tard : aux termes de l'alinéa 1 de l'article 35, dans « un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, une loi précisera la répartition des compétences des régions et des départements ».

Comment comprendre et accepter une telle logique ? Vous définissez d’abord les modalités et présentez votre plan d’action. Mais vous ne dites rien de l’utilité supposée de votre dispositif ; vous renvoyez ce sujet à un débat ultérieur !

J’observe d’ailleurs que la commission des lois ne s’y est pas trompée, puisqu’elle a jugé « imprécises ou dépourvues de portée normative » un certain nombre de dispositions du texte.

La méthode, elle aussi, est inédite et justifie le recours au référendum. Nous aurions alors la garantie de pouvoir expliquer à nos concitoyens, ce qui est évidemment en la circonstance une exigence minimale, la portée et le sens exact des réformes engagées par le biais d’un document global et complet.

Mes chers collègues, puisque nous semblons nous accorder ici sur la nécessité d’une réforme, sur la nécessité de faire plus et mieux pour nos territoires, alors, n’ayons pas peur de prendre à témoin nos concitoyens ! N’ayons pas peur de la démocratie !

S’il est une assemblée qui devrait, au-delà même des clivages politiques, ne pas hésiter à convoquer le peuple, c’est bien celle qui représente les territoires !

Certes, cher président About, ce sont des élus qui nous ont délégués au sein de la Haute Assemblée.

M. Claude Jeannerot. Nous représentons ici, nous ne l’oublions pas, et nous en avons même une immense conscience, les collectivités territoriales.

Mais seul le peuple qui vit dans les territoires est in fine légitime pour dire comment il souhaite que ses pouvoirs et ses responsabilités soient tout à la fois délégués et organisés.

Alors, chers collègues, tous ensemble, donnons raison ce soir au Premier ministre ! Donnons-lui raison lorsqu’il affirme, au moment où il présente ses vœux à la presse, vouloir prendre les Français à témoin sur cette réforme de la décentralisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, j’ai écouté avec la plus grande attention ce qui s’est dit depuis le début de cet après-midi sur la supposée nécessité qu’il y aurait à soumettre au référendum le projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Je voudrais à présent, au nom du Gouvernement, vous faire brièvement part de quelques observations.

Bien que figurant dans le règlement du Sénat depuis 1959, la motion référendaire était, jusqu’à ce jour, une procédure rarement utilisée. Entre 1984 et 2006, c’est-à-dire en vingt-deux ans, elle n’a été utilisée qu’à cinq reprises. J’observe, néanmoins, que, depuis quelque temps, l’opposition semble redécouvrir cette procédure : c’est, en effet, la deuxième fois, en seulement deux mois, que la Haute Assemblée va devoir se prononcer sur une telle motion, la précédente, qui fut repoussée, ayant été présentée, par les groupes socialiste, CRC-SPG, RDSE, à propos du projet de loi relatif à La Poste.

À croire que ce qui était une procédure exceptionnelle semble devenir, dans l’esprit de certains, un effet de séance presque habituel !

M. Jacky Le Menn. Cela n’a rien d’exceptionnel !

M. Brice Hortefeux, ministre. Pour ma part, je ne partage pas ce curieux raisonnement qui consisterait, pour un parlementaire, à souhaiter absolument se dessaisir de ses fonctions législatives !

Il ne s’agit naturellement pas pour moi de faire aujourd’hui le procès du référendum. Nous savons tous que l’article 3 de notre Constitution en fait l’un des moyens d’expression du peuple souverain : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »

Mais nous savons tous aussi que, dans notre tradition républicaine, la démocratie représentative est, en quelque sorte, la règle, quand la démocratie référendaire est l’exception.

J’ai à l’esprit la formule de Benjamin Constant, qui voyait dans la démocratie représentative « une procuration donnée à un certain nombre d’hommes par le peuple, qui veut que ses intérêts soient défendus ».

Cette formule reste pleinement d’actualité. Je crois profondément que le débat parlementaire constitue la garantie d’un examen exhaustif, par la sérénité qu’il apporte, autant que par l’expertise qu’il comporte.

Comment expliquer à nos concitoyens que les parlementaires qu’ils ont élus renonceraient à leur devoir de législateur ?

Comment expliquer, surtout, que des membres de la Haute Assemblée, dont la mission constitutionnelle consiste, précisément, à représenter les collectivités territoriales, souhaiteraient être dessaisis d’une réforme unanimement reconnue comme essentielle pour l’avenir de ces mêmes collectivités ? Convenez qu’il y a là, à tout le moins, un certain paradoxe !

M. le président Hyest, au nom de la commission des lois, comme M. Buffet, au nom du groupe UMP, et le président About, au nom du groupe Union centriste, ont été, à cet égard, particulièrement éloquents. Je n’y reviendrai donc pas.

Je voudrais insister sur un point qui me paraît essentiel. Là où le referendum n’offre, par définition, qu’une réponse binaire - soit oui, soit non - à une question fermée, la procédure parlementaire a l’immense avantage d’autoriser une discussion ouverte ! Des arguments sont échangés, des positions sont rapprochées, des amendements sont déposés.

Et ces amendements, je vous le dis très clairement au nom du Gouvernement, Michel Mercier et moi-même les appelons de nos vœux dès lors qu’ils sont utiles et qu’ils viennent encourager la démarche de réforme ; je veux parler de la vraie réforme, loin des mots qui ne sont que des alibis pour ne toucher à rien et maintenir le tout figé.

Comme vous le verrez à l’occasion du débat, nous ne nous sentons propriétaires d’aucun des alinéas de cette réforme !

Je n’imagine pas que les sénateurs socialistes et communistes, dont beaucoup sont simultanément des élus locaux, trouvent inutile de prendre part à cette discussion ! D’ailleurs, Jean-Pierre Sueur, tout en défendant la motion référendaire, nous encourage à lui répondre précisément dans le cadre de la discussion parlementaire.

Il faut être logique : vous qui avez exercé des responsabilités ministérielles – j’ai occupé les mêmes aux collectivités locales – devez cesser de demander tout et son contraire ! Choisissez entre la motion référendaire et le débat parlementaire !

Je crois qu’il faut dépasser les manœuvres d’obstruction et éviter les fausses querelles. Il faut aussi, si l’on veut que ce débat soit utile, se tenir éloignés des facilités, des caricatures ou des postures.

Ce que je souhaite, au nom du Gouvernement, c’est débattre sereinement avec le Parlement de cette question essentielle, l’organisation territoriale moderne de notre pays.

Adopter aujourd’hui, sur ce texte, en ces lieux, une motion référendaire, cela signifierait tout simplement interdire au Sénat de débattre d’une loi fondamentale pour les collectivités territoriales !

J’en viens au fond.

Si les orateurs, qui exercent des responsabilités et participent à la représentation nationale, sont de qualité, je trouve quand même littéralement « inopérantes », comme disent les juristes, les argumentations que Michel Mercier et moi-même entendons depuis le début de l’après-midi.

Non, ce projet de loi n’instaure en aucun cas une « recentralisation », contrairement à ce que vous essayez parfois d’insinuer ! Et je suis tout proche de rejoindre le président Hyest lorsqu’il a évoqué certains excès. Sans généraliser et aller jusqu’à dire que les faits se sont produits sur tout le territoire, j’ai en mémoire des situations dans lesquelles des responsables de collectivités ont utilisé, par exemple, des cars, des abris-bus afin de donner leur sentiment sur la réforme, et tout cela avec l’argent des contribuables !

Je pose des questions simples. Instituer un élu local puissant, le conseiller territorial, doté de nouveaux pouvoirs, pour simplifier, clarifier, mieux articuler nos collectivités, n’est-ce pas un facteur de décentralisation ? Il est quand même très difficile de soutenir le contraire !

Donner la liberté aux départements et aux régions de se regrouper volontairement, sans que la loi impose les contours de ces regroupements, est-ce une recentralisation ? Il s’agit, au contraire, en donnant plus de pouvoirs aux collectivités locales, de progresser sur la voie de la décentralisation !

Proposer que les conseillers communautaires soient demain élus au suffrage universel direct, est-ce de la recentralisation ? Non, c’est de la décentralisation !

Donner la liberté aux communes qui le souhaiteront de créer une métropole, non pas d’après une liste établie depuis Paris, comme je l’ai entendu hier sur vos travées, mais sur la base du volontariat et à partir d’une dynamique de territoires, c’est, non une recentralisation, mais une décentralisation !

Je voudrais m’arrêter un instant sur les préfets, au sujet desquels j’ai entendu certaines choses cet après-midi. Je pourrais vous citer quelques exemples de parlementaires qui s’inquiètent à juste titre de savoir quand arrivera le remplaçant du sous-préfet récemment muté ! On ne peut pas, d’un côté, critiquer le corps préfectoral, et en même temps, légitimement aspirer à ce que l’État soit présent !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Confier à nos commissions départementales de coopération intercommunale, composées d’élus, le pouvoir d’imposer au préfet des solutions alternatives dans le cadre de l’achèvement et de la rationalisation de la carte intercommunale, c’est tout, sauf une recentralisation ! C’est une vraie décentralisation !

Et lorsque vous citez l’article 72 de la Constitution, citez-le jusqu’au bout ! Je vous en rappelle les termes : « Les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus dans les conditions prévues par la loi. »

C’est bien là, mesdames et messieurs les sénateurs, que résident l’originalité et la spécificité de la décentralisation française : un modèle dans lequel le législateur, c’est-à-dire vous-mêmes, fixe et organise la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités.

La vérité, je l’ai dit hier – je n’ai pas changé d’avis – c’est que la décentralisation est notre patrimoine commun, que nous soyons de droite, de gauche ou du centre. Elle n’est la propriété d’aucun camp politique. Que vous le vouliez ou non, elle n’est pas figée pour l’éternité à ce qui s’est fait en 1982. La décentralisation, c’est le mouvement ! Et vous aurez du mal à nous convaincre du contraire !

Chercher à corriger ses faiblesses, que nous connaissons tous et que nous avons tous un jour ou l’autre décriées, ce n’est pas en faire le procès ou l’affaiblir, c’est, au contraire, la conforter, lui donner un nouveau souffle.

Je vous le dis très directement et très simplement, personne ne sera dupe de ce jeu de rôles !

Vous prenez la pose des défenseurs de la décentralisation. Pour être totalement crédibles, il eût mieux valu avoir voté- ce que, précisément, vous n’avez pas fait- la révision constitutionnelle de 2003, présentée par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui a consacré, à l’article 1er` de notre Constitution, « l’organisation décentralisée » de notre République.

Je souhaite me tromper, mais il me semble que la même logique d’opposition systématique est à l’œuvre aujourd’hui. Je le regrette, car ce n’est pas à la hauteur des enjeux désormais en cause ! Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix la motion de renvoi au référendum, je donne la parole à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. Hier, j’ai entendu notre collègue Éric Doligé dire : «  Le conseiller territorial, j’en ai rêvé, le Gouvernement Fillon l’a fait. »

Je vais répondre à M. Doligé et à vous-même, monsieur le ministre, qui avez dit hier vouloir donner un surcroît de légitimité aux collectivités et aux régions. Pour ce faire, j’évoquerai des faits vécus au quotidien dans la collectivité que j’ai l’honneur de présider.

Monsieur Doligé, ne rêvez pas ! J’ai été conseiller territorial et, aujourd’hui encore, j’en fais des cauchemars ! En 1978, j’étais en même temps conseiller régional et délégué à l’établissement public régional, l’EPR. À la fois conseiller général et conseiller régional, j’étais alors un conseiller territorial qui s’ignorait !

Je me souviens comment, à l’époque, opéraient ces élus qui vivaient ce que vous voulez nous faire revivre aujourd’hui : la chasse aux crédits pour tel ou tel rond-point, pour tel ou tel gymnase, pour telle ou telle église de leur territoire, exercice qui ne leur laissait aucun loisir pour s’occuper de la stratégie régionale.

Si nous défendons aujourd’hui une motion référendaire, monsieur le ministre, c’est parce que nous avons le sentiment – je le dis pour en avoir été le témoin – de vivre la revanche de 1981.

Vous déclarez que la décentralisation est notre bien commun. Permettez-moi de vous le dire, elle est un peu plus le bien commun de la gauche qu’elle n’est le bien commun de la droite.

Je me souviens en 1981 d’avoir eu à ferrailler, sous l’autorité de Pierre Mauroy et de Gaston Defferre, contre MM. Longuet, Madelin, Toubon, Léotard et même contre Philippe Séguin. Pendant des semaines et des semaines, les uns et les autres nous ont dit que la décentralisation, c’était la fin de la France !

Je me souviens des inaugurations intervenues le même jour, le 12 juillet 1992, sous l’autorité de Jean-Pierre Sueur ici présent : celle de l’Office universitaire de recherche socialiste, l’OURS, de Bretagne et celle de la première communauté de communes de France. C’était dans le droit-fil de la loi d’administration territoriale de la République du 6 février 1992.

Mon sentiment, c’est que nous avons voulu, par ce mouvement que nous tenions à impulser, redonner au peuple le pouvoir qu’évoquaient certains de nos amis à cette tribune hier.

Pour ne pas dépasser mon temps de parole, monsieur le ministre, je m’en tiendrai à l’exemple des régions.

Vous voulez, dites-vous, redonner de la légitimité aux collectivités territoriales, et notamment aux régions.

Certes, pour ma part, je ne partage pas tout à fait le sentiment, que j’ai entendu certains exprimer ici, selon lequel demain telle ou telle collectivité va disparaître. Non, les collectivités ne disparaîtront pas, mais, mises à part la commune et l’intercommunalité, sur lesquelles le consensus est réel, toutes seront affaiblies ! Ni la région ni le département ne disparaîtront, dans les termes, c’est vrai, mais ils seront affaiblis.

Ainsi, monsieur le ministre, personne ne peut contester que les régions se verront affaiblies financièrement : avec un budget affecté, une dotation de l’État, une part de la contribution complémentaire dont le taux sera voté par le Parlement, elles seront privées de toute autonomie fiscale et financière.

Elles seront également affaiblies dans leurs compétences, car les blocs de compétences que viennent d’évoquer avec talent Edmond Hervé et Jean-Pierre Sueur vont les entraîner demain à refuser à leurs territoires certains soutiens non démagogiques qu’elles leur accordent aujourd'hui.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela signifie qu’il y a donc des soutiens démagogiques !

M. François Patriat. Sans revenir sur le conseiller territorial et sur la « cantonalisation » des territoires induite par la réforme, je dois dire que l’on ne pourra pas empêcher que les régions soient aussi diminuées dans leur représentation.

Par ailleurs, mes chers collègues, quelles seront demain la légitimité, l’autorité d’un président de région qui aura en face de lui, dans l’hémicycle régional, les trois, quatre ou cinq présidents de département qui, la veille de l’examen du budget, se seront partagé l’argent de la région ? Il n’aura plus d’autorité ! Ce sera un président sous tutelle !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non : ce sera un fédérateur !

M. François Patriat. Enfin, la région sera affaiblie dans son pouvoir de contractualisation lui-même, le projet de loi prévoyant explicitement qu’en l’absence d’accord, et donc de convention, entre une métropole et la région sur le partage des pouvoirs économiques, au terme d’un délai de dix-huit mois, les compétences économiques seront transmises unilatéralement et intégralement à la métropole !

Ne me dites pas, monsieur le ministre, que les régions, qui sont les territoires de l’avenir, ceux qui, aujourd'hui, font entrer, par l’université, par la recherche, par l’innovation, leur population dans l’économie de la connaissance, n’auront pas perdu demain leurs moyens d’action !

C’est cette France des libertés, face à la France des préfets et de l’autorité de l’État, qui est en danger. M. About disait tout à l’heure faire confiance au Sénat pour légiférer.

Certes, monsieur About, le Sénat a mené une réflexion –  j’ai d’ailleurs moi-même participé à toutes les réunions, le mercredi, de la mission Belot-Krattinger –, mais ses travaux ont-ils été retenus dans le projet de loi ? (Oui !  sur certaines travées de lUMP et de lUnion centriste. –  Non !  sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Non, ils ont été balayés d’un trait de plume par un amendement déposé le dernier jour ! Que l’on ne nous fasse donc pas croire que le Sénat pourrait seul renverser la tendance lourde à l’encontre des collectivités locales que traduit ce projet de loi.

Cependant, mes chers collègues, si nous appelons au référendum, ce n’est pas parce que nous sommes un syndicat de défense de ces collectivités : c’est tout simplement pour défendre nos concitoyens, leurs libertés au quotidien, leur santé, leur éducation, leurs déplacements…

Demain, si la réforme est adoptée, ils vont perdre sur tous ces plans et il est donc normal qu’ils soient appelés à se prononcer eux-mêmes par la voie du référendum ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion de renvoi au référendum.

Je rappelle que, en application de l’article 68 du règlement du Sénat, l’adoption par le Sénat d’une motion de référendum suspend, si elle est commencée, la discussion du projet de loi.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Mes chers collègues, je voudrais vous informer que, à l’occasion de ce scrutin, nous allons appliquer pour la première fois les nouvelles modalités élaborées par le bureau, sur l’initiative du président du Sénat, avec le souci d’assurer le déroulement des scrutins publics dans les meilleures conditions possible de clarté et de sincérité.

Je voudrais vous exposer brièvement les « nouveautés ».

Pour solenniser et sécuriser davantage les opérations de vote, le président de séance veillera à ce que toute personne non directement concernée par le scrutin se tienne en dehors du demi-cercle au pied du plateau, à charge pour les huissiers de faire respecter cette règle.

Les opérations de vote se dérouleront à la tribune de l’orateur, où seront disposées les trois urnes « pour », « contre » et « abstention ».

Les opérations de vote seront supervisées par deux secrétaires du Sénat, le premier tenant les trois urnes, pour recueillir les bulletins de vote et les y déposer, le deuxième notant le nom des représentants des groupes, ainsi que les sénateurs votant à titre individuel.

Telle est, mes chers collègues, la nouvelle  scénographie  des scrutins publics, qui, je l’espère, apportera tous les apaisements sur les conditions de leur déroulement.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est l’apport de M. Pignard à la scénographie ! (Sourires.)

Mme la présidente. Ceux qui souhaitent voter « pour » la motion remettront au secrétaire un bulletin blanc.

Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.

Ceux qui souhaitent s'abstenir remettront un bulletin rouge.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

...........................................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Plus personne ne demande à voter ?...

Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l'entendait ?...

En l'absence d'observation, le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 122 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l’adoption 146
Contre 182

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, la motion de renvoi au référendum est rejetée et le Sénat va poursuivre la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

4

Motion tendant à demander un référendum
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Discussion générale (suite)

Réforme des collectivités territoriales

Suite de la discussion d'un projet de loi

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 60, texte de la commission n° 170, rapports nos 169 et 198).

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. René Vestri.

M. René Vestri. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le sujet que nous évoquons aujourd’hui, la réforme des collectivités territoriales, me passionne, comme il vous passionne tous, non pas seulement parce que je suis élu local, maire d’une petite commune et conseiller général d’un canton depuis longtemps, mais parce que je sais au fond de moi que l’identité nationale, comme les particularismes locaux qui font nos terroirs, sont au cœur de notre action.

Les amendements nombreux et pertinents reçus par la commission des lois, qui, d’ailleurs, en a intégré 151, soulignent à quel point ce texte est sensible.

La France, avec ses 36 000 communes, sa centaine de départements, ses vingt-deux régions, serait-elle ce pays où l’exigence de démocratie et de proximité est si forte si elle n’avait pas connu cette organisation territoriale originale et très dense ?

J’ai entendu qu’on ne pouvait plus conserver en l’état notre organisation territoriale et qu’il fallait donc « faire bouger les lignes ».

En l’occurrence, il s’agit des limites de nos communes, de nos anciennes paroisses, de nos départements, de nos villes, et, bientôt peut-être, du pays avec les collectivités de nature européenne.

Mais, sur ces territoires, vivent des femmes et des hommes. C’est pour eux que nous devons organiser les choses, et non pas pour répondre à une exigence technocratique, et c’est ce danger d’une réforme technocratique que nous devons écarter.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. René Vestri. Je salue donc, et je soutiens, les amendements visant à renforcer les garanties de représentation librement déterminées par les communes au sein des organes délibérants des conseils communautaires.

Oui, nous devons réformer, mais en ayant présent à l’esprit les principes de base, et notamment celui qui devrait nous conduire à remettre le citoyen au cœur de nos idées de réformes.

Le citoyen est aujourd’hui contribuable, consommateur, utilisateur de services publics, certes. Or, il reste le sujet principal de nos efforts. C’est à lui que nous devons services et prestations publics, parce qu’il s’acquitte de droits, de taxes et d’impôts.

Notre histoire révolutionnaire nous rappelle l’attachement viscéral des Français à ce que ceux qui les dirigent et prélèvent l’impôt soient des représentants démocratiquement élus.

Alors oui, je souscris pleinement à la proposition de la mission temporaire du Sénat de voir élus les représentants territoriaux au suffrage universel direct.

À ce sujet, une interrogation me semble légitime de la part de nombre d’élus locaux : pourquoi enlève-t-on des compétences à un maire élu qui ne cumule pas de mandat – ce qui est le cas de l’immense majorité des 36 000 maires français –, pour les donner à un président de communauté cumulant souvent deux ou trois mandats et qui n’a pas été élu au suffrage universel direct par les citoyens communautaires ? Remplira-t-il mieux ses fonctions ?

On nous répondra qu’il a autour de lui des fonctionnaires, et c’est bien là que le bât blesse. L’État a supprimé 30 000 emplois en quelques années, les collectivités locales en ont créé davantage, faisant exploser les frais de fonctionnement nécessaires à l’exercice des compétences transférées. En effet, on l’observe aisément : les transferts de compétence ne s’accompagnent jamais d’une baisse du nombre des agents dont les compétences ont été transférées dans les communes d’origine.

Ainsi, la démonstration est faite qu’il y a transfert de compétences sans diminution des charges, ce qui était pourtant l’objectif premier de la réforme il y a quelques années.

Devons-nous d’abord réformer le fonctionnement des collectivités nouvellement créées avant de leur avoir donné leur représentation légitimement élue ?

Devons-nous créer une entité nouvelle et transférer des pouvoirs avant d’avoir cadré les transferts de compétences et donné une définition d’une compétence liée ou d’une compétence commune ou encore d’une compétence propre, chacun de ces termes pouvant se traduire dans une situation locale par une gestion locale d’équipements aussi divers que des ports, des remontées mécaniques, des espaces remarquables, des plans d’eau. On semble considérer qu’un port peut être de compétence communautaire dans des régions où deux ou trois communes sur une quarantaine en ont un... Mais entend-on ces prises de position pour des remontées mécaniques ou un téléphérique ?

Les compétences doivent être librement transférées, comme l’a rappelé le Premier ministre, M. François Fillon, lors des journées parlementaires du Touquet, après décision du conseil municipal et non pas de façon automatique, comme c’est le cas pour les communautés d’agglomération ou les communautés urbaines, en dehors de l’eau, l’assainissement, les transports, le traitement des ordures ménagères, les décharges publiques.

Alors oui, bien sûr, j’appelle de mes vœux la réforme. Il m’apparaît cependant, avec le retour d’expériences que je peux avoir dans mon département, que la sagesse serait de commencer par réfléchir aux transferts de compétences, d’abord, et de définir, ensuite, le fonctionnement des institutions nouvelles.

Que dire aussi de la possibilité pour un élu communautaire d’intervenir sur le PLU – plan local d’urbanisme – d’une commune dans laquelle il n’a jamais eu à partager le destin des habitants ? Ce droit est reconnu aujourd’hui aux seuls habitants d’une commune ?

Mme la présidente. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.

M. René Vestri. Oui, je souhaite que l’on harmonise la fiscalité des différentes entités administratives, mais rien n’est aisé en la circonstance.

C’est tellement évident que la commission des lois, dans sa sagesse, a décidé de rétablir les points suivants.

Le premier concerne l’institution de métropoles.

La commission a rétabli l’autonomie fiscale des communes au sein de la métropole et rendu facultatif le transfert de la dotation globale de fonctionnement.

Elle a prévu de maintenir aux communes membres la prise en charge des équipements de proximité.

Elle a décidé de maintenir aux maires des communes membres de la métropole leurs compétences en matière d’occupation et d’utilisation du sol.

Je souhaiterais, avec votre aide, mes chers collègues, que la définition de l’équipement de proximité soit laissée à la double appréciation conforme des conseils municipaux et communautaires.

Par exemple, le port de plaisance d’une petite commune est-il d’intérêt communautaire de facto ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. René Vestri. Si c’est le cas, pourquoi a-t-on des communes qui, à l’intérieur d’un même département, gèrent elles-mêmes leur port, alors que la commune voisine devra le transférer à un groupement de communes ? Le transfert des équipements de proximité devra donc être accepté et non contraint.

Mme la présidente. Il vous faut vraiment conclure, mon cher collègue, je suis obligée de vous interrompre.

M. René Vestri. Madame la présidente, il est tout de même important que nous puissions nous exprimer. Nous ne sommes pas à la minute et à la seconde près…

Mme la présidente. Le temps de parole a été fixé pour chacun, je suis désolée, il vous faut arrêter là.

M. René Vestri. Permettez que je formule tout de même une dernière remarque et je m’arrêterai sans conclure.

Les collectivités locales doivent donc, quelle que soit leur taille, rester proches de leurs habitants en renforçant la démocratie et en définissant au mieux les responsabilités des uns et des autres. Si nous extrapolons, après la réforme, par la fusion des conseillers généraux et des conseillers régionaux sous le titre d’élus territoriaux, il y aura un élu pour 40 000 habitants.

Et pourtant, certaines communes de deux mille habitants ont dix-neuf élus, mes chers collègues ! Quel rôle auront-ils à part célébrer les mariages... jusqu’au jour où les notaires s’en chargeront ?

Je m’arrête là, mes chers collègues, ne pouvant conclure correctement mon intervention, et je vous remercie de votre attention.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Monsieur le ministre, le texte que vous nous soumettez constitue la deuxième étape d’une réorganisation des pouvoirs locaux qui suscite, chaque jour davantage, interrogations et émoi parmi les élus locaux et la population de nos territoires.

La mise en œuvre de la décentralisation résulte d’une volonté politique forte qui s’est toujours heurtée aux administrations centrales et à ce que l’on appelle communément « la technostructure ».

La réforme est-elle nécessaire ? Oui, nous l’affirmons haut et fort.

Oui, nous devons toiletter l’intercommunalité sous toutes ses formes, la réorganiser, supprimer de très nombreux syndicats, introduire partout où nous le pouvons des notions de performance, d’optimisation et de cohérence.

Le Sénat a d’ailleurs produit un très beau travail, les propositions du rapport Belot, qui en résulte, permettraient d’aller vers la troisième étape de la décentralisation, et ce dans le consensus.

Vous avez cependant choisi de ne reprendre aucune de ses propositions les plus importantes.

Vous avez préféré écouter les grands spécialistes qui n’ont jamais géré une collectivité de proximité et qui, au fond, n’ont jamais été décentralisateurs.

Président de conseil général d’un département rural, je joins ma voix à celle de très nombreux collègues, toutes sensibilités confondues, inquiets de la philosophie de votre projet de loi et de ses principales dispositions.

Je le dis sans détour : votre projet de loi est une hérésie. Le volet, dont nous avons débuté l’examen, en constitue la partie la plus visible par l’opinion, mais aussi la plus démagogique.

Arrêtez de donner en pâture à l’opinion ses élus qui, selon vous, gèrent mal, augmentent les impôts et sont trop nombreux. Ils prouvent le contraire au quotidien. Nos concitoyens le savent. Le taux de participation aux élections locales en témoigne.

Monsieur le ministre, que l’État nous donne l’exemple ! Qu’il supprime les services dans les secteurs de compétences transférées, les organismes qui n’ont pas prouvé leur efficacité et qui génèrent des frais de fonctionnement élevés.

Avant de modifier à l’emporte-pièce la donne territoriale, le Gouvernement aurait été mieux inspiré, me semble-t-il, de tirer sérieusement le bilan de la décentralisation et de poser les réels enjeux de son approfondissement.

Il aurait, par exemple, été judicieux de s’interroger sur le niveau pertinent d’exercice des compétences. Pour nombre d’entre elles, dans les zones rurales, le bon niveau est celui du département : il nous permet de faire de l’optimisation et de la péréquation.

Dans mon département, qui a la taille d’une agglomération moyenne – 170 000 habitants et 340 communes –, les élus communaux ont très vite pris conscience de leur incapacité de prendre en charge un certain nombre de responsabilités. S’il est un niveau auquel il faut laisser la compétence générale, c’est bien le département.

Contrairement à certains exemples que j’ai entendus évoqués au cours du débat, en Midi-Pyrénées, les relations départements région sont institutionnalisées.

Des conventions sur l’économie, la culture et le tourisme nous permettent de conduire sur la durée des actions de partenariat constructives.

Comme l’a fait Jean-François Copé, ayez la franchise de nous dire que votre objectif, à terme, est de fusionner les départements et les régions !

Je dirai quelques mots sur le mode de scrutin : n’éloignons pas l’élu du citoyen. J’ai bien entendu la proposition d’Hervé Morin : mélange de scrutin uninominal et de scrutin proportionnel à un ou à deux tours. Mais il s’agit, comme l’a fort bien dit François Patriat voilà quelques instants, d’un retour à l’établissement public régional, l’EPR.

J’ai moi aussi été un conseiller territorial sans le savoir.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Nous l’avons tous été !

M. Gérard Miquel. Mais, à l’époque, que faisions-nous ? Nous allions à la région pour demander des financements pour les territoires dont nous étions les élus.

Monsieur le ministre, l’imagination du Gouvernement sur le sujet est débordante !

Aujourd’hui, nous avons la proportionnelle et la parité pour les élections européennes, régionales, municipales, et pour une partie des sénatoriales, le scrutin uninominal à deux tours pour les élections législatives et les cantonales.

Je m’inquiète beaucoup pour nos amis députés, eu égard aux perspectives que vous affichez aujourd'hui. En effet, nous ne pourrons pas garder des députés qui seraient les seuls à être élus au scrutin uninominal.

M. Michel Mercier, ministre. Qui a instauré la proportionnelle ?

M. Gérard Miquel. La seule solution qui s’imposera à nous, c’est la proportionnelle intégrale pour toutes les élections.

Ce ne sera pas très positif, me semble-t-il, pour augmenter le niveau de participation aux élections, mais quand je vois la facilité avec laquelle nous avons fait les listes régionales, mes chers collègues, je ne doute pas de l’efficacité d’un tel système… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Quant aux conseillers territoriaux, c’est encore une invention technocratique ! Ils seront, au minimum, quinze conseillers pour les petits départements, nous dit-on ! Le mien en compterait donc quinze. La ville de Cahors – 20 000 habitants – compte trente-trois élus.

M. Michel Mercier, ministre. Cela fait beaucoup !

M. Gérard Miquel. Comment gérer un département, compte tenu de toutes les compétences que vous lui avez transférées, avec quinze élus ? Je considère, pour ma part, que c’est une mission impossible.

Pour la région Midi-Pyrénées, qui compte huit départements et qui est plus grande que la Belgique, vous prévoyez 182 conseillers territoriaux au minimum. Avec quel statut ? Compte tenu de la masse de travail et des compétences exercées, je ne vois pas d’autre solution que d’avoir des conseillers territoriaux retraités ou fonctionnaires.

Au plus haut niveau, on nous traite de ringards et de conservateurs. Donnez l’exemple, monsieur le ministre !

La suppression envisagée de la clause générale de compétence ne concerne pas les communes. Celles-ci, y compris les plus petites, pourront ainsi conserver leur budget social, dont je vous rappelle qu’il est alimenté par la vente des concessions funéraires…

Au moment où le Gouvernement prétend lutter contre les archaïsmes, cette survivance d’un autre âge lui apparaît sans doute résolument moderne !

Arrêtez d’agir ainsi et vous gagnerez en crédibilité !

Pour en revenir aux compétences des conseils généraux, je veux distinguer deux catégories de nature bien différente.

Je considérerai, d’abord, celles que je qualifierai de « plein exercice » assumées par les départements dans le cadre d’une large autonomie. Il s’agit de l’entretien et de la construction des routes, des collèges, des transports scolaires... Pour l’ensemble de ces missions, nous effectuons des investissements et nous mettons en place des services en fonction de nos choix et de nos moyens.

Mme la présidente. Je vous prie de conclure, mon cher collègue !

M. Gérard Miquel. Je vais conclure, madame la présidente, mais hier les orateurs ont largement dépassé leur temps de parole ! Donc je me permets, sur un sujet aussi important, de le dépasser également. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Ensuite, il y a les compétences, principalement en matière sociale, pour lesquelles nous sommes tributaires de tarifs et de montants définis par l’État sur le plan national.

Qu’on ne se méprenne pas : je ne m’insurge pas contre l’application de critères identiques en tout point du territoire national ; je demande simplement à l’État d’aller au bout de sa démarche et d’être cohérent !

Pourquoi attendez-vous des départements et des régions qu’ils participent au financement des routes nationales et des lignes à grande vitesse, alors qu’il s’agit de compétences de l’État ?

Nous sommes loin de l’autonomie financière prévue dans la loi !

Dans les domaines où l’État garde l’autorité de fixer les règles que les collectivités ont ensuite pour tâche de mettre en œuvre, il se doit de prévoir les compensations financières à l’euro près. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)

Ne soyez pas impatients, chers collègues, j’en viens à ma conclusion !

Les collectivités ont démontré, tout au long de ces décennies, leur capacité à gérer au plus près des citoyens, souvent bien mieux que l’État ne le faisait lui-même. Elles ont également su engager des actions innovantes, répondant aux besoins d’un large public.

M. René Garrec. Ça, c’est vrai !

M. Gérard Miquel. L’Histoire retiendra que des hommes visionnaires ont mis en œuvre la décentralisation : François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre. D’autres l’ont approfondie, tel Jean-Pierre Raffarin.

Monsieur le ministre, avec nos propositions, nous voulons vous aider pour que vous ne soyez pas, demain, celui qui aura mis en terme à cette belle aventure humaine qu’est la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en évoquant un sujet qui n’a été que très peu abordé jusqu’à présent, à savoir les pays.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ah, très bien !

M. Alain Fouché. La majorité de ces pays fonctionnent bien, mais d’autres fonctionnent moins bien. Toutefois, ce n’est pas une raison suffisante pour envisager de les supprimer.

Au nom de la délégation parlementaire à l’aménagement et au développement durable du territoire du Sénat, qui existait encore voilà quelques mois, j’avais déposé, en juin 2006, un rapport d’information intitulé « Quel avenir pour les pays ? ». Ce rapport avait nécessité l’audition de plusieurs responsables de pays de tous horizons et de toutes tailles. Je tiens à rappeler les points incontestables que j’avais alors soulignés.

Les pays constituent un bon outil de réflexion, d’initiative et de coordination de projets pour un certain nombre de communautés de communes, auxquelles se joignent très souvent des communes isolées qui n’ont pas souhaité adhérer à un EPCI. Compte tenu d’un nombre d’emplois réduit, ils affichent un coût de fonctionnement extrêmement faible – avec très peu d’emplois – comparé à celui des communautés de communes, qui se sont souvent dotées de structures très étoffées et budgétivores.

Leurs champs de compétences sont variés et souvent pertinents : ils répondent aux besoins de la population d’un « bassin de vie » que la commune ou l’intercommunalité ne peuvent, seules, satisfaire et pour lesquels le département ou la région ne constituent pas un échelon suffisant de proximité.

On compte aujourd’hui en France plus de 350 pays, couvrant près de 80 % du territoire, généralement reconnus par les élus locaux comme les lieux d’exercice d’une « démocratie de proximité ».

Le texte prévoit de maintenir pendant un an les pays qui existent et d’empêcher la création de toute nouvelle structure. Toutefois, passé ce délai, on ne pourra contraindre les pays constitués sous forme d’association qui le souhaitent à passer des conventions avec les collectivités quand leurs compétences seront définies. Les associations, quelles qu’elles soient, pourront contractualiser avec les régions, les départements et les communautés de communes, comme elles le font aujourd’hui lorsqu’elles sont subventionnées.

Monsieur le ministre, il faut favoriser le maintien des pays, car les élus souhaitent la poursuite de leurs missions. Pouvez-vous me rassurer à cet égard ?

M. Michel Mercier, ministre. Sans problème !

M. Alain Fouché. Par ailleurs, je tiens à vous livrer quelques-unes des réflexions dont m’a fait part mon collègue Jean-Claude Etienne, car il ne pouvait être présent cet après-midi.

À ses yeux, l’élu territorial constitue un point de cristallisation de ce texte. Jean-Claude Etienne a cependant le sentiment, après avoir entendu ses collègues, que c’est sur le mode de désignation de ce nouvel élu, à un ou deux tours, que porte l’essentiel de la problématique.

Il reste que, sur ce point comme sur toutes les questions à propos desquelles il existe une divergence entre majorité et opposition, le Gouvernement a fait preuve d’un esprit d’ouverture. La plupart d’entre nous, quelle que soit notre appartenance politique, avons, dans la tradition de la Haute Assemblée, la volonté de construire, et ce en dépit de toutes les difficultés qui peuvent se présenter.

Que le Sénat tout entier s’applique à dégager quelques convergences salvatrices pour notre territoire, et une fois encore la Haute Assemblée méritera le titre de « Grand Conseil des communes de France » que Gambetta lui avait décerné il y a plus de cent ans ! À cet égard, l’intervention de Philippe Richert a été à haute valeur ajoutée.

Un point qui pourrait sembler de détail mérite tout de même qu’on s’y arrête : la place et le rôle des petites communes dans ce qui fait le plus consensus ici, à savoir l’intercommunalité.

Si la commune demeure la pierre angulaire de la vie de nos territoires, l’intercommunalité en est devenue le prolongement opérationnel, destiné à pouvoir faire à plusieurs ce que la commune ne peut réaliser seule.

Vous l’avez rappelé hier en début d’après-midi, monsieur le ministre, pas plus aujourd’hui qu’hier on n’oppose commune et intercommunalité. Mais il est vrai que l’esprit intercommunal peut légitimement se nourrir d’autres attendus que le seul esprit communal, et l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel pour les communes les plus peuplées peut, de ce point de vue, être entendue favorablement.

Au moment où l’intercommunalité va se généraliser sur l’ensemble du territoire, vous devez être attentif aux quelques souffrances existentielles qui se sont fait jour chez les élus des communes les plus petites dans certains conseils communautaires. Tout pouvant se décider sans elles, ces petites communes ont parfois le sentiment d’être des laissés-pour-compte, les parents pauvres ou les oubliés de l’intercommunalité.

Dans la Marne, département à caractère rural marqué, il a été observé que plusieurs petites communes ne participaient même plus aux conseils communautaires. (M. le ministre s’étonne.)

M. Dominique Braye. Eh oui, c’est vrai !

M. Alain Fouché. Tout récemment, le maire d’une de ces petites communes a saisi l’occasion des effluves médiatiques du cinquantième anniversaire de la mort d’Albert Camus pour le citer : « La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. » Il a ajouté : « Parce que minoritaires, nous avons parfois le sentiment de ne pas être protégés par l’intercommunalité, ce qui peut nous conduire à la rejeter. »

Certaines communautés de communes fortement touchées par cette conséquence délétère de l’intercommunalité mal vécue y ont remédié avec succès en créant au sein du bureau même de l’EPCI une vice-présidence dédiée aux petites communes et désignée parmi leurs représentants.

En ce qui concerne l’attribution maximale de 49 % des sièges à une seule commune, il conviendrait d’en ramener le taux à 33 %, préservant ainsi mieux les petites communes des accords orchestrés par les plus grandes. En l’occurrence, la voie réglementaire, plutôt que législative, ne pourrait-elle, sur ce point, monsieur le ministre, trouver matière à s’exprimer ? C’est en tout cas la question que se pose Jean-Claude Etienne.

Le développement intelligent de nos territoires, aux niveaux tant communal et intercommunal que régional et départemental, relève d’une bonne coordination, garantissant la cohérence des actions qui y sont menées. C’est dire combien cette réforme est digne du plus grand intérêt et peut prendre un relief porteur d’espoir dans la mesure où ce projet de loi bénéficiera des enrichissements rédactionnels que le Sénat tout entier lui apportera. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir sur l’impact globalement négatif que la réforme territoriale dont nous discutons ne manquera pas d’avoir pour ce qui concerne l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs et aux responsabilités politiques si le Gouvernement ne revient pas sur le mode de scrutin que, pour l’instant, il envisage d’appliquer à l’élection des conseillers territoriaux.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Michèle André. Je placerai mon intervention – vous ne vous en étonnerez pas, mes chers collègues, de la part de la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ! – sous l’égide de deux femmes célèbres, l’une appartenant à l’Histoire, l’autre à la légende : Olympe de Gouges et Pénélope.

Olympe de Gouges, grande figure du féminisme, a été l’une des premières femmes à revendiquer l’égalité politique pour les femmes, avec cette formule frappante, inscrite à l’article 10 de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune. » (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Michèle André. Elle monta effectivement sur l’échafaud le 3 novembre 1793, mais n’eut jamais l’occasion de s’exprimer, en citoyenne, à la tribune.

Deux siècles plus tard, mesurons le chemin parcouru ! Je suis fière de pouvoir m’exprimer, en qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes, à la tribune de cette assemblée, qui compte maintenant 22,4 % de sénatrices. Vous pouvez apprécier la marge de progrès !

Est-ce à dire que la partie est gagnée ? Non, car rien n’est jamais acquis, et nous devons sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier.

Qui ne connaît la figure de Pénélope, l’épouse d’Ulysse, qui défaisait la nuit le tissage qu’elle avait patiemment réalisé dans la journée, pour retarder l’échéance abhorrée où elle devrait se choisir, parmi les prétendants, un nouvel époux ?

J’ai l’impression que le Gouvernement est aujourd’hui dans la posture de Pénélope : d’une main, il propose de favoriser la place des femmes dans les conseils municipaux des petites communes, ainsi que dans les conseils communautaires, mais, de l’autre, il propose, pour l’élection des conseillers territoriaux, un mode de scrutin qui se traduira inévitablement par un recul de la place des femmes à l’échelon des régions, où la parité est pourtant devenue une réalité effective.

Et, contrairement à ce que certains ont été tentés d’affirmer, la progression des femmes dans les conseils municipaux des petites communes ne saurait en aucun cas compenser la régression de la place des femmes à l’échelon régional, encore moins la justifier.

Globalement, votre projet se traduira donc, monsieur le ministre, par une régression de la parité et ce triste constat est, vous le savez, très largement partagé.

Dès le 23 octobre 2009, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale, Mme Françoise Vilain notre homologue au Conseil économique, social et environnemental, et moi-même avons diffusé un communiqué de presse commun pour nous inquiéter d’un projet qui aura pour effet quasiment mécanique d’exclure les femmes des responsabilités départementales et régionales.

Les évaluations auxquelles a procédé l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, service du Premier ministre, montrent en effet que les scrutins uninominaux ne se prêtent pas à des dispositifs contraignants garantissant la parité et qu’ils conduisent toujours les partis politiques à sacrifier les femmes. Regardez les résultats des dernières élections cantonales : 12,3 % de femmes élues !

Le dispositif que vous proposez, qui fait la part belle à ce type de scrutin, permettra peut-être une légère amélioration de la participation des femmes au niveau du département, mais cela se traduira inévitablement par une forte régression au niveau des conseils régionaux, alors que ceux-ci sont aujourd’hui parvenus, avec 47,6 % de femmes, à une parité effective. Cette régression n’ira-t-elle pas jusqu’à remettre en question la parité des exécutifs régionaux, pourtant garantie par la loi de janvier 2007 ?

Plus grave encore : comment concilier ce retour en arrière avec le principe capital introduit dans la Constitution en 1999, grâce au gouvernement Jospin : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives » ?

Je n’évoquerai qu’en passant le caractère très particulier, au regard de notre tradition politique, du mode de scrutin à un tour que vous envisagez. Ceux, et ils sont nombreux, qui fréquentent le Palais du Luxembourg ont peut-être remarqué, dans l’un des couloirs du sous-sol, au cœur d’une exposition consacrée aux représentations de Marianne, cette belle affiche où la République piétine le scrutin à un tour avec cette légende : « Le scrutin majoritaire à deux tours écrasera la réaction. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Monsieur le ministre, nous vous invitons donc à revoir le mode de scrutin des conseillers territoriaux auquel une majorité de parlementaires est maintenant opposée, à cause de la parité, mais aussi pour bien d’autres raisons.

Nous souhaitons également vous inciter à aller jusqu’au bout de votre démarche pour assurer la parité dans les conseils municipaux et à prendre en compte la demande de l’Association des maires ruraux de France, qui propose d’élargir le scrutin de liste et l’obligation de parité à l’ensemble des communes de moins de 3 500 habitants. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Nous avons d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.

Ainsi pourrions-nous enfin laisser Pénélope prendre un repos bien mérité et permettre aux femmes de monter à parité avec les hommes aux tribunes de nos différentes assemblées locales, comme l’avait souhaité Olympe de Gouges. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion générale de ce projet de loi a été de haute tenue ; je tenais à le dire d’entrée de jeu aux trente-cinq membres du Sénat qui se sont successivement exprimés à cette tribune. Je les remercie d’avoir apporté leur expérience, leur savoir-faire et témoigné de leur engagement dans une République décentralisée.

Je salue M. Pierre Mauroy, ancien Premier ministre, qui a été le premier à travailler sur le sujet. J’ai d’ailleurs eu l’honneur de faire partie, au titre des personnalités qualifiées, de la commission pour l’avenir de la décentralisation qu’il a présidée et animée, et au sein de laquelle nous avions travaillé ensemble dans de bonnes conditions. Je propose que nous fassions preuve, dans ce débat, de la même ouverture d’esprit et de la même disponibilité.

Je salue aussi M. Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l’intérieur, à l’origine de la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. Alors membre d’un gouvernement minoritaire au Sénat, vous aviez su faire preuve d’ouverture à l’égard du rapporteur, M. Daniel Hoeffel, dont je salue la présence dans la tribune officielle (Applaudissements.), et de moi-même, alors rapporteur pour avis.

À l’occasion de cette discussion générale, la Haute Assemblée a parfaitement tenu le rôle que lui assigne spécifiquement la Constitution, à savoir la représentation des collectivités territoriales de la République.

Je remercie le rapporteur, M. Jean-Patrick Courtois, de nous avoir fait bénéficier de sa connaissance d’élu local. S’il est aujourd’hui maire d’une grande ville, il a commencé sa vie politique dans un canton extrêmement rural, situé à la limite d’un département qui ne l’est pas moins !

Je le remercie également du soutien qu’il a apporté à la démarche et à l’ambition du Gouvernement en matière de décentralisation, soutien qui est pour nous d’un très grand prix. À travers les amendements que la commission des lois a acceptés, il a très clairement montré son souci de pragmatisme, de respect des libertés locales, de souplesse et de simplification.

Je me réjouis notamment du fait qu’il ait qualifié la création du conseiller territorial d’acte de confiance dans la démocratie locale ; c’est bien vrai !

J’ai entendu, comme il est normal, beaucoup de choses à ce sujet, mais le projet du Gouvernement est simple et cohérent. C’est le constat de ce qui existe, à savoir deux couples institutionnels qui agissent, le premier étant celui que constituent la commune et l’intercommunalité.

M. Alain Anziani. Ce n’est pas vrai partout !

M. Michel Mercier, ministre. Ce n’est peut-être pas vrai chez vous, mais, dans les quatre-vingt-dix-neuf autres départements, les communes et l’intercommunalité sont actives. Cela ne pose donc aucun problème.

J’aime bien écouter tout le monde et je le fais toujours avec intérêt, mais j’espère être en mesure d’aller moi-même au bout de mon propos…

Je disais donc que les communes et l’intercommunalité forment le premier couple. C’est tellement vrai que ce sont les mêmes élus qui gèrent les deux et, si le projet du Gouvernement est adopté, ils seront élus ensemble le même jour.

Quant au second couple, celui que composent les départements et la région, il sera également animé et géré par les mêmes élus désignés le même jour.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur, vous avez tout à fait raison de dire que la création du conseiller territorial est un acte de confiance dans la démocratie locale et de renforcement de la décentralisation.

Mme Jacqueline Gourault. Mais tout dépend de la façon dont il est élu !

M. Michel Mercier, ministre. Je ne vous comprends pas, madame Gourault. Je croyais que vous étiez favorable à cette réforme puisque vous l’avez, avec moi, soutenue lors de l’élection présidentielle…

Mme Jacqueline Gourault. Mais tout dépend, disais-je, de la façon dont ce conseiller territorial est élu !

M. Michel Mercier, ministre. J’y viendrai tout à l’heure. Mais, d’une façon ou d’une autre, on est toujours élu !

M. Jean-Luc Fichet. C’est incroyable !

M. Michel Mercier, ministre. Il en ira de même pour les conseillers territoriaux. Nous prendrons le temps qu’il faut pour en parler.

Comme l’a dit le ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux, le Gouvernement est, pour l’essentiel, favorable aux amendements que la commission a, le plus souvent, adoptés sur proposition de son rapporteur. Les seuls points sur lesquels il existe entre nous des nuances concernent les statuts des métropoles et des communes nouvelles, mais le débat est là pour nous permettre de trouver la bonne solution.

Je remercie M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances, d’avoir démontré avec force et conviction la cohérence entre, d’une part, la réforme de la taxe professionnelle, que le Parlement a adoptée et que le Conseil constitutionnel a validée, et, d’autre part, la réforme institutionnelle des collectivités territoriales. Les amendements que cette commission a adoptés sur sa proposition viendront renforcer encore la cohérence entre ces deux démarches.

Je remercie M. Alain Lambert de sa contribution à nos travaux, à la fois comme ancien ministre du budget, comme président de la Commission consultative d’évaluation des normes et comme président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je le remercie également d’en appeler tout à la fois au pragmatisme et à l’audace.

Je voudrais remercier aussi Mme la présidente Nicole Borvo Cohen-Seat, dont j’écoute toujours les interventions avec beaucoup d’intérêt, même si, vous le savez, madame, nous ne sommes pas très souvent d’accord… C’est ainsi !

Je l’avoue, madame la sénatrice, j’aurais aimé vous entendre formuler quelques propositions plus concrètes. Mais je suis sûr que les débats vous permettront d’en exposer. Je me réjouis néanmoins d’avoir pu trouver, parmi vos amendements, quelques rappels utiles. Je pense, notamment, à la consultation nécessaire des instances paritaires. En effet, c’est en associant les fonctionnaires territoriaux que nous réussirons la réforme. À cet égard, je m’inscris dans la continuité de la loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale, que le Parlement avait adoptée sur la proposition de M. Brice Hortefeux.

Monsieur Maurey, nous sommes absolument d’accord sur l’essentiel. Oui, nous avons un devoir collectif qui est de réussir ensemble une réforme que vous avez vous-même qualifiée d’indispensable et de nécessaire.

Je vous remercie du soutien que vous apportez au principe de la création du conseiller territorial, en soulignant qu’il s’agit de la clé de voûte de la réforme. C’est bien ce principe du conseiller territorial que le Gouvernement vous propose d’approuver en adoptant ce projet de loi puisqu’un second texte traitera spécifiquement de la définition du conseiller territorial et, surtout, de son mode d’élection.

Je suis sûr que, le moment venu, nous saurons définir ensemble le mode de scrutin répondant le mieux aux exigences qui doivent nous guider et que pratiquement tous les orateurs ont rappelées : la représentation de l’ensemble des territoires, la prise en compte des réalités démographiques, le respect du pluralisme et l’objectif de parité.

M. Michel Mercier, ministre. Nous ne sommes pas encore parvenus à un texte définitif, mais nous pouvons d’ores et déjà affirmer aujourd'hui les principes qui doivent nous guider dans la recherche du mode de scrutin à retenir pour l’élection du conseiller territorial.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est l’amendement About !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Jean-Pierre Sueur, je vous remercie de vos multiples interventions dans ce débat. Comme toujours, elles sont frappées au coin du bon sens, de l’expérience. Même s’il nous arrive d’avoir des points de vue très différents, je sais que vous êtes un législateur attentif et précis. Par conséquent, dès lors que vous n’obéirez pas à un esprit de système et que vous ne pratiquerez pas l’opposition automatique, nous trouverons les moyens de progresser ensemble. C’est, en tout cas, ce à quoi je vous invite.

M. Jean-Michel Baylet n’a pu revenir cet après-midi, ce qui est très dommage pour nous tous. J’ai écouté attentivement son intervention, qui, je le sais, était inspirée par l’expérience de ses responsabilités locales. Je n’oublie pas non plus qu’il a été, voilà quelques années, secrétaire d'État aux collectivités locales.

Il a exprimé un désaccord de fond avec l’institution du conseiller territorial. J’en prends acte, mais j’espère que les débats permettront de rapprocher nos positions et de le convaincre que cette mesure renforcera la décentralisation, car, loin de nuire au département, cet élu enraciné dans une circonscription sera aussi ouvert aux enjeux généraux.

Je remercie M. Jean-Louis Masson d’avoir apporté un soutien très clair à plusieurs dispositions importantes du texte, inspirées par les travaux du comité Balladur, notamment l’aménagement de la clause de compétence générale et le conseiller territorial.

Je remercie le président Gérard Longuet d’avoir souligné la cohérence du calendrier de la réforme, ce qui me permet de répondre à l’ensemble des orateurs qui ont interpellé le Gouvernement sur ce thème.

Ce dernier avait deux options. La première était de proposer un texte unique, mais nécessairement très long et complexe, que l’on n’aurait pas manqué de qualifier de confus. La seconde consistait à proposer un ensemble de plusieurs textes liés entre eux, mais formant chacun une entité homogène. C’est cette solution qui a été retenue, avec le souci de la transparence et de la lisibilité puisque ces quatre textes ont été déposés en même temps sur le bureau de la Haute Assemblée.

Vous connaissez maintenant les intentions du Gouvernement et les choses sont claires. Il nous restera à travailler sur les compétences et les cofinancements. Chacun comprendra que nous ayons fait le choix de poursuivre la concertation. Toutefois, comme nous l’avons déjà indiqué, et le ministre de l’intérieur l’a encore rappelé hier à cette tribune, nous ferons en sorte que les principales orientations soient clarifiées au moment de l’adoption du présent texte. Ainsi sera assurée la cohérence de l’ensemble de la réforme. Au moment où la loi institutionnelle sera votée, tous les textes seront connus.

M. Longuet a très clairement expliqué la forte logique de cette réforme, l’organisation de nos collectivités autour de deux blocs, chacun scellé par l’unité de leurs élus. C’est là l’essentiel.

J’ai bien noté son attachement à une métropole dotée des moyens de ses ambitions et j’ai bien compris qu’il s’agissait d’une position personnelle, ne recouvrant pas nécessairement les choix de la commission des lois. Le Gouvernement a trouvé dans son projet, notamment en ce qui concerne les métropoles, un équilibre entre les positions des élus, exprimées notamment par les organisations d’élus, et les conclusions du comité Balladur. On peut aller plus loin ; le dialogue n’est pas fermé et il n’y a aucune opposition de principe de notre part. Il appartiendra alors aux parlementaires de faire évoluer les choses. Comme l’a dit ici même M. Brice Hortefeux, le Gouvernement vient devant le Parlement avec le désir d’avoir un vrai débat, dans un esprit de dialogue et d’ouverture.

J’ai retrouvé dans l’intervention de Mme Beaufils les mêmes critiques que dans celle de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais, après tout, il n’y a pas là de quoi être surpris. J’ai bien compris qu’aucune disposition ne trouvait grâce à ses yeux. La longueur des débats nous permettra peut-être d’avoir au moins un point d’accord. À défaut, nous devrons assumer nos désaccords !

Madame Gourault, vous avez d’abord rappelé que les travaux et les débats sur cette réforme avaient été nombreux, et qu’ils s’étaient déjà étendus sur plusieurs mois. Cela prouve que le Gouvernement ne cherche pas à passer en force, et je vous remercie de l’avoir ainsi souligné.

Pour élaborer de projet de loi, nous avons effectivement attendu la fin des travaux des associations d’élus, comme l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des régions de France, de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par M. Claude Belot et dont vous avez été rapporteur avec M. Krattinger, et du comité Balladur.

M. Pierre-Yves Collombat. Ça n’a servi à rien !

M. Michel Mercier, ministre. Je vous remercie d’avoir relevé le sens du dialogue et de la concertation dont a fait preuve le Gouvernement. Sachez que cet esprit restera présent en permanence. Je vous sais d’ailleurs gré d’avoir cité le Président de la République et le Premier ministre dans votre intervention. Tout au long de la discussion du texte, vous pourrez vérifier que le même esprit nous anime.

Monsieur Mauroy, c’est toujours avec grand intérêt que nous vous écoutons. D’ailleurs, l’hémicycle était plongé dans un silence, sinon religieux (Sourires), du moins extrêmement respectueux au moment où vous avez pris la parole.

Pour tout dire, j’ai trouvé votre intervention un peu dure. Évoquer une contre-réforme, cela manquait peut-être de nuance ! J’en suis sûr, vous vous dites que différentes propositions peuvent être améliorées, sans rejeter, d’une façon générale et absolue, l’ensemble du texte.

Les critiques sont normales ; il faut les accepter, car elles nous permettent de progresser. Toutefois, il ne me semble pas possible de parler, concernant ce projet de loi, de « recentralisation ». En effet, recentraliser, je le dis très clairement, ce serait reprendre ce qui a été donné. Or le Gouvernement ne reprend rien ! Les collectivités locales garderont les compétences que différentes lois leur ont accordées au cours des vingt dernières années.

Le conseiller territorial sera un élu puissant. Comment peut-on prétendre que la création d’un élu puissant est un acte de recentralisation ? On peut s’opposer au principe de cette création, mais on doit néanmoins convenir que la libre administration des collectivités locales n’est, à aucun moment, remise en cause dans ce texte.

Je remercie M. de Montesquiou du soutien qu’il a apporté à la réforme. Le Gouvernement partage son diagnostic et nous parviendrons probablement à trouver des réponses communes. Son volontarisme faisait en tout cas plaisir à entendre !

M. Sido a eu raison de rappeler, en tant que président du groupe de la droite, du centre et des indépendants de l’Assemblée des départements de France, que les présidents de conseil général étaient nombreux à soutenir la création des conseillers territoriaux, la considérant comme une chance pour les départements. Le Gouvernement a entendu leur souhait de conserver une capacité d’initiative, laquelle représente un élément de souplesse : c’est l’objet de l’article 35 du projet de loi.

Monsieur Vera, vous dénoncez la mort des communes et des départements, alors que, précisément, le Gouvernement a souhaité conserver et conforter ces deux échelons en proposant une réorganisation de notre paysage institutionnel autour de deux pôles complémentaires qui conserveront et les communes et les départements.

M. Michel Mercier, ministre. Vous le savez parfaitement, monsieur Peyronnet !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous voulez les embaumer !

M. Michel Mercier, ministre. Mais bien sûr que non ! Tout le débat nous permettra de vous en convaincre !

Madame Goulet, vous souhaitez une réforme de la carte cantonale et une accélération dans la mise en place de l’intercommunalité. Ce sont précisément deux éléments très forts de la réforme que vous propose le Gouvernement. Je le rappelle, réforme ou pas, nous ne pouvons pas conserver la carte actuelle des cantons.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Michel Mercier, ministre. Il faudra procéder à un redécoupage. Dans une démocratie, ce sont d’abord les citoyens qui comptent. Bien sûr, d’autres critères, notamment celui des territoires, peuvent ensuite être pris en considération. Chacun ici, me semble-t-il, en sera d’accord.

Monsieur Collombat, je ne peux pas vous laisser qualifier ce projet de loi de « fric-frac électoral ».

M. Pierre-Yves Collombat. C’est le président du Sénat qui a utilisé cette expression !

M. Michel Mercier, ministre. Vous avez dû mal comprendre ! (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Il est vrai qu’il ne la reprenait pas à son compte ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Mercier, ministre. Quoi qu’il en soit, il n’y a aucun « fric-frac électoral » ! D’ailleurs, ce texte ne vise pas à déterminer le mode d’élection du conseiller territorial.

Encadrer les cofinancements ne signifie pas qu’il y ait un financeur unique. Il s’agit simplement d’organiser des « tours de table » plus simples, pour permettre aux élus de mettre en œuvre leurs projets pendant la durée de leur mandat, tout en évitant la mise en concurrence des collectivités que nous constatons tous sur le terrain.

Monsieur Mézard, vous vous êtes montré très sévère, mais il est toujours très difficile, pour l’avocat, de se transformer en procureur ! C’est un exercice auquel il n’est pas habitué et au cours duquel il est facilement amené à aller trop loin. (Sourires.) Il convenait donc de déceler dans le non-dit de vos propos vos appréciations positives sur la réforme. (Nouveaux sourires.)

C’est vrai, cette réforme suit un fil conducteur : notre volonté d’enraciner la décentralisation en la clarifiant et en la simplifiant.

Oui, le calendrier des différents volets de la réforme obéit à une cohérence, nous l’avons rappelé tout au long de la discussion générale.

Quant à votre souci de renforcer la péréquation, vous le savez, je le partage. J’ai d’ailleurs apprécié que le Président de la République ait rappelé cette exigence à l’occasion des vœux qu’il a présentés à la France rurale, la semaine dernière, à Mortagne-au-Perche.

M. Michel Mercier, ministre. Madame Goulet, vous avez témoigné ce jour-là d’un enthousiasme communicatif ! (Sourires.)

M. Adnot a évoqué la suppression de la taxe professionnelle. Le calcul de la compensation relais, puis celui de la garantie individuelle des ressources apportent à chaque collectivité l’assurance du maintien de ses ressources de l’année dernière, ce qui est tout de même appréciable en période de crise économique et à un moment où les recettes fiscales de l’État ont chuté de 25 % en 2009 : c’est dire l’importance de l’effort que consent celui-ci.

Si toutes les critiques sont admissibles, il convient de reconnaître au moins la volonté de l’État de garantir les ressources fiscales des collectivités locales, alors que les siennes se sont effondrées du quart de leur montant.

M. Pierre-Yves Collombat. Voilà vingt ans que l’on nous sert cet argument ! En fait, c’est l’État qui organise son insolvabilité !

M. Michel Mercier, ministre. J’ai raison, vous le savez parfaitement, monsieur Collombat ! J’espère que vous me citerez quand vous organiserez des réunions dans le Var ! (Sourires.)

Monsieur Buffet, c’est avec plaisir que je vous ai entendu citer Alain. Oui, « l’optimisme est de volonté » : c’est bien ce qui nous anime dans cette réforme.

Je vous remercie d’avoir rappelé à votre tour, d’une part, la concertation intense à laquelle la réforme a donné lieu avant que le Sénat en soit saisi et, d’autre part, les principes autour desquels elle s’articule.

Je dirai que la métropole constitue un projet indispensable pour nos agglomérations. On parle de « fait urbain » ; il s’agit donc d’une donnée qu’il convient d’organiser. Cela ne signifie pas pour autant que nous n’allons pas renforcer les territoires ruraux. N’opposons pas les territoires les uns aux autres, réunissons-les ! C’est par l’alliance des territoires que la France sera forte.

Vous l’avez bien compris, notre volonté est d’adapter notre organisation institutionnelle à la diversité de nos territoires, tout en assurant leur solidarité.

Je souhaite rendre hommage au travail que M. Krattinger a accompli en qualité de rapporteur de la mission Belot, avant de le rassurer sur un point : oui, l’État se réforme avec une grande détermination, notamment en réorganisant ses services déconcentrés.

Tout à l'heure, monsieur Miquel, vous avez déclaré : « Que l’État commence par supprimer ses propres services déconcentrés ! » (M. Gérard Miquel fait un signe de dénégation.) Le problème, c’est que vous demandez systématiquement leur maintien lorsqu’ils sont menacés ! (Même mouvement.) Je note donc avec intérêt que vous ne souhaitez plus maintenir certains services ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Krattinger a souligné un point très important, qui nous concerne tous mais qui représente un chantier extrêmement difficile : c’est vrai, il faut à tout prix adapter nos réglementations à la diversité des territoires.

Mme Nathalie Goulet. Tout à fait !

M. Michel Mercier, ministre. Les mêmes règles ne peuvent régir une commune rurale de quelques centaines d’habitants et une grande ville ; M. le Président de la République l’a également rappelé à Mortagne-au-Perche la semaine dernière. Concernant les modes de garde de la petite enfance, par exemple, le nombre d’enfants, les façons de faire et les horaires varient énormément d’un territoire à un autre.

Je souhaite que la préparation du projet de loi relatif à la répartition des compétences nous permette d’apporter des réponses à toutes ces questions.

M. Krattinger a fortement critiqué la création du conseiller territorial Beaucoup d’autres l’ont fait aussi, mais plusieurs ont avoué avoir été en même temps conseiller général et conseiller régional, comme ce fut d’ailleurs mon cas à une certaine époque.

M. Pierre-Yves Collombat. C’est donc bien une contre-réforme !

M. Michel Mercier, ministre. Je ne suis pas sûr que vous soyez un spécialiste de la Contre-Réforme, monsieur Collombat ! (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Je m’y connais un peu !

M. Michel Mercier, ministre. Alors, nous pourrons organiser un colloque sur ce sujet, si vous le souhaitez ! (Nouveaux sourires.)

Selon moi, le conseiller territorial s’affirmera par lui-même, par la puissance qui lui sera reconnue, comme un acteur dynamique de la décentralisation.

Monsieur Braye, je vous remercie d’avoir souligné le courage de cette réforme et la nécessité d’achever la couverture du territoire en structures intercommunales.

J’ai bien compris votre position s’agissant de la composition des conseils communautaires. Nous évoquerons cette question très importante au cours de la discussion des articles, mais, je voudrais le souligner dès maintenant, le fait que les conseillers communautaires soient désormais désignés directement par les citoyens le jour de l’élection municipale aura forcément des conséquences et il faudra obligatoirement tenir compte de la démographie.

M. Dominique Braye. Absolument, il faut en « tenir compte » !

M. Michel Mercier, ministre. On ne peut pas rejeter le critère démographique, qui est le premier dans une démocratie.

M. Dominique Braye. Il faut en « tenir compte », mais pas par la proportionnelle !

M. Michel Mercier, ministre. Il faut en tenir compte proportionnellement ! (Rires.) Toutefois, ce n’est pas l’unique critère, c’est seulement le critère principal.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Michel Mercier, ministre. Nous trouverons une solution au cours de la discussion des articles.

Mme Voynet a contesté la politique de réforme et son rythme. Elle reconnaît cependant que nous n’agissons pas dans la précipitation : la concertation a été longue et intense et le Gouvernement a fait le choix de ne pas engager la procédure accélérée sur ce texte, afin de laisser au Parlement tout le temps de trouver les bons accords, les justes équilibres et les solutions adéquates.

Fallait-il se lancer, a demandé M. Doligé, dans l’aventure de la réforme ? Le Gouvernement apporte la même réponse que lui : le statu quo n’était plus possible. Je le remercie du soutien qu’il nous apportera tout au long de cette discussion.

Comme M. Collomb, nous croyons à l’utilité du débat parlementaire et nous formons le vœu qu’il ne soit pas inutilement entravé.

Comme lui également, nous sommes soucieux de l’excellence de tous nos territoires, dans la diversité et la solidarité.

Enfin, le Gouvernement n’est pas hostile à l’idée d’aller encore plus loin concernant les métropoles. Représentant la collectivité qui serait seule concernée par une telle avancée, j’approuve, je le répète, à titre personnel, cette proposition.

M. Richert a rappelé, avec l’honnêteté qui le caractérise, que jamais l’État ne s’était engagé aussi loin dans la voie de la réforme. Il en tire une conclusion que j’approuve, à savoir que les collectivités ne peuvent rester au bord du chemin. Nous souhaitons adapter nos institutions à tous nos territoires, dans leur diversité, notamment à celui dont il est l’élu.

Que M. Lozach sache que nous n’enterrons personne et que nous ne déracinons pas les élus. Au contraire, nous revendiquons la décentralisation et nous voulons territorialiser tous les élus, c’est-à-dire les enraciner sur un territoire ; c’est même tout ce qui justifie l’institution du conseiller territorial : chacun reconnaît que le lien des actuels conseillers régionaux avec les territoires est trop faible.

Monsieur Bernard-Reymond, comme nombre de vos collègues et fort de votre expérience, vous confirmez la nécessité de cette réforme et je vous en remercie.

Vous avez fait part d’un certain nombre de réserves à propos du mode d’élection du conseiller territorial. Le Gouvernement a mis une proposition sur la table, mais nous ne considérons pas ce texte comme abouti. Nous sommes ouverts au dialogue, et nous discuterons avec tout le monde, notamment avec vous.

Par ailleurs, je suis sensible à votre souci d’équilibrer les zones urbaines et les territoires ruraux. Je sais tous les combats que vous menez pour que cet équilibre soit réel, concret, tangible. Naturellement, cet équilibre a besoin d’infrastructures.

Je pense que M. Bérit-Débat a satisfaction s’agissant du schéma départemental de coopération intercommunale puisque le texte proposé par la commission des lois assure un rééquilibrage des pouvoirs entre le préfet et la commission des élus.

Je remercie M. Jacques Blanc d’avoir souligné, à la lumière de sa très grande expérience d’élu local, toutes les perspectives de progrès, toutes les chances que cette réforme offre à nos territoires. Le Gouvernement est sensible à sa préoccupation quant à une représentation équilibrée des territoires et à l’instauration d’un seuil minimal de conseillers territoriaux.

Monsieur Anziani, vous nous dites que cette réforme ne serait pas au cœur des préoccupations des Français ; mais à voir la passion que vous mettez dans cette affaire, je me dis qu’elle ne peut être sans lien avec les attentes qu’expriment vos électeurs…

M. Jean-Claude Peyronnet. C’est un passionné !

M. Michel Mercier, ministre. Ça se voit, et c’est très bien ! Mais il est passionné parce que ses électeurs le poussent ! (M. Alain Anziani sourit.)

Vous nous dites que cette réforme serait sans rapport avec les priorités de l’action publique. Or les collectivités locales sont au cœur de la lutte contre la crise économique : par la formation, par l’insertion, elles sont des acteurs incontournables pour aider notre pays à sortir de la crise. Et c’est parce qu’elles sont au cœur de cette action publique que la réforme est indispensable.

M. Vestri a fort justement rappelé la richesse que constituent nos communes et la créativité d’une réforme d’abord dictée par l’intérêt de nos concitoyens. Croyez bien que c’est dans cet état d’esprit que travaille le Gouvernement.

Monsieur Miquel, j’ai vu que nous partagions beaucoup de constats, qu’il s’agisse du diagnostic ou de la nécessité de réformer l’organisation territoriale, et j’espère que nous pourrons converger vers les mêmes solutions.

C’est vrai que l’État fait un très gros effort de réorganisation. Depuis le 1er janvier, vous avez d’ailleurs pu constater sur les territoires la réorganisation des préfectures.

J’aimerais revenir sur les reproches que vous avez formulés au sujet du mode de scrutin prévu pour les conseillers territoriaux. Vous avez beaucoup critiqué la proportionnelle, mais je crois me souvenir que ce n’est pas nous qui avions institué ce mode de scrutin pour l’élection des députés…

M. Gérard Miquel. C’est vrai !

M. Michel Mercier, ministre. Si nous sommes d’accord c’est parfait ! Je souhaitais juste le rappeler, car vous aviez oublié de le faire tout à l’heure.

Nous voulons simplement un mode de scrutin qui permette à la fois de créer des majorités, de faire en sorte que les territoires soient représentés et d’assurer la parité.

M. Michel Mercier, ministre. Je reconnais que c’est la quadrature du cercle !

M. Pierre-Yves Collombat. Le problème est bien posé. On attend la solution !

M. Michel Mercier, ministre. Ce n’est pas parce que c’est difficile que le Gouvernement renoncera ! C’est parce qu’on a trop longtemps renoncé que la situation est problématique aujourd’hui ; il faut au contraire aller au-devant des difficultés et essayer de trouver des solutions.

M. Pierre-Yves Collombat. Ça ne marche pas si mal que ça aujourd'hui !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Fouché, s’agissant des pays, notre souhait est clair : nous voulons favoriser le plus possible l’intégration des compétences exercées par les pays aux structures intercommunales,…

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Michel Mercier, ministre. … mais nous n’empêcherons pas le maintien des pays existants.

M. Michel Mercier, ministre. Madame André, je vous ai déjà répondu, mais je le répète : la parité est pour le Gouvernement un but qu’il ne perdra pas de vue.

Nous pouvons considérer que nous avons fait de grands progrès sur ce plan pour les élections municipales, mais je reconnais que ce n’est pas de même nature. En tout cas, il nous faudra également trouver pour l’élection des conseillers territoriaux des mécanismes permettant de répondre à l’exigence de parité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, après cette longue discussion générale et cette réponse qui l’était sans doute un peu trop, je veux dire à chacune et à chacun d’entre vous que nous abordons véritablement ce débat avec un souci à la fois de dialogue, d’ouverture et d’efficacité.

Le Gouvernement n’a probablement jamais autant voulu soutenir la décentralisation : c’est en réformant et en adaptant son fonctionnement et son organisation que nous lui donnerons demain plus de vigueur, plus de vie et que nous la ferons mieux accepter par l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour nous permettre d’assister à la cérémonie des vœux du président et du bureau du Sénat ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous reprenons l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

La discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion des motions.

Exception d’irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par M. Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°8.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 170, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, ce ne sont pas moins de quatre textes que vous avez cru devoir commettre pour modifier fondamentalement l’organisation des pouvoirs locaux. Il est impossible de les étudier séparément tant ils sont en fait imbriqués et parce que ce sont de pures raisons d’opportunité qui vous ont conduit à ce « saucissonnage ».

Cela étant, je vous remercie d’avoir répondu aux différents intervenants, en particulier à ceux qui se sont exprimés au nom de mon groupe, lesquels n’avaient pas manqué d’étudier ces textes dans leur ensemble.

Vous vous êtes dit ouvert à la discussion. Or, ce matin, lors de la réunion de la commission des lois, pour notre plus grande déception, nombre de nos questions, au motif qu’elles étaient « hors sujet », ont été renvoyées à l’examen de ces futurs textes. Vous, monsieur About, vous avez été plus chanceux puisque vos propres questions, qui portaient pourtant sur les mêmes thèmes, n’ont pas été considérées comme « hors sujet ». (Sourires.)

Autrement dit, monsieur le ministre, je vous félicite d’être animé par un souci de dialogue, mais nous jugerons sur pièces…

Il se peut que, lors de ma défense de cette motion, mes propos fassent fortement écho à ceux qu’ont tenus les collègues de mon groupe qui sont intervenus aujourd’hui, mais, pour un socialiste plus que pour quiconque, l’essentiel est non pas d’éviter les répétitions : il est d’éviter les contradictions. (Sourires.)

L’article 1er de la Constitution dispose que la France a une organisation décentralisée. Or la réforme de la taxe professionnelle a, c’est l’évidence, instauré une recentralisation par perte d’autonomie fiscale. Qui pourrait désormais affirmer que la part des recettes fiscales de chaque catégorie de collectivités constitue une « part déterminante » de l’ensemble de ses ressources ?

Je sais bien que la loi organique de 2004, fâcheusement, a étendu la notion de ressources propres aux impôts nationaux transférés, alors même que les élus n’ont aucun pouvoir de décision sur l’évolution de ces dotations. Et je n’ignore pas que le Conseil constitutionnel a validé cette interprétation. Mais toute jurisprudence peut évoluer. Tout est une question de degré : qui pourrait légitimement affirmer que, dès lors que leurs ressources propres passent de 35 % à 12 % de leurs ressources globales, les départements continuent de s’administrer de façon autonome ? Et que dire des régions, dont l’autonomie fiscale se situe en deçà de 10 % ?

En matière climatique, on distingue la température mesurée par les instruments officiels et la température vécue.

M. Michel Mercier, ministre. Ressentie !

M. Jean-Claude Peyronnet. En matière fiscale, pareillement, on peut distinguer l’autonomie mesurée par vos instruments, monsieur le ministre, et l’autonomie telle qu’elle est vécue par les collectivités. Or les dotations représentant 90 % des ressources des départements et des régions, ceux-ci considèrent qu’ils sont désormais sous tutelle de l’État central : c’est lui qui, dorénavant, fixera le niveau de leurs dépenses. Du reste, nous saisirons de nouveau le Conseil constitutionnel sur ce point.

Si, comme cela est possible, le Conseil constitutionnel devait ne pas retenir cette argumentation purement fiscale, il serait légitime d’adjoindre à cette dernière le renforcement des pouvoirs du préfet dans les départements, qui accentue la recentralisation.

C’est cette conjonction de la perte d’autonomie fiscale et du renforcement des pouvoirs du préfet qui permet d’affirmer que, décidément, la France ne sera plus décentralisée, que les collectivités ne seront plus autonomes et ne s’administreront plus librement.

Par ailleurs, les projets proposés conduisent tout droit à la suppression des départements. Certes, ils sont formellement maintenus, mais, comme le dit M. Copé, qui en l’occurrence vend la mèche, il ne s’agit que d’une étape. Cela va d’ailleurs dans le sens de ce que le comité Balladur proposait, c'est-à-dire une France à l’architecture territoriale simplifiée, ne comportant plus que les communautés de communes et les régions.

M. Fillon, quant à lui, évoquait dès 2002 le futur conseiller territorial, regrettant qu’il n’ait pas été créé plut tôt et précisant que cela « aurait assuré la coordination des politiques de ces deux échelons en attendant leur fusion ».

Devant une telle concordance dans l’analyse faite par des personnalités aussi éminentes – l’actuel Premier ministre, un ancien Premier ministre, le président du principal groupe de la majorité à l’Assemblée nationale : excusez du peu ! – il ne peut plus être question de présomptions ou de procès d’intention : les textes prévoient effectivement une simplification administrative, mais pas seulement par rapprochement des régions et des départements ; il s’agit bien, à terme, de supprimer un niveau administratif, sans pour autant que cette volonté, dont la matérialisation nécessiterait une révision constitutionnelle, ait été expressément formulée dans le présent texte, contrairement à ce que réclamaient, dans l’optique d’une réalisation immédiate, M. Balladur ou M. Attali.

Peut-on censurer une disposition virtuelle ? Oui, si les présomptions d’une évolution sont certaines. C’est malheureusement bien le cas, s’agissant des départements, comme je crois l’avoir démontré.

Un second motif d’inconstitutionnalité tient à la disparition de la clause générale de compétence, fondement de la liberté des collectivités territoriales.

Le conseil général est compétent « pour régler les affaires d’intérêt départemental ». Certes, cette formule n’a eu d’existence juridique qu’à partir de 1982.

M. Michel Mercier, ministre. Un peu avant peut-être…

M. Jean-Claude Peyronnet. Je suis certain de la date que j’avance, monsieur le ministre, mais il est vrai que cette reconnaissance tardive ne faisait que sanctionner une pratique plus que centenaire.

À partir de 1982, donc, par cohérence, les trois niveaux de collectivités – régions, départements et communes – ont également bénéficié de cette clause générale de compétence, formulée dès 1884 pour les communes.

Qui pourrait nier que cette ancienneté confère à cette « clause » le caractère d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, un principe qui a fait la preuve de son efficacité ?

Qu’on ne nous dise pas qu’il a été source de confusion et de surcoût : ce n’est pas vrai ! D’abord, les collectivités territoriales ont été suffisamment sages pour ne pas en faire une application abusive. Par ailleurs, les compétences spécifiques des départements et des régions représentent environ 90 % de l’ensemble de leurs actions. En outre, contrairement à ce que croit Mme Lagarde, ce principe s’est appliqué sans qu’une collectivité exerce sa tutelle sur une autre, les communes – et pas seulement les plus petites – ne réalisant les investissements dont on a souligné très souvent l’importance que grâce à l’appui des niveaux supérieurs, départementaux et régionaux. Enfin, la transparence est presque partout la règle, les critères sont connus et publics, et l’aide est souvent devenue quasi automatique.

Monsieur le ministre, vous connaissez parfaitement cette réalité, vous qui avez été très longtemps président de conseil général.

M. Guy Fischer. Il l’est toujours !

M. Michel Mercier, ministre. Je n’ai pas fait comme vous, monsieur Peyronnet : je n’ai pas déserté ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Peyronnet. Supprimez cette aide et l’investissement des communes chutera de façon spectaculaire.

Ce que vous instaurez, au contraire, par cette absorption-fusion, c’est le cumul institutionnalisé des mandats, la tutelle reconnue et acceptée, la complexification par création d’un autre niveau intermédiaire, celui des métropoles.

Au cas où l’argumentation précédente ne serait pas suffisante, il en est une autre, plus précise. L’article 72, deuxième alinéa, de la Constitution dispose que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Cet objectif transpose dans notre droit constitutionnel la préoccupation qu’exprime en droit communautaire le principe dit de « subsidiarité ». Chaque collectivité à vocation à gérer ses propres affaires, dans l’intérêt local, ce dernier étant entendu très largement par le juge administratif.

L’intérêt local ne correspond pas à des domaines d’activité spécifiques ; un but d’intérêt local est apprécié comme tel par les assemblées délibérantes territoriales, ce qui conduit la collectivité à intervenir lorsque cet intérêt le commande. Le juge administratif l’a confirmé à de nombreuses reprises.

C’est assez dire que le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution conduit à soutenir raisonnablement la constitutionnalisation de la clause générale de compétence, laquelle s’oppose par là même à l’attribution de blocs figés de compétences limitées et à toute suppression de la compétence générale des collectivités dès lors que leurs actions satisfont des intérêts et des besoins locaux.

Les collectivités territoriales sont des institutions publiques qui se distinguent fondamentalement des établissements publics dans la mesure où ces derniers jouissent d’attributions spécifiques et limitées. Ils sont régis par le principe de spécialité, à la différence des collectivités territoriales.

La clause générale de compétence participe de la définition même de la collectivité territoriale et du principe constitutionnel de leur libre administration, ce dernier ne pouvant reposer sur le seul critère de conseils élus dotés de compétences effectives et de ressources financières suffisantes, pour reprendre les termes de l’abondante jurisprudence constitutionnelle.

La clause générale de compétence est une condition de la liberté des collectivités. Elle constitue de fait un élément fondamental de la libre administration des collectivités territoriales, qualifiée de « liberté fondamentale » par le Conseil d’État dans son arrêt Commune de Venelles du 18 janvier 2001. Il s’agit bien d’un principe fondamental, reconnu par les lois de la République.

La clause générale de compétence est une nécessité pour les collectivités car elle est un moyen de lutter contre une trop grande uniformité administrative en permettant aux politiques locales de s’adapter aux besoins des populations, dans un souci d’efficacité et de résultat pour le plus grand nombre, à condition, et c’est généralement le cas, que cette intervention n’empiète pas sur les prérogatives d’autres collectivités, sauf convention entre elles.

En conclusion et au vu des éléments qui précèdent, la suppression de la clause générale de compétence porterait atteinte au principe constitutionnel de la libre administration, garanti par l’article 72, troisième alinéa, de la Constitution, et plus encore au principe de subsidiarité, posé par l’article 72, deuxième alinéa, de la Constitution, voire à un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Sa suppression impliquerait au préalable de réviser la Constitution.

En ce qui concerne le mode de scrutin, beaucoup de choses ont été dites par mes collègues lors d’un débat précédent et dans la discussion générale de ce texte. On a souligné le côté baroque et politicien du scrutin proposé. Je me contenterai, ici, d’évoquer la question de la parité.

Les régions seront à l’évidence dans l’impossibilité de satisfaire à l’article 1er de la Constitution, qui dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».

Ce qui est choquant dans votre projet, monsieur le ministre, c’est qu’il marque une dramatique régression. On ne peut pas se limiter à évoquer la question d’une manière générale en disant, comme l’a fait M. Marleix, que l’extension du scrutin proportionnel pour les plus petites communes favoriserait globalement la parité. Ce n’est certes pas faux, mais l’on ne peut se satisfaire de cette constatation qui, en filigrane, semble bien cantonner les femmes à la gestion des petites collectivités : elles seraient bonnes pour la gestion quotidienne de proximité, mais pas pour la réflexion sur les grandes orientations régionales… Ce n’est pas acceptable !

Mme Annie David. C’est tout à fait inacceptable !

M. Jean-Claude Peyronnet. Il est très clair qu’en instituant un scrutin uninominal pour l’élection des membres d’une institution jusqu’ici élue à la proportionnelle, votre projet ne respecte pas les articles 1er et 4 de la Constitution.

La région, grâce à une loi électorale qui fait l’unanimité, a établi une parité parfaite avec laquelle vous allez rompre. Désormais, la représentation des régions sera calquée sur celle des actuels conseils généraux, autrement dit sur la pire des situations au regard de la parité.

Faute d’un temps suffisant, je ne fais que mentionner le risque d’inconstitutionnalité qui pourrait toucher l’élection des sénateurs. Peut-être aurons-nous l’occasion d’y revenir.

J’attire votre attention sur un autre point qui concerne l’outre-mer mais aussi le territoire métropolitain, notamment l’Alsace, même si je ne m’étends pas sur cette dernière, là encore faute de temps.

La création de conseillers territoriaux dans des régions monodépartementales revient de fait à créer une assemblée unique puisque ces conseillers exerceront leur mandat sur le même territoire, après avoir été élus le même jour et de la même façon. La fiction d’une réunion, dans des lieux séparés, du conseil général et du conseil régional ne peut masquer la fusion des deux collectivités que sont le département et la région.

Or cette situation a formellement été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision dite « assemblée unique », en date du 2 décembre 1982. Certes, le fondement de cette décision tenait à l’impossibilité – en l’état passé de la Constitution – d’instituer une assemblée unique élue sur des bases différentes et avec un mode de scrutin différent. Ce n’est plus le cas depuis la révision constitutionnelle de 2003. Il est désormais possible, par l’article 73 de la Constitution, de créer, outre-mer, une collectivité unique ou une assemblée délibérante unique pour les deux collectivités.

Mais j’attire votre attention sur le fait que l’article 73 de la Constitution prévoit expressément que la fusion de deux collectivités « ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités », autrement dit sans qu’ait été organisé un référendum.

Vous ne manquerez sans doute pas de me répondre, monsieur le ministre, qu’un référendum est précisément prévu dans ces territoires le 24 janvier. Certes, mais vous m’autoriserez deux observations.

La première concerne l’issue dudit référendum. Que se passera-t-il si les électeurs rejettent le principe d’une assemblée unique, qui constitue la seule question à laquelle ils ont à répondre ?

La deuxième est plus importante encore. Aucun référendum n’est prévu dans l’immédiat en Guadeloupe – je ne sais plus pour quelle raison. Par ailleurs, à la suite de l’adoption d’un amendement d’origine sénatoriale, la Réunion a été sortie du droit commun et la consultation expresse des populations y est exclue.

Je ne sais pas comment vous vous sortirez de cette situation, monsieur le ministre. En tout cas, dans ces conditions, on voit mal comment la réforme projetée pourrait s’appliquer aux territoires ultramarins, et singulièrement à la Réunion.

Je ne vois pas davantage comment vous allez vous en sortir en ce qui en ce qui concerne la loi électorale, et d’abord le découpage.

Nous avons souligné l’incertitude dans laquelle nous sommes quant au nombre de conseillers territoriaux. Cette incertitude est déjà un motif de censure, car nous légiférons sur des collectivités dont nous ne connaissons pas les compétences – elles seront définies dans une loi ultérieure –, dont nous ne connaissons pas davantage les ressources – pas moins de deux clauses de revoyure ont été prévues dans la réforme de la taxe professionnelle – et dont nous ne savons pas si elles seront en état de fonctionner de manière satisfaisante, c’est-à-dire avec un nombre d’élus suffisant pour garantir la diversité politique et le fonctionnement normal des institutions.

En fait, vous allez vous débattre, vous vous débattez déjà dans une contradiction fondamentale. Affirmer que les nouvelles circonscriptions cantonales – cette terminologie pouvant évoluer – compteront environ 20 000 électeurs peut contredire le principe d’une diminution de moitié du nombre cumulé des conseillers généraux et régionaux.

M. Marleix nous a annoncé que, pour tenter de pallier ces difficultés, dans chaque département, au moins quinze conseillers territoriaux siégeraient au conseil général. Dans ce cas, dans les régions où les écarts de population sont très grands entre les départements, le nombre de conseillers siégeant à la région deviendra pléthorique. Il est donc envisagé de limiter leur nombre en prévoyant un plafond pour l’assemblée des conseillers territoriaux de la région.

Si l’institution d’un plafond est parfaitement pertinente pour les départements faiblement peuplés, elle « tasse » considérablement le nombre de conseillers territoriaux pour les départements très peuplés, aboutissant à des circonscriptions beaucoup plus peuplées dans les départements urbains que dans les départements ruraux.

Cette situation était acceptable lorsque les conseillers généraux et les conseillers régionaux étaient élus selon des modalités différentes. Peu importait alors que soit très important l’écart entre le canton le plus peuplé d’un département urbain et le canton le moins peuplé d’un département rural. Ce qui est choquant, ce sont les écarts très importants de population entre les circonscriptions d’un même département, et je suis d’accord avec vous pour considérer qu’il faut apporter les corrections nécessaires.

Désormais, c’est dans le cadre régional que l’affaire va se jouer. L’obligation d’instaurer un plancher pour la simple gestion quotidienne des conseils généraux et la nécessité de fixer un plafond pour limiter le nombre de conseillers territoriaux siégeant à la région vous placent dans l’impossibilité absolue de respecter le principe constitutionnel d’égalité des suffrages.

Telles sont, parmi d’autres, les raisons qui nous font considérer que les textes proposés ne sont pas recevables. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les auteurs de la motion contestent la constitutionnalité du projet de loi sur deux points : la création du conseiller territorial et la disparition de la clause générale de compétence.

Je traiterai d’abord de la création du conseiller territorial.

En ce qui concerne la mise en place d’une nouvelle catégorie d’élus siégeant à la fois dans les départements et dans les régions, j’ai bien entendu les arguments selon lesquels la fusion entre les conseillers généraux et les conseillers régionaux pourrait se heurter au principe inscrit au troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution, qui dispose que les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus ».

Selon certains, cette formulation interdirait au législateur de ne prévoir qu’une seule catégorie d’élus pour représenter les départements et les régions, collectivités territoriales dont l’existence est consacrée par le même article de la Constitution.

J’observe néanmoins que le constituant a précisé que ce principe de libre administration s’exerçait « dans les conditions prévues par la loi ». Cette précision laisse de larges marges de manœuvre au législateur, qui est d’ailleurs compétent, aux termes de l’article 34 de la Constitution, pour fixer le régime applicable aux assemblées locales.

Je rappelle également que la création des conseillers territoriaux, telle qu’elle est proposée par le projet de loi, maintient deux assemblées délibérantes distinctes : les départements et les régions demeureront donc administrés par des conseils élus séparés et la spécificité de chaque niveau sera respectée.

La création des conseillers territoriaux ne soulève donc pas, en elle-même, de problèmes évidents de constitutionnalité.

En ce qui concerne maintenant le mode de scrutin retenu pour l’élection des conseillers territoriaux, je me dois de relever que, à ce stade des discussions, des inquiétudes et des oppositions très fortes se sont manifestées sur plusieurs points : la mise en place d’un scrutin uninominal à un tour, qui ne connaît qu’un précédent en France ; le « dosage » de scrutin proportionnel, c’est-à-dire la proportion de sièges attribués aux candidats élus au scrutin de liste ; la combinaison de candidats au scrutin uninominal et d’élus au scrutin de liste.

Surtout, le mode de scrutin retenu dans la rédaction du projet de loi no 61 aurait probablement, selon les signataires de la motion, pour effet de faire diminuer sensiblement le nombre de femmes présentes dans les conseils régionaux et pourrait ainsi remettre en cause les acquis de la parité.

La commission des lois prend toute la mesure de ces craintes. Toutefois, ces questions ont vocation à être traitées non pas dans le cadre du présent projet de loi, mais lors de l’examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et du renforcement de la démocratie locale.

La commission des lois a constaté que la rédaction de l’article 1er permettait d’approuver la création des conseillers territoriaux dans son principe sans pour autant préjuger des modalités de leur élection, qui seront souverainement déterminées par les assemblées à l’occasion de l’examen d’un texte ultérieur. Elle a donc considéré que cet article pouvait être adopté sans qu’il soit nécessaire d’y apporter de changement de fond.

Enfin, les sénateurs socialistes contestent également le fait que le législateur soit invité à créer les conseillers territoriaux dans l’ignorance de leur nombre exact par département et de la délimitation des nouveaux cantons.

Je rappelle que le redécoupage des cantons sera organisé non seulement pour ramener le nombre total de cantons à environ 3 000 – contre plus de 4 000 aujourd’hui –, mais surtout pour réduire les écarts démographiques considérables qui affectent actuellement la carte cantonale et qui contreviennent au principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage.

Le Gouvernement, par la voix du secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités locales, a apporté des réponses aux légitimes interrogations des sénateurs lors des deux débats organisés par la commission des lois, réunissant les ministres et l’ensemble des sénateurs, les 28 octobre et 2 décembre derniers.

M. Alain Marleix a indiqué que le nombre de conseillers territoriaux dans chaque département ne pourrait être précisé que lorsque le Conseil constitutionnel se serait prononcé sur le découpage des circonscriptions législatives et que les résultats du recensement pour 2007 seraient connus, cette dernière condition étant aujourd'hui remplie.

Il a également précisé que le nombre des conseillers territoriaux devrait résulter d’une évaluation au niveau régional dans la mesure où la situation actuelle, très variable d’un département à l’autre, doit être prise en compte puisque le découpage cantonal doit reposer sur le territoire autant que sur la population.

Le Gouvernement nous a en outre confirmé qu’un seuil de quinze conseillers serait fixé par département.

En conséquence, mes chers collègues, le législateur bénéficie des informations suffisantes pour décider de la création du conseiller territorial.

J’en arrive au second point, qui concerne la clause générale de compétence. Celle-ci ne correspond pas à un principe constitutionnel.

En effet, dans l’article 72 de la Constitution, ni le principe de libre administration ni celui dit de « subsidiarité » n’impliquent directement la clause générale de compétence. En outre, l’article 4 de la Charte européenne de l’autonomie locale précise, dans son premier alinéa, que « les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi ». Le principe ainsi consacré est celui d’une compétence d’attribution des collectivités territoriales.

En revanche, les collectivités territoriales doivent être dotées d’attributions effectives.

Ainsi donc, les arguments soutenant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ne nous paraissent pas fondés et c’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des lois vous invite à la rejeter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Peyronnet, vous avez évoqué, à l’appui de votre motion, des arguments d’ordre juridique qui appellent quelques observations.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur, l’article 72 de la Constitution pose le principe de la libre administration des collectivités territoriales. Cette proclamation n’épuise pas les droits du Parlement. Et c’est bien dans les conditions fixées par la loi que s’exerce ce principe de libre administration. (M. Jean-Claude Peyronnet fait un signe dubitatif.)

Votre doute m’amène à vous rappeler les termes du troisième alinéa de l’article 72 : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement… »

M. Jean-Claude Peyronnet. Mais la loi ne saurait remettre en cause cette liberté !

M. Michel Mercier, ministre. Tel n’est pas le cas ! Rien dans ce texte ne vient limiter la libre administration des collectivités locales !

Quant à la clause générale de compétence – autre point sur lequel vous contestez la constitutionnalité de ce texte –, elle trouve son origine dans l’article 48 de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux. Cet article prévoit que le conseil général règle par sa délibération les affaires du département. Il crée ainsi le département moderne, administré par un conseil général élu de manière démocratique.

Pour l’instant, rien dans le présent texte ne contredit la clause générale de compétence. L’article 35 du projet de loi prévoit que le législateur organise les compétences, conformément aux dispositions de la Charte européenne de l’autonomie locale.

Dès lors, le présent projet de loi ne me semble aucunement justifier une exception d’irrecevabilité pour des motifs constitutionnels.

À ces objections de droit j’ajouterai une objection d’opportunité.

Monsieur Peyronnet, vous avez abordé des sujets aussi intéressants qu’importants. Comme vous êtes un démocrate et un républicain, vous ne souhaitez sûrement pas priver le Parlement de la possibilité d’examiner ces sujets au fond. Or, adopter votre motion reviendrait à fermer la discussion. Je suis pour ma part favorable au dialogue, au débat, et je demande donc au Sénat de rejeter cette motion.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront la motion qui vient d’être présentée.

Sans reprendre les nombreux arguments qui ont été avancés, que ce soit à l’instant ou cet après-midi, lors du débat sur la motion référendaire, je voudrais insister sur deux dispositions manifestement inconstitutionnelles du projet de loi.

Premièrement, la création éventuelle des futurs conseillers territoriaux contredit deux articles de la Constitution.

En effet, depuis l’adoption de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, que l’actuelle majorité a pourtant votée comme un seul homme, l’article 72 dispose : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer […] Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. »

Cet article précise bien que l’existence d’une collectivité se fonde, notamment, sur l’existence d’un conseil élu, distinct de celui des autres collectivités. Or le projet de loi prévoit la disparition de ce conseil élu spécifique à la région, d’une part, au département, d’autre part. De la confusion créée par votre projet naît donc une inconstitutionnalité grave, monsieur le ministre, car il s’agit de la violation d’un principe démocratique.

Par ailleurs, la création des conseillers territoriaux ne respecte pas les articles 1er et 4 de la Constitution. Le dernier alinéa de l’article 1er pose ce principe fort : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. » Quant au dernier alinéa de l’article 4, il prévoit que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »

Comme d’aucuns l’ont déjà souligné, le mode de scrutin prévu pour l’instauration de ces conseillers territoriaux réduit à néant les progrès réalisés en matière de parité grâce au mode de scrutin proportionnel pour l’élection des conseillers régionaux. Par ailleurs, il pousse à la bipolarisation de la vie politique.

Vous me rétorquerez que l’article 1er du texte aujourd'hui en discussion n’évoque pas le mode de scrutin. Mais de deux choses l’une : soit vous retirez cet article pour, qu’enfin une discussion sérieuse et cohérente s’organise, qui regrouperait les différents aspects du débat sur les conseillers territoriaux, de leur création à leur mode d’élection, soit vous acceptez que l’on discute dès à présent de l’inconstitutionnalité de leur création, puisque vous avez d’ores et déjà déposé le projet de loi n° 61, qui tend à organiser leur mode d’élection.

Mais l’inconstitutionnalité de votre projet de loi ne porte pas sur son seul article 1er, monsieur le ministre. C’est l’ensemble du texte, son essence même, qui est contraire à la Constitution. En effet, article après article, il institutionnalise la tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre.

Contrairement à ce que vous venez de dire, le principe de libre administration, inscrit dans l’article 72 de la Constitution, vole en éclat. Toute analyse sérieuse souligne que cette libre administration est au cœur de l’existence constitutionnelle des communes, des départements et des régions, consacrée par l’article 72. Sa suppression fait donc perdre à ces institutions de la République leur caractère constitutionnel.

Comment imaginer qu’une telle décision puisse être mise en œuvre sans une révision de la Constitution ?

Pour la commune et le département, avec la création des métropoles et des différents regroupements de collectivités prévus, ce n’est plus la libre administration qui est en cause, mais leur administration tout court, puisque compétences, budget et personnels leur seront supprimés.

La compétence générale, corollaire de la libre administration, qui distingue une collectivité d’un simple établissement public défini, lui, par le principe de spécificité, est abandonnée. C’est une remise en cause radicale de la Constitution, dont l’article 72 deviendra un élément virtuel.

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

Mme Éliane Assassi. Pour autant, le Gouvernement ne se hasarde pas à accorder aux nouvelles entités le caractère de collectivités locales, en s’abritant derrière le concept bien utile d’intercommunalité.

Le pouvoir joue avec la Constitution, monsieur le ministre ; je dirais même qu’il la manipule ! Il évite ainsi un grand débat national sur une question qui engage l’avenir de nos institutions.

Il faut dire qu’un enjeu de taille justifie une telle prise de risque avec la démocratie : il s’agit en effet d’adapter la France à la mondialisation financière et de casser un modèle institutionnel français hérité de notre histoire démocratique, pour laisser le champ libre au pouvoir économique.

Pour notre part, nous défendrons des principes démocratiques fondamentaux, en votant cette motion d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Escoffier. Le président du groupe du RDSE, M. Yvon Collin, aurait souhaité s’exprimer lui-même pour soutenir cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, mais, empêché, il m’a chargé de le suppléer.

Les arguments qui ont précédemment été développés à l’appui de cette motion ont montré combien il était dommageable que cette réforme des collectivités, qui nous a été présentée comme l’un des textes emblématiques de ce quinquennat, s’inscrive dans une insécurité juridique manifeste.

Les questions soulevées par cette réforme sont pourtant au cœur de la vie des Français dans la mesure où nos collectivités territoriales s’attachent, et s’attacheront demain, à répondre à des besoins de proximité.

Encore une fois, nous ne pouvons que regretter l’empressement du Gouvernement à faire examiner ce texte, au détriment de la recherche d’un véritable consensus et de l’acceptation d’une réforme dont, vous l’avez compris, nous ne partageons pas totalement les motivations.

Ce projet de loi souffre, en son cœur même, de griefs d’inconstitutionnalité, monsieur le ministre. Je voudrais en relever trois.

En premier lieu, la création du conseiller territorial ressemble furieusement à l’établissement d’une tutelle d’une collectivité sur d’autres, au travers du cumul des fonctions de ce nouvel élu au conseil général et au conseil régional. La prohibition d’une telle situation, posée par le Conseil constitutionnel en 2001, a pour but de garantir l’effectivité de l’autonomie des collectivités, principe lui-même fixé par l’article 72 de notre Constitution.

Vous vous apprêtez, monsieur le ministre, à faire voter une mesure qui, contrairement à ce qui a été affirmé dans cette enceinte, va rendre plus opaque la prise de décision des organes délibérants.

Au demeurant, je m’interroge également, à l’instar de mes collègues, sur la constitutionnalité de l’article 1er, qui crée une nouvelle catégorie d’élu tout en renvoyant la définition de son mode d’élection à un texte ultérieur. Nous aurons d’ailleurs largement l’occasion de reparler de ce mode de scrutin, et mon collègue et ami Jean-Pierre Chevènement reviendra probablement sur cette question tout à l’heure, lorsqu’il défendra la motion tendant au renvoi du texte en commission.

En deuxième lieu, le parachèvement de la carte de l’intercommunalité pourrait servir de prétexte à la réintroduction du droit de tutelle du préfet sur les maires, en permettant au premier d’obliger les seconds – certes, en ménageant les apparences, avec la consécration de la nouvelle commission départementale de coopération intercommunale, ou CDCI – à intégrer un EPCI quand bien même ils ne le souhaiteraient pas. Historiquement, la conquête des libertés communales a toujours signifié le progrès de la démocratie locale, grâce à un meilleur contrôle des interventions de l’État centralisé, plus éloigné que les collectivités elles-mêmes, force est de l’admettre, des réalités locales.

Comment, dès lors, ne pas s’interroger sur ce qui pourrait bien s’apparenter à une recentralisation, même si vous prétendez le contraire, monsieur le ministre ?

N’est-ce pas aller à l’encontre de toute la logique qui préside à la décentralisation depuis 1982 que d’écarter le libre choix d’une commune de rejoindre ou non un EPCI selon l’intérêt local, qu’elle est pourtant en droit d’apprécier librement. Nous considérons qu’il s’agit d’une remise en cause manifeste de ce qui fait le cœur même de la libre administration des collectivités, remise en cause sur laquelle le Conseil constitutionnel ne manquera pas de revenir.

En troisième lieu, nous nous étonnons que ce texte soit muet sur un grand principe posé par l’article 72-2 de la Constitution : la péréquation. Mon groupe a exprimé avec force son vœu d’améliorer les dispositifs de péréquation et de favoriser une réelle égalité entre les territoires et les citoyens. Or le présent texte tend, au travers de la création des métropoles, à créer une segmentation injuste des territoires d’un même département entre une métropole, qui disposera de l’essentiel des ressources fiscales, et le reste du territoire, souvent rural, pour lequel le département devra combler le manque à gagner comme il le pourra.

Il est inacceptable, selon nous, d’institutionnaliser ainsi une inégalité sur un même territoire ! Nous estimons que ce point mérite, lui aussi, d’être apprécié au regard des normes constitutionnelles et qu’il encourt la censure du Conseil.

Vous l’aurez compris, la majorité des membres de mon groupe s’associe pleinement aux arguments exposés par nos collègues du groupe socialiste ; c’est pourquoi, pour la plus grande partie d’entre nous, nous apporterons notre soutien à cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. En réalité, sans même parler des projets de loi à venir, qui soulèvent des problèmes liés à la parité et, de l’avis même du Conseil d’État, à la sincérité du scrutin, le présent texte est truffé de dispositions inconstitutionnelles. Je me contenterai de relever trois problèmes.

Je traiterai brièvement du premier, qui vient d’être exposé. Si vous évitez l’inconstitutionnalité majeure qui aurait découlé d’une fusion du département et de la région, chacune de ces deux collectivités étant mentionnée dans la Constitution, vous n’avez pas évité une inconstitutionnalité que je qualifierai d’accessoire. En effet, à défaut de fusionner les collectivités, vous fusionnez les élus, et nous sommes curieux de savoir ce que le Conseil constitutionnel en pensera.

Ensuite, comme je l’ai encore indiqué ce matin devant la commission, vous permettez à la métropole, dès l’instant qu’elle les demande, d’avoir les compétences économiques de la région et du département, même si ces deux collectivités s’y opposent. Il y a là une inconstitutionnalité majeure puisque vous offrez la possibilité, non pas à une collectivité territoriale, mais à un établissement public de coopération intercommunale d’imposer son choix et d’obtenir un transfert de compétences de la part d’une collectivité territoriale. Ce n’est évidemment pas acceptable sur le plan juridique.

Enfin, de la même manière, une communauté de communes, c’est-à-dire un EPCI, pourra demain, par l’intermédiaire du préfet, imposer à une commune, c'est-à-dire à une collectivité territoriale, de la rejoindre. Sans porter de jugement sur l’opportunité d’une telle intégration, j’estime qu’elle est contraire à notre Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 8, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet de loi.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je rappelle également que la commission ainsi que le Gouvernement demandent le rejet de la motion.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Ceux qui souhaitent voter «pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.

Ceux qui souhaitent voter « contre» remettront un bulletin bleu.

Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

Je rappelle que, pour solenniser et sécuriser davantage les opérations de vote, le président de séance doit veiller à ce que toute personne non directement concernée par le scrutin se tienne en dehors du demi-cercle situé au pied du plateau, à charge pour les huissiers de faire respecter la « sanctuarisation » de cette zone.

Les opérations de vote se déroulent à la tribune de l’orateur, où sont disposées les trois urnes « pour » « contre » et « abstention ».

Les opérations de vote sont supervisées par deux secrétaires du Sénat, le premier tenant les trois urnes pour recueillir les bulletins de vote et les déposer dans les urnes, le second notant le nom des représentants des groupes, ainsi que celui des sénateurs votant à titre individuel.

Par ailleurs, lors d’une demande de scrutin public, la fiche verte doit être signée non seulement par le président du groupe, mais aussi par l’auteur effectif de la demande, condition à laquelle il a, bien entendu, en l’occurrence, été satisfait.

Pour le reste, les règles du scrutin public ordinaire demeurent inchangées.

Pour sa part, le président de séance précise de manière aussi claire que possible l’enjeu du vote – je l’ai fait –, ainsi que l’avis émis par la commission et le Gouvernement – je l’ai fait.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?

En l’absence d’observation, le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 123 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 154
Contre 183

Le Sénat n’a pas adopté.

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, d’une motion n° 9.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 170, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la période la plus critique de la crise financière, le Président de la République s’était félicité de la résistance de notre pays face à l’effondrement économique et social généralisé. Selon lui, la raison en était évidente : les services publics, la fonction publique, la protection sociale avaient servi « d’amortisseur social ».

Ces belles paroles étaient seulement circonstancielles puisque vous vous employez, aujourd’hui, à détruire tout ce qui vous paraissait alors indispensable.

Non satisfaits par la casse programmée de ce qui constitue la colonne vertébrale des politiques de solidarité, vous nous proposez également de remettre en cause nos institutions territoriales.

La vie de nos concitoyens ne semble pas être votre principale préoccupation ; celle de nos communes, de nos départements et de nos régions encore moins. Vous n’agissez pas pour répondre aux besoins de la majorité de nos concitoyens, mais n’avez qu’un leitmotiv : confier au secteur marchand tout ce qui peut faire fructifier les comptes de quelques privilégiés. Les services publics sont, de votre point de vue, des secteurs potentiels de profitabilité pour quelques-uns. Vous oubliez qu’ils ont été créés pour satisfaire à l’intérêt général !

Dans votre conception étroite, égoïste, tout doit être soumis aux règles du marché, du libéralisme. Ce dogme vous aveugle à un point tel que vous ignorez ce que vivent nos concitoyens, obnubilés que vous êtes par les seuls intérêts de la classe qui vous a portés au pouvoir.

Tout le monde ne souffre pas de la rigueur ; ainsi vos amis semblent-ils s’en tirer assez bien… L’indice CAC 40 a bondi de 56 % au cours des neuf derniers mois de 2009 et les banques ont largement tiré leur épingle du jeu, faisant un bond de 70 %. Les spéculateurs ont donc de beaux jours devant eux !

La crise a des effets différenciés selon l’échelon social. Les banques reprennent leurs vieilles habitudes. Or, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut craindre que la crise ne se reproduise, en pire. Nombreux sont d’ailleurs ceux qui pensent que nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle crise. Le Président de la République, lui-même, le reconnaît : « [...] si la crise devait repartir, les États ne seraient plus la digue qu’ils ont été dans la crise que nous venons de connaître. Parce que car nous avons utilisé la plus grande part de nos marges de manœuvre. »

On sait que les solutions envisagées par les libéraux se résument bien souvent à des politiques de rigueur et d’austérité, qu’ils font supporter à la majorité de la population.

Les salaires constituent ainsi une première variable d’ajustement et subissent en conséquence une pression constante. Les salariés payés au SMIC ne vont voir leur revenu mensuel nominal progresser que de 6 euros ! Jamais, en trente ans, le taux d’augmentation des salaires n’a été aussi faible, avec une moyenne inférieure à 3 %, s’établissant autour de 2,6 % pour les ouvriers et les employés.

M. Guy Fischer. C’est l’écrasement !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Autre variable d’ajustement : l’emploi.

L’INSEE annonce un taux de chômage de plus de 10 % en 2010. La réalité, c’est que le nombre de demandeurs d’emplois a gonflé, en un an, de 661 000 ; ils sont plus de 4 millions aujourd’hui. En 2009, 378 000 emplois ont été détruits, et la tendance ne fait que se confirmer pour 2010.

Derrière ces chiffres, ce sont des vies brisées...

Que peuvent espérer les personnes – près d’un million ! – qui seront en fin de droits dans les mois à venir ? Comment peut-on vivre avec à peu près 450 euros ? C’est indécent !

Mme Jacqueline Panis. Quel est le rapport avec le sujet ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Que peuvent espérer les jeunes qui subissent de plein fouet la politique menée par votre gouvernement ? Le taux de chômage des jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans atteint presque 25 %...

M. Jackie Pierre. C’est moins qu’ailleurs !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Peut-être, mais si l’on compare ce chiffre à la moyenne européenne, il n’y a pas de quoi être fier !

Mme Jacqueline Panis. C’est hors sujet ! Quel est le rapport avec la réforme des collectivités territoriales ? (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Annie David. Attendez la suite !

Mme Josiane Mathon-Poinat. J’y viens, madame Panis !

Que peuvent espérer les femmes, qui sont plus de 1 900 000 à rechercher un emploi ? C’est une situation d’injustice que nous refusons, contrairement à vous !

Les élus locaux, dont vous êtes, madame Panis, sont directement concernés par la dégradation des conditions d’existence de millions de nos concitoyens. Or les seules politiques que vous trouvez à mettre en œuvre, et que vous osez qualifier de « réformes », constituent autant de graves reculs sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Jamais notre pays n’a connu une telle situation de régression sociale, alors que les richesses produites sont en augmentation constante. (Mme Jacqueline Panis s’exclame.) Si vous le souhaitez, madame, vous pourrez me répondre tout à l'heure !

En étouffant financièrement les collectivités locales par la suppression de la taxe professionnelle, vous mettez en péril les nombreux services publics locaux qui viennent en aide à nos concitoyens les plus modestes. Vous en profitez pour faire, au passage, un cadeau de 12,3 milliards d’euros aux entreprises. Après la mise en place du bouclier fiscal, cela confirme que votre générosité est toujours ciblée sur les mêmes couches sociales.

Ces exonérations ne servent ni l’emploi ni le développement économique. Le rapport Cotis l’a confirmé. La suppression de la part salaires de la taxe professionnelle n’a eu aucun effet positif pour les salariés ou pour l’économie : les salaires ont stagné, les investissements sont restés stables et seuls les profits des actionnaires se sont envolés. Tel est le résultat de ces exonérations de toutes sortes, sociales ou fiscales ! Et la situation des PME n’est pas réglée pour autant...

Qu’en serait-il si ces textes étaient votés ?

La suppression de la taxe professionnelle, première étape du processus que vous avez « cogité », risque de bloquer le fonctionnement de nos communes, de nos départements et de nos régions. En paralysant ainsi nos institutions démocratiques de base, vous remettez en cause la démocratie de proximité. Or, si les communes ne vous plaisent pas, elles conviennent à leurs habitants, qui leur font confiance : c’est un échelon essentiel de notre démocratie.

Une enquête récente du CEVIPOF, le centre de recherches politiques de Sciences Po, le confirme : autant la défiance est forte à l’égard des échelons supérieurs du pouvoir, en particulier le Président de la République et le Premier ministre, autant la confiance reste élevée vis-à-vis des élus locaux, qu’il s’agisse des maires, des conseillers généraux ou des conseillers régionaux. C’est pourtant le moment que vous choisissez pour remettre en cause nos institutions locales.

En supprimant nombre de ces élus, vous altérez notre système démocratique. De votre point de vue, pour vous, 500 000 élus locaux, c’est trop, de même d’ailleurs que 36 000 communes !

Notre République est fondée sur des valeurs. Or vous allez, avec ce texte, « marchandiser » le système, le soumettre encore davantage à la loi du marché.

M. Patrice Gélard. N’importe quoi !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ne prétendez-vous pas que les élus locaux coûtent trop cher ? (M. Patrice Gélard manifeste son étonnement.) Ne prévoyez-vous pas, pour cette raison, d’en supprimer la moitié ? (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Patrice Gélard. Sûrement pas !

M. Guy Fischer. C’est pourtant ce que j’entends dire sans cesse dans le Rhône !

Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est une véritable imposture ! Selon vous, et le rapport reprend ces propos, les indemnités des élus régionaux et généraux coûtaient trop cher...

M. Pierre-Yves Collombat. Les élus coûtent moins cher que les vaccins ... (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Josiane Mathon-Poinat. Sans doute ! D’où cette astuce !

Pourtant, une étude de France Bénévolat établit ceci : « C’est dans les petites communes que l’on trouve le plus grand nombre de citoyens engagés. En effet, les collectivités comportant moins de 500 habitants représentent près de 60 % des communes de France et affichent 42 % des conseillers non indemnisés. Lorsque l’on étend le regard aux communes comportant jusqu’à 1 500 âmes, soit plus de 80 % des communes, on parvient à 70 % de ces conseillers bénévoles. » Et de conclure : « Les élus rémunérés représenteraient environ 28 % et les élus bénévoles 72 %. »

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Paradoxalement, ce sont ces communes que vous voulez supprimer, alors que le coût des élus locaux ne représente qu’une très faible partie des dépenses des collectivités locales.

Vous faites preuve d’une certaine mesquinerie à vouloir aborder la question sous cet angle alors même que vous refusez de privilégier la participation des habitants, de donner aux élus un statut qui leur permette de remplir leurs missions. J’ai d’ailleurs bien peur qu’un tel statut ne soit la dernière de vos préoccupations.

Qui plus est, on ne s’applique pas toujours, au plus haut sommet de l’État, à donner l’exemple ! Ainsi, la Cour des comptes a révélé des dépenses somptuaires : sans m’y attarder, je rappellerai que le budget de l’Élysée a augmenté de 10 %, tandis que les cabinets ministériels ont vu le leur s’accroître de 11,1 %, les rémunérations de leurs membres ayant connu une progression, vertigineuse, de 57 % entre 2008 et 2009. Dans ces conditions, donner des leçons aux élus locaux semble quelque peu déplacé !

En réalité, la diminution drastique du nombre d’élus a pour objet de réduire l’essentiel des services rendus aux habitants, qui pourtant ont de plus en plus besoin de solidarité. Mais ce mot ne fait peut-être pas partie de votre vocabulaire…

Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales qui nous est présenté reprend pour l’essentiel les propositions de la commission Balladur. Il est dissocié de la loi de finances par laquelle a été supprimée la taxe professionnelle, alors même que ces deux sujets sont intimement liés. Il constitue, en réalité, la deuxième étape du processus. Après avoir organisé leur asphyxie financière, le Gouvernement s’engage dans la voie de la suppression pure et simple des départements et de la réduction du nombre de communes.

Le souci est toujours le même : brouiller le message pour que les élus se perdent dans le labyrinthe de la loi – ou plutôt des lois, devrais-je dire pour être plus précise. Il aurait été beaucoup trop simple de faire voter une seule loi : il y en aura donc quatre ! Comment les citoyens peuvent-ils se retrouver dans cet imbroglio législatif ? Tout est fait pour qu’ils ne puissent appréhender les enjeux de ces textes, tout est exploité pour en rendre la compréhension difficile. De surcroît, la motion référendaire, dont l’adoption aurait permis à nos concitoyens de s’exprimer, a été repoussée.

Vous prétendez dans un premier temps, monsieur le ministre, que votre seul souci serait de favoriser l’intercommunalité, et vous menacez de contraindre les communes qui n’en feraient pas partie, par l’intervention du préfet. Or vous savez fort bien que cette intercommunalité est totalement assumée et assimilée par la quasi-totalité des communes de France. Au fond, votre objectif n’est pas de développer les coopérations entre communes : votre unique finalité est de favoriser des phénomènes d’absorption des petites communes par les plus importantes. Vous suscitez la dilution des communes dans l’intercommunalité, ce qui explique la mise en place des communes nouvelles.

Pour arriver à comprendre ce processus, il faut naviguer dans le présent projet de loi de façon non pas linéaire, mais bien plutôt chaotique, et opérer des retours en arrière. Mais l’objectif est clairement affirmé : les communes qui ne rentreront pas dans le rang seront intégrées par arrêté préfectoral dans un EPCI à fiscalité propre. Ensuite, chaque préfet disposera de deux ans pour mettre en place le schéma départemental. La boucle est bouclée ! L’autoritarisme transpire dans chaque ligne de ce texte.

Le principe sera identique pour les métropoles : il s’agira de faire disparaître les communes périphériques pour les voir se fondre dans une seule entité, sans doute dans une optique européenne, afin de déstabiliser les départements et les communes concernés.

Le phénomène d’absorption sera le même entre les régions et les départements, et les objectifs seront identiques : réduire le nombre d’élus, diminuer le nombre de services offerts à la population pour les faire assurer par le secteur privé. Paiera qui pourra : telle est votre devise. Les départements seront ainsi absorbés par les régions.

Le projet de loi qui nous est soumis remet en cause la libre administration des collectivités territoriales inscrite à l’article 72 de la Constitution. Le préfet voit son rôle nettement renforcé, en particulier pour ce qui concerne la détermination du schéma de l’intercommunalité, des métropoles, ou encore le regroupement des départements.

Après la suppression de la taxe professionnelle, après la mise en place de la révision générale des politiques publiques, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ne peut qu’aggraver les conditions d’existence de nos services publics. Il affaiblit les compétences des collectivités ; il altère la démocratie locale ; il dégrade les conditions de travail de la fonction publique territoriale, car il entraîne à terme des suppressions de postes et une précarisation accrue des salariés ; il ouvre la porte au secteur privé, qui se substituera à ces politiques d’abandon.

C’est peut-être pour ces raisons que le Gouvernement a décidé de diviser cette réforme en plusieurs parties, de façon totalement incohérente. Le Parlement a déjà adopté la concomitance des mandats locaux sans avoir préalablement débattu de l’instauration des conseillers territoriaux. Nous allons maintenant examiner la création de ces conseillers, mais sans savoir de quelle façon ils seront élus. Nous débattons également du fonctionnement des collectivités locales, sans savoir de quelle manière elles seront financées puisque la taxe professionnelle a été supprimée, mais la taxe carbone censurée par le Conseil constitutionnel…

De quoi parle-t-on ? À quelle base se réfère-t-on ? L’incohérence et l’incertitude qui entourent tous les projets de loi en cause diluent le débat et le rendent pour le moins incompréhensible.

Nous demandons donc que le Gouvernement nous présente une réforme cohérente, respectant une certaine chronologie et ne nous obligeant pas à étudier les conséquences avant d’avoir débattu des causes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les auteurs de la motion tendant à opposer la question préalable ont tout d’abord relevé dans le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis une mise en cause de la démocratie locale et du principe de libre administration des collectivités.

Cet argument ne me paraît pas recevable. En effet, nous sommes face à une réforme pragmatique qui tente de tirer les leçons d’une expérience décentralisatrice vieille de près de trente ans. Le projet de loi opère une réorganisation, aujourd’hui nécessaire, qui ne remet pas en cause les principes fondamentaux des réformes qui l’ont précédé. À cette fin, il démocratise les instances intercommunales en prévoyant l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires. Il renforce le rôle et la représentativité des commissions départementales de la coopération intercommunale. Il offre de nouveaux outils aux collectivités pour conduire et pour développer leurs projets : métropoles, pôles métropolitains. Enfin, il facilite les regroupements entre collectivités, permettant ainsi aux départements et régions qui le souhaitent de se regrouper, toujours sur la base du volontariat.

La commission des lois, tout en adhérant au texte proposé par le Gouvernement, l’a modifié pour renforcer la liberté des collectivités territoriales. C’est pourquoi, à titre conservatoire et dans l’attente d’une meilleure solution, elle a privilégié la négociation pour la fixation du nombre de sièges et leur répartition au sein des conseils communautaires. Elle a davantage encadré les pouvoirs du préfet dans la modification de la carte intercommunale. Elle a apporté de nouvelles garanties aux procédures de regroupement des départements et des régions. Enfin, elle a clarifié les principes devant encadrer la répartition des compétences.

Les auteurs de la motion tendant à opposer la question préalable regrettent que la réforme territoriale soit présentée par le biais de différents projets de loi.

En effet, cette réforme fait l’objet de plusieurs textes, qui seront successivement discutés par le Parlement. Mais aujourd’hui, en abordant l’examen du premier d’entre eux, celui qui traite des structures, le législateur connaît les propositions du Gouvernement concernant l’élection des conseillers territoriaux, le renforcement de la démocratie locale et le mode d’élection des conseillers communautaires, puisque l’ensemble de ces textes ont été déposés sur le bureau du Sénat le même jour, le 21 octobre dernier.

Enfin, la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales fera l’objet d’un projet de loi ultérieur, élaboré sur la base des principes que nous déterminerons dans le texte dont nous entamons aujourd’hui la discussion. Il nous revient donc de fixer dès à présent les limites de la clarification à venir des compétences.

En conséquence, mes chers collègues, estimant que le législateur dispose de tous les éléments nécessaires pour délibérer sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, la commission des lois vous demande de rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. M. le rapporteur vient d’excellemment avancer des arguments que je fais miens ; je ne les reprendrai donc pas. Je voudrais cependant revenir sur un point.

Madame Mathon-Poinat, vous avez affirmé que le Gouvernement veut à tout prix réduire le nombre des élus, notamment celui des élus municipaux bénévoles. Tel n’est absolument pas le cas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous aviez prévu cette mesure, mais vous l’avez retirée !

M. Michel Mercier, ministre. Nous avons besoin de tous les élus municipaux, en particulier pour gérer les relations du couple communes-intercommunalité, que vise le projet de loi. Il n’est pas question de diminuer leur nombre.

M. Guy Fischer. Nous nous méfions de vous !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Fischer, je vous aime beaucoup, vous le savez, mais j’aime encore plus la vérité ! (Sourires.) Je pourrais même le dire en latin, mais je me contenterai du français, aujourd’hui ! Le Gouvernement ne diminue pas le nombre d’élus municipaux bénévoles.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vrai pour l’instant !

M. Guy Fischer. Vous avez reculé !

M. Michel Mercier, ministre. Nous sommes tous très attachés à ces élus, qui, par leur travail quotidien, participent grandement à la qualité du vivre-ensemble.

Après avoir ajouté cet argument à ceux qu’a exposés M. le rapporteur, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.

MM. Adrien Gouteyron et Pierre Hérisson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.

M. Jean-François Voguet. Monsieur le ministre, lors de la discussion générale, vous avez commencé votre intervention en soulignant le caractère historique de nos débats, déclarant qu’ils portaient sur une vaste réforme institutionnelle réalisée par le biais d’une profonde transformation de nos institutions locales. Ce faisant, vous avez montré, enfin, l’enjeu des réformes que vous nous soumettez.

Considérant que les bases constitutionnelles de ces dernières ne sont pas assurées, nous vous avons proposé que ce soit le peuple qui décide en dernier ressort des transformations devant être mises en œuvre. Vous vous y êtes refusé. Ce refus est la preuve de votre faiblesse et de votre crainte qu’un tel référendum n’aboutisse au rejet de vos propositions.

Ma collègue Josiane Mathon-Poinat vient de défendre excellemment la motion tendant à opposer la question préalable visant au rejet du présent projet de loi, au motif principal que la division artificielle de la réforme en plusieurs projets présentés séparément bien qu’ils soient étroitement liés porte atteinte au droit du Parlement et brouille volontairement les cartes. Vous nous demandez, en fait, de travailler à l’envers. Chacun le reconnaît, à droite comme à gauche : vous auriez dû commencer par le début, à savoir remettre à plat les compétences entre l’État et les collectivités locales, puis en redéfinir la répartition. Nous aurions pu alors, dans un second temps, accorder les structures territoriales aux compétences déléguées.

En refusant cette organisation, vous ne vous êtes pas contenté de brouiller les cartes : vous nous obligez aujourd’hui à travailler en aveugle. Nul ne sait quelles seront demain les compétences, inévitablement réduites, des communes, des départements et des régions. Certes, une future loi est annoncée sur cette question, mais aucun projet n’est encore ébauché.

Alors que vous nous demandez d’organiser des transferts de compétences des communes vers les intercommunalités, ainsi que des communes, des départements et des régions vers les métropoles, le texte qui nous est soumis aujourd’hui ne nous permet pas de savoir si ces compétences transférables relèveront toujours de leurs attributions. Ainsi, vous demandez aux parlementaires de se laisser conduire vers une profonde transformation des institutions locales sans leur indiquer vers quel système, vers quelle nouvelle architecture vous les dirigez, ni quels sont vos objectifs in fine. Ce n’est pas acceptable.

Nul ne conteste la nécessité d’une véritable réforme permettant aux collectivités locales de répondre toujours mieux à leur mission. Mais une telle réforme doit être réalisée dans la clarté, les objectifs affichés doivent être dépourvus d’ambiguïté, il ne doit pas y avoir de faux-fuyant sur l’ensemble des enjeux.

Oui, nos concitoyens souhaitent, comme nous tous, une réforme qui donne aux communes, aux départements et aux régions les moyens de toujours mieux répondre aux besoins et aux attentes de leurs habitants. Ils ne nous demandent pas de réduire nos actions et nos compétences dans tous les domaines de leur vie quotidienne ; au contraire, ils sollicitent plus d’équipements et de services publics, utiles et accessibles à tous. Or le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis, en fixant un objectif de réduction de la dépense publique et, par conséquent, des services publics locaux, va à l’encontre de ces attentes.

Aussi, considérant que ce texte ne répond pas aux attentes de nos concitoyens, considérant que le Gouvernement brouille les cartes en traitant une même réforme dans de multiples projets de loi présentés dans le désordre, considérant que ce procédé traduit la volonté de masquer la globalité des transformations engagées afin d’en dissimuler les enjeux aux parlementaires, considérant enfin que le projet de loi aujourd’hui soumis au législateur ne permet pas à celui-ci d’élaborer une loi en toute connaissance des objectifs et des enjeux et, par conséquent, de lui conférer la lisibilité et l’intelligibilité nécessaires à sa compréhension et à son application, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable présentée par notre collègue Josiane Mathon-Poinat, afin de rejeter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.

M. Gérard Miquel. Nous voterons bien sûr cette motion tendant à opposer la question préalable, et je voudrais développer quelques arguments supplémentaires.

Ce projet de loi repose sur des non-dits et des contradictions.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument ! C’est tellement évident ! (Sourires.)

M. Gérard Miquel. J’évoquerai tout d’abord les non-dits.

Monsieur le ministre, certains de nos éminents collègues parlementaires nous ont dévoilé la vérité : Jean-François Copé a indiqué que cette réforme constituait une première étape vers la fusion des conseils généraux et des conseils régionaux (Marques de lassitude sur les travées de l’UMP.),…

M. Patrice Gélard. Il n’engage que lui !

M. Gérard Miquel. … ce qui est la vérité. Chers collègues de la majorité, il a dit tout haut ce qu’un grand nombre d’entre vous pensent tout bas !

M. Jean-Pierre Sueur. Ou craignent tout bas !

M. Gérard Miquel. J’en viens aux contradictions.

Vous affirmez que ceux qui siègent dans les conseils régionaux et dans les conseils généraux doivent être les mêmes. Nous ne comprenons pas pourquoi. Nous n’avons jamais vu deux collectivités de plein exercice avoir les mêmes élus !

M. Yves Pozzo di Borgo. Et les conseillers de Paris ?

M. Jean-Pierre Sueur. Ils siègent au même endroit, eux !

M. Gérard Miquel. La contradiction est ici totale.

Dans le même temps, vous prétendez que les conseils généraux devront continuer à aider les communes. C’est donc que vous n’êtes pas pour la paix des ménages !

Pour durer, un mariage doit être à la fois d’amour et de raison.

M. Pierre-Yves Collombat. L’éloignement, ce n’est pas mal non plus ! (Sourires.)

M. Gérard Miquel. Or vous nous proposez ici de marier la région et le département, alors que leurs compétences sont différentes puisque la première s’occupe de définir des stratégies générales et que le second est la collectivité de proximité, celle qui fait jouer les solidarités au plus près des besoins !

Ce « détricotage », nous ne pouvons l’accepter. Vous devez revoir votre copie et poser clairement que vous entendez mettre un terme à vingt-cinq ans de décentralisation. En effet, c’est bien à une recentralisation rampante que tend ce projet de loi !

Monsieur le ministre, vous affirmez que deux ou trois départements, s’ils en expriment la volonté, pourront se regrouper. Il s’agira souvent de petits départements disposant de faibles moyens, mais cette fusion vous permettra de faire des économies, car, pour ces collectivités, vous n’aurez plus besoin que d’un seul préfet !

M. Michel Mercier, ministre. Pas du tout ! D’ailleurs, ce ne sont plus les préfets qui gèrent les départements… (Sourires sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)

M. Gérard Miquel. Et si deux régions se regroupent – il faut aller au bout de votre logique –, l’économie sera encore plus considérable !

Vous voulez détricoter ce que nous avons mis vingt-cinq ans à réaliser. Ces collectivités répondent aux besoins de nos concitoyens. Naturellement, certaines solutions qui sont adaptées pour une région ne le sont pas pour les autres, car la France est diverse, mais le dispositif que vous nous proposez ne convient pour aucune.

Je prendrai l’exemple de ma région, Midi-Pyrénées. Comment voulez-vous que nous puissions, à terme, la gérer avec seulement 180 conseillers territoriaux, alors qu’elle compte huit départements et qu’elle est plus grande que la Belgique ? Les élus devront parcourir deux cents, voire trois cents kilomètres pour se rendre d’une extrémité de la région à l’autre… Tout cela n’est pas raisonnable !

C’est pourquoi nous voterons cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Je voterai bien sûr cette motion.

Monsieur le ministre, je ne puis faire mienne l’argumentation que vous avez présentée. Vous affirmez que vous ne souhaitez pas voir le nombre des élus municipaux diminuer. Vous avez même prétendu, dans d’autres circonstances, vouloir renforcer la commune en tant qu’échelon de base de notre organisation territoriale ; vous soulignez d’ailleurs que vous entendez maintenir à son profit la clause de compétence générale.

Monsieur le ministre, connaissez-vous le projet de loi, et plus précisément son article 8, relatif à la création des communes nouvelles ?

J’entends bien vos contre-arguments. Certes, les regroupements prévus dans cet article se feront d’abord sur la base du volontariat. Mais ils pourront aussi être réalisés sur l’initiative du représentant de l’État dans le département !

M. Bruno Sido. Non, pas pour les communes nouvelles !

M. Yves Daudigny. Vous soutenez que cette disposition n’est pas destinée à être appliquée. Alors, retirez-la du projet de loi, tout simplement,…

M. Michel Mercier, ministre. Un amendement de suppression a été déposé !

M. Yves Daudigny. … ou ayez la franchise de reconnaître que ce texte contient les prémices de la suppression de l’échelon communal en tant qu’élément de base de notre organisation territoriale, et que vous souhaitez que l’intercommunalité soit demain le premier niveau de collectivité territoriale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 9, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

M. Guy Fischer. Encore !

M. le président. Je vous rappelle que l’avis de la commission est défavorable, l’avis du Gouvernement également.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Ceux qui souhaitent voter « pour » la motion remettront au secrétaire un bulletin blanc.

Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.

Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.

Je ne relirai pas les différentes dispositions dont vous avez maintenant connaissance.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, compte tenu de l’importance des questions traitées, chacun des sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG entend voter personnellement.

Pour ma part, je voterai bien sûr également pour les membres de mon groupe qui ne sont pas présents ce soir.

M. Nicolas About. Voilà une précision importante ! (Sourires sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)

...........................................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste présents en séance votent personnellement.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?…

M. Jean-Pierre Sueur. Personnellement !

M. le président. En l’absence d’observation, le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 124 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 154
Contre 183

Le Sénat n’a pas adopté.

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Division additionnelle avant le titre Ier (début)

M. le président. Je suis saisi, par MM. Collin, Baylet, Alfonsi, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, d’une motion n°24 rectifiée.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 170, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, auteur de la motion. (M. Jacques Mézard applaudit.)

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme qui nous est soumise ne procède pas d’une pensée claire.

Son examen vient dans un ordre inverse à celui qu’eût inspiré la logique. Il eût fallu partir du rôle des collectivités territoriales et de leurs compétences, régler ensuite leur organisation, pourvoir enfin à leurs recettes. C’est le contraire qui a été fait. Certes, le problème des recettes a été traité, mais il n’est pas réglé. Nous ne connaissons pas encore les compétences dans lesquelles seront enfermés les départements et les régions.

L’objectif premier, comme le Président de la République l’a d’ailleurs clairement déclaré, est d’associer les collectivités territoriales à la rigueur budgétaire. Les financements croisés seront interdits, sauf exceptions dont l’article 35 du projet de loi renvoie à un an la définition.

L’élection des conseillers territoriaux appelés à remplacer les conseillers généraux et les conseillers régionaux aura lieu selon un mode de scrutin que nous ne connaissons pas. Elle fera régresser la parité et transformera le problème des cumuls en un véritable casse-tête. Monsieur le ministre, ce projet de loi porte la marque d’une excessive précipitation : qui trop embrasse, mal étreint.

Le Sénat n’entend pas se laisser encore une fois mettre devant le fait accompli et se voir réduire au rôle de simple chambre d’enregistrement.

Pourtant, monsieur le ministre, il y a plus préoccupant encore : le texte qui nous est proposé est gravement attentatoire aux principes de la République.

Aux termes de l’article 1er de la Constitution, en effet, la République est indivisible. Elle respecte le principe d’égalité. Son organisation est décentralisée.

Or le projet de loi de réforme des collectivités territoriales contrevient à ces principes. Il porte en lui l’extinction des communes existantes et des départements. Il saperait ensuite, s’il était adopté, l’unité de la République.

La commune et le département sont tous deux des créations de la Révolution française. Celle-ci a installé les communes dans les limites des anciennes paroisses et les départements aux lieu et place des découpages hérités de l’ancien ordre féodal.

M. Michel Mercier, ministre. Généralités !

M. Jean-Pierre Chevènement. À la fin du XVIIIe siècle, Voltaire écrivait qu’en France on changeait plus souvent de lois que de chevaux. C’est à cela que la Révolution de 1789 a voulu mettre un terme, pour assurer l’égalité des citoyens devant la loi.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle n’a pas réussi, sur ce point !

M. Jean-Pierre Chevènement. Il existe donc un lien entre le couple département-commune et la République une et indivisible. Or c’est ce lien que le projet de loi de réforme des collectivités territoriales entend rompre.

Bien loin de simplifier le mille-feuille, le projet de loi semble d’abord l’épaissir avec la création…

M. Guy Fischer. Des pôles métropolitains !

M. Jean-Pierre Chevènement. … des métropoles, érigées en nouvelles féodalités. On pourrait l’affirmer d’une autre manière des communes nouvelles – j’y reviendrai dans un instant –, dont M. Daudigny a très bien révélé la véritable nature.

Le Président de la République continue d’agiter l’argument du mille-feuille.

M. Guy Fischer. Il s’agite toujours ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Chevènement. Une arrière-pensée se devine. Quelle est la vérité ? Je vais vous la dire.

Comme l’a rappelé hier Brice Hortefeux, le Gouvernement prétend vouloir instaurer deux nouveaux couples : communes-intercommunalité, d’une part, départements-région, d’autre part. Il s’agit là d’une présentation fallacieuse. Dans ces deux binômes, les communes existantes et les départements ont vocation à s’effacer, et je vais le démontrer.

Comment ne pas saisir, en effet, que des communes pourront disparaître sans le consentement ni des conseils municipaux ni de leur population au profit de « communes nouvelles », comme l’a très bien souligné M. Daudigny ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est faux !

M. Jean-Pierre Chevènement. Aux termes de l’article 8 du projet de loi, ces communes nouvelles pourront être créées à la place d’un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, avec l’accord des deux tiers des communes représentant les deux tiers de la population, sur l’initiative d’un préfet ou de l’EPCI lui-même. En clair, cela signifie que l’opposition du tiers des communes dans le ressort du périmètre de l’EPCI concerné ne suffirait pas à empêcher leur disparition pure et simple. Voilà qui est grave, et ce n’est pas M. Braye qui me démentirait.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, l’article 72 de la Constitution précise que les collectivités territoriales s’administrent librement, dans les conditions prévues par la loi. Mais la loi peut-elle aller jusqu’à faire disparaître des milliers de communes sans leur consentement ? N’est-ce pas là une atteinte fondamentale au principe selon lequel l’organisation de la République est décentralisée ? Vous n’avez pas répondu à cette question, monsieur le ministre !

M. Michel Mercier, ministre. Personne ne veut cela !

M. Jean-Pierre Chevènement. Or, si elle était poussée à son terme, la logique des communes nouvelles, avec les incitations financières qui ont été évoquées, aboutirait à substituer aux 36 600 communes 2 600 communes nouvelles.

M. Michel Mercier, ministre. Ah bon ?

M. Jean-Pierre Chevènement. Il suffira des majorités qualifiées que j’ai dites pour réaliser une telle OPA inamicale sur, je le répète, des milliers de communes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous oubliez la consultation de la population !

M. Jean-Pierre Chevènement. Ce projet de loi est inspiré de la réduction autoritaire et drastique à laquelle ont procédé certains pays voisins, comme la Belgique ou l’Allemagne.

M. Yves Daudigny. Exactement !

M. Jean-Pierre Chevènement. La création desdites « communes nouvelles » apparaît comme le moyen de pallier, quarante ans après, l’échec de la loi Marcellin. Or la réussite de l’intercommunalité de projet – vous le savez bien, puisque nous y avons travaillé ensemble – a permis d’apporter un remède simple à cet émiettement communal, qui est certes une spécificité française, mais qui est aussi un formidable atout pour la démocratie par le formidable réseau de 500 000 élus de proximité, quasi bénévoles pour la plupart, que chacun d’entre nous ne manque jamais de saluer.

Monsieur le ministre, il existe un rapport entre la liberté communale et la démocratie. Les règles de majorité qualifiée peuvent s’appliquer à l’intérieur de l’intercommunalité, mais elles ne le peuvent pas quand il est question de l’existence même des communes, échelons de base de la démocratie.

C’est par la commune que la République et la nation sont partout chez elles. Partout sur le territoire national, le maire et les conseils municipaux sont les échelons avancés de l’État républicain.

J’en viens à l’intercommunalité, dont je ne conteste pas qu’il faille achever la carte. J’attire l’attention du Sénat sur la transformation qualitative qu’impliqueraient les nouvelles modalités de désignation des conseillers communautaires. Sous le régime de la loi de 1999, que je suis bien placé pour connaître, l’intercommunalité est une coopérative de communes mettant en commun leurs compétences stratégiques. Avec ce projet de loi, mes chers collègues, vous allez créer – sans l’avoir véritablement voulu, au demeurant – un quatrième niveau de collectivités.

M. Jean-Pierre Chevènement. En effet, dans le régime actuel, les conseillers communautaires sont élus par les conseils municipaux. Avec le projet de loi, ils seront élus au suffrage universel, selon le système du fléchage. Apparemment, c’est démocratique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous l’aviez proposé !

M. Jean-Pierre Chevènement. Prenez-y garde : cette élection directe sapera considérablement la légitimité des maires, en laquelle résidait l’alchimie qui avait permis la réussite de l’intercommunalité. Les conseillers communautaires, aujourd’hui élus par les conseils municipaux, sont en fait largement choisis par les maires pour les seconder. La réunion des maires structure aujourd’hui la vie du conseil communautaire. Demain, élus au suffrage universel sur plusieurs listes, les conseillers communautaires importeront inévitablement au sein du conseil communautaire les différences politiques et idéologiques qui les auront fait élire. La commune s’effacera ainsi discrètement avec la légitimité des maires.

Par ailleurs, le projet de loi ouvre la porte à des fusions autoritaires d’EPCI auxquelles il suffira, aux termes de l’article 20, que souscrive au moins un tiers des conseils municipaux des communes regroupées dans chaque EPCI. C’est là un très faible barrage contre les regroupements autoritaires d’EPCI ! Comment mieux manifester le peu de cas que fait le Gouvernement de la liberté des communes ?

Monsieur le ministre, il faut y réfléchir à deux fois avant de toucher à l’organisation territoriale de la République.

M. Michel Mercier, ministre. Ce sont de vieux souvenirs ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Chevènement. Quelques mesures simples et pratiques auraient suffi. Ainsi, vous auriez pu continuer dans cette voie pragmatique en procédant par petites touches, plutôt que de vouloir tout bouleverser en substituant au couple républicain commune-département un couple postrépublicain composé de l’intercommunalité, érigée en nouvelle catégorie de collectivités, voire de la commune nouvelle, et de la région.

Le projet de loi vise aussi à remettre en cause l’existence des départements. M. Balladur n’a pas fait mystère de ce que la création de conseillers territoriaux avait pour but de permettre l’« évaporation » des départements dans les régions. On admirera la subtilité : à défaut de pouvoir supprimer ouvertement les départements, comme le proposait la commission Attali, on les voue à une progressive évaporation.

Or, depuis la Révolution, le département est l’organisation même de l’État sur le territoire, avec, depuis 1871, une assemblée élue au suffrage universel dans le cadre des cantons. Faut-il rappeler que la loi Tréveneuc, votée en 1872, à l’aube de la IIIe République, avait confié à la réunion de tous les conseillers généraux…

M. Michel Mercier, ministre. Ou de leurs délégués !

M. Jean-Pierre Chevènement. … le soin d’assurer la continuité de l’État en cas de force majeure ? C’est dire si les départements portent en substance la légitimité républicaine ! C’est d’ailleurs souvent à travers eux que nos concitoyens manifestent leur attachement à la nation et à la République. Vouloir les dissoudre, ou plus insidieusement les faire s’évaporer, c’est saper le fondement même de la République !

Ce travail de sape résulte de plusieurs dispositions du projet de loi.

D’abord, la création des métropoles porte une atteinte substantielle à la réalité des départements dont elles sont le chef-lieu, comme d’ailleurs à celle des régions dont elles sont la capitale. Quelle incohérence ! Les transferts de compétences opérés, ne subsisteront plus que des départements moignons et des régions décapitées. Vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre !

M. Michel Mercier, ministre. Eh oui !

M. Jean-Pierre Chevènement. Les inégalités se creuseront entre les métropoles et leur environnement. La création des métropoles, concentrant potentiellement toutes les compétences, entraînera l’apparition de nouvelles féodalités.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il en existe déjà !

M. Jean-Pierre Chevènement. Ainsi le projet de loi porte-t-il gravement atteinte à l’organisation républicaine du territoire en voulant faire disparaître, à terme, les communes actuelles et les départements pour reconstituer, à la place du jardin à la française séparant clairement trois niveaux de collectivités – commune, département, région –, un fouillis médiéval dont les métropoles et les communes nouvelles seront les nouveaux donjons. (Rires. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur les travées du RDSE.)

M. Michel Mercier, ministre. Il fallait oser le dire !

M. Jean-Pierre Chevènement. Enfin, plusieurs dispositions du projet de loi remettent en cause l’unité de la République et la souveraineté du peuple français exercée légitimement par le Parlement – c’est-à-dire par vous-mêmes, mes chers collègues !

Le projet de loi, tel qu’il a été modifié par la commission des lois, veut étendre à la France métropolitaine le régime de l’outre-mer en prévoyant dans l’article 13 bis la création d’une collectivité à statut particulier se substituant à une région et aux départements qui la composent. Y a-t-on bien réfléchi ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Jean-Pierre Chevènement. S’agit-il de refaire le référendum corse du mois de juillet 2003 en fusionnant les deux départements corses avec la collectivité territoriale ? S’agit-il de créer à la place de la région Alsace et des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin une sorte de territoire d’outre-terre entre Vosges et Rhin, une sorte d’eurorégion entre la France et l’Allemagne ? M. Richert en évoquait hier la possibilité !

M. Pierre Fauchon. Ce serait une bonne idée ! Strasbourg deviendrait la capitale de l’Europe !

M. Jean-Pierre Chevènement. Et si l’on incite les départements à fusionner entre eux ou à se retrouver dans une région voisine, par exemple le département de la Loire-Atlantique dans la région Bretagne, comment pourra-t-on s’opposer à la scission de départements comme celui des Pyrénées-Atlantiques, pour permettre la création d’un département basque sur lequel l’ETA ne tarderait sans doute pas à exercer ses chantages ? (Exclamations amusées.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est l’apocalypse !

M. Jean-Pierre Chevènement. Portons notre regard sur ce qui se passe en Belgique entre Flamands et Wallons, ou en Espagne avec la Catalogne et le Pays basque ! Veut-on que la France suive le même chemin ?

Prenez garde, mes chers collègues, qu’en ouvrant la boîte de Pandore des fusions et des regroupements départementaux et régionaux vous ne réveilliez les vieux démons des régionalismes et des ethnicismes, contre lesquels la République une et indivisible avait justement institué les départements.

M. Jacques Mézard. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. Le Gouvernement a-t-il tiré les leçons des référendums intervenus en Guyane et en Martinique ? Aperçoit-il les ferments de division dont il jette les germes pour l’avenir ?

Certes, le Gouvernement peut décider ou non de donner suite aux demandes formulées par les assemblées délibérantes. Mais en cas de délibérations concordantes, pourra-t-il s’y opposer ? Évidemment non ! Et dans l’hypothèse inverse, pourra-t-il résister longtemps à la demande de consultation formulée par des minorités actives ? La réponse est également non : l’expérience nous enseigne qu’il est pratiquement impossible de s’opposer à ces revendications qui partent d’une conception de la démocratie faussée. Ce ne sera plus le peuple français qui décidera de son organisation territoriale, mais telle ou telle portion du peuple plus ou moins dressée contre l’autre.

L’organisation territoriale de la République ne peut être laissée à des arbitrages locaux. Elle doit procéder du Parlement, c’est-à-dire, mes chers collègues, de vous-mêmes !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Donc, pas de référendum ?

M. Jean-Pierre Chevènement. Le Sénat, s’il est le représentant des collectivités territoriales, a aussi – en témoignent tous ces grands personnages dont les statues nous surplombent – le souci de l’État, qui a structuré la France dans la longue durée.

Je sais bien que l’article 72-1 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle de 2003, autorisait, en vertu d’une loi, un référendum local. Il s’agissait alors de l’avenir de la Corse. Je ne m’étendrai pas sur la décision de nos concitoyens de Corse, qui ont refusé d’être mis en coupe réglée au sein d’une collectivité à statut particulier par une minorité violente à forte tendance maffieuse. Cette affaire ayant été tranchée, est-il bon d’y revenir ?

La Constitution, telle qu’elle s’applique depuis 2004, prévoit une loi pour autoriser les référendums locaux. Le projet de loi qui nous est soumis ne contient rien de tel, ne pose aucune barrière de cette sorte. Selon son article 13, un décret en Conseil d’État suffit. C’est une grave atteinte aux prérogatives de la Haute Assemblée et, plus généralement, du Parlement, qui devrait avoir le dernier mot sur l’organisation de la France en départements et en régions.

Menacer les communes, mes chers collègues, c’est renier la Révolution ! Menacer le département, c’est renier la République ! Ouvrir la voie à la création, sur le sol même de la métropole, de collectivités à statut particulier et chambouler notre organisation en départements et en régions en vertu de référendums locaux, c’est porter atteinte à l’unité du peuple français !

Ce projet de loi remettrait en cause le principe d’égalité en creusant les différences entre les territoires et les inégalités entre les citoyens. Il serait, je le crois, un mauvais coup porté à l’unité de la République et au couple républicain communes-département. Bref, monsieur le ministre, il doit être profondément repensé. Le Gouvernement doit prendre le temps de s’expliquer davantage et de revoir son texte, qui, en l’état, porte de graves risques d’inconstitutionnalité.

C’est pourquoi je demande à la Haute Assemblée, en vertu de l’article 44 de son règlement, de décider le renvoi à la commission des lois du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. L’organisation territoriale du pays est une chose trop sérieuse, au cœur même des prérogatives du Sénat, pour que celui-ci se laisse bousculer et placer devant le fait accompli ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les auteurs de la motion déplorent que le projet de loi dont nous entamons aujourd’hui la discussion ne traite ni du cumul des mandats, ni du statut de l’élu, ni de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités, ni de l’existence des communes, des métropoles, ou des fusions des départements et des régions.

Ces questions ont été attentivement examinées lors des diverses réunions organisées par le président de la commission des lois avec le président du Sénat, notamment lors des deux réunions qui ont eu lieu au Sénat avec les membres du Gouvernement. Sur un plan juridique, elles seront traitées, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, à l’occasion de l’examen de projets de loi ultérieurs.

Ainsi, le projet de loi n°61, relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, présente plusieurs dispositions visant à améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux. C’est donc lorsque nous nous saisirons de ce texte que nous serons amenés à traiter une partie de ces questions, qui n’ont pas leur place dans le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis et concerne les seules structures locales.

De plus, nous fixerons dans l’article 35 du projet de loi dont nous avons entamé la discussion les principes qui présideront à la répartition des compétences, dont nous débattrons, là aussi, dans quelques mois.

Examinons les questions bloc par bloc, le débat en sera beaucoup plus lisible et, surtout, beaucoup plus cohérent. Pour ce qui concerne le premier bloc, la commission des lois a déjà réalisé un grand travail.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission vous demande, compte tenu du travail effectué et de l’intérêt de l’opération, de rejeter cette motion tendant au renvoi à la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Chevènement, vous avez brossé du projet de loi un tableau que j’ai ressenti comme apocalyptique. (Sourires.)

M. Pierre Fauchon. Excessif !

M. Michel Mercier, ministre. Il n’est cependant probablement pas tout à fait exact ; peut-être même est-il un peu excessif. Néanmoins, vous avez relevé des problèmes graves qui méritent débat.

Selon vous, ce texte n’est pas abouti et doit être renvoyé à la commission : tel est bien le sens de votre motion. Or, monsieur Chevènement, c’est du texte établi par la commission qu’en vertu des nouvelles dispositions constitutionnelles nous allons discuter. Si nous le lui renvoyons, elle nous le rendra inchangé !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, c’est sûr !

M. Michel Mercier, ministre. Le seul endroit où vous pourrez obtenir que le texte soit modifié, c’est la séance plénière du Sénat. C’est là que doit se dérouler le débat ! Nous avons le texte du Gouvernement, celui de la commission, les amendements et les positions de chacun ; maintenant, le Sénat va délibérer.

Vous avez mentionné des sujets profonds et sérieux, qui touchent à l’essence même de la République. S’il faut en effet en débattre, il est inutile de renvoyer le texte à la commission, qui a déjà fixé sa position. Ces questions doivent être discutées dans cet hémicycle, en séance plénière, avec tous les membres du Sénat. J’y suis prêt.

Telles sont les raisons pour lesquelles je demande au Sénat de rejeter la motion de renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 24 rectifiée, tendant au renvoi à la commission.

Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je vous rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.

Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.

Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

...........................................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?…

En l’absence d’observation, le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 125 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 154
Contre 182

Le Sénat n’a pas adopté.

En conséquence, la motion tendant au renvoi à la commission est rejetée et nous passons à la discussion des articles.

Discussion des articles

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Division additionnelle avant le titre Ier (interruption de la discussion)

Division additionnelle avant le titre Ier

M. le président. L’amendement n° 346, présenté par MM. Collombat, Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :

Titre préliminaire

Clarification des compétences des collectivités territoriales et coordination des acteurs

Chapitre I : Clarification des compétences des collectivités territoriales

Art. ... - La mission centrale de la région est stratégique et de préparation de l’avenir.

Elle l’assume en partenariat avec l’État et les pôles métropolitains. 

La région a en charge la répartition des fonds européens.

Art. ... - Le département a en charge la solidarité sociale et territoriale.

Le département a en charge le développement des territoires ruraux. À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération intercommunale en matière d’ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif.

Il veille à l’équité territoriale.

Chapitre II - coordination des acteurs territoriaux

Art. ... - Il est créé dans chaque région un conseil régional des exécutifs constitué du président du conseil régional, des présidents de conseils généraux, des métropoles, des communautés urbaines, d’agglomération ainsi que des communautés de communes de plus de 50 000 habitants et pour les autres communautés de communes d’un représentant par département, élu par les présidents de communautés de communes de moins de 50 000 habitants.

Le conseil régional des exécutifs est présidé par le président de la région.

Il peut, en tant que de besoin constituer une commission permanente.

Il peut associer à ses travaux, en tant que de besoin, le ou les représentants des organismes non représentés.

Il organise la concertation entre ces membres dans un but d’harmonisation de leurs politiques et afin d’organiser les complémentarités entre elles.

Il établit un schéma d’orientation de l’ensemble des politiques intéressant l’ensemble du territoire régional ou plusieurs départements, il coordonne les politiques, définit les « chefs de file » par projet ou ensemble de projets, prépare les accords et les conventions à passer entre les acteurs, veille à la mise en place de « guichets communs » en matière de développement économique, d’aide à l’emploi, de bourses d’études ou d’aide à la formation.

Il constate le désengagement des collectivités dans leur domaine de compétence. Ce constat de carence autorise une autre collectivité qui entendrait se substituer au titulaire de la compétence à l’exercer à sa place.

Il se réunit au moins une fois par trimestre sur un ordre du jour obligatoire pour délibérer sur les questions d’intérêt régional ou interdépartemental, nécessitant une coordination des politiques des acteurs.

Chaque membre du conseil peut faire inscrire à l’ordre du jour de la plus prochaine réunion toute question de sa compétence dont il souhaite débattre.

Art. ... - Il est créé dans chaque département une conférence départementale des exécutifs regroupant le président du Conseil général, le cas échéant, de la métropole et les présidents des intercommunalités.

Elle est chargée d’organiser la coordination locale et la concertation entre ses membres.

Elle a communication des travaux du conseil régional des exécutifs auquel elle peut communiquer des observations et des vœux.

Elle se réunit chaque trimestre sous la présidence du président du Conseil général.

Art. ... - Le pôle métropolitain est un établissement public destiné à assurer la gouvernance d’un réseau de collectivités territoriales et d’EPCI à fiscalité propre, sur un vaste territoire, éventuellement discontinu, pour des compétences de niveau stratégique : transport, développement économique et emploi, enseignement supérieur et recherche, logement, très grands évènements culturels et sportifs.

Le ou les Établissements Public Fonciers existant sur le territoire, sont membres du pôle métropolitain, quand les compétences de celui-ci comprennent le logement ou les équipements stratégiques.

Constitué par accord entre les intéressés, il comprend obligatoirement la ou les Régions concernées, la ou les métropoles quand elles existent. Les départements et les EPCI de plus de 100 000 habitants sont, à leur demande, de droit, membres du pôle métropolitain.

L’initiative de création d’un pôle métropolitain relève des régions et des métropoles.

Sa création peut-être décidée par arrêté du représentant de l’État du département chef lieu de région ou de la région démographiquement la plus importante si le pôle métropolitain s’étend sur plusieurs régions.

Le pôle métropolitain est soumis aux règles applicables aux syndicats mixtes prévus à l’article L. 5711-1 du Code général des collectivités territoriales, sous réserves des dispositions prévues par le présent titre.

L’arrêté constitutif du pôle métropolitain mentionne obligatoirement les compétences qui lui sont confiées par les organismes membres et le niveau d’intervention de celui-ci.

Le pôle métropolitain définit et arrête les axes stratégiques de développement de son territoire pour les compétences qui lui ont été déléguées. Il coordonne et hiérarchise l’action de ses membres. Il peut aussi se voir confier des missions de gestion. Il assume celles-ci directement ou, sous sa surveillance, par voie de délégation.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je sens bien une certaine lassitude s’installer dans notre Haute Assemblée… (Exclamations ironiques à droite.) Certains de nos collègues se plaignent du caractère répétitif de nos débats et pensent que nous faisons de l’obstruction.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, c’est vrai !

M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement du groupe socialiste est le premier d’une série visant à dessiner un contre-projet.

À vous en croire, mes chers collègues, nous nous contenterions de nous opposer sans jamais avancer de propositions concrètes. Eh bien, en voici ! Leur discussion nous permettra de constater si vraiment le débat existe et s’il est de meilleure qualité que celui que nous avons connu jusque-là – débat qui au demeurant me convenait parfaitement, mais qui apparemment n’était pas du goût de tous. Aurez-vous des arguments valables à nous opposer ?

L’amendement no 346 s’inspire des travaux de la mission Belot et du rapport Krattinger-Gourault – il semble d’ailleurs que l’on ait beaucoup oublié ce dernier, à se demander si nous n’avons pas travaillé pour rien ! Il a pour objet d’insérer en tête du projet de loi une division additionnelle destinée à combler certaines lacunes du texte de projet de loi.

Il s’agit d’abord de clarifier les compétences des collectivités territoriales. Tel était, paraît-il, l’objectif majeur du projet de loi, puisqu’en France tout le monde fait n’importe quoi, agit comme il l’entend, engage des dépenses inconsidérément. M. le rapporteur – je le connais par cœur ! (Sourires.) – me répondra probablement qu’un texte sera consacré à cette question et nous sera soumis dans un an…

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !

M. Pierre-Yves Collombat. Néanmoins, mes chers collègues, si vous lisez bien notre proposition, vous constaterez qu’elle vise simplement des principes, lesquels ont tout à fait leur place dans le présent projet de loi.

S’agissant de la région, notre amendement est ainsi libellé : « La mission centrale de la région est stratégique et de préparation de l’avenir. Elle l’assume en partenariat avec l’État et les pôles métropolitains. La région a en charge la répartition des fonds européens. »

S’agissant du département, nous proposons la rédaction suivante : « Le département a en charge le développement des territoires ruraux. À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération communale en matière d’ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif. Il veille à l’équité territoriale. »

Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que ces dispositions sont tout à fait en rapport avec l’article 35 du projet de loi, qui vise la clarification des compétences des collectivités territoriales et la fin des financements croisés. Ou alors, il ne fallait pas introduire un tel article dans le projet de loi !

Je crois donc fermement que cet amendement permet d’éclairer le débat futur. En outre, il n’a rien de révolutionnaire puisqu’il tend à reprendre des éléments des rapports Belot et Krattinger-Gourault. Aussi, je n’imagine pas qu’il puisse être refusé.

M. Pierre Hérisson. C’est terminé ! Vous avez dépassé votre temps de parole !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous aviez trois minutes !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais c’est très important !

M. le président. Veuillez synthétiser votre argumentation, mon cher collègue.

M. Pierre-Yves Collombat. Je reviendrai sur ce point lors de mon explication de vote, monsieur le président, car je n’ai pas l’impression d’avoir convaincu.

Le second élément que je veux souligner concerne la coordination entre les acteurs, qui constitue aussi, me semble-t-il, l’un des objectifs principaux de la réforme.

Le problème, c’est que, d’un côté, vous voulez charger les conseillers territoriaux de la coordination entre la politique de la région et celle des départements et, de l’autre, vous créez les métropoles en leur donnant les mêmes compétences. Encore que j’imagine que, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le développement économique sera assuré par la région, sauf pour Marseille, pour Toulon et pour Nice ! Si c’est ce que vous appelez une clarification, une réforme positive, alors, vous êtes vraiment très forts !

L’objet de notre amendement est précisément d’apporter une réponse à cette lacune du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, aux termes du règlement du Sénat, le signataire d’un amendement dispose d’un temps de parole de trois minutes pour en exposer les motifs et que les explications de vote sont admises pour une durée n’excédant pas cinq minutes.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise d’abord à définir à grandes lignes les champs de compétences du département et de la région, puis à évoquer la coordination de l’action des collectivités territoriales, enfin à définir les pôles métropolitains.

Les dispositions concernant les compétences de la région et du département pourront être utilement discutées, comme l’avait souligné M. Collombat, dans le cadre du futur projet de loi sur les compétences. Elles n’ont donc pas leur place dans ce texte.

Quant à la coordination entre les acteurs, notamment entre départements ou régions et EPCI, le présent projet de loi ne supprime pas la conférence des exécutifs ; au contraire, par son article 6, il introduit les métropoles au sein de cet organe de concertation. Par ailleurs, la coordination entre le département et la région sera nettement assurée par la création du conseiller territorial.

Enfin, les dispositions concernant les pôles métropolitains seront discutées de manière plus approfondie lors de l’examen de l’article 7, qui prévoit leur création.

En conséquence, la commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Frimat. Nous allons débattre, M. le ministre l’a dit !

M. Michel Mercier, ministre. Assurément, monsieur le sénateur, car c’est bien l’objet de notre présence !

Monsieur Collombat, la division additionnelle que vous nous proposez est vraiment très additionnelle puisqu’elle viendrait s’insérer avant même le titre Ier du projet de loi : cela montre clairement qu’elle est en dehors du texte présenté par le Gouvernement aussi bien que du texte établi par la commission.

Quant au fond et au contenu de l’amendement, je fais miennes les remarques qu’a formulées M. le rapporteur. S’agissant des compétences, toutefois, je souhaite apporter quelques précisions.

M. Guy Fischer. Elles ne figurent même pas dans le texte !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Fischer, si vous m’interrompez continuellement, je ne pourrai pas exposer l’avis du Gouvernement !

Mme Éliane Assassi. C’est un trublion ! (Sourires.)

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Collombat, la disposition indiquant que « la mission centrale de la région est stratégique » ne définit pas une compétence, c’est une pétition de principe. (M. Pierre-Yves Collombat proteste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument ! C’est de la philosophie !

M. Pierre-Yves Collombat. Mais pas du tout ! Je ne suis pas de votre avis !

M. Michel Mercier, ministre. C’est votre avis, non le mien !

Je considère que certaines dispositions de l’amendement sont trop floues pour pouvoir constituer une charte des compétences des collectivités les unes par rapport aux autres.

S’agissant par exemple des pôles métropolitains, vous prévoyez expressément qu’ils sont créés par les régions et les métropoles. (M. Pierre-Yves Collombat proteste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà qui est curieux !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Collombat, cela figure en toutes lettres dans votre amendement : « L’initiative de création d’un pôle métropolitain relève des régions et des métropoles. »

Cette disposition est tout à fait contraire au texte de la commission, qui distingue expressément les métropoles et le pôle métropolitain.

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Sueur, si les métropoles et les pôles métropolitains sont distincts, l’un ne peut pas créer l’autre !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !

M. Michel Mercier, ministre. Il convient d’utiliser clairement la langue !

À moins qu’une erreur ne se soit glissée dans la rédaction de l’amendement, nous sommes donc tout à fait hostiles à la disposition qui y est proposée.

Je le répète, monsieur Collombat : pour le Gouvernement comme pour la commission, il convient de distinguer, d’une part, les métropoles et, d’autre part, les pôles métropolitains. Je rappelle d’ailleurs que cette distinction résulte des négociations conduites par le Gouvernement avec les associations d’élus.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Michel Mercier, ministre. Personnellement, je ne m’autorise pas à revenir sur une négociation menée avec des élus, dont certains d’ailleurs étaient membres de votre groupe.

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi « certains » ? Un seul !

M. Michel Mercier, ministre. Un seul élu, c’est déjà mieux que point, et vous devriez vous réjouir qu’on en ait trouvé un !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est la proximité !

M. Michel Mercier, ministre. J’indiquerai en conclusion que cet amendement, intéressant à plusieurs égards mais largement inabouti, devrait trouver toute sa place dans le projet de loi à venir sur les compétences et pourra faire alors l’objet d’une discussion approfondie.

En attendant, j’émets, comme la commission, un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. La démonstration est faite que toutes nos propositions, qu’elles soient anodines ou qu’elles méritent un examen approfondi, sont traitées exactement de la même façon. Dans ces conditions, ne venez pas vous plaindre que le débat traîne en longueur !

M. Michel Mercier, ministre. Personne ne s’est plaint !

M. Pierre-Yves Collombat. Sans surestimer nos propositions, je pense tout de même que le présent amendement mériterait de faire l’objet d’une discussion de fond et non d’être renvoyé purement et simplement avec des arguments qui ne tiennent pas debout.

Je veux bien admettre que nous aurons à débattre prochainement d’un projet de loi portant sur les compétences – bien qu’il eût été plus logique de commencer par là –, mais qu’y a-t-il d’extraordinaire à vouloir cadrer le débat ?

En outre, il faudrait vous mettre d’accord entre vous : M. le rapporteur me fait le reproche d’être trop précis et d’anticiper sur le texte à venir, et M. le ministre, celui d’être trop vague !

Cet amendement se borne à poser un certain nombre de principes. Encore une fois, il ne casse pas trois pattes à un canard puisqu’il rejoint les propositions du rapport Krattinger-Gourault ! L’objectif reste d’encadrer le débat.

S’agissant de la partie de l’amendement concernant la coordination des acteurs territoriaux, je ne suis pas persuadé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous l’ayez lue jusqu’au bout : nous ne commettons absolument aucune confusion.

Nous visons les conseils régionaux des exécutifs, reprenant là encore les propositions du rapport Krattinger-Gourault : cela n’a rien à voir avec les conférences des exécutifs ! Nous prenons la peine de décliner leur rôle et d’indiquer comment ils organiseront la coordination entre les différents acteurs.

Nous ne confondons pas non plus les métropoles et les pôles métropolitains. Ces derniers, dans votre texte, sont les métropoles de ceux qui n’ont pas les moyens, les métropoles des petits. Les métropoles acquièrent les compétences des communes et d’une partie des départements sur des territoires continus ; mais en réalité, vous le savez comme moi, les territoires sont très souvent discontinus !

Monsieur le ministre, vous rappeliez les négociations que vous avez menées avec Gérard Collomb. Permettez-moi de souligner que ce dernier reconnaît lui-même que Lyon, qui fait déjà partie de la communauté urbaine de Lyon, la COURLY, devra également nouer des relations avec Saint-Étienne, avec le nord de l’Isère, voire avec Grenoble pour des compétences stratégiques telles que l’enseignement supérieur, la recherche ou encore la recherche et développement, si elle veut pouvoir jouer dans la cour des grands européenne. Or, quelles compétences confiez-vous aux métropoles ? Vous leur transférez la gestion du revenu minimum d’insertion, le RMI, et du revenu de solidarité active, le RSA, celle des routes, celle des collèges, celle des pompiers… Il ne s’agit que de gestion au quotidien !

Est-ce ainsi que vous permettrez aux métropoles de rayonner sur le plan européen ? C’est se moquer du monde, monsieur le ministre ! Vous passez complètement à côté du problème !

Il me semble donc qu’il aurait été opportun que nous discutions de tout cela et qu’ensuite vous intégriez éventuellement une partie de nos propositions, qui, je le souligne, ne sont pas du tout en contradiction avec le reste du projet de loi. Mais vous n’avez même pas pris la peine de les lire ni d’en étudier le contenu,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah si !

M. Pierre-Yves Collombat. … ce qui ne vous empêche pas de nous reprocher de faire de l’obstruction, de causer pour causer,…

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est bien ce que vous faites !

M. Pierre-Yves Collombat. … de vouloir ralentir les débats.

Quand il est possible de débattre, vous ne débattez pas, parce que, pour débattre, il faut au moins avoir lu ! Nous, nous avons lu votre projet de loi. Alors, lisez notre amendement et essayez d’en tirer quelque chose !

Après cela, vous allez nous dire que le Gouvernement est à l’écoute, qu’il va déposer des amendements… Oh oui ! Il va sans doute « bidouiller » le cinquième chiffre après la virgule !

Alors que les problèmes sont réels, vous aboutissez à ce paradoxe qu’aucune coordination n’existera entre les politiques des régions et des départements et celles des métropoles, qui de ce fait vampiriseront les départements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons l’insigne honneur de travailler sous le regard de Portalis,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il doit bien rire !

M. Jean-Pierre Sueur. … qui a inspiré une forte tradition juridique en vertu de laquelle, monsieur le président de la commission des lois, on commençait par définir les termes, le cadre et l’objet du débat et de la loi.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais l’amendement de M. Collombat est un pot-pourri !

M. Jean-Pierre Sueur. Dans les grandes lois de décentralisation de 1982, nous avions commencé par définir l’objet et les grands principes devant être ensuite déclinés. Or il est tout à fait significatif que le présent projet de loi ne comporte aucune position de principe, aucune définition ni de l’objet ni de l’objectif.

L’article 1er, magnifique, commence ainsi :

« Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

« I. – L’article L. 3121-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est composé de conseillers territoriaux. »

Autrement dit, vous modifiez cet article L. 3121-1 pour créer des personnages dont nul n’avait entendu parler, dont on ignore à quoi ils servent, qui ne sont pas définis, mais qui seraient la clef de voûte du dispositif : les conseillers territoriaux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat éclate de rire.)

M. Pierre Fauchon. Eh oui ! C’est La Création !

M. Jean-Pierre Sueur. Je comprends la juste colère de M. Collombat. Notre groupe peut en témoigner, il a passé beaucoup de temps à rédiger ce premier amendement, qui est en quelque sorte un amendement-cadre dans lequel il s’est efforcé de suppléer à l’évidente carence du texte en posant les termes du débat. Son objectif, finalement, était que soient définies dans la loi les missions respectives des régions et des départements et que soit précisé le type de coordination à mettre en œuvre entre ces deux collectivités.

M. Collombat a également abordé avec beaucoup de pertinence la question des pôles métropolitains, cette chaîne, ce rassemblement, ce réseau de grandes agglomérations qui forment l’armature du développement d’une région dans les domaines stratégiques. Il souhaite que les pôles métropolitains fonctionnent en liaison avec la région. C’est le bon sens même ! Que serait une région qui ne s’appuierait pas sur une telle armature ?

Notre collègue propose donc un ensemble d’articles introductifs extrêmement clair et cohérent. Vous lui répondez par la négative, en ne trouvant à lui opposer que la création du conseiller territorial.

Monsieur le rapporteur, dans votre intervention très brève – cinquante-huit secondes, a compté M. Frimat –, vous avez indiqué que l’on discuterait de tout cela plus tard. Lors de l’examen de l’important projet de loi au mois de décembre dernier, on nous avait promis un débat en janvier ; en janvier, on constate que finalement ce sera en juin… En définitive, ce n’est jamais le moment d’aborder les sujets stratégiques. Quant à la définition des termes et des objectifs, ce n’est pas la peine de s’y pencher aujourd’hui puisque, de toute façon, on en parlera ultérieurement…

La seule chose qui importe à vos yeux, la lumière électrique, le déclic, ce qui changera tout, ce qui révolutionne la France, ce que personne n’avait demandé, ce que personne n’avait espéré mais qui va surgir, c’est le conseiller territorial. Voilà tout ce que vous nous proposez, mes chers collègues, et c’est bien triste.

Je vous invite donc à considérer l’amendement de M. Collombat comme une base de travail, à le sous-amender – c’est le rôle du débat ! – puis à l’adopter, car il est absolument nécessaire de consacrer cet ensemble d’articles-cadres avant de commencer l’examen du projet de loi proprement dit. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. L’argumentation de Jean-Pierre Sueur est tout à fait lumineuse, comme l’était celle de Jean-Pierre Chevènement lorsqu’il a présenté la motion tendant au renvoi à la commission. Monsieur le ministre, vous y avez répondu de manière très lapidaire, disant que point n’était besoin de renvoyer le texte à la commission puisqu’il y aurait de toute façon un débat en séance publique.

M. Jacques Mézard. Or, nous y sommes !

M. Collombat présente un amendement tendant à insérer un dispositif qui se justifie pleinement en tête d’un projet de loi, qualifié d’historique, de réforme des collectivités locales : on lui répond simplement qu’il n’a pas sa place à cet endroit du texte,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’a sa place nulle part !

M. Jacques Mézard. … mais on ne nous dit pas pourquoi !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je vais vous le dire !

M. Jacques Mézard. Soyons clairs : cet amendement comporte des définitions d’une grande justesse. D’ailleurs, ni la commission ni le Gouvernement n’ont dit qu’elles ne tenaient pas la route ou qu’elles étaient contraires au projet de loi. Tout ce qui y figure est compatible avec l’objet de ce dernier. Voilà donc un amendement explicatif et très simplement compréhensible, ne serait-ce qu’au regard de la clarification des missions dévolues à la région et au département.

Et que dire de la proposition d’insérer un chapitre II relatif à la coordination des acteurs territoriaux, sinon qu’elle est l’illustration parfaite et la continuation logique de ce qui avait été voulu par la mission Belot, et donc par la grande majorité de ses membres ? Sur ce point également, il n’y a aucune incompatibilité de quelque sorte que ce soit avec l’objet du projet de loi.

Par conséquent, mes chers collègues, votre opposition à cet amendement n’est que de principe. Le débat est bien mal parti ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, on peut tout utiliser comme argument, surtout quand on se réfère à Portalis ! Une loi doit être normative et non pas fixer de grands principes, lesquels doivent figurer dans l’exposé des motifs du Gouvernement, comme c’est très exactement le cas en l’espèce.

La seule partie de l’amendement susceptible d’être effectivement considérée comme normative est celle qui a trait aux pôles métropolitains. Or ceux-ci font l’objet de l’article 7 du projet de loi : attendons qu’il vienne en discussion pour en débattre ! Pourquoi le faire ab initio ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Qui plus est, je le rappelle, il s’agit de compléter une législation codifiée : cela, nous n’y pouvons rien ! D’ailleurs, le code général des collectivités territoriales fixe d’ores et déjà les grands principes de la décentralisation aux articles L. 1111-1 et suivants, que nous ne modifions en aucune façon.

Ceux qui invoquent nos grands juristes du passé devraient au moins le faire à bon escient ! L’amendement n° 346 est un ensemble de textes qui ne s’intègrent dans rien du tout. Si nous commençons à voter ce genre de dispositions, mes chers collègues, je vous le dis franchement, nous n’arriverons pas à faire une loi qui tienne la route.

On peut être d’accord ou non sur telle ou telle proposition. De tous les amendements qui ont été déposés, certains ont leur place dans le texte et dans le code général des collectivités territoriales, d’autres justifient un débat. La commission en a d’ailleurs accepté un certain nombre.

Mes chers collègues, je vous en prie, restons dans le cadre de notre législation actuelle. Je fais appel à ceux d’entre vous qui sont de bons juristes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) J’en connais beaucoup dans cet hémicycle, notamment parmi les membres de la commission des lois !

On peut s’amuser, mais personne ne peut nous reprocher de ne pas vouloir discuter, notamment des pôles métropolitains. Nous considérons simplement qu’il est préférable de le faire au moment de l’examen de l’article 7. D’ailleurs, monsieur Collombat, votre groupe a déposé des amendements sur cet article !

M. Pierre-Yves Collombat. Lorsque la commission écrit à l’article 35 que « la pratique des financements croisés entre les collectivités territoriales est encadrée », est-ce normatif ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, c’est normatif, parce que nous fixons les principes que devra mettre en œuvre la future loi sur les compétences.

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas plus légitime que ma proposition !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De toute façon, vous voulez toujours avoir raison ! Bravo ! Continuez donc à philosopher tout seul sur ce sujet !

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, en raison de l’heure tardive et des nombreuses demandes d’explication de vote dont je suis saisi sur l’amendement n° 346, il me paraît plus sage d’interrompre là nos travaux.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Division additionnelle avant le titre Ier (début)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Discussion générale

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 21 janvier 2010 à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :

1. Projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés (n° 207, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 218, 2009-2010).

2. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 60, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 169, 2009-2010).

Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 198, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 170, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART