Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, nous abordons aujourd’hui un débat important dans la plus grande sérénité. L’examen de la proposition de loi de notre collègue député Hervé Gaymard a recueilli une honorable unanimité des parlementaires, d’abord à l’Assemblée nationale, puis devant la commission de la culture de la Haute Assemblée. Ma voix ne détonnera donc pas dans ce concert.
Cette proposition de loi, en apparence technique et peut-être un peu secondaire, revêt, en réalité, un caractère essentiel, vital même, pour tout un secteur, déjà fragile et pourtant primordial dans la vie de notre nation : celui du livre et, par extension, de la création.
La loi de modernisation de l’économie, en plafonnant les délais de paiement entre les entreprises, affichait un objectif respectable de soutien au développement des PME. Prémunir les fournisseurs contre des demandes de délais de paiement beaucoup trop longues émanant de leurs clients permet le plus souvent de protéger de petits commerçants face à de plus puissantes enseignes. Le secteur de l’alimentation, dans lequel les petites et moyennes entreprises se trouvent essentiellement du côté des fournisseurs, est principalement concerné par cette mesure. Tous les secteurs économiques sont désormais soumis à ces nouvelles conditions de délais.
Ces dispositions sont particulièrement inappropriées pour la filière du livre. Loin de renforcer les entreprises du secteur, elles les fragiliseraient considérablement du fait des délais de paiement très longs traditionnellement prévus pour permettre aux librairies de présenter au public l’ensemble de la production éditoriale.
Il s’agit, en effet, du premier secteur culturel français, avec 3 milliards de chiffre d’affaires et près de 70 000 éditions par an.
Au-delà de cet aspect économique, il est de notre devoir de protéger le livre, ainsi que les valeurs qu’il transmet. Pour cela, l’État intervient en régulant le secteur. Nous avons déjà légiféré à plusieurs reprises, notamment sur la fixation du prix unique du livre, toujours avec succès et dans un grand consensus politique. La loi du 10 août 1981 relative au prix du livre avait été adoptée à l’unanimité, je le rappelle.
Nous avons tous pris conscience, peut-être un peu tard, des problèmes posés par les délais de paiement. Mais, aujourd’hui, nous mesurons bien l’importance de la mesure que nous allons adopter.
Contraindre les librairies à réduire leurs délais de paiement reviendrait à les pousser à diminuer le nombre de titres qu’elles proposent à leurs clients, en privilégiant uniquement les best-sellers, les succès assurés. Cela annoncerait la fin d’une richesse et d’une diversité qui nous sont chères. De même, cela contribuerait à la fragilisation et à la disparition des librairies indépendantes, qui sont déjà en danger, leur rentabilité étant l’une des plus faibles de l’ensemble des commerces de détail. L’extrême faiblesse des marges et des rémunérations rend ce secteur fragile.
C’est la raison pour laquelle nous devons régler durablement le problème des délais de paiement entre les librairies et les éditeurs.
L’article unique de la proposition de loi que nous allons examiner permettra à l’ensemble de la filière du livre de déroger au nouveau droit commun en matière de délais de paiement des fournisseurs. Ces délais pourront être définis conventionnellement entre les parties.
Cependant, avec les membres de mon groupe, suivant la proposition de notre collègue Anne-Marie Escoffier, nous avons choisi de déposer un amendement. Nous nous sommes inquiétés de la rédaction de l’article issu de l’Assemblée nationale. L’équilibre de la phrase retenue pourrait donner à penser que la vente de livres n’est pas directement visée, alors même qu’il s’agit de l’objet premier de la proposition de loi initiale. Les modifications apportées ont inclus les imprimeurs et les façonniers dans le dispositif. Il en résulte, selon nous, une phrase dans laquelle « la vente de livres » n’est malheureusement plus assez explicitement désignée.
Nous paraissons unanimes sur l’interprétation de l’article, mais il serait bon aujourd’hui de conforter la bonne lecture du texte dès le débat parlementaire. La dérogation s’applique d’abord aux ventes de livres et, par extension, aux autres activités de fabrication et de commercialisation, ce qui correspond au périmètre couvert par la loi de 1981 relative au prix unique du livre.
Bien sûr, nous sommes conscients de l’urgence qu’il y a à légiférer. La situation économique doit être clarifiée au plus vite. L’application d’un statut dérogatoire pour le monde du livre, dès ce début d’année, serait bienvenue.
À l’heure de la révolution numérique et des débats sur la numérisation de notre patrimoine culturel, il est fondamental de ne pas délaisser notre politique du livre. Il y va non seulement de la viabilité économique d’un secteur tout entier, mais aussi du maintien et du développement de l’accès de chacun à la culture sur l’ensemble de notre territoire.
C’est pourquoi le groupe RDSE, dans son ensemble, votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert.
M. Jean-François Humbert. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, il est difficile d’intervenir en tant qu’avant-dernier orateur – et pour cinq minutes ! -, alors que tout a été dit, et fort bien dit.
Au risque donc de la répétition – mais n’est-elle pas l’outil de la pédagogie ? – je dirai à mon tour combien je suis conscient de la nécessité d’adopter le texte de la commission.
Le marché du livre occupe une place majeure en France. Je n’insisterai pas sur le chiffre d’affaires qu’il génère, ni sur le nombre d’éditions par an. Avec des milliers de points de vente, notre réseau de librairies est l’un des plus denses au monde. Aux côtés des bibliothèques, il permet un accès au livre aisé et constitue un atout important pour l’aménagement du territoire et pour l’animation culturelle et commerciale des centres-villes. Aussi doit-il être protégé.
Non, en effet, le livre n’est pas une marchandise comme une autre. Il présente une singularité : s’il est un bien marchand de consommation, il est également un bien culturel participant grandement à l’édification de la pensée.
Votée à l’unanimité par le Parlement, la loi du 10 août 1981, dont il a déjà beaucoup été question, avait infléchi les règles du marché, en instituant un « prix unique du livre ».
Ainsi, que l’on soit à Paris, dans une grande ville, une petite ville ou une zone rurale, dans une librairie, une grande surface alimentaire ou une station-service, le même livre sera vendu au même prix. On peut parler d’un modèle culturel français, car notre dispositif a été repris en Europe et dans le monde.
Ce système permet d’éviter une guerre des prix sur les best-sellers – pardonnez-moi, monsieur Legendre (M. le président de la commission de la culture sourit) –, une guerre qui ne permettrait ni aux librairies de présenter une offre de titres diversifiée ni aux éditeurs de prendre des risques sur certains ouvrages qui ont besoin de temps et de visibilité dans les librairies pour trouver leur public.
À la règle du prix unique vient s’ajouter le principe de délais de paiement longs.
Les conventions en vigueur dans le secteur du livre prévoient en effet des délais de paiement particulièrement longs – de l’ordre d’une centaine de jours – correspondant, en moyenne, au temps de diffusion du livre. La création littéraire a besoin de temps pour trouver son public. La longueur du délai de paiement garantit, de fait, l’équilibre du secteur.
Je rappellerai à mon tour un certain nombre d’éléments contenus dans la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui est venue contrarier ce principe.
Cette loi visait, à juste titre, à protéger nos PME de délais de paiement trop longs en plafonnant ces derniers à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires.
Mais si, dans le secteur de la distribution alimentaire, les PME sont essentiellement du côté des fournisseurs, il en est tout autrement dans le secteur du livre, où elles sont, à l’inverse, principalement du côté des détaillants.
La réduction des délais de paiement aurait des conséquences très dommageables pour la chaîne de distribution du livre, et à mon tour je citerai le rapport publié en mars dernier à la demande du Gouvernement par Hervé Gaymard, qui conclut que « priver le secteur de délais de paiement suffisamment longs conduirait à réduire la durée de vie des livres en librairie et en grande surface spécialisée et à favoriser les titres à grande diffusion au détriment des ouvrages à tirage plus réduit, soit autant de conséquences qui apparaîtraient comme contraires à l’esprit même de la loi du 10 août 1981 ».
Certes, la loi de modernisation de l’économie donnait la possibilité de déterminer des délais de paiement supérieurs par le biais d’accords interprofessionnels ; l’ensemble de la filière a ainsi pu en bénéficier. Mais ces accords étaient de nature précaire, car leur fin était programmée pour 2012. Ils auront permis d’attendre une initiative législative – nous y sommes - visant à sanctuariser un régime dérogatoire au nom même de l’exception culturelle.
C’est ce que prévoit le présent texte, dont l’objet est d’autoriser le secteur du livre à continuer de définir de manière conventionnelle les délais de paiement entre fournisseurs et clients, contrairement à ce qui prévaut pour les autres secteurs de l’économie. Je tiens à souligner que le texte a été adopté à l’unanimité par nos collègues députés.
Notre rapporteur, notre excellente collègue Colette Mélot, s’est prononcée pour une adoption conforme, avec le maintien des quelques modifications apportées par l’Assemblée nationale.
Je pense qu’à l’heure où le secteur du livre doit relever de nouveaux défis et s’adapter au numérique, il faut s’attacher à protéger la filière.
Le groupe UMP votera bien évidemment un texte qui doit nous rassembler, au-delà de nos clivages politiques, pour marquer notre attachement au livre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Maryvonne Blondin souhaitait intervenir dans ce débat. Elle est empêchée, je reprends donc le flambeau, mais j’ai bien conscience qu’il me sera difficile de tenir des propos originaux.
Le texte que nous examinons aujourd’hui, similaire, je le rappelle, à la proposition de loi n°1422 déposée par nos collègues députés du groupe SRC, a pour but d’exempter l’ensemble de la filière du livre de la mesure de plafonnement des délais de paiement entre entreprises instaurée par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, et de revenir au système conventionnel qui était antérieurement en vigueur.
En effet, l’article 21 de la loi de modernisation de l’économie, qui modifie l’article L. 441-6 du code de commerce, plafonne à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires le délai maximal de paiement entre les entreprises, et ceux qui y contreviennent s’exposent à des sanctions.
Or tout le monde s’accorde à dire, et nous l’avons entendu maintes fois ce soir, que cette disposition est particulièrement inadaptée au secteur du livre, et qu’il est nécessaire d’aller plus loin que les accords dérogatoires à la loi de modernisation de l’économie, qui n’étaient pas satisfaisants.
La diffusion du livre s’appuie sur des cycles d’exploitation lents, un ouvrage ayant besoin de trouver son public. Les livres parus depuis plus d’un an représentent ainsi 83 % des titres vendus en librairie et plus de la moitié du chiffre d’affaires de ces commerces.
Pour maintenir cette création puis cette diffusion éditoriales, les délais de paiement sont actuellement d’une centaine de jours. Et l’ensemble des acteurs de la filière reconnaissent la nécessité d’un tel délai pour la pérennité de leur activité !
L’application de l’article 21 de la loi de modernisation de l’économie aurait donc des conséquences catastrophiques pour le secteur du livre.
Compte tenu de l’extrême faiblesse des marges et des rémunérations des librairies, on estime que la survie d’au moins d’un tiers d’entre elles serait ainsi menacée.
Cette application provoquerait également un appauvrissement certain de la qualité de l’offre éditoriale, les libraires se trouvant dans l’obligation de favoriser les livres de grande diffusion et autres best-sellers au détriment des petites publications pour pouvoir régler leurs factures à temps.
Cela contreviendrait donc aux objectifs de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, qui a permis de maintenir un réseau de librairies dense et diversifié.
Notre pays peut ainsi se féliciter de compter davantage de points de vente de livres que sur l’ensemble du territoire des États-Unis. Si nous voulons que ce constat perdure, nous devons continuer à nous orienter vers la promotion de la diversité des publications, et ne pas céder au règne de la rentabilité et du « tout-libéral » !
Le prix unique du livre a prouvé son utilité et son efficacité pour la structuration et le développement de la filière, tant et si bien que de nombreux pays ont aujourd’hui mis en place un tel système.
Il est en effet primordial de préserver le livre du diktat économique et de la concurrence à tous crins, car le livre n’est tout simplement pas un produit de consommation comme un autre !
Il nous faut absolument défendre à la fois les petites librairies et les petites maisons d’édition face à la grande distribution culturelle et aux géants de l’édition, qui exercent bien souvent une concurrence impitoyable. Il y va de la survie de la filière et donc de l’intérêt général !
En effet, nous nous devons ici de rappeler toute l’importance du livre en tant que vecteur fondamental d’accès à la culture. Il est du devoir des politiques publiques de favoriser l’accès du plus grand nombre à cet outil indispensable tant à la compréhension du monde qu’à l’évasion.
La démocratisation de la culture et l’accès des plus défavorisés au livre : tels sont, mes chers collègues, les vrais enjeux de notre discussion et de la nouvelle disposition que nous examinons aujourd’hui !
À l’heure des débats autour de la numérisation du livre et du devenir de ce support face aux nouvelles technologies, il s’agit de s’interroger sur les opportunités de diffusion du livre au plus grand nombre. Tout comme la création, par exemple, des collections de poche, qui, par leur coût moins élevé, permettent à un nombre croissant de personnes – en particulier des jeunes – d’accéder à la lecture, Internet a sans conteste un grand rôle à jouer dans la réalisation de cet objectif.
Monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler également l’importance du rôle joué par les collectivités territoriales dans la démocratisation de la culture et l’accès du plus grand nombre au livre.
Notre collègue Maryvonne Blondin, élue du Finistère, signale ainsi l’exemple du conseil général du Finistère qui, ayant pour mission d’assurer l’égalité territoriale dans l’accès à la lecture, à l’information et à la documentation, a voté en janvier 2004 un plan de développement de la lecture publique prenant en compte les évolutions des technologies de l’information et de la communication et le développement des intercommunalités. Il préconise une action forte en direction des publics, spécifiquement auprès des jeunes et des personnes défavorisées, et renforce les services et l’offre de proximité de la Bibliothèque du Finistère.
Ce plan a eu un réel impact sur l’ensemble des 220 bibliothèques du réseau représentant 283 communes et 880 000 habitants.
Précisons enfin que le ministère de la culture a choisi pour 2010 la Bibliothèque du Finistère comme l’un des cinq sites pilotes pour la mise en place d’un observatoire de la lecture publique. Un réel maillage territorial est ainsi essentiel pour favoriser l’accès à la lecture pour tous les publics et transmettre le goût de la lecture aux jeunes générations.
Cette proposition de loi permettra donc non seulement de maintenir un réseau de librairies indépendantes dense et décentralisé, mais aussi de soutenir la richesse et la diversité culturelles qui font notre fierté ; c’est là toute son utilité.
Nous pourrons ainsi favoriser la liberté d’expression et de création, tandis que se forgeront des générations de lecteurs éclairés au gré des livres « dévorés ». En effet, la lecture est une expérience culturelle unique et rien ne saurait la remplacer.
Pour conclure, je citerai les mots de l’écrivain québécois Michel Bouthot : « Un livre, c’est un navire dont il faut libérer les amarres. Un livre, c’est un trésor qu’il faut extirper d’un coffre verrouillé. Un livre, c’est une baguette magique dont tu es le maître si tu en saisis les mots. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique.
Article unique
(Non modifié)
Nonobstant les dispositions prévues aux huitième alinéa et suivants de l'article L. 441-6 du code de commerce, pour les opérations d'achat, de vente, de livraison, de commission ou de façon concourant à la fabrication de livres, ainsi que pour la fourniture de papier et autres consommables dédiés à une activité d'impression, de brochage, de reliure ou d'édition de livres, le délai est défini conventionnellement entre les parties.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Escoffier, M. Collin et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
de commission ou de façon concourant à la fabrication de livres
par les mots :
de commission de livres ou de façon concourant à leur fabrication
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. L’amendement proposé est rédactionnel, et ne vise pas à mettre à mal un texte dont, monsieur le ministre, madame le rapporteur, et vous tous, chers collègues, avez dit tout le bien qu’il faut penser.
Le périmètre de la proposition de loi initiale déposée par notre collègue député Hervé Gaymard a été élargi par les travaux de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale.
Les ajouts ont notamment permis d’inclure dans la dérogation au nouveau délai de paiement la façon concourant à la fabrication de livres.
Malheureusement, à mon sens, ce nouveau texte n’a pas la clarté d’une œuvre de Boileau, et ressemble bien davantage à l’une de ces longues et belles pages de Proust. (Sourires.) De ce fait, sa rédaction nous préoccupe : elle pourrait laisser penser que le mot « livres » se rapporte non pas aux activités d’achat, de vente, de livraison, de commission, autrement dit à l’ensemble de la chaîne du livre, mais uniquement à la fabrication.
Dès lors cette interprétation ne correspondrait pas du tout à l’intention du législateur, sur laquelle nous sommes tous d’accord. La vente de livres est évidemment au cœur de notre motivation, et devrait être directement visée par le texte sur lequel nous allons nous prononcer.
C’est la raison pour laquelle je propose cette formulation, qui me paraît plus claire et sans équivoque quant au champ d’application de la dérogation ici accordée.
Je ne doute pas, monsieur le ministre, madame le rapporteur, que vous apaiserez mon inquiétude et celles des professionnels à propos de cette régulation des délais de paiement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Mélot, rapporteur. Madame Escoffier, la commission a examiné votre amendement, qui est tout à fait recevable.
Comme je l’ai indiqué dans mon rapport, j’avais moi-même envisagé sur ce point une clarification rédactionnelle, car l’ajout de l’Assemblée nationale me semblait superfétatoire.
Toutefois, compte tenu de l’urgente nécessité de sécuriser les pratiques commerciales dans le secteur du livre, notre commission a fait le choix de ne pas modifier la proposition de loi, afin de ne pas susciter de navette pour une question rédactionnelle, et elle a donc émis un avis défavorable.
Par conséquent, je vous demanderai, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement, afin, je le répète, de ne pas gêner l’adoption de cette proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame la sénatrice, je suis très impressionné par l’affrontement de Boileau et de Proust que vous convoquez dans notre débat ! (Sourires.)
Toutefois, au-delà de ce conflit de générations entre deux géants de la littérature, mon principal souci est de vous rassurer, puisque vous paraissez inquiète, ce qui est tout à fait votre droit, d'ailleurs.
Si, par définition, une rédaction peut toujours être améliorée, le texte proposé me paraît en réalité tout à fait explicite et la lecture qui doit en être faite sans ambiguïté.
Grâce à la mesure aujourd’hui proposée, les délais de paiement seront définis conventionnellement et librement entre tous les acteurs de la chaîne du livre, pour l’ensemble des opérations liées aux achats, aux ventes et aux livraisons d’ouvrages, y compris celles qui sont rémunérées sous forme de commissions.
Cette mesure s’appliquera également à toutes les opérations de façonnage concourant à la fabrication de livres, notamment la composition, la photogravure, l’impression, le brochage, ou encore la reliure.
Enfin, cette exception au plafonnement des délais de paiement concernera également les achats de consommables dédiés à une activité d’impression, de brochage, de reliure ou d’édition de livres.
L’adoption d’un amendement de clarification rédactionnelle entraînerait un délai supplémentaire dans l’application de ce texte.
Or cette mesure d’exemption doit être votée au plus vite, pour que la chaîne du livre ne soit pas pénalisée plus longtemps. En effet, celle-ci se trouve aujourd’hui, du fait des accords dérogatoires, confrontée à des délais de paiement plafonnés à 150 jours.
Si leur moyenne constatée est de 100 jours environ, ces délais de paiement négociés entre éditeurs et détaillants peuvent être beaucoup plus importants, c'est-à-dire dépasser 150, voire 180 jours, notamment en cas de création ou de reprise de librairie, de développement d’un nouveau fonds éditorial, de publication d’ouvrages de fonds, de difficultés de trésorerie conjoncturelles – nous en avons longuement discuté – ou d’opérations commerciales de l’éditeur.
Enfin, les débats parlementaires à l’Assemblée nationale et, aujourd’hui, au Sénat permettront, le cas échéant, de lever toute ambiguïté quant à l’interprétation de ce texte.
Ainsi, madame la sénatrice, nous quittons Du côté de chez Swann pour rejoindre Le Lutrin, ce qui ne saurait manquer de vous satisfaire, vous qui semblez préférer Boileau à Proust. (Sourires.)
Je vous demande en conséquence de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Madame Escoffier, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, c’est avec des vers de Ronsard que j’aimerais vous répondre ! (Nouveaux sourires.)
J’accepte volontiers de retirer cet amendement, compte tenu des explications, clarifications et précisions que vous avez eu la gentillesse de nous apporter et qui, j’en suis sûre, rassureront aussi pleinement les professionnels ! (M. le président de la commission de la culture applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me semble que, ce soir, le Sénat apporte la preuve, comme l’a fait auparavant l’Assemblée nationale, que nous croyons en l’avenir du livre et que nous ne pourrions pas vivre dans un monde qui ne lui ferait pas toute la place qu’il mérite.
À travers les dispositions que nous allons adopter, nous allons montrer, une fois encore, la volonté qui est la nôtre de faire en sorte que jamais dans notre pays le livre ne puisse être menacé, lui qui est au cœur de notre culture. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité des présents.
La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je souhaite remercier les membres de la Haute Assemblée et saluer Mme le rapporteur pour l’analyse extrêmement précise et détaillée qu’elle a réalisée à l’occasion de la préparation de notre discussion.
Traduisant les vœux de chacun d’entre vous et revenant sur une préoccupation dont je sais qu’elle est partagée notamment par M. le président de la commission, je voudrais également me faire l’interprète de cette assemblée et saluer avec émotion un pays qui vient d’être ravagé par un séisme épouvantable.
Nous le savons, la poésie, la peinture et les diverses expressions artistiques, transcendant des conditions de vie déplorables, ont assuré le rayonnement de tout un peuple aujourd’hui terriblement éprouvé. Nous ignorons encore dans quelle situation se trouvent les habitants, les artistes, mais aussi dans quel état la catastrophe aura laissé le patrimoine de ce pays.
À l’heure où, par-delà des clivages politiques bien naturels, nous sommes unanimes pour défendre l’un des secteurs les plus importants de notre expression culturelle et artistique, saluer les créateurs éprouvés d’Haïti, c’est aussi, en quelque sorte, faire preuve de solidarité transatlantique, de respect et d’estime pour d’autres créateurs, d’autres artistes et un autre patrimoine. (Applaudissements.)
M. le président. Monsieur le ministre, le Sénat unanime s’associe à vos propos.
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Accompagnement d'une personne en fin de vie
Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (n° 223 rectifié, 2008-2009, nos 173 et 172).
Dans la discussion des articles, le Sénat a entamé hier l’examen de l’article 1er.
Article 1er (suite)
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À l’intitulé du livre VIII, après les mots : « Allocation aux adultes handicapés – », sont insérés les mots : « Allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie – » ;
2° Après le titre II du livre VIII, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :
« TITRE II BIS
« ALLOCATION JOURNALIÈRE D’ACCOMPAGNEMENT D’UNE PERSONNE EN FIN DE VIE
« Art. L. 822-1. – Une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée aux personnes qui accompagnent à domicile une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, et qui remplissent les conditions suivantes :
« 1° soit être bénéficiaire du congé de solidarité familiale ou l’avoir transformé en période d’activité à temps partiel comme prévu aux articles L. 3142-16 à L. 3142-21 du code du travail ou du congé prévu au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ou à l’article L. 4138-6 du code de la défense ;
« 2° soit avoir suspendu ou réduit son activité professionnelle et être un ascendant, un descendant, un frère, une sœur, une personne de confiance au sens de l’article L. 1111-6 du code de la santé publique ou partager le même domicile que la personne accompagnée.
« Art. L. 822-2. – (Supprimé)
« Art. L. 822-3. – (Supprimé)
« Art. L. 822-3-1 (nouveau). – L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est également versée dans les départements mentionnés à l’article L. 751-1.
« Art. L. 822-4. – L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée dans la limite d’une durée maximale de trois semaines dans des conditions prévues par décret. Si la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée, la période de versement de l’allocation inclut, le cas échéant, les journées d’hospitalisation, sans dépasser la durée maximale de trois semaines.
« Le montant de cette allocation est fixé par décret.
« L’allocation cesse d’être due à compter du jour suivant le décès de la personne accompagnée.
« L’allocation peut être versée à plusieurs bénéficiaires, au titre d’un même patient, dans la limite totale maximale fixée au premier alinéa.
« Art. L. 822-5. – Les documents et les attestations requis pour prétendre au bénéfice de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, ainsi que les procédures de versement de cette allocation, sont définis par décret.
« Art. L. 822-6. – L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est financée et gérée par le régime d’assurance maladie dont relève l’accompagnant.
[ ]
« Lorsque l’intervention du régime d’assurance maladie se limite aux prestations en nature, l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est financée et servie par l’organisme compétent, en cas de maladie, pour le service des prestations en espèces ou le maintien de tout ou partie de la rémunération. »
M. le président. Lors de la précédente séance, nous avions commencé l’examen de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune, les amendements nos 13 et 8. Le Gouvernement avait in fine déposé un amendement n° 13 rectifié.
Je suis saisi d’un amendement n° 13 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, qui est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 822-4. - Le nombre maximum d'allocations journalières versées est égal à 21. L'allocation est versée pour chaque jour ouvrable ou non. Lorsque la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée, l'allocation continue d'être servie les jours d'hospitalisation.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous venez d’adopter un texte à l'unanimité. J’espère que le pli est pris et qu’il en ira de même pour cette proposition de loi ! (Sourires.)
M. le président. Nous le pensons, madame la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous vous en souvenez sans doute, la version initiale de cet amendement posait des problèmes rédactionnels, que M. le rapporteur avait très justement relevés.
Nous avons travaillé ensemble sur ces dispositions – M. Godefroy dira si la présente rédaction lui convient – et proposons d’exprimer la durée de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie en nombre d’allocations.
En effet, compte tenu de la diversité des modalités de calcul des rémunérations des travailleurs, selon que ceux-ci appartiennent aux secteurs public et privé ou qu’ils sont indépendants, et afin de respecter une stricte égalité de traitement, il est préférable de fixer un nombre maximal d'allocations.
En outre, cette formulation est compatible avec la modulation du montant et de la durée du versement de l’allocation.
Nous avons donc réalisé un travail en amont qui, me semble-t-il, est de nature à répondre aux observations très justement présentées au début de l’examen de cet article.