M. Jean-Pierre Godefroy. Avant d’en venir à l’examen de l’article 1er proprement dit, je voudrais revenir sur l’article 40 de la Constitution, dont l’application nous pose une nouvelle fois problème.
Depuis le 1er juillet 2007, le Sénat a mis en place un nouveau système de vérification de la recevabilité financière des amendements au regard de l’article 40 de la Constitution, tirant ainsi les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 14 décembre 2006.
Cela ne s’est pas fait sans mal tant nos collègues avaient parfois des difficultés à comprendre les décisions de la commission des finances. Et même s’il existe aujourd’hui une « jurisprudence » en la matière, on est parfois surpris par l’application de l’article 40 qui, de fait, restreint considérablement le droit d’amendement des sénateurs.
En l’espèce, le groupe socialiste du Sénat avait déposé neuf amendements « extérieurs » sur ce texte, dont cinq ont été déclarés irrecevables par la commission des finances au motif qu’ils aggravaient la charge publique. Pour au moins deux d’entre eux, les amendements nos°4 et 5, cela me semble vraiment contestable. Comme vous n’avez pu en avoir connaissance avant la séance, pas plus que la commission des affaires sociales, permettez-moi de vous les présenter brièvement et de vous dire pourquoi ils auraient pu, me semble-t-il, passer l’obstacle de l’article 40 de la Constitution.
Pour que l’accompagnant bénéficie de l’allocation, le texte prévoit que le proche en fin de vie doit être accueilli à domicile. Il nous semblait nécessaire de prévoir la possibilité de deux dérogations : dans le cas où le transfert d’une personne en fin de vie hors d’un environnement sanitaire est techniquement impossible et lorsqu’il y a une carence de places en matière de soins palliatifs et d’hospitalisation à domicile. En l’occurrence, ni le malade en fin de vie ni ses proches n’ont le choix et l’accompagnement doit alors se faire à l’hôpital.
Comme cela a été dit à l’Assemblée nationale pour justifier la recevabilité financière de cette proposition de loi, il s’agit non pas de la création ou de l’aggravation d’une charge mais d’un simple report de charges, puisque les personnes qui se trouvent aujourd’hui dans cette situation prennent des congés maladie financés par l’assurance maladie. Si, après le vote de ce texte, on les autorise à percevoir l’allocation dans les deux cas que je mentionnais à l’instant, les accompagnants n’auront plus à prendre de congés maladie et le coût sera neutre. C’est pourquoi nous ne comprenons pas la position de la commission des finances.
Je ne mets en cause personne, mais nous avons parfois du mal à comprendre quand cet article s’applique et quand il ne s’applique pas, quand les amendements passent l’obstacle et quand ils ne le passent pas.
Nous devons donc nous pencher sérieusement sur l’application générale de l’article 40 - à mon sens, devenu incompréhensible pour beaucoup d’entre nous - selon qu’il s’applique en commission ou en séance, sur une proposition de loi ou un projet de loi, avant ou après le passage à l’Assemblée nationale.
Nous devons revoir tout cela, mais, pour revenir plus précisément à nos deux amendements, nous estimons qu’ils n’augmentaient en rien la charge publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Supprimer cet alinéa
II. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
Après le chapitre VII du titre VI du livre Ier est inséré un chapitre VIII ainsi rédigé :
III. - Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Chapitre VIII
IV. - Alinéa 6
Remplacer la référence :
L. 822-1
par la référence :
L. 168-1
V. - Alinéa 11
Remplacer la référence :
L. 822-3-1
par la référence :
L. 168-2
VI. - Alinéa 12
Remplacer la référence :
L. 822-4
par la référence :
L. 168-3
VII. - Alinéa 16
Remplacer la référence :
L. 822-5
par la référence :
L. 168-4
VIII. - Alinéa 17
Remplacer la référence :
L. 822-6
par la référence :
L. 168-5
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La nouvelle allocation ayant vocation à être financée par l’assurance maladie, il convient de la codifier au bon endroit au sein du code de la sécurité sociale, et donc de changer un certain nombre de références.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Aux termes de la proposition de loi, la nouvelle allocation est insérée dans le livre VIII du code de la sécurité sociale. J’ai mis en avant dans mon rapport que ce livre inclut en fait des allocations qui relèvent plus de la solidarité nationale que des régimes d’assurance maladie.
Cet amendement, apparemment technique, prend acte du fait que l’allocation d’accompagnement sera financée par ces régimes et tend donc à déplacer à un autre endroit du code les nouveaux articles créés. Il n’a pas d’incidence juridique et il apporte peut-être un peu plus de cohérence au code de la sécurité sociale.
La commission a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, cela concerne effectivement l’assurance maladie. On peut donc s’étonner que l’État n’assure pas une part du financement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mais, étant donné les explications qui nous ont été données, nous voterons l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Godefroy, Mme Schillinger, M. Jeannerot, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Art. L. 822-3. - Les personnes mentionnées aux articles L. 5421-1 à L. 5422-8 du code du travail peuvent bénéficier de l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie dans des conditions fixées par décret.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement vise à prévoir expressément que les bénéficiaires de l’assurance chômage peuvent accéder à l’allocation créée par le présent article. Pour les conditions, il est renvoyé à un décret afin que puissent notamment être précisées les règles de cumul des deux allocations.
Lorsque la commission a travaillé sur ce texte, il a été proposé une réécriture plus simple et cohérente de l’article 1er, ce qui a mené notamment à supprimer l’article L. 822-3.
Or les bénéficiaires de l’assurance chômage, à la différence des autres personnes mentionnées dans la précédente rédaction de l’alinéa 10 – employés de maison, VRP, professions artisanales… – s’ils peuvent être assimilés à une catégorie « non salariés, non fonctionnaires », ne peuvent a priori pas remplir la condition de suspension ou de réduction d’activité dès l’instant où un allocataire de l’assurance chômage n’a pas, par définition, d’activité professionnelle.
Pour ces raisons, nous vous invitons à adopter un amendement permettant d’intégrer clairement dans ce dispositif les bénéficiaires de l’assurance chômage mais aussi de les protéger dans leurs droits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Cette précision lui semblant tout à fait utile, la commission émet un avis favorable
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après les mots :
personne en fin de vie est
rédiger comme suit la fin de l'alinéa :
servie dans la limite d'une durée maximum fixée par décret. Elle est due pour chaque jour ouvrable ou non. Le nombre maximum d'allocations journalières versées est égal à 21. Si la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée durant le congé, l'allocation est servie, le cas échéant, les jours d'hospitalisation. Les conditions du service de l'allocation sont définies par décret.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement est de nature à apaiser, me semble-t-il, les inquiétudes exprimées par le groupe socialiste à l’occasion du dépôt de l’amendement n° 8.
Il vise à fixer un nombre maximal d’allocations plutôt qu’une durée de versement de la prestation exprimée en semaines ou même en jours.
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par M. Godefroy, Mme Schillinger, M. Jeannerot, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Remplacer les mots :
trois semaines
par les mots :
vingt et un jours
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il s’agit par cet amendement d’apporter précision et cohérence concernant le nombre de jours de versement de l’allocation, et ce d’autant plus que les décomptes en matière de sécurité sociale s’opèrent en jours.
La notion de semaine, pour ce qui concerne une allocation, s’avère non seulement floue, mais peut être en outre source d’interprétations.
En effet, que signifient trois semaines ?
S’agit-il de vingt et un jours calendaires, de dix-huit jours ouvrables ou de quinze jours ouvrés ?
Il serait extrêmement choquant que ces trois semaines puissent en réalité se comptabiliser en jours ouvrables ou ouvrés. Cela aurait alors pour conséquence de la limiter, dans la configuration la plus défavorable, à quinze jours pour les personnes ne travaillant pas le samedi. Il est évident que l’accompagnement d’un proche s’effectue sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre et que la période de trois semaines doit donc au minimum s’entendre comme vingt et un jours pleins.
J’ai pris connaissance de l’amendement n °15 et je suis donc rassuré sur les intentions du Gouvernement. Encore faut-il apporter cette précision dans la loi. C’est l’objet de notre amendement, qui vise tout simplement à remplacer « trois semaines » par « vingt et un jours ».
Cette explication donnée, je veux tout de même réitérer mon regret : même dans le meilleur des cas, c'est-à-dire vingt et un jours effectifs, la limite maximale de durée apparaît relativement arbitraire et terriblement insuffisante ; elle se révélera dans bien des cas trop rigide.
Qu’en sera-t-il lorsque le temps de la fin se prolongera ? L’accompagnement devra-t-il s’arrêter en chemin ?
Parce que nul ne peut prévoir le moment ultime à moins de le « programmer », nous avions également déposé des amendements par lesquels nous permettions au Gouvernement de prendre en compte différentes situations et d’adapter en conséquence la durée maximale de versement de l’allocation.
Or, nous le déplorons une fois de plus, ces amendements ont été déclarés irrecevables au motif « qu’ils pourraient potentiellement être source d’aggravation de charges » – c’est le fameux article 40 de la Constitution –, alors même que ces possibles assouplissements étaient renvoyés à un décret.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 8 ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous poursuivons, me semble-t-il, les mêmes buts : Ad augusta per angusta, monsieur Godefroy ! Mais je pense que mon amendement est meilleur parce que le calcul se fait en nombre d’allocations et non pas en nombre de jours.
Je vous suggère de retirer votre amendement, car il est pleinement satisfait. (M. Jean-Pierre Godefroy fait un signe dubitatif). Si, monsieur le sénateur, réfléchissez bien et vous verrez qu’il est préférable de raisonner en nombre d’allocations plutôt qu’en nombre de jours. En remplaçant le nombre de semaines par le nombre de jours, vous restez sur le concept de durée et vous ne répondez pas aux questions que vous avez vous-même soulevées en défendant votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. La situation est un peu complexe parce que ces deux amendements ne sont pas aussi simples qu’il y paraît et posent en fait des problèmes assez différents.
L’amendement du groupe socialiste a l’avantage de la simplicité, puisqu’il remplace « trois semaines » par « vingt et un jours ».
En revanche, l’amendement du Gouvernement me semble d’une complexité inutile : il renvoie d’abord à une durée maximale de versement fixée par décret, puis précise que tous les jours sont dus, qu’ils soient ouvrables ou non. Enfin, il fixe le nombre maximum d’allocations journalières à vingt et un. En outre, il renvoie à un décret deux fois dans le même alinéa, ce qui est un peu superflu.
Cependant, il présente à notre sens un autre inconvénient, et majeur, celui-là. En effet, l’Assemblée nationale a introduit un ajout intéressant en prévoyant que l’allocation continue d’être versée si la personne accompagnée à domicile est hospitalisée. Or l’amendement du Gouvernement restreint en fait cette mesure en la limitant aux accompagnants qui bénéficient d’un congé de solidarité familiale, c’est-à-dire uniquement aux fonctionnaires et aux salariés, à l’exclusion des membres des professions indépendantes et libérales.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Madame la ministre, je ne fais que lire votre propre rédaction : « Si la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée durant le congé, l’allocation est servie, le cas échéant, les jours d’hospitalisation ».
Or il s’agit du congé de solidarité familiale, qui ne concerne que les fonctionnaires et les salariés, les professions indépendantes et libérales ne bénéficiant pas de « congé » au sens propre du terme. Donc, cette allocation est bien versée y compris pendant le congé, sous réserve qu’il y en ait un, ce qui n’est pas toujours le cas.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La remarque de M. Barbier est parfaitement pertinente et cette restriction n’est absolument pas volontaire : il s’agit d’une erreur dans la rédaction de l’amendement du Gouvernement.
En conséquence, madame la présidente, je souhaite rectifier mon amendement en supprimant les mots « durant le congé », ce qui devrait lever la difficulté fort judicieusement décelée par M. le rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Est-il possible de supprimer également la seconde référence à un décret ? Deux décrets, cela fait un dispositif assez compliqué, madame la ministre…
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Pour le reste, il est en effet préférable de raisonner en nombre d’allocations journalières plutôt qu’en nombre de jours.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 13 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 12
Après les mots :
personne en fin de vie est
rédiger comme suit la fin de l'alinéa :
servie dans la limite d'une durée maximum fixée par décret. Elle est due pour chaque jour ouvrable ou non. Le nombre maximum d'allocations journalières versées est égal à 21. Si la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée, l'allocation est servie, le cas échéant, les jours d'hospitalisation.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance pour pouvoir examiner la proposition du Gouvernement parce que, ce qui nous pose problème, c’est plutôt le début de l’amendement, c'est-à-dire les mots : « servie dans la limite d’une durée maximum fixée par décret ». Nous aimerions avoir des explications.
Par ailleurs, en l’état actuel des choses, je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. Mon cher collègue, de toute manière, compte tenu de l’heure et afin que nous puissions nous rendre à la réception du Président de la République, je vais suspendre la séance. Nous reprendrons la suite de la discussion de cette proposition de loi demain soir. Vous aurez ainsi tout le temps de réfléchir à la nouvelle rédaction de l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. J’indique à nos collègues de la commission des affaires sociales que nous nous réunirons demain soir un quart d’heure avant la reprise de la discussion de la proposition de loi pour réexaminer l’ensemble des questions soulevées par cet amendement.
Mme la présidente. La suite de la discussion de cette proposition de loi est renvoyée à la séance de demain soir.
8
Nomination d'un membre d'une délégation parlementaire
Mme la présidente. Je rappelle que le groupe Union pour un mouvement populaire a présenté la candidature de Mme Sylvie Goy-Chavent pour remplacer Mme Esther Sittler, démissionnaire, au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Sylvie Goy-Chavent membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures pour le débat sur l’évaluation de la loi sur le service minimum dans les transports.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à vingt et une heures dix, sous la présidence de M. Roger Romani.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Conférence des présidents