M. Bernard Frimat. Nous avons évoqué ce problème en conférence des présidents tout à l’heure.
La conférence des présidents s’est prononcée, avec, d’un côté, la majorité, c'est-à-dire le groupe UMP et le groupe mino-majoritaire de l’Union centriste, et, de l’autre, le groupe du RDSE, le groupe CRC-SPG et le groupe socialiste.
Le groupe socialiste a voté contre la proposition de la conférence des présidents de tenir cinq jours supplémentaires de séance, non que nous n’ayons pas envie de travailler – nous avons suffisamment montré le contraire –, mais parce qu’il nous a semblé qu’il fallait dire clairement les choses.
On ne peut pas affirmer qu’il n’est pas normal que les parlementaires prennent des vacances excessivement longues et mettre en cause notre activité alors que nous avons travaillé cette année plus que nous ne l’avons jamais fait auparavant, puisque nous sommes obligés de prévoir des jours supplémentaires de séance.
Notre nouveau règlement nous aidera-t-il à améliorer nos conditions de travail ? Nous pouvons l’espérer, mais l’essentiel est entre les mains du Gouvernement.
Outre ces cinq jours supplémentaires s’annonce la session extraordinaire de juillet, qui devient ordinaire, et dont on ne sait pas quand elle se terminera. On murmure également qu’il y aura une session extraordinaire en septembre. Or il faut permettre aux parlementaires de rencontrer leurs mandants et d’agir dans leurs circonscriptions même lorsqu’ils ont un mandat unique.
Pour dénoncer le caractère non satisfaisant de l’organisation du travail parlementaire, le groupe socialiste votera à l’unanimité contre la proposition de la conférence des présidents de tenir des jours supplémentaires de séance.
Le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement ne manquera pas de considérer ces propos comme une amicale stimulation de l’amélioration des rapports entre le Gouvernement et le Parlement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette année, nous dépasserons pour la première fois les cent vingt jours de séances prévus par la Constitution.
Nous éprouvons la plus grande difficulté à mettre en œuvre la prétendue revalorisation des droits du Parlement. En effet, l’inflation législative du Gouvernement, qui, en théorie, ne dispose plus que de la moitié du temps de l’ordre du jour de chaque assemblée, nous met dans l’incapacité de gérer notre temps de débat.
Bien que ces jours supplémentaires de séance concernent la semaine sénatoriale de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, ainsi que la semaine d’initiative sénatoriale, nous voterons contre la proposition de la conférence des présidents.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je crois me souvenir, mais je n’ai pas le texte sous les yeux, que si le Gouvernement demande une telle prolongation elle est de droit. Si le Gouvernement en faisait la demande maintenant, nous n’aurions pas besoin de voter et nous pourrions nous coucher cinq minutes plus tôt !
M. le président. Notre assemblée a souhaité se prononcer par scrutin public.
M. Michel Charasse. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement respecte la décision de M. le président du Sénat !
M. Gérard Larcher, président du Sénat. J’ai voulu que le Sénat se prononce dans la mesure où il s’agissait de semaines de contrôle de l’action du Gouvernement et d’initiative sénatoriale !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la proposition de la conférence des présidents visant à la tenue de cinq jours supplémentaires de séance.
Sur proposition de la conférence des présidents, je vais consulter le Sénat par scrutin public.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 178 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des membres du Sénat | 172 |
Pour l’adoption | 181 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...
Ces propositions sont adoptées.
8
Modification de l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires
Adoption définitive d'une proposition de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative (nos 373 et 426).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons à la fin d’une grande réforme de nos institutions qui a été engagée il y a deux ans. C’est un travail important que le Sénat a accompli avec l’Assemblée nationale pour voter, d’abord, la réforme de la Constitution, puis la loi organique, et maintenant le règlement du Sénat.
Le Gouvernement est évidemment très favorable à la proposition de loi tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative déjà adoptée par l’Assemblée nationale, que la commission des lois du Sénat n’a pas souhaité modifier.
Sur trois points, ce texte tire très justement les conséquences de la révision constitutionnelle.
Tout d’abord, en matière de questions européennes, la modification de l’article 88-4 de la Constitution a constitué l’aboutissement d’un processus ancien.
Depuis 1992, et même avant, les parlementaires ont légitimement souhaité peser sur la politique européenne. Plus l’Europe est entrée dans nos vies, plus les parlementaires ont entendu s’exprimer sur les questions européennes et les contrôler.
A partir de juillet dernier, le droit de résolution européenne a été totalement libéré. Il demeurait contraint et conditionné à la transmission par le Gouvernement de documents européens. C’est désormais terminé ! Les assemblées pourront adopter des résolutions européennes sans être limitées par ce verrou gouvernemental.
Le Sénat a d’ailleurs déjà utilisé cette faculté, et des propositions de résolutions européennes ont été étudiées tant en commission qu’en séance publique, lors des semaines d’initiative sénatoriale.
Vous avez également anticipé, à juste titre, la création d’une commission chargée des affaires européennes, précédemment intitulée « délégation pour l’Union européenne ». Là encore, la révision constitutionnelle a pris en compte un souhait ancien.
Ensuite, la commission des lois de l’Assemblée nationale a souhaité introduire dans ce texte une disposition permettant aux présidents d’assemblée de soumettre au Conseil d’État les propositions de loi de leurs collègues, pourvu que ceux-ci ne s’y opposent pas. Cette innovation était prévue par l’article 39 de la Constitution depuis la révision du 23 juillet dernier. Cette demande d’avis peut être opportune, au moment même où, grâce à l’ordre du jour partagé, les initiatives parlementaires fleurissent ; nous l’avons encore constaté aujourd’hui !
Je tiens enfin à souligner que cette proposition de loi simplifie l’organisation des offices et des délégations parlementaires. Le Parlement devrait ainsi y gagner non seulement en efficacité, mais aussi en qualité de travail entre les deux assemblées.
Pour conclure, il est évident que le Gouvernement approuve l’ensemble des mesures de cette proposition de loi et souhaite qu’elle soit adoptée dans les termes que propose le rapporteur de la commission. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Mercier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes donc saisis d’une proposition de loi tendant à modifier l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative. Cette proposition de loi comporte cinq articles.
L’article 1er A est consacré aux modalités de saisine du Conseil d’État par le président d’une assemblée parlementaire et aux modifications du code de justice administrative qui en résultent : il s’agit de la procédure d’examen par le Conseil d’État des propositions de loi sur lesquelles son avis est sollicité.
L’article 1er vise à adapter les dispositions de l’ordonnance concernant les délégations parlementaires pour l’Union européenne en remplaçant celles-ci par les commissions chargées des affaires européennes, et en précisant les modalités de désignation des membres de ces commissions.
Les articles 2, 3 et 4 suppriment toute une série d’offices et de délégations : l’office parlementaire d’évaluation de la législation, la délégation parlementaire à l’aménagement et au développement durable du territoire, l’office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques et la délégation parlementaire pour la planification.
L’ensemble de cette proposition de loi a recueilli l’assentiment de la commission des lois, qui vous propose de l’adopter sans modification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les trois points abordés par cette proposition de loi appellent quelques remarques ou critiques.
La proposition de loi initiale de M. Accoyer, examinée par l’Assemblée nationale, visait tout d’abord à tirer les conséquences de la modification de l’article 88-4 de la Constitution par la transformation, dans les deux assemblées, des délégations parlementaires pour l’Union européenne en commissions chargées des affaires européennes.
Sur l’initiative du rapporteur de l’Assemblée nationale, ont été insérées trois autres dispositions. La première revêt une certaine importance, puisqu’il s’agit de l’application du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution ; les deux autres concernent la suppression de délégations parlementaires.
J’aborderai en premier lieu la question de la saisine du Conseil d’État sur les propositions de loi. Si le Conseil d’État n’est pas, par nature, le conseiller du Parlement, comme il peut l’être pour le Gouvernement, la création de cette nouvelle compétence apparaît néanmoins opportune dans un contexte de multiplication des propositions de loi que le Gouvernement utilise, via sa majorité, pour faire passer ses réformes.
Ces propositions de loi constituent en effet un véhicule législatif idéal, qui permet d’échapper à toute la procédure applicable aux projets de loi – avis du Conseil d’État, examen en conseil des ministres – avant leur examen par le Parlement. Nous en avons régulièrement des exemples, ne serait-ce qu’avec la proposition de loi de simplification du droit, celle qui est relative au travail le dimanche, ou encore celle qui a été annoncée par M. Estrosi pour lutter contre les bandes organisées, ou non.
Dans ces conditions, recueillir l’avis du Conseil d’État sur la régularité juridique des propositions de loi, leur forme et leur opportunité administrative, ne peut évidemment qu’éclairer la représentation nationale.
Mais l’article 39 de la Constitution, tout autant que l’article 1er A de cette proposition de loi qui le met en œuvre, encadre strictement la saisine du Conseil d’État. En effet, seul le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi, sauf si son auteur s’y oppose.
La saisine du Conseil d’État est donc laissée à la seule appréciation du président de l’assemblée : il n’est pas difficile d’imaginer que celui-ci, issu de la majorité parlementaire, quelle qu’elle soit, ne saisira jamais le Conseil d’État d’une proposition de loi émanant de cette même majorité. En revanche, cette saisine peut s’avérer être un outil de blocage de l’initiative de l’opposition parlementaire. De surcroît, la non-automaticité de la saisine provoquera forcément des différences de statut entre les propositions de loi qui auront été approuvées par le Conseil d’État et celles qui ne lui auront pas été soumises.
L’article 1er A se contente de reprendre le dispositif constitutionnel, en prévoyant que l’auteur de la proposition de loi dispose de cinq jours francs pour s’opposer à la saisine du Conseil d’État.
L’article 39 de la Constitution verrouille le dispositif au profit de la seule majorité parlementaire : il n’est pas prévu que les groupes politiques, par le biais de leur président, puissent directement soumettre une proposition de loi au Conseil d’État. Alors que la reconnaissance des groupes parlementaires a été constitutionnalisée, celle-ci ne se traduit pas, une fois encore, par un renforcement de leurs prérogatives.
Enfin, l’article 1er A prévoit que l’avis du Conseil d’État est transmis au seul président de l’assemblée, qui le communique ensuite à l’auteur de la proposition de loi.
À l’instar de ce qui se passe pour les projets de loi, se pose la question de la publicité des avis du Conseil d’État. En l’occurrence, cette question se pose avec d’autant plus de pertinence qu’est instauré un dispositif de contrôle juridique de l’initiative parlementaire : les parlementaires peuvent légitimement exiger de connaître l’avis du Conseil d’État sur les propositions de loi, y compris celles dont ils ne sont pas les auteurs. Nous avons donc déposé plusieurs amendements en ce sens. Il s’agit non pas de revenir sur ce qui a été voté lors de la dernière révision constitutionnelle, mais de permettre aux groupes parlementaires de pouvoir également décider de la saisine du Conseil d’État sur une proposition de loi.
J’en viens maintenant à la question de la transmission des actes communautaires aux commissions chargées des affaires européennes. Le texte initial prévoyait que le Gouvernement devait transmettre tous les projets ou propositions d’actes de l’Union européenne – et pas seulement ceux comportant des dispositions de nature législative – au Parlement. Le Gouvernement pourra également transmettre aux commissions chargées des affaires européennes « tout document nécessaire », cette transmission devenant facultative, sur l’initiative de l’Assemblée nationale.
Si l’information des parlementaires doit être la plus complète possible, il est effectivement impossible de transmettre tous les actes de l’Union européenne : elle en produit tant ! En revanche, il serait plus intéressant que les ministres compétents, avant la tenue d’un Conseil de l’Union européenne, viennent présenter devant la commission chargée des affaires européennes, puis devant la commission permanente intéressée, les points à l’ordre du jour et la position défendue par la France. Sans surcharger les commissions, les parlementaires n’en seraient pas moins informés des positions prises par la France lors des Conseils de l’Union européenne.
S’agissant, enfin, de la suppression d’un certain nombre d’offices et de délégations parlementaires, force est de constater que ces offices et délégations n’ont pas fonctionné comme on aurait pu le souhaiter. Je regrette néanmoins que l’on procède à leur suppression en considérant que les commissions permanentes sont les seuls lieux naturels de réflexion sur les sujets jusqu’à présent traités par ces offices et délégations.
Ainsi, est-il bien opportun, alors que l’inflation législative est galopante depuis 2002, de supprimer l’office parlementaire d’évaluation de la législation ou encore, alors que nous sommes en train d’examiner un projet de loi sur l’hôpital qui aggravera les inégalités sociales dans le domaine de la santé, de supprimer l’office parlementaire d’évaluation des politiques de santé ?
Les commissions permanentes sont déjà surchargées en raison de l’ordre du jour et je ne vois pas comment elles pourront assumer en plus ce rôle d’évaluation.
Je n’évoquerai pas les missions d’information, davantage destinées à valoriser la politique du Gouvernement sur des questions ponctuelles qu’à réellement procéder à une évaluation des politiques publiques ! En résumé, avant de procéder à la suppression pure et simple de ces offices et délégations parlementaires, une réflexion sur les moyens de les faire fonctionner et de valoriser leurs travaux aurait été la bienvenue.
Toutes les raisons que je viens d’évoquer traduisent le scepticisme de mon groupe sur cette proposition de loi qui, si nos amendements venaient à être rejetés, ne pourrait recueillir notre assentiment : nous nous abstiendrions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à examiner un texte d’application de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Cette proposition de loi, présentée sur l’initiative du président de l’Assemblée nationale et adoptée par nos collègues députés en avril dernier, est sous-tendue par trois objectifs majeurs.
Tout d’abord, elle définit les modalités de mise en œuvre du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution qui ouvre aux présidents de chaque assemblée la faculté de recueillir l’avis du Conseil d’État sur une proposition de loi, sous réserve que son auteur ne s’y oppose pas. Le constituant a, en effet, entendu permettre une telle demande d’avis. Cette possibilité de saisir le Conseil d’État nous semble particulièrement utile pour l’amélioration de la qualité de la loi, au moment même où les initiatives législatives parlementaires vont être de plus en plus nombreuses.
Le deuxième objectif poursuivi est de prendre en compte dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires les modifications introduites à l’article 88-4 de la Constitution concernant les prérogatives du Parlement sur les questions européennes.
Ainsi, cette proposition de loi donne une assise législative aux commissions chargées des affaires européennes. Elle rend, par ailleurs, les textes cohérents en renvoyant au règlement de chaque assemblée le soin de déterminer la composition et le fonctionnement de ces commissions. Elle tire également les conséquences de l’élargissement des textes européens dont le Gouvernement nous doit communication.
À la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, engagée par le Président de la République, le Gouvernement doit désormais transmettre au Parlement tous les projets ou propositions d’actes européens, et ce dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, sans que l’on n’ait plus à distinguer les actes qui seraient ou non de niveau législatif. Il s’agit d’une avancée majeure qui parachève un mouvement vers une plus grande implication du Parlement dans les questions européennes.
Troisième et dernier objectif, cette proposition de loi procède à la suppression d’organes internes aux assemblées dont le maintien ne se justifie plus soit en raison de l’absence d’utilisation de ces organes, soit parce que d’autres instances prendront le relais.
Comme l’a rappelé notre rapporteur, Patrice Gélard, ces dispositions ont fait l’objet d’une concertation entre les présidents des deux assemblées.
Nous ne pouvons que nous satisfaire de cette démarche qui vise à simplifier et à rationaliser les structures parlementaires actuelles de contrôle et d’observation.
Mes chers collègues, les instruments nécessaires à la mise en œuvre de la révision constitutionnelle de juillet dernier se mettent peu à peu en place et le groupe UMP s’en félicite. Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme viennent de le rappeler M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État, la proposition de loi que nous sommes amenés à discuter se bornait initialement à tirer les conséquences de la nouvelle rédaction de l’article 88-4 de la Constitution issue de la révision constitutionnelle de juillet 2008.
Sans avoir nécessairement révolutionné son économie générale, le texte voté par nos collègues députés n’en a pas moins été augmenté, voire enrichi. Ces nouvelles dispositions, de nature essentiellement techniques, s’inscrivent de plain-pied dans l’évolution du travail parlementaire qu’a introduite la révision constitutionnelle de juillet 2008.
À l’heure où près de la moitié de notre législation nationale est, peu ou prou, dérivée du droit communautaire, il était devenu indispensable d’instituer au sein de nos assemblées des instances de suivi plus efficaces pour donner au Parlement toute l’information et toute l’expertise auxquelles il a droit. La transformation des délégations pour l’Union européenne en commissions chargées des affaires européennes répond, à ce titre, à cette évolution structurelle. Je me félicite ainsi que nos collègues députés aient adopté, à l’article 1er de la proposition de loi, une rédaction permettant à ces commissions de se voir communiquer par le Gouvernement l’ensemble des projets ou propositions d’actes européens, sans qu’il soit opéré de distinction entre ceux comportant des dispositions de nature législative et les autres.
Ce dispositif permettra, à n’en pas douter, de renforcer dans chacune de nos assemblées le suivi des questions européennes, a fortiori si, d’aventure, le traité de Lisbonne venait à entrer en vigueur un jour. Dans cette dernière hypothèse, le nouvel article 88-6 de la Constitution permettrait alors à l’Assemblée nationale ou au Sénat d’émettre des avis sur la conformité au principe de subsidiarité de tout acte européen en cours d’élaboration, ainsi que d’ester, le cas échéant, devant la Cour de justice des Communautés européennes.
Parallèlement, le présent texte a pour objet de répondre à l’un des autres objectifs avancés pour justifier la révision constitutionnelle : rehausser le poids du Parlement en renforçant son pouvoir de contrôle de l’action du Gouvernement.
La suppression de certains offices ou délégations parlementaires jugés obsolètes ou inactifs devrait permettre au Parlement de mieux cibler sa mission de contrôle.
Je conviens qu’il semble rationnel de regrouper au sein de commissions permanentes ou de certains offices ou délégations des missions jusqu’ici éclatées entre diverses instances. Mais l’on aurait tout aussi bien pu renforcer la capacité d’expertise de certaines instances aujourd’hui en voie de suppression en renforçant leurs moyens de fonctionnement.
Tandis que l’inflation législative et le verbiage de certains textes votés par le Parlement appauvrissent l’autorité de la loi, il eût été tout aussi pertinent d’affermir ces instances. Je pense, par exemple, au remarquable travail de notre délégation pour la planification, comme en attestent les récents rapports d’Yvon Collin et de Joël Bourdin sur la coordination des politiques économiques en Europe. La multiplicité des organes de contrôle ne constitue pas, par nature, un obstacle à leur efficacité.
Nos collègues députés ont également retranscrit, sur l’initiative de la commission des lois, le nouveau dispositif du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution qui permet la transmission au Conseil d’État d’une proposition de loi avant sa discussion en commission. La logique de l’article 1er A du présent texte apparaît donc justifiée : garantir une sécurité juridique accrue au texte.
Si cet objectif ne peut que convenir aux législateurs que nous sommes, je m’interroge cependant sur la portée pratique de cet article.
En premier lieu, le fait de confier au Conseil d’État, qui est constitutionnellement le conseiller du Gouvernement, un droit de regard sur le travail législatif représente déjà en soi une conception curieuse de la séparation des pouvoirs, quand bien même cette procédure a été actée par le constituant.
En second lieu, le droit ouvert à l’auteur du texte d’en refuser la transmission limite, de fait, l’étendue du contrôle. Il est de notoriété publique qu’un Gouvernement embarrassé par un projet de loi n’hésite pas à passer par l’initiative parlementaire pour échapper, précisément, à la transmission obligatoire des projets de loi. En agissant ainsi, un Gouvernement se dérobe à une procédure longue, complexe, risquée, mais indispensable.
On comprend donc que ce droit de refus de l’auteur d’une proposition de loi, couplé à la confidentialité de l’avis rendu, rend peu probable l’utilisation de cette procédure dès lors qu’est en cause une question politiquement et juridiquement sensible. On peut ainsi se demander, pour rester dans l’actualité, quelle aurait été la réaction d’un député auteur d’une proposition de loi relative à la lutte contre les violences en groupe si le président de l’Assemblée nationale lui avait demandé pareille transmission.
Dans ces conditions, je reste sceptique s’agissant de cet article 1er A.
En conclusion, je tiens à souligner que le véritable débat ne portera pas sur ce texte, dont l’adoption est presque une obligation constitutionnelle. L’enjeu concerne d’abord la réforme de notre règlement, qui organise les conditions pratiques et donc politiques de nos travaux.
Le groupe du RDSE ne s’opposera donc pas à la présente proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Mon intervention vaudra explication de vote.
Nous examinons une proposition de loi qui a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale. La commission des lois du Sénat n’en a pas modifié le texte.
Ce texte est sous-tendu par trois objectifs, ainsi que mes collègues l’ont souligné.
Le premier objectif concerne la saisine du Conseil d’État sur les propositions de loi ; c’est la mise en musique de la révision constitutionnelle. Le dernier alinéa de l’article 39 appelait une loi, et le président de l’Assemblée nationale a bien fait de choisir ce véhicule.
Lors du débat sur la révision constitutionnelle, nous avions émis quelques doutes – nous étions en désaccord avec Anne-Marie Escoffier – sur l’idée que le président d’une assemblée puisse transmettre une proposition de loi au Conseil d’État pour des raisons dilatoires, afin d’empêcher sa discussion.
La possibilité donnée à l’auteur de la proposition de loi de s’opposer à cette saisine peut avoir des côtés positifs, même si, comme vous l’avez dit, ma chère collègue, les fausses propositions de loi qui sont présentées, le plus souvent, par un parlementaire de la majorité peuvent effectivement être un moyen de détourner cette procédure.
Il restera toujours le problème de la publicité de l’avis du Conseil d’État ; nous en avons longuement débattu, je n’y reviendrai pas à cette heure tardive.
Le deuxième objectif concerne la commission chargée des affaires européennes, qui est également une mise en forme de la révision constitutionnelle. La loi renvoie au règlement des assemblées l’organisation des commissions chargées des affaires européennes, qu’il s’agisse de leur composition, du mode de désignation, des règles de fonctionnement ou de leurs missions. On voit bien le rôle que jouent ces commissions – il est évoqué dans notre règlement –, dont l’articulation avec les commissions permanentes doit manifestement être optimisée. Nous n’avons donc aucune opposition sur ce point.
Le troisième et dernier objectif constitue une grande innovation puisqu’il s’agit de supprimer des institutions qui ne servent plus. C’est très rare en France, où l’on a l’habitude de tout conserver, même ce qui est devenu complètement obsolète ! Ainsi, la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques a cessé toute activité depuis 1992. Il aura donc fallu dix-sept ans pour considérer que la suppression de cette instance n’allait pas bouleverser fondamentalement l’équilibre de nos institutions.
La délégation du Sénat pour la planification, qui effectue un travail dont la qualité est reconnue par tous, ne pouvait perdurer en tant que telle dès lors que son appellation - effectivement un peu surréaliste - avait déjà été modifiée par instruction du bureau : elle s’intitulera désormais « délégation à la prospective ».
Pour toutes ces raisons, parce que cette proposition de loi est une déclinaison, une mise en ordre, le groupe socialiste la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)