compte rendu intégral
Présidence de M. GÉRARD Larcher
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Allocution de M. le président du Sénat
M. le président. Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les moments que traversent le monde, l’Europe et la France sont difficiles. Ils sont lourds de déséquilibres financiers, économiques et sociaux. Ils sont lourds d’interrogations, et parfois de doutes.
Dans les temps troublés, mes chers collègues, je ne connais qu’une seule réponse : l’action.
L’action est nécessaire aujourd’hui pour permettre à notre pays, et à l’Europe, d’affronter la bourrasque financière née aux États-Unis.
L’action est nécessaire aujourd’hui – elle le sera encore demain – pour apporter la contribution du Sénat à la résolution des problèmes concrets et urgents de notre pays et de nos concitoyens. L’action est nécessaire pour orienter le Sénat vers un « nouveau cap » : celui de la primauté du politique et du renouveau de notre image.
Mais pour agir avec efficacité et discernement, il faut des convictions simples et fortes. Je voudrais, mes chers collègues, vous faire part des deux principes forts qui fixent mon cap. Je pense que vous êtes nombreux à les avoir en partage avec moi.
Je crois en la primauté du politique dans l’impulsion de tout élan collectif. Je crois en la nécessité de mieux écouter les Français et de mieux communiquer avec eux pour être encore davantage à leur service et être perçus par eux de façon plus juste.
En ces temps troublés, plus que jamais, il nous faut faire de la politique.
Faire de la politique, c’est placer l’écoute des Français, de nos territoires et de leurs élus au cœur de nos travaux.
Faire de la politique, c’est être aux côtés des Français. C’est faire en sorte que lorsque l’inquiétude se répand dans la nation et lorsque les golden boys cessent enfin d’être la référence, les Français se tournent naturellement vers leurs élus. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Rien n’est moins sûr !
M. Jean-Marc Todeschini. C’est révolutionnaire !
M. Jean-Louis Carrère. Vous relisez Marx ?
M. le président. Relisez Larcher ! (Sourires.)
Faire de la politique, c’est respecter l’opposition. C’est recourir plus fréquemment aux binômes majorité-opposition pour les postes de président et de rapporteur des commissions d’enquête et des missions d’information.
Faire de la politique, c’est donner à nos groupes toute la place qui doit être la leur. Sachons valoriser leur action ! Dans le cadre de la réflexion que j’ai demandé aux présidents de groupe de mener, je suggère de créer pour chaque groupe, de la majorité comme de l’opposition, des porte-parole. Ces porte-parole interviendraient en séance publique juste après les orateurs des commissions.
Faire de la politique, c’est faire appel à tous les talents, solliciter le regard neuf que nos nouveaux collègues peuvent avoir sur des thèmes et des procédures que les plus anciens d’entre nous voient maintenant avec le regard des experts qu’ils sont devenus. Faire appel à tous les talents, c’est encourager la formation de binômes associant un ancien et un nouveau pour travailler sur les rapports législatifs.
Faire de la politique, pour moi, c’est aussi croire aux vertus de la collégialité. J’ai la conviction que, pour travailler efficacement, il faut savoir travailler ensemble. L’œuvre que nous avons à accomplir est vaste, et elle sollicite tous les talents et toutes les opinions. Elle ne pourra pas être l’œuvre du président du Sénat seul. Elle dépendra de chacune et de chacun d’entre nous.
Sans renier aucune des convictions qui sont les miennes – et que je partage avec ceux qui m’ont élu –, je serai le « président des 343 sénateurs ». Il ne s’agit pas là d’un quelconque unanimisme fictif. Cette affirmation est fondée sur les valeurs républicaines qui suscitent mon engagement et guident ma vie politique.
Je crois aux droits de la majorité. Je crois aux droits de ceux qui ne soutiennent pas toujours la majorité. Je crois aux droits de ceux qui s’y opposent.
C’est avec ces idées simples et ces convictions que je vous propose, mes chers collègues, une série d’actions qu’il va nous falloir conduire à bien.
Ces actions, je les décrirai autour de deux thèmes qui les portent : la politique, bien sûr, mais aussi l’image.
La politique que nous devons mener ensemble consiste d’abord à faire face aux défis auxquels le monde et notre pays se trouvent aujourd’hui confrontés.
Pour engager immédiatement le Parlement dans une réponse à cette attente et pour souligner la nécessité d’une cohésion nationale et européenne, j’ai estimé indispensable de proposer la mise en place d’une « commission mixte Assemblée nationale-Sénat » sur l’avenir du système financier et la nécessité de nouvelles régulations. Composée de députés et de sénateurs et reflétant l’équilibre politique de nos deux assemblées, cette commission devrait bientôt commencer ses travaux. Le président de l’Assemblée nationale en a retenu le principe.
La réforme de l’État et celle de notre organisation territoriale sont parmi les obligations les plus ardentes pour notre assemblée. Or, s’il est une institution qui, dans la République, possède la légitimité constitutionnelle et l’expérience de la gestion des territoires, c’est bien le Sénat ! C’est pour cette raison que j’ai proposé, lors de la première conférence des présidents de cette mandature, de mettre en place une mission sur l’organisation des collectivités territoriales. C’est la compétence naturelle du Sénat. Nous pourrons ainsi affirmer les analyses, les idées et les propositions qui sont et seront les nôtres.
Mais, à ce jour, la question immédiate est aussi celle du financement du recours à l’emprunt par les collectivités territoriales. Le Sénat se doit d’être à leurs côtés.
Sachons, à cette occasion, aller plus encore vers les élus de nos territoires, en organisant sur le terrain certains de nos travaux. Sachons être les inspirateurs des politiques de cohésion territoriale, tant en métropole qu’outre-mer.
L’outre-mer, pour notre assemblée, ne doit pas seulement être « le drapeau tricolore qui flotte sur tous les océans du globe ». L’outre-mer doit devenir le symbole du rayonnement et de la cohésion de la nation.
Dans le même temps, il nous faudra continuer d’agir pour que notre assemblée soit encore plus largement ouverte sur le monde, grâce à nos compatriotes de l’étranger. Ils sont aux avant-postes de la francophonie et du combat pour notre développement extérieur. Affirmons encore davantage notre rôle au sein de l’Union européenne, dont cette crise souligne l’importance. Continuons à promouvoir le bicamérisme. Je tiens à saluer ici les actions de mes prédécesseurs, qui ont largement su amorcer ce vaste et ambitieux mouvement.
Une autre action politique, d’une nature différente, me paraît s’imposer à nous. Il s’agit de la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle de juillet 2008. Ce travail est porteur de grandes opportunités, pour le Parlement dans son ensemble, et pour le Sénat en particulier.
C’est dans cette perspective que j’ai fait part à la conférence des présidents de mon intention de constituer, dès les prochains jours, une équipe représentative de tous les groupes politiques de notre assemblée. Y contribueraient les présidents de chacun de nos groupes et de chacune de nos commissions. La feuille de route de ce groupe de travail sera dense, son calendrier serré. Je m’engage à le présider, et j’aimerais être assisté de deux rapporteurs, issus l’un de la majorité, l’autre de l’opposition.
Qu’en sera-t-il du nombre et du périmètre de nos commissions permanentes ? L’évolution du nombre de nos commissions devra sans doute être accompagnée d’un certain « élagage » parmi certaines structures qui n’ont pas toutes trouvé leur voie, qui éparpillent nos moyens, qui sollicitent notre temps. Nos commissions sont le cœur de notre travail, tant législatif que de contrôle.
Il nous faudra redéfinir la coordination du travail entre la séance publique et les commissions, dont la réforme constitutionnelle a accru le rôle.
Il nous faudra être particulièrement vigilants aux conditions d’intervention des ministres dans l’élaboration du texte à partir duquel s’ouvrira désormais le débat en séance publique.
Il faudra rendre plus vivante notre procédure de questionnement. Nos débats en séance publique devront être plus concis, plus directs, plus concrets. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Ensemble, nous devrions pouvoir atteindre à une meilleure lisibilité de nos travaux.
Je souhaite que, dans l’organisation de nos travaux, nous prenions en compte l’importance des budgets sociaux de la nation.
Il faudra optimiser les possibilités nouvelles offertes par l’article 48 révisé de la Constitution, et donc renforcer le rôle de notre conférence des présidents.
Je souhaite accentuer la collaboration entre nos instances collectives de décision internes : le bureau, la conférence des présidents, le conseil de questure, les commissions, la commission de vérification des comptes, qui agira en toute indépendance.
Sachons être réactifs. Le métier de parlementaire, c’est aussi la gestion de la nouveauté et de l’inattendu. Sans que nous cédions à l’écume des choses, les vagues de l’actualité peuvent susciter certaines de nos actions.
La seconde bataille que je compte conduire et gagner avec vous est celle de l’image. Elle est, tout simplement, celle d’une meilleure communication avec les Françaises et les Français.
Comme toutes les batailles, la « bataille de l’image » se gagnera autour de quelques idées simples : communication, légitimité, transparence, élan collectif.
Notre communication devra être recentrée sur l’essentiel. Elle devra être structurée autour d’objectifs que je résumerai en trois mots : politique, Français, territoires.
Avec les médias, sachons retrouver la proximité. Il faut que nos relations soient fondées sur la vérité, mais dans les deux sens.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. Avec les Français, sachons être interactifs. Osons la communication directe. Internet, dont le développement de l’utilisation dans notre assemblée a été important au cours du mandat précédent, doit devenir l’un de nos moyens de communication privilégiés.
Je ne céderai pas aux effets de mode. La communication sans fond n’est qu’un coûteux artifice. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Or, ce fond, nous le possédons. Le fond, c’est le rôle constitutionnel du Sénat. Le fond, c’est le contenu qualitatif et quantitatif de nos travaux. Le fond, c’est notre travail quotidien au Sénat, dans nos départements, dans nos territoires et à l’étranger.
Le fond, nous l’avons donc. Il nous faut mieux le faire connaître et mieux le valoriser.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. le président. En ce qui concerne notre légitimité, je suis frappé chaque jour davantage par l’incroyable distorsion existant entre la réalité et la qualité du travail du Sénat et l’image déformée qui est encore celle de notre assemblée dans une partie de l’opinion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Notre légitimité, c’est l’accomplissement du rôle que nous confère la Constitution. Notre légitimité n’est pas d’être une photographie du corps citoyen ; elle est d’enrichir la représentation directe des citoyens grâce à une représentation des territoires et de leurs élus. Notre légitimité, c’est d’éviter que les mouvements de l’opinion soient durablement forgés par la concomitance entre l’élection du Président de la République et celle des députés. Notre légitimité, c’est la singularité de notre rapport au temps. Notre légitimité, c’est l’auto-réforme. En fait, notre légitimité, c’est la vérité.
S’agissant de la transparence, je m’y suis engagé devant vous le 1er octobre. Avec vous et avec nos instances collégiales de décision, notre conseil de questure, notre bureau et notre commission des comptes, nous satisferons à cette exigence.
Ensemble, nous parlerons de la réalité de nos travaux en commission, dans les délégations, dans les missions d’information, dans les groupes de travail. Ensemble, nous rappellerons dans quelles conditions notre budget est analysé, vérifié et certifié. Ensemble, nous défendrons les principes de la séparation des pouvoirs et de l’autonomie des assemblées,…
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. … ces principes qui fondent la démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Charasse. Parfait !
M. le président. Ensemble, nous parlerons aussi de la fragilité, inhérente à l’élection, du statut du parlementaire. Avec vous, je parlerai de la difficulté, parfois rencontrée, du retour à l’emploi d’un certain nombre de nos anciens collègues, car c’est aussi la vérité.
Dans ces temps qui exigent des efforts de nos compatriotes et de l’État, j’ai demandé que notre budget demeure en 2009 au niveau qui était le sien en 2008.
Un sénateur de l’UMP. Très bien !
M. le président. Alors, bien sûr, il nous faudra optimiser nos dépenses. Pour pouvoir mener cette action en toute connaissance de cause, je demande un examen de l’adéquation de nos moyens à nos missions. En outre, je vous le confirme, l’an prochain, nos comptes feront l’objet d’un audit extérieur.
Un sénateur de l’UMP. Très bien !
M. le président. Pour réussir ce renouveau que nous avons à conduire ensemble, je fais appel à chacune et à chacun d’entre vous. Sans votre participation à cet effort, rien ne sera possible.
J’appelle aussi à la mobilisation de nos différents cadres de fonctionnaires. Beaucoup sont des personnels d’élite. Cet appel s’étend à l’ensemble de nos collaborateurs, qu’ils agissent auprès de nous ou auprès de nos groupes politiques. C’est avec eux que nous devons conquérir la reconnaissance que méritent nos travaux.
Tous, nous devrons avoir encore plus de fierté d’être élus ou de travailler au Sénat, être en phase avec nos concitoyens et au service de notre pays, la France.
Je n’annonce pas l’austérité. Je souligne simplement le devoir, pour chacun, de pouvoir justifier pour mériter.
Je m’y engage : la politique que je vous annonce, je la construirai avec détermination. Cette détermination sera d’autant plus forte que je sais que cette politique est celle que vous attendez.
Avec vous, je ne veux plus que, dans trois ans, il soit possible de se poser la question : « À quoi sert le Sénat ? ».
C’est le temps de la politique. C’est le temps du renouveau et du courage.
Avec vous, je suis fier d’être sénateur au service des Français, au service de la République : une fierté non pour nous-mêmes, mais pour la démocratie vivante. (Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP et de l’Union centriste se lèvent et applaudissent longuement. – Certains sénateurs du RDSE applaudissent également.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant suspendre la séance, pour permettre à la conférence des présidents de se réunir.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mercredi 15 octobre 2008 :
À 15 heures :
Ordre du jour prioritaire
1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie (A.N., n° 1156) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à l’ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance avant 11 heures) ;
Le soir :
2°) Désignation des trente-six membres de la mission commune d’analyse et de réflexion sur l’organisation des collectivités territoriales et l’évolution de la décentralisation ;
(Le délai limite pour le dépôt des candidatures par les groupes et la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe est fixé à 17 heures) ;
Ordre du jour prioritaire
3°) Suite du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (urgence déclarée) (n° 497, 2007-2008).
Par ailleurs, je vous rappelle que la conférence des présidents se réunira demain à 19 heures pour examiner la suite de notre ordre du jour.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?…
Ces propositions sont adoptées.
4
Demande d'autorisation d'une mission d'information
M. le président. J’informe le Sénat que M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, m’a saisi d’une demande tendant à obtenir du Sénat l’autorisation de désigner une mission d’information portant sur la situation politique internationale au Moyen-Orient.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par l’article 21 du règlement.
5
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour un rappel au règlement.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 32 du règlement du Sénat, relatif à l’organisation de nos travaux.
Une fois encore, parce que soudainement le Gouvernement s’est rendu compte que certaines mesures très récemment annoncées nécessitaient un examen parlementaire et l’adoption d’une loi, la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion va se trouver « charcutée », « saucissonnée », perdant par là même une bonne part de sa cohérence.
Cela ne peut qu’être préjudiciable au contenu du débat sur ce texte, que la crise économique et financière actuelle semble rejeter dans l’ombre.
Il convient de souligner que l’une des mesures les plus importantes devant être prises en matière de logement, à savoir la garantie de l’État pour la mise sur le marché de 30 000 logements, ne figure pas expressément dans le projet de loi que nous devons examiner.
Pour autant, les conditions de la discussion de ce texte appellent d’autres observations, s’agissant notamment du contenu même du texte.
On souhaite mobiliser pour le logement et contre l’exclusion sociale, et voici que l’invocation rituelle de l’article 40 de la Constitution va priver les membres de la Haute Assemblée de la possibilité de débattre du montant des aides personnelles au logement, de la mise en œuvre du droit au logement opposable pour tous et partout, ou encore de la nécessaire programmation de la réalisation de logements sociaux dans les années à venir.
Une fois encore, l’irrecevabilité financière tient lieu d’argument unique pour restreindre le droit d’expression des parlementaires, quand bien même les thèmes de débat que je viens d’évoquer ne sont en aucune manière éloignés des finalités du projet de loi nouvellement inscrit à l’ordre du jour.
Quand allons-nous enfin, conformément aux recommandations anciennes du Médiateur de la République lui-même, résoudre le problème du versement des aides personnelles au logement de faible montant et abolir le délai de carence qui affecte directement les locataires concernés ?
Notons en outre que l’irrecevabilité a été opposée à la constitution d’un syndicat mixte du logement destiné à œuvrer dans l’ensemble des départements d’Île-de-France, au moment même où l’on nous rebat les oreilles de la pertinence de la régionalisation des solutions au problème du logement dans la région capitale.
La création d’une telle structure, qui interviendra peut-être sans qu’il soit recouru à la voie législative, préfigure pourtant la mise en place d’un véritable service public du logement, qui devrait accomplir des missions proches de celles qui sont aujourd’hui dévolues, dans un autre domaine, au service public de l’emploi.
La connaissance des besoins et les orientations à prendre pour résoudre les problèmes du logement étaient au cœur de cette proposition, dont nous ne pouvons que regretter qu’elle ne puisse être prise en considération dans la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
Tels sont, monsieur le président, les points que le groupe CRC souhaitait mettre en exergue alors que nous allons entamer l’examen de ce texte.
M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. le président. Ma chère collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement, qui m’amène à apporter quelques précisions.
La modification de l’ordre du jour que vous venez d’évoquer a été décidée d’un commun accord en conférence des présidents voilà quelques instants, sans que l’inscription du texte en question fasse l’objet d’aucune opposition.
Le Président de la République et le Premier ministre ont rencontré hier l’ensemble des présidents des groupes, en présence des présidents des deux assemblées. Un tel sujet, d’intérêt national et même communautaire, puisque nous sommes amenés à agir de concert avec nos partenaires européens, présente un caractère d’urgence qui dépasse le cadre d’un simple ordre du jour prioritaire.
J’ai bien entendu vos observations, ma chère collègue. Toutefois, compte tenu du nombre d’amendements déposés sur le projet de loi dont nous allons à présent débuter l’examen, notre débat sera, je n’en doute pas, nourri et prolongé, ce qui permettra à chacun d’entre nous d’avoir une vision globale de la politique du logement que le Gouvernement entend nous proposer.
6
Logement et lutte contre l'exclusion
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (nos 497, 2007-2008 ; 8, 11, 10).
Avant d’ouvrir le débat, je dois vous rappeler, mes chers collègues, que le Conseil économique, social et environnemental a demandé que, conformément aux dispositions de l’article 69 de la Constitution, M. Henri Feltz, rapporteur de sa section du cadre de vie, puisse exposer devant le Sénat l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur l’article 12 de ce texte.
Conformément à l’article 69 de la Constitution et à l’article 42 de notre règlement, huissiers, veuillez faire entrer M. Henri Feltz.
(M. le rapporteur du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental est introduit dans l’hémicycle selon le cérémonial d’usage.)
M. le président. Monsieur le rapporteur du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental, je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle. L’éclairage que vous apporterez à la Haute Assemblée nous sera, j’en suis certain, très utile.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
C’est un texte opérationnel, qui vise à faciliter l’accès des classes moyennes et modestes au logement et à lutter contre le mal-logement.
J’ai élaboré ce projet de loi dans un esprit de réforme, sans a priori ni tabous, avec la seule volonté de trouver des solutions adaptées à la diversité des situations et des exigences sur l’ensemble du territoire national.
Au-delà des enjeux que le logement représente pour l’économie de notre pays et pour la cohésion de notre société, j’ai à tout moment gardé à l’esprit que la légitimité de mon action résidait d’abord dans l’attention portée à l’humain, à chacune des femmes et à chacun des hommes considérés individuellement, avec leurs besoins, leurs aspirations, leurs souffrances aussi.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que la Haute Assemblée se soit saisie de ce projet de loi dès le début de la session ordinaire du Parlement. Car il y a urgence, et aujourd'hui plus que jamais ! Nous sommes confrontés non plus seulement à une crise du logement, mais à une crise de confiance sans précédent, qui ébranle l’économie mondiale et qui touche déjà, en France, le secteur de l’immobilier.
Comment résoudre la crise du logement, qui s’aggravera si l’ensemble des forces vives de ce pays, au-delà des clivages politiques, économiques ou sociaux, ne se mobilisent pas pour faire du logement une priorité effective, non pas seulement à l’échelon national, mais aussi dans chaque commune ? C’est une question de solidarité nationale.
Permettez-moi de développer les grands traits de cette crise du logement qui perdure, et de la crise de l’immobilier qui se profile depuis plusieurs mois et se confirme avec brutalité depuis quelques semaines.
Le logement est-il en crise ?
M. Thierry Repentin. Oui !
Mme Christine Boutin, ministre. Le logement est l’un des besoins fondamentaux de tout homme. Ne pas y répondre collectivement, c’est compromettre la dignité humaine, c’est favoriser l’exclusion, c’est remettre en cause les fondements mêmes de notre pacte social !
Nous n’avons pas suffisamment construit pendant toute une décennie. Ce n’est qu’au cours de ces dernières années que la construction a fortement augmenté, le nombre de logements réalisés passant ainsi de 308 000 en 2002 à 435 000 l’année dernière, niveau historique jamais atteint depuis trente ans. Ce résultat a été obtenu parce que les organismes de logement social se sont remarquablement mobilisés et que, grâce aux nouvelles aides de l’État, davantage de particuliers ont investi dans un logement, soit pour l’occuper, soit pour le mettre en location.
Toutefois, le ralentissement sérieux que nous subissons depuis le mois de juin nous laisse à penser que nous terminerons l’année aux alentours de 360 000 mises en chantier, soit autant qu’en 2004, et donc encore bien au-dessus des niveaux atteints depuis vingt-cinq ans.
Quelles sont les causes de cette chute brutale, qui représente 70 000 logements de moins sur une année ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, la crise nouvelle a une origine financière. Nous avons commencé à la percevoir au milieu du deuxième trimestre de cette année. Ne rien faire aurait des conséquences graves sur la construction, avec moins de réponses en matière de logement pour nos concitoyens, moins d’activité et d’emploi dans le secteur du bâtiment, et également moins de recettes fiscales. Dois-je le rappeler, la non-production de 10 000 logements représente 20 000 chômeurs de plus et 370 millions d’euros de recettes fiscales de moins.
Pour les particuliers, l’accès au logement et à la propriété devient de plus en plus difficile, en raison non seulement de la contraction du crédit, mais également de la hausse des taux d’intérêt et de la diminution d’une offre déjà insuffisante pour répondre aux besoins. Et que dire des restrictions de prêts que l’on constate aussi du côté des professionnels ?
Pour élaborer cette loi incontournable, j’ai décidé d’agir de façon pragmatique, et non idéologique, afin d’atteindre le maximum d’efficacité. Vous le savez, le logement est un secteur technique, dans lequel il faut agir avec doigté, sauf à provoquer des effets pervers non désirés.
J’avais espéré ne pas avoir besoin de recourir à des dispositions législatives. Malheureusement, ou heureusement, nous sommes dans un État de droit écrit, et la loi peut se révéler nécessaire pour lever certains verrous. Cela étant, un certain nombre de demandes sont d’ordre réglementaire ; c’est la raison pour laquelle vous n’en trouverez pas l’écho dans ce projet de loi.
Le texte qui vous est aujourd'hui soumis a été présenté lors du dernier conseil des ministres du mois de juillet 2008. La tourmente financière n’était pas encore là. Le 8 octobre dernier, le Président de la République a confirmé les orientations de ce texte législatif, en augmentant les moyens qui avaient été arbitrés avant la crise. Les mesures qui ont été annoncées hier à l’issue du conseil des ministres exceptionnel doivent permettre le déblocage des prêts indispensables à la relance.
J’ai voulu en outre confronter les orientations de ce texte aux attentes des Français. Je me suis donc déplacée en province et ai rencontré tous ceux qui, de près ou de loin, ont un intérêt pour le logement : je pense, notamment, aux propriétaires, aux locataires, aux agents immobiliers, aux acteurs du 1 % logement, aux bailleurs sociaux, aux banquiers. Ces personnes étaient invitées par voie de presse et m’ont rencontrée pour m’exposer leurs difficultés. Je remercie les élus, de droite comme de gauche, qui ont accepté de participer à cette démarche libre et innovante.
Il ressort de ces rencontres que le présent projet de loi répond aux préoccupations exprimées par mes interlocuteurs. Toutefois, je n’ai pas hésité à l’enrichir, par le biais d’amendements, des solutions aux problèmes qui ont été soulevés à cette occasion. Par ailleurs, je compte également sur vos propositions, mesdames, messieurs les sénateurs, afin que nous puissions répondre au mieux aux besoins du moment, en fonction de la conjoncture.