M. Roland Courteau. Nous en ferons !

Mme Christine Boutin, ministre. Avant de vous présenter les grandes lignes de ce texte, permettez-moi de souligner la qualité du travail effectué par les différentes commissions, en particulier par M. Dominique Braye, rapporteur de la commission saisie au fond, ainsi que par Mme Brigitte Bout et M. Philippe Dallier, rapporteurs pour avis.

Monsieur Braye, je retiens tout particulièrement votre volonté d’associer encore plus étroitement l’ensemble des acteurs majeurs de la politique du logement, notamment en confortant la place des collectivités locales dans les politiques de l’habitat, afin de répondre au mieux à la nécessité de construire davantage pour pourvoir aux besoins en logement des Français.

Madame Bout, je salue votre souci permanent de prévenir une application trop générale des dispositions prévues dans le projet de loi, qui pourrait être préjudiciable aux plus fragiles de nos concitoyens. Comme vous le savez, je partage cet objectif.

Monsieur Dallier, j’ai bien noté votre volonté d’accompagner les ambitions du projet de loi en apportant, le cas échéant, des solutions simples et concrètes.

Ces trois approches différentes mais très complémentaires, consistant à conforter la place des acteurs majeurs que sont notamment les collectivités locales en matière de politique de l’habitat, à être attentif aux attentes des plus fragiles et à mettre en œuvre les solutions les plus simples et les plus efficaces, sont fidèles à la méthode et à l’état d’esprit qui ont prévalu tout au long de l’élaboration du présent projet de loi.

Le plan d’action que je propose, dans le cadre de ce texte, vise trois objectifs majeurs : soutenir l’activité de construction pour la location et l’accession populaire à la propriété, permettre aux classes moyennes et modestes d’accéder au logement et, enfin, lutter contre le mal-logement.

Mon premier objectif est donc de soutenir l’activité de construction.

Il convient tout d’abord de s’appuyer sur la mobilisation des grands acteurs du logement que sont les organismes d’HLM et le dispositif du 1 % logement dans le cadre d’une stratégie pluriannuelle.

Les bailleurs sociaux ont accompli un remarquable travail pour plus que doubler leur production en quelques années. Nous savons pouvoir compter sur eux.

Plusieurs dispositions du projet de loi leur offrent des outils supplémentaires. Ainsi, les conventions d’utilité sociale qui devront être signées avec chaque bailleur d’ici à la fin de 2010 permettront de définir des objectifs partagés avec l’État et les collectivités territoriales, notamment en termes de production de logements et d’accompagnement des personnes.

La mise en œuvre d’une véritable solidarité financière entre les organismes sous la forme d’une péréquation permettra d’aider ceux qui ont la volonté de développer fortement leur activité de construction mais qui ne disposent pas de ressources suffisantes. Je vous proposerai d’amender le texte sur ce point pour limiter l’effet rétroactif de la mesure.

La vente en état futur d’achèvement, ou VEFA, de programmes de logements à des bailleurs sociaux sera facilitée.

Cette mesure, sur laquelle je suis prête à accepter des amendements afin de rendre la procédure encore plus souple, contribuera à la mise en œuvre du plan d’achat de 30 000 logements annoncé par le Président de la République, qui doit permettre à des opérateurs d’acheter des programmes n’ayant pu être lancés à ce jour par les promoteurs privés, faute d’une « précommercialisation » suffisante.

Les partenaires du 1 % logement sont d’autres acteurs irremplaçables de la politique du logement, mais il est temps de rénover profondément la gouvernance de ce dispositif, d’en limiter les coûts de gestion et de réorienter l’utilisation des ressources vers les priorités de la politique du logement.

M. Thierry Repentin. C’est un hold-up !

Mme Christine Boutin, ministre. Les discussions avec les partenaires sociaux ont permis, jeudi dernier, de dégager une convergence autour de quatre grands objectifs pour les trois prochaines années. Lors de l’examen de l’article 3, je reviendrai plus précisément sur les résultats de ces discussions, qui ont donné lieu à l’élaboration d’un texte commun.

Cependant, je voudrais d’ores et déjà indiquer que l’un des objectifs partagés est de produire davantage de logements économiquement accessibles aux ménages. Il se traduit par une orientation des emplois du 1 % logement qui prend en compte notamment les propositions du protocole national professionnel que les partenaires sociaux ont récemment signé.

Pour construire plus, il faut aussi soutenir la demande des particuliers.

Afin de favoriser l’accession populaire à la propriété, le projet de loi prévoit l’extension au logement collectif du dispositif du Pass-Foncier, qui ne s’applique pour l’instant qu’au logement individuel. L’objectif récemment fixé par le Président de la République est de réaliser quelque 30 000 logements grâce à ce dispositif, en particulier en zone urbaine, là où le logement individuel est moins adapté aux besoins.

Il est également important, pour conserver la confiance des investisseurs privés, de maintenir les dispositifs d’investissement locatif dits « Robien » et « Borloo », mais en les recentrant sur les zones où existe une véritable tension du marché locatif.

Pour construire plus, enfin, il faut aider les maires à favoriser la construction dans leurs communes.

J’ai souhaité inclure dans le décompte des logements sociaux au titre de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, les logements construits dans le cadre du Pass-Foncier et du prêt social de location-accession, le PSLA.

M. Daniel Raoul. Quelle erreur !

Mme Christine Boutin, ministre. Je sais que cette disposition suscite le débat, pour ne pas dire la passion. Pourtant, selon une étude du Centre de recherches pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC, 88 % des Français se déclarent favorables à une telle disposition. Je vous rappelle que les logements destinés à l’accession populaire à la propriété présentent les mêmes caractéristiques que les logements locatifs sociaux : mêmes aides publiques avec la TVA à 5,5 %, mêmes plafonds de ressources des candidats à l’accession et même durée de cinq ans pour leur comptabilisation dans le quota des 20 % que celle qui est prévue pour les logements locatifs vendus par les organismes d’HLM.

M. Christian Cambon. Très bien !

Mme Odette Herviaux et M. Thierry Repentin. Ce n’est pas vrai !

Mme Christine Boutin, ministre. Il s’agit là d’un outil supplémentaire offert aux élus qui souhaitent construire dans leur commune et encourager les parcours résidentiels diversifiés. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que nous ayons, sur ce sujet, un débat serein, digne de notre démocratie.

Par ailleurs, dans le souci de respecter les espaces naturels, j’ai souhaité également favoriser l’agrandissement des bâtiments à usage d’habitation en permettant le dépassement des normes d’urbanisme dans la limite de 20 % pendant deux ans.

Enfin, le caractère opérationnel des programmes locaux de l’habitat sera renforcé. C’est la condition pour que les plans locaux d’urbanisme deviennent de vrais outils au service de la construction partout où existe un besoin de logements.

Mon deuxième objectif, à côté du soutien à la construction, est de permettre à tous, aux classes moyennes comme aux ménages à revenus modestes, d’accéder à un logement de qualité.

Il faut d’abord redonner sa vocation première au parc d’HLM. Aux termes de l’article L. 441 du code de la construction issu de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, « l’attribution des logements locatifs sociaux participe à la mise en œuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées », cette attribution devant « favoriser l’égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des villes et des quartiers ». Tout est dit !

C’est pourquoi le projet de loi prévoit d’abaisser de 10 % les plafonds de ressources pour l’accès au logement social, de manière à annuler la forte progression de ces plafonds constatée ces dernières années, en raison d’un effet mécanique lié au passage aux 35 heures.

Lorsque 60 % de la population sera en droit de prétendre à un logement HLM, contre 70 % actuellement, cela permettra aux personnes de ressources modestes et aux personnes défavorisées d’avoir plus facilement accès au logement, sans pour autant remettre en cause la mixité sociale.

Le projet de loi vise aussi, dans le même esprit, à accroître la mobilité dans le parc de logements sociaux.

En effet, le taux de mobilité dans le parc d’HLM est aujourd’hui très faible, puisqu’il est de l’ordre de 9 % à l’échelon national et de 7,4 % en Île-de-France. Les différentes mesures prévues dans le projet de loi ont pour objet d’améliorer la mobilité dans ce parc en libérant les logements sous-occupés ou en incitant les ménages qui disposent de revenus très élevés leur permettant de se loger sans difficulté dans le parc privé à quitter le parc social. C’est un moyen de permettre à des ménages aux revenus modestes et qui sont actuellement en attente de trouver un logement adapté à leurs besoins.

Il faut en outre donner à tous ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas accéder à un logement HLM la possibilité de disposer d’un logement abordable.

Tel est le sens des dispositions qui ont déjà été prises au début de cette année, visant à indexer les loyers sur un nouvel indice de référence fondé sur les prix à la consommation ou à réduire le dépôt de garantie de deux à un mois de loyer.

Le projet de loi prévoit une mesure complémentaire interdisant le cumul d’une caution et d’une assurance pour impayés de loyers. Elle prendra tout son sens dès qu’un dispositif de garantie mutualisée des risques locatifs géré par les partenaires sociaux sera effectif. J’ai manifesté le souhait, jeudi dernier, auprès des partenaires sociaux gestionnaires du 1 % logement, que ce dispositif soit en place d’ici à la fin de l’année.

Enfin, je rappellerai que près de la moitié des Français souhaitent devenir propriétaires. Il faut donc renforcer l’accession populaire à la propriété. Le Pass-Foncier doit y contribuer fortement.

Le troisième et dernier objectif est de lutter contre le mal-logement. C’est un impératif qui s’impose à nous tous, mesdames, messieurs les sénateurs. Il est indissociable du droit au logement opposable.

Le texte comporte des dispositions permettant de renforcer la prise en compte des populations en difficulté, afin de leur donner les moyens d’accéder plus facilement à des solutions d’hébergement ou de logement.

Dans ce domaine, le projet de loi s’attache à mobiliser à la fois les communes, les bailleurs sociaux et l’État.

La notion d’hébergement d’urgence est remplacée par celle d’hébergement, s’agissant de l’obligation faite aux communes de disposer d’une capacité minimale d’hébergement au titre de l’article 2 de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO. En outre, la procédure de prélèvement sur les ressources fiscales des communes qui n’atteignent pas leur objectif est précisée. Ces mesures ont pour ambition d’inciter les communes à augmenter leurs capacités d’hébergement et à atteindre ainsi l’objectif d’une place d’hébergement par tranche de 2 000 habitants.

En Île-de-France, un bénéficiaire du DALO pourra se voir attribuer un logement situé dans un autre département de la région que celui dans lequel la commission de médiation aura émis un avis favorable. C’est donc une solidarité interdépartementale que je propose d’instituer, compte tenu de la situation particulièrement difficile de l’Île-de-France, région qui, je le rappelle, concentre les deux tiers des dossiers. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point au cours du débat.

Par ailleurs, la loi devrait permettre aux bailleurs sociaux de prendre en gestion des logements dans le parc privé, afin de les sous-louer à des ménages hébergés dans des hôtels ou des centres d’hébergement. Cette mesure attendue participera au développement d’une offre d’hébergement moins onéreuse et, surtout, plus humaine que l’hébergement dans des hôtels.

L’habitat indigne est une des plaies de notre société. Pour mieux lutter contre ce fléau, il faut d’abord mieux l’identifier juridiquement. Tel est l’objet de l’une des dispositions de ce texte, qui donne une définition juridique de l’habitat indigne afin de restreindre les abus de procédure des marchands de sommeil.

Cela étant, je suis persuadée que, au-delà de ces mesures, il importe d’aller plus loin, par une action coordonnée dans nos villes. C’est pourquoi j’ai souhaité la mise en œuvre d’un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, destiné à participer à la lutte contre l’habitat indigne, à la remise sur le marché de logements vacants, à la transformation de logements sociaux de fait en logements sociaux de droit.

Telles sont donc les grandes orientations du présent texte : soutenir l’activité de construction pour répondre aux besoins en matière de logement de nos concitoyens et soutenir l’emploi ; permettre aux classes moyennes, comme aux ménages à revenus modestes, d’accéder à la propriété.

Mesdames, messieurs les sénateurs, une politique du logement est nécessairement complexe. Elle revêt des dimensions à la fois humaines, économiques, financières et techniques, et elle repose sur de nombreux outils, qui doivent pouvoir être adaptés à une grande diversité de situations locales ou d’exigences personnelles.

La politique du logement constitue également une chaîne de solidarité entre tous les citoyens de notre pays.

C’est pourquoi mon projet de loi contient des dispositions relatives à la plupart des aspects de cette politique : exclusion, habitat indigne, construction de logements sociaux, développement de l’accession populaire à la propriété, investissement locatif et réforme du 1 % logement, qui est un dispositif clé de cette politique.

C’est également la raison pour laquelle ce texte complète plusieurs lois importantes qui, ces dernières années, ont profondément modifié le paysage dans le domaine du logement, en particulier la loi relative au droit opposable au logement, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur à l’Assemblée nationale.

En vérité, l’objet de ce projet de loi est de réformer ce qui doit l’être et d’ouvrir de nouvelles possibilités, sans esbroufe. Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous votez ce texte, enrichi de vos amendements, il appartiendra à chaque acteur du logement de se saisir de ses dispositions. C’est sur le terrain et au quotidien que se fait la politique du logement. Encore faut-il proposer à tous ses acteurs des instruments législatifs permettant de la souplesse.

Ce texte est pragmatique ; il sera efficace. Il est adapté aux attentes des professionnels et des Français. Dans cette période préoccupante de turbulences, il est plus que nécessaire de renforcer notre cohésion nationale, notre solidarité sociale et, oserai-je dire, cette générosité personnelle qui nous permettra de faire en sorte que chaque habitant de notre pays dispose d’un logement de qualité où il se sente bien. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

(M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La parole est à M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental sur l’article 12 du projet de loi.

M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental sur l’article 12 du projet de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du président du Conseil économique, social et environnemental, M. Jacques Dermagne, je vous remercie d’avoir invité notre assemblée à vous rendre compte de son avis, adopté le 9 juillet dernier par 177 voix et 5 abstentions, sur le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.

Ce programme, qui constituait alors l’article 12 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, est devenu le chapitre II du texte que vous examinez, avec un titre inchangé.

Au moment où il m’est fait l’honneur d’avoir à rendre compte de nos travaux devant vous, je dois vous faire part de deux observations préalables.

Notre Conseil a été satisfait de voir traitée dans un projet de loi la problématique des quartiers anciens dégradés, qui n’était pas nouvelle pour lui. Il avait en effet formulé en janvier 2008 un certain nombre de propositions à ce sujet.

Cependant, il a éprouvé le regret, sinon la frustration, de n’avoir été saisi que des dispositions du projet de loi ayant un caractère programmatique, et non de la totalité du texte. Cela aurait pourtant permis au Conseil de situer le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés dans son environnement global, c’est-à-dire celui de l’ensemble du projet de loi. Cela ne lui a donc pas été possible, de même qu’il ne lui a pas été possible d’apprécier toute la cohérence du dispositif.

Par conséquent, notre avis a porté sur ce qui est devenu l’actuel chapitre II du projet de loi, texte qui n’a pas subi, depuis, de modification sur le fond.

Le Conseil s’est réjoui de voir lancer un programme ambitieux dédié spécifiquement aux quartiers anciens, comme il en avait formé le vœu. Quelle que soit leur singularité, ces espaces sont des éléments constitutifs de la ville dans son ensemble. Ils sont souvent situés en centre-ville ou en sont très proches et occupent dans nos cités, pour des raisons principalement historiques, un espace symbolique qui rend leur rénovation particulièrement sensible et complexe à mettre en œuvre. La requalification de ces quartiers constitue un véritable enjeu, qui mérite des actions prioritaires.

L’avis que nous avons émis comporte cependant deux remarques générales.

En premier lieu, si nous avons bien relevé que le projet de loi prévoit de consacrer à ce programme des financements importants, nous avons également souligné l’absence de précisions, dans les éléments fournis au Conseil, sur les modalités du financement, sur l’origine des fonds ainsi que sur les circuits administratifs et financiers à mettre en œuvre. Ces éléments existent maintenant, mais nous n’en avions pas connaissance au moment de l’élaboration de l’avis.

En second lieu, le Conseil aurait souhaité voir apporter plus de précisions à la définition de ce qu’est un « quartier ancien dégradé », au sens du présent projet de loi, par la prise en compte plus nette de critères socioéconomiques, socioculturels ou socioprofessionnels.

Je vous prie de m’excuser de ne pas développer la totalité des questions abordées dans l’avis du Conseil. Je reprendrai devant vous seulement quatre points sur lesquels nous avons voulu, me semble-t-il, insister particulièrement.

Le premier point concerne le pilotage du programme. La politique de la ville est un tout, et la requalification des quartiers anciens en fait partie. Or le projet de loi ne nous a pas semblé parfaitement clair sur ce point.

Il laisse subsister par ailleurs un certain nombre de doutes ou d’imprécisions quant aux rôles respectifs de l’ANRU, l’Agence nationale de rénovation urbaine, et de l’ANAH, l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, même si le « guichet unique » qu’est l’ANRU, dont l’action a été saluée à de nombreuses reprises par le Conseil économique, social et environnemental, devrait profiter selon nous très largement aux quartiers éligibles au nouveau programme.

La réussite de la requalification des quartiers anciens dégradés dépendra d’ailleurs largement des synergies qui s’établiront entre les acteurs, d’une meilleure articulation entre les différents échelons et les différents niveaux de responsabilité, bref d’une gouvernance plus efficace et plus resserrée.

Le deuxième point concerne la cohérence des objectifs et des moyens, en particulier financiers. Seul l’exposé des motifs du projet de loi fournit, à titre indicatif, une évaluation, qui s’établit à 2,5 milliards d’euros. Il était dit sans autre précision, au moment où l’avis a été émis, que cette somme serait prise en charge par l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat et par la participation des employeurs à l’effort de construction.

Le Conseil a demandé que les modalités et les montants de cette participation soient arrêtés par la négociation et après accord entre l’État et les partenaires sociaux. Un accord sur cette question est d’ailleurs intervenu récemment.

À l’occasion de l’examen du projet de loi, le Conseil a réitéré son refus de toute captation brutale, sous une forme ou sous une autre, des fonds du 1 % logement.

M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental. La participation négociée du 1 % logement au financement du programme ne saurait intervenir, disions-nous à l’époque de l’élaboration du présent avis, qu’en complément des fonds de l’État, et non pour compenser un désengagement de ce dernier.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental. Par ailleurs, la mise en œuvre d’un tel programme ne pourra se faire qu’en partenariat avec les collectivités territoriales et leurs groupements, qui, comme le précise le texte, porteront localement les projets.

Le Conseil a souhaité que le taux de financement des opérations que conduiront les collectivités soit modulé en fonction de la situation financière et fiscale de ces dernières, afin de ne pas exclure du dispositif les plus fragiles d’entre elles sur le plan économique.

Le troisième point a trait à la mixité sociale. De longue date, le Conseil économique, social et environnemental défend la mixité sociale et la mixité des fonctions dans la ville.

L’objectif de mixité sociale inscrit dans le projet de loi est donc partagé par le Conseil, qui a souligné les défis auxquels est et sera confrontée, s’agissant du programme, la réalisation de cette ambition : pour n’en citer que deux, il faudra éviter la « gentrification » et ne pas chasser les populations en place.

L’engagement des collectivités sera, sur ce point, essentiel. Trop souvent, les quartiers requalifiés sont envahis par des populations plus aisées que celles qui les habitaient auparavant, d’où l’apparition du phénomène connu sous le nom de « gentrification ».

La mixité, bien sûr, ne se décrète pas. Il faut se donner les moyens de l’assurer, en mobilisant tous les outils disponibles, en particulier ceux qui permettent de lutter contre les effets d’aubaine. Au premier rang d’entre eux, on trouve l’adaptation de la politique fiscale. L’importance des mesures anti-spéculatives a également été soulignée, à juste titre, par notre Conseil, car elles permettent de peser sur le prix du foncier, mais aussi de jouer sur les loyers.

Toutefois, la mixité doit être durable dans toutes ses dimensions. Elle est sociale, mais aussi intergénérationnelle, et doit accorder en outre toute leur place aux situations de handicap. La requalification et le développement des équipements de proximité, notamment culturels, sont essentiels pour parvenir à une telle durabilité.

La mise en conformité avec les nouvelles normes techniques, sous réserve bien sûr que celles-ci soient adoptées, est une nécessité ; elle doit profiter à tous. Elle participe, de fait, à l’objectif de mixité. Le Conseil, dans son avis, s’est donc prononcé en faveur d’un plan ambitieux de rénovation thermique des bâtiments anciens, conformément aux objectifs affirmés dans le projet de loi faisant suite au Grenelle de l’environnement, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale.

Le quatrième et dernier point concerne la redynamisation économique, commerciale mais aussi sociétale des quartiers concernés.

Le Conseil s’est félicité, dans son avis, de la mobilisation des moyens du FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, et de l’EPARECA, l’Établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, tout en relevant que, faute d’information sur la répartition des moyens financiers au sein du programme, il ne lui pas été possible de se prononcer sur l’adéquation entre les objectifs et les moyens.

Enfin – et il s’agit d’un regret que nous exprimons –, la mixité des fonctions et la requalification sociétale n’entrent pas dans le champ couvert par les dispositions du projet de loi, bien que ces deux éléments soient, chacun en est conscient, indispensables à la réussite du programme. Nul doute que des moyens importants devront être consacrés à la réalisation des équipements de proximité à caractère social, associatif, sportif ou culturel de nature à améliorer la qualité de vie des habitants.

Pour conclure, et bien qu’il ait regretté de n’être consulté que sur un seul chapitre du texte, le Conseil économique, social et environnemental a souscrit aux dispositions soumises à son examen. Ambitieux, le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés l’est assurément. La question du niveau des moyens qui lui seront affectés et de leur origine, source d’interrogations pour le Conseil en juillet dernier, reste posée, me semble-t-il, et conditionne pour partie sa réussite. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’examen par notre assemblée du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion intervient, à bien des égards, dans un contexte pour le moins délicat.

Bien qu’élaboré dans une période où les risques de contagion de la crise américaine dite des subprimes au continent européen semblaient limités, ce texte entend apporter des éléments de réponse à la crise du logement que traverse notre pays et contribuer à inverser une tendance récessive qui touche au premier chef le secteur de la construction.

Cet objectif est d’autant plus essentiel que la crise économique et financière connaît, depuis la mi-septembre, des développements et des rebondissements quasiment quotidiens, aggravant les difficultés rencontrées par bon nombre de ménages pour se loger dans des conditions financièrement accessibles.

La crise du crédit rend en effet plus malaisées les opérations d’accession à la propriété, à plus forte raison pour les ménages modestes.

M. Roland Courteau. Ça, c’est sûr !

M. Dominique Braye, rapporteur. La crise économique vient, quant à elle, heurter une dynamique de construction qui avait retrouvé un élan incontestable depuis 2005, l’année 2007 ayant été caractérisée par le chiffre record de mises en chantier de 435 000 logements neufs. Il semblerait cependant qu’un tel niveau ne puisse être retrouvé en 2008, les professionnels du secteur tablant sur la mise en chantier d’environ 380 000 logements.

Au-delà de ces éléments conjoncturels, dont la gravité n’échappe à personne et qui sont de nature à influencer sensiblement les travaux parlementaires sur le présent projet de loi, il convient de rappeler que ce dernier s’inscrit dans une certaine continuité par rapport aux dernières années, où l’on a vu se succéder, de 2003 à 2007, pas moins de six textes consacrés, en totalité ou partiellement, aux conditions d’exercice de la politique du logement.

La commission des affaires économiques avait eu, pour sa part, l’occasion de s’investir plus particulièrement dans la préparation et le suivi du projet de loi portant engagement national pour le logement, dont la discussion avait été précédée d’un rapport d’information adopté à l’unanimité de ses membres.