M. Daniel Raoul. C’est vrai !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Cette décision ne constitue pas non plus un bon signal adressé au Parlement qui, au moment où ses pouvoirs vont être renforcés grâce à la dernière révision constitutionnelle, se voit tout simplement dessaisi de la possibilité de voter les crédits destinés à l’ANRU lors du vote de la loi de finances, puisque le programme 202 « Rénovation urbaine » disparaît, n’ayant plus de raison d’être faute de crédits, et puisque les sommes destinées à la réhabilitation du bâti ancien par l’ANAH disparaissent également, ou peu s’en faut, du budget de l’État.
Cela étant dit, nous pourrions peut-être faire contre mauvaise fortune bon cœur…
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Après tout, si les signaux politiques ne sont pas bons, le plus important est néanmoins de savoir si, oui ou non, l’ANRU et l’ANAH disposeront, dans les années à venir, des ressources nécessaires pour faire face aux objectifs que nous leur avons fixés.
M. Thierry Repentin. Pas en l’état !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. L’ANRU pourra-t-elle, jusqu’au terme du mandat que nous lui avons confié pour le pilotage du programme national de rénovation urbaine, disposer des moyens financiers lui permettant d’honorer les engagements contenus dans les conventions tripartites signées par l’État, l’ANRU et les collectivités locales dont l’enveloppe totale, je vous le rappelle, atteindra 36 milliards d’euros ?
M. Jean-Pierre Caffet. Bonne question !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. À cette question, madame la ministre, j’ai le regret de vous dire que je ne suis pas en mesure d’apporter de réponse claire. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi.
En effet, je ne sais pas, votre texte ne le disant pas, pour quelle durée la fixation par décret des emplois des ressources du 1 % logement est prévue. Est-ce pour les trois années à venir ? Le projet de loi est muet sur ce point.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. L’État envisage-t-il de rebudgétiser dans trois ans ce qu’il a débudgétisé aujourd’hui ?
M. Jean-Pierre Caffet. C’est peu probable !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. En d’autres termes, votre décision est-elle purement conjoncturelle ou envisagez-vous, jusqu’en 2020, terme du PNRU, de demander au 1 % logement de se substituer à l’État ?
Cette question est fondamentale, madame la ministre, car, en l’état actuel des choses, sur la base du projet de loi qui nous est présenté, le plan de financement de l’ANRU n’est pas soutenable au-delà de trois ans. Pour s’en convaincre, mes chers collègues, il suffit de rapprocher le plan de trésorerie de l’ANRU, actualisé à la fin de 2007, et les apports du 1 % logement à l’ANRU dans le cadre du PNRU en 2009, 2010 et 2011 et fixés en dessous de 800 millions d’euros.
À ce rythme, madame la ministre, la trésorerie de l’ANRU serait à plat à la fin de 2010, ce qui obligerait l’Agence à allonger des délais de paiement que les élus trouvent déjà trop longs, et, à la fin de 2011, cette trésorerie deviendrait négative. Une clause de rendez-vous dans trois ans est donc impérativement nécessaire, et peut-être même dès la fin de 2010. Or le projet de loi que vous nous présentez n’en dit rien !
Si j’ai l’intime conviction qu’aucun gouvernement ne pourra se permettre de ne pas assurer le financement de l’ANRU, nous ne pouvons cependant pas nous contenter d’un : « On verra dans deux ou trois ans ». Ce serait d’ailleurs assez paradoxal, au moment même où, pour la première fois, on nous présente un budget accompagné d’une programmation portant sur trois ans.
On ne peut donc pas nous opposer une fin de non-recevoir sans nous donner un minimum de visibilité et de garanties. C’est à cette seule condition que la débudgétisation que vous nous proposez et qui n’est qu’un expédient budgétaire inspiré par Bercy – appelons un chat un chat – pourrait être acceptée par le Parlement.
Du côté des partenaires sociaux, les inquiétudes sont également sérieuses. Concernant la gouvernance du 1 % logement, ils reconnaissent que les critiques formulées sur la gestion passée sont fondées et ont accepté le principe d’une nouvelle gouvernance et vous l’avez négociée avec eux. Cependant, s’agissant des moyens et, notamment, de la volonté du Gouvernement de fixer l’ensemble des catégories d’emploi et les enveloppes par catégorie, ils ne se montrent favorables que sous la menace d’une budgétisation de la ressource dont Bercy ne veut pas – paradoxe absolu ! – pour ne pas alourdir les prélèvements obligatoires.
Malgré tout, madame la ministre, puisqu’un accord semble être sur le point de se conclure,…
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. … il me semble maintenant possible d’envisager ce que Bercy refusait jusqu’à présent, c’est-à-dire la signature d’une convention pour trois ans, qui pourrait rassurer, d’un côté, le Parlement sur le financement de l’ANRU et de l’ANAH en instaurant clairement une clause de revoyure, et, de l’autre, les partenaires sociaux.
Nous savons tous qu’au-delà de trois ans le système proposé aujourd'hui ne tient plus la route parce que les apports à l’ANRU devraient chaque année dépasser le milliard d’euros pour soutenir les besoins de paiements. Or, avec moins de 800 millions d’euros, le compte n’y sera pas.
Nous savons aussi que, si l’on redéploie les 900 millions d’euros de prêts qu’accordait le 1 % logement aux particuliers pour des travaux préremboursables en les transformant en subventions à l’ANRU et à l’ANAH, le moment viendra très vite où les 4 milliards d’euros dont dispose annuellement le « 1 % » se réduiront à 1,5 milliard, c’est-à-dire au strict montant de la collecte puisqu’il n’y aura plus de retour sur prêts.
Le système que vous mettez en place aujourd’hui implosera au-delà de trois ans. (M. Thierry Repentin lèvre les bras au ciel.)
Madame la ministre, les chiffres sont têtus.
Afin de rassurer les différents acteurs et la représentation nationale, il faut que vous éclaircissiez ce point fondamental et que vous acceptiez l’un des deux amendements que la commission des finances vous proposera. J’espère que vous entendrez la demande du Parlement.
Nous comprenons tout à fait la situation budgétaire de la France et la nécessité de faire les efforts indispensables pour y remédier. Trente années de déficit budgétaire nous ont conduits là où nous en sommes aujourd’hui, c’est-à-dire sans marge de manœuvre, alors que la crise internationale pèse sur notre budget.
Pour autant, le logement et la rénovation urbaine doivent rester une priorité nationale. Je sais, madame la ministre, que telle est votre conviction et que votre engagement en ce sens est fort. Alors, aidez-nous à trouver les moyens, au cours de ce débat, de rassurer et de conforter l’ensemble des acteurs.
Voilà, madame la ministre, les remarques que je souhaitais formuler à propos de l’article 3 du présent texte. Il me reste peu de temps pour traiter des autres articles dont la commission des finances s’est saisie, mais vous aurez compris que, pour moi, d’un point de vue budgétaire, l’essentiel était là.
Je ne reviendrai pas sur le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés. Il devrait concerner un nombre limité de quartiers, 100 à 150, situés dans 100 communes ou EPCI.
Là aussi, le 1 % logement sera sollicité pour un financement de 2,5 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien. Nous allons également demander aux collectivités locales et au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, d’amener des fonds.
Vous nous l’avez dit, madame la ministre, ce programme n’est pas un « ANRU II » ; il est bien plus limité en volume. Il faudra cependant veiller à ce que son lancement n’ait pas de répercussions négatives, notamment en matière de financement du programme national de rénovation urbaine, pour lequel je crois vous avoir suffisamment fait part de mes craintes.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. La commission des finances vous proposera des amendements sur ce point.
Je n’évoquerai ni l’article 8 ni l’article 14.
L’article 15 vise à recentrer les aides fiscales dites « Robien » sur les zones où le marché immobilier est le plus tendu ainsi qu’à supprimer la déduction spécifique aux investissements dans les zones dites de revitalisation rurale.
Ces mesures nous semblent largement justifiées par les excès mis en évidence par les médias dans les zones où, alors que le besoin n’existait pas, des vendeurs de produits de défiscalisation ont malgré tout entraîné des particuliers mal informés dans des opérations vouées à l’échec faute de correspondre aux besoins du marché local.
M. Thierry Repentin. Il faut le reconnaître !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Cet article entraînera une diminution des dépenses fiscales. On peut s’en féliciter, même si toute estimation est difficile.
Le coût du dispositif « Robien ZRR » est de 20 millions d’euros en 2009, somme qui n’est certes pas très importante, mais c’est déjà cela.
L’appréciation de l’effet du recentrage géographique des dispositifs Robien et Borloo est plus délicate. Ces dispositifs, dont bénéficiaient 145 000 ménages en 2007, ont un coût fiscal estimé à 350 millions d’euros pour 2009, auxquels s’ajoutent 20 millions d’euros au titre du « Borloo neuf ».
Selon les informations fournies par le ministère du logement, le coût fiscal des 25 000 logements réalisés en zone C est estimé, en valeur actuelle, à 390 millions d’euros par génération, cette dépense fiscale étant en pratique étalée sur neuf à quinze ans.
À l’article 16, il est proposé d’appliquer le taux réduit de TVA à 5,5 % aux acquisitions de logements collectifs bénéficiant du dispositif du Pass-foncier.
La complexité du montage juridique du Pass-foncier avait conduit le Parlement, en 2007, à réserver les incitations fiscales qui lui étaient liées aux acquisitions de maisons individuelles et à les limiter dans le temps.
Le Gouvernement propose ici un schéma juridique simplifié qui, selon vos estimations, devrait permettre de financer 30 000 logements pour des familles modestes qui pourraient ainsi accéder à la propriété.
La commission des finances s’est évidemment montrée favorable à ce dispositif, qui permettra aux familles les plus modestes d’accéder à la propriété. Elle proposera tout de même un amendement visant à éviter les effets d’aubaine pour les promoteurs mal intentionnés qui pourraient être tentés, au sein d’un même programme, de vendre hors taxes à des prix différents selon que l’acheteur bénéficierait ou non de la TVA à taux réduit.
Certains, chez les professionnels – nous en avons rencontré lors de nos auditions - comme chez les politiques d'ailleurs, auraient souhaité, face à la crise de l’immobilier actuelle, que le taux réduit de TVA puisse être appliqué à d’autres catégories d’acquisition. Le Gouvernement a considéré que le moment n’était pas opportun. La commission des finances n’a pas souhaité proposer d’amendement en ce sens.
Je ne traiterai pas de l’hébergement ni du droit opposable au logement, me réservant de le faire lors de la discussion des articles 23 et 24.
Je dirai simplement que je suis absolument satisfait de la régionalisation de la gestion du DALO en Île-de-France. Elle était demandée par les associations et par le comité de suivi du DALO (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) et correspondait aux conclusions du rapport établi par la commission des finances avant l’été.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. La commission proposera des mesures complémentaires afin d’aller plus loin dans la régionalisation.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Pour ce qui est de l’hébergement en Île-de-France, je pense qu’il est grand temps de revoir les choses et de les organiser sur la base du futur Grand Paris et d’arrêter de raisonner département par département, ce qui n’a absolument aucun sens pour un territoire comme celui-là. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Odette Terrade. Que dites-vous des Hauts-de-Seine ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, telles sont les remarques que la commission des finances souhaitait formuler au moment où le débat s’ouvre sur ce texte. Je forme des vœux pour qu’il soit fructueux et constructif.
La commission des finances vous appellera, mes chers collègues, à voter ce projet de loi, sous réserve, bien évidemment, de l’adoption des amendements qu’elle vous proposera. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après avoir consulté les différents groupes politiques et - je tiens à le préciser - avec leur accord, la commission demande, pour la lisibilité de nos travaux, qu’il puisse être procédé à la disjonction de l’examen de certains amendements de suppression ou de rédaction globale d’articles, qui entraînent, en l’état, la mise en discussion commune d’un grand nombre d’amendements.
À ce titre, nous demandons qu’il puisse être procédé à l’examen séparé, sur l’article 1er, des amendements nos 160 et 236 de suppression et de l’amendement n° 512 de rédaction globale.
Sur l’article 3, nous demandons la disjonction de l’examen des amendements nos 173 et 311 de suppression et de l’amendement n° 174 de rédaction globale.
Toujours sur ce même article, nous demandons que puisse être également examiné de manière séparée l’amendement n° 181, qui tend à la suppression des 6° à 16° du I de cet article.
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur le président, avant de répondre aux différents rapporteurs, je tiens tout d’abord à remercier M. Henri Feltz du travail qui a été accompli au sein du Conseil économique et social.
M. Feltz a souligné le manque de précision concernant le financement. Il est vrai que, lorsque, au mois de juin, nous avons saisi le Conseil économique et social, nous ne disposions pas de toutes les données financières nécessaires, mais celles-ci sont maintenant tout à fait précisées dans le cadre des engagements du « 1 % ».
En ce qui concerne les critères de définition des quartiers anciens dégradés, le projet de loi – je le dis très clairement – pourra être amélioré.
M. Feltz a également souligné l’imprécision concernant les rôles spécifiques de l’ANRU et de l’ANAH. Je précise que nous sommes dans une période où il faut faire avancer les choses, envisager d’autres façons de travailler, mettre en synergie tous les savoir-faire, dans ce domaine-là comme dans d’autres.
En ce qui concerne les quartiers anciens dégradés, l’ANAH et l’ANRU uniront leurs capacités, et mettront en cohérence leurs savoir-faire.
S’agissant des moyens, le financement est assuré par la contribution du « 1 % ».
Sur la nécessité d’un partenariat avec les collectivités locales, le projet de loi pourra également être amélioré grâce au travail du rapporteur au fond.
M. Henri Feltz a fait allusion à la « gentrification » de certains quartiers.
Il est bien évident – nous le verrons au cours des débats - que mon objectif n’est pas du tout de favoriser la « boboïsation » de ces quartiers anciens dégradés une fois rénovés, comme cela a pu être constaté dans un certain nombre de villes. Les personnes qui vivent actuellement dans ces quartiers dégradés, dans des logements souvent indignes et parfois moins confortables que d’autres logements qui sont détruits, ont vocation à y revenir après rénovation. Elles jouiront alors d’habitations décentes où il fera bon vivre.
Monsieur Braye, vous avez dénoncé le fait que le Parlement n’ait pas été associé à la réforme du « 1 % ». Je dois vous rappeler, monsieur le rapporteur, que cette négociation a été menée par l’État, dont c’est la responsabilité. Le résultat de cette négociation est traduit dans le projet de loi qui est soumis à votre assemblée, avec l’objectif d’accroître la construction de logements sociaux. Nous aurons l’occasion, au moment de la discussion de l’article concerné, d’y revenir, mais la négociation a bien eu lieu entre l’État et les partenaires sociaux et ce qui en est résulté va être soumis au Parlement.
Nous aurons l’occasion de revenir sur l’article 55 de la loi SRU lors de l’examen de l’article 17. Vous déclarez que les logements locatifs sociaux et les habitations en accession populaire à la propriété ne sont pas destinés aux mêmes ménages ; je vous ferai simplement remarquer que les plafonds de ressources pris en compte sont les mêmes.
M. Dominique Braye, rapporteur. Tout le monde n’est pas au plafond !
Mme Christine Boutin, ministre. Pour la mobilisation du foncier, certaines des propositions formulées par la commission des affaires économiques sont très intéressantes et ont été examinées avec soin. Nous verrons dans quelle mesure nous pouvons les retenir.
Madame Bout, je vous remercie des propos que vous avez tenus sur la mobilité dans le parc social et sur la promotion de l’accession sociale à la propriété. Cela montre bien que, sur l’article 17, les avis sont partagés et que la discussion est nécessaire. Chacun doit s’efforcer d’aborder cette problématique avec intelligence, ouverture et responsabilité. (M. le rapporteur acquiesce.)
Vous m’avez interrogée, madame le rapporteur pour avis, sur la rénovation des quartiers anciens dégradés. Comme je l’ai déjà dit, notre objectif est bien de maintenir les populations dans ces quartiers, ce qui sera possible grâce à la réalisation de 30 000 logements sociaux de droit. Nous allons pouvoir, grâce à l’effort qui a été consenti récemment, tenir cet engagement.
Sur les 10 milliards d’euros nécessaires à ce projet, 2,5 milliards d’euros proviennent du « 1 % », le reste étant réparti entre les collectivités locales, les opérateurs, les bailleurs sociaux et l’ANRU.
En ce qui concerne l’hébergement d’urgence, madame Bout, vous avez soulevé un problème fondamental. Je crois effectivement qu’il faut une meilleure coordination, en particulier dans la région d’Île-de-France. J’examinerai de façon positive les amendements qui seront proposés sur ce sujet.
M. Philippe Dallier, qui s’est exprimé avec brio, comme à l’accoutumée - les autres intervenants ont fait de même, mais il faut reconnaître que M. Dallier manie les questions financières avec un talent particulier ! - a déploré une débudgétisation et j’ai cru comprendre que certains partageaient sa position.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle, après M. le rapporteur, que nous sommes dans un contexte de budget contraint et que nous avons tous comme objectif premier – du moins avant la crise survenue il y a trois semaines - de réduire le déficit de l’État.
C’est la raison pour laquelle il a été demandé à l’ensemble des ministères, et non pas au seul ministère du logement, de recourir à une débudgétisation de leurs dépenses. Si le budget du ministère du logement a été mis en exergue, c’est sans doute parce que le logement est une préoccupation particulièrement importante pour nos concitoyens. Toutefois, monsieur le rapporteur, heureusement ou malheureusement, le ministère du logement n’est pas le seul auquel il a été demandé de faire appel aux recettes extrabudgétaires.
Il est bien évident que, en ce qui concerne le ministère du logement, les ressources extrabudgétaires proviennent de la mobilisation du « 1 % » rendue possible grâce à la réorientation des ressources à destination des priorités fixées par le Gouvernement.
Je dois vous dire que les négociations que j’ai pu mener sur le « 1 % » ont été longues puisqu’elles ont commencé en juin et qu’elles ont abouti jeudi dernier. Ces négociations ont été menées de part et d’autre de façon responsable et transparente. Lorsque l’on se trouve dans une conjoncture particulière, chacun doit prendre ses responsabilités. Je crois pouvoir affirmer - et vous le verrez lors de la discussion de l’article concerné – que les deux parties sont parvenues, en toute responsabilité, à un accord « gagnant-gagnant ».
Les moyens de l’ANRU et de l’ANAH sont augmentés et garantis grâce à la contribution du « 1 % ».
M. Thierry Repentin. Le « 1 % » sert déjà au logement !
Mme Christine Boutin, ministre. Quand on examine les crédits de la mission « Ville et logement » stricto sensu, comme vous l’avez fait, monsieur le rapporteur, on constate qu’ils sont en diminution. Mais si l’on prend en compte le résultat des négociations et l’appel à des recettes extrabudgétaires, je vous affirme que les capacités de financement de mon ministère sont augmentées de 200 millions d’euros par rapport à celles dont je disposais cette année. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Thierry Repentin. Au détriment de la politique du logement social !
Mme Christine Boutin, ministre. La trésorerie de l’ANRU atteint 150 millions d’euros aujourd’hui et restera positive en 2011.
Monsieur Dallier, vous vous préoccupez, et je respecte votre inquiétude comme votre prudence, de savoir ce qui se passera au bout des trois ans.
Le texte que je vais vous présenter est la base de l’accord qui doit être formalisé, pour trois ans donc, lors du prochain conseil d’administration de l’organisme qui gère le 1 % logement, le 23 octobre prochain. Au terme de cette période, et si cela est nécessaire – c’est le ministre du logement, engageant la parole du Gouvernement, qui vous le dit –, l’État fera ce qu’il convient de faire.
Monsieur Dallier, voilà trois semaines, nous ne pouvions même pas imaginer ce que nous allions décider aujourd’hui. Quand on vit une période comme celle-là, vous proposer un engagement sur trois ans me semble raisonnable et responsable !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais 360 milliards d’euros pour les banques !
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Dallier, je ne suis pas un ministre qui fait des promesses qu’il ne peut pas tenir !
Je vous le confirme, la parole de l’État est engagée en ce domaine, comme elle est engagée pour la garantie qui est aujourd'hui accordée aux banques.
Mais je m’interroge. Comment certains ont-ils pu penser que les quartiers anciens dégradés seraient financés par l’ANRU ? Ce n’est pas cela du tout !
M. Thierry Repentin. Alors, m’sieur Dallier ? (Sourires.)
Mme Christine Boutin, ministre. Je vous le dis de façon ferme, les crédits de l’ANRU ne serviront en aucune manière à financer le plan national de rénovation des quartiers anciens dégradés. Je vous répète, de façon très claire aussi, que les conventions ANRU seront honorées.
M. Thierry Repentin. Grâce à l’argent du 1 % logement !
M. Pierre-Yves Collombat. Et le « un euro pour un euro » ? Qu’en faites-vous ?
Mme Christine Boutin, ministre. Je vous ferai remarquer que, lorsque la décision a été prise, la conjoncture n’était pas celle d’aujourd’hui ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Êtes-vous capables de bouger ? Êtes-vous capables de vous moderniser ? Êtes-vous capables de vous adapter ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Enfin, en ce qui concerne l’amélioration proposée par la commission des finances pour le Pass-foncier, j’y suis favorable, monsieur le rapporteur. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. Daniel Raoul. Il faut vous réveiller, à droite !
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans une société où la cohésion sociale menace en permanence de se fissurer, dans une société où la cellule familiale se rétrécit de plus en plus, dans une société où l’individualisme est devenu, pour beaucoup, un mode de vie, le logement constitue à l’évidence le dernier havre sécurisé dans lequel chacun est censé s’épanouir.
Encore faudrait-il pour cela que le logement soit une évidence pour tous. Hélas, nous le constatons régulièrement, nos concitoyens ne sont pas logés à la même enseigne.
L’accès au logement est devenu discriminatoire et profondément injuste. De nombreux dispositifs favorisent avant tout la spéculation foncière et immobilière, contribuant, in fine, au renchérissement des loyers, en particulier dans le secteur privé.
Quant au secteur du logement social, malgré la mobilisation régulière des pouvoirs publics pour rendre les procédures plus justes et plus transparentes, la situation reste figée. Les foyers à ressources modestes sont contraints d’attendre des années avant de bénéficier d’un logement social décent. La crise du logement dure depuis bien trop longtemps. Elle est malheureusement profonde. Nous connaissons les chiffres ; ils sont inacceptables dans un pays comme le nôtre !
En 2008, ce sont encore plus de trois millions de personnes qui sont mal logées ou qui ne sont pas logées du tout. Si l’on ajoute six millions d’individus en situation de réelle fragilité à court terme et à moyen terme, la France, pays des droits de l’homme, manque à ses devoirs car, oui, le logement est un droit, un droit que beaucoup n’ont pas ou n’ont qu’en partie.
Qu’en est-il du concept de « droit au logement opposable » inscrit dans la loi du 5 mars 2007 ? Le droit au logement est, une fois de plus, resté lettre morte pour toutes les catégories de Français qui n’ont pas les ressources financières suffisantes pour accéder à un logement décent dans un contexte d’envolée des loyers et d’explosion des charges.
Que reste-t-il de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement ? Plusieurs textes en si peu de temps témoignent d’une certaine incapacité de l’État en la matière.
À l’heure où la crise financière risque de se répercuter sur l’économie réelle, entraînant nombre de nos concitoyens dans la spirale du chômage et de la précarité, cette question va devenir de plus en plus aiguë, madame le ministre.
Allons-nous devoir laisser une nouvelle fois les associations pallier les échecs des politiques nationales successives ? Sans le travail formidable d’Emmaüs, d’ATD Quart Monde, du Secours populaire et de bien d’autres, la situation serait encore plus critique !
Il est temps de cesser l’accumulation de dispositifs inopérants et d’exiger de l’État une obligation de résultat. Le Gouvernement avait affiché un objectif de 500 000 logements par an. Avec un nombre de mise en chantiers en repli de 9,5 % au cours des dix derniers mois, ce sont seulement 400 000 logements qui ont été livrés sur cette période. De même, alors que le budget pour 2008 avait prévu 142 000 logements, 100 000 seulement ont été programmés.
Au regard de ces difficultés, madame le ministre, vous avez pris l’initiative d’une nouvelle mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Au sein du RDSE, nous souscrivons tous aux objectifs affichés dans ce projet de loi et nous nous félicitons de voir réaffirmées quatre grandes priorités.
Construire davantage de logements est en effet une nécessité pour répondre à la crise de l’offre qui engendre un certain nombre de dérives, parmi lesquelles la spéculation immobilière.
Favoriser l’accession populaire à la propriété est urgent, car c’est évidemment un grand progrès social que de permettre aux plus démunis d’être propriétaires et d’avoir ainsi la possibilité de transmettre un héritage.
Ouvrir davantage l’accès au parc de logements HLM est indispensable pour permettre une meilleure rotation des logements et faire entrer tous ceux qui répondent aux critères, en veillant toutefois au maintien du principe de mixité sociale.
Lutter contre l’habitat indigne dans les quartiers anciens dégradés est également une bonne chose, sauf si l’amélioration qualitative des quartiers visés conduisait finalement à chasser les plus démunis ; cela a été dit.
Sur tous ces points, madame le ministre, on peut aisément se retrouver. En revanche, mon appréciation diverge quant aux moyens proposés pour répondre à toutes ces ambitions affichées.
Tout d’abord, les dispositifs retenus seront-ils réalisables dans le contexte d’une baisse des crédits consacrés à la mission « Ville et logement » ? Une diminution de 6,9 % est prévue en 2009. Le budget de la mission devrait poursuive sa cure d’amaigrissement en 2010 et en 2011.
On attend vos réponses sur les moyens budgétaires, d’autant que le Président de la République a annoncé, le 1er octobre dernier, un certain nombre de mesures qui visent à soutenir la conjoncture actuelle et qui concernent directement le logement. Est-on certain, avec la perspective de moins-values fiscales pour l’État, de pouvoir concrétiser l’extension du Pass-foncier, le relèvement du plafond des ressources ouvrant droit aux prêts d’accession sociale et le rachat à un prix décoté de stocks de 30 000 logements ? Sur ces points, la représentation nationale aimerait obtenir des garanties plus pertinentes et plus justes que l’annonce de l’utilisation du surplus du livret A.
Pour revenir au texte qui nous occupe, plusieurs dispositions ne me semblent pas de nature à résoudre la question cruciale du logement.
S’agissant de l’offre de logements, la remise en cause de l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, pose un problème aux radicaux de gauche ; vous vous en seriez doutée !