M. Guy Fischer. C’est un bon choix !
Mme Christine Boutin, ministre. M. Pinte est député des Yvelines et je le connais depuis très longtemps ; nous avons fait le même chemin.
Permettez-moi de vous rappeler, madame Terrade, que les moyens globaux consacrés à l’hébergement sont supérieurs à 1 milliard d'euros en 2008 et qu’ils ont augmenté de 10 % chaque année depuis sept ans.
M. Guy Fischer. Ils sont nettement insuffisants !
Mme Christine Boutin, ministre. Quand le Gouvernement affecte plus de 1 milliard d'euros à l’hébergement, on ne peut pas prétendre qu’il ne fait pas le nécessaire. Certes, il faudra toujours y consacrer davantage de moyens. Mais je tenais à souligner la somme importante qui est dégagée en faveur de l’hébergement et que tout le monde oublie de mentionner.
Le Gouvernement a donc lancé le chantier prioritaire de lutte contre le mal-logement et, à la suite du rapport Pinte, il a ajouté 50 millions d’euros au milliard d’euros que j’évoquais, pour répondre spécifiquement aux problématiques de cette année. Mais de cela aussi on parle assez peu !
La loi DALO est mise en œuvre. On m’avait dit que ce serait impossible, que les commissions de médiation ne pourraient jamais être mises en place dans les délais. Or, elles sont formées, elles travaillent et elles traitent les dossiers. Près de 42 000 demandes étaient déposées sur l’ensemble du territoire national au 31 août dernier.
M. Guy Fischer. On verra ce qui va aboutir !
Mme Christine Boutin, ministre. Si l’on considère que ce chiffre n’est pas encore définitif, même en le doublant ou en le triplant, nous sommes très loin des 600 000 demandes annoncées.
Les deux tiers des demandes ont été déposées en Île-de-France, ce qui nécessite effectivement un traitement particulier de cette région pour laquelle j’appelle une solidarité interdépartementale.
On ne peut reprocher à l'État de se désengager du financement du logement, madame Terrade. Les moyens affectés à la construction sociale sont en hausse de 200 millions d'euros dans le projet de budget pour 2009.
M. Guy Fischer. Eh bien dites donc !
Mme Christine Boutin, ministre. Les organismes d’HLM sont mobilisés grâce à des conventions d’utilité sociale. Le rôle des préfets dans l’élaboration des programmes locaux de l’habitat est renforcé. Vous avez été plusieurs à le souligner.
La mobilité dans le parc social est nécessaire pour libérer des logements destinés aux demandes en attente.
Monsieur Jarlier, je vous rassure, les acquisitions dans le cadre du dispositif de vente en l’état futur d’achèvement se feront dans le cadre d’un cahier des charges visant à garantir la qualité des opérations.
Mes services se sont penchés sans attendre sur les modalités de mise en place des mesures, annoncées la semaine dernière par le Président de la République, relatives aux 30 000 logements réalisés en VEFA. En effet, nous ne devons pas perdre de temps, tout le monde s’est mis autour de la table.
M. Guy Fischer. Les promoteurs surtout !
Mme Christine Boutin, ministre. Aujourd'hui, les procédures sont en route.
S’agissant des quartiers anciens dégradés, les réponses apportées en termes de requalification seront naturellement adaptées aux problématiques locales. En effet, les projets seront élaborés avec l’aide de l’ANAH et de l’ANRU, au cas par cas, en fonction des enjeux des différents territoires.
Vous m’avez interrogée, monsieur le sénateur, sur le maintien des investissements locatifs en zone de revitalisation rurale, ou ZRR. Il ne me paraît pas nécessaire de développer des investissements dans les zones exemptes de tensions, puisque c’est une contrainte que nous devons prendre en compte, mais je suis sensible à votre observation.
Monsieur Lagauche, c’est le législateur qui définira a priori les grands emplois du 1 %. Ce n’était plus le cas depuis longtemps : on commençait par les conventions, puis le législateur entérinait.
D’après l’accord que nous avons signé dans la nuit de jeudi à vendredi, sur ma demande, les subventions aux HLM augmenteront de 225 millions à 300 millions d'euros, c'est-à-dire de 33 %. N’est-ce pas là un moyen de développer le parc d’HLM, notamment dans les zones tendues comme l’Île-de-France ? La question posée induit immédiatement la réponse.
Monsieur Vanlerenberghe, vous m’avez dit que vous partagiez les objectifs et les orientations du projet de loi, avec toutefois des réserves sur l’article 17.
Je tiens à vous rassurer : il n’y a pas d’effondrement des budgets de l’ANAH et de l’ANRU, puisque ces agences sont financées par le 1 % logement. Globalement, la capacité d’intervention de l’État et de ces deux agences augmentera de 200 millions d'euros en 2009.
Le nombre des prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI, que seuls quelques-uns d’entre vous ont évoqués et qui concernent les logements les plus sociaux, a considérablement augmenté, passant de 8 000 en 2006 à 14 000 en 2007.
M. Guy Fischer. Ah !
Mme Christine Boutin, ministre. Je peux en financer 20 000, c'est-à-dire 6 000 d’ici à la fin de l’année. J’attends des propositions.
M. Guy Fischer. Ces logements sont toujours construits aux mêmes endroits, madame la ministre !
Mme Christine Boutin, ministre. Non, monsieur le sénateur ! Là n’est pas du tout la question ! Je vous dis qu’en ce qui concerne les PLAI – mais cela vaut aussi pour d’autres lignes budgétaires – il nous reste des possibilités de financement.
Je ne jette d’ailleurs la pierre à personne ! La mise en place d’un PLAI est une chose difficile, car il ne suffit pas d’avoir l’habitat, il faut ensuite mettre en place un accompagnement personnalisé, ce qui rend le dispositif complexe.
Il n’est donc pas étonnant que tous les crédits n’aient pas été consommés. Quoi qu’il en soit, les PLAI étaient au nombre de 8 000 en 2006 et de 14 000 en 2007. Excusez du peu ! Ce ne sont pas les crédits qui manquent, mais la demande des organismes.
Du reste, je souhaiterais vivement que, lorsque des programmes de logements sociaux sont lancés – que je soutiens naturellement –, on n’oublie pas, comme c’est trop souvent le cas, de mentionner les subventions que l’État apporte pour leur réalisation !
Madame Hoarau, je connais bien l’article 23 de la loi DALO, puisque j’étais le rapporteur de ce texte lors de son examen. Je n’ignore pas non plus les besoins de l’outre-mer et je peux vous rassurer : l’opération d’acquisition de 30 000 logements concerne aussi les départements d’outre-mer.
Une circulaire va être adressée aux préfets d’outre-mer, comme à ceux de métropole. Même si les crédits destinés à l’outre-mer ne relèvent pas de mon ministère, je suis certaine que plusieurs dispositions du présent projet de loi fourniront à l’outre-mer des outils supplémentaires.
Monsieur Cambon, je vous remercie pour l’analyse, l’exégèse dirai-je, très précise que vous avez faite du projet de loi soumis à votre examen. (Sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Vous avez opportunément rappelé que la majorité à laquelle vous appartenez a voté des lois importantes, telles que celle portant engagement national pour le logement – formidable boîte à outils, saluée sur toutes les travées – ou la loi DALO, qui nous place dans le peloton de tête des pays européens dans le domaine de la lutte contre l’exclusion par le biais du logement.
De plus, je vous rappelle qu’on n’a jamais construit autant de logements sociaux qu’en 2007 !
Cela me permet d’ailleurs une remarque incidente. Certains d’entre vous se sont étonnés du grand nombre de lois relatives au logement qui ont été soumises au Parlement depuis une dizaine d’années. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y a là rien de surprenant, pour la bonne raison que le traitement du problème du logement doit s’adapter à la situation globale du pays.
Nous sommes dans un État de droit. Dès lors que l’on veut faire bouger les choses, il faut passer par la loi. De là, pour s’adapter, compléter et enrichir les textes fondamentaux sur tel ou tel sujet, une succession de lois, dont celle-ci. Et je ne peux pas imaginer, compte tenu de l’importance du logement pour nos concitoyens, que ces discussions répétées puissent paraître pénibles ou superfétatoires à des parlementaires de terrain tels que vous !
Vous avez eu raison, monsieur Cambon, d’aborder la question des terrains publics. L’objectif du Président de la République est d’accélérer les cessions destinées au logement. Cela, pour le coup, relève non de la loi, mais de la pratique administrative sur le terrain.
Le Gouvernement veillera à ce que les cessions avancent plus rapidement ; elles s’accompagneront d’une aide aux logements sociaux, notamment pour les HLM et les Pass-Foncier. L’engagement financier de l’État sur ce point est sans précédent, et j’ai encore reçu très récemment des garanties de la part de M. Éric Woerth pour faire en sorte que les terrains appartenant à l’État soient libérés beaucoup plus rapidement que ce n’était le cas auparavant. Je le répète, il s’agit là d’une priorité énoncée par le Président de la République.
Madame Herviaux, je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faut développer une offre diversifiée. Pour ce faire, il convient d’agir sur l’ensemble de la chaîne de solidarité, depuis le sans-abri jusqu’au bien logé, en commençant bien sûr par les plus vulnérables.
Il s’agit là sans doute d’une vision un peu nouvelle de la politique du logement. Je dois dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que j’ai été très surprise, à mon arrivée au ministère, de voir que, dans les représentations habituelles, on parlait certes du logement, mais pas de ceux qui n’en avaient pas !
Pour ma part, je veux que la question du logement soit abordée véritablement en ayant à l’esprit la chaîne de solidarité que j’évoquais à l’instant, c’est-à-dire en partant de celui qui n’a pas de logement – car le ministre du logement est d’abord le ministre de celui qui n’en a pas – jusqu’à celui qui est fort bien logé.
Vous avez raison : le logement social ne peut suffire. C’est pourquoi j’ai décidé d’encourager l’intermédiation locative, qui permet une transition vers le logement ordinaire. Les maisons-relais jouent le même rôle.
S’agissant des logements sociaux, des instructions ont été données aux préfets de région pour assurer un minimum de 20 % de logements très sociaux.
Monsieur Dassault, la garantie des emprunts des organismes d’HLM ne fait pas courir de risques réels aux communes. En effet, lorsqu’un organisme d’HLM est en difficulté, un établissement public, la Caisse de garantie du logement locatif, ou CGLLS, intervient pour élaborer des plans de redressement avec des moyens financiers souvent très importants.
En ce qui concerne les logements d’urgence, nous faisons beaucoup, de même que pour les logements de transition. Il faut continuer avec les résidences hôtelières à vocation sociale, ou RHVS, les villages de l’espoir, ou encore les maisons-relais.
Monsieur Ries, je tiens d’abord à vous remercier de m’avoir reçue à Strasbourg ! (Sourires.)
En véritable élu républicain, vous avez accepté l’opération de « décentralisation » ponctuelle de mon ministère et la rencontre avec les habitants de votre commune.
M. Charles Revet. Vous êtes aussi allée au Havre !
Mme Christine Boutin, ministre. En effet ! Je suis allée en bien des endroits !
Je vous remercie également, monsieur Ries, d’avoir salué les avancées que constituent plusieurs dispositions du projet de loi, mais je regrette que, en dehors de l’article 17, vous n’ayez guère développé les aspects du projet de loi qui, selon vous, aggraveraient la situation. Vous m’avez laissée sur ma faim ! Mais peut-être la discussion des articles permettra-t-elle d’aller plus loin.
Madame Garriaud-Maylam, je connais bien les difficultés de ceux de nos compatriotes qui sont obligés, suite à des crises ou à des guerres, de rentrer en France et de trouver un logement.
Vous avez raison, la difficulté pour eux vient de ce qu’ils n’ont pas de revenu de référence leur permettant de justifier de leur éligibilité à un logement social. C’est pourquoi, en relation avec le ministre des affaires étrangères, j’ai prévu l’instauration d’une procédure particulière qui leur permettra d’attester la faiblesse de leurs revenus sans qu’ils soient obligés de fournir un avis d’imposition.
Madame Voynet, vous dites que les lois votées n’ont pas changé la donne. Voilà qui me surprend beaucoup ! Comment pensez-vous que nous sommes passés de 308 000 mises en chantier en 2002 à 435 000 en 2007 ?
M. Thierry Repentin. Grâce à la loi SRU !
Mme Christine Boutin, ministre. Non, monsieur Repentin, vous savez bien que c’est faux ! Le chiffre de 308 000 est un total tous types de logements confondus. (Mme Nicole Bricq proteste.) En 2002, vous étiez aux affaires, me semble-t-il. Comment sommes-nous passés à 435 000 en 2007 ? Pensez-vous vraiment que les lois successives n’y sont pour rien ? Pourquoi est-on passé de 40 000 logements sociaux financés en 2000 à 108 000 en 2007 ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme Christine Boutin, ministre. Pourquoi arrivons-nous au chiffre de 250 000 prêts à 0 % ? Comment peut-on compter pour rien le droit opposable au logement, qui est pourtant une avancée sociale majeure ? Comment peut-on mettre en question l’opération de 30 000 acquisitions en VEFA, qui intéresse les organismes d’HLM ? Et je pourrais multiplier les questions de ce genre, dont vous faites semblant d’ignorer les réponses !
C’est bien l’action des gouvernements successifs depuis 2002 qui a produit ces résultats. (Mme la ministre brandit un graphique à l’appui de son propos.)
La différence est nette : il y a avant 2002, et il y a après ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Dominique Braye, rapporteur. Bravo !
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Hérisson, je vous remercie sincèrement d’avoir évoqué la situation des gens du voyage, souvent oubliés, et dont on connaît pourtant les difficultés.
Il faut poursuivre l’implantation des aires d’accueil prévues par les schémas départementaux. Ma volonté est d’agir en ce sens. Vous savez que je mène une action sur le sujet dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. J’ai eu l’occasion de développer ces problématiques à Bruxelles ; nous essaierons de parvenir à une position commune sur les Roms. J’examinerai avec intérêt les amendements que vous avez déposés sur cette question.
Madame San Vicente-Baudrin, comment pouvez-vous dire que le présent projet de loi paupérise le parc HLM lorsque 60 % des ménages y ont accès ? Le vrai choix consiste à permettre aux plus pauvres de bénéficier de loyers abordables pour eux dans le parc HLM, sans pour autant remettre en cause la mixité sociale. C’est l’objectif même de ce projet de loi de lutte contre l’exclusion.
Monsieur Jeannerot, je tiens à vous rassurer : le réseau des ADIL, auquel je suis attachée, tout comme vous, continuera à être financé par le 1 % logement, parce qu’il le mérite bien ! Ce réseau fait un travail remarquable ; les dispositions le concernant figurent dans le projet de loi à l’article 3.
Sur la vente des HLM, je vous rappellerai seulement que j’ai signé une convention avec le président de l’Union HLM. Je ne pense pas que les locataires souhaitant acheter soient aussi peu nombreux que vous le dites. Mais encore faut-il qu’on leur propose cet achat !
Quant aux dispositifs « Robien » et « Borloo », le nombre de communes dans lesquelles ils pourront s’appliquer sera évidemment moins important, puisque nous opérons un recentrage.
Vous m’avez interrogée, ainsi que d’autres orateurs, sur les expulsions. Je vous le dis très clairement, mesdames, messieurs les sénateurs, une expulsion, c’est un échec. C’est du « perdant-perdant » pour tout le monde, aussi bien pour les familles expulsées que pour le propriétaire.
M. Charles Revet. Et pour la société !
Mme Christine Boutin, ministre. Il s’agit donc non pas de multiplier les expulsions, mais de développer la garantie des risques locatifs. Cette dernière figure dans le texte que nous avons signé jeudi dernier avec les partenaires sociaux. C’est la loi DALO qui a permis la création de commissions de coordination de la prévention des expulsions.
Je suis naturellement d’accord pour qu’intervienne la prévention en amont. Mais pourquoi, monsieur Jeannerot, certains présidents de conseils généraux appartenant à votre famille politique ne se sont-ils guère empressés de créer de telles commissions ?
Madame André, croyez-vous vraiment qu’il est scandaleux que le 1 % logement soit une contribution obligatoire et qu’il participe aux grands programmes que sont la rénovation urbaine et la lutte contre l’habitat indigne ? Était-il vraiment scandaleux qu’il participe en 1953 à la reconstruction de la France ?
Pour ce qui est des dispositifs fiscaux, je vois mal comment ils pourraient avoir un effet inflationniste sur les loyers, car ils permettent d’accroître l’offre globale, ce qui diminue la tension sur les loyers. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
J’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, avoir répondu aussi précisément que possible à vos questions. Si certains points restent dans l’ombre, la discussion des articles permettra d’apporter des précisions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Exception d'irrecevabilité
Je suis saisi, par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n°224.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (n° 497, 2007-2008).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C’est son baptême du feu !
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « longtemps attendu par les associations, rendu nécessaire par la grave crise du logement que nous traversons depuis quinze ans, […] le droit au logement opposable est en passe de devenir une réalité pour notre pays.
« En effet, tandis que la loi Quilliot (1982) fait du droit à l’habitation un droit fondamental et que la loi Besson (1990) consacre le droit au logement, il ne manquait plus à notre corpus législatif français qu’un texte instituant le droit au logement opposable.
« Avec le texte fondateur soumis aujourd’hui au Parlement, il s’agit désormais de protéger le droit au logement par une obligation de résultats et non plus seulement de moyens. »
C’est ainsi, madame la ministre, que commençait le rapport que vous aviez signé, pour le compte de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, lors de la discussion de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
Même si, à l’époque, vous insistiez sur le problème posé par les moyens devant être mobilisés pour répondre aux exigences nouvelles posées par l’opposabilité, force est de constater qu’un an et demi a suffi pour que les discours d’un hiver préélectoral s’oublient dans les frimas d’un automne de crise financière et de régulation budgétaire !
Oui, madame la ministre, vous aviez raison de rappeler alors, à plus d’un titre, que le droit au logement était consacré dans la loi française et que ce droit ne souffrait d’aucune sorte de contestation.
La priorité, en matière de logement, ce sont les êtres humains, les demandeurs de logement, notamment, mais aussi les locataires, les habitants de notre pays, dont les parcours résidentiels, selon l’expression employée, doivent être libres, répondant à leurs aspirations profondes.
L’article 1er de la loi Besson de 6 juillet 1989 dispose : « Le droit au logement est un droit fondamental ; il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent.
« L’exercice de ce droit implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation grâce au maintien et au développement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales. »
Le même article de la même loi, élément du droit positif, précise : « Les droits et obligations réciproques des bailleurs et des locataires doivent être équilibrés dans leurs relations individuelles comme dans leurs relations collectives. »
Pour sa part, la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, précise, en son article 1er : « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation.
« Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les conditions fixées par la présente loi, pour accéder à un logement décent et indépendant ou s’y maintenir et pour y disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques. »
C’est, de fait, au travers de ces différents rappels de la législation existante que se définissent les premiers griefs que l’on peut faire au texte qui nous est soumis aujourd’hui.
Tout se passe, madame la ministre, comme si, en lieu et place du droit au logement, le texte que vous nous proposez met en place un droit du logement plus restrictif, excluant de l’accès au logement social des couches de plus en plus larges de la population, les livrant pieds et poings liés aux aléas d’un marché immobilier en pleine déconfiture.
Les traces de ce droit du logement sont présentes dans de multiples dispositions de ce texte.
Depuis les conventions d’utilité sociale, fondées sur les plans stratégiques des bailleurs de logements sociaux, ignorant évidemment les intérêts des locataires et ne se préoccupant que des procédures de libération accélérée des logements ou de leur mise en vente, en passant par la profonde mise en cause du droit au maintien dans les lieux et du droit de suite contenue dans l’article 20, jusqu’à la confusion savamment entretenue entre hébergement et logement, rien dans ce texte ne correspond au cadre législatif qu’année après année nous avons pu constituer.
Aucun grief d’ordre constitutionnel n’avait, je le rappelle, été opposé au contenu des textes que je viens de rappeler. Bien au contraire, selon tous les spécialistes du droit, c’est le droit au logement qui gagnait, au fur et à mesure de l’adoption des textes, valeur constitutionnelle !
En effet, sur le fond, ces lois répondaient à quelques principes constitutionnels fondamentaux ; je pense notamment au dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui dispose : « La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. »
De quel développement de l’individu et de la famille s’agit-il quand on instaure une précarité renforcée des conditions de logement, que l’on remet en cause la qualité des contrats passés entre bailleurs et locataires, que l’on introduit un déséquilibre manifeste entre les droits des premiers et les devoirs des seconds ?
Reprenons, madame la ministre, mes chers collègues, l’une des questions résolues par la loi Besson.
Le second alinéa de l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989, texte essentiel que je cite de nouveau tant il recèle de sens prévoyait : « L’exercice de ce droit implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation grâce au maintien et au développement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales. »
Cela signifie, dans cet esprit, que la construction de logements sociaux ne peut souffrir la moindre restriction. Dès lors, l’article 17 du présent projet de loi n’a pas de raison d’être.
Cela signifie également que la question de l’accès au marché locatif ne se pose pas uniquement du point de vue de la législation relative au logement HLM.
Nous ne pouvons accepter, madame la ministre, que votre texte organise de fait une ségrégation active en matière de logement. Cette ségrégation fait du logement soumis à la législation HLM le réceptacle de toutes les misères de la société française, tandis que les ménages salariés disposant de ressources prétendument trop élevées n’auraient plus qu’à se plier à la loi d’un marché locatif privé où, année après année, les loyers consomment une part toujours plus élevée de leurs moyens financiers.
Nous refusons cette société où devient plus importante la question de l’occupation des logements selon l’origine sociale et les moyens financiers que celle de la mise en œuvre effective du droit au logement.
Le droit au logement n’a pas vocation à se diviser.
Je prendrai un exemple très simple, madame la ministre. Fraîchement élue dans cette assemblée, j’ai l’honneur d’y représenter le département des Bouches-du-Rhône et d’y porter les aspirations de sa population.
Mme Isabelle Pasquet. Dans le secteur de Marseille où je suis élue locale, entre Le Camas et Chutes-Lavie, 58 % des foyers fiscaux – ils ne sont pas tous demandeurs de logement, mais je cite ce pourcentage pour que chacun garde ces éléments en vue – disposent de ressources annuelles inférieures à 12 000 euros, c’est-à-dire inférieures au plafond d’accès au logement par l’intermédiaire du PLAI, le prêt locatif aidé d’intégration. Et je ne parle pas des foyers dépassant de peu cette limite et que la composition familiale place dans la même situation !
De même, la procédure DALO a d’ores et déjà été sollicitée par 1 533 habitants de mon département. La commission de médiation a donné un avis favorable sur 418 de ces demandes, 411 d’entre elles sont assorties d’une saisine du préfet pour désignation auprès d’un bailleur social. Cependant, seules 141 de ces propositions de logement ont pu être suivies d’effet.
Par ailleurs, la tension du marché du logement est une réalité incontournable dans ma région. Ainsi, à Aix-en-Provence, ville soumise à une intense spéculation immobilière, les loyers ont progressé en 2007 – dernière année connue – jusqu’à 11,10 euros le mètre carré, ce qui situe le loyer moyen d’un trois pièces dans le secteur privé à 666 euros mensuels, hors charges locatives.
Aix-en-Provence se distingue d’ailleurs parmi les autres grandes agglomérations de province comme celle où la hausse des loyers dans le secteur privé est la plus forte, malgré un relatif ralentissement dû à la crise grandissante du logement.
Sans surprise, nombre de bailleurs ont tiré parti de la relocation de leur logement – il s’agit surtout de studios ou de deux pièces – pour pratiquer des hausses encore plus importantes.
Les logements aixois reloués en 2007 sont plus petits que la moyenne et encore plus chers que les autres! Qui peut payer de tels loyers dans une ville où le tiers des contribuables dispose de moins de 7 500 euros par an et où des milliers d’étudiants cherchent à se loger ?
Pour conclure, au moins provisoirement, sur cette approche locale de la situation du logement (M. le président de la commission des affaires économiques manifeste son impatience), je soulignerai simplement que, malgré des efforts non négligeables, Aix-en-Provence et Marseille ne comptent toujours pas 20 % de logements sociaux.