M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente-Baudrin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. En préambule, madame la ministre, permettez-moi de déplorer que le logement ne soit toujours pas considéré par le Gouvernement dans sa dimension sociale. Ce texte comporte en effet peu d’avancées notables en la matière. Ainsi, l’un des principaux postes de dépenses des ménages est souvent traité dans ce projet de loi comme un bien de consommation ou d’investissement, et trop rarement comme un bien de première nécessité !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Ce projet de loi ambitionne de combattre la crise du logement, alors même que les dispositifs d’incitation fiscale à la construction – 9 milliards d’euros – n’ont toujours pas répondu aux besoins de l’offre et de la demande : 1,3 million de demandes de logement social sont en attente ! Nos inquiétudes persistent donc, madame la ministre, quant à la réalité des engagements que vous prendrez au nom du Gouvernement, d’autant que le projet de loi de finances pour 2009 confirme la baisse du budget attribué au logement.
L’année 2006 a été l’une des meilleures pour le marché immobilier, et jamais autant de logements n’auront été acquis cette année-là. Cependant, du fait de la flambée des prix, les accédants à la propriété se sont endettés sur une période plus longue.
Vous avez avancé, madame la ministre, un objectif de 70 % de propriétaires ! Les aides du 1 % logement servent souvent à obtenir un prêt à taux préférentiel pour financer l’acquisition d’un logement. Le 1 % logement permet aussi d’aider les personnes qui ont emprunté pour acheter leur résidence principale et qui éprouvent des difficultés à rembourser leurs prêts.
Si l’accession à la propriété est un rêve, après le krach boursier de la semaine dernière, le spectre de la récession, lui, n’est pas un mirage ! Et c’est justement la crise des subprimes qui a provoqué la débâcle financière et bancaire d’aujourd’hui… C’est l’une des raisons, mais il y en a beaucoup d’autres, qui poussent le groupe socialiste à vous demander de sanctuariser le 1 % patronal en supprimant l’article 3.
La mesure phare de votre projet de loi est la vente massive de logements du parc social. L’idée que des locataires seraient plus enclins à investir et à entretenir leur logement en devenant propriétaires n’est pas nouveau. La Grande-Bretagne s’y est essayée dans les années quatre-vingt. Le résultat est assez éloquent, et bien loin des résultats escomptés : une diminution du parc social, une offre quantitative insuffisante, mais aussi un accès au secteur locatif de plus en plus difficile pour les catégories populaires.
Le groupe socialiste n’a cessé d’alerter l’État sur son rôle, qui est avant tout de réguler les marchés immobiliers et fonciers locaux. Si ce projet de loi de « mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion » avait traité de la diversification et du renouvellement de l’offre de logements, parc social comme parc privé social, en tenant enfin compte de son coût pour les locataires, nous y aurions adhéré, car la « crise » tient d’abord à un manque important de logements à « loyers abordables ».
La prévention des expulsions des locataires de bonne foi était un élément essentiel de la mise en œuvre du droit au logement dans le cadre du plan de cohésion sociale. M. Jean-Louis Borloo nous avait ainsi exposé qu’il coûterait moins cher à l’État de sécuriser le « risque locatif » plutôt que de mobiliser les tribunaux ou les policiers pour expulser les gens, puis de financer des hébergements d’urgence…
M. Daniel Raoul. Eh oui !
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Le Gouvernement tiendrait-il un discours différent en fonction des ministres ?
Faisant fi de toutes les études démontrant que la faible mobilité des locataires est d’abord due à l’absence d’une offre accessible, l’article 20, n’évoquant que partiellement le statut d’occupation, détermine de manière autoritaire voire arbitraire la répartition des locataires, sans se soucier des préjudices subis. Le non-droit au logement est ainsi décrété !
À l’article 21, vous nous proposez, madame la ministre, sous prétexte de mobilité, de paupériser un peu plus l’occupation du parc HLM. Les HLM ont toujours accueilli les ménages en difficulté comme les ménages de catégorie moyenne, bien souvent en transit ; on appelle cela « la diversité sociale ».
Il est aussi envisagé de baisser les plafonds de ressources pour l’accès à un logement social. Cette disposition, qui semble séduisante au premier abord, n’aura d’autre conséquence que d’augmenter automatiquement le nombre des ménages qui auront à s’acquitter d’un surloyer, sans pour autant réellement favoriser plus de mobilité.
Georges Malignac a écrit ceci en 1957 : « Le nombre des logements étant inférieur au nombre des familles, il faut bien que certaines soient exclues. » « Ainsi, nous trouvons, une fois de plus, une législation d’intention sociale qui, en fait, accable les faibles. » On jurerait qu’il parle de votre texte, madame la ministre !
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion intervient, à l’évidence, à un mauvais moment. Je ne reviendrai pas sur la crise, mes collègues l’ayant amplement décrite.
Dans ce contexte, vous en conviendrez, ce projet de loi est malvenu. Il est même probablement mal né, puisqu’il est arrivé avant le rapport d’Étienne Pinte, qu’évoquait à l’instant ma collègue Dominique Voynet, lequel avait été missionné par le Premier ministre afin de formuler des propositions en vue de résoudre la crise.
M. Claude Jeannerot. Je me souviens que le Premier ministre avait alors annoncé qu’il était favorable à toutes les mesures énoncées dans le pré-rapport. Nous nous attendions donc, mes chers collègues, à découvrir un texte audacieux.
Même si les objectifs annoncés sont prometteurs, nous sommes en réalité, il faut le dire, devant un texte opportuniste et fataliste qui, au bout du compte, marque un retrait de la collectivité nationale.
Ce projet de loi, s’il est adopté en l’état, aboutira, parce qu’il est adossé aux vertus autorégulatrices supposées du marché, à un « détricotage » de notre droit de la construction sociale et de nos systèmes de solidarité.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Claude Jeannerot. On parle beaucoup, ce soir – et à juste raison –, du 1 % logement. La captation envisagée n’est pas acceptable !
Pour évoquer l’un des aspects collatéraux de la problématique, madame la ministre, savez-vous que le réseau des associations départementales d’information sur le logement, ou ADIL, est financé en grande partie par le 1 % logement ? Or ce réseau, que j’ai l’honneur de présider, assure une véritable mission de service public.
M. Alain Fauconnier. Eh oui !
M. Claude Jeannerot. Les soixante-quinze agences départementales d’information sur le logement accordent chaque année près d’un million de consultations d’ordres juridique, financier et fiscal aux accédants à la propriété, mais aussi aux locataires et aux propriétaires. Elles constituent un observatoire privilégié en matière de demande de logement, de comportement des ménages et des différents acteurs.
Or, depuis des années, l’État se désengage de leur financement. L’État avait commencé à se « décharger » sur les fonds du 1 % logement, et j’apprends aujourd’hui que les sommes collectées au titre du 1 % destinées au financement des associations seraient purement et simplement supprimées par votre projet de loi ! Madame la ministre, je vous demande de me rassurer sur ce point.
Pour notre part, nous avons déposé des amendements visant à garantir la pérennité de ces utilisations du 1 % logement. De même, nous nous battrons pour la préservation des fonds destinés à l’outre-mer.
Madame la ministre, vous affichez l’ambition d’accroître la mobilité dans le parc social, en vue de réserver en priorité celui-ci à nos concitoyens les plus modestes. Mais, derrière ce projet, on voit poindre les objectifs du Président de la République, c'est-à-dire la vente du parc HLM à ses habitants. C’est certainement l’une des missions que vous assignerez à vos conventions d’utilité sociale.
M. Claude Jeannerot. Comme vous le savez, l’idée d’une telle vente n’est pas nouvelle. En effet, elle avait déjà été émise à l’occasion de l’adoption de la loi du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière, dite loi « Méhaignerie », de la loi du 21 juillet 1994 relative à l’habitat, de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement ou encore de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Mais, vous en conviendrez, ces différents textes ont eu un succès relatif.
Sur le principe, les socialistes ne sont pas hostiles à cette perspective. Simplement, nous souhaitons que, pour un logement vendu, deux logements soient construits. Or reconnaissez qu’un tel ratio sera difficile à atteindre, alors qu’aujourd'hui nous ne sommes même pas capables de faire du « un pour un » en la matière.
Au demeurant, les locataires souhaitant acquérir leur habitation HLM sont peu nombreux. En général, ce sont plutôt les locataires de maisons individuelles, mais celles-ci ne représentent que 13 % du parc social.
À ma connaissance, sur les 10 000 logements sociaux mis en vente en 2007, seulement 5 000 ont trouvé preneurs. Dans ces conditions, madame la ministre, les socialistes ne peuvent pas imaginer faire de la vente du parc HLM l’alpha et l’omega d’une politique publique du logement !
Vous nous proposez plusieurs pistes de réformes à propos du logement défiscalisé.
Ainsi, vous prônez le recentrage des dispositifs « Robien » et « Borloo ». Pourquoi pas ? Toutefois, nous souhaitons disposer d’informations sur le décret qui fixera le classement des communes par zone. Vouloir réduire le nombre de zones à deux est une chose, mais si ces deux nouvelles zones comprennent plus de communes que les trois zones antérieures, le recentrage risque de n’avoir aucun effet réel.
M. Thierry Repentin. C’est astucieux ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Jeannerot. Certes, une récente étude de l’Agence nationale pour l’information sur le logement, l’ANIL, réalisée à votre demande, a mis en évidence l’intérêt et les effets pervers du dispositif existant. Mais les socialistes vont plus loin. En effet, nous suggérons un dispositif avec de réelles contreparties sociales, notamment un droit de retrait pour les communes saturées en « Robien » et une faculté pour les élus de définir les zones d’accueil de ce type de constructions dans le programme local de l’habitat, le PLH. Madame la ministre, je vous recommande d’examiner nos propositions avec attention ; elles sont l’œuvre d’une opposition constructive.
Je voudrais maintenant évoquer brièvement le parc locatif privé. Nous savons à quel point l’équilibre est précaire. L’enjeu est bien d’inciter les propriétaires à mettre leur logement en location, si possible à des niveaux de loyers raisonnables.
Or le projet de loi est relativement muet sur le sujet. En réalité, vous ne nous adressez qu’un seul signe, à savoir la réduction des délais d’expulsion des locataires de mauvaise foi. Dix ans après la réforme du dispositif, on ne peut que constater l’augmentation des assignations pour impayés de loyers, des jugements d’expulsion, des demandes de concours de la force publique et des expulsions effectives. Mais l’application de la loi varie fortement selon les territoires et le système connait des failles, en raison notamment d’un manque de coordination de l’intervention judiciaire en amont, ainsi que de l’absence d’instrument d’évaluation et de suivi des actions menées.
C’est pourquoi, et je veux insister sur ce point, il convient d’abord d’engager une véritable réflexion sur les moyens qui sont nécessaires à une politique de prévention efficace.
M. Claude Jeannerot. La prévention est la condition préalable à toute autre mesure.
Madame la ministre, je vous invite à nous retrouver sur une conviction partagée : le logement fait partie des besoins premiers de nos concitoyens.
M. Charles Revet. Là-dessus, nous sommes d'accord !
M. Claude Jeannerot. À ce titre, le logement n’est pas, et il ne peut pas être, une marchandise comme une autre.
C’est pourquoi, si vous partagez cette conviction,…
M. Claude Jeannerot. … et je sais que vous la partagez, acceptez de faire évoluer votre projet de loi dans le sens que nous vous proposons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Michèle André. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en ma qualité de membre de la commission des finances, je centrerai mon propos, à cette heure tardive, sur quelques articles du présent projet de loi, en l’occurrence les articles 2, 3, 14 et 15.
À mon sens, ce texte devrait plutôt être intitulé « projet de loi de démobilisation de l’État dans le financement des politiques publiques de logement ».
Mme Odette Terrade. Très juste !
Mme Michèle André. De surcroît, le projet de loi a été rédigé par Bercy, dans un contexte de forte contrainte budgétaire,…
M. Guy Fischer. Exact !
Mme Michèle André. … et je crains que l’on ne vous ait guère laissé une grande part dans son élaboration, madame la ministre du logement et de la ville.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Michèle André. Le dispositif est exclusivement financé par des débudgétisations. Aussi, dussiez-vous trouver le terme un peu excessif, je dois vous avouer qu’un tel « hold-up » sur le 1 % logement…
M. Guy Fischer. C’est même du racket !
Mme Michèle André. … nous inquiète.
En effet, dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, l’État vient d’arracher un accord avec le 1 % logement, en prévoyant de ponctionner, en plus des 450 millions dédiés à l’ANRU, 850 millions supplémentaires pour financer le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés et l’ANAH.
En outre, de mon point de vue, les missions de l’ANRU sont trop élargies, notamment pour le logement de transition et les foyers à vocation sociale, qui sont définis à l’article 14. Dans le même temps, le budget de cet organisme est réduit.
À l’instar de M. Philippe Dallier, le rapporteur pour avis de la commission des finances, je ne peux que dénoncer le désengagement total de l’État dans le financement de la rénovation urbaine, qui sera dorénavant exclusivement débudgétisé.
L’État préemptera donc 1,3 milliard d’euros des fonds du 1% logement, dont le budget est un peu inférieur à 4 milliards d’euros par an. Il s’agit donc, en plus du prélèvement sur les moyens des organismes HLM, qui est prévu à l’article 2 du projet de loi, d’une mainmise de l’État sur les prétendues « cagnottes » du secteur, et ce au détriment des partenaires habituels, qui se verront privés de leurs fonds de roulement.
La révision du mode de gouvernance de l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction, l’ANPEEC, ainsi que la mise sous tutelle de l’Union d’économie sociale pour le logement, l’UESL, laissent à penser que l’État ne fait plus confiance au patronat et aux syndicats pour apporter leur éclairage sur la construction des logements sociaux. C’est faire fi de l’expérience de leurs représentants, de leurs expertises et des qualités d’une gestion paritaire précieuse. En ce domaine aussi, le Gouvernement devrait penser à laisser vivre le dialogue social !
Je voudrais également évoquer la perversion des mécanismes « Robien » et « Borloo », prévue à l’article 15 du projet de loi. Au final, le texte donne naissance à deux niches fiscales qui coûteront cher à l’État et qui fausseront les mécanismes du marché, au bénéfice des seuls promoteurs et au détriment des locataires, des propriétaires et de l’État.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Michèle André. Au cours des années 2007 et 2008, la montée en puissance des deux mécanismes, qui représentent près de 1,3 milliard d’euros depuis 2004, a été très significative et en forte accélération. Un tel coût est déraisonnable au vu des effets pervers qu’il induit.
Certes, nombre de programmes immobiliers ont pu être initiés grâce, ou en raison, de ces mécanismes,…
Mme Nicole Bricq. La bulle !
Mme Michèle André. … mais ils aboutissent à un tel effet inflationniste sur les loyers qu’ils ne peuvent pas être supportés par les ménages légitimement destinataires de ces logements. Des programmes ont également été créés artificiellement là où la demande ne se faisait pas nécessairement sentir.
À cet égard, dans l’agglomération de Clermont-Ferrand, que je connais bien, nous avons actuellement entre 300 et 400 logements vides. C’est un problème à la fois pour les propriétaires et pour les personnes en recherche d’un logement qui ne peuvent pas y accéder.
D’ailleurs, les auteurs du projet de loi le reconnaissent, puisqu’il est prévu de restreindre les dispositifs « Robien » et « Borloo » aux seules zones de tensions du logement, suivant en cela les recommandations d’un rapport de l’Assemblée nationale.
Pour ma part, je crains que le prochain effet à en attendre ne soit de voir les grands promoteurs, comme Bouygues ou Nexity, faire pression sur les collectivités pour prendre en charge des programmes aujourd’hui stoppés ou réduits, faute d’acheteur. À ce titre, l’annonce de Nexity sur les 180 000 emplois menacés dans le bâtiment devrait nous inquiéter.
Alertée localement par l’association régionale d’Auvergne de l’Union sociale pour l’habitat, je souhaite également formuler une observation. En matière de construction de logements sociaux, il est nécessaire de ne pas amalgamer la situation francilienne avec celle des autres régions françaises.
M. Charles Revet. C’est exact ! La situation n’est pas la même partout !
Mme Michèle André. Cette association, tout comme beaucoup d’autres sur le territoire, a constaté que le projet de loi avait principalement été élaboré sur la base des besoins, certes importants, de la région parisienne.
Dès lors, les dispositions prévues par le texte sont trop éloignées des réalités de nombreux territoires. Par exemple, les contraintes qui s’imposeront demain aux organismes HLM, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement, ne semblent pas avoir été prises en compte.
Je terminerai mon intervention par deux interrogations.
Ma première question concerne les finances des ménages, qui comptent dans leur « reste à vivre » une part largement préemptée par le coût de leur logement. Les loyers n’ont jamais été aussi élevés et ils représentent de nouveau une part croissante du budget des ménages, part qui peut atteindre jusqu’à 50 % pour nos concitoyens les plus modestes. Comment l’État peut-il soutenir durablement, par le biais de la fiscalité, des loyers qui peuvent aisément dépasser un SMIC, et ce dans n’importe quelle ville moyenne ? À mes yeux, cette interrogation ne trouve malheureusement pas de réponse dans le projet de loi.
Ma seconde question porte sur les crédits affectés au logement et à la ville au sein de la mission « Ville et logement », dont le montant diminuera fortement au cours des trois prochaines années. Avec un total d’environ 7,6 milliards d’euros, ces crédits enregistrent une baisse de 7 %, soit une perte de 10 %, ou de 800 millions d’euros, sur trois ans. C’est le signe d’un renoncement de la part de l’État et du Gouvernement à mener une politique ambitieuse en matière de logement.
Dans ces conditions, madame la ministre, quelle politique du logement et quels moyens financiers comptez-vous proposer à nos concitoyens qui souffrent le plus de la crise et qui ne trouveront, je le crains, aucune réponse satisfaisante dans votre projet de loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier de la qualité de vos interventions et de la précision de vos questions. C’est pourquoi, malgré l’heure avancée, je répondrai à chacun d’entre vous. En effet, il est normal que j’apporte des débuts de réponses à vos interrogations dès la discussion générale, même si nous aurons l’occasion d’affiner certaines problématiques lors de la discussion des articles.
Pour ma part, et je le dis sans provocation particulière, j’ai apprécié que l’ensemble des orateurs, y compris parmi les plus hostiles au projet de loi, aient reconnu l’existence de mesures intéressantes. À une exception près, aucun intervenant n’a pris position pour un rejet total du texte. Je tenais à le souligner.
Je souhaite donc que nous puissions continuer à travailler ensemble, et sans esprit polémique, tout au long de l’examen du projet de loi.
Dans cette perspective, je voudrais me livrer à une mise au point chiffrée sur l’effort de l'État en matière de construction. En France, au cours des vingt-cinq dernières années, le volume des constructions, s’agissant tant de l’ensemble des constructions en général que des constructions de logements sociaux en particulier, n’a jamais été aussi important que depuis 2002. C’est un fait incontestable, et je ne voudrais pas que l’on revienne sur ce point au risque d’être complètement en dehors de la réalité.
Tous, dans cette enceinte, hommes et femmes, quelles que soient nos sensibilités politiques, nous sommes préoccupés par la crise du logement. Cette dernière résulte de l’abandon des constructions pendant de nombreuses années et, je le dis sans esprit polémique, essentiellement au cours de la période qui a précédé 2002. Les graphiques sont explicites.
M. Charles Revet. En effet !
MM. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, et Dominique Braye, rapporteur. C’est incontestable !
Mme Christine Boutin, ministre. L’article 17 soulève de nombreuses questions, je l’ai bien compris. J’y répondrai en vous apportant des précisions lors de la discussion des articles, qui nous donnera l’occasion de nous expliquer calmement sur la problématique.
Monsieur Collin, nous avons enregistré 435 000 mises en chantier de logements neufs en 2007, dont 108 000 logements sociaux, ce qui est un niveau inégalé depuis vingt ans. Certes, l’objectif visé était de 500 000 logements, mais vous savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui êtes des élus locaux, que les objectifs, tels les étoiles, nous tirent vers le haut, mais sont difficiles à atteindre. En l’occurrence, nous avons tout de même réalisé un record !
Vous m’avez interrogée, monsieur Collin, sur les moyens devant accompagner la mise en œuvre du projet de loi. Je peux vous dire que le projet de budget pour 2009, comprenant la contribution du 1 % logement, est en hausse de plus de 200 millions d'euros par rapport aux capacités de financement dont je disposais en 2008. Certes, nous pourrons discuter au sujet de l’appel à ces recettes extrabudgétaires, mais vous savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs – je m’adresse de nouveau aux élus locaux – qu’il vaut mieux avoir des euros que des lignes budgétaires et que, si l’on a plus d’euros que de lignes budgétaires, les chances de réaliser les opérations envisagées sont plus grandes. Et tel sera le cas en 2009.
M. Daniel Raoul. Ces euros étaient déjà affectés au logement !
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Collin, concernant l’application de l’article 55 de la loi SRU, je vous rappellerai que les objectifs de construction de logements sociaux sur la dernière période triennale s’élevaient à 60 000. Or, bien que 300 communes n’aient pas atteint leurs objectifs, le nombre de logements construits s’est élevé à 90 000, et ce grâce aux efforts de 430 communes qui ont dépassé leur quota de construction de logements sociaux.
Cela montre qu’une commune qui s’engage dans cette voie construit davantage de logements sociaux. Je tiens à le dire à la tribune du Sénat, surtout pour alerter les Français qui forment des recours contre les projets de construction de logements sociaux. En réalité, nos concitoyens ont une image négative du logement social, qu’ils rapprochent des barres construites voilà soixante ans et que nous nous employons à détruire dans le cadre de la politique de l’ANRU. Il faut que les associations et tous ceux qui forment des recours comprennent que les logements sociaux construits à l’heure actuelle n’ont rien à voir avec ces ensembles honnis.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Christine Boutin, ministre. La mobilité a été évoquée par plusieurs intervenants. Il s’agit de donner accès au logement social aux ménages modestes qui attendent. Nous devrions tous être d’accord sur la nécessité de développer cette orientation.
Monsieur Repentin, vous avez eu l’amabilité de dire que nous partagions les mêmes objectifs sur la construction. Cela me semble déjà très positif. (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C’est vrai cela ?
Mme Christine Boutin, ministre. Vous avez posé de nombreuses questions sur la contribution budgétaire du 1 %. Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler que nous sommes soumis à des contraintes budgétaires qui nécessitent de notre part des orientations en fonction de priorités.
Par exemple, les aides du 1 % logement pour travaux sans condition de plafond de ressources sont devenues inutiles, dans la mesure où une aide fiscale importante doit être mise en œuvre à la suite du Grenelle de l’environnement.
Orienter les recettes du dispositif du 1 % vers ceux qui en ont le plus besoin me semble répondre à une priorité absolue aujourd'hui. Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends que l’on puisse me faire des procès d’intention, mais je vous demande de reconnaître ma sensibilité sociale, car, je vous le dis très clairement, ma préoccupation est aussi sociale que celles qui ont été exprimées dans cet hémicycle !
M. Guy Fischer. Oh alors…
M. Daniel Raoul. Vous nous rassurez ! (Sourires.)
Mme Christine Boutin, ministre. J’en viens à la mobilisation des organismes d’HLM. Monsieur Repentin, est-il acceptable de laisser dormir de la trésorerie parfois inutilisée ? Je ne dis pas que tous les organismes d’HLM détiennent une trésorerie abondante, surabondante…
M. Guy Fischer. De moins en moins !
Mme Christine Boutin, ministre. … ou inexploitée. Mais, vous le savez, certains se consacrent davantage à leur trésorerie qu’aux activités de construction, ce qui est tout à fait anormal et non conforme à la mission de service public des organismes.
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Christine Boutin, ministre. J’ai déjà abordé la question de la mobilité dans le parc social. Dans le cadre du programme national de requalification des quartiers anciens, 30 000 logements sociaux de droit seront créés.
L’idée nouvelle que vous proposez, monsieur le sénateur, relative au droit de préemption urbain, me paraît intéressante. C’est peut-être le signe que les esprits sont mûrs et davantage prêts à l’accepter qu’il y a quelques années.
Monsieur Dubois, 108 000 logements sociaux ont été financés en 2008, ce qui est le meilleur niveau de production depuis vingt ans.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, notre approche de la problématique du logement doit être globale : nous devons intervenir sur tous les rouages, car l’ensemble des éléments sont étroitement imbriqués.
Je l’ai dit précédemment, je reviendrai, lors de la discussion des articles, sur les remarques qui ont été formulées à propos de l’article 17.
En ce qui concerne le 1 %, je tiens à vous rassurer, monsieur le sénateur, ce dispositif continuera à financer les actions en faveur des salariés. Mais ma volonté est d’orienter ces fonds vers les salariés les plus modestes. Il ne s’agit pas de détourner les objectifs du 1 %, mais de flécher les financements de ce dispositif vers les salariés les plus modestes.
Je veux également vous rassurer quant à la mobilité. Cette dernière ne remet nullement en cause l’objectif de mixité sociale puisqu’elle ne concernera qu’une frange très limitée des occupants de logements sociaux, soit 20 000 ménages, sur un total de 4 millions de locataires dans le parc social.
Madame Terrade, je vous remercie d’avoir fait allusion au rapport Pinte sur le mal-logement. C’est moi-même qui ai suggéré de confier cette mission à M. Pinte, qui a remis son rapport à la fin de l’été.