M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. De fait, l’accord stipule très explicitement que le CDD à objet défini ne peut être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d’activité.
Cette précision ne figure cependant pas dans le projet de loi, et la commission, avant de prendre position, souhaite donc entendre le Gouvernement afin de savoir pourquoi.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur le ministre, M. le rapporteur vous a interrogé…
M. Xavier Bertrand, ministre. Si l’on examine cette disposition avec attention, on s’aperçoit qu’elle est superfétatoire. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme Raymonde Le Texier. C’est un peu court…
M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cette disposition a peut-être surtout un caractère déclaratif ; elle pourrait être compliquée à mettre en œuvre et se révéler source de contentieux.
La commission s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
À la fin de la seconde phrase du premier alinéa de cet article, supprimer les mots :
ou, à défaut, d'un accord d'entreprise
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous avons déjà expliqué en détail notre hostilité au contrat de mission, que cet amendement a pour objet de rendre moins « précarisant » en prévoyant qu’il ne pourra être conclu qu’à l’occasion de négociations par branche.
Pour nous, il s'agit de limiter les risques inhérents à l’article 6 du projet de loi, qui, dans sa rédaction actuelle, prévoit que « le recours à un contrat de travail à durée déterminée dont l’échéance est la réalisation d’un objet défini […] se trouve subordonné à la conclusion d’un accord de branche étendu ou, à défaut, d’un accord d’entreprise ».
Nous sommes opposés à cette dernière disposition qui pourrait avoir comme conséquence de réintroduire par la fenêtre – l’accord d’entreprise – ce qui avait été sorti par la porte, à savoir un élément affectant le contrat de travail des salariés et refusé lors d’un accord de branche. Mes chers collègues, n’oublions pas que, dans la pyramide des normes, les accords d’entreprise sont inférieurs aux accords de branche.
En outre, le risque est grand que les salariés, notamment quand ils travaillent dans les plus petites entreprises, celles qui comptent moins de cinquante employés et dans lesquelles les organisations syndicales ne sont pratiquement pas représentées, ne parviennent pas à se défendre face à un employeur qui voudrait imposer le recours à ce type de contrat.
Cette disposition risque de nuire au dialogue social et d’accroître la précarité. C’est pourquoi nous proposons de la supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement vise en fait à supprimer une disposition de l’article 6 qui constitue un important élément de souplesse. Son adoption, en outre, serait contraire à l’accord national interprofessionnel, qui prévoit de façon tout à fait expresse deux possibilités : soit un accord de branche, soit un accord d’entreprise.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 80, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa (1°) de cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la disposition qui prévoit qu’un accord collectif détermine les nécessités économiques auxquelles le CDD à objet défini doit répondre.
Or cette mesure nous semble constituer une garantie pour les salariés : elle certifie que ce CDD ne sera utilisé que dans des cas bien délimités. La commission, souhaitant son maintien, émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 83, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le sixième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
À ce titre, les salariés titulaires d'un tel contrat sont inclus dans le calcul du décompte des effectifs prévu à l'article L. 1111-2 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous craignons que la création de ces nouveaux contrats n’ait pour effet de réduire de manière très importante le recours au CDI.
En effet, quel intérêt aurait un employeur à embaucher sous la forme d’un contrat à durée indéterminée dès lors qu’il peut recourir à sa guise à des formes de contrats de travail plus souples pour lui, c'est-à-dire, bien sûr, plus précaires pour le salarié ? À cet égard, les propos tenus tout à l'heure par M. Dassault étaient sans ambiguïté.
Cet amendement a donc pour objet d’intégrer les salariés embauchés en CDD à objet défini à l’effectif du personnel de l’entreprise. Ainsi, les employeurs ne pourraient se soustraire aux obligations qui leur incombent lorsque cet effectif atteint certains paliers ; à cet égard, je pense, par exemple, au seuil des cinquante salariés au-dessus duquel la constitution d’un comité d’entreprise devient obligatoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tend à apporter une précision inutile, puisque les règles de décompte des effectifs sont déjà mentionnées à l’article L. 1111-2 du code du travail.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement est satisfait. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer, madame David.
M. le président. Madame David, l’amendement n° 83 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Monsieur le ministre, ces nouveaux contrats, qui ne sont pas encore créés, entrent-ils dans le champ de l’article 6 ? Ne sera-t-il pas nécessaire de modifier l’article pour qu’il couvre ces contrats ?
Mme Annie David. Des CDD à objet défini !
Mme Annie David. Avec des particularités, et ils s’appellent d'ailleurs « CDD à objet défini ». Font-ils vraiment partie de la catégorie des CDD ?
Mme Annie David. Dans ces conditions, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 83 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 84, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer la deuxième phrase du septième alinéa de cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’objet de cet amendement porte sur la date anniversaire de conclusion du CDD à objet défini.
Monsieur le ministre, nous ne partageons pas votre point de vue quant aux qualités de ce contrat. S’il ne fait nul doute qu’il remplit sa mission en termes de flexibilité, il peine en revanche à accroître la sécurité des salariés !
Si le texte était adopté en l’état, l’employeur disposerait d’une première possibilité de rompre le contrat au bout d’un an – c'est-à-dire à la date anniversaire de sa conclusion –, d’une deuxième possibilité six mois plus tard – ce type de contrat a en effet une durée minimale de dix-huit mois –, d’une troisième possibilité six mois après – cela correspond au deuxième anniversaire de la conclusion du contrat –, enfin d’une quatrième possibilité au bout de trente-six mois, puisque cette période correspond à la durée maximale du contrat, c'est-à-dire à la fin de la mission du salarié.
En d’autres termes, une fois passé le délai d’un an, l’employeur pourrait légalement licencier son salarié tous les six mois. Il s’agit là d’une forme de CDD dans le CDD que nous ne pouvons accepter. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer la possibilité de rompre le CDD à objet défini à sa date anniversaire.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la deuxième phrase du septième alinéa de cet article :
Il peut être rompu par l'une ou l'autre partie, pour une cause réelle et sérieuse, au bout de dix-huit mois puis à la date anniversaire de sa conclusion.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 84.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Tel qu’il est rédigé, l'article 6 présente une ambiguïté quant à la date à laquelle le CDD à objet défini peut être rompu. Aux termes de cet article, en effet, le contrat peut être rompu à « la date anniversaire de sa conclusion », c'est-à-dire dès le douzième mois. Or il est également précisé que le contrat est « d’une durée minimale de dix-huit mois ».
Dans un souci de clarification et de compromis, l’amendement n° 12 vise à autoriser la rupture du contrat au bout de dix-huit mois, puis au vingt-quatrième mois, c'est-à-dire à la date du deuxième anniversaire de la conclusion.
Si, comme je l’espère, cet amendement est adopté, l'amendement n° 84, auquel la commission est défavorable, n’aura plus d’objet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n°84, mais émet un avis favorable sur l'amendement n° 12.
Mme Raymonde Le Texier. Quelle est l’argumentation du ministre ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Monsieur le président, je demande, au nom de la commission, la priorité du vote de l'amendement n° 12.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
Je mets donc aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 84 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Après l'article L. 1226-4 du code du travail, il est inséré un article L. 1226-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1226-4-1. - En cas de licenciement prononcé dans le cas visé à l'article L. 1226-4, les indemnités dues au salarié au titre de la rupture sont prises en charge soit directement par l'employeur, soit au titre des garanties qu'il a souscrites à un fonds de mutualisation.
« La gestion de ce fonds est confiée à l'association prévue à l'article L. 3253-14. »
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1226 -4 -1 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Dans ce cas, le fonds de mutualisation effectue une avance mensuelle des indemnités dues au salarié dans l'attente de la conclusion de la procédure.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. L’article 7 prévoit la mise en place d’un fonds de mutualisation géré par l’Association pour la garantie des salaires, l’AGS, afin de permettre aux employeurs de supporter collectivement la charge financière des indemnités de licenciement pour cause d’inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel.
La création de ce fonds sera certainement très utile aux petites entreprises. C’est pourquoi nous l’approuvons.
Toutefois, à la demande de nos interlocuteurs représentants des salariés, nous voulons appeler l’attention sur une difficulté rencontrée par les salariés licenciés pour ce motif, qui se retrouvent souvent sans rémunération pendant plusieurs mois. Se juxtaposent, en effet, le temps du préavis non effectué, donc non payé, le mois pendant lequel l’employeur cherche les possibilités de reclassement, et les délais entre les visites médicales.
Pour ces salariés, il s’agit là d’un véritable problème ! Les difficultés matérielles s’ajoutent aux problèmes de santé.
Il importe donc d’essayer de trouver une solution, par exemple en instaurant un dispositif d’avance du fonds de mutualisation. Ainsi, le salarié ne se trouverait pas démuni pendant cette période.
Bien entendu, nous n’ignorons pas qu’une telle proposition ne relève pas précisément de la compétence du Parlement. Nous estimons cependant que le fait d’exposer publiquement le problème, dans un esprit de bonne volonté, permettra d’avancer dans la voie d’un règlement positif de ce problème.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La commission est sensible à la motivation très respectable qui anime les auteurs de cet amendement. Toutefois, la solution qu’ils proposent nous paraît très difficile à mettre en œuvre, puisque cela reviendrait à ouvrir des droits au salarié, alors que la rupture du contrat de travail n’est pas encore intervenue.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Il est également défavorable, car le fonds de mutualisation est prévu pour les employeurs, et non pour les salariés.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous sommes tout à fait favorables à cet amendement, qui vise à permettre aux salariés de bénéficier du fonds de mutualisation.
Il est vrai que certains salariés se retrouvent dans des situations assez dramatiques à l’issue d’un licenciement pour cause d’inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel.
Alors qu’est mis en place un fonds de solidarité pour les employeurs qui ne pourraient régler les indemnités à payer, aucun fonds n’existe pour subvenir aux besoins des salariés qui se retrouvent sans rien. Il y a là deux poids deux mesures !
M. le président. L'amendement n° 85, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le Gouvernement s'engage à relever par décret le montant de la cotisation patronale du montant nécessaire au financement des dispositions prévues à l'article L. 1226-4-1 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous ne sommes pas opposés par principe à l’article 7. Il n’en reste pas moins que la proposition visant à confier à l’Association pour la garantie des salaires la gestion du fonds de mutualisation créé par cet article nous laisse dubitatifs.
Curieusement, cette disposition oublie de prévoir les conditions de financement de ce fonds. Je devine la réponse que vous m’apporterez, monsieur le ministre : cela relève du domaine réglementaire, et le Parlement ne peut donner d’injonction au Gouvernement. Je le sais pertinemment. Toutefois, rien n’empêche que la loi précise sinon le taux, du moins le principe de l’abondement de ce fonds.
Tel est le sens de cet amendement.
Créée en 1974, l’AGS reste gérée par le seul patronat. De fait, les organisations syndicales en sont exclues, ce qui n’est pas de bon augure pour le développement de la démocratie sociale.
En outre, ses comptes sont dans le rouge. S’il en est ainsi, c’est parce qu’en 2003 François Fillon, alors ministre des affaires sociales, a décidé par voie réglementaire de diminuer de moitié le taux de cotisation, le faisant passer de 0,35 au 1er janvier 2003 à 0,15 aujourd’hui.
Monsieur le ministre, nous avons déjà discuté de ce problème voilà quelques mois, au moment de la transposition d’une directive européenne concernant les sociétés coopératives ouvrières de production. J’avais alors émis une demande identique et formulé les mêmes remarques sur le financement de ce fonds. Je vous propose aujourd'hui de relever ce taux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Vous l’avez souligné, madame David, cet amendement tend à donner une injonction au Gouvernement, ce qui est contraire à la Constitution. En outre, l’Association pour la garantie des salaires est gérée par les organisations patronales, et il n’appartient pas au Gouvernement de fixer autoritairement le niveau de ses cotisations. Certes, cela s’est produit une fois, mais ce n’est pas une raison pour continuer.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
I. - Le chapitre Ier du titre V du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Portage salarial
« Art. L. 1251-60. - Le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle. »
II. - Dans le 1° de l'article L. 8241-1 du code du travail, après les mots : « au travail temporaire, », sont insérés les mots : « au portage salarial, ».
III. - Par exception aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 2261-19 du code du travail et pour une durée limitée à deux ans à compter de la publication de la présente loi, un accord national interprofessionnel étendu peut confier à une branche dont l'activité est considérée comme la plus proche du portage salarial la mission d'organiser, par accord de branche étendu, le portage salarial.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, avec cet article, vous entendez légaliser une activité jusqu’alors interdite, considérée comme un délit pénal et assimilable au délit de marchandage ou au prêt illégal de main-d’œuvre. Certaines sociétés recouraient toutefois à ce type de contrat, en spéculant sur une jurisprudence sociale instable, même si les tribunaux sanctionnaient généralement de telles pratiques.
Pourquoi légiférer afin d’intégrer cette pratique dans notre code du travail ? Ces nouveaux types de contrats auront-ils pour effet l’embauche massive de salariés ? Permettront-ils de lutter contre d’autres formes d’emplois plus précaires ? Il n’en est rien, je le crains.
De quoi s’agit-il ? Le contrat de portage instaure une relation triangulaire unissant une entreprise cliente, un salarié porté et une société de portage.
Le salarié porté démarche des sociétés, propose ses services, particulièrement dans le domaine du marketing, élabore un projet et le mène à bien. La société cliente bénéficie de cette relation. Quel est alors le rôle de la société de portage ? Il est quasiment nul ! Celle-ci se contente d’empocher une somme confortable de la part de la société cliente. Sa participation aura pour le moins été réduite à peu, voire à presque rien, ce qui ne l’empêchera pas de percevoir une commission.
Cela ne vous semble peut-être pas immoral, monsieur le ministre, mais tel n’est pas notre cas ! Pour nous, tout travail mérite salaire, et le travail revêt une importance capitale. Vous disiez vouloir donner plus à ceux qui travaillent plus ; là, vous donnez plus à ceux qui travaillent moins !
Et si le patronat avait un rêve, celui de l’extension de ce type de contrat ? L’avantage qu’il en retirerait me semble clair : l’individualisation à outrance de la relation contractuelle. Avec un tel dispositif, en effet, le salarié serait responsable du maintien de son emploi, du déroulement et de l’existence de ce dernier, puisqu’il lui appartiendrait de prospecter lui-même pour se constituer une clientèle. Enfin, vertu suprême, le salarié négocierait lui-même sa rémunération avec l’entreprise cliente.
Il s’agit donc d’une nouvelle forme de précarité, qui a l’incroyable avantage de faire directement dépendre le niveau des salaires du salarié porté de la capacité de ce dernier à négocier un contrat commercial. Faire peser l’enjeu du niveau de rémunération sur le salarié, voilà, à n’en pas douter, un très grand progrès !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l'article.
M. Jean-Luc Mélenchon. Cet article participe d’une logique qui s’exprime à d’autres endroits dans ce projet de loi : il s’agit de donner une forme légale à des pratiques qui résultaient jusqu’à présent de la déstabilisation des rapports sociaux, de la précarité de l’emploi et de l’évolution des rapports de force dans la société.
C’est ainsi qu’est apparue la « rupture par consentement mutuel », qui correspond en fait à un mode de fonctionnement déjà existant. D’abord, une pression s’exerçait, ensuite l’employeur et le salarié se séparaient car le salarié démissionnait. En contrepartie, des arrangements, que la loi aurait condamnés, étaient souvent trouvés. C’est pourquoi ce type d’agissement a été légalisé. Il n’empêche qu’il a toujours été et reste moralement condamnable et économiquement contre-performant.
Le contrat de portage s’inspire de cette logique de l’entreprise individuelle. Une telle idée aurait choqué voilà encore quinze ans, parce que nous étions habitués au contrat de travail, à l’emploi salarié avec un minimum de stabilité et des droits.
L’individualisation des rapports sociaux n’est pas le produit naturel de la complexité de la production ou de son développement, pas plus qu’elle n’est celui de l’élévation des niveaux de qualification. Elle est purement et simplement – il ne faut pas perdre de vue ce point – un résultat social.
Cela explique qu’aujourd'hui on en vienne à trouver banal que chacun cherche son emploi, notamment en créant son entreprise individuelle.
Évidemment, la création d’une entreprise individuelle reste encore bien compliquée, et certains n’en sont pas capables. Puisqu’ils n’y parviennent pas et que l’entreprise individuelle ne connaît pas le développement qu’elle mérite, il faut inventer un nouveau dispositif. Voilà à quoi répond le contrat de portage.
Certes, nous connaissons tous un ou deux cas particuliers pour lesquels ce dispositif est pertinent et permet au salarié de travailler dans de véritables conditions de dignité et de satisfaction individuelle. C’est absolument incontestable.
Mais c’est la généralisation de ce type de formule qui pose problème. Loin d’être prévu pour des cas minoritaires, le contrat de portage sera proposé et imposé à un très grand nombre de personnes. Là réside la difficulté.
Il existe donc maintenant, en dessous de l’intérim, le sous-intérim, système dans lequel le travailleur recherche lui-même un travail et émarge à une société de portage.
Je le dis après d’autres orateurs dans cet hémicycle, nous allons donner un nom légal à ce qui, hier, constituait le délit de marchandage ou le prêt illégal de main-d’œuvre à but lucratif. Naturellement, le portage salarial va connaître les développements que l’on peut imaginer, et toutes sortes d’idées seront trouvées pour contourner la loi.
Il s’agit là d’une déresponsabilisation large de l’employeur vis-à-vis de l’employé qui pousse la masse des salariés vers un statut de travailleur indépendant, la liberté en moins. En effet, le salarié porté doit faire face aux inconvénients du salariat, au lien de subordination, sans bénéficier d’aucune des protections qui y sont attachées.
Pour toutes ces raisons, il aurait à mon avis été préférable de prendre plus de précautions avant de mettre cette mesure sur la table des négociations.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 86, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. J’ai déjà défendu cet amendement qui tend à la suppression de l’article 8 en m’exprimant sur ce dernier, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
section 6
par les mots :
section 7
II. - En conséquence, rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le même I pour la section 6 du chapitre Ier du titre V du livre II de la première partie du code du travail :
« Section 7
III. - En conséquence, rédiger comme suit le début du texte proposé par le même I pour l'article L. 1251-60 du code du travail :
« Art. L. 1251-70. - Le portage...
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tient compte de l'insertion, dans le code du travail, d'une section 6 par le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. Il faut donc insérer dans le même code une section 7 et modifier, en conséquence, la numérotation des articles. C’est un amendement technique.
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 1251-60 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat de portage est conclu pour une durée maximale de trois ans. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Malgré tout le mal que nous pensons du contrat de portage, il nous semble important d’en limiter la durée, la précarité dans la précarité, telle que vous l’avez présentée, n’ayant pas de limite.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le II de cet article, insérer un II bis ainsi rédigé :
II bis. - L'article L. 1251-4 du code du travail est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° L'activité de portage salarial prévue à l'article L. 1251-70. »
La parole est à M. le rapporteur.