Mme Annie David. Il y en a dans cet hémicycle !
M. Jean-Luc Mélenchon. Effectivement !
…qui, parfois, profèrent des vues totalement idéologiques ayant vocation à s’appliquer aux autres mais pas à eux, car, ce que je sais des entreprises les plus performantes de notre pays, celles dont les travailleurs sont les plus qualifiés et qui intègrent les plus hauts niveaux de technique, c’est précisément qu’elles ne précarisent pas leurs cadres. Bien au contraire !
M. Guy Fischer. Est-ce vrai, monsieur Dassault ?
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est en effet en gardant pour soi les salariés les plus performants, les plus qualifiés, les plus compétents que l’on fait « tourner » une entreprise. Or, plus un salarié a un haut niveau, plus la compétition est rude pour l’embaucher, et c’est là que la charge de la preuve se retourne : le premier avantage qu’un entrepreneur donnera à un personnel de haut niveau, au-delà de la seule rémunération, c’est la stabilité dans l’emploi. Et les mouvements de main-d’œuvre d’une entreprise à une autre – même à rémunération égale, voire parfois inférieure – s’expliquent par la recherche constante de cette stabilité dans l’emploi.
L’affaire semble entendue, puisque le nouveau contrat correspond à la logique générale de la transformation du travail en simple marchandise et de l’émancipation de tout entrepreneur à l’égard de ses responsabilités sociales dès lors que les personnes qu’il embauche sont considérées comme de purs et simples prestataires de services.
Je ferai tout de même encore une remarque, qui concerne la marche générale de notre société.
Jusqu’à présent, ce sont les classes moyennes qui fournissaient le point d’ancrage et la stabilité de nos sociétés économiquement avancées. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
En ce moment, alors même qu’elles sont les plus endettées – et on les y a d’ailleurs bien aidées ! –, elles constituent aussi les catégories sociales qui se sentent les plus directement menacées par une évolution de situations qui ne concernait que les salariés les moins qualifiés et dont elles se croyaient exemptes et dispensées à jamais.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon. Or, par des dispositions de cette nature, on va en effet terriblement fragiliser leur situation.
On me dira que tous les entrepreneurs ne seront pas obligés de recourir à ce type de contrat ; mais ils devront bien sûr le faire, et ce quelle que soit la qualité de leurs intentions ! En effet, les impératifs de gestion, de rentabilité financière et de performances veulent que ce soit toujours par le bas du droit social que les entreprises s’ajustent les unes aux autres !
J’attends donc de pied ferme certains de mes collègues de la majorité le jour où nous aurons à proposer nos programmes comparatifs !
Peut-être irai-je alors dans le sud du département de l’Essonne avec M. le sénateur Serge Dassault, et nous expliquerons à ces cadres qualifiés des classes moyennes qui ont quitté le nord du département parce que le foncier coûtait moins cher dans le sud, qui ont construit là leur maison et qui se sont endettés, que, grâce à ce type d’invention, ceux qui se pensaient les plus tranquilles et les plus à l’aise du fait de leurs compétences et de leurs hautes qualifications sont dorénavant aussi peu en sécurité dans leur situation sociale qu’ils ne l’étaient dans leur situation financière ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, à la demande de M. le ministre, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
L'amendement n° 79, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet article nous renvoie à l’engagement du candidat Nicolas Sarkozy de valoriser la valeur travail. Nous nous souvenons tous l’avoir entendu affirmer que les salariés se moquaient de leur RTT et que ce qu’ils voulaient se résumait en une phrase : plus d’argent sur la fiche de paye.
Un an après, on peut dire que le compte n’y est pas !
Nicolas Sarkozy avait en même temps promis aux employeurs de « libérer l’initiative », comme si la législation française la corsetait.
On peut dire que le projet de loi que nous examinons aujourd’hui l’aide, de ce point de vue, à accomplir ses promesses, tout en regrettant qu’un texte aussi important soit examiné juste avant le pont du 8 mai, le projet de loi relatif à la mobilité et au parcours professionnel dans la fonction publique – texte tout aussi important – ayant quant à lui été discuté juste avant le pont du 1er mai…
Notre droit social serait donc l’une des raisons de la crise que rencontrent les entreprises et que les salariés payent si cher.
Pourtant, les employeurs disposent d’un véritable arsenal de trente-sept contrats atypiques – auquel nous sommes sur le point d’en ajouter un trente-huitième –, soit trente-sept modes de gestion d’entreprise permettant à l’employeur de déroger à la règle que, si l’on se réfère à son article 1er, le présent projet de loi est censé imposer : « Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. »
Ce contrat est-il un recul par rapport au droit du travail tel que nous le connaissons ? J’en suis profondément persuadé, comme Annie David d’ailleurs.
En effet, aujourd’hui, aucun contrat ne permet la signature d’une forme particulière de CDD de plus dix-huit mois. La seule possibilité de dépasser ce délai est de conclure un CDI. On peut donc craindre que les employeurs ne préfèrent recourir à de multiples contrats de mission plutôt qu’à de véritables contrats à durée indéterminée, ce qui ne sera pas sans conséquences sur le régime d’assurance chômage.
Cela ne sera pas non plus sans conséquences sur les salariés eux-mêmes, qui se verront, temporairement ou définitivement s’ils ne parviennent qu’à conclure ce type de contrat, interdits de projet de vie tels que l’accession à la propriété que vous défendez pourtant si souvent.
Décidément, avec ce projet de loi, vous ne refusez vraiment rien au MEDEF ! Vous parvenez même à obtenir, par les pressions que l’on connaît, que des syndicats signent un accord qui va plus loin encore que les propositions issues des rapports Boissonnat et Virville ! Ces pressions ont dû être importantes…
Cela ne fait qu’aggraver notre inquiétude quant aux projets que vous gardez encore dans vos cartons ; je pense en particulier au projet de loi de modernisation de l’économie, qui vous permettra d’ajouter une nouvelle pierre à votre édifice. Avec ce dernier, avec le projet de loi relatif aux contrats de partenariats, et avec les deux textes que nous aurons examinés à une période où tout le monde pense à autre chose, les mauvais coups auront été effectués ! Le Président de la République aura ainsi tenu ses promesses, et une régression sans précédent affectera l’exercice de l’activité salariée et la protection des travailleurs !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Là encore, c’est une disposition essentielle, un véritable pilier de l’accord que vous voulez mettre à bas !
Qui plus est, il s’agit d’un contrat tout de même très encadré, sa durée étant contenue entre dix-huit mois et trente-six mois. Cette disposition est prise à titre expérimental pendant cinq ans, et ce type de contrat ne peut être conclu que dans la mesure où un accord de branche ou d’entreprise le prévoit. Il est limité aux cadres et aux ingénieurs.
Pour toutes ces raisons, la commission émet évidemment un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
« d'une durée minimale de dix-huit mois »
par les mots :
« d'une durée minimale de six mois »
La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Je regrette que Jean-Luc Mélenchon ne soit pas là.
M. Serge Dassault. J’aurais en effet pu lui apporter des éléments d’information complémentaires.
Je voudrais faire trois remarques préliminaires.
L’accord entre le patronat et les syndicats que tout le monde a salué comme une nouveauté constitue un compromis, et je m’étonne, comme l’a fait tout à l’heure M. Fourcade, que l’on passe son temps à casser tout ce qui peut éventuellement favoriser une certaine flexibilité telle qu’elle a été acceptée par les chefs d’entreprise. En effet, si tout cela est supprimé, il n’y a plus d’accord, et cela ne rime à rien !
Je regrette d’ailleurs que cet accord ait été signé avant la discussion, car c’est un facteur de blocage. Mais je m’aperçois que, en termes de blocage, nos collègues siégeant sur les travées de gauche de cet hémicycle reviennent en réalité sur tout !
S’il n’y a pas de compromis, il n’y a plus rien ! Or que faites-vous ? À chaque fois, vous voulez supprimer, sous prétexte de protéger les salariés, tout ce qui peut donner un brin de liberté de gestion aux entreprises, si ténu soit-il. Mais vous devez tout de même comprendre qu’un chef d’entreprise ne passe pas son temps à vouloir licencier ses salariés ! Quand il y a du travail et qu’il emploie un bon salarié, il garde ce dernier et n’a pas besoin de contrat pour cela ! Le but d’une entreprise est non pas d’embaucher des gens pour rien, mais de satisfaire des clients. Or, en l’absence de clients, il n’y a pas d’entreprise, il n’y a pas de salariés, il n’y a pas de production, il n’y a rien !
Par conséquent, si l’on empêche les entreprises de travailler normalement, elles s’en vont ailleurs ! Telle est aujourd’hui la raison majeure des délocalisations.
Si l’on continue à faire des contrats de travail qui enserrent les entreprises et qui, prétendument, favorisent les salariés afin de mettre fin à la précarité du travail, on se trompe ! En effet, le travail se fera ailleurs, comme cela se passe d’ailleurs aujourd’hui.
En effet, pour être rentable, une entreprise doit produire, vendre des matériels compétitifs. Or si, à chaque fois que c’est possible, on supprime la moindre liberté de gestion, on n’obtiendra rien et, en fin de compte, les salariés que vous voulez protéger se retrouveront au chômage ! Ils pourront alors dire que les socialistes les ont mis dans cette situation !
J’en viens à l’amendement n° 22, qui représente une possibilité de liberté d’action pour les entreprises. Il vise à ce que la durée minimale des nouveaux contrats soit ramenée de dix-huit mois à six mois.
En effet, un contrat à durée déterminée à objet défini a pour objectif de rendre plus flexible le marché du travail. Or certains, semble-t-il, ne veulent pas de la flexibilité !
Dans la plupart des secteurs d'activités, les missions de travail ont une durée de réalisation bien inférieure à dix-huit mois : cela peut-être six mois, voire moins. Dès lors, pourquoi limiter cette durée à dix-huit mois, même si certaines missions, il est vrai, peuvent être supérieures à trente-six mois ?
Il m’apparaît que, grâce à des contrats de mission limités à la réalisation d’objet défini, quelle que soit sa durée, les chefs d’entreprise seraient plus enclins à embaucher un grand nombre de chômeurs.
C’est la raison pour laquelle je souhaite modifier quelque peu l’article 6. En effet, dans la plupart des entreprises, le travail est aléatoire : il y a des contrats, mais pour combien de temps ? Ensuite, il y en aura peut-être d’autres, mais il n’y en aura peut-être pas.
Dès lors, certains chefs d’entreprise peuvent considérer qu’ils prennent un risque s’ils doivent embaucher pour réaliser tel ou tel contrat de travail. En effet, que feront-ils quand ce contrat arrivera à échéance ? Malgré le manque de travail, ils ne pourront pas licencier facilement le personnel. Dans ces conditions, ils n’embauchent pas, ils ne prennent pas la commande, ou ils vont embaucher à l’étranger, là où toutes ces contraintes n’existent pas.
Par conséquent, je souhaite, à travers cet amendement, une libéralisation du marché du travail, en ramenant la durée minimale de dix-huit mois à six mois et en supprimant la limite maximale de trente-six mois, qui d’ailleurs peut être inférieure ou supérieure à cette durée.
Grâce au contrat d’objectif élargi, de nombreux chômeurs seront immédiatement embauchés, que ce soit pour repeindre une maison, ce qui, évidemment, ne dure pas très longtemps, ou pour honorer une commande d’avion, ce qui, certes, demande un peu plus de temps mais ne dure pas non plus indéfiniment. Or que fera-t-on ensuite, lorsque le travail sera terminé ? Devra-t-on procéder à des licenciements massifs ?
Je rappelle que, aux États-Unis, quand l’entreprise Boeing perd une commande, elle n’hésite pas à licencier de 5 000 à 10 000 personnes, ce qui ne pose aucun problème. En revanche, lorsqu’elle obtient une commande, elle embauche immédiatement, et l’entreprise est ainsi toujours en bonne santé.
M. le président. Monsieur Dassault, je vous prie de conclure !
M. Serge Dassault. Cela s’appelle la flexibilité du travail ; mais il est vrai qu’aux États-Unis où le chômage est, je le rappelle, de 4,5 %, l’Organisation internationale du travail n’a pas la même place que chez nous, et tout fonctionne à la satisfaction de tous.
Par conséquent, si l’on ne veut pas diminuer le chômage en France, il n’y a qu’à continuer comme on l’a fait jusqu’à maintenant !
M. le président. Monsieur Dassault, comme je l’ai indiqué tout à l’heure à Mme Le Texier, tout sénateur est tenu de défendre son amendement dans un délai maximal de cinq minutes. Cette remarque s’applique à vous de la même façon.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tend à ramener à six mois la durée minimale du CDD à objet défini.
Indépendamment de tout jugement de valeur que l’on peut porter sur cette proposition, nous constatons qu’elle remet en cause un point important du compromis qui a été dégagé par les partenaires sociaux.
C’est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Monsieur Dassault, ce contrat a fait l’objet de très longues discussions, et c’est l’un des points qui ont conditionné l’accord global du 11 janvier.
J’ai parlé dès le début non seulement de l’équilibre global, mais aussi d’un certain nombre d’équilibres à l’intérieur du texte. Or la rédaction retenue pour cet article constitue vraiment un équilibre très fin et, si ce dernier n’avait pas été atteint, l’accord n’aurait pu être signé.
Certes, je comprends fort bien votre logique, monsieur le sénateur, et vous savez que nous souscrivons tout à fait à votre volonté d’aller le plus rapidement possible vers le plein emploi ; mais je tiens à vous rappeler que nous commençons déjà à obtenir de vrais résultats. En outre, la signature de cet accord, la transposition de ce dernier et l’adoption de ce projet de loi vont nous permettre d’y contribuer plus largement encore.
Or, si ce que vous proposez était voté, nous aboutirions à un vrai blocage. En d’autres termes, il serait inutile de parler d’expérimentation au sujet du contrat qui est aujourd’hui souhaité puisqu’il ne serait même pas mis en œuvre !
Tel est le problème que soulève votre amendement. C’est pourquoi, même si je comprends votre motivation, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi le Gouvernement, j’en suis désolé, émettra à son sujet un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 22 est-il maintenu, monsieur Dassault ?
M. Serge Dassault. Si je comprends la position exprimée par M. le ministre, je rappelle que je travaille ici dans l’intérêt des chômeurs. (M. Guy Fischer applaudit.)
Si vous souhaitez que les chômeurs restent chômeurs, il n’y a qu’à continuer ainsi !
M. Dominique Leclerc. Très bien !
M. Serge Dassault. Je ne pense pas que le fait de passer de dix-huit mois à six mois changerait grand-chose quant à la façon dont cette opération sera menée, et cela ne saurait remettre en cause l’accord qui a été signé entre les syndicats et le patronat.
Passer de dix-huit mois à six mois permettrait simplement de faciliter l’embauche, donc de réduire le chômage, ce qui est tout de même l’intention et la volonté du Président de la République et du Gouvernement. Par conséquent, monsieur le ministre, cela ne me semble pas insurmontable. Loin de compromettre l’application de l’accord entre les syndicats et le patronat,…
M. Serge Dassault. …il s’agirait là, selon moi, d’une petite avancée.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Nous allons bien évidemment voter contre cet amendement, mais, auparavant, je tiens à réagir à l’intervention de notre collègue Serge Dassault.
Je ferai trois remarques.
Notre collègue nous a reproché, alors que Jean-Luc Mélenchon s’était absenté à ce moment-là, de remettre en cause l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail. Or à quoi d’autre tend son propre amendement ?
Ma deuxième remarque est la suivante : ce que nous propose M. Dassault illustre bien ce que nous craignons, à savoir que les employeurs – certains, en tout cas – en veulent toujours plus en matière de déréglementation.
M. Guy Fischer. Et voilà !
Mme Christiane Demontès. Enfin, je ferai une troisième remarque : il est déjà possible de recourir, en cas de surcroît temporaire d’activité, à un certain nombre de contrats à durée déterminée. Par conséquent, il n’est nul besoin de ce nouveau contrat !
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
d'ingénieurs et de cadres
par les mots :
de salariés
La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Je trouve que mes petits camarades ont un peu manqué de courage !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils ont peut-être des convictions à la place !
M. Serge Dassault. C’est encore pire !
Je voudrais étendre l’opération dont j’ai parlé précédemment.
En effet, l’article 6 prévoit de restreindre le contrat à objet défini aux cadres et aux ingénieurs. Or, pour que la mise en place de ce contrat soit la plus optimale possible en matière de réduction du chômage – seul cela m’importe, le reste m’est égal –, il convient d’élargir la gamme de ses bénéficiaires à toutes les catégories de salariés.
Dans cette optique, le fait d’ouvrir ce contrat à objet défini à toutes les catégories professionnelles permettrait de favoriser les embauches pour les autres activités à durée limitée quelles qu’elles soient.
Il s’agit là uniquement de permettre d’embaucher des chômeurs. Mais, si l’on ne veut pas réduire le chômage, il n’y a qu’à continuer comme cela !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Là encore, il s’agit d’une proposition qui est contraire à l’accord.
M. Serge Dassault. Ah !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Par ailleurs, je rappelle qu’il existe tout de même une période expérimentale de cinq ans et que nous pourrons, à l’issue de cette dernière, décider d’étendre le dispositif s’il y a lieu ; telle est précisément la raison d’être de cette période expérimentale.
Dans ces conditions, la commission est, pour l’heure, défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour les mêmes raisons et en suivant la même logique que la commission, le Gouvernement émet également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous voterons évidemment contre cet amendement.
Monsieur Dassault, vous voulez lutter contre le chômage, mais, pour cela, il nous faut plus d’emplois et non pas toujours plus de précarité ! De nombreuses entreprises d’intérim proposent déjà aux salariés d’exercer les missions de courte durée que vous évoquez.
Depuis le début de nos débats, nous avons rencontré trente-sept contrats précaires différents. Pourquoi en ajouter un trente-huitième à objet défini, alors que les employeurs ont déjà la possibilité de recourir aux CDD, aux contrats précaires aidés et à toutes sortes de dispositifs ?
Pour notre part, nous craignons que ce contrat ne soit étendu à tous les salariés. D'ailleurs, en vous répondant, monsieur Dassault, M. le rapporteur a affirmé que le bilan de l’expérimentation servirait à décider, ou non, d’une telle extension.
Comme nous le dénoncions, et contrairement à ce qu’on nous a affirmé, la période expérimentale vise donc non pas seulement à évaluer officiellement le contrat à durée déterminée à objet défini et à le faire perdurer, mais aussi à l’étendre à l’ensemble des salariés, ce qui est inacceptable !
En France, il existe suffisamment de précarité et de dispositifs permettant d’embaucher les salariés pour des missions d’une, de deux ou de trois semaines – nous évoquions même hier des contrats d’une durée de quelques jours – pour qu’il ne soit pas nécessaire, en plus, d’étendre ce contrat à tous les salariés !
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.
M. Serge Dassault. Le contrat à durée déterminée à objet défini est intéressant, mais il n’est pas lié à une activité précise. Or, il arrive qu’on embauche un salarié pour une période déterminée et qu’on n’ait plus de travail à lui confier avant le terme de cette mission, ou, au contraire, qu’on en ait encore une fois cette durée passée. Si l’activité réelle de l’entreprise est inférieure à la durée prévue, à quoi sert ce contrat ? Si elle est supérieure, pourquoi limiter cette durée ?
Le dispositif que je propose est donc beaucoup plus souple pour l’entreprise et bien plus favorable – beaucoup moins « précaire », pour reprendre votre expression, madame David – pour le personnel. Il permet aux entreprises, dès qu’elles peuvent offrir un travail, que celui-ci dure deux, quatre ou six mois, et dans quelque activité que ce soit, d’embaucher des salariés, et donc de réduire le chômage.
Je ne sais pas si tel est l’esprit du contrat à durée déterminée à objet défini, et si celui-ci va vraiment assouplir le marché du travail. Il s'agit sans doute d’un progrès, qui va permettre aux entreprises de créer plus d’activité et d’embaucher, mais je vous rappelle tout de même, mes chers collègues, que, tant que nous ne changerons pas d’optique, les entreprises embaucheront ailleurs !
Aujourd'hui, à force de vouloir protéger les salariés contre les « méchants patrons » qui prétendument les maltraitent, on limite les embauches, car les « méchants patrons », quand ils ne peuvent pas recruter en France, vont chercher leurs salariés ailleurs, dans les pays où ils ne rencontrent pas de tels obstacles ! C’est ce qui se passe aujourd'hui : avec de telles intentions, on fait le jeu du chômage, et c’est précisément ce que je reproche au système.
Cela dit, pour plaire à mon ministre préféré (Sourires.),…
M. Serge Dassault. …je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 81, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après la première phrase du premier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
Il ne peut être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 81 et 80, qui portent sur des sujets proches.
M. le président. Je vous en prie, madame David.
Mme Annie David. L’amendement n° 81 vise à supprimer la référence aux nécessités économiques qui justifient le recours à ce nouveau mode contractuel, tandis que l’amendement n° 80 a pour objet de faire disparaître la référence à l’accroissement temporaire d’activité.
En effet, le recours aux emplois précaires ne peut constituer, selon nous, la seule et unique réponse aux exigences de l’économie libérale. En ce sens, je m’inscris bien sûr complètement en faux contre les propos que vient de tenir M. Dassault : pour qu’une économie fonctionne correctement, une certaine stabilité est nécessaire. La précarité n’a jamais permis aux salariés d’être hautement productifs ! Ceux-ci ne peuvent sans cesse servir de variable d’ajustement, que ce soit dans la conclusion, dans la forme ou dans la rupture du contrat de travail.
En outre, selon vous, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, un tel contrat a pour objet la réalisation d’une mission particulière, ce qui semble contradictoire avec la notion de satisfaction d’un certain nombre de nécessités économiques, celles-ci n’étant d’ailleurs pas précisément définies.
À l’évidence, nous n’avons pas tous la même conception du marché du travail dans cet hémicycle ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ce contrat ne peut être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Le texte de l’ANI dont nous devons, je le rappelle, préserver l’équilibre mentionne expressément – c’est à l’article 12 b) quatrième alinéa – que le CDD à terme incertain et à objet défini ne « peut être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d’activité ».
Il s'agit là d’une précision importante, et il est donc surprenant que le projet de loi ne la reprenne pas. C’est d’autant plus étonnant que l’alinéa précédent de l’article indique que l’accord de branche étendu ou l’accord d’entreprise qui autorise le recours à cette catégorie de contrat précise « les nécessités économiques auxquelles il est susceptible d’apporter une réponse adaptée » et qu’« il est l’occasion d’un examen d’ensemble des conditions dans lesquelles il est fait appel aux contrats à durée limitée, afin de rationnaliser leur utilisation et de réduire la précarité. »
Cette formulation précise, complétée par l’interdiction de recourir à ce nouveau CDD pour faire face à un surcroît temporaire d’activité, montre que les partenaires sociaux ont réfléchi à cette question. Leur volonté, que nous présumons unanime ou à tout le moins consensuelle, s’exprime de la manière la plus claire : ce nouveau CDD peut être conclu en cas de projet nouveau bien spécifique, et il ne peut l’être pour autre chose.
Nous ne voyons donc aucune raison pour que la précision contenue dans l’ANI ne soit pas intégrée dans la loi. Bien au contraire, cette indication doit conduire, comme le veulent explicitement les partenaires sociaux, à une réflexion sur l’usage souvent irréfléchi, voire abusif, des contrats précaires, qui plombent les comptes de l’assurance chômage, ce qui renvoie à la discussion que nous avons eue sur l’article 5 du présent projet de loi.
Le nécessaire redressement des comptes sociaux, que chacun appelle de ses vœux, à commencer par le Gouvernement, passe aussi par un comportement responsable des employeurs. Le signe que leur envoient les partenaires sociaux doit donc être clairement mis en évidence.