M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. L'article 8, reprenant sur ce point l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2008, a confié à la branche du travail temporaire le soin d'organiser, par accord collectif, le portage salarial.
Cet amendement de cohérence vise à autoriser les entreprises de travail temporaire à exercer l'activité de portage salarial. Il serait en effet singulier que la branche du travail temporaire organise le portage salarial sans que les entreprises de la branche aient le droit d'exercer cette activité.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le III de cet article :
III. - Un accord ou une convention collective de branche étendue viendront préciser, le cas échéant, les modalités d'application de l'organisation de la branche du portage salarial.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Cet amendement vise à confier l'organisation du portage salarial à un accord collectif de branches. Il s'agit de prendre en compte l'accord du 15 novembre 2007, conclu entre les entreprises du portage salarial.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le III de cet article, après les mots :
la mission d'organiser,
insérer les mots :
en concertation avec les organisations représentatives des entreprises du portage salarial et
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tend à garantir que les trois fédérations des entreprises de portage seront bien associées à la négociation qui aura pour objet d'organiser leur secteur, ainsi que le syndicat du travail temporaire PRISME s'y est engagé. Il vise à rendre obligatoire une concertation avec ces organisations, processus interactif qui permettrait de prendre en compte le point de vue de ces trois fédérations.
Il faut savoir que le portage salarial existe depuis une vingtaine d’années. L’un des syndicats représentatifs de ce secteur a déjà signé des accords. Même si l’intérim est désormais chargé d’organiser la branche, il paraît légitime que l’on fasse part dans les futures négociations de l’expérience qu’ont acquise les responsables du portage salarial.
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par M. Souvet, Mme Procaccia, M. Esneu, Mme Henneron et MM. Hérisson et Bordier, est ainsi libellé :
Dans le III de cet article, après les mots :
la mission d'organiser,
insérer les mots :
après consultation des organisations représentant des entreprises de portage salarial et
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement, bien qu’un peu différent, a le même esprit que l’amendement n° 15 que vient de défendre M. le rapporteur. À partir du moment où un accord est intervenu entre les syndicats, il m’apparaît également anormal que l’on n’en tienne pas compte.
Mme Catherine Procaccia. À la différence de l’amendement n° 15, l’amendement n° 55 rectifié vise la « consultation » des organisations représentant les entreprises de portage salarial.
Mme Catherine Procaccia. Cette expression est un peu plus sécurisante,…
Mme Catherine Procaccia. … puisque le PRISME a été appelé à mener les négociations. Il aurait d’ailleurs mieux valu, à mon avis, associer d’autres personnes. Cet amendement permet donc de donner une portée normative à cette association.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 86, je tiens à rappeler que les partenaires sociaux ont reconnu l’utilité sociale et économique du contrat de portage salarial, en particulier pour les seniors, au moment où le Gouvernement agit très efficacement en leur faveur. Ce contrat concerne environ 20 000 personnes par an. Il a vu le jour voilà une vingtaine d’années. Jusqu’ici, le portage salarial s’est déroulé dans une grande insécurité juridique. Il y a maintenant lieu de codifier cette activité, puisque les partenaires sociaux sont d’accord. Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 86.
La précision que l’amendement n° 87 tend à introduire figure dans l’accord, et l’on peut se demander pourquoi elle n’a pas été transcrite dans le projet de loi. Qu’en pense le Gouvernement ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Par conséquent, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat, lequel est d’ailleurs de plus en plus sage ce soir, comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre. (M. Guy Fischer s’exclame.)
L’amendement n° 17 est contraire aux dispositions de l’accord qui a confié à la branche de l’intérim le soin d’organiser le portage salarial. Nous souhaitons que les fédérations représentant le secteur du portage soient associées d’une manière ou d’une autre à ces discussions.
Cependant, il serait ingérable d’organiser une coexistence entre deux accords de branches. Si des précisions doivent être apportées à l’accord qui va être négocié par la branche de l’intérim, elles seront discutées au niveau de chaque société de portage, en fonction de ses besoins propres.
Monsieur About, je suis désolé d’être en désaccord avec vous…
M. Nicolas About. Je retire l’amendement n° 17 !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 55 rectifié, je pense être autorisé à émettre un avis favorable, au nom de la commission, sur cet amendement que vient de défendre brillamment Mme Procaccia. Par conséquent, la commission retire l’amendement n° 15.
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 13.
L’amendement n° 14 tend à introduire une précision juridiquement nécessaire, mais qui devance le processus de régulation par la négociation qui va s’engager. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
Il était défavorable à l’amendement n° 15, mais, ce dernier ayant été retiré, la sagesse n’est plus requise, bien que je sache qu’elle est permanente au Sénat ! Le Gouvernement lui préfère l’amendement n° 55 rectifié, auquel il est donc favorable.
Il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 86, de même que sur l’amendement n° 87. S’agissant de ce dernier, la précision que vous voulez introduire est inutile, madame David, car elle figure dans l’accord du 11 janvier dernier. Par ailleurs, une négociation, qui va permettre de l’intégrer, va être engagée.
En conclusion, le processus de négociation qui va s’engager rapidement dans le cadre de la branche de l’intérim va donner un cadre complet nécessaire au portage, sous ses diverses facettes.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 87.
Mme Annie David. La précision que nous souhaitons introduire figure dans l’accord et n’a donc pas besoin d’être inscrite dans la loi, vient de m’indiquer M. le ministre. Dans ces conditions, pourquoi légiférons-nous ? Je maintiens cet amendement !
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
I. - Les sections 1 du chapitre III du titre II et 1 du chapitre VI du titre III du livre II de la première partie, la sous-section 4 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre IV de la cinquième partie, le 4° de l'article L. 5423-24 ainsi que les articles L. 6322-26 et L. 6323-4 du code du travail sont abrogés.
II. - Les contrats « nouvelles embauches » en cours à la date de publication de la présente loi sont requalifiés en contrats à durée indéterminée de droit commun dont la période d'essai est fixée par voie conventionnelle ou, à défaut, à l'article L. 1221-19 du code du travail.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l'article.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, le titre de mon intervention est : « La revanche » ! Quoi qu’il en soit, je vous fais grâce de la lecture des interventions des uns et des autres, tous expliquant, la main sur le cœur, les raisons pour lesquelles le contrat nouvelles embauches, le CNE, était la meilleure des choses et était conforme aux accords internationaux de la France, à l’Organisation internationale du travail, entre autres. Je le fais par pure amitié et camaraderie pour un grand nombre d’entre vous, mes chers collègues, quoi que vous ne le méritiez pas ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
L’abrogation du CNE a été présentée, à de nombreuses reprises, comme une contrepartie, une faveur faite en échange des autres horreurs contenues dans cet accord. Mais tel n’est absolument pas le cas ! Il est important, en cet instant, de préciser que cette abrogation est le résultat non pas de la négociation collective, mais d’un constat juridique et de l’imbroglio résultant de la décision de créer le CNE.
Une centaine de condamnations par les conseils de prud’hommes puis plusieurs confirmations en appel ont conclu que le CNE violait la convention 158 de l’Organisation internationale du travail, au motif, comme nous vous l’avions expliqué dans cet hémicycle même cent fois, qu’il ne respectait ni le délai raisonnable de la période d’essai – cette période était fixée à deux ans dans le cadre d’un CNE – ni l’obligation d’invoquer des motifs valables lors de tout licenciement, tel le droit pour le salarié de se défendre. Je n’insisterai pas sur ce point.
Mais vous vous êtes entêtés à maintenir une mesure qui ne provoquait que des contentieux et des jugements défavorables.
Le CNE a considérablement compliqué les relations de travail puisque plus de 900 litiges les concernant ont été instruits par les conseils de prud’hommes, avec de lourdes conséquences pour les employeurs ayant eu la sottise d’y recourir et d’en abuser puisque le montant moyen des dommages et intérêts auquel ils ont été condamnés s’élève à 7 200 euros.
Mes chers collègues, vous pourrez lire le détail de ces informations dans divers rapports, notamment dans La Revue de droit du travail du mois de septembre 2007.
Cette situation ne résulte que de votre obstination idéologique. Et, parmi les obstinés, marche en tête de cortège le Président de la République lui-même, qui, le 24 janvier dernier, lors du congrès de la CGPME, affirmait sur ce ton inimitable, péremptoire et définitif qu’on lui connaît : « Le CNE est un progrès, il ne faut pas y toucher. » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Par conséquent, chers collègues de la majorité,…
Mme Raymonde Le Texier. Vous devriez écouter plus attentivement !
M. Jean-Luc Mélenchon.… nous allons observer avec beaucoup d’intérêt comment vous allez vous y prendre pour le supprimer sans y toucher, car il vous faudra tout de même bien lever la main pour voter !
J’espère que cet instant va vous coûter. Ce sera en tout cas pour nous un pur délice que de vous contempler en train de défaire ce que vous avez mis tant d’obstination à faire, et ce pour des raisons parfaitement similaires !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, ne vous en défendez pas !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce ne sont pas les mêmes motivations !
M. Jean-Luc Mélenchon. En voilà déjà un qui quitte le navire avant le naufrage !
Que je sache, le CNE, ce n’est pas nous qui l’avons créé, c’est vous, c’est vous qui en avez fait avaler la pilule aux Français ! Et maintenant, il vous faut lever la main pour dire le contraire. Nous vivons un moment très agréable, et je voulais à tout prix vous le signaler ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C’est de la jouissance pure !
M. le président. Monsieur Mélenchon, votre délice est si grand qu’il est remonté jusqu’ici !
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici enfin un article pour lequel les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront, même si, malgré ce moment de plaisir que vient si bien de décrire M. Mélenchon, ils ne le feront pas des deux mains.
En effet, nous ne pouvons que regretter les nombreux lots de consolation accordés au MEDEF et au patronat dans son ensemble, pour compenser la perte d’un outil que les employeurs défendaient tant. Ils l’ont défendu bec et ongles au point que, en commission, le représentant de la CGPME a exhorté les sénatrices et sénateurs à ne pas supprimer cette disposition, quitte à continuer dans le chemin du non-respect des engagements internationaux, quitte aussi, je le signale au passage, à ne pas respecter l’ANI.
Quelle drôle de conception de la légalité, tout de même, que de préférer bafouer la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, dont nous sommes signataires, pour permettre à quelques employeurs de poursuivre leurs politiques de précarisation du salariat !
Car, nous le savons aujourd’hui, le recours au CNE n’aura pas permis de créer le nombre d’emplois escompté. Comme toujours, on a voulu vendre aux Français la précarisation comme outil de relance de l’emploi – nous avons eu droit tout à l’heure aux explications toutes personnelles de M. Dassault sur ce sujet – et, comme toujours, cela s’est soldé par un échec statistique.
Selon une étude de la DARES, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, dont on ne peut remettre en cause la neutralité, seuls 8 % des employeurs affirment qu’ils n’auraient pas embauché si le CNE n’avait pas été adopté. Autant dire que l’effet d’aubaine fut grand !
On découvre encore, dans la même étude, ce titre qui laisse pour le moins dubitatif : « Le CNE favorise les embauches dans les petites entreprises, mais l’enquête ne permet pas d’en mesurer les effets nets sur l’emploi. »
Cette étude, fort intéressante, vient également confirmer ce que nous dénoncions : au bout d’un an, 60 % des salariés embauchés ne sont plus sous contrat dans l’entreprise et ils ne sont pas plus de 28 % à avoir mis fin eux-mêmes à la relation contractuelle. Autant dire que les employeurs ont pris ce projet de loi pour ce qu’il était, un outil de flexibilisation et de précarisation supplémentaires.
La suppression du CNE est donc une bonne et, même, une très bonne nouvelle. Mais il est dommage qu’elle s’accompagne d’autres mesures « précarisantes », mesures que nous n’avons cessé de dénoncer lors de nos précédentes interventions. C’est d’autant plus regrettable que chacun sait ici qu’une telle suppression résulte non pas de l’accord négocié, mais bien de condamnations successives de la France, de la part, notamment, du BIT.
Ce n’est pas très flatteur pour notre pays, à quelques semaines du début de la présidence française de l’Union européenne !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune et qui sont présentés par M. Dassault.
L’amendement n° 23 est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 24 est ainsi libellé :
I. - Compléter le I de cet article par les mots :
pour les contrats conclus après l’entrée en vigueur de la présente loi
II. — En conséquence, après le mot :
date
rédiger comme suit la fin du II de cet article :
d’entrée en vigueur de la présente loi, s’ils sont résiliés à l’initiative de l’employeur, sont soumis aux dispositions de l’article 4 de la présente loi.
La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Chers collègues de l’opposition, vous n’avez que le mot « précarité » à la bouche. Il faudrait tout de même vous mettre ceci dans la tête une bonne fois pour toutes : sans précarité, pas d’embauche ; c’est aussi simple que cela. Alors, cessez de répéter ce terme à tout bout de champ !
Je le rappellerai une énième fois : dans une entreprise où il y a de l’activité, où le personnel est motivé et travaille bien, il n’y a pas de licenciement, ni de précarité, et ce même sans contrat stable. Si vous n’arrivez pas à comprendre cette réalité pourtant évidente, c’est parce que vous ne connaissez rien aux entreprises. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Moi, au moins, je m’y connais, j’en gère une depuis vingt-cinq ans !
Mme Raymonde Le Texier. Arrêtez ! Pour qui vous prenez-vous ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous, on les connaît, mais pas du même côté que vous !
M. Serge Dassault. Qu’avez-vous fait dans les entreprises ?
Mme Annie David. Pas les mêmes choses que vous, c’est sûr !
M. Guy Fischer. Vous, vous savez tout, vous avez tout fait, la France vous appartient !
M. Serge Dassault. C’est ainsi ! Vous ne savez pas comment se gère une entreprise et ce qui s’y passe réellement. Moi, je sais, et je vous transmets mon expérience. Vous en ferez ce que vous voulez !
Mme Raymonde Le Texier. Arrêtez avec vos clichés grotesques !
Mme Christiane Demontès. C’est insupportable !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, laissez l’orateur s’exprimer !
M. Serge Dassault. Le CNE a constitué une réelle ouverture, qui, à la fin, n’a plus eu de succès en raison des objections juridiques, que M. Mélenchon a développées, dont il a fait l’objet de la part du BIT.
C’est le BIT qui nous empêche de continuer dans cette voie. S’il n’existait pas, si nous n’avions pas eu l’imprudence de signer cette fameuse convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, qui nous lie dans cette affaire, convention que d’autres pays européens se sont d’ailleurs bien gardés de signer, nous n’en serions pas là et d’autres CNE pourraient encore être conclus.
M. Guy Fischer. Supprimez aussi le BIT et l’OIT tant que vous y êtes !
M. Serge Dassault. Le CNE a la faveur de très nombreuses petites entreprises. Au début, quoi que vous en disiez, il a permis de créer plus d’un million d’emplois. La plus grande partie des contrats de ce type ont ensuite été requalifiés en CDI. Si le CNE n’avait pas existé, je peux vous dire que tous ces salariés n’auraient pas été embauchés.
C’était donc une bonne mesure pour lutter contre le chômage, quand bien même elle pouvait engendrer une certaine précarité. Je vous l’ai déjà dit à maintes reprises, mais je le répéterai autant de fois que nécessaire : plus une entreprise a du mal à licencier, moins elle embauche !
Par cet amendement n° 23, je propose donc de supprimer l’article 9. Puisque je sais bien que je n’obtiendrai pas satisfaction, je le retire par avance, ce qui nous évitera une discussion inutile.
Cela étant, monsieur le ministre, je voudrais vous faire une proposition. Étant donné que le CNE présente tout de même un certain nombre d’avantages, sans pour autant répondre aujourd’hui aux critères du BIT, pourquoi n’envisagerait-on pas de créer un nouveau type de contrat – un de plus, ce ne serait tout de même pas si gênant ! –, une sorte de CNE bis, lequel respecterait les exigences juridiques et n’encourrait donc aucune objection ?
Il n’y aurait pas grand-chose à faire : il suffirait d’introduire dans ce nouveau contrat, conformément à ce que nous avons voté, l’obligation de motiver tout licenciement. S’il n’y a que cela qui gêne, ce n’est vraiment pas un problème !
Pour autant, le faire par amendement me semble par trop compliqué. Mieux vaut créer un autre dispositif, pour redonner de la souplesse à l’emploi, et ce sans précarité.
Avec le CNE, l’entreprise pouvait licencier au cours des deux premières années sans trop de difficultés. Chacun le sait, le problème principal pour une entreprise, c’est le niveau insuffisant de l’activité, c’est ce qui est à l’origine de nombreux licenciements. Or, s’il n’y a plus de travail et plus de possibilité de licencier, que fait-on des emplois existants ? Une entreprise qui n’a plus de travail ne peut plus payer son personnel : ce n’est tout de même pas si compliqué à comprendre !
M. Guy Fischer. Qu’elle arrête, d’abord, de rémunérer ses actionnaires !
M. Serge Dassault. Et ce n’est pas parce qu’il y aura des contrats à durée indéterminée que cela y changera quelque chose. En tout état de cause, l’alternative est claire : soit l’entreprise licencie, soit elle court à la faillite ; dans ce dernier cas, l’ensemble du personnel se retrouve au chômage et, donc, dans une situation précaire.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un second amendement, qui vise à répondre aux objections du BIT en instaurant l’obligation de motiver le licenciement et en excluant tout licenciement sans cause. Son adoption permettrait donc de résoudre le problème.
Monsieur le ministre, comme je ne pense pas non plus qu’un tel dispositif puisse être adopté aujourd’hui sous cette forme, comme je sais ce que vous allez me demander, je vais vous faire à nouveau plaisir en retirant également dès à présent cet amendement !
M. Guy Fischer. C’est bien !
M. Serge Dassault. Mais je souhaiterais qu’en échange vous vous engagiez à proposer un nouveau texte de loi en vue de rétablir une certaine flexibilité dans l’emploi, tout en prenant en compte l’ensemble des objections formulées par le Bureau international du travail.
Ce faisant, nous aurons tout de même quelque peu avancé sur le sujet. Je le répète, le CNE avait uniquement pour objectif de réduire le chômage en facilitant l’embauche des salariés en France, et non à l’étranger.
Chers collègues de l’opposition, quand vous aurez compris cela, vous aurez fait un grand pas vers ce que vous-mêmes appelez la « protection du salarié ». Sachez-le, ce dernier est automatiquement protégé quand l’entreprise qui l’emploie a du travail. Dans le cas contraire, qu’il ait ou non un contrat stable, il n’est plus protégé : s’il n’y a plus de travail, il n’y a plus d’argent, plus de possibilité de payer les salaires ; l’entreprise n’a pas d’autres choix que de licencier, faute de quoi elle fait faillite et tout le monde se retrouve au chômage.
Encore une fois, si vous comprenez cela, on aura fait un grand pas, et peut-être n’aurai-je pas parlé pour rien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Dassault, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir bien voulu retirer ces amendements.
J’en conviens, la rédaction de l’article 9 a fait l’objet d’un certain nombre d’incompréhensions et appelle donc quelques éclaircissements.
Tout d’abord, je ne pense pas que cet article aille plus loin que le texte de l’accord du 11 janvier dernier, pour la simple et bonne raison que la requalification des CNE en CDI date non pas d’aujourd’hui, ni même de la signature de l’accord, mais de la décision du Bureau international du travail. C’était d’ailleurs la première fois que la France était condamnée de la sorte, et nous nous en serions bien passés !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous vous avions pourtant prévenus !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le BIT a souligné non seulement le problème de la motivation du licenciement, mais aussi, ne l’oublions pas, celui de la période d’essai. Or je sais que nombre de chefs d’entreprise, encouragés en cela par des organisations telles que la CGPME, ont joué le jeu, sincèrement, pour appliquer ce qui était une loi de la République, le fruit d’une volonté politique gouvernementale.
Aujourd’hui, il faut bien avoir conscience de l’absolue nécessité d’une clarification sur ce sujet, faute de quoi des chefs d’entreprises désireux de licencier risqueraient d’appliquer les règles du CNE devenues obsolètes. Ils ne manqueraient pas alors, à la suite des arrêts des cours d’appel de Bordeaux et de Paris, puisque la jurisprudence est constante à ce niveau, de voir les contrats requalifiés et de tomber sous le coup d’une condamnation judiciaire.
Dans ces conditions, mesdames, messieurs les sénateurs, il convenait de sécuriser le système sur le plan juridique, conformément, d’ailleurs, aux souhaits des organisations concernées. Comme j’attache une grande importance à la transparence sur la méthode employée, je précise que la rédaction du projet de loi a été élaborée en concertation avec tous les signataires de l’accord, y compris, donc, avec la CGPME.
Sur ce sujet important des relations sociales, c’est finalement l’engagement de l’État à ce moment précis qui est en cause. La réponse qu’il a apportée se trouve dans la loi du 31 janvier 2007de modernisation du dialogue social, la fameuse loi « Larcher », aux termes de laquelle toute modification du droit du travail ne peut se faire sans avoir recueilli l’avis préalable des partenaires sociaux. Les pouvoirs publics ont privilégié la négociation en la matière. Cela nous permettra d’éviter de telles erreurs à l’avenir. C’est aussi me semble-t-il, l’un des enseignements que la loi de 2007 a permis de tirer de l’application du CNE.
Par ailleurs, le contrat nouvelles embauches, c’est vrai, a créé des emplois. (M. Serge Dassault approuve.) Ce fut un premier outil de flexibilité. Cela étant, aujourd’hui, au XXIe siècle, on ne peut pas licencier quelqu’un sans lui dire pourquoi ; c’est une question de respect.
Mme Annie David. Cela va de soi !
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Dassault, nous avons aujourd’hui besoin non plus seulement de flexibilité, mais aussi de sécurité, et personne n’acceptera l’une sans avoir l’autre en même temps. C’est cela, la flexisécurité, et ce qui est vrai pour les entreprises l’est aussi pour les salariés. Tout est une question d’équilibre.
Désormais, il importe également de veiller à bien faire passer le message, car il y a encore eu des embauches en CNE au premier trimestre. Plus beaucoup, certes, mais quelques-unes encore, à hauteur de 0,7 % du total des embauches. Les responsables patronaux à qui j’en ai parlé ne comprenaient même pas eux-mêmes comment cela était encore possible, alors que chacun sait clairement, depuis la décision du BIT et les arrêts des cours d’appel, que tous les CNE sont devenus des CDI.
Voilà pourquoi il était indispensable d’apporter une clarification juridique et de faire passer le message, bien que, je le répète, la fin du CNE date non pas d’aujourd’hui ni du 11 janvier dernier, mais de la décision du Bureau international du travail.
En tout cas, monsieur Dassault, je vous suis reconnaissant d’avoir bien voulu retirer ces amendements, même si je sais que la question a fait l’objet de longs échanges au Parlement, notamment avec vous. En fin de compte, les propos que vous avez tenus traduisent aussi l’incompréhension d’un certain nombre de chefs d’entreprise. Soyez rassuré : le message a été bien reçu !