M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les plus pauvres ne peuvent pas payer une assurance !
M. Paul Blanc. Nous aurons sans doute l’occasion de discuter à nouveau de la façon de financer la solidarité nationale.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
I. - L'article 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées est ainsi rédigé :
« Art. 6. - Pour les fonctionnaires et agents non titulaires relevant de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi que pour les praticiens mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, la journée de solidarité mentionnée à l'article L. 3133-7 du code du travail est fixée dans les conditions suivantes :
« - dans la fonction publique territoriale, par une délibération de l'organe exécutif de l'assemblée territoriale compétente, après avis du comité technique paritaire concerné ;
« - dans la fonction publique hospitalière ainsi que pour les praticiens mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, par une décision des directeurs des établissements, après avis des instances concernées ;
« - dans la fonction publique de l'État, par un arrêté du ministre compétent pris après avis du comité technique paritaire ministériel concerné.
« Dans le respect des procédures énoncées aux alinéas précédents, la journée de solidarité peut être accomplie selon les modalités suivantes :
« 1° Le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ;
« 2° Le travail d'un jour de réduction du temps de travail tel que prévu par les règles en vigueur ;
« 3° Toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées, à l'exclusion des jours de congé annuel. »
II. - Les dispositifs d'application de l'article 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 précitée en vigueur à la date de publication de la présente loi et qui sont conformes au I du présent article, demeurent en vigueur.
Toutefois, dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, la journée de solidarité ne peut être accomplie ni les premier et second jours de Noël ni, indépendamment de la présence d'un temple protestant ou d'une église mixte dans les communes, le Vendredi Saint.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 par les mots :
et sans possibilité de fractionner cette durée sur plus de deux jours
Cet amendement n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi ne nous convient pas du tout, vous l’aurez compris, car elle ne répond en rien aux attentes de nos concitoyens. Elle ne supprime pas la règle inacceptable selon laquelle seuls les salariés doivent contribuer au financement de la solidarité. Elle se contente de la modifier ; c’est ce que vous m’avez répondu, madame la secrétaire d’État.
En 2003, la réponse de M. Raffarin à la meurtrière canicule, que chaque orateur a rappelée, a été de légiférer dans l’urgence, sans concertation. Votre majorité en a alors profité pour lancer une nouvelle phase de privatisation de la sécurité sociale.
Les propos que vient de tenir M. Paul Blanc m’inquiètent. En effet, la création de la CNSA, financée par les seuls salariés, reposait sur le postulat idéologique selon lequel la dépendance et le handicap ne devaient plus relever de la solidarité nationale…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr que si !
Un sénateur UMP. Au contraire !
Mme Annie David. … organisée au sein de la sécurité sociale : elles devaient dépendre d’une structure ad hoc. Dépendance et handicap ne relèvent donc plus de l’assurance maladie.
Comme je l’ai indiqué, telle n’est pas notre conception de la solidarité ; je l’affirme à nouveau. Je ne partage absolument pas votre point de vue à ce sujet, monsieur Blanc.
D’ailleurs, la création de la CNSA n’a pas répondu aux besoins. Aujourd’hui, de réels investissements manquent. À ce propos, nous nous souvenons tous d’avoir entendu, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2008, les représentants des Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, nous décrire les difficultés qu’ils rencontraient pour mettre leurs établissements aux normes. C’est donc bien d’investissements en personnels et en matériels que ces établissements ont besoin.
Chacun se souvient qu’une grande partie des décès provoqués par la canicule de 2003 ont malheureusement eu lieu dans ces établissements spécialisés.
La création de la CNSA ne répond pas non plus aux difficultés financières des personnes handicapées et des personnes dépendantes. Les manifestants étaient d’ailleurs 30 000, le 29 mars dernier, dans les rues de Paris – mes collègues Guy Fischer et Michelle Demessine, notamment, défilaient parmi eux – pour exiger que ces personnes touchent le SMIC. En effet, la réalité est brutale : la seule APA ne leur permet pas de survivre.
« Aujourd’hui, des centaines de milliers de personnes en situation de handicap ou atteintes de maladies invalidantes, qui ne peuvent pas ou plus travailler, sont condamnées à vivre toute leur vie sous le seuil de pauvreté. Le mouvement “Ni pauvre, ni soumis” défend un revenu d’existence égal au SMIC brut. » : tel est le texte de lancement de la campagne du collectif « Ni pauvre, ni soumis ». Avec ces quelques mots, tout est dit, me semble-t-il !
Que répond le Gouvernement ? Encore moins de solidarité ! Il prône un retour à la solidarité passée, préférant la solidarité familiale à la solidarité nationale. La récente tentative de récupération de l’APA sur succession en est un témoignage. Il renvoie à la structure familiale, à l’individu, en somme, quand, justement, les familles attendent et exigent une solidarité nationale, un geste collectif.
Le Gouvernement a l’intention de demander à chaque Français de se constituer une « épargne dépendance », de la même façon qu’il voudrait les voir se constituer seuls une cagnotte « risque chômage » ou bien cotiser individuellement pour leur retraite.
La commission a pourtant entendu, lors des auditions organisées par la mission « Dépendance », les associations demander en chœur un financement solidaire. Or la seule réponse de la majorité a été l’instauration des franchises médicales.
L’allongement de la durée de la vie est une avancée indéniable, nous en sommes tous d’accord. Encore faut-il que notre pays prenne la mesure de l’enjeu que représente cette évolution.
Je doute fort que l’aménagement de la journée de solidarité constitue la réponse adaptée, pas plus que le projet de loi en préparation sur le financement assurantiel de la dépendance.
Je vous ai entendue tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, annoncer qu’une négociation était en cours. Mon groupe, comme à son habitude, prendra toute sa part dans le débat parlementaire à venir.
Je tiens à dire, en conclusion, que certains propos tenus dans cet hémicycle sur le monde du travail m’ont profondément heurtée : il serait très difficile de mettre la France au travail. Je trouve cette affirmation insultante pour les femmes et les hommes qui se lèvent chaque jour pour travailler, quelquefois dans des conditions très pénibles.
C’est également insultant pour celles et ceux d’entre eux qui, ayant perdu leur emploi, se retrouvent au chômage et « galèrent » – car est le mot qu’il faut employer ! – entre les ASSEDIC, l’UNEDIC, tous ces organismes au fonctionnement desquels personne ne comprend plus rien, pour, au bout du compte, être méprisés.
J’entends parfois, dans cet hémicycle, des propos profondément choquants sur ces personnes-là. Je n’ai pas l’habitude d’insulter le MEDEF, le patronat, ou je ne sais qui d’autre.
Mme Catherine Procaccia. Ah bon ?
Mme Annie David. En tout cas, pas de la manière dont certains l’ont fait aujourd’hui ! Chacun doit savoir mesurer ses propos. Les travailleurs sont tout à fait respectables et doivent être respectés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
5
Nomination de membres d'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques et la commission des affaires culturelles ont proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Francis Grignon membre du Conseil national de la sécurité routière ;
- Mme Catherine Dumas membre de la commission du dividende numérique.
6
Lutte contre les discriminations
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (nos 241, 253 et 252).
Rappel au règlement
Mme Annie David. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36, alinéa 3, de notre règlement et concerne la tenue de nos débats.
Madame la secrétaire d’État, lors de l’examen du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, vous avez affirmé disposer d’un document de la Commission européenne approuvant, dans son ensemble, le projet de transposition que vous nous présentez aujourd’hui.
Vous avez précisément dit, en réponse au député Georges Pau-Langevin : « Je veux préciser que la Commission européenne a émis un avis favorable à un avant-projet que nous lui avons envoyé ».
Je dois vous dire toute ma surprise, au moins pour deux raisons.
D’une part, lorsque l’on compare les textes des différentes directives, particulièrement celui de la directive 2002/73 CE et le projet de loi, on se rend bien compte qu’ils ne sont pas similaires et que, d’ailleurs, la transposition, dans sa rédaction actuelle, ne suit pas toutes les recommandations formulées par la Commission, notamment celles qui concernent l’assistance aux victimes et leur représentation par les associations.
Cette nouvelle transposition, incomplète à plus d’un égard, pourrait donc déboucher, selon de nombreuses associations, sur une nouvelle injonction européenne.
D’autre part, si vous disposez d’un document de cette nature, dont vos propos laissent à penser qu’il serait de nature à éclairer les travaux parlementaires, je regrette que vous ne nous l’ayez pas présenté, préférant « communiquer cet avis par écrit », donc après les débats.
Je demande, par conséquent, une suspension de séance de quinze minutes, ou du temps qu’il semblera nécessaire à Mme la secrétaire d’État et à son cabinet pour nous donner connaissance dudit document avant le début de nos travaux.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Comme je l’ai expliqué lors du débat à l’Assemblée nationale, le travail avec la Commission va bien au-delà du document officiel que vous avez tous à votre disposition : les discussions continuent et nous travaillons toujours à l’amélioration de ces textes.
Nous attendons la communication du classement sans suite de cette mesure, qui doit nous parvenir incessamment. Nous ne pouvons donc pas vous remettre aujourd’hui ce document, qui est en cours d’élaboration ; il vous sera adressé dès que le projet de loi sera adopté.
Mme Annie David. Vous avez dit que vous l’aviez !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Non ! J’ai dit que je le demanderai à la Commission et que je vous le transmettrai dès que cette dernière me le fera parvenir.
Mme Annie David. Vous avez dit que la Commission avait donné un avis favorable !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Oui, elle a émis un avis favorable après les échanges qui ont eu lieu entre le Gouvernement et la Commission.
Mme Annie David. Nous avons besoin de cet avis !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Il s’agit d’un avis oral !
En effet, les choses ne sont pas figées : le travail entre le Gouvernement et la Commission ne s’arrête pas à un instant T ; la Commission émet un avis ; le Gouvernement travaille, fait progresser les discussions, explique ses positions et la rédaction proposée, argumente. Dans le cas présent, les positions du Gouvernement ayant évolué, la Commission a émis un avis favorable oral, qui donnera lieu à un classement sans suite sur cette recommandation. Vous disposerez de ce document dès l’adoption du projet de loi.
Discussion générale
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur et le grand plaisir de vous présenter ce projet de loi adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, qui a pour objet de poursuivre la mise en conformité du droit français avec le droit communautaire relatif à l’égalité de traitement et à la lutte contre les discriminations.
Il s’agit, d’une part, de compléter la transposition de trois directives communautaires relatives à l’égalité de traitement, dont la Commission estime qu’elle a été insuffisante.
Il s’agit, d’autre part, de transposer la directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services.
Je veux d’emblée souligner que, dans la perspective de la présidence française de l’Union européenne, le Gouvernement a engagé des efforts très importants pour réduire le nombre de directives qui connaissent un retard de transposition dans le droit français.
Ces efforts commencent à porter leurs fruits puisque, selon les dernières estimations de la Commission, au 10 novembre 2007, seul 1,1 % des directives communautaires serait en retard de transposition en France. Nous atteignons donc, pour la troisième année consécutive, l’objectif fixé par le Conseil européen de Stockholm d’un taux de directives en retard de transposition inférieur à 1,5 % du total des textes à transposer.
Après avoir longtemps été parmi les « lanternes rouges » de l’Europe, notre pays se situait ainsi, au second semestre de l’année 2007, au dixième rang, sur vingt-sept, des États les plus rapides à assurer la transposition des directives communautaires. Ce résultat n’est bien sûr pas un acquis, et nos efforts doivent se poursuivre.
L’adoption du projet de loi qui vous est soumis participe de ces efforts.
Il vise avant tout à mettre un terme à trois procédures d’action en manquement qui ont été lancées par la Commission à l’encontre de la France pour transposition insuffisante de directives ; j’y reviendrai.
Il anticipe également sur le travail de transposition qu’il nous faudra mener à l’avenir, puisqu’il permet l’introduction, en droit français, d’une large part des dispositions contenues dans la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, qui procède à la refonte de directives antérieures et qui doit être transposée avant le 15 août 2008.
Le projet de loi qui vous est présenté a pour objet d’introduire trois séries de nouvelles dispositions dans le droit français.
En premier lieu, il tend à préciser, à la demande de la Commission, un certain nombre de définitions : celle de la discrimination directe et indirecte, mais aussi celle des faits constitutifs de harcèlement, au sens non pas pénal mais civil du terme. Il vise, par ailleurs, à assimiler à une discrimination le fait d’enjoindre à quelqu’un de pratiquer une discrimination, ce qui permettra de donner à ces deux comportements les mêmes conséquences juridiques.
Tenu par le délai de mise en conformité imposé par la Commission, le Gouvernement a opéré une transposition littérale de ces définitions.
En deuxième lieu, le projet de loi qui vous est présenté tend à affirmer de manière explicite qu’un certain nombre de discriminations sont interdites, en reprenant précisément, là encore, les termes des directives communautaires : interdiction des discriminations fondées sur la race ou l’origine ethnique en matière de biens et services, de protection sociale, de santé, d’avantages sociaux et d’éducation ; interdiction des discriminations fondées sur le sexe, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion, l’âge, le handicap, l’orientation sexuelle ou les convictions en matière de travail et d’emploi ; interdiction des discriminations pratiquées en raison de la maternité ou de la grossesse, sauf à ce qu’il s’agisse d’en assurer la protection ; interdiction, enfin, des discriminations fondées sur le sexe en matière d’accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.
Tout en posant ces principes, le projet de loi précise, dans le strict respect des directives transposées, les dérogations qui sont autorisées au principe d’égalité de traitement. Il en va ainsi, notamment, des différences qui sont faites pour répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée.
Enfin, en troisième et dernier lieu, le projet de loi vise à renforcer les garanties qui sont accordées aux personnes victimes de discriminations. En particulier, il tend à instaurer une protection contre les mesures de rétorsion qui peuvent frapper les personnes témoignant d’une discrimination. Il a, en outre, pour objet d’aménager les règles de la charge de la preuve au profit des personnes qui engagent une action en justice pour faire reconnaître une discrimination. En effet, nous le savons bien, rien n’est plus difficile à prouver devant un juge que l’existence d’une discrimination.
L’ensemble des dispositions introduites sera d’application générale et immédiate. Celles-ci s’imposeront tant aux personnes privées qu’aux collectivités publiques. Dans le domaine professionnel, elles vaudront donc de la même manière pour les personnes qui sont employées en vertu d’un contrat de droit privé que pour les fonctionnaires, y compris les magistrats, les militaires et les fonctionnaires des assemblées parlementaires.
Vous l’aurez constaté, le texte qui vous est soumis a pour seul objet la transposition d’un certain nombre de dispositions communautaires. Je sais, pour en avoir discuté avec les membres de la commission des affaires sociales et de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, que cet exercice de transposition peut paraître insatisfaisant du point de vue de sa rédaction.
Je précise toutefois qu’il ne s’agit en aucun cas de revenir sur des acquis.
Le Gouvernement n’a pas choisi de faire de ce projet de loi de transposition un instrument d’approfondissement ou de réorientation de la politique de lutte contre les discriminations en France. Les délais imposés par les échéances de transposition et les procédures en cours ne nous en laissaient pas le temps, alors que, précisément, l’amplitude des champs couverts est immense et que la matière, moins qu’aucune autre, ne supporte l’approximation.
Mais nous allons continuer à agir avec force, car le combat pour l’égalité des chances est un combat que le Gouvernement auquel j’appartiens veut mener.
Nous reviendrons bientôt devant vous avec un projet de loi sur le statut des beaux-parents. Nous vous présenterons également un texte sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui se situera dans le prolongement de la conférence organisée le 26 novembre dernier, à la demande du Président de la République, en concertation étroite avec les partenaires sociaux. Par ailleurs, nous vous proposerons prochainement de ratifier, à l’instar de la Communauté européenne, la Convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées. Nous veillerons aussi, bien sûr, à la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui nous impose, d’ici à l’année 2015, des efforts sans précédent en faveur de la lutte contre les discriminations fondées sur le handicap.
En matière de lutte contre les violences faites aux femmes, un nouveau plan a été adopté pour la période 2008-2010 et, dans ce cadre, un groupe de travail commun au ministère de la justice et au secrétariat d’État chargé de la solidarité se met en place pour travailler à une meilleure articulation entre notre droit civil et notre droit pénal. À ma demande, ce groupe de travail élargira son périmètre à la question du harcèlement sexuel. Cette demande a été largement relayée par les associations.
Je veux enfin vous dire que notre engagement en faveur de l’égalité des chances sera au cœur de la Présidence française de l’Union européenne. Si nous avons été mobilisés contre les discriminations en 2007, année européenne de l’égalité des chances, nous le serons aussi en 2008. Nous avons d’ailleurs prévu d’organiser, à la fin du mois de septembre 2008, un sommet européen pour l’égalité des chances qui fera écho à la manifestation du même type organisée en 2007.
Par ailleurs, nous apporterons à la Commission européenne le soutien qu’elle peut attendre de la présidence en exercice pour la mise en œuvre des mesures qu’elle devrait proposer, au cours du second semestre 2008, dans une communication sur l’égalité des chances.
Après vous avoir présenté l’architecture du projet de loi, il me semble utile d’aborder devant vous un certain nombre de points soulevés à la fois par Mme le rapporteur de la commission des affaires sociales, Muguette Dini, dont je souhaite saluer le travail tout à fait remarquable, et par Mme le rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Christiane Hummel. Les avis de la délégation constituent toujours des références appréciables, qui nous aident à faire progresser la législation vers une meilleure prise en compte de la situation des femmes, et je tiens à souligner ici l’action déterminée de sa présidente, Mme Gisèle Gautier.
Les deux rapports se sont rejoints sur un constat commun, à savoir la difficulté de concilier la logique du droit communautaire avec celle du droit français, ce qui explique, madame le rapporteur, le dépôt de plusieurs amendements visant à rectifier les définitions transposées littéralement du droit communautaire.
Vous le savez bien, il sera difficile, voire impossible pour le Gouvernement d’entrer dans un tel débat, même si, sur le plan intellectuel, on peut sans difficulté concevoir les réticences engendrées par telle ou telle formulation.
Cependant, sur le fond, lorsqu’elle a adopté le premier texte entérinant ces définitions, la France s’est engagée à respecter les directives qui s’imposent désormais à son droit interne. On peut juger cela insatisfaisant, et j’entends bien vos remarques et vos analyses. Mais la seule conclusion que je me permettrai de tirer de ce travail est que notre vigilance, lors de l’adoption des textes communautaires, doit être forte, de la part du Gouvernement comme du Parlement, et que nous devons apprendre à davantage influer sur la construction des directives.
Mesdames les rapporteurs, vous vous êtes interrogées sur l’obligation d’une transcription « mot à mot ». Je voudrais simplement souligner que la Commission européenne a relevé dans ses mises en demeure et avis motivés que la « formulation adoptée dans la directive est importante afin de déterminer les situations de discrimination à travers la méthode comparative […] dans le passé, le présent ou le futur ».
La France ne pourra pas s’abstenir de reprendre cet aspect essentiel de la définition de la discrimination directe en droit communautaire, qui constitue une garantie importante de la protection ainsi recherchée contre les discriminations directes. En l’espèce, il est fort probable que, si cette temporalité n’était pas reprise dans le projet de loi, la Commission n’hésiterait guère à saisir la Cour de justice des communautés européennes d’un recours en manquement.
Enfin, on peut noter que d’autres États européens tels que le Luxembourg, l’Espagne et l’Italie ont été conduits à intégrer le conditionnel dans leur définition de la discrimination directe.
Fallait-il choisir d’étendre le champ de la définition de la discrimination à l’article 2 ?
Je sais que certaines associations nous reprochent de ne pas avoir fait le choix d’aller au-delà de nos obligations communautaires afin d’élargir le nombre de motifs visés pour chaque champ. Je souhaiterais exprimer ici ma conviction profonde, qui me conduit à rejeter toute discrimination, qu’elle soit fondée sur le sexe, le handicap, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, l’âge ou la religion. Mais, de fait, la rédaction retenue à l’article 2 prend en compte les discriminations fondées sur la religion, l’âge, le handicap et l’orientation sexuelle uniquement lorsqu’elles s’exercent dans le champ du travail et de l’emploi.
Ce choix s’explique de deux manières.
D’une part, dans la mesure où la Commission européenne envisage de refondre l’ensemble des directives, le Gouvernement n’a pas jugé souhaitable d’aller au-delà de nos obligations communautaires sans avoir procédé à une consultation préalable de nos partenaires européens. Agir différemment aurait abouti à anticiper sur le résultat de ces travaux à l’échelon européen.
D’autre part, si nous constations qu’au niveau européen de réels blocages ne permettent pas d’avancer de manière significative, il serait alors temps pour le Gouvernement d’aller plus loin. Mais, pour ce faire, nous devrions procéder à une étude d’impact approfondie qui nous assurerait que l’extension du champ de la non-discrimination ne se traduirait pas par des effets pervers ou inattendus. De fait, et c’est d’ailleurs le cas de la présente loi, pour les femmes, l’interdiction d’une discrimination peut parfois être assortie d’exceptions limitées, juridiquement justifiées et qui doivent être expertisées soigneusement, ce qui n’a pu être le cas pour d’autres motifs dans le cadre du texte qui vous est présenté aujourd’hui.
Je souhaite donc rassurer complètement votre assemblée sur ce point : l’exercice volontairement circonscrit auquel se prête le Gouvernement ne préjuge pas d’autres avancées, s’il se vérifie, à l’issue de la présidence française, qu’il ne nous aura pas été possible de défendre suffisamment ce dossier au niveau communautaire
Faut-il prendre en compte la paternité au même titre que la maternité ?
Les directives transposées ont clairement posé le principe d’une asymétrie entre les principes de non-discrimination posés en raison de la maternité et ceux qui sont posés en raison de la paternité. Revenir sur cette asymétrie, ce serait affaiblir la force du principe posé par les directives selon lequel des mesures de faveur peuvent être prises en raison de la maternité.
Car l’objet des directives, ce n’est pas tant de traiter les mères plus favorablement que les femmes qui ne sont pas mères : c’est de traiter les mères plus favorablement que les pères. La transposition de ces directives par la France ne peut pas aller contre cette volonté, sous peine de s’exposer au risque de nouvelles procédures d’infraction.
Je ne voudrais pas terminer cet exposé sans avoir dit quelques mots des conditions dans lesquelles s’inscrit le projet de loi qui vous est proposé.
La reprise des termes mêmes des directives en ce qui concerne, notamment, la définition des notions de discrimination ou de harcèlement doit nous permettre de mettre fin à des procédures d’infraction actuellement en cours. Une interprétation trop libre par rapport aux observations de la Commission pourrait ouvrir la voie à de nouvelles mises en demeure. Vous comprendrez sans peine que le Gouvernement ne souhaite pas exposer notre pays à ce risque. Je mesure bien combien, pour les législateurs que vous êtes, cet exercice peut paraître contraint.
Notre débat permettra, je le souhaite, un échange fructueux et constructif, et j’espère qu’à son terme vous pourrez mieux appréhender la logique qui a prévalu dans l’élaboration de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP.)