Sommaire

Présidence de M. Roland du Luart

1. Procès-verbal

2. Dépôt d’un rapport en application d’une loi

3. Candidatures à des organismes extraparlementaires

4. Journée de solidarité. – Adoption définitive d’une proposition de loi.

Discussion générale : Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; MM. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Yves Détraigne, Claude Domeizel, Louis Souvet, Mme Annie David.

Clôture de la discussion générale.

Mme la secrétaire d'État.

Article 1er

Amendement no 1 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Claude Domeizel, Yves Détraigne, Mme Catherine Procaccia, MM. Jean-Pierre Godefroy, Dominique Leclerc. – Rejet par scrutin public.

M. Paul Blanc.

Adoption de l'article.

Article 2

Amendement no 2 de la commission. – Devenu sans objet.

Adoption de l'article.

Vote sur l'ensemble

Mme Annie David.

Adoption définitive de la proposition de loi.

5. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires

6. Lutte contre les discriminations. – Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence.

Rappel au règlement

Mmes Annie David, Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Discussion générale

Mmes la secrétaire d'État, Muguette Dini, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Christiane Hummel, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ; Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ; M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mmes Jacqueline Alquier, Françoise Henneron, Annie David, Bariza Khiari, M. Roger Madec.

Clôture de la discussion générale.

Mme la secrétaire d'État.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

7. Conférence des présidents

8. Lutte contre les discriminations. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d’urgence.

Articles additionnels avant l'article 1er

Amendement n° 10 de Mme Bariza Khiari. – Mmes Bariza Khiari, Muguette Dini, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille ; M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. – Rejet.

Amendement n° 12 de Mme Bariza Khiari. – Mmes Bariza Khiari, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Article 1er

Amendements identiques nos 13 de Mme Jacqueline Alquier et 31 de Mme Annie David. – Mmes Jacqueline Alquier, Annie David, le rapporteur, la secrétaire d'État, Nicole Borvo Cohen-Seat, Bariza Khiari. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 14 de Mme Jacqueline Alquier. – Mmes Jacqueline Alquier, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 36 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 1 de la commission. – Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État, Bariza Khiari. – Adoption.

Amendement no 2 de la commission. – Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État, Bariza Khiari. – Adoption.

Amendements nos 32 et 35 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 3 de la commission et sous-amendement no 52 rectifié de Mme Annie David. – Mmes le rapporteur, Annie David, la secrétaire d'État, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président de la commission. – Adoption du sous-amendement ; rejet de l'amendement modifié.

MM. le président de la commission, Jean-Jacques Hyest.

Adoption de l'article modifié.

Article 2

Amendements nos 37, 38 de Mme Annie David, 16 et 15 de Mme Jacqueline Alquier. – Mmes Annie David, Jacqueline Alquier, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet des quatre amendements.

Amendement n° 17 de Mme Jacqueline Alquier. – Mmes Jacqueline Alquier, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 18 de Mme Jacqueline Alquier. – Mmes Jacqueline Alquier, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Amendements identiques nos  4 rectifié bis de la commission, 19 de Mme Jacqueline Alquier et 39 de Mme Annie David. – Mmes le rapporteur, Bariza Khiari, Annie David, la secrétaire d'État, M. le président de la commission, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Retrait de l’amendement no 4 rectifié bis ; rejet des amendements nos 19 et 39.

Amendements identiques nos  9 rectifié bis de Mme Christiane Hummel, 20 de Mme Jacqueline Alquier et 40 de Mme Annie David. – Mmes Christiane Hummel, Jacqueline Alquier, Annie David, le rapporteur, la secrétaire d'État, Gisèle Gautier, Catherine Morin-Desailly. – Adoption des trois amendements.

Amendement n° 30 de M. Pierre Hérisson. – M. Pierre Hérisson, Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Mmes Bariza Khiari, Annie David.

Adoption de l'article modifié.

Article 3

Amendement n° 21 de Mme Jacqueline Alquier. – Mmes Jacqueline Alquier, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 4. – Adoption

Article additionnel après l’article 4

Amendement n° 8 de M. Jean-Jacques Hyest et sous-amendement no 53 de Mme Annie David. – M. Laurent Béteille, Mmes Annie David, le rapporteur, la secrétaire d'État, Mmes Bariza Khiari, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Jacques Hyest. – Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article additionnel avant l'article 5

Amendement n° 5 de la commission. – Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État. – Retrait.

Article 5. – Adoption

Article additionnel après l'article 5

Amendement n° 23 de Mme Bariza Khiari. – Mmes Bariza Khiari, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Article 6

Amendements nos 54 de la commission, 24 de Mme Jacqueline Alquier et 42 de Mme Annie David. – Mmes le rapporteur, Jacqueline Alquier, Annie David, la secrétaire d'État, M. le président de la commission. – Adoption de l’amendement no 54, les amendements nos 24 et 42 devenant sans objet.

Amendement n° 41 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 6 de la commission. – Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État, Jacqueline Alquier. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 7

Amendements nos  55 de la commission et 25 de Mme Jacqueline Alquier. – Adoption de l’amendement no 55, l’amendement no 25 devenant sans objet.

Amendement n° 7 de la commission. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 7

Amendements nos 26 de Mme Jacqueline Alquier et 43 de Mme Annie David. – Mmes Jacqueline Alquier, Annie David, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.

Amendements nos 27 de Mme Jacqueline Alquier, 44 rectifié et 45 rectifié de Mme Annie David. – Mmes Jacqueline Alquier, Annie David, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet des trois amendements.

Amendements nos 34 rectifié et 33 rectifié de Mme Annie David. – Devenus sans objet.

Amendement n° 28 de Mme Jacqueline Alquier. – Mmes Jacqueline Alquier, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 48 rectifié de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Retrait.

Amendement n° 29 de Mme Jacqueline Alquier. – Mmes Jacqueline Alquier, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Article 8. – Adoption

Article 9

Amendement n° 51 de Mme Catherine Morin-Desailly. – M. Yves Détraigne, Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État, Bariza Khiari. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 10. – Adoption

Article additionnel après l’article 10

Amendement n° 46 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Articles additionnels avant l’article 11

Amendement n° 49 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 50 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet.

Article 11. – Adoption

Vote sur l'ensemble

Mmes Bariza Khiari, Annie David, M. le président de la commission.

Adoption du projet de loi.

9. Dépôt d'un projet de loi

10. Transmission d'un projet de loi

11. Dépôt d'une proposition de loi

12. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

13. Dépôt de rapports

14. Dépôt d'un rapport d'information

15. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d’un rapport en application d’une loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. André-Claude Lacoste, président du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire, le rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2007, établi en application de l’article 7 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

Acte est donné du dépôt de ce rapport, qui a par ailleurs fait l’objet d’une présentation hier aux membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et qui sera transmis à la commission des affaires économiques, laquelle auditionne M. André-Claude Lacoste cet après-midi même.

Ce rapport sera disponible au bureau de la distribution.

3

Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d’organismes extraparlementaires.

La commission des affaires économiques a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Francis Grignon pour siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière.

La commission des affaires culturelles a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Catherine Dumas pour siéger au sein de la Commission du dividende numérique.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la journée de solidarité
Discussion générale (suite)

Journée de solidarité

Adoption définitive d’une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la journée de solidarité
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la journée de solidarité (nos 245 et 259).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la journée de solidarité avait été instaurée en 2004 par MM. Raffarin et Fillon à la suite de la terrible canicule de l’été 2003.

Il fallait maintenant tirer le bilan de trois années d’application. C’est ce qu’a fait Éric Besson dans son rapport d’évaluation, commandé par le Premier ministre. Cette proposition de loi en est la conséquence opérationnelle, et le Gouvernement y apporte tout son soutien.

Ce texte réaffirme, d’abord, le principe d’une journée de solidarité.

Cette journée de solidarité a fait la preuve de son efficacité : elle apporte aujourd’hui 2,3 milliards d’euros à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Concrètement, cette aide contribue, d’une part, au financement des prestations de compensation pour le grand âge – l’APA, l’Allocation personnalisée d’autonomie – et pour le handicap – la PCH, la prestation de compensation du handicap – ; en 2007, elle a permis de financer 449 millions d’euros pour l’APA et 612 millions d’euros pour la PCH.

Cette aide permet, d’autre part, de créer des places d’accueil, soit, depuis sa création, l’équivalent de 14 000 places d’accueil à domicile ou en établissement pour les personnes âgées dépendantes et 7 700 places pour les personnes handicapées.

Cette aide contribue aussi à l’important effort de médicalisation des maisons de retraite, avec 73 000 places médicalisées en 2007 grâce à la journée de solidarité. Médicaliser, c’est apporter les soins nécessaires aux personnes hébergées et éviter, bien sûr, la maltraitance.

L’efficacité de cette mesure se constate également sur le plan financier. Avec la journée de solidarité, nous sommes loin de ce qui se faisait avec la vignette automobile : la Cour des comptes, dont vous connaissez tous la rigueur, a montré en juillet 2006 que chaque euro rapporté par cette journée est un euro alloué aux actions en faveur de l’autonomie.

Parallèlement, je tiens à souligner que les ressources nouvelles liées à la journée de solidarité n’ont entraîné aucune réduction des budgets existants en ce domaine. J’en veux pour preuve la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, que j’ai défendue devant vous avec Xavier Bertrand et au sein de laquelle le budget en faveur des personnes âgées et handicapées augmente de 8,1 %.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause le principe de la journée de solidarité. Plutôt que d’augmenter les prélèvements pesant sur le travail, nous avons choisi, pour marquer notre solidarité avec les personnes âgées et handicapées, de travailler plus et d’instaurer une contribution de 0,3 % sur les revenus du patrimoine et des placements.

Mais, tout en conservant ce principe, des assouplissements sont possibles dans sa mise en œuvre. C’est ce que prévoit cette proposition de loi, c’est ce que souhaite le Gouvernement.

Chacun de nous a pu constater l’an dernier les difficultés que cette journée posait dans les petites entreprises et les administrations le lundi de Pentecôte.

Sur le plan national, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 70 % des entreprises étaient ouvertes le lundi de Pentecôte, mais seuls 42 % des salariés travaillaient ce jour-là. De plus, la plupart des services publics étaient fermés, qu’il s’agisse de La Poste ou de l’éducation nationale. Cela signifiait notamment que 4,5 millions d’enfants ne pouvaient alors être accueillis pendant que leurs parents travaillaient.

Enfin, dans le secteur du transport routier, pour des raisons de sécurité, les entreprises travaillant le lundi de Pentecôte ne pouvaient faire circuler leurs camions de plus de 7,5 tonnes.

À partir de ce constat, la question était la suivante : comment faire entrer dans la vie quotidienne des salariés un principe juste et solidaire sans désorganiser la vie des entreprises et de ceux qui y travaillent ?

La meilleure réponse est celle qu’envisage ce texte proposé notamment par M. le député Leonetti : réaffirmer le caractère férié du lundi de Pentecôte, tout en donnant une plus grande liberté aux salariés et aux entreprises.

Vous savez que le Gouvernement est très attaché à la liberté de choix, notamment en matière de temps de travail. Concernant la solidarité, nous avons le même objectif avec cette formule de « journée à la carte », qui prévoit que les partenaires sociaux se réuniront dans chaque entreprise pour fixer ensemble la date de la journée de solidarité.

Cette proposition implique ceci : à défaut d’accord collectif, la journée de solidarité n’est plus, par défaut, le lundi de Pentecôte, mais devient soit une journée de RTT, éventuellement divisée en deux demi-journées, soit un jour férié en moins au choix des partenaires sociaux, soit, enfin, sept heures réparties sur plusieurs jours.

Promouvoir cette souplesse d’application, c’est aussi faire en sorte que le principe de solidarité soit respecté : plus nous offrirons de souplesse aux entreprises, plus les partenaires sociaux trouveront les modalités pratiques d’organisation de ces sept heures de travail dans l’année.

Enfin, je voudrais souligner que ce texte de loi s’inscrit dans la politique de solidarité que nous mettons actuellement en œuvre avec Xavier Bertrand.

Comme vous le savez, notre pays doit faire face à un défi majeur, l’arrivée au grand âge de générations de plus en plus nombreuses. Aujourd’hui, 1,3 million de Français sont âgés de plus de 85 ans ; en 2015, ils seront 2 millions ; et 2015, c’est demain ! Dans le même temps, le nombre de personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer va également augmenter. Nous prenons donc les devants avec le plan Alzheimer, qui mobilise, pour lui seul, 1,6 milliard d’euros.

Nous devons anticiper ces évolutions démographiques, sociales et sanitaires. C’est pourquoi nous avons entamé avec Xavier Bertrand une réflexion sur la mise en œuvre du « cinquième risque de la protection sociale ».

Nous voulons apporter des réponses à toutes ces personnes qui ont besoin d’une aide à domicile ou d’une place en établissement spécialisé, à toutes ces familles qui attendent une prise en charge et pour lesquelles les délais d’attente sont encore trop longs.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est engagé dans une politique de solidarité ambitieuse. Celle-ci passe par des réformes qui doivent se traduire rapidement et concrètement dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

La proposition de M. Leonetti relative à la journée de solidarité s’inscrit dans la direction que nous suivons : améliorer la prise en charge des personnes âgées et handicapées, en respectant à la fois la liberté de choix des partenaires sociaux et un principe de solidarité indispensable à la cohésion de notre société. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous vous en souvenez, c’est dans le contexte des événements tragiques de la canicule de l’été 2003 qu’a été prise la décision de supprimer un jour férié, le lundi de Pentecôte, dans le but de dégager des ressources supplémentaires destinées aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Quelques mois plus tard, la loi du 30 juin 2004 a créé le mécanisme de la journée de solidarité. Il en est résulté une majoration de sept heures de la durée annuelle de travail des salariés.

À l’origine, cette initiative a revêtu tout naturellement une force symbolique importante. Malheureusement, à l’épreuve des faits, cette dimension fraternelle et solidaire a très rapidement disparu.

Contrairement à l’Allemagne, où la suppression d’un jour férié dans le même objectif était intervenue en 1994 sans susciter de problème particulier, la création de cette journée de solidarité a fait l’objet dans notre pays de nombreuses critiques très injustes et surtout d’une certaine dose de mauvaise volonté dans le monde du travail.

Franchement, mes chers collègues, nous ne cessons, à longueur d’année, d’affirmer que notre système de protection sociale est fondé sur le principe de solidarité. Mais est-ce vraiment le cas, lorsque tant d’acteurs économiques et sociaux semblent renâcler à fournir un tout petit effort pour aider les plus fragiles de nos concitoyens ? Il ne s’agit après tout que de sept heures supplémentaires chaque année. Et la durée moyenne de travail est, dans notre pays, l’une des plus faibles au monde...

En 2007, force a été de constater que la majorité des salariés français n’a pas travaillé le lundi de Pentecôte. La proposition de loi déposée par Jean Leonetti et ses collègues députés vise à améliorer ce bilan peu flatteur par de nouveaux assouplissements à la loi du 30 juin 2004. Il s’agit de dispositions techniques que notre commission vous proposera d’adopter, avec pour seule modification un amendement tendant à encadrer les modalités de fractionnement sur l’année de ces sept heures de travail supplémentaires. Mais nos débats d’aujourd’hui permettront aussi de faire œuvre de pédagogie sur un sujet qui le mérite assurément.

Le bilan de la journée de solidarité apparaît aujourd’hui en demi-teinte.

Il s’agissait à l’origine d’un pari séduisant autant que d’un choix symbolique : renoncer à l’un des onze jours reconnus fériés par solidarité envers les personnes âgées et handicapées, tout en majorant, pour la première fois depuis plus de vingt ans, la durée du temps de travail par une décision législative.

Hélas ! cette initiative s’est trouvée confrontée à plusieurs difficultés pratiques en raison de la grande diversité des jours chômés accordés aux salariés français. À ces problèmes d’application s’est ajouté un certain nombre de manifestations de mauvaise volonté aboutissant à vider la loi d’une grande partie de sa substance. Citons, pêle-mêle, les grèves intervenues en 2005 dans les services publics, les recours contentieux des syndicats, mais également l’attitude de certaines entreprises du secteur privé qui ont offert cette journée à leurs salariés sans contrepartie, ce qui n’était pas l’esprit de la loi. On peut d’ailleurs se demander si ces entreprises sont fondées à se plaindre de la lourdeur des charges.

On peut aussi évoquer certaines modalités de fractionnement quotidien de la journée de solidarité. Parmi les plus singulières, celles qui sont en vigueur à la SNCF méritent une mention spéciale. Vous en trouverez le détail dans le rapport qui a été adopté par notre commission. Je ne suis pas loin de penser qu’il s’agit là d’une perception assez caricaturale du partage fraternel.

Si l’on se réfère aux quatre principaux critères d’évaluation que notre commission avait identifiés en 2004, il apparaît sans ambiguïté que seule une partie des objectifs initiaux du législateur a été atteinte. Un nouveau mode de financement pérenne du système de protection sociale a été créé pour un montant annuel de 2,1 milliards d’euros, dont 1,85 milliard d’euros versés par les employeurs privés et publics, auxquels s’ajoute une contribution sur les revenus du capital produisant 350 millions d’euros de recettes supplémentaires. Le pouvoir d’achat des salariés a été effectivement préservé. En revanche, l’insertion de la journée de solidarité dans le droit social s’est avérée très difficile. Enfin, la neutralité économique de cette mesure n’est pas entièrement assurée.

Par ailleurs, de trop grandes disparités de situations individuelles entre les assurés sociaux sapent la légitimité de la journée de solidarité auprès de l’opinion publique. Dans le secteur privé, 70 % des entreprises sont ouvertes et 48 % des salariés travaillent le lundi de Pentecôte. La plupart des services publics, en revanche, sont fermés. Certes, au total, 86 % des salariés se conformeraient à la loi, d’une façon ou d’une autre, durant l’année civile. Mais cette contribution est susceptible de prendre des formes aussi diverses que le renoncement à un jour de RTT ou le fractionnement quotidien des sept heures de travail supplémentaires.

La solution avancée dans la proposition de loi de Jean Leonetti pour améliorer ce triste constat s’inscrit dans la continuité des démarches déjà engagées dans le secteur public. Il s’agit, cette fois dans le secteur privé, de promouvoir davantage de souplesse dans l’organisation de la journée de solidarité.

Le texte prévoit en substance de donner « carte blanche » aux entreprises pour aménager au mieux, durant l’année civile, ces sept heures de travail supplémentaires. Cette idée trouve son origine dans le rapport du secrétariat d’État chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques publié en décembre 2007.

Trois hypothèses d’évolution de la journée de solidarité y étaient mises à l’étude.

Le premier scénario, le plus difficile, consistait à revenir à une application uniforme fixée au lundi de Pentecôte.

Le deuxième scénario, le moins difficile, impliquait l’abandon de toute référence au lundi de Pentecôte et le renvoi des modalités pratiques de ces sept heures de travail supplémentaires à des négociations avec les partenaires sociaux et in fine, en cas d’échec, aux employeurs.

Le troisième et dernier scénario visait à mettre fin aux principaux goulets d’étranglement empêchant l’enracinement de la journée de solidarité dans la vie économique et sociale, notamment en améliorant l’accueil et la garde des enfants le lundi de Pentecôte, ainsi que la situation dans le secteur des transports.

C’est donc la deuxième piste de réflexion qui a été retenue par la proposition de loi Leonetti, avec l’accord du Gouvernement.

Toutefois, seuls les salariés du secteur privé étaient concernés par le texte initial de la proposition de loi, alors que les principaux problèmes se situent dans les services publics. Mais un article additionnel adopté en première lecture par l’Assemblée nationale a fort opportunément réparé cet oubli.

Notre commission approuve l’économie générale de cette proposition de loi. Cependant, je ne vous le cacherai pas, mes chers collègues, trois questions majeures demeurent en suspens.

Il s’agit, en premier lieu, du rapport des Français au travail, dans un contexte de déficits structurels croissants du système de protection sociale.

Bien que la tendance à la diminution du temps de travail soit un phénomène constaté dans l’ensemble des pays de l’OCDE, la France occupe dans ce classement horaire une position particulière : le nombre annuel d’heures travaillées par actif occupé est aujourd’hui inférieur d’environ 15 % à la moyenne des autres pays concernés. L’augmentation du temps de travail résultant de la journée de solidarité reste modeste et rappelle que l’extension, voire la simple préservation, d’un système de protection sociale généreux ne pourra être financée à long terme que par l’accroissement de la production de richesse que permet le travail.

L’idée consistant à faire appel au dialogue social constitue une seconde source d’interrogations.

En effet, la quasi-totalité des syndicats a manifesté son hostilité au principe même de la journée de solidarité. Certains d’entre eux sont allés jusqu’à la qualifier de « corvée ». Il n’est guère étonnant, dans ces conditions, que seuls dix-neuf accords de branche aient été signés avec les organisations syndicales depuis 2004. En pratique, les chefs d’entreprise seront donc conduits le plus souvent, comme aujourd’hui, à définir en dernier ressort les modalités de cette journée de solidarité.

La proposition de loi ne laissant que des délais très courts entre la date prévisionnelle d’entrée en vigueur de ses dispositions et le prochain lundi de Pentecôte, fixé au 12 mai 2008, ses effets ne seront guère perceptibles avant 2009.

Enfin, nous persistons à nous interroger sur la neutralité économique, pour le secteur productif, de la journée de solidarité.

En l’absence d’une augmentation de 0,4 % de la quantité de travail produite par l’ensemble de l’économie française, l’apport de la loi du 30 juin 2004 se bornerait à la création d’un prélèvement obligatoire. Un processus d’ajustement dynamique dans les entreprises est donc indispensable pour leur permettre de faire travailler leurs salariés. Or l’introduction, pour le secteur privé, de davantage de souplesse ne risque-t-elle pas, à l’instar de ce qui s’est déjà produit dans les services publics, de vider la loi du 30 juin 2004 d’une partie de sa substance ?

Nous souhaitons en particulier que la liberté accordée aux entreprises pour organiser cette journée ne les conduise pas à des modalités de mise en œuvre qui feraient perdre de vue le ressort solidaire initialement envisagé. Or un trop grand fractionnement de ces sept heures de travail sur l’ensemble de l’année, comme certaines entreprises le pratiquent, serait de nature à faire perdre la conscience du geste fraternel qui avait inspiré la loi.

En définitive, mes chers collègues, notre commission vous demande d’adopter cette proposition de loi dans une version très proche de celle qui a été votée par nos collègues députés.

La solution retenue par ses auteurs présente, en effet, le mérite d’offrir une grande lisibilité, ce qui devrait renforcer la légitimité de la journée de solidarité aux yeux de nos concitoyens. Certes, il aurait été également concevable de mettre en œuvre le troisième scénario étudié par le rapport Besson, qui aurait consisté à conserver l’acquis du lundi de Pentecôte tout en agissant prioritairement sur les modalités d’accueil des enfants dans les crèches et les écoles, ainsi que sur l’organisation des transports publics et privés. Mais c’est un autre choix qui a été fait, et nous en prenons acte.

Pour conclure, permettez-moi une observation de portée générale. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne résout évidemment pas de manière définitive les problèmes de financement de la politique de la dépendance. D’autres mesures devront être prises pour préparer l’avenir. Nous y reviendrons lorsque nous examinerons, d’ici à la fin de cette année, le projet de loi, en cours d’élaboration, concernant la création d’un cinquième risque de protection sociale. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le bon sens l’emporte, enfin ! Il aura donc fallu quatre ans de mise en œuvre chaotique...

M. Yves Détraigne. ...et plusieurs rapports officiels, dont le rapport du comité de suivi et d’évaluation de la journée de solidarité, remis au Premier ministre le 19 juillet 2005, le rapport d’information de Denis Jacquat du 30 novembre 2005, ou encore celui du 18 décembre 2007 d’Éric Besson, pour que le Gouvernement accepte de tirer enfin les conséquences de ce que nos concitoyens, à une large majorité, constataient sur le terrain depuis le début de la mise en œuvre de la journée de solidarité, à savoir que l’application de cette mesure, instaurée à la suite de la canicule de 2003, et dont il ne s’agit pas pour moi de contester le principe, était plus un modèle de désordre que d’organisation.

Je passerai rapidement sur l’obligation faite aux transporteurs routiers de travailler le lundi de Pentecôte, sans qu’ils aient pour autant, comme l’a dit Mme la secrétaire d’État, le droit de faire circuler leurs poids lourds ! Le ridicule de la situation parle de lui-même et ne mérite pas de commentaire particulier.

J’évoquerai également la manière dont la SNCF a décidé de mettre en œuvre cette journée de solidarité dans certains services et qui a fait sourire, souvent de manière grinçante, la France entière. Le fait de décider que les employés travailleront chacun une minute onze secondes de plus chaque jour ressemble plus à une mauvaise blague qu’à une décision de gestion mûrement réfléchie. (M. le président de la commission des affaires sociales opine.) Si la SNCF, société nationale, avait voulu dire qu’elle ne croyait pas un instant à la mesure proposée, elle ne s’y serait pas prise autrement.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Peut-être ne croit-elle pas en la solidarité !

M. Yves Détraigne. En effet. Si l’on ajoute qu’elle a par ailleurs, comme l’indique le rapport Leonetti, offert à son personnel un bonus de rémunération en violation de la loi – qui dispose que le travail accompli durant la journée de solidarité ne donne pas lieu à rétribution – et que le service du lundi de Pentecôte est resté un service réduit de jour férié, alors que la majorité des utilisateurs de la SNCF étaient censés aller au travail ce jour-là et avaient donc besoin de prendre le train, nous avons, avec l’exemple de cette seule entreprise nationale, une belle démonstration de la manière on ne peut plus chaotique et fantaisiste dont a été mise en œuvre cette journée de solidarité.

Je soulignerai surtout la position surprenante de l’État lui-même qui, au travers de l’arrêté du ministre de l’éducation nationale en date du 8 décembre 2004, a décidé que, pour les personnels placés sous son autorité, toutes académies confondues, cette journée serait celle du lundi de Pentecôte et a permis, simultanément, aux recteurs d’académie de choisir un jour différent afin de s’adapter aux nécessités locales. C’est ce que l’on appelle, dans mon département, « vouloir une chose et son contraire ».

Je ne multiplierai pas les exemples pour illustrer la manière dont l’esprit de cette loi a été détourné au cours de la mise en œuvre de celle-ci. Ils sont nombreux ; nous le savons tous, car nous avons vécu la situation sur le terrain.

Comme de nombreux parlementaires, j’ai soulevé à plusieurs reprises auprès des ministres compétents de l’époque, soit au travers de courriers, soit par des questions écrites, les incohérences et les inconvénients qu’entraînait pour nombre de familles et pour divers corps de métiers la manière dont cette journée était mise en œuvre.

Ainsi, en juin 2007, j’écrivais un courrier au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, en citant quelques exemples des absurdités relevées le dernier week-end de Pentecôte dans mon département. J’indiquais notamment ceci : « Ces quelques exemples démontrent que l’organisation de la journée de solidarité aboutit, dans de nombreux cas, à des situations abracadabrantes et crée, en tout état de cause, de profondes inégalités entre les différentes catégories de travailleurs. Je considère donc qu’il serait sans doute plus réaliste, plus judicieux et plus efficace de maintenir la contribution spécifique sans pour autant imposer cette journée de travail fictif ou de décider, purement et simplement, de réduire d’une journée le nombre de jours de congés annuels dont bénéficient les Français. »

Je ne peux donc que me réjouir de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui et que le groupe Union centriste-UDF votera.

Je ferai cependant observer que l’instauration de la journée de solidarité est fondée sur une ambiguïté. Il a, en effet, été expliqué aux Français qu’en travaillant une journée de plus on augmentait la richesse produite et, par voie de conséquence, notre capacité à contribuer à la solidarité nationale.

Ce principe est à la fois vrai et faux. Vrai en ce sens que des entreprises de production fabriquent effectivement plus et augmentent leur chiffre d’affaires. Mais faux car beaucoup d’activités, que je serais tenté de qualifier d’« activités de soutien » – je pense notamment aux services des collectivités publiques – ne créent pas de richesses nouvelles, mais supportent bien des charges supplémentaires en raison de l’ouverture une journée de plus chaque année.

Pour une collectivité, ouvrir ses services une journée de plus que prévu, ce sont des charges de fonctionnement une journée de plus, mais sans aucune recette nouvelle.

La charge supplémentaire a été d’autant plus lourde que, dès lors que de nombreux parents étaient au travail tandis que leurs enfants n’avaient pas école ce jour-là, il revenait, bien entendu, aux collectivités locales de faire le nécessaire pour que ces enfants ne soient pas livrés à eux-mêmes.

Sans vouloir contester le fait que ce sont tous les Français, et pas seulement ceux qui travaillent dans le secteur marchand, qui doivent participer à cette journée de solidarité – sinon, le terme « solidarité » n’a plus de sens –, je souhaitais cependant formuler cette observation au regard des remarques que l’État ne manque pas de faire régulièrement – notamment en ce moment – aux collectivités locales sur le fait qu’elles ne participent pas assez à la réduction des déficits publics.

C’est bien beau de faire ce type de reproches aux collectivités, mais encore faudrait-il être cohérent et ne pas leur infliger de charges nouvelles sans contrepartie comme cela a été le cas – parmi beaucoup d’autres – avec la journée de solidarité !

J’aimerais aussi que l’on ait des chiffres plus précis sur ce que rapporte effectivement cette journée en recettes supplémentaires pour la solidarité nationale, mais également sur les coûts supplémentaires qu’elle génère, et pas seulement pour le secteur public. Le rapport cite, en effet, des chiffres en réalité difficiles à vérifier ; ce sont des estimations tout à fait théoriques.

On pourrait également s’interroger, au moment où notre pays est à nouveau en panne de croissance, où les déficits publics sont supérieurs à ce qui était attendu et où l’État vient d’annoncer une réduction de ses dépenses de l’ordre de 7 milliards d’euros, pour savoir si c’est véritablement en augmentant les charges et les contraintes qui pèsent sur l’ensemble des agents économiques – comme cela a été le cas avec la journée de solidarité – que notre pays va durablement se donner des moyens supplémentaires pour répondre aux incontestables besoins de solidarité en direction des personnes âgées et des personnes handicapées.

Peut-on simultanément se plaindre du poids des prélèvements et des contraintes qui entravent notre économie et continuer, chaque fois qu’un problème surgit sur le devant de l’actualité, à instaurer de nouvelles taxes ? N’est-ce pas plutôt en réduisant les contraintes, en libérant la croissance et le travail – et j’approuve à cet égard le propos de M. le rapporteur – que notre pays rejoindra le cercle vertueux d’une croissance retrouvée générant, sans instauration de taxe nouvelle, des recettes supplémentaires nous permettant de faire face aux besoins de solidarité entre les générations ? Je crois que c’est aussi cette question essentielle qui nous est posée au travers des incohérences auxquelles a donné lieu la mise en œuvre de la loi de 2004.

Quoi qu’il en soit, et même si ce texte ne tranche pas sur ce choix de société, le bon sens l’emporte avec cette proposition de loi. Nous la voterons donc sans hésiter, avec l’espoir que les employeurs utilisent intelligemment la souplesse qui va leur être donnée et ne recréent pas de « vraies fausses journées » de solidarité. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et sur quelques travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, enfin ! après deux ans de pagaille avérée, vous vous décidez, dans l’urgence, avant le lundi de pentecôte 2008, à revenir sur la loi du 30 juin 2004 instaurant la journée de solidarité.

Rappelez-vous, elle avait été votée dans la précipitation, sous le coup de l’émotion, après la canicule de 2003, qui entraîna 15 000 décès de personnes âgées.

Je ne vais pas bouder mon plaisir à vous rafraîchir la mémoire.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Surtout en période canicule ! (Sourires.)

M. Claude Domeizel. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, le 26 mai 2004, j’avais commencé mon intervention ainsi : « Bravo ! Avec ce projet de loi, vous avez fait l’unanimité…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

M. Claude Domeizel. …contre vous : les organisations syndicales, les partis d’opposition et une grande partie de vos sympathisants, le conseil d’administration de la CNAVTS, l’UDF, les professionnels du tourisme, les évêques de France et l’opinion publique. »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est dur, la solidarité !

M. Claude Domeizel. Sans tenir compte non plus des avis du Conseil économique et social, vous avez fait la sourde oreille à l’ensemble de ces protestations et vous vous êtes obstinés – je parle bien sûr du gouvernement de l’époque, vous l’avez compris, madame la secrétaire d'État. (Mme la secrétaire d'État sourit.) L’obstination conduit toujours à des bêtises, que l’on est obligé de corriger ensuite.

Déjà en 2005, le Conseil d’État avait réaffirmé le caractère férié du lundi de Pentecôte. Qu’importe ! La loi a imposé sa journée de solidarité de Pentecôte à 70 % des entreprises, celles qui ne dépendaient pas des accords d’entreprises ou de branche.

Bien entendu, ce fut la cacophonie : des salariés obligés de travailler, mais des services publics fermés, notamment les services d’accueil dans les crèches, les écoles, sans compter des effets négatifs sur l’économie touristique et les transports routiers, sur les corridas de Pentecôte à Nîmes, etc.

Dans une question posée au Sénat le 12 mai 2005, je disais : « Quand une idée est mauvaise, il faut savoir le reconnaître. » Il vous aura fallu quatre ans pour admettre ce que des millions de personnes avaient compris tout de suite !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elles avaient surtout compris comment contourner le système !

M. Claude Domeizel. C’est, de la part d’un gouvernement, une attitude inquiétante.

Désormais, la journée de solidarité devient un temps de travail supplémentaire de sept heures qui pourra, le cas échéant, être fractionné.

Certes, devant la confusion totale réitérée plusieurs années, vous vous rendez enfin à l’évidence et vous redonnez au lundi de Pentecôte son caractère férié. Mais, ne nous y trompons pas, vous ne revenez pas sur le principe de base de la journée de solidarité, la journée de travail gratuit. Vous avez inventé le travail non rémunéré, portant ainsi atteinte aux fondements du droit du travail. J’avais même cité, au cours de l’une de mes interventions, la définition du mot « corvée », qui correspondait tout à fait à ce jour de solidarité : « travail gratuit qui était dû par le paysan à son seigneur ».

M. André Lardeux, rapporteur. Ce n’est pas exactement cela !

M. Claude Domeizel. Je ne m’étendrai pas sur cette façon encore inélégante d’attaquer les 35 heures, de modifier la durée légale du travail en relevant insidieusement le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Non, le plus grave, c’est que, arguant de la solidarité nationale et jouant de la culpabilisation, vous avez institué un impôt déguisé, qui plus est, réservé aux seuls salariés. C’est encore à eux qu’il revient de supporter exclusivement l’effort.

Vous évoquez avec solennité l’absolue nécessité de mettre en œuvre la solidarité nationale, mais cette solidarité ne s’applique pas à tous les revenus. Pourquoi ? Vous faites porter l’effort sur les seuls salariés, c'est-à-dire une partie de la population active.

M. André Lardeux, rapporteur. Ce sont les seuls qui bénéficient des 35 heures !

M. Claude Domeizel. En voulant imposer une mesure de solidarité ciblée, vous mettez à mal le principe de l’égalité des citoyens. Si vraiment solidarité nationale il doit y avoir, tout le monde doit y participer, et la contribution doit également concerner les revenus des placements et du patrimoine, des stock-options.

M. André Lardeux, rapporteur. C’est déjà fait !

M. Claude Domeizel. Vous connaissez la situation d’aujourd’hui et de demain : le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans va doubler d’ici à 2015. Il serait peut-être temps de proposer un texte qui soit à la hauteur des enjeux.

Cette journée de solidarité, où, curieusement, tout le monde n’est pas tenu à la même solidarité, présente paradoxalement un caractère d’iniquité.

Pourtant, le contexte économique et politique aurait pu influer sur les décisions. Or ces salariés, à qui on demande de participer, sont précisément ceux qui affrontent aujourd’hui une baisse notoire du pouvoir d’achat avec la stagnation des salaires et l’inflation. Partout, il est possible d’entendre des témoignages de foyers qui n’y arrivent plus.

Je lis dans la presse que même dans vos rangs, à droite, madame la secrétaire d'État, des députés de la majorité affirment : « Les réformes sont indispensables, mais elles doivent être justes ! » Eux-mêmes reconnaissent que le paquet fiscal de 15 milliards d’euros est injuste, que la défiscalisation des heures supplémentaires n’a rien réglé, pas plus que la déductibilité des intérêts d’emprunts. Ils réclament une meilleure répartition de l’effort fiscal en proposant que les niches fiscales soient plafonnées. Ils se plaignent de l’effet symbolique du paquet fiscal pendant les élections municipales et font remarquer que dix millions d’électeurs ne sont pas allés voter. Il faut lire, disent-ils, dans ce refus de voter, exaspération et lassitude. On croit rêver : vous avez même réussi, par une politique arrogante et antisociale, à semer le trouble au sein de vos troupes !

« Les caisses sont vides », nous a dit avec désinvolture M. le Président de la République. Il s’attache à trouver, avec le Gouvernement, quelques milliards d’économies pour enrayer la dérive du déficit. Peut-il encore trouver quelques milliards ? Oui, en commençant par revenir sur les mesures du paquet fiscal, le cadeau fiscal de 15 milliards d’euros contenu dans la loi TEPA. (M. Patrice Gélard s’exclame.)

Évidemment, nous sommes dubitatifs sur la portée des 166 mesures annoncées. Nous espérons vraiment que ce ne seront pas nos concitoyens les plus modestes qui en feront les frais, au travers de reculs dans les domaines de l’éducation, de la santé, du logement. Le mauvais exemple des franchises médicales est toujours présent dans nos mémoires.

M. Patrice Gélard. Ce n’est pas le sujet !

M. Claude Domeizel. Voilà, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, dans quel contexte vous tentez de rattraper une erreur grossière, mais rien en vue pour la cause de la dépendance. Aucun débat de fond à l’horizon !

Prenons l’exemple du financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, dont il serait nécessaire de faire, aujourd’hui, le bilan. La gestion de l’APA par les départements apparaît positive. Mais reste le point noir de l’insuffisance de sa prise en charge financière par l’État.

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Qui l’a créée ?

M. Claude Domeizel. Mais, bien sûr, c’est nous ! Et c’est bien de l’avoir instaurée ! (M. Paul Blanc s’exclame.)

M. André Lardeux, rapporteur. En oubliant les moyens de financement !

M. Claude Domeizel. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le financement de cette allocation devait être partagé pour moitié entre l’État et les départements. Or aujourd’hui les départements y participent pour plus de trois milliards d’euros, soit 71 % de la dépense totale, contre 1,4 milliard d’euros pour l’État.

M. Patrice Gélard. Hors sujet !

M. Claude Domeizel. Autant dire que vous auriez mieux fait de ne pas m’interpeller ! (Oh ! sur les travées de lUMP.)

Par ailleurs, je vous rappelle que les fonctions publiques, qui, comme l’a dit notre collègue Détraigne, n’ont pas vocation à engranger des bénéfices, sont tenues de verser la contribution de 0,3 % de la masse salariale. Compte tenu de la conjoncture, autant pour les collectivités locales que pour les hôpitaux, cette situation aggrave les difficultés financières déjà rencontrées. Cela se traduit finalement par un nouveau transfert de charges, ou, dit autrement, une augmentation masquée de la fiscalité. Ce faisant, les salariés sont doublement taxés : une première fois par la journée de travail non rémunérée, une deuxième fois par l’impôt local.

Je suis navré de vous affirmer que les sénateurs socialistes ne voteront pas cette proposition de loi, qui ne vise qu’à rectifier la forme d’une disposition fondamentalement injuste sans évoquer les vrais problèmes liés à la dépendance et au handicap,…

M. André Lardeux, rapporteur. Si vous ne votez pas ce texte, cela veut dire que vous approuviez la mouture précédente !

M. Claude Domeizel. …c’est-à-dire le manque de médecins, d’infirmiers et de personnel soignant, la mise à mal des hôpitaux de proximité, le gel de certains crédits de santé, l’augmentation du coût des soins et des tarifs appliqués au sein des établissements d’hébergement de personnes dépendantes, lesquels laissent à la charge de celui qui est hébergé ou de sa famille des sommes importantes. Prétendre financer la dépendance par un jour de travail non payé est une aussi grande tromperie que laisser croire que le plan Alzheimer pourra être financé par les franchises médicales.

Après avoir relu le compte rendu intégral des débats du Sénat de la séance du 25 mai 2004, je me contenterai d’en citer quelques phrases :

« Faire reposer l’essentiel de l’effort une nouvelle fois sur le travail est contestable, dans le contexte actuel de concurrence économique internationale exacerbée que nous connaissons. Exonérer les professions libérales, les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les retraités de tout effort, est-ce juste ? Je ne le crois pas.

« C’est d’autant plus regrettable que notre nouveau gouvernement avait annoncé son intention de mettre la justice sociale au cœur de ses politiques. Comment les Français pourront-ils adhérer à l’effort nouveau que vous leur demandez, monsieur le ministre, s’ils ont le sentiment que cet effort n’est pas partagé équitablement ? » Je vous laisse le soin, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, de vous reporter à cette intervention. Celle-ci reflète ce que nous pensions alors, avec bien d’autres sénatrices et sénateurs, et que nous pensons toujours aujourd’hui.

Non, décidément, pour toutes les raisons évoquées, nous ne pouvons adhérer à la journée de solidarité, même avec les aménagements qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Annie David applaudit également.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La solidarité, c’est une exigence difficile !

M. André Lardeux, rapporteur. Et c’est un long combat !

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Louis Souvet. Cher collègue Domeizel, je ne résiste pas au plaisir de vous répondre. Nous connaissons tous votre sensibilité aux problèmes sociaux. Vous avez dit : « Je ne vais pas bouder mon plaisir », mais si nous n’avions pas fait ce que vous avez appelé une « erreur grossière », vous auriez été privé de ce plaisir. (Sourires.) Et je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler d’autres erreurs, autrement plus graves, que vos amis et vous-même avez commises, dont l’impact économique a été beaucoup plus important,…

M. Claude Domeizel. Je vous vois venir !

M. Louis Souvet. …et que nous avons mis longtemps à réparer.

La canicule de l’été 2003 a révélé les insuffisances de notre prise en charge de la dépendance. Elle a joué un rôle d’électrochoc dans le grand public, mettant au grand jour la situation d’isolement dans laquelle se trouvaient, et se trouvent encore, certains de nos aînés.

Je rappellerai que nous avons comptabilisé au cours de l’été 2003 quelque 15 000 morts. Or 15 000 morts, dans un pays que l’on dit « riche », dans une France bien organisée, c’est une ville moyenne qui disparaît en quelques semaines, ou en quelques mois, à la suite d’un incident climatique. Il s’agit là d’un événement qui interpelle, ou qui, en tout cas, devrait interpeller notre conscience collective, mais le monde est ainsi fait qu’il oublie vite, très vite !

L’espérance de vie s’accroît et la population vieillit. Si cette évolution est le résultat des progrès sociaux et de ceux de la médecine, elle multiplie malheureusement les situations de dépendance des individus et crée une charge supplémentaire pour les familles et pour la société. À l’heure actuelle, 20 % des adultes ont déjà, dans leur entourage proche, un parent qui ne peut vivre seul.

Notre pays ne s’est, hélas ! pas suffisamment préparé à cette réalité : nous sommes en retard dans notre prise en charge des personnes âgées, que ce soit à domicile ou en établissement.

La loi du 30 juin 2004, en posant le principe de la journée de solidarité, a apporté un embryon de réponse à la nécessité de renforcer les moyens disponibles.

Sont ainsi visés non seulement la dépendance liée au grand âge, mais également le handicap.

La journée de solidarité ne constitue pas une nouvelle imposition. En effet, étant donné qu’elle repose sur une augmentation du temps de travail, elle n’entraîne pas de perte de salaire. Elle exige des salariés une présence supplémentaire de sept heures par an. Il s’agissait là de la seule solution possible pour éviter une augmentation de la pression fiscale qui risquait, au contraire, d’être mal ressentie.

La solidarité est l’un des fondements de notre société. Il est rassurant, je pense, de voir cette solidarité s’exprimer à un moment où les liens familiaux se distendent et où, malheureusement, l’indifférence et l’égoïsme se banalisent.

Les études d’opinion effectuées à la suite du drame de la canicule ont montré que les Français, à une large majorité, acceptent de travailler une journée supplémentaire en faveur de leurs aînés et des personnes handicapées.

L’idée n’est pas inédite. Elle est, en effet, expérimentée avec succès par l’Allemagne depuis plusieurs années. Notre voisine a ainsi supprimé la journée nommée Buss und Bettag, fête protestante connue.

En France, la loi de 2004 a créé un organisme bien identifié pour la gestion des fonds : la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ou CNSA. L’État n’a pas voulu que les fonds soient dilués dans son budget ou dans les comptes de la sécurité sociale. Il a créé cet établissement public en le dotant d’un organe de surveillance associant les élus, les parlementaires, les partenaires sociaux et le milieu associatif.

La transparence et la lisibilité de ce dispositif ont été assurées afin de ne pas renouveler l’expérience passée de la vignette automobile qui – chacun s’en souvient – a largement été détournée de sa vocation originelle.

Dans les faits, le produit de la journée de solidarité a bien été affecté à des actions en faveur des personnes dépendantes. La Cour des comptes l’a confirmé dans un rapport en juillet 2006. Il n’y a pas non plus eu d’« effet de substitution », car l’État et la sécurité sociale n’ont pas diminué leur contribution en la matière.

L’efficacité de la journée de solidarité est indéniable : comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, elle a généré plus de deux milliards d’euros. Elle a permis la médicalisation de 110 000 places en maisons de retraite ; en outre, 14 000 places médicalisées pour les personnes âgées dépendantes ont été créées à domicile ou en établissement et 7 000 places pour les personnes handicapées. Le financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, a été complété au travers d’une contribution de plus de 400 millions d’euros en 2007, allouée aux départements.

Cette journée devrait, en outre, favoriser l’esprit de fraternité répondant ainsi à une trilogie qui, selon moi, a résisté à l’épreuve du temps : « liberté, égalité, fraternité ».

Nous devons donc nous réjouir que le Gouvernement ait souhaité maintenir le principe de la journée de solidarité.

Cela étant dit, il convenait de prendre en compte les difficultés qui ont été relevées dès son application.

Lors du vote de la loi du 30 juin 2004, nous avons longuement débattu des modalités pratiques de mise en œuvre de la journée de solidarité.

Le choix retenu permettait une certaine souplesse, puisque les accords de branche ou d’entreprises étaient privilégiés. Cependant, sur le terrain, la dynamique de négociation nécessaire ne s’est pas enclenchée. À défaut de choix, la loi avait fixé le lundi de Pentecôte comme journée travaillée, ce qui a donné lieu à des situations les plus diverses.

Ce manque de lisibilité a contribué à l’insatisfaction de la population et de l’opinion, alors même que l’idée d’une journée de solidarité avait été bien perçue.

En 2007, 70 % des entreprises étaient ouvertes ce jour-là, mais elles comptaient moins de la moitié de leurs salariés, essentiellement parce que ceux-ci devaient pallier le problème de la garde de leurs enfants. En effet, les établissements scolaires et les garderies publiques étaient fermés, laissant plus de quatre millions d’enfants de moins de douze ans sans accueil.

Par ailleurs, les jours fériés font partie des traditions de notre société et entraînent une activité économique non négligeable. Le lundi de Pentecôte, notamment, est réservé à des fêtes locales ou religieuses chez les protestants par exemple, qui suscitent des investissements importants. À cet égard, il est à noter la diminution de 60 % de la fréquentation du Mont-Saint-Michel en 2005 ou les problèmes posés à la Feria de Nîmes, point qui a été évoqué par M. Domeizel.

Enfin, il a été relevé un problème spécifique au transport routier, car, pour des raisons de sécurité routière, les transporteurs routiers travaillant le lundi de Pentecôte ne peuvent faire circuler les poids lourds de plus de 7,5 tonnes.

Les difficultés de mise en place de la journée de solidarité ne sont, certes, pas insurmontables, mais elles nécessitent une modification législative.

La solution de bon sens réside, bien sûr, dans la souplesse. Tel est le sens des modifications contenues dans la présente proposition de loi.

Le texte retient l’une des solutions suggérées dans le rapport de M. le secrétaire d’État Éric Besson et aboutit à une grande liberté dans le choix des modalités de mise en œuvre de la journée de solidarité.

Ainsi est respecté l’esprit de la loi du 30 juin 2004 privilégiant le dialogue social et la responsabilisation des acteurs.

L’aménagement des horaires de travail que l’on a connu ces dernières années permet plusieurs types de choix : le travail d’une journée de RTT, le travail d’un jour férié, ou toute autre modalité aboutissant à l’apport de sept heures au pot commun – ce qui ne signifie tout de même pas, comme vous l’avez signalé, une minute par jour !

Parallèlement, le caractère férié du lundi de Pentecôte est rétabli, ce qui satisfera la plupart des familles ainsi que les acteurs locaux organisateurs de festivités ce jour-là.

En votant cette proposition de loi, nous permettrons le retour à une situation saine dès cette année. Nous éviterons ainsi des désordres qui, je pense, auraient été encore amplifiés par les hasards du calendrier, puisque le lundi de Pentecôte succédera, cette année, au « pont » de la commémoration du 8 mai 1945.

Aujourd’hui, alors que la création d’un « cinquième risque » de protection sociale est envisagée, la journée de solidarité représente un puissant symbole. Notre groupe salue la détermination du Gouvernement car nous voulons tous offrir à nos parents, nos proches, nos aînés en général, plus de soins, plus d’attention et des conditions d’existence plus dignes.

Dès lors, bien évidemment, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui ne représente qu’une adaptation technique, destinée à répondre à la demande pressante du patronat, notamment à l’industrie du tourisme, et j’ai bien entendu les derniers commentaires de M. Louis Souvet concernant la Feria de Nîmes ou le transport routier.

Elle prévoit de donner toute liberté aux partenaires sociaux, particulièrement au MEDEF, pour ajuster les modalités de cette journée de travail supplémentaire.

À ce titre, elle n’appelle guère de commentaires de notre part sur le texte lui-même. Je soulignerai simplement que notre collègue André Lardeux, dans son rapport, nous présente une réforme – la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et son pendant, la journée de travail non rémunérée – comme un succès qui serait une œuvre de solidarité nationale largement approuvée par nos concitoyens, alors qu’elle apparaît, au mieux, comme un coup d’épée dans l’eau.

M. le rapporteur omet également, en tentant de justifier cette taxation des seuls salariés, de rappeler que cette invention provient de ceux-là mêmes qui ont instauré les franchises médicales pour faire payer aux malades le prix de leur maladie, qui veulent porter atteinte à la prise en charge à 100 % des affections de longue durée, qui ont préféré taxer les préretraites plutôt que les stock-options et, enfin, qui ont voté, en juillet dernier, 15 milliards d’euros de cadeaux fiscaux pour les plus nantis.

Comment s’étonner aujourd’hui que les caisses soient vides et qu’il faille encore rechercher des économies – plusieurs milliards d’euros – toujours dans les poches des mêmes personnes à travers la « modernisation des politiques publiques » ? Tout se tient, mais le Gouvernement se situe dans une logique et nous dans une autre ! C’est pourquoi je crois bon de vous rafraîchir la mémoire.

Cette proposition de loi nous ramène, à l’occasion d’un débat comme toujours tronqué, à des questions fondamentales sans cesse éludées par le gouvernement actuel et par ceux qui l’ont précédé.

Je suis, pour ma part, convaincue que la spectaculaire croissance de l’espérance de vie – vous avez rappelé tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, que le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans s’élèvera à deux millions en 2015 – appelle une réflexion et des mesures à la hauteur d’un enjeu fondamental, à savoir la place que notre société veut attribuer à chacun de nous et tout au long de la vie, avec, bien sûr, les moyens permettant de répondre à la sous-estimation des besoins des personnes âgées dans notre pays.

Déjà, la loi du 21 juillet 2001 créant l’APA avait suscité au sein de mon groupe des objections qui se révèlent aujourd’hui encore fondées. Même si elle constituait un progrès par rapport au dispositif précédent, à savoir la très inégalitaire PSD, ou prestation solidarité dépendance, l’APA maintenait, avec ses conventions tripartites instaurées, une forte inégalité de traitement entre domiciles et établissements.

Le financement « à tuyauterie » – passez-moi l’expression, mes chers collègues – avait très rapidement été insuffisant. Nous avions également déploré que le Gouvernement ne prenne pas d’engagement quant au nombre d’établissements à créer ou à l’augmentation significative des personnels formés. Enfin, la condition d’âge de soixante ans était maintenue.

À l’époque, nous étions déjà convaincus qu’il fallait créer un cinquième risque – on en a beaucoup parlé aujourd'hui – afin que la dépendance relève de la solidarité nationale.

En mai 2004, lorsque le Sénat examina le projet de loi relatif à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées, nous affirmions assister à une régression sociale sans précédent, ainsi qu’à une décentralisation à haut risque des questions liées à la dépendance et au handicap, avec pour conséquence que l’égalité des droits ne serait assurée ni sur l’ensemble du territoire ni selon le degré de dépendance. C’est pourquoi mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même nous étions prononcés contre un texte qui n’était que de la poudre aux yeux.

Depuis lors, cette orientation s’est malheureusement confirmée. La création, dans le texte précité, d’une Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, au statut incertain et au périmètre grossièrement défini, constituait déjà, selon nous, l’amorce d’une protection séparée pour les personnes âgées et les personnes handicapées, en contradiction avec les principes de l’assurance maladie, qui a vocation à couvrir tous les besoins de toutes les catégories de la population.

Les associations comme les organismes de sécurité sociale n’avaient d’ailleurs pas été dupes : ils ont rejeté massivement cette rupture du pacte de solidarité. Je vous rappelle, en effet, madame la secrétaire d'État, que l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, la CNAF, la Caisse nationale d’allocations familiales, et la CNAM, la Caisse nationale d’assurance maladie, avaient repoussé unanimement ce dispositif.

Cette volonté de « mettre à part » les personnes âgées et handicapées représentait, en effet, une remise en cause de la solidarité entre les bien portants et les malades, entre les cotisants et les autres. Voilà qui nous rappelle les franchises médicales ! La logique suivie est toujours la même.

La réflexion qui avait présidé à la création de cette caisse signifiait clairement que le vieillissement et la dépendance n’auraient plus vocation à être pris en charge par la solidarité nationale.

Dans le même esprit, il existe, selon moi, un risque de privatisation de la prise en charge de la dépendance, en raison de la volonté clairement affichée par le Gouvernement de privilégier la prévoyance individuelle et assurantielle en matière d’autonomie. Les grandes compagnies d’assurance sont d’ailleurs bien conscientes du marché qui leur est ouvert.

De la même façon, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a institué une prestation de compensation dont le financement reste des plus flous, puisqu’il émarge, lui aussi, à la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Je n’aurai garde d’oublier, dans cette « panoplie », la loi relative aux libertés et responsabilités locales, qui, je le rappelle, a transféré aux départements l’entière responsabilité des trois grandes allocations de solidarité, à savoir le RMI, l’APA et la PCH, la prestation de compensation du handicap, sans avoir l’assurance qu’une dotation couvrirait intégralement les charges transférées.

En effet, le problème de ces prestations demeure, plus que jamais, la répartition de leur financement entre l’État, via la CNSA, et les départements.

Alors qu’une répartition équitable était prévue à l’origine, la participation de l’État a chuté, ce qui suscite des disparités importantes entre les départements. Or l’APA, comme la PCH ou le RMI, constitue une prestation sociale universelle dont les conditions d’attribution sont fixées nationalement par l’État.

Pour dégager des ressources nouvelles, les conseils généraux ne peuvent donc qu’alourdir la fiscalité qui pèse sur les ménages via la taxe d’habitation. Tout se tient : on prend toujours dans les mêmes poches !

Finalement, le débat de fond, que les gouvernements ont sans cesse éludé, concerne bien la définition d’un droit à compensation universel et son financement, fondé sur l’expression d’une réelle solidarité, comme celle qui présida en 1945 à la création de la sécurité sociale sous l’égide du Conseil national de la Résistance.

A contrario, à l’époque, nous avions proposé de créer un cinquième risque de sécurité sociale, portant sur la dépendance, l’incapacité ou la perte d’autonomie, sans discrimination quant à l’âge de la personne ou l’origine de son handicap. En effet, il ne doit pas y avoir de morcellement des mesures séparant les personnes âgées et les personnes handicapées ; ainsi pourrons-nous répondre aux besoins de nos concitoyens les plus fragilisés, de façon plus cohérente, plus universelle et plus solidaire et sans instituer des barrières d’âge, comme il en existe actuellement.

Quant au fond, la question est bien celle-ci : quelle solidarité souhaitons-nous pour la France du XXIe siècle ? Nous, nous voulons continuer de nous fier à la prise en charge collective, qui se trouve au fondement de notre protection sociale depuis 1945 ; vous, madame la secrétaire d'État, vous entendez nous faire croire que ces questions doivent désormais relever de l’initiative privée, de la couverture individuelle d’un risque, comme pour l’assurance automobile.

Pour toutes ces raisons, et surtout parce que notre conception de la solidarité est bien différente de la vôtre, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé l’historique de cette journée de solidarité, qui fut instaurée en 2004. Comme les Allemands, nous avons choisi de travailler un jour de plus, mais à leur différence, nous n’avons pas décidé de supprimer un jour férié, puisque le lundi de Pentecôte est toujours resté légalement chômé.

Aujourd'hui, toutefois, il nous faut apporter plus de souplesse et plus de lisibilité à ce dispositif original, pour que chaque entreprise puisse se l’approprier ; c’est la raison pour laquelle il nous fallait revenir devant le Parlement.

Vous avez soulevé, à juste titre, la question de la place des partenaires sociaux dans le dispositif. Peu d’accords de branche – dix-sept exactement – ont été conclus, qui couvrent deux millions de salariés, mais un grand nombre d’accords d’entreprises ont pu être négociés. Avec cette proposition de loi, nous souhaitons renforcer le rôle des partenaires sociaux dans la mise en œuvre de la journée de solidarité.

Vous exprimez également une crainte légitime quant au dévoiement du principe de solidarité. Certes, cette journée de solidarité devient moins visible, mais donner plus de souplesse aux salariés pour leur permettre de travailler sept heures de plus au profit des personnes âgées et handicapées, c’est rendre la solidarité concrète et effective.

Monsieur Détraigne, vous soulignez que la présente proposition de loi permet un nécessaire assouplissement du dispositif, et je ne puis que partager votre analyse.

S'agissant de la fonction publique, l’ensemble des salariés du secteur public seront concernés. Cette mesure se traduira, selon les experts, par une augmentation de dix millions d’heures de travail pour les fonctionnaires de l’État, soit l’équivalent de 6 000 emplois ; pour la fonction publique hospitalière, elle représentera quelque 3600 emplois. Il s'agit donc non pas de charges nouvelles, mais d’un geste de solidarité à l’égard de nos concitoyens, par un accroissement des services publics qui leur seront rendus.

Monsieur Domeizel, vous avez souligné que la mise en œuvre de l’APA était un succès grâce à l’action résolue des départements. La journée de solidarité, qui repose sur un effort de tous en faveur des personnes âgées, se trouvera confortée par ce texte, car les partenaires sociaux disposeront de davantage de souplesse pour la mettre en œuvre.

Pour ce qui est du financement de la dépendance, je vous rappellerai que le produit de la journée de solidarité ne constitue qu’une partie des financements de l’ONDAM médico-social, qui représente quant à lui 13 milliards d'euros supplémentaires. Par ailleurs, je tiens à souligner que les revenus du patrimoine et des placements sont soumis à une cotisation de 0,3 % au titre de la contribution de solidarité pour l’autonomie.

Enfin, conformément à l’engagement du Président de la République, Xavier Bertrand et moi-même avons lancé la semaine dernière le chantier du cinquième risque. Nous avons reçu l’ensemble des partenaires sociaux, afin de recueillir leurs propositions, de même que, hier matin, les représentants de l’ADF, l’Assemblée des départements de France.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans quelques mois, lorsque le projet de loi relatif au cinquième risque sera soumis à votre assemblée, nous verrons qui, sur ces travées, souhaite réellement améliorer la situation des personnes les plus en difficulté, et de quelle façon !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bravo ! Bien envoyé !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Ce sera aussi l’occasion de déterminer quelle est la meilleure, la plus juste et la plus équitable manière de mobiliser les moyens nécessaires à la mise en œuvre de cette réforme. Enfin, ce débat permettra d’en définir le contenu. Faut-il augmenter le nombre de places dans les établissements de retraite ? Et quels types de places ? Faut-il prendre en compte la question du reste à charge pour les personnes qui sont tenues aujourd'hui, en raison de leur état de grande dépendance, d’entrer en établissement ?

Toutes ces questions doivent être abordées et nous avons commencé de le faire avec les partenaires sociaux. Il nous faut conforter cette démarche en venant devant le Parlement, afin d’enrichir au maximum ce débat, qui répond à un véritable enjeu de société.

Monsieur Souvet, vous avez, vous aussi, évoqué le bien-fondé de la journée de la solidarité, des moyens qu’elle permettait de mobiliser et des actions qu’elle rendait possible. Vous avez également rappelé pourquoi nous avions décidé cette mesure : comme vous l’avez souligné, lors de la canicule de 2003, ce sont 15 000 personnes, soit l’équivalent de la population d’une ville moyenne, qui ont perdu la vie en quelques semaines. Il nous fallait donc agir !

Grâce à cette journée de solidarité, nous n’avons pas seulement mobilisé des moyens supplémentaires ; nous avons aussi engagé une véritable politique de prévention, en multipliant les mesures d’accompagnement et en développant les bonnes pratiques professionnelles, ce qui nous a permis d’avancer très rapidement dans la bonne direction.

Vous l’avez également rappelé, la présente proposition de loi introduit dans ce dispositif une souplesse qui est tout à fait nécessaire et qui sera effective dès cette année. Vous avez raison d’insister sur ce point : les entreprises seront libres de travailler, ou non, dès le lundi de Pentecôte de 2008, c’est-à-dire le 12 mai prochain.

Comme cette échéance est très proche, l’Assemblée nationale a souhaité introduire une disposition transitoire permettant aux employeurs de fixer des modalités d’accomplissement de la journée de solidarité dès les toutes prochaines semaines, après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. Avec Xavier Bertrand, j’ai demandé au directeur général du travail de diffuser dans les jours prochains une instruction afin d’en informer les entreprises.

Enfin, madame David, vous avez raison de souligner que la présente proposition de loi constitue une adaptation technique destinée à introduire davantage de souplesse dans la mise en œuvre de la journée de solidarité : tel est bien l’objectif que nous visons aujourd'hui.

De ce point de vue, je me réjouis que ce texte n’appelle guère de remarques de votre part. Pour le reste, comme je l’ai précisé en répondant à M. Domeizel, les questions que vous soulevez seront débattues dans le cadre du chantier du cinquième risque.

Je suis tout à fait désireuse de connaître les contributions que votre groupe pourra, sans esprit partisan, apporter à ce débat, de même que j’attends les propositions qui émaneront de l’ensemble des forces politiques. Je vous donne donc rendez-vous ici-même dans quelque mois, afin de pouvoir encore enrichir notre réflexion commune. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.)

M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la journée de solidarité
Article 2

Article 1er

I. - Le code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est ainsi modifié :

1° Dans le 2° de l'article L. 3133-7, la référence : « article 11 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées » est remplacée par la référence : « article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles » ;

2° L'article L. 3133-8 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3133-8. - Les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité sont fixées par accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par accord de branche.

« L'accord peut prévoir :

« 1° Soit le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ;

« 2° Soit le travail d'un jour de réduction du temps de travail tel que prévu aux articles L. 3122-6 et L. 3122-19 ;

« 3° Soit toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées en application de dispositions conventionnelles ou des modalités d'organisation des entreprises.

« À défaut d'accord collectif, les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité sont définies par l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent. 

« Toutefois, dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, l'accord ou, à défaut, la décision de l'employeur ne peut déterminer ni le premier et le second jour de Noël ni, indépendamment de la présence d'un temple protestant ou d'une église mixte dans les communes, le Vendredi Saint comme la date de la journée de solidarité. » ;

3° L'article L. 3133-9 est abrogé.

II. - 1. À compter de la publication de la présente loi et à titre exceptionnel pour l'année 2008, à défaut d'accord collectif, l'employeur peut définir unilatéralement les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent.

2. Le cinquième alinéa de l'article L. 212-16 du code du travail est supprimé.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le cinquième alinéa (3°) du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 3133-8 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, par les mots :

, sans possibilité de fractionner cette durée sur plus de deux jours

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 1 et 2, car ils ont le même objet.

Mme la secrétaire d'État souhaite que la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées soit effective et concrète. Or la commission s’est interrogée sur le caractère concret de cette solidarité.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et sur son effectivité !

M. André Lardeux, rapporteur. Certes, monsieur le président de la commission, mais on peut espérer que les financements dégagés garantissent cette effectivité !

Ce qui nous pose problème, c’est le morcellement de la journée de solidarité, certaines entreprises publiques constituant à cet égard des cas extrêmes. On nous affirme que ce n’est pas exact et que l’interprétation de la commission n’est pas la bonne. Toutefois, lorsque je lis la note interne de la SNCF sur le fractionnement de la journée de solidarité, qui figure dans le rapport de la commission, le scepticisme me gagne, je dois l’avouer : d'abord, ce texte est difficile à comprendre ; ensuite, il n’est pas transparent ; enfin, j’ai l’impression que le temps de travail supplémentaire prévu par la SNCF – une minute et onze ou douze secondes – n’existe même pas !

C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission vous propose d’encadrer la journée de solidarité, en faisant en sorte que celle-ci soit répartie sur deux jours au maximum dans l’année, au choix bien sûr des partenaires sociaux ou des entreprises concernées.

J'ajoute que je suis sceptique aussi s'agissant du dialogue social, car les accords de branche sont très rares et les accords d’entreprises ne semblent guère plus nombreux, comme l’a souligné M. Besson dans son rapport.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. En visant à empêcher le fractionnement de la journée de solidarité au-delà de deux demi-journées, cet amendement contrevient à l’esprit de la proposition de loi, dont l’objet est avant tout de répondre au besoin de souplesse mis en évidence par le rapport Besson.

La réforme proposée doit en effet permettre que l’accomplissement de la journée de solidarité soit réalisé de la manière la plus souple possible, afin que les modalités de mise en œuvre s’adaptent au plus près des besoins de notre pays, des entreprises et des salariés.

Instaurer en amont des limites de principe à la possibilité de fractionner la journée de solidarité apparaîtrait comme une rigidité inutile, nuisant dans les faits au bon déroulement de celle-ci. De surcroît, cela risquerait de remettre en cause des accords collectifs déjà conclus prévoyant un fractionnement plus important et qui étaient basés, au moment de leur conclusion, sur des souplesses antérieurement permises par le législateur.

Dans l’esprit du texte, il revient donc aux partenaires sociaux, en aval, de mettre en place un fractionnement plus important, s’ils l’estiment utile compte tenu des contraintes auxquelles ils sont confrontés. La souplesse et l’adaptation restent les clefs du bon déroulement de la journée de solidarité nationale. C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.

Pour les entreprises qui ont fait certains choix, toute modification rendra difficile la mise en place de la journée de solidarité. Monsieur le rapporteur, vous avez mentionné la SNCF. Cette entreprise n’a pas pris en considération de façon uniforme l’articulation que vous avez décrite : d’autres schémas ont été trouvés et mis en œuvre. Il faut permettre aux entreprises de tenir compte des réalités du terrain.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la secrétaire d'État, vous avez l’art de présenter les choses ! (Sourires.)

Pour reprendre l’exemple de la SNCF, celle-ci a adopté cette mesure de façon très hétérogène, à tel point que, sur un grand nombre de sites, l’accomplissement de la journée de solidarité équivaut à une minute quarante ou deux minutes de travail supplémentaire par jour.

M. Pierre Bordier. C’est grotesque !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est à peine le temps de se laver sérieusement les mains ! Est-ce l’image que nous voulons donner de la solidarité, en particulier quand il s’agit d’une entreprise qui coûte si cher à la nation ? La mesure importante que nous avons voulu mettre en place mérite notre respect.

Je ne peux retirer cet amendement, parce qu’il a été adopté par la commission. Je m’en remets donc à la sagesse de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. J’ai écouté avec attention M. le rapporteur et Mme la secrétaire d'État. Pour ma part, j’avancerai au moins deux autres arguments pour justifier notre opposition à cet amendement.

Tout d’abord, l’adoption de cette mesure aurait pour effet de remettre en cause tous les accords qui ont déjà été conclus.

Pour ne prendre que l’exemple de la fonction publique territoriale, de tels accords doivent être soumis au comité technique paritaire. Je préside un comité technique paritaire départemental : les deux cents communes ont proposé le fractionnement de la journée de solidarité. Si cet amendement était voté, il faudrait que ces communes saisissent leur conseil municipal, négocient et soumettent une nouvelle proposition au comité technique paritaire départemental.

Ensuite, si l’accomplissement de la journée de solidarité doit être réparti sur deux jours, cela suppose au moins trois heures et demie de travail quotidien supplémentaires. Dans certains cas, cela peut entraîner un dépassement de la durée légale de la journée de travail, qui est de dix heures, ou celle de la semaine, qui est en moyenne de quarante-quatre heures sur douze semaines ou de quarante-huit heures sur une semaine. En outre, dans un certain nombre de professions, ce maximum est déjà atteint.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a les jours de RTT !

M. Claude Domeizel. Cela pourrait mettre certains employeurs en difficulté.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On travaille trop en France !

M. Claude Domeizel. C'est la raison pour laquelle, ne souhaitant pas ajouter le ridicule au ridicule, nous voterons contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Lors de la discussion générale, j’ai formulé le vœu que les employeurs utilisent intelligemment la souplesse que leur accordera cette proposition de loi et qu’ils ne recréent pas de vraies fausses journées de solidarité, comme c’est le cas depuis trois ans.

Certes, l'amendement proposé par la commission des affaires sociales n’est peut-être pas parfait, mais il vise à empêcher ces vraies fausses journées de solidarité, telles qu’elles peuvent être organisées dans certains services de la SNCF, pour reprendre ce fameux exemple cité à de multiples reprises. Il s’agit donc, me semble-t-il, d’un bon amendement. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. L'amendement de la commission tend à répondre au souhait de ne pas voir la journée de solidarité trop morcelée, par exemple en travaillant dix minutes de plus par jour. Pour un certain nombre d’entre nous, monsieur Domeizel, la solidarité n’est pas une corvée !

M. Claude Domeizel. Nous n’avons pas de leçons de solidarité à recevoir de votre part !

Mme Catherine Procaccia. C’est un geste généreux ! Je suis encore salariée, même si mon contrat de travail est actuellement suspendu, et je ne me considère pas comme un serf : c’est avec plaisir que je participerai à cette journée de solidarité, car la dépendance et les personnes âgées, c’est important.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les personnes âgées, c’est l’avenir !

Mme Catherine Procaccia. Puisque nous cherchons, avec ce débat, à rendre plus facile l’accomplissement de la journée de solidarité, je profite de cette explication de vote pour évoquer une difficulté concernant la compatibilité de celle-ci avec une journée de RTT. La proposition de loi prévoit que la journée de solidarité peut revêtir trois formes différentes : soit un jour férié précédemment chômé, soit un jour de réduction du temps de travail, soit toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées.

Or la durée d’un jour férié peut être de sept heures, de huit heures, ou même de dix heures, c’est-à-dire la durée maximale d’une journée de travail. Mais, s’agissant des jours de RTT, leur durée dépend des conventions d’entreprise : celle-ci peut être de sept heures six minutes, sept heures dix-huit minutes, sept heures vingt-quatre minutes…

Un certain nombre de directeurs des ressources humaines se demandent comment cette journée de solidarité, dont la durée n’avait pas été précisée dans le texte initial, mais qui a été ensuite fixée à sept heures, pourra prendre la forme d’un jour de RTT. Ainsi, si une convention d’entreprise prévoit que la journée de RTT correspond à sept heures six minutes de travail – sa durée est donc supérieure à celle de la journée de solidarité – il faudra élaborer un mécanisme extraordinairement compliqué pour payer ces six minutes supplémentaires.

Si l'amendement est voté et que le texte est examiné en commission mixte paritaire, je souhaite que ce point soit précisé – Mme la secrétaire d'État a évoqué des directives émanant des services de Xavier Bertrand – pour éviter de rendre la situation plus complexe encore.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On verra cela en commission mixte paritaire !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Le souhait du Gouvernement est de laisser aux entreprises et aux partenaires sociaux la possibilité de discuter, de négocier et de trouver des accords, afin de s’adapter à la réalité de chaque entreprise.

Madame Procaccia, je m’engage à apporter très rapidement une réponse précise à la question plus technique que vous venez de me poser. Notre souci premier est de favoriser la simplicité et la lisibilité de cette mesure.

À ce titre, en 2004, pour permettre aux entreprises de mettre en œuvre la journée de solidarité a été réalisé un document de type « questions-réponses » mis en ligne sur Internet, qui est régulièrement actualisé. Le problème que vous soulevez et qui ne nous avait jamais été soumis à ce jour y trouvera sa place, ainsi qu’une réponse très précise, ce qui intéressera les directeurs des ressources humaines de toutes les entreprises.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je souhaite établir un parallèle.

Mes chers collègues, en votant cet amendement, vous remettez en cause un principe que vous voulez appliquer dans d’autres textes. Nous examinerons prochainement le projet de loi portant modernisation du marché du travail. À ce titre, il nous est demandé de respecter les accords déjà passés entre les partenaires sociaux. Avec cette proposition de loi, nous ne sommes pas en terrain vierge : des accords ont été conclus dans les entreprises, qu’ils soient formalisés ou tacites. Or vous prenez aujourd'hui le risque de les remettre en question ! (M. Dominique Leclerc rit.) C’est pourquoi cet amendement est contre-productif.

Je comprends bien que l’on puisse être agacé par certains procédés ; pour ma part, je ne porte pas de jugement sur les modalités mises en place par la SNCF. Toutefois, je crains fort que ce type d’amendements ne maintienne le désordre que vous cherchiez justement à supprimer avec ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Domeizel. Bien sûr !

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, pour explication de vote.

M. Dominique Leclerc. J’ai essayé de prendre un peu de recul en écoutant cet échange. Pourtant, sans être ironique, quand j’entends parler de remise en cause des accords des partenaires sociaux ou de directeurs des ressources humaines qui s’arracheront les cheveux pour mettre en place cette journée de solidarité, je ne peux m’empêcher de m’interroger : qui connaît la réalité du travail dans cet hémicycle ? La France au travail, ce n’est pas que la SNCF, et heureusement !

Mme Annie David. Justement !

M. Dominique Leclerc. Cela marcherait moins bien !

La France au travail, ce sont les PME, les PMI, les artisans, les commerçants,...

M. Dominique Leclerc. ...qui emploient un, deux ou trois salariés.

Je peux modestement vous faire part de mon expérience : avec dix salariés, j’ai mis en œuvre la journée de solidarité la première année, mais, au bout de deux ans, ce n’était plus possible ! Ces salariés ont des conjoints, et quand vous laissez libres les modalités d’accomplissement de la journée de solidarité, celle-ci devient inapplicable !

Pour la majorité des PME et des PMI, la journée de solidarité se résume à une contribution supplémentaire.

Faisons preuve de réalisme, mes chers collègues ! Si une trop grande liberté est laissée, la journée de solidarité sera un échec !

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est vous qui la conduisez à l’échec !

M. Dominique Leclerc. Nous sommes vraiment loin de l’esprit qui a prévalu quand a été créée cette journée de solidarité !

M. Claude Domeizel. Alors, votez contre !

M. Dominique Leclerc. Non, je suis réaliste !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur. Il est bien difficile, dans ce pays, d’encourager les gens à travailler. Une fois de plus, nous sommes en train de faire la démonstration qu’en France il faut absolument bannir le travail...

M. Jean-Pierre Godefroy. Personne n’a dit cela !

M. André Lardeux, rapporteur. ...et le réserver aux Chinois et à quelques autres peuples !

Mme Annie David et M. Jean-Pierre Godefroy. C’est inacceptable !

M. Claude Domeizel. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. André Lardeux, rapporteur. Vous ne l’avez pas énoncé sous cette forme, mais j’ai cru comprendre que, pour vous, il convenait de supprimer le travail, ou au moins de le réduire le plus possible. Peu importe la façon dont sera financée cette journée de solidarité !

Pour ce qui est des modalités d’application, il nous est reproché de vouloir remettre en cause le dialogue social. Je constate, et le rapport Besson le confirme, que, s’agissant de la journée de solidarité, le dialogue social n’a jamais existé, sauf de façon ponctuelle. Nous sommes d’ailleurs tout à fait d’accord sur ce point, mes chers collègues, contrairement à ce que vous affirmez. Donc, ne nous abritons pas derrière le dialogue social !

Par ailleurs, j’ai entendu des discours sur la revalorisation du rôle du Parlement, notamment sur le dialogue entre les deux assemblées. Or je m’aperçois que, une fois de plus, on veut museler le Parlement. Mes chers collègues, tirons-en les conclusions : à l’avenir, il sera inutile de voter certaines réformes !

M. le président. J’informe le Sénat que j’ai été saisi, par le Gouvernement, d’une demande de scrutin public sur l’amendement n° 1.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je veux simplement faire remarquer que l’urgence n’a pas été déclarée sur ce texte, dont nous sommes saisis en première lecture. Nous avons l’audace de formuler une proposition… Celle-ci pourra être modifiée lors de la navette ou de la CMP. Entre-temps, des éléments plus complets relatifs aux modalités de mise en œuvre de la journée de solidarité nous seront peut-être communiqués. Je ne comprends donc pas les raisons pour lesquelles il serait urgent d’obtenir un vote conforme sur ce texte.

M. Claude Domeizel. La Pentecôte, c’est quasiment demain !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si la disposition n’est pas applicable cette année, elle le sera peut-être l’année prochaine !

Quoi qu’il en soit, je m’associe aux propos de M. le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 87 :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l’adoption 40
Contre 280

Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote sur l’article 1er.

M. Paul Blanc. Bien entendu, je voterai en faveur de cet article 1er. Je considère en effet que c’est un premier pas vers le règlement définitif du problème du financement de la solidarité.

Au cours de la discussion, nous avons beaucoup parlé de la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées. Je tiens à rappeler que la loi du 11 février 2005 – à l’élaboration de laquelle le Sénat a pris une part prépondérante – dispose que la solidarité nationale doit financer la compensation du handicap. Par conséquent, je ne voudrais pas que ce financement soit oublié.

Au départ, lorsque la loi a instauré cette journée de solidarité, la destination des fonds a été quelque peu déviée en raison de la canicule de l’été 2003 et un effort important a été accompli en faveur des personnes âgées dépendantes.

Il aurait fallu déterminer la façon de financer la solidarité à l’égard des handicapés. Lors de la discussion de la loi du 11 février 2005, notre assemblée avait particulièrement insisté sur la nécessaire solidarité vis-à-vis des personnes handicapées.

Par ailleurs, j’estime que la solidarité doit s’exprimer différemment selon qu’il s’agit de la dépendance des personnes âgées ou du handicap. Qu’on le veuille ou non, chacun d’entre nous à vocation à devenir dépendant. Cette affirmation peut paraître simpliste à certains, mais elle correspond à la réalité. Je m’explique : lorsque vous achetez une voiture, vous avez vocation, si vous permettez l’expression, à avoir un jour un accident. C’est la raison pour laquelle la loi vous oblige à souscrire une assurance. A partir d’un certain âge, on a aussi vocation, malheureusement, à devenir un jour dépendant. Il faudra donc étudier cette problématique, qui est totalement différente de la solidarité nationale à l’égard des personnes handicapées.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les plus pauvres ne peuvent pas payer une assurance !

M. Paul Blanc. Nous aurons sans doute l’occasion de discuter à nouveau de la façon de financer la solidarité nationale.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à la journée de solidarité
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

I. - L'article 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées est ainsi rédigé :

« Art. 6. - Pour les fonctionnaires et agents non titulaires relevant de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi que pour les praticiens mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, la journée de solidarité mentionnée à l'article L. 3133-7 du code du travail est fixée dans les conditions suivantes :

« - dans la fonction publique territoriale, par une délibération de l'organe exécutif de l'assemblée territoriale compétente, après avis du comité technique paritaire concerné ;

« - dans la fonction publique hospitalière ainsi que pour les praticiens mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, par une décision des directeurs des établissements, après avis des instances concernées ;

« - dans la fonction publique de l'État, par un arrêté du ministre compétent pris après avis du comité technique paritaire ministériel concerné.

« Dans le respect des procédures énoncées aux alinéas précédents, la journée de solidarité peut être accomplie selon les modalités suivantes :

« 1° Le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ;

« 2° Le travail d'un jour de réduction du temps de travail tel que prévu par les règles en vigueur ;

« 3° Toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées, à l'exclusion des jours de congé annuel. »

II. - Les dispositifs d'application de l'article 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 précitée en vigueur à la date de publication de la présente loi et qui sont conformes au I du présent article, demeurent en vigueur.

Toutefois, dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, la journée de solidarité ne peut être accomplie ni les premier et second jours de Noël ni, indépendamment de la présence d'un temple protestant ou d'une église mixte dans les communes, le Vendredi Saint.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 par les mots :

et sans possibilité de fractionner cette durée sur plus de deux jours

Cet amendement n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative à la journée de solidarité
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi ne nous convient pas du tout, vous l’aurez compris, car elle ne répond en rien aux attentes de nos concitoyens. Elle ne supprime pas la règle inacceptable selon laquelle seuls les salariés doivent contribuer au financement de la solidarité. Elle se contente de la modifier ; c’est ce que vous m’avez répondu, madame la secrétaire d’État.

En 2003, la réponse de M. Raffarin à la meurtrière canicule, que chaque orateur a rappelée, a été de légiférer dans l’urgence, sans concertation. Votre majorité en a alors profité pour lancer une nouvelle phase de privatisation de la sécurité sociale.

Les propos que vient de tenir M. Paul Blanc m’inquiètent. En effet, la création de la CNSA, financée par les seuls salariés, reposait sur le postulat idéologique selon lequel la dépendance et le handicap ne devaient plus relever de la solidarité nationale…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr que si !

Un sénateur UMP. Au contraire !

Mme Annie David. … organisée au sein de la sécurité sociale : elles devaient dépendre d’une structure ad hoc. Dépendance et handicap ne relèvent donc plus de l’assurance maladie.

Comme je l’ai indiqué, telle n’est pas notre conception de la solidarité ; je l’affirme à nouveau. Je ne partage absolument pas votre point de vue à ce sujet, monsieur Blanc.

D’ailleurs, la création de la CNSA n’a pas répondu aux besoins. Aujourd’hui, de réels investissements manquent. À ce propos, nous nous souvenons tous d’avoir entendu, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2008, les représentants des Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, nous décrire les difficultés qu’ils rencontraient pour mettre leurs établissements aux normes. C’est donc bien d’investissements en personnels et en matériels que ces établissements ont besoin.

Chacun se souvient qu’une grande partie des décès provoqués par la canicule de 2003 ont malheureusement eu lieu dans ces établissements spécialisés.

La création de la CNSA ne répond pas non plus aux difficultés financières des personnes handicapées et des personnes dépendantes. Les manifestants étaient d’ailleurs 30 000, le 29 mars dernier, dans les rues de Paris – mes collègues Guy Fischer et Michelle Demessine, notamment, défilaient parmi eux – pour exiger que ces personnes touchent le SMIC. En effet, la réalité est brutale : la seule APA ne leur permet pas de survivre.

« Aujourd’hui, des centaines de milliers de personnes en situation de handicap ou atteintes de maladies invalidantes, qui ne peuvent pas ou plus travailler, sont condamnées à vivre toute leur vie sous le seuil de pauvreté. Le mouvement “Ni pauvre, ni soumis” défend un revenu d’existence égal au SMIC brut. » : tel est le texte de lancement de la campagne du collectif « Ni pauvre, ni soumis ». Avec ces quelques mots, tout est dit, me semble-t-il !

Que répond le Gouvernement ? Encore moins de solidarité ! Il prône un retour à la solidarité passée, préférant la solidarité familiale à la solidarité nationale. La récente tentative de récupération de l’APA sur succession en est un témoignage. Il renvoie à la structure familiale, à l’individu, en somme, quand, justement, les familles attendent et exigent une solidarité nationale, un geste collectif.

Le Gouvernement a l’intention de demander à chaque Français de se constituer une « épargne dépendance », de la même façon qu’il voudrait les voir se constituer seuls une cagnotte « risque chômage » ou bien cotiser individuellement pour leur retraite.

La commission a pourtant entendu, lors des auditions organisées par la mission « Dépendance », les associations demander en chœur un financement solidaire. Or la seule réponse de la majorité a été l’instauration des franchises médicales.

L’allongement de la durée de la vie est une avancée indéniable, nous en sommes tous d’accord. Encore faut-il que notre pays prenne la mesure de l’enjeu que représente cette évolution.

Je doute fort que l’aménagement de la journée de solidarité constitue la réponse adaptée, pas plus que le projet de loi en préparation sur le financement assurantiel de la dépendance.

Je vous ai entendue tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, annoncer qu’une négociation était en cours. Mon groupe, comme à son habitude, prendra toute sa part dans le débat parlementaire à venir.

Je tiens à dire, en conclusion, que certains propos tenus dans cet hémicycle sur le monde du travail m’ont profondément heurtée : il serait très difficile de mettre la France au travail. Je trouve cette affirmation insultante pour les femmes et les hommes qui se lèvent chaque jour pour travailler, quelquefois dans des conditions très pénibles.

C’est également insultant pour celles et ceux d’entre eux qui, ayant perdu leur emploi, se retrouvent au chômage et « galèrent » – car est le mot qu’il faut employer ! – entre les ASSEDIC, l’UNEDIC, tous ces organismes au fonctionnement desquels personne ne comprend plus rien, pour, au bout du compte, être méprisés.

J’entends parfois, dans cet hémicycle, des propos profondément choquants sur ces personnes-là. Je n’ai pas l’habitude d’insulter le MEDEF, le patronat, ou je ne sais qui d’autre.

Mme Annie David. En tout cas, pas de la manière dont certains l’ont fait aujourd’hui ! Chacun doit savoir mesurer ses propos. Les travailleurs sont tout à fait respectables et doivent être respectés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la journée de solidarité
 

5

Nomination de membres d'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques et la commission des affaires culturelles ont proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- M. Francis Grignon membre du Conseil national de la sécurité routière ;

- Mme Catherine Dumas membre de la commission du dividende numérique.

6

 
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Rappel au règlement

Lutte contre les discriminations

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (nos 241, 253 et 252).

Rappel au règlement

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Discussion générale (début)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour un rappel au règlement.

Mme Annie David. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36, alinéa 3, de notre règlement et concerne la tenue de nos débats.

Madame la secrétaire d’État, lors de l’examen du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, vous avez affirmé disposer d’un document de la Commission européenne approuvant, dans son ensemble, le projet de transposition que vous nous présentez aujourd’hui.

Vous avez précisément dit, en réponse au député Georges Pau-Langevin : « Je veux préciser que la Commission européenne a émis un avis favorable à un avant-projet que nous lui avons envoyé ».

Je dois vous dire toute ma surprise, au moins pour deux raisons.

D’une part, lorsque l’on compare les textes des différentes directives, particulièrement celui de la directive 2002/73 CE et le projet de loi, on se rend bien compte qu’ils ne sont pas similaires et que, d’ailleurs, la transposition, dans sa rédaction actuelle, ne suit pas toutes les recommandations formulées par la Commission, notamment celles qui concernent l’assistance aux victimes et leur représentation par les associations.

Cette nouvelle transposition, incomplète à plus d’un égard, pourrait donc déboucher, selon de nombreuses associations, sur une nouvelle injonction européenne.

D’autre part, si vous disposez d’un document de cette nature, dont vos propos laissent à penser qu’il serait de nature à éclairer les travaux parlementaires, je regrette que vous ne nous l’ayez pas présenté, préférant « communiquer cet avis par écrit », donc après les débats.

Je demande, par conséquent, une suspension de séance de quinze minutes, ou du temps qu’il semblera nécessaire à Mme la secrétaire d’État et à son cabinet pour nous donner connaissance dudit document avant le début de nos travaux.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Comme je l’ai expliqué lors du débat à l’Assemblée nationale, le travail avec la Commission va bien au-delà du document officiel que vous avez tous à votre disposition : les discussions continuent et nous travaillons toujours à l’amélioration de ces textes.

Nous attendons la communication du classement sans suite de cette mesure, qui doit nous parvenir incessamment. Nous ne pouvons donc pas vous remettre aujourd’hui ce document, qui est en cours d’élaboration ; il vous sera adressé dès que le projet de loi sera adopté.

Mme Annie David. Vous avez dit que vous l’aviez !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Non ! J’ai dit que je le demanderai à la Commission et que je vous le transmettrai dès que cette dernière me le fera parvenir.

Mme Annie David. Vous avez dit que la Commission avait donné un avis favorable !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Oui, elle a émis un avis favorable après les échanges qui ont eu lieu entre le Gouvernement et la Commission.

Mme Annie David. Nous avons besoin de cet avis !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Il s’agit d’un avis oral !

En effet, les choses ne sont pas figées : le travail entre le Gouvernement et la Commission ne s’arrête pas à un instant T ; la Commission émet un avis ; le Gouvernement travaille, fait progresser les discussions, explique ses positions et la rédaction proposée, argumente. Dans le cas présent, les positions du Gouvernement ayant évolué, la Commission a émis un avis favorable oral, qui donnera lieu à un classement sans suite sur cette recommandation. Vous disposerez de ce document dès l’adoption du projet de loi.

Discussion générale

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur et le grand plaisir de vous présenter ce projet de loi adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, qui a pour objet de poursuivre la mise en conformité du droit français avec le droit communautaire relatif à l’égalité de traitement et à la lutte contre les discriminations.

Il s’agit, d’une part, de compléter la transposition de trois directives communautaires relatives à l’égalité de traitement, dont la Commission estime qu’elle a été insuffisante.

Il s’agit, d’autre part, de transposer la directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services.

Je veux d’emblée souligner que, dans la perspective de la présidence française de l’Union européenne, le Gouvernement a engagé des efforts très importants pour réduire le nombre de directives qui connaissent un retard de transposition dans le droit français.

Ces efforts commencent à porter leurs fruits puisque, selon les dernières estimations de la Commission, au 10 novembre 2007, seul 1,1 % des directives communautaires serait en retard de transposition en France. Nous atteignons donc, pour la troisième année consécutive, l’objectif fixé par le Conseil européen de Stockholm d’un taux de directives en retard de transposition inférieur à 1,5 % du total des textes à transposer.

Après avoir longtemps été parmi les « lanternes rouges » de l’Europe, notre pays se situait ainsi, au second semestre de l’année 2007, au dixième rang, sur vingt-sept, des États les plus rapides à assurer la transposition des directives communautaires. Ce résultat n’est bien sûr pas un acquis, et nos efforts doivent se poursuivre.

L’adoption du projet de loi qui vous est soumis participe de ces efforts.

Il vise avant tout à mettre un terme à trois procédures d’action en manquement qui ont été lancées par la Commission à l’encontre de la France pour transposition insuffisante de directives ; j’y reviendrai.

Il anticipe également sur le travail de transposition qu’il nous faudra mener à l’avenir, puisqu’il permet l’introduction, en droit français, d’une large part des dispositions contenues dans la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, qui procède à la refonte de directives antérieures et qui doit être transposée avant le 15 août 2008.

Le projet de loi qui vous est présenté a pour objet d’introduire trois séries de nouvelles dispositions dans le droit français.

En premier lieu, il tend à préciser, à la demande de la Commission, un certain nombre de définitions : celle de la discrimination directe et indirecte, mais aussi celle des faits constitutifs de harcèlement, au sens non pas pénal mais civil du terme. Il vise, par ailleurs, à assimiler à une discrimination le fait d’enjoindre à quelqu’un de pratiquer une discrimination, ce qui permettra de donner à ces deux comportements les mêmes conséquences juridiques.

Tenu par le délai de mise en conformité imposé par la Commission, le Gouvernement a opéré une transposition littérale de ces définitions.

En deuxième lieu, le projet de loi qui vous est présenté tend à affirmer de manière explicite qu’un certain nombre de discriminations sont interdites, en reprenant précisément, là encore, les termes des directives communautaires : interdiction des discriminations fondées sur la race ou l’origine ethnique en matière de biens et services, de protection sociale, de santé, d’avantages sociaux et d’éducation ; interdiction des discriminations fondées sur le sexe, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion, l’âge, le handicap, l’orientation sexuelle ou les convictions en matière de travail et d’emploi ; interdiction des discriminations pratiquées en raison de la maternité ou de la grossesse, sauf à ce qu’il s’agisse d’en assurer la protection ; interdiction, enfin, des discriminations fondées sur le sexe en matière d’accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.

Tout en posant ces principes, le projet de loi précise, dans le strict respect des directives transposées, les dérogations qui sont autorisées au principe d’égalité de traitement. Il en va ainsi, notamment, des différences qui sont faites pour répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée.

Enfin, en troisième et dernier lieu, le projet de loi vise à renforcer les garanties qui sont accordées aux personnes victimes de discriminations. En particulier, il tend à instaurer une protection contre les mesures de rétorsion qui peuvent frapper les personnes témoignant d’une discrimination. Il a, en outre, pour objet d’aménager les règles de la charge de la preuve au profit des personnes qui engagent une action en justice pour faire reconnaître une discrimination. En effet, nous le savons bien, rien n’est plus difficile à prouver devant un juge que l’existence d’une discrimination.

L’ensemble des dispositions introduites sera d’application générale et immédiate. Celles-ci s’imposeront tant aux personnes privées qu’aux collectivités publiques. Dans le domaine professionnel, elles vaudront donc de la même manière pour les personnes qui sont employées en vertu d’un contrat de droit privé que pour les fonctionnaires, y compris les magistrats, les militaires et les fonctionnaires des assemblées parlementaires.

Vous l’aurez constaté, le texte qui vous est soumis a pour seul objet la transposition d’un certain nombre de dispositions communautaires. Je sais, pour en avoir discuté avec les membres de la commission des affaires sociales et de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, que cet exercice de transposition peut paraître insatisfaisant du point de vue de sa rédaction.

Je précise toutefois qu’il ne s’agit en aucun cas de revenir sur des acquis.

Le Gouvernement n’a pas choisi de faire de ce projet de loi de transposition un instrument d’approfondissement ou de réorientation de la politique de lutte contre les discriminations en France. Les délais imposés par les échéances de transposition et les procédures en cours ne nous en laissaient pas le temps, alors que, précisément, l’amplitude des champs couverts est immense et que la matière, moins qu’aucune autre, ne supporte l’approximation.

Mais nous allons continuer à agir avec force, car le combat pour l’égalité des chances est un combat que le Gouvernement auquel j’appartiens veut mener.

Nous reviendrons bientôt devant vous avec un projet de loi sur le statut des beaux-parents. Nous vous présenterons également un texte sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui se situera dans le prolongement de la conférence organisée le 26 novembre dernier, à la demande du Président de la République, en concertation étroite avec les partenaires sociaux. Par ailleurs, nous vous proposerons prochainement de ratifier, à l’instar de la Communauté européenne, la Convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées. Nous veillerons aussi, bien sûr, à la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui nous impose, d’ici à l’année 2015, des efforts sans précédent en faveur de la lutte contre les discriminations fondées sur le handicap.

En matière de lutte contre les violences faites aux femmes, un nouveau plan a été adopté pour la période 2008-2010 et, dans ce cadre, un groupe de travail commun au ministère de la justice et au secrétariat d’État chargé de la solidarité se met en place pour travailler à une meilleure articulation entre notre droit civil et notre droit pénal. À ma demande, ce groupe de travail élargira son périmètre à la question du harcèlement sexuel. Cette demande a été largement relayée par les associations.

Je veux enfin vous dire que notre engagement en faveur de l’égalité des chances sera au cœur de la Présidence française de l’Union européenne. Si nous avons été mobilisés contre les discriminations en 2007, année européenne de l’égalité des chances, nous le serons aussi en 2008. Nous avons d’ailleurs prévu d’organiser, à la fin du mois de septembre 2008, un sommet européen pour l’égalité des chances qui fera écho à la manifestation du même type organisée en 2007.

Par ailleurs, nous apporterons à la Commission européenne le soutien qu’elle peut attendre de la présidence en exercice pour la mise en œuvre des mesures qu’elle devrait proposer, au cours du second semestre 2008, dans une communication sur l’égalité des chances.

Après vous avoir présenté l’architecture du projet de loi, il me semble utile d’aborder devant vous un certain nombre de points soulevés à la fois par Mme le rapporteur de la commission des affaires sociales, Muguette Dini, dont je souhaite saluer le travail tout à fait remarquable, et par Mme le rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Christiane Hummel. Les avis de la délégation constituent toujours des références appréciables, qui nous aident à faire progresser la législation vers une meilleure prise en compte de la situation des femmes, et je tiens à souligner ici l’action déterminée de sa présidente, Mme Gisèle Gautier.

Les deux rapports se sont rejoints sur un constat commun, à savoir la difficulté de concilier la logique du droit communautaire avec celle du droit français, ce qui explique, madame le rapporteur, le dépôt de plusieurs amendements visant à rectifier les définitions transposées littéralement du droit communautaire.

Vous le savez bien, il sera difficile, voire impossible pour le Gouvernement d’entrer dans un tel débat, même si, sur le plan intellectuel, on peut sans difficulté concevoir les réticences engendrées par telle ou telle formulation.

Cependant, sur le fond, lorsqu’elle a adopté le premier texte entérinant ces définitions, la France s’est engagée à respecter les directives qui s’imposent désormais à son droit interne. On peut juger cela insatisfaisant, et j’entends bien vos remarques et vos analyses. Mais la seule conclusion que je me permettrai de tirer de ce travail est que notre vigilance, lors de l’adoption des textes communautaires, doit être forte, de la part du Gouvernement comme du Parlement, et que nous devons apprendre à davantage influer sur la construction des directives.

Mesdames les rapporteurs, vous vous êtes interrogées sur l’obligation d’une transcription « mot à mot ». Je voudrais simplement souligner que la Commission européenne a relevé dans ses mises en demeure et avis motivés que la « formulation adoptée dans la directive est importante afin de déterminer les situations de discrimination à travers la méthode comparative […] dans le passé, le présent ou le futur ».

La France ne pourra pas s’abstenir de reprendre cet aspect essentiel de la définition de la discrimination directe en droit communautaire, qui constitue une garantie importante de la protection ainsi recherchée contre les discriminations directes. En l’espèce, il est fort probable que, si cette temporalité n’était pas reprise dans le projet de loi, la Commission n’hésiterait guère à saisir la Cour de justice des communautés européennes d’un recours en manquement.

Enfin, on peut noter que d’autres États européens tels que le Luxembourg, l’Espagne et l’Italie ont été conduits à intégrer le conditionnel dans leur définition de la discrimination directe.

Fallait-il choisir d’étendre le champ de la définition de la discrimination à l’article 2 ?

Je sais que certaines associations nous reprochent de ne pas avoir fait le choix d’aller au-delà de nos obligations communautaires afin d’élargir le nombre de motifs visés pour chaque champ. Je souhaiterais exprimer ici ma conviction profonde, qui me conduit à rejeter toute discrimination, qu’elle soit fondée sur le sexe, le handicap, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, l’âge ou la religion. Mais, de fait, la rédaction retenue à l’article 2 prend en compte les discriminations fondées sur la religion, l’âge, le handicap et l’orientation sexuelle uniquement lorsqu’elles s’exercent dans le champ du travail et de l’emploi.

Ce choix s’explique de deux manières.

D’une part, dans la mesure où la Commission européenne envisage de refondre l’ensemble des directives, le Gouvernement n’a pas jugé souhaitable d’aller au-delà de nos obligations communautaires sans avoir procédé à une consultation préalable de nos partenaires européens. Agir différemment aurait abouti à anticiper sur le résultat de ces travaux à l’échelon européen.

D’autre part, si nous constations qu’au niveau européen de réels blocages ne permettent pas d’avancer de manière significative, il serait alors temps pour le Gouvernement d’aller plus loin. Mais, pour ce faire, nous devrions procéder à une étude d’impact approfondie qui nous assurerait que l’extension du champ de la non-discrimination ne se traduirait pas par des effets pervers ou inattendus. De fait, et c’est d’ailleurs le cas de la présente loi, pour les femmes, l’interdiction d’une discrimination peut parfois être assortie d’exceptions limitées, juridiquement justifiées et qui doivent être expertisées soigneusement, ce qui n’a pu être le cas pour d’autres motifs dans le cadre du texte qui vous est présenté aujourd’hui.

Je souhaite donc rassurer complètement votre assemblée sur ce point : l’exercice volontairement circonscrit auquel se prête le Gouvernement ne préjuge pas d’autres avancées, s’il se vérifie, à l’issue de la présidence française, qu’il ne nous aura pas été possible de défendre suffisamment ce dossier au niveau communautaire

Faut-il prendre en compte la paternité au même titre que la maternité ?

Les directives transposées ont clairement posé le principe d’une asymétrie entre les principes de non-discrimination posés en raison de la maternité et ceux qui sont posés en raison de la paternité. Revenir sur cette asymétrie, ce serait affaiblir la force du principe posé par les directives selon lequel des mesures de faveur peuvent être prises en raison de la maternité.

Car l’objet des directives, ce n’est pas tant de traiter les mères plus favorablement que les femmes qui ne sont pas mères : c’est de traiter les mères plus favorablement que les pères. La transposition de ces directives par la France ne peut pas aller contre cette volonté, sous peine de s’exposer au risque de nouvelles procédures d’infraction.

Je ne voudrais pas terminer cet exposé sans avoir dit quelques mots des conditions dans lesquelles s’inscrit le projet de loi qui vous est proposé.

La reprise des termes mêmes des directives en ce qui concerne, notamment, la définition des notions de discrimination ou de harcèlement doit nous permettre de mettre fin à des procédures d’infraction actuellement en cours. Une interprétation trop libre par rapport aux observations de la Commission pourrait ouvrir la voie à de nouvelles mises en demeure. Vous comprendrez sans peine que le Gouvernement ne souhaite pas exposer notre pays à ce risque. Je mesure bien combien, pour les législateurs que vous êtes, cet exercice peut paraître contraint.

Notre débat permettra, je le souhaite, un échange fructueux et constructif, et j’espère qu’à son terme vous pourrez mieux appréhender la logique qui a prévalu dans l’élaboration de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis transpose partiellement ou intégralement cinq directives communautaires dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Alors que les deux dernières directives, qui datent de 2004 et 2006, n’ont pas encore été transposées, les trois premières, qui remontent à 2000 et 2002, ont déjà fait l’objet d’une transposition. Mais la Commission européenne a estimé que celle-ci était incomplète et a engagé trois actions en manquement contre l’État français. Il nous est proposé, aujourd’hui, de régulariser les trois premières directives et de transposer partiellement les deux dernières.

On peut comprendre et approuver le Gouvernement, qui souhaite soigner l’image européenne de la France trois mois avant de prendre la présidence de l’Union. Son objectif, au travers de ce projet de loi, est de mettre la France à l’abri de toute procédure judiciaire en répondant un à un aux griefs de la Commission européenne.

Cet objectif est parfaitement légitime, madame la secrétaire d’État, mais il ne doit pas conduire les parlementaires que nous sommes à fermer les yeux sur le contenu du texte. Il est en effet de notre devoir et de notre responsabilité de vérifier que le projet de loi est conforme à l’intérêt général et ne pose pas de problème particulier.

Or certains points du texte soulèvent des interrogations ; les différents entretiens que j’ai pu avoir avec des professeurs de droit ou des membres de la Cour de cassation me l’ont confirmé. Les circonstances de cette transposition de directives en sont une preuve supplémentaire : voilà huit ans que les deux premières directives ont été adressées à la France et cinq ans qu’elles auraient dû être entièrement transposées ; pourtant, c’est dans l’urgence qu’une telle transposition nous est soumise.

On comprend bien que la France souhaite être irréprochable avant d’assurer la présidence de l’Union européenne. Mais on se demande aussi pour quelles raisons ces directives n’ont pas été transposées correctement et dans les bons délais.

Quels sont les éléments qui ont gêné les gouvernements précédents, lesquels n’ont pas transposé l’intégralité des directives ? Y a-t-il dans ces dernières des points qui ne sont pas compatibles avec notre justice et notre droit ? Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il ne faut sans doute pas chercher les réponses ailleurs que dans le contenu, difficilement adaptable à notre droit, de certains points de ces directives.

J’aborderai donc maintenant le fond du débat.

Le projet de loi comporte quatre éléments nouveaux. Il redéfinit les notions de discrimination et de harcèlement en reprenant les définitions communautaires. Il interdit les discriminations fondées sur le sexe en matière d’accès aux biens et services. Il généralise l’aménagement de la charge de la preuve à tous les contentieux qui concernent les discriminations. Il prévoit, enfin, que les interdictions en matière de discrimination s’appliquent à toutes les personnes publiques ou privées, y compris celles qui exercent une activité professionnelle indépendante.

L’Assemblée nationale a, par ailleurs, prévu que les cinq premiers articles du projet de loi et les articles du code du travail correspondants seront affichés dans les lieux de travail.

En apparence, donc, le texte constitue un progrès, car il renforce les moyens de la lutte contre toutes les discriminations, ce qui ne peut qu’appeler notre total soutien. Si j’emploie les termes « en apparence », c’est parce que, comme je vais essayer de vous le montrer maintenant, le projet de loi soulève plusieurs problèmes préoccupants.

D’abord, et c’est le point le plus important, le texte pratique l’amalgame entre l’inégalité de traitement et la discrimination. La définition de la discrimination directe, reprise des directives, est la suivante : « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou à une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable. ». Le texte laisse ainsi penser qu’une inégalité de traitement est toujours due à une discrimination.

Or le droit français, au contraire, veille à distinguer clairement les deux notions, la Cour de cassation rappelant régulièrement qu’« une différence de traitement entre plusieurs salariés d’une même entreprise ne constitue pas nécessairement une discrimination ». La distinction peut paraître subtile, mais elle comporte un enjeu fondamental.

Je vais illustrer cette remarque par un exemple : deux secrétaires – une femme et un homme – travaillent dans la même entreprise. Il se trouve qu’ils effectuent les mêmes tâches et ont le même niveau de compétence. Pourtant, la femme est moins bien payée. Deux voies juridiques s’offrent alors à elle pour obtenir l’égalité de traitement, et c’est ici qu’intervient la différence fondamentale que j’évoquais.

Soit elle choisit d’insister sur le fait qu’elle est une femme et, en tant que telle, victime d’une discrimination, et c’est la voie du droit communautaire ; soit, au contraire, elle n’invoque pas le fait qu’elle est une femme et elle s’appuie sur le principe d’égalité de traitement, en vertu duquel les salariés placés dans une situation identique doivent être payés de façon identique.

À l’arrivée, le résultat sera identique, certes, mais l’état d’esprit qui sous-tend la démarche sera profondément différent et ses effets sur les rapports sociaux ne seront pas les mêmes. D’un côté, le droit vous conduit à insister sur vos différences, vos caractéristiques particulières – le sexe, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle – et à vous placer en victime pour réclamer l’égalité. De l’autre, il vous encourage à invoquer un principe commun à tous, l’égalité de traitement, et vous conforte de ce fait dans une posture positive et constructive.

Derrière cette question juridique se profile donc une interrogation de fond : au travers du combat contre les discriminations, veut-on inciter au repli sur soi, à la mise en exergue des identités particulières, à l’appartenance à une communauté, ou veut-on insister sur les valeurs et les principes communs ? Veut-on nous engager dans une politique d’encouragement au communautarisme promu dans les pays anglo-saxons, ou veut-on rester fidèle à notre conception latine du vivre ensemble ?

Je crains, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, que le projet de loi ne nous entraîne sur le chemin du communautarisme, et je le regrette. Il est vraiment dommage que nos principes n’aient pas été mieux défendus lors de la négociation des directives à Bruxelles. Cela étant, nous avons des marges de manœuvre pour limiter les effets négatifs du texte ; j’y reviendrai.

Le deuxième problème que soulève le projet de loi est l’insécurité juridique qu’il risque de provoquer. En effet, le texte comporte plusieurs définitions communautaires, qui se caractérisent par une grande confusion ; je sais que cette analyse est partagée par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Par exemple, la définition de la discrimination directe se termine par les mots suivants : « une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait ».

La dimension fictive de la comparaison, dont témoigne l’emploi du conditionnel « ne serait », est inquiétante, car elle ouvre la porte à des condamnations fondées sur des hypothèses invérifiables : comment prouver qu’il y a discrimination si des éléments de comparaison objectifs n’existent pas ?

Le même problème se pose avec la définition de la discrimination indirecte, définition qui évoque « une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner [...] un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes ».

Là encore, le texte risque de conduire à des condamnations fondées sur de simples suppositions : une personne pourrait être sanctionnée pour avoir instauré une disposition, un critère ou une pratique ne créant pas de discrimination, mais « susceptible », d’après le juge, de la créer. On frôle ici le procès d’intention et cette disposition me paraît très contestable.

La manière de traiter le harcèlement sexuel dans le projet de loi mérite également toute notre attention : le texte reprend la définition communautaire sans supprimer celle qui est déjà en vigueur en droit français. Nous aurons donc deux définitions distinctes du harcèlement sexuel en matière civile, ce qui pose, bien sûr, un problème d’égalité devant la loi : des individus placés dans des situations semblables pourront se voir appliquer un jugement différent selon que l’une ou l’autre définition sera invoquée par l’avocat et retenue par les magistrats.

Par ailleurs, la définition communautaire du harcèlement sexuel est extrêmement large : « tout agissement… – au singulier –… à connotation sexuelle subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; ». On voit bien qu’une définition aussi vague revient à transférer au juge le soin de la préciser, donc de dire la loi. En l’état actuel, ce texte ne nous semble pas satisfaisant.

Vous nous avez confié, madame la secrétaire d'État, que nous n’avions pas le choix, parce que les points que nous évoquons sont des points durs pour la Commission européenne, des points sur lesquels elle ne veut rien entendre et qui la conduiraient à poursuivre son action en manquement si nous y touchions.

Je ne suis pas du tout insensible à cet argument et je souhaite évidemment, comme tous les Français, que la France aborde la présidence de l’Union dans les meilleures conditions possibles. Mais je veux revenir sur les prétendus risques que nous prenons en essayant de concilier au mieux les directives européennes et notre droit.

D’abord, l’avis de la Commission européenne n’est pas celui de la Cour de justice des communautés européennes. La Commission européenne peut tout à fait soutenir une thèse, la France en plaider une autre et la Cour de justice trancher en faveur de la France.

Or, en l’espèce, je crois vraiment que la position de la Commission européenne n’est pas très respectueuse du traité européen et que le droit est plutôt de notre côté.

L’article 249 de ce traité dispose, en effet : « la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ».

Le résultat à atteindre ici, c’est le recul des discriminations dans les domaines où les directives les interdisent. Nous ne pouvons qu’être d’accord sur cette dimension positive du projet de loi : l’élargissement du champ d’interdiction des discriminations.

Mais, s’agissant de la forme et des moyens qui sont laissés aux États membres, notre devoir est d’y réfléchir ; il est de notre responsabilité d’en débattre pour qu’ils soient les plus appropriés à notre histoire et à notre droit.

Or, comme il me semble l’avoir montré, la tonalité communautariste du projet de loi et le pouvoir considérable qu’il confie au juge sont très éloignés de notre tradition historique et juridique. Il n’est donc pas du tout certain que, en l’état actuel, le texte contribuera à un combat plus efficace contre les discriminations.

Si, donc, en toute bonne foi, nous amendons, comme nous y invite le traité européen, la forme et les moyens proposés par la directive pour renforcer le résultat à atteindre, c’est-à-dire une lutte plus énergique contre les discriminations, je ne vois réellement pas ce que la Commission européenne, si elle est aussi de bonne foi, pourra nous reprocher.

De toute façon, quand bien même la Commission persisterait dans une interprétation restrictive de l’article 249 et maintiendrait son recours en manquement, son attitude ne porterait pas atteinte à l’image de la France pendant la présidence de l’Union, puisque le temps de la procédure judiciaire européenne conduirait la Cour de justice à rendre sa décision au plus tôt au début de l’année 2010. Et encore une fois, au vu du traité européen, je pense vraiment que la Cour nous donnerait raison.

Enfin, je veux souligner que cette exigence, qui nous pousse à adapter le mieux possible le droit communautaire aux valeurs de notre pays et à ne pas céder aux objections de la Commission européenne quand elles ne nous paraissent pas fondées, sera utile au Gouvernement lui-même lorsqu’il négociera les prochaines directives sur les discriminations ou sur d’autres sujets.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

Mme Muguette Dini, rapporteur. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les modifications que nous allons proposer vont peut-être compliquer un peu, sur le moment, les relations du Gouvernement avec la Commission européenne,…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh, même pas !

Mme Muguette Dini, rapporteur. …mais je suis convaincue qu’elles ne feront aucun tort à la présidence française de l’Union. En outre, et surtout, elles donneront au Gouvernement plus de force pour défendre en Europe, lors des négociations à venir, les valeurs universalistes de notre pays dans la lutte contre les discriminations.

C’est pourquoi, tout aussi soucieuse de soutenir le Gouvernement dans sa préparation de la présidence de l’Union que de défendre nos principes les plus fondamentaux, la commission des affaires sociales vous propose, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi, sous réserve des amendements qu’elle a approuvés à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP, ainsi que sur des travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Hummel, rapporteur.

Mme Christiane Hummel, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que la commission des affaires sociales ait souhaité recueillir notre avis sur les conséquences pour les droits des femmes et pour l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du projet de loi dont nous discutons cet après-midi.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est normal !

Mme Christiane Hummel, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Ce texte porte, en effet, sur un thème qui est au cœur de nos préoccupations : la lutte contre les discriminations et, en particulier, celles qui sont fondées sur le sexe. Je note que, sur les cinq directives dont le projet de loi assure ou améliore la transposition, trois directives traitent exclusivement de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

Au cours de la réunion qu’elle a consacrée à l’examen de ce texte la semaine dernière, notre délégation a formulé six recommandations, que je vous présenterai rapidement.

D’abord, un double constat s’impose : la transposition de ces directives est urgente et les exigences très précises de la Commission européenne imposent souvent une reprise presque littérale de leurs dispositions.

Dès lors, le Gouvernement a fait le choix d’opérer une transposition au plus près et de maintenir l’essentiel des nouvelles dispositions dans un texte spécifique, plutôt que de les intégrer dans les codes et lois en vigueur et d’opérer une fusion avec les dispositifs actuels, très étoffés, de lutte contre les discriminations du droit français.

Certes, cette démarche présente l’avantage d’être inattaquable au regard des exigences précises formulées par la Commission européenne. Mais elle aboutit à un dispositif complexe, où les définitions que donne le droit français des notions de discrimination, de harcèlement sexuel et de harcèlement moral coexisteront avec les définitions voisines, mais non identiques, données par le projet de loi, sans que l’articulation entre ces différentes notions soit vraiment précisée.

Cette complexité nous paraît particulièrement regrettable dans un domaine où la loi doit être intelligible, surtout pour les victimes. Notre délégation a donc formulé une première recommandation, visant à inciter le Gouvernement à ne pas en rester là et à revenir sur ces dispositions dans un proche avenir pour aboutir à un corpus de règles plus homogène et, surtout, plus compréhensible.

Au demeurant, et c’est notre deuxième recommandation, les pouvoirs publics doivent non pas se borner à perfectionner un arsenal juridique déjà considérable, mais s’attacher à en améliorer l’application, car la France doit veiller particulièrement à ne plus encourir le reproche d’être le pays des réformes symboliques.

Notre délégation a examiné attentivement les effets attendus de l’introduction en droit français des définitions données par les directives des notions de « discrimination directe » et de « discrimination indirecte ». Celles-ci peuvent constituer des leviers bien adaptés à la promotion d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes.

Ainsi, la définition de la discrimination directe, en permettant des comparaisons hypothétiques, peut contribuer à assouplir le recours à des procédures dites de « test de discrimination », dont le président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité nous a indiqué, au cours de son audition, qu’elles étaient actuellement trop strictement encadrées par la jurisprudence des tribunaux français.

Quant à la définition de la discrimination indirecte, elle peut permettre au juge de dépasser les apparences d’une égalité de traitement pour mesurer l’effet concret d’une disposition.

La consécration, par le projet de loi, de ces définitions est donc appréciable, mais leur application devra être bien encadrée, car leur caractère est extrêmement large : comme l’a dit Mme le rapporteur de la commission, nous devrons veiller à ce que certaines expressions, par exemple l’emploi du conditionnel « ne le serait », ne puissent entraîner des dérives et alimenter des procès d’intention dont nous ne voulons pas.

Telle est la préoccupation que nous exprimons dans notre troisième recommandation.

Dans notre quatrième recommandation, nous préconisons une simplification du dispositif, qui n’autorise, actuellement, dans le code du travail, les différences de traitement fondées sur le sexe en matière d’emploi que pour les professions de comédien, de mannequin ou de modèle. Ce dispositif est sans doute trop rigide.

Plutôt que de chercher à actualiser, profession par profession, la liste des dérogations autorisées, nous pensons qu’il vaut mieux s’appuyer sur la combinaison des deux critères proposés dans le projet de loi : celui de l’objectif légitime et celui de l’exigence proportionnée. Nous nous réjouissons donc que l’amendement n° 5 de la commission des affaires sociales donne une traduction législative à cette recommandation.

J’insisterai, pour finir, sur deux dispositions qui nous paraissent appeler des réserves, voire des objections.

La première d’entre elles vise à ce que l’égalité entre les sexes pour l’accès aux biens et services n’interdise pas d’organiser des enseignements en regroupant les élèves en fonction de leur sexe. Certes, une application trop absolue du principe d’égalité entre les sexes pour l’accès au « service » que constitue l’enseignement aurait pu entraîner des effets indésirables, par exemple sur le maintien d’établissements privés non mixtes ou sur la constitution d’équipes masculines ou féminines dans les compétitions sportives en milieu scolaire et universitaire. La loi devait donc sans doute prévoir une dérogation à ce principe, mais notre délégation souhaite, dans une cinquième recommandation, rappeler notre attachement à l’objectif de mixité inscrit à l’article L. 121–1 du code de l’éducation et inciter le Gouvernement à la vigilance.

Il ne faudrait pas que cette dérogation soit utilisée pour remettre en question, pour des motifs culturels ou religieux, la bonne intégration des jeunes filles aux activités, notamment sportives, des établissements d’enseignement.

Nous nous élevons contre l’organisation d’enseignements distincts qui reproduiraient des stéréotypes sexués contre lesquels il convient, au contraire, de lutter.

Enfin, nous nous interrogeons sur la portée de la seconde disposition qui semble devoir dispenser « le contenu des médias et de la publicité » de toute obligation en matière de discrimination en raison de l’appartenance à un sexe. Son sens ne nous paraît pas clair, et l’on peut craindre que cette mesure n’ait pour objet, plus ou moins avoué, d’autoriser des représentations discriminatoires de la femme et, pourquoi pas, de l’homme dans les médias et la publicité.

Nous exprimons donc nos plus expresses réserves à l’égard de cette disposition qui prend le contre-pied des conclusions de nos récents travaux consacrés à l’image de la femme dans les médias, dans le prolongement desquels s’inscrit justement la réflexion confiée par le Gouvernement à la commission présidée par Michèle Reiser.

Conformément à notre sixième recommandation, j’ai déposé, avec la présidente de notre délégation, Gisèle Gautier, et plusieurs de nos collègues, un amendement visant à la suppression de cette mesure.

Sous réserve de l’adoption de ces six recommandations, et sous le bénéfice des observations que je vous ai présentées, la délégation s’est déclarée favorable à l’adoption du projet de loi, car, malgré ses défauts, il devrait contribuer à faire avancer la cause de l’égalité entre les hommes et les femmes, cause à laquelle nous savons, madame la secrétaire d’État, que vous êtes particulièrement attachée. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, parmi les cinq directives européennes devant être transposées dans notre droit interne, trois d’entre elles concernent spécifiquement la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes.

Il s’agit là d’un sujet qui se trouve au cœur des préoccupations de notre délégation.

Je parlerai, dans un premier temps, des discriminations fondées sur le genre. Celles-ci sont fréquentes, même si les femmes elles-mêmes n’en ont pas forcément conscience et n’osent pas toujours s’en plaindre. Ainsi, au cours de son audition devant notre délégation, Louis Schweitzer, président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, a fait état de sondages selon lesquels de nombreuses femmes avaient le sentiment d’être « moins bien traitées » que les hommes, sans pour autant parler de « discriminations ».

De fait, les saisines de la HALDE par des femmes s’estimant défavorisées pour des raisons liées à leur sexe sont actuellement très peu nombreuses. Elles n’osent pas, en définitive, se plaindre de ces inégalités de traitement, pourtant bien réelles.

D’après les chiffres avancés par le Gouvernement lors de la Conférence sur l’égalité professionnelle et salariale du 26 novembre 2007, à laquelle vous-même, madame la secrétaire d’État, et M. Bertrand avez bien voulu m’inviter, dans la vie professionnelle, l’écart entre les salaires mensuels moyens des hommes et des femmes était de l’ordre de 25 % en 2002 – en légère baisse –, 5 à 11 % ne pouvant être expliqués par aucun facteur structurel et constituant donc une véritable discrimination salariale.

Les nombreux travaux de notre délégation sur ce sujet l’ont montré : les inégalités salariales persistent malgré un imposant arsenal législatif.

Je me félicite donc de la volonté du Gouvernement de passer au stade des sanctions à l’égard des entreprises qui n’auraient pas pris de mesures pour résorber les inégalités salariales avant la fin de l’année 2009 ; cela devrait faire l’objet d’un prochain projet de loi. Jusqu’à présent, les différents textes de loi sur les inégalités salariales que nous avons votés se contentaient de menaces ; il faut maintenant agir.

Pour l’heure, le projet de loi qui nous est soumis a pour seul objet de transposer des directives européennes, ce qui ne laisse qu’une faible marge de manœuvre au législateur, ainsi que vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État.

Les définitions européennes de la discrimination directe et de la discrimination indirecte peuvent s’avérer intéressantes pour la promotion d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes, car elles permettent de viser des formes de discrimination insidieuse ne se traduisant pas toujours par des mesures directement défavorables.

Permettez-moi cependant de regretter qu’en superposant les définitions retenues dans les directives aux dispositions déjà prévues dans nos différents codes, ce projet de loi aboutisse à alourdir et à complexifier le droit applicable, au détriment de sa clarté et de sa lisibilité pour les victimes de discriminations.

Tel est le cas, par exemple, en matière de harcèlement sexuel. Il faudra bien, un jour, madame la secrétaire d’État, remettre l’ouvrage sur le métier pour parvenir à une meilleure cohérence d’ensemble et à une harmonisation des dispositions existant dans les différentes branches de notre droit.

C’est là l’une des principales recommandations de la délégation aux droits des femmes, qui a également insisté, dans ce domaine comme dans d’autres, sur la nécessité de ne pas se contenter « d’empiler les lois » : il faut veiller davantage à leur application concrète.

Je souhaiterais en outre évoquer plus particulièrement deux dispositions du texte qui me paraissent préoccupantes quant à leurs conséquences potentielles sur le droit des femmes.

D’une part, la disposition autorisant l’organisation d’enseignements en regroupant les élèves en fonction de leur sexe ne doit pas remettre en cause le principe fondamental de la mixité dans notre système d’éducation ni permettre la reproduction de stéréotypes sexués contre lesquels nous cherchons justement à lutter.

D’autre part, et je voudrais exprimer ma vive préoccupation à cet égard, la mesure prévoyant une exception au principe de l’interdiction des discriminations fondées sur le sexe en matière de contenu des médias et de publicité laisse à penser que des représentations sexistes et discriminatoires de la femme pourraient être autorisées.

Cette disposition est d’autant plus inquiétante que la délégation a justement dénoncé, dans son dernier rapport d’activité, de fréquentes dérives dans l’utilisation de l’image de la femme dans les médias, avec des atteintes persistantes et récurrentes à la dignité de la personne humaine dans de nombreuses publicités choquantes et dévalorisantes pour la femme.

La délégation a donc recommandé la suppression de cette mesure, qui nous paraît, à vrai dire, incompréhensible. Avec Mme Hummel et d’autres collègues, j’ai cosigné un amendement en ce sens. Nous y reviendrons donc au cours de la discussion des articles.

Enfin, madame la secrétaire d’État, si vous le permettez, je souhaiterais saisir l’occasion de votre présence dans cet hémicycle pour exprimer mon inquiétude devant les perspectives de réorganisation administrative des délégations régionales aux droits des femmes et à l’égalité. Bien sûr, cette question n’a pas de lien direct avec le sujet que nous traitons aujourd’hui, mais mon devoir était de la soulever, car ces délégations constituent un instrument essentiel de la politique en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Les nombreux appels que j’ai reçus attestent cette crainte.

Nous n’ignorons pas que la révision générale des politiques publiques engagée depuis près d’un an fait actuellement l’objet d’arbitrages ministériels et de décisions de programmation définitives. Les délégations régionales et départementales aux droits des femmes et à l’égalité des chances paraissent menacées puisqu’elles feraient l’objet d’une absorption par les directions régionales des affaires sanitaires et sociales et les directions de la jeunesse et des sports. Une telle orientation ne risquerait-elle pas de rendre moins visible l’action de ces délégations ? Jusqu’à ce jour, celles-ci étaient rattachées aux préfets de région. Leur mission était donc soutenue et reconnue et donnait à leurs interventions une légitimité pour défendre le droit des femmes sur le plan départemental et régional.

Le manque de visibilité de ces délégations dans une organisation intégrée regroupant la jeunesse et les sports ainsi que les affaires sociales et l’absence de prise en compte de la spécificité de leur action au titre, par exemple, de l’égalité professionnelle, reviendrait à occulter l’ampleur des difficultés dont souffre la population féminine de notre pays.

Sur ce chapitre, j’aimerais savoir, madame la secrétaire d’État, ce que prévoit le Gouvernement en la matière. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je vais essayer de rétablir un peu de parité à cette tribune ! (Sourires.)

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission des lois n’a pas examiné ces projets de directive. Néanmoins, force est de reconnaître que la détermination des préjudices liés aux discriminations se heurtant à la multiplicité des définitions qu’en donne notre droit, tant pénal que civil, en matière de réparations, notre œuvre législative facilitera certainement le travail des tribunaux et enrichira sans doute les conclusions de certains défenseurs.

Cette situation pose un vrai problème dans notre législation, alors que nous avons délibéré pendant des heures sur ce qu’est, en particulier, le harcèlement.

D’ailleurs, je ne comprends pas que la France ait pu faire l’objet d’un recours en manquement de la part de la Commission européenne, dans la mesure où notre législation est, nous semble-t-il, extrêmement élaborée. S’il faut aller jusqu’à détailler les termes, cela relève non pas des directives, mais des règlements, que l’on pourra appliquer directement. Ce sera beaucoup plus simple !

Dans ces matières sensibles, il est délicat d’obtenir, en droit européen, une véritable cohérence dans les termes. Cela étant, madame la secrétaire d’État, ce n’est pas pour vous dire cela que je suis monté à la tribune aujourd’hui, vous le savez bien !

Le 21 novembre dernier, je le rappelle, le Sénat a adopté une proposition de loi prévoyant une réforme d’ensemble des règles de prescription en matière civile.

Ces règles s’avèrent en effet à la fois pléthoriques, complexes et inadaptées. Elles sont source d’insécurité juridique, de contentieux et de malaise en raison de l’impression d’arbitraire qu’elles peuvent donner. La technicité du sujet ne doit pas masquer son importance pour la vie de nos concitoyens et la compétitivité de notre droit.

La réforme que nous avons adoptée voilà déjà plus de quatre mois s’articule autour de trois axes : la réduction du nombre et de la durée des délais de la prescription extinctive, le délai de droit commun passant de trente ans à cinq ans ; la simplification de leur décompte ; enfin, l’autorisation encadrée de leur aménagement contractuel.

Cette réforme avait été soigneusement préparée.

Tout d’abord, une mission d’information conduite par Richard Yung, Hugues Portelli et moi-même a réalisé, entre les mois de février et de juin 2007, plus de trente auditions, qui lui ont permis de formuler de nombreuses recommandations. J’ai ensuite pris l’initiative, au cours de l’été, de traduire ces recommandations en une proposition de loi. Enfin, le contenu de cette proposition de loi a été enrichi non seulement par son rapporteur, Laurent Béteille, mais aussi par plusieurs de nos collègues – je pense notamment à Michel Dreyfus-Schmidt – et par le Gouvernement.

Telles sont sans doute les raisons pour lesquelles cette réforme a fait l’objet d’un large consensus : personne ne s’y est opposé, elle a été adoptée par tous les groupes de notre assemblée, seuls nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen s’étant abstenus. On peut même parler, sur le plan réglementaire, d’unanimité, puisque « qui ne dit mot consent » !

Pourtant, le travail du Sénat a été violemment mis en cause dans la presse. Se faisant l’écho des inquiétudes d’un collectif comprenant notamment des syndicats de salariés, de magistrats et d’avocats, certains journalistes et certaines personnalités ont fait grief à notre assemblée de « s’en prendre discrètement à tous les discriminés », singulièrement aux victimes de discriminations au travail.

Avec la réduction de trente ans à cinq ans du délai de droit commun de la prescription extinctive, « les victimes n’auraient plus que cinq ans pour porter plainte et, si le préjudice est reconnu, les indemnités ne porteraient plus que sur les cinq dernières années ». Je ne cite ici que les phrases les plus convenables ; celles qui concernaient la commission des lois du Sénat et son président étaient encore plus assassines !

Madame la secrétaire d’État, plusieurs députés ont relayé ces inquiétudes lors de l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui. Nous sommes tombés des nues !

Bien évidemment, l’intention des nombreux sénateurs qui ont voté la proposition de loi n’était pas de réduire les droits des victimes de discriminations, et nous n’avons pas travaillé en catimini. Les débats au sein de notre assemblée ne suscitent aucune réaction pendant quatre ou cinq mois, puis c’est une explosion de critiques, sans aucun dialogue !

Je tiens d’ailleurs à souligner que les incidences de la proposition de loi sur les délais pour agir et le droit à réparation des victimes ne sont pas celles qui ont été décrites dans la presse.

Si la durée du délai de droit commun de la prescription extinctive est effectivement réduite de trente ans à cinq ans, encore convient-il d’observer que ce délai ne commencerait à courir qu’à compter du jour où « le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Or, en la matière, le point de départ de la prescription importe plus que sa durée. Un salarié victime d’une discrimination pourrait ainsi invoquer des faits remontant à plusieurs dizaines d’années en arrière, dès lors qu’il en aurait eu connaissance tardivement sans avoir commis de faute. Je vous rappelle que nous avions beaucoup insisté sur la jurisprudence existante en matière d’accidents corporels ou de maladies professionnelles.

En outre, comme l’a indiqué la Cour de cassation, l’action devant le conseil de prud’hommes est une action non pas en paiement de salaires – nous avons veillé à maintenir les délais dans ce cas –, mais en réparation du préjudice résultant d’une discrimination. Il s’agit donc d’une question d’évaluation du montant des dommages et intérêts, indépendante de celle de la recevabilité de la demande. Or, en la matière – nous n’avons pas remis en cause la jurisprudence, qui est constante –, le principe est celui de la réparation intégrale du préjudice, quels que soient les délais pour agir.

Nous ne pouvions pas en rester là, puisqu’il y avait apparemment incompréhension totale. Certains, qui s’érigent en meilleurs juristes que nous, ont même affirmé des choses qui ne figuraient pas dans le texte ! Par souci d’apaisement, Laurent Béteille, Richard Yung et moi-même nous sommes entretenus avec des représentants du collectif qui s’était constitué à cette occasion.

À la suite de ces échanges qui ont, je le pense, permis de dissiper tout malentendu sur les intentions du Sénat, nous nous sommes engagés à proposer une rédaction permettant de garantir les droits des victimes de discriminations au travail sans ambiguïté.

Tel est l’objet des deux amendements identiques nos 8 et 22 que Laurent Béteille et Richard Yung vous présenteront lors de la discussion des articles.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile avait dû être examinée très rapidement à l’Assemblée nationale, nous aurions pu attendre. Cependant, son inscription à l’ordre du jour de cette dernière n’ayant pas été prévue, nous attachons la plus grande importance à ces amendements, compte tenu du climat qui s’est instauré. Nous devons apaiser la situation le plus rapidement possible, sans attendre un éventuel examen du texte par l’Assemblée nationale.

Le Sénat a été injustement mis en cause. Nous souhaitons ardemment qu’il lui soit donné acte de sa bonne foi. Nous souhaitons non moins ardemment que la réforme d’ensemble du droit de la prescription en matière civile puisse être définitivement adoptée avant la fin de l’été. Elle s’avère en effet nécessaire, consensuelle et urgente, si le Gouvernement souhaite toujours, comme l’avait souligné Mme le garde des sceaux, qu’elle constitue la première étape d’une réforme prochaine du droit des obligations.

Plusieurs propositions de loi déposées par des députés et dont l’utilité n’est pas toujours aussi évidente, reconnaissons-le, que celle de la réforme des règles de prescription en matière civile ont été ou sont sur le point d’être adoptées définitivement. Nous aimerions que les initiatives du Sénat puissent, elles aussi, aboutir rapidement.

Je tiens à votre disposition, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la liste des propositions de loi émanant de l’Assemblée nationale que nous allons examiner au Sénat. Nous souhaiterions que la réciproque fût vraie : lorsque nous proposons une réforme d’ensemble des prescriptions ou une refonte de la législation funéraire, que nous avions elle aussi adoptée à l’unanimité, il me semble que ces travaux méritent une certaine considération. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui a pour objet de mettre en conformité le droit français avec le droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Il s’agit de transposer la directive mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes en matière de fourniture de biens et services et d’accès à ceux-ci, ainsi que de compléter la transposition déjà opérée, mais estimée insuffisante par la Commission européenne, de trois directives relatives à l’égalité de traitement.

Cela étant, une nouvelle fois, c’est dans l’urgence et sans véritable concertation avec les associations, en particulier les syndicats, que nous devons travailler. C’est visiblement le mode de fonctionnement de ce gouvernement, qui, depuis qu’il est au pouvoir, fait passer tous les textes importants en urgence, empile des lois qui ne s’appliquent finalement pas faute des moyens ou des décrets nécessaires.

Cela ne nous convient pas. Nous travaillons dans l’urgence, donc, et sous la pression de l’Europe. En effet, il aura fallu pas moins de trois procédures d’action en manquement lancées par la Commission européenne à l’encontre de la France pour aboutir enfin à l’examen de ce projet de loi. C’est dire l’empressement du Gouvernement et sa volonté d’agir dans ce domaine !

Pourtant, la situation montre qu’il reste bien du chemin à parcourir pour que l’égalité de traitement entre dans les mœurs et n’ait plus besoin de faire l’objet de lois, règlements ou conventions.

Je citerai quelques chiffres à cet égard.

La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité a enregistré 6 222 réclamations en 2007, contre 4 058 l’année précédente, soit une progression de plus de 50 %.

L’emploi est le premier domaine concerné, avec plus de la moitié des réclamations, devant le fonctionnement des services publics, l’accès aux biens et services privés, le logement et l’éducation.

L’origine est le critère de discrimination le plus souvent évoqué, suivi de près par la santé et le handicap. L’âge est l’un des premiers critères retenus en matière d’embauche. Alors comment faire quand le Gouvernement nous oblige à travailler plus, plus longtemps, pour gagner plus, mais aussi pour avoir droit à nos retraites ? Les entreprises veulent des salariés jeunes !

Une enquête du Bureau international du travail sur « les discriminations à partir de “l’origine” dans les embauches en France » effectuée par testing montre que seulement 10 % des employeurs ont respecté tout au long du processus de recrutement une égalité de traitement entre les candidats. Dans plus de 85 % des cas, la discrimination intervient avant même que le postulant ait pu obtenir un entretien.

Globalement, la HALDE dénonce le défaut d’accords anti-discrimination dans les entreprises. Elle constate que, dans 76 % des cas, l’action de l’employeur se limite à une information des salariés, et que 8 % seulement des employeurs associent les syndicats à une politique d’égalité des chances, ce qui est particulièrement décevant alors que l’accord interprofessionnel sur la diversité de 2006 avait fait l’unanimité.

Par ailleurs, les testings réalisés dans le secteur du logement ont révélé une forte prégnance des pratiques discriminatoires de la part des agences immobilières, 38 % des victimes ne parlant pas des discriminations qu’elles peuvent subir. On peut s’étonner de la persistance de ces comportements dans nos sociétés modernes.

En Europe, les situations sont très différentes d’un État à l’autre, mais force est de constater que la France ne fait pas vraiment figure d’exemple !

Pourquoi une telle résistance alors que les dispositions auxquelles on nous demande de nous adapter, depuis 2005 pour certaines d’entre elles, vont plutôt dans le sens d’une meilleure protection de nos concitoyens ?

On sent là encore l’existence d’une mauvaise volonté, celle-là même que le Gouvernement met à publier le décret relatif au CV anonyme alors que la disposition législative correspondante a été votée en 2006, à donner les moyens d’application à la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, à faire appliquer celle du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations ou celle du 23 mars 2006 concernant l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

En effet, des textes, il y en a eu de nombreux depuis celui, fondateur, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, qui affirme, rappelons-le, que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » !

Si, en ce domaine, l’Union européenne s’est engagée depuis l’année 2000 de manière plus prononcée dans des actions en faveur de l’égalité de traitement, qui se traduisent dans les directives, alors la France doit réagir et se donner les moyens d’être un État moteur dans la lutte contre les discriminations, et non l’État qu’il faut rappeler à l’ordre et qui « traîne les pieds ».

C’est pourquoi l’occasion était belle de faire le point sur notre politique en matière de discriminations, de chercher à comprendre pourquoi la situation reste aussi préoccupante alors que nous nous sommes dotés d’outils, de réfléchir à ce problème de société, reflet d’un état d’esprit et de pratiques encore bien peu sanctionnés, en un mot d’avoir un véritable débat et non cette transposition a minima, dans l’urgence, presque en catimini.

Il s’agit d’une transcription a minima, donc, mais qui n’est pas sans soulever des difficultés, tant sur la forme que sur le fond !

En effet, si, à première vue, le texte semble se conformer aux exigences européennes, il présente cependant des insuffisances, voire une remise en cause d’une partie de notre droit du travail. Ce projet de loi a d’abord été mal rédigé : à l’Assemblée nationale, la rapporteur a dû présenter de nombreux amendements pour l’améliorer. Ensuite, il est imprécis et ne correspond pas toujours à ce que les directives prévoient. Si l’on veut transcrire a minima, autant transcrire au plus près des directives !

Un premier problème tient à ce que ce texte nous semble ajouter de la complexité et de la confusion au droit existant. Il aurait été souhaitable qu’un travail d’harmonisation donne de la cohérence à un ensemble dans lequel persisteront des critères différents entre, par exemple, le code pénal et le code du travail.

Nous pouvons reprendre, à cet égard, l’illustration donnée par M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, lors de son audition devant la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il a cité l’apparence physique, qui constitue un motif de discrimination prohibé par le droit français, mais non par les directives européennes. Estimant qu’un effort d’harmonisation et de codification aurait été le bienvenu, il a déploré la complexité d’un système dans lequel les règles applicables varieraient en fonction du motif de la discrimination, au risque de dérouter les justiciables.

Ce texte, en raison sans doute d’une rédaction trop rapide, ne précise pas certaines notions juridiques dans les différents codes auxquels il renvoie et omet d’intégrer certaines avancées de la directive dans le code pénal. Ainsi, certaines définitions continueront à coexister dans notre droit, ce qui entraînera diverses possibilités d’interprétation.

Ce projet de loi donne le sentiment d’avoir été élaboré uniquement pour rattraper un retard dérangeant en matière de transposition de directives à la veille de la prochaine présidence française de l’Union européenne, et non pour définir un droit lisible et accessible, dans l’intérêt des victimes.

Le deuxième problème majeur est que ce texte reste en deçà des exigences européennes.

En effet, il « oublie » d’ouvrir aux associations de lutte contre les discriminations la possibilité d’agir auprès des tribunaux si la victime est un agent de la fonction publique. C’est pourtant une exigence expresse posée par la directive. Nous souhaitons que l’accord qui s’est dégagé sur ce point au sein de la commission des affaires sociales soit pris en compte par le Gouvernement.

Si, à la demande des victimes, les associations peuvent agir au pénal ou devant les conseils de prud’hommes, elles ne peuvent toujours pas le faire devant la justice administrative. Cette lacune de la législation française a été soulignée explicitement, mais rien dans le texte ne vient y remédier.

Le troisième problème est que, dans certains domaines, le présent projet de loi va au contraire au-delà des exigences européennes et introduit des régressions inadmissibles, sous couvert de la transposition des directives.

Il est pourtant bien clair que la mise en œuvre des directives ne peut « en aucun cas constituer un motif d’abaissement du niveau de protection contre la discrimination déjà accordé par les États membres ». Or, dans ses articles 2 et 8, le projet de loi transpose un certain nombre de limitations nouvelles au principe d’égalité de traitement. Pourtant, notre droit du travail limite strictement les dérogations au principe d’égalité en matière d’embauche. Il est plus protecteur que les normes minimales retenues dans les directives.

En outre, l’article 2 tend à permettre la ségrégation sexuelle à l’école. Jamais la Commission européenne n’a demandé à la France, qui pratique la mixité depuis longtemps, de transposer cette disposition qui ouvre une faille risquant d’être exploitée par les communautaristes, les intégristes et les réactionnaires les plus misogynes !

De la même façon, les deux définitions de la discrimination données par les deux directives n’ont pas été synthétisées. On a ainsi séparé les discriminations liées à l’origine et à la race, d’un côté, et les autres discriminations, de l’autre. Le champ d’application des premières est large, puisqu’il couvre tous les domaines de la vie courante, alors que celui des secondes se restreint aux domaines de l’emploi et du travail.

S’agit-il d’une précipitation irréfléchie ou d’une volonté de mettre en concurrence les victimes ? Le résultat est là : on introduit une hiérarchie dans les discriminations !

À l’article 3, l’ajout de la notion « de bonne foi » au texte protégeant d’actes de représailles les personnes ayant témoigné en justice en réduit la portée et risque d’induire des contentieux portant sur cette notion plutôt que sur les faits.

Le projet de loi prévoit également d’autoriser les différences de traitement dans le contenu des médias et de la publicité, considérés comme des exceptions en matière de fourniture de biens et de services et d’accès à ceux-ci. Or il nous semble que c’est souvent bien là que les stéréotypes culturels relatifs à l’image de la femme sont relayés, stéréotypes qui constituent un frein important à l’évolution des femmes, notamment en matière professionnelle.

Ainsi ce texte laisse la plupart d’entre nous insatisfaits, et ce au-delà même des clivages politiques.

La rapporteur du projet de loi pour la commission des affaires sociales, Mme Dini, nous a fait part des difficultés de fond qu’il soulève : amalgame entre inégalité de traitement et discrimination, insécurité juridique.

Les recommandations faites par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes vont également dans le sens de nos réserves en ce qui concerne la nécessité de renforcer la cohérence des régimes juridiques, d’améliorer l’application concrète des lois existantes ou d’abroger les dispositions précitées qui nous font régresser dans un domaine où, déjà, bien du retard s’est accumulé.

Nous présenterons donc des amendements visant à pallier les lacunes et insuffisances de ce texte, à lui donner plus de cohérence, à en retirer ce qui ne nous paraît pas aller dans le bon sens.

Nous abordons ces débats dans l’idée qu’une transposition plus satisfaisante des directives est possible ; nous espérons y contribuer par le biais de nos propositions. Il va sans dire que notre vote tiendra compte du sort qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Henneron.

Mme Françoise Henneron. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, messieurs les présidents de la commission des affaires sociales et de la commission des lois, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, l’Union européenne est le fer de lance de la lutte contre les discriminations. Dès le traité de Rome, le principe général d’égalité ou de non-discrimination a été posé comme pierre angulaire de l’ordre juridique européen. Depuis, les outils juridiques se sont multipliés. Ainsi, de multiples textes sont venus fixer un niveau minimal de protection contre un nombre important de discriminations.

Ce qui nous réunit aujourd’hui, c’est la nécessité de poursuivre la lutte contre les discriminations en assurant le respect des règles communautaires en la matière.

La Commission européenne a souligné notre retard dans la transposition de plusieurs directives et nous a reproché le caractère incomplet de la transposition de certaines dispositions. Je tiens cependant à souligner les efforts accomplis par notre pays ces dernières années et à saluer la détermination du gouvernement actuel à rattraper notre retard.

Notre société repose sur des valeurs de tolérance qui imposent le respect des origines, de l’identité et des choix de vie de chacun. Ce respect trouve sa source dans le principe d’égalité, principe consacré par notre devise nationale et par les textes fondateurs de notre droit.

Plusieurs lois emblématiques ont été adoptées récemment.

Les lois du 9 mai 2001 et du 23 mars 2006 traitent de l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes.

La loi du 16 novembre 2001, texte de portée générale contre les discriminations, a notamment introduit la possibilité, pour les organisations syndicales et les associations de lutte contre les discriminations, d’ester en justice. Elle constitue un progrès indéniable en matière de lutte contre les discriminations à l’emploi.

La loi du 30 décembre 2004 a créé la HALDE, haute autorité qui accompagne les victimes de discriminations et formule des recommandations à l’adresse de l’État. Elle nous permet de disposer de données annuelles et de prendre ainsi la mesure de l’importance des discriminations en France.

La loi du 11 février 2005 vise notamment à protéger les personnes handicapées contre les discriminations dans le travail.

Je citerai enfin la loi du 31 mars 2006, relative à l’égalité des chances.

Malheureusement, dans notre « patrie des droits de l’homme », la bataille pour l’égalité est toujours à poursuivre.

J’ai évoqué à l’instant le rôle important de la HALDE dans l’estimation de l’ampleur du phénomène de la discrimination.

Ainsi, la haute autorité a dressé, en 2006, une liste des discriminations classées selon leur fréquence. Vient au premier rang des facteurs de discrimination l’origine, puis la santé ou le handicap, l’âge, le sexe, l’activité syndicale, la situation de famille, l’orientation sexuelle, les opinions politiques, la religion et l’apparence physique.

La HALDE a également pu estimer dans quels domaines les discriminations se manifestaient le plus souvent. C’est l’emploi qui cristallise le plus grand nombre de pratiques discriminatoires, mais les discriminations concernent également les biens et les services privés, l’éducation ou le logement. Elles se manifestent dans tous les domaines de la vie.

Quel triste tableau ! Les publics les plus fragiles sont précisément ceux qui cumulent les risques de discrimination sur le marché de l’emploi, dans l’accès au logement ou aux loisirs et dans toutes les composantes de leur vie quotidienne.

Les inégalités de traitement entre les individus compromettent notre cohésion sociale et sont à l’origine, chacun le sait, d’un sentiment d’exclusion qui s’exprime dangereusement dans les communautarismes.

En effet, les jeunes Français issus de l’immigration sont les premiers concernés par les discriminations : 11 % de ceux d’entre eux qui sont titulaires d’un diplôme de second cycle sont au chômage, contre 5 % en moyenne nationale pour la même catégorie de diplômés.

Selon une étude récente du Bureau international du travail, 70 % des employeurs français favoriseraient un candidat portant un nom français par rapport à un candidat portant un nom à consonance étrangère. Le lieu même de résidence devient un élément discriminant. Des enquêtes avec envois de CV factices ont montré ce que beaucoup de nos concitoyens vivent au quotidien. Les personnes en situation de handicap et les personnes issues de l’immigration sont les premières victimes des discriminations à l’embauche.

Je suis membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et vous ne vous étonnerez donc pas que je cite quelques chiffres concernant l’égalité professionnelle.

Les écarts de salaire entre les hommes et les femmes se situent, en moyenne, autour de 26 %, en défaveur de ces dernières ; 31 % des femmes actives occupent un emploi à temps partiel ; le taux de chômage féminin est plus élevé que celui des hommes ; le « plafond de verre » est bien une réalité, et l’ascension des femmes dans la hiérarchie reste plus difficile que celle de leurs homologues masculins, d’où leur sous-représentation chronique dans les fonctions de direction. Le chemin est encore long pour parvenir à l’égalité.

En tant qu’élus, nous avons tous eu connaissance d’inégalités subies par des femmes en matière d’emploi et de déroulement de carrière.

Le harcèlement moral, défini par le présent projet de loi, devient de plus en plus fréquent sur le lieu du travail, comme la HALDE a également pu le constater. Le durcissement des possibilités d’embauche et la peur du chômage ne sont guère propices à ce que les victimes fassent valoir leurs droits.

Il revient aux pouvoirs publics de désigner et de sanctionner efficacement les comportements et les infractions discriminatoires.

Aujourd’hui comme hier, la nécessité de transposer certaines directives communautaires constitue un aiguillon dans la poursuite de la lutte contre les discriminations en France.

Le présent projet de loi, en respectant les exigences de la Commission européenne, donne des définitions précises des discriminations directes et indirectes, ainsi que du harcèlement. Il étend le champ des discriminations interdites en en fixant la liste. Il instaure une protection contre les mesures de rétorsion et renforce les garanties données aux victimes.

Je souhaite ajouter que le groupe de l’UMP soutient ce projet de loi, dont l’adoption s’impose au moment où la France s’apprête à exercer la présidence de l’Union européenne.

Madame le secrétaire d’État, si elle est consciente des contraintes qui sont les vôtres en matière de transposition, la commission des affaires sociales, à laquelle j’appartiens, s’inquiète de possibles dérives à partir de ce texte très protecteur. Nous souhaitons donc connaître votre sentiment à ce sujet.

Je conclurai en soulignant que si la répression des actes de discrimination est indispensable, il serait naïf de ne compter que sur son effet dissuasif pour les éradiquer : c’est également en amont qu’il faut intervenir. Parce qu’il s’agit surtout de changer les mentalités, la lutte contre les discriminations est une action de longue haleine. Elle doit relever d’autres politiques publiques, telles que les politiques relatives à l’école et à l’enseignement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion du présent projet de loi aurait pu être un grand moment pour notre pays.

Nous aurions pu, enfin, nous doter d’outils juridiques performants pour répondre à l’attente de milliers de nos concitoyennes et concitoyens exclus, rejetés, discriminés pour des raisons diverses mais toujours douloureuses.

Elles ou ils sont chaque jour des dizaines à se voir refuser un poste en raison de leurs origines, des dizaines encore à rencontrer les plus grandes difficultés à se loger parce qu’ils n’ont pas le « bon » nom de famille, des dizaines à se voir refuser l’accès aux lieux de festivités, par exemple aux « boîtes de nuit », en raison de la couleur de leur peau, des centaines à ne pas progresser dans l’entreprise à cause de leur engagement syndical.

Elles ou ils sont nombreux encore à s’entendre dire : « désolé, mais l’expérience que vous avez acquise au cours de ces quinze dernières années est incompatible avec le poste que nous proposons », ou à ne pas parvenir, en raison de leur état de santé, à bénéficier d’un prêt.

Elles sont nombreuses à ne pas être embauchées parce qu’elles sont « femmes », à subir des salaires inférieurs à ceux de leurs collègues « hommes », ou bien à devoir répondre à des questions sur leurs projets de maternité. Et quand elles sont à la fois femmes et syndicalistes,…

Mme Muguette Dini, rapporteur. Et enceintes !

Mme Annie David. … elles connaissent parfaitement l’inégalité de traitement !

Aussi, doit-on parler de discrimination, d’inégalité de traitement ? C’est sur ce point, madame Dini, que je ne pourrai vous suivre : pour moi, la cause est bien la discrimination, et le résultat l’inégalité de traitement !

Ce débat aurait pu être aussi l’occasion de présenter un bilan de l’application des textes existants en matière d’emploi. La persistance manifeste des inégalités, notamment professionnelles et salariales, entre les femmes et les hommes devrait inciter le Gouvernement à ne pas borner son ambition au perfectionnement de l’arsenal juridique de lutte contre les discriminations déjà existant, mais à s’attacher dorénavant à en améliorer l’application concrète. C’est d’ailleurs l’objet de l’une des recommandations que Mme Hummel a formulées au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, recommandation que j’ai votée.

La liste des discriminations possibles est malheureusement bien longue, d’autant plus longue que l’État lui-même participe à ce mouvement discriminatoire.

Je pense par exemple au maintien de la non-équivalence pour certains diplômes de médecine, d’ailleurs dénoncé par la HALDE, situation à laquelle le Gouvernement a refusé de mettre un terme durant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, alors que nous en faisions la proposition.

Je pense encore au droit de vote pour les résidents extracommunautaires. Elles, ils sont des milliers, régulièrement installés en France, à être exclus du processus démocratique. Ils participent, dans les associations de quartier ou de parents d’élèves, dans les organisations politiques et syndicales, à la démocratie locale, à l’enrichissement des idées et des projets, mais lorsqu’il s’agit de se doter de l’exécutif local et du projet municipal pour les appliquer, on leur retire tout droit ! Je me souviens pourtant avoir entendu un candidat à l’élection présidentielle se déclarer favorable au droit de vote pour les étrangers. Ce même candidat affirmait : « Je dis ce que je fais, et je fais ce que je dis. » Voilà encore une promesse que, une fois élu, il aura bien vite oubliée !

Les situations que je viens de décrire ne sont pas issues de mon imagination, d’autres avant moi s’y sont d’ailleurs référés : elles se retrouvent dans les résultats d’une enquête menée en France de fin 2005 à mi-2006 sous l’égide du Bureau international du travail et de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, qui a mis au jour ce que nous savions déjà mais dont la dimension devrait tous nous alerter.

Les conclusions de cette enquête, remises en mars 2007, nous apprennent que « près de quatre fois sur cinq, un candidat à l’embauche d’origine hexagonale ancienne sera préféré à un candidat d’origine maghrébine ou noire ». Cette étude publique a suscité la rédaction commune de recommandations par la HALDE et le Bureau international du travail, dont on peut regretter qu’elles n’aient pas toutes été suivies par le Gouvernement.

La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité a par ailleurs reçu, en 2006, plus de 4 000 réclamations. Le chiffre est important, mais sans doute en deçà de la réalité. Comment pourrait-il en être autrement, quand on sait l’ambiance qui règne dans certaines entreprises, mais également dans la fonction publique ? Comment pourrait-il en être autrement, quand l’existence de la HALDE est trop souvent méconnue, quand les missions, les compétences, les moyens et l’organisation de cette autorité sont insuffisants pour qu’elle puisse répondre aux attentes ?

Ainsi, on découvre dans le rapport remis par la HALDE pour l’année 2006 que 35 % des réclamations étaient fondées sur des motifs liés à l’origine du requérant, près de 16 % sur son état de santé, 6 % sur son âge, 5 % sur son sexe, 3 % sur son activité syndicale. On le voit, le champ des discriminations est large ! Il est important et évolutif, du fait de l’émergence de nouvelles formes de discrimination ou de l’expansion de plus anciennes, comme celles qui sont liées au harcèlement au travail. Cette évolution a d’ailleurs été remarquée par M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, qui constate « l’importance des réclamations portant sur le harcèlement au travail » et précise que ce dernier « est pratiqué par l’employeur, ou bien par les collègues des salariés ».

Pour autant, et malgré la reconnaissance – unanime dans cette enceinte, je dois le souligner – dont jouit la HALDE, le projet de loi ne répond pas aux recommandations que celle-ci a émises à son sujet !

Puisque les discriminations évoluent, il semble clair que notre législation doit en faire autant. Tel n’est pas suffisamment le cas avec ce texte, nul ici ne peut le nier, et les actions lancées par la Commission européenne à l’encontre de la France sont là pour nous le rappeler : deux mises en demeure, un avis motivé, un ultimatum pour la mi-août. Mme Dini, dans son rapport, en fait état : « À trois mois de la présidence française de l’Union, le texte vise donc avant tout, de l’aveu même du Gouvernement, à mettre la France à l’abri de ces procédures judiciaires. »

Si je veux bien admettre que, en soi, cet objectif n’est pas contestable, il ne peut être le seul. Au regard de la transposition, dont chacun s’accorde à dire qu’elle est minimaliste et manque d’ambition, cet argument est à mes yeux irrecevable : le projet de loi est la conséquence de l’ultimatum européen plus que d’une réelle volonté de faire avancer la lutte contre toutes les discriminations.

Par ailleurs, lorsque je vous ai interrogée en commission, madame la secrétaire d’État, sur le caractère quelque peu précipité de cette transposition, vous avez répondu que la France voulait éviter d’être une nouvelle fois sanctionnée, et ce d’autant plus qu’elle s’apprête à assurer la présidence de l’Union européenne. Il faut donc sauvegarder les apparences d’une France qui répond aux exigences européennes.

Peu importe si les transpositions ont huit ans de retard : ce qui compte, c’est que le jour « J », le jour où tous les regards seront braqués sur la France, nous soyons à jour de cette transposition.

Peu importe alors si les associations, les organisations syndicales, n’ont pas été consultées.

Peu importe si les représentants de celles et ceux qui subissent au quotidien les discriminations n’ont pas été associés. Ils auraient pourtant pu apporter aux rédacteurs du projet de loi un peu du vécu des milliers de nos concitoyennes et concitoyens pour qui la discrimination est non pas un vain mot, mais une souffrance au quotidien. Je crois sincèrement que, si l’on avait procédé ainsi, le texte qui nous est présenté aujourd’hui n’en aurait été que meilleur.

Peu importe si les dispositions de ce projet de transposition ne sont pas codifiées et viennent se superposer aux textes existants. On passe ainsi outre à une autre des recommandations de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui « déplore que le dispositif proposé par le projet de loi risque d’ajouter à la complexité du droit français dans un domaine où il est pourtant indispensable que le droit puisse être bien compris par les justiciables. Elle invite donc le Gouvernement à améliorer la cohérence des régimes juridiques applicables et, notamment, à rechercher une meilleure harmonisation des différents critères de discrimination utilisés dans le droit français, qu’ils soient ou non issus du droit européen. »

Dans ces conditions, je fais miens les propos de Mme Hummel : même si la solution retenue par le Gouvernement constitue sans doute la voie la plus rapide et la plus prudente, j’estime que des progrès restent à accomplir pour rendre le dispositif de lutte contre les discriminations plus accessible et plus compréhensible par les victimes de celles-ci.

Que ce soit en raison de l’urgence ou à cause du manque de concertation, force est de constater que le Gouvernement se cantonne à une transposition qui se veut stricte, mais ne l’est même pas toujours. En effet, si je veux bien admettre, là encore, l’argument selon lequel vous avez voulu transposer la directive en des termes identiques, pourquoi, alors, avoir refusé de transposer dans son intégralité la définition européenne du harcèlement sexuel ? Cet exemple, que je déplore d’ailleurs, est la preuve que « transposition » ne signifie pas « stricte reproduction » de la directive européenne !

Les gouvernements nationaux, vous le savez bien, disposent d’une certaine latitude pour modifier le texte initial. Je rappelle à ce propos les termes du premier alinéa de l’article 6 de la directive 2000/43 : « Les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe de l'égalité de traitement que celles prévues dans la présente directive. » On peut donc faire mieux !

Qui plus est, quelques mois nous séparant encore de la date d’échéance pour la transposition de la dernière directive, vous auriez pu mettre ce délai à profit pour enrichir votre projet de loi. Vous auriez pu, par exemple, réfléchir au renforcement de la HALDE par l’extension de ses missions, par l’augmentation de ses ressources, ou encore par l’établissement d’un représentant dans chacune des régions. Je regrette à ce propos que la commission des finances ait invoqué l’article 40 de la Constitution contre un amendement que j’avais déposé et qui visait à créer des délégations régionales de la HALDE. Je ne pourrai donc pas le défendre tout à l’heure, ce que je déplore vivement.

Rien non plus ne figure dans le projet de loi sur la question des négociations triennales obligatoires sur l’égalité professionnelle, alors qu’on sait qu’elles ne sont pas toujours menées et qu’elles ne conduisent que rarement à des évolutions concrètes, se limitant presque toujours à de simples constats. Pourtant, l’accablant rapport publié il y a peu sur ce thème par le Conseil économique et social aurait dû vous alerter : non seulement les femmes demeurent moins bien payées que les hommes, mais les emplois qu’elles occupent sont aussi plus « flexibles » et plus précaires.

Je regrette également que vous ayez eu recours au mot « race », dont l’utilisation dans la formule « discriminer à raison de la race » laisse supposer qu’il y aurait plusieurs races. Avec mes collègues, je m’inscris en faux contre cette idée qui, de fait, renvoie à une possible différence non fondée en droit mais permettant la survivance de thèses des plus révisionnistes, des plus xénophobes, au nom desquelles tant de crimes ont déjà été commis.

Pour conclure, j’indiquerai que, s’il reste en l’état, ce texte, attendu par les associations, ne résoudra pas la majorité des difficultés que rencontrent nos concitoyens, d’autant que, ici même, la majorité gouvernementale a décidé d’abaisser de trente ans à cinq ans les délais de prescription en matière civile.

Ainsi, la période durant laquelle un de nos concitoyens ou une de nos concitoyennes victime de discrimination pourra faire valoir ses droits devant la juridiction civile se trouvera considérablement réduite. J’ai bien entendu les propos de M. Hyest et pris connaissance de l’amendement qu’il a déposé à ce sujet, j’ai bien compris que, pour la réparation, il serait tenu compte de la durée totale de la discrimination subie, mais un délai de cinq ans me paraît malgré tout trop court. J’y reviendrai lorsque cet amendement sera examiné.

De plus, il me semble que la conjonction du présent projet de loi et du texte réaménageant les délais de prescription pourrait se résumer par cette expression : « Ce que je donne d’une main, je le reprends de l’autre. » Cela est d’autant plus vrai que l’article 1er du projet de loi que nous examinons aujourd’hui organise de fait une hiérarchisation des discriminations. Là encore, j’y reviendrai lors de la discussion des articles.

En d’autres termes, ce projet de loi n’est pas réellement créateur de droits. C’est la raison pour laquelle mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même avons déposé un certain nombre d’amendements visant à l’améliorer. Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que du sort que vous leur réserverez dépende la position de mon groupe sur l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier Mme Dini de la qualité de son rapport, car il donne à réfléchir.

En effet, au-delà du droit, madame le rapporteur, et dépassant la dimension « subliminale » du sujet qui nous occupe, vous posez la question de notre modèle, de ses limites, voire de sa dissolution dans l’espace européen. Je vous remercie par conséquent d’être allée au fond des choses. Au-delà de nos divergences sur un certain nombre de points, il était important, me semble-t-il, de marquer ainsi l’importance de notre modèle républicain.

Depuis quelques années, les études, les publications, les colloques portant sur la lutte contre les discriminations se succèdent à un rythme de plus en plus soutenu. Cette problématique, autrefois évacuée, s’est imposée à tous les acteurs de notre société : les entreprises au travers de la charte de la diversité, les partis politiques au travers de la promotion de la diversité dans leur offre politique.

Devant ce foisonnement d’initiatives, il y a quelque chose de surprenant et de paradoxal à constater la timidité, voire l’ambiguïté, des avancées législatives nationales. J’en veux pour preuve l’adoption par voie parlementaire du CV anonyme, disposition introduite dans la loi pour l’égalité des chances.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Où est le décret ?

Mme Bariza Khiari. Est-il utile de le rappeler, les discriminations sont, pour ceux qui en sont victimes, de vraies morts sociales.

La disposition que j’évoquais à l’instant, dont l’introduction résulte de l’adoption d’un amendement de M. About et que j’ai défendue avec d’autres dans cet hémicycle, n’a toujours pas de portée réelle, faute de décret d’application !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui, ce n’est pas normal !

Mme Bariza Khiari. J’espère, madame la secrétaire d’État, que vous pourrez nous répondre sur ce point.

Voilà donc un domaine où le Gouvernement a fait preuve de timidité, pour ne pas dire d’absence de volontarisme, auprès des partenaires sociaux, alors même que le CV anonyme est un outil de promotion de l’égalité républicaine qui trouverait toute sa place dans notre tradition méritocratique.

L’ambiguïté du Gouvernement a été manifeste quand, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, et au motif de lutter contre les discriminations, il a proposé la création de statistiques ethnoraciales. C’était en quelque sorte faire porter la responsabilité des inégalités sur des considérations ethniques et créer ainsi les conditions de l’ « ethnicisation » de la question sociale. (M. le président de la commission des affaires sociales acquiesce.) Cela allait jusqu’à préparer les instruments nécessaires à une politique de quotas et à instaurer ainsi les conditions d’une concurrence entre les différentes communautés.

Cette initiative, heureusement écartée par le Conseil constitutionnel, est la caricature d’une certaine pensée en matière de lutte contre les discriminations.

Toutefois, cette mauvaise volonté nationale manifeste doit néanmoins s’accommoder des obligations européennes. Ainsi, la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, qui s’est imposée comme un instrument majeur de lutte contre les discriminations, est issue d’une obligation européenne et non pas d’une volonté politique nationale.

C’est donc à coup d’éperons européens, et non en conséquence d’une mobilisation nationale, que nous sommes amenés à débattre de cette question. Le souci de ne pas risquer de faire l’objet d’une procédure judiciaire pendant la présidence française de l’Union européenne explique le dépôt de ce projet de loi de transposition.

C’est dans ces circonstances, madame la secrétaire d’État, que le Parlement hérite d’un projet de loi élaboré à la hâte et qu’il lui revient de discuter en urgence. Or, étant donné les difficultés de forme et de fond posées par ce texte, une navette parlementaire complète aurait été nécessaire.

Depuis la loi de 2001 relative à la lutte contre les discriminations et la création de la HALDE, notre droit s’était appliqué à uniformiser les dispositifs, mettant au même niveau les peines encourues et les procédures à suivre, quel que soit le motif de la discrimination.

Ainsi, la présente transposition pose non seulement un problème de lisibilité, mais aussi un problème de principe : la hiérarchisation et la différenciation des discriminations vont à l’encontre de la tradition de notre droit, qui fait de l’égalité un principe commun d’unité. Ce point est d’ailleurs fortement souligné par Mme le rapporteur, qui évoque même des dérives communautaristes possibles.

À titre d’exemple, en première lecture à l’Assemblée nationale, une disposition autorisant l’organisation d’enseignements non mixtes a été adoptée et inscrite à l’article 2. Or cette disposition, en soi si contraire à nos pratiques et à nos valeurs, ne figure dans aucune des directives européennes à transposer ! Nous demanderons donc la suppression de cette disposition, mais cela en dit long sur la logique qui sous-tend ce projet de loi.

De même, toujours à l’article 2, il est rappelé que le texte ne fait pas obstacle à la possibilité, pour les sociétés d’assurance, de mettre en place des tarifs différenciés selon le sexe et en fonction des prestations.

Cette disposition a déjà été transposée dans notre droit interne en décembre 2007, sans susciter davantage de débat. Or il convient de rappeler que cette exception du tarif différencié au principe de l’égalité de traitement ne devait pas figurer dans la directive et que ce n’est qu’après un intense lobbying des assureurs qu’elle y a été intégrée.

Dès lors, et bien que l’article L. 111-7 du code des assurances encadre ces possibilités de dérogations, il faut s’interroger sur le bien-fondé de cette exception : on sait, par exemple, que les jeunes conductrices ont moins d’accidents de voiture que les jeunes conducteurs ; on pourrait justifier qu’elles puissent bénéficier d’un tarif inférieur. De ce point de vue, une telle inégalité de traitement serait plus juste qu’un tarif commun. Un raisonnement similaire peut être tenu concernant l’assurance-vie.

Cet exemple touche directement à la distinction délicate entre l’inégalité de traitement et la discrimination. On peut arguer que le tarif différencié, établi à partir de données actuarielles, de tables de risques et d’éléments étrangers au conducteur, constitue une discrimination dans la mesure où il méconnaît le comportement individuel de la personne. Par ailleurs, il faudra un jour s’interroger sur la prise en considération de données statistiques et prétendument prédictives dans la loi.

À l’inverse, d’autres soutiennent que le tarif différencié est non seulement juste, mais optimal, dans la mesure où il est légitimé par les calculs de risques. Selon ce raisonnement, l’inégalité de traitement n’est plus une discrimination, alors que l’égalité de traitement en serait une.

Il est vrai que la distinction est difficile à établir et que notre réflexion n’est pas complètement aboutie. Il est vrai également que l’introduction dans notre droit de la notion de discrimination ne va pas sans produire des tensions fortes avec notre conception de l’égalité républicaine.

Dans votre rapport, madame Dini, vous évoquez également les problèmes posés par l’absence de codification des définitions portant sur les discriminations directes et indirectes. C’est une préoccupation que je partage.

Je conteste, pour ma part, la logique de différenciation entre les discriminations : en instituant des régimes de protection différenciés, le projet de loi, qui se contente de « copier-coller » les directives, établit une hiérarchie entre les discriminations.

Notre code pénal retient, quant à lui, quinze motifs de discrimination. En matière civile, seuls sept critères de discrimination seront donc retenus. Cette dissymétrie sera source de confusion. On notera aussi l’absence du critère portant sur l’état de santé, qui représente aujourd’hui un motif important de saisine de la HALDE.

Je partage certaines de vos réserves, madame le rapporteur, sans toutefois vous suivre concernant l’aménagement de la charge de la preuve, que vous présentez comme la généralisation d’une présomption de culpabilité. Les études attestant de l’ampleur des pratiques discriminatoires sont légion, les dernières en date étant celle du Bureau international du travail de mai 2007 et celle de l’INSEE intitulée Femmes et hommes-Regards sur la parité, parue en février 2008.

Nous sommes dans une société où les pratiques discriminatoires sont massives et, en dépit de nos efforts, elles sont encore considérées comme naturelles. Il suffit, pour s’en convaincre, de compter, sur les doigts d’une main, les plaintes au pénal qui aboutissent en matière de discrimination, en dépit d’un arsenal juridique important.

C’est pourquoi la généralisation de l’aménagement de la charge de la preuve, quel que soit le motif de la discrimination, est une disposition qui constitue une avancée importante. Elle est, à mon sens, indispensable pour que les employeurs et les bailleurs réfléchissent à leurs façons de procéder et se départissent ainsi de leurs mauvaises pratiques.

C’est également dans cet esprit que je défendrai un amendement tendant à l’intégration d’un nouveau chapitre dans le bilan social des entreprises, portant sur la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité.

J’avais souhaité déposer un amendement au code des marchés publics, afin que l’engagement d’une entreprise en faveur de la lutte contre les discriminations devienne, tout comme son engagement en matière de développement durable, l’un des critères d’attribution d’un marché. Or le code des marchés publics n’est plus modifiable par la voie parlementaire. Des dispositions autrefois législatives sont devenues réglementaires et le législateur, dont l’intervention serait pourtant opportune en la matière, n’a plus la possibilité d’agir.

Par ailleurs, nous avons déposé un amendement visant à supprimer du texte le mot « race ».

La notion de « race » est apparue pour la première fois dans notre droit sous le régime de Vichy. Utiliser ce terme, fût-ce pour prohiber les discriminations, concourt à légitimer son existence, alors même que des travaux récents de biologie et de génétique ont conclu à l’inexistence de toute race dans l’espèce humaine.

Mme Bariza Khiari. Cette contradiction entre le droit et la science n’est pas sans conséquence. Certes, la suppression dans le texte du mot « race » ne fera pas disparaître le racisme, mais notre droit cessera d’entretenir, dans l’imaginaire des individus, la force du préjugé.

Enfin, je défendrai un amendement qui s’inscrit dans une réflexion plus générale sur les emplois dits « fermés ».

Aujourd’hui, 600 000 emplois du secteur privé et libéral – je ne parle pas des emplois publics – sont, en droit, non accessibles aux étrangers extracommunautaires. Or ces réglementations restrictives datent des années trente, époque de fortes tensions xénophobes. Les médecins, les vétérinaires, les avocats, les pharmaciens, suivis des membres des autres ordres, étaient fort bien représentés au Parlement et ont obtenu le vote de ces mesures protectionnistes, au nom de l’intérêt général. (M. le président de la commission des affaires sociales sourit.) Il y eut même un parlementaire, dont je ne souhaite pas retenir le nom, qui déposa un amendement visant à interdire l’accès à ces emplois aux Français naturalisés de la quatrième génération ! (M. Michel Dreyfus-Schmidt s’exclame.)

Les fondements de ces restrictions législatives et réglementaires sont historiquement datés, économiquement obsolètes et moralement condamnables. Surtout, ces restrictions constituent des obstacles administratifs humiliants et inutiles : un étudiant étranger ayant obtenu son diplôme d’architecte en France doit s’engager dans une démarche dérogatoire pour obtenir son inscription à l’ordre. Il suffirait de supprimer la condition de nationalité, tout en préservant, bien sûr, la condition de détention d’un diplôme français, pour donner un nouveau souffle, un nouveau sens, une nouvelle orientation à notre politique de lutte contre les discriminations. Je reviendrai plus longuement dans le cours du débat sur cette proposition, soutenue par l’Ordre des architectes et qui, si elle était adoptée, ne modifierait en rien l’ordre du monde, mais ferait honneur au législateur.

Le Parlement devra un jour se pencher sur l’ensemble des emplois dits « fermés ». Il n’est pas normal qu’une sage-femme ou un géomètre disposant d’un diplôme français ne puissent pas, parce qu’ils sont étrangers, exercer leur métier dans notre pays. Les discriminations légales entraînant par effet de système les discriminations illégales, leur périmètre doit être restreint aux emplois touchant à la sécurité nationale.

Pour conclure, je déplore comme vous, madame le rapporteur, que nous n’ayons pu faire valoir en amont nos valeurs lors des négociations communautaires. (Mme la secrétaire d’État et M. le président de la commission des affaires sociales approuvent.) De ce fait, la vision anglo-saxonne libérale communautariste l’emporte sur une conception républicaine de l’égalité et des rapports sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous le déplorons d’autant plus que c’est un gouvernement socialiste qui a conduit ces négociations !

Mme Bariza Khiari. Nous sommes tous un peu coupables !

M. le président. La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre assemblée est conduite à examiner cet après-midi un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Si les objectifs visés au travers du projet de loi ne peuvent naturellement que recueillir le consensus de tous les groupes politiques, il convient, à mon sens, d’apporter à ce texte, qui apparaît en l’état actuel des choses inachevé, des améliorations par voie d’amendements.

En outre, si la Commission européenne a mis en demeure la France d’adapter son droit aux nouvelles dispositions européennes, cela ne doit pas être fait dans la précipitation et dans l’imprécision.

Je reviendrai sur quelques points qu’il me semble important de relever.

Tout d’abord, comme vient de le rappeler Bariza Khiari, il est particulièrement choquant que le projet de loi tende à rétablir une hiérarchie entre les discriminations, alors que le législateur s’est attaché, depuis 2001, à uniformiser les dispositifs tant pour les procédures judiciaires que pour les peines encourues. Par le biais d’une transposition a minima, ce texte introduit deux niveaux de protection selon la nature et le motif de discrimination.

Ainsi, l’article 2 du projet de loi vise à créer des protections supplémentaires pour les victimes de discriminations liées à la race, notamment en matière de protection sociale, de santé et d’éducation, domaines actuellement non explicitement couverts par les lois antidiscrimination, sans les étendre aux autres victimes de discriminations, notamment celles qui sont liées au handicap ou à l’orientation sexuelle. On peut donc s’interroger sur la constitutionnalité d’une telle disposition, qui permettrait une différence de traitement entre les victimes.

Je tiens également à rappeler que, en matière de discrimination liée à l’orientation sexuelle, les associations spécialisées indiquent que de nombreuses personnes homosexuelles, ainsi que la plupart des personnes séropositives, déclarent être victimes ou avoir été victimes d’un événement discriminatoire sur leur lieu de travail ou au cours de leur vie sociale ou privée.

Cette enquête est corroborée par une étude de la HALDE sur l’homophobie dans l’entreprise, réalisée auprès de 1 413 salariés se déclarant homosexuels et rendue publique au mois de mars dernier. Selon les conclusions de cette étude, 85 % des personnes interrogées affirment avoir déjà ressenti une homophobie implicite pouvant prendre différentes formes – rejet, dénigrement ou harcèlement –, et 40 % d’entre elles ont déjà été directement victimes d’insultes, de dégradations ou de violences physiques.

Par ailleurs, le projet de loi tel qu’il nous est présenté est inachevé, puisqu’il réduit la portée de la directive.

En effet, le droit communautaire impose aux États membres de permettre aux associations d’ester en justice. En l’état actuel du droit, les associations peuvent agir devant les juridictions pénales et prud’homales, mais pas devant le tribunal administratif. Ainsi, les agents de la fonction publique victimes de discrimination ne peuvent bénéficier de l’assistance juridique d’une association en cas de conflit devant la justice administrative. Le groupe socialiste a déposé des amendements visant à remédier à cette carence.

Enfin, je regrette que le projet de loi ne codifie que partiellement les dispositions nouvelles. Aujourd’hui, les mesures relatives à la lutte contre les discriminations sont disséminées dans différents textes de loi ou codes. Cette organisation de la loi rend notre droit peu lisible et peu accessible aux victimes de discriminations.

Comme l’ont indiqué mes collègues Jacqueline Alquier et Bariza Khiari, le groupe socialiste et apparentés défendra de nombreux amendements tendant à améliorer ce projet de loi qui donne, je le redis, l’impression d’être inachevé, et il sera attentif au sort qui leur sera réservé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par répondre à une question que m’a posée Mme le rapporteur à propos de nos chances de succès en cas de recours devant la Cour de justice des Communautés européennes, la CJCE.

S’agissant de la comparaison hypothétique et de l’emploi du conditionnel, la CJCE a déjà tranché dans un arrêt Dekker et un arrêt Perry.

D’une manière générale, il s’avère que la Commission européenne obtient gain de cause dans plus de 95 % des cas devant la CJCE. Les sanctions financières sont alors souvent assez lourdes, ce qui engage la responsabilité de l’État… Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille occulter cette possibilité, dans la mesure où l’issue est positive dans 5 % des cas, mais, eu égard aux deux arrêts précités, le succès d’une telle démarche nous semble compromis.

S’agissant de la concertation, madame Alquier, nous avons soumis ce projet de loi à la HALDE, qui a pu présenter le point de vue des victimes de discriminations. Nous avons en outre consulté les partenaires sociaux, tels que la Commission nationale de la négociation collective ou le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et reçu plusieurs représentants d’associations.

Un travail de concertation a donc bel et bien été mené, et ce dans les délais qui nous étaient impartis. Certes, nous aurions pu consulter un nombre plus grand encore d’intervenants, mais nous en avons entendu beaucoup, en particulier les plus importants d’entre eux.

Vous avez eu raison, madame Dini, madame Hummel, de souligner que l’inégalité de traitement et la discrimination sont deux choses différentes. Le projet de loi fait bien la distinction et utilise les deux expressions à des fins différentes. À cet égard, nous n’abandonnons rien de notre tradition juridique et du principe d’égalité qui la sous-tend. Les directives et le projet de loi complètent le cadre juridique existant, mais ne s’y substituent pas.

Il est vrai que les comparaisons hypothétiques nous sont imposées par la directive ; nous n’avons pas le choix. Toutefois, je tiens à le dire, cela est sans conséquence sur la façon dont la HALDE pourra recourir au testing, une pratique précisée dans la loi du 30 décembre 2004, modifiée en 2006, et à laquelle nous ne touchons absolument pas.

Dans le droit français, nous procédons déjà par comparaisons hypothétiques, pour ce qui concerne les reconstitutions de carrière ou les indemnisations de la perte de chances en matière de responsabilité hospitalière, par exemple.

J’indiquerai à Mme Khiari que le mot « race » figure à l’article 1er de notre Constitution, ainsi que dans la loi du 30 décembre 2004. Au demeurant, les directives indiquent clairement que l’usage de ce terme ne signifie en aucun cas une quelconque adhésion à de sinistres théories à caractère raciste. Certes, cette situation peut paraître insatisfaisante, mais la logique de la transposition amène l’utilisation de certains termes.

Concernant l’enseignement, mesdames Khiari, Hummel et Gautier, le projet de loi ne remet pas en cause le principe de mixité dans l’éducation nationale ; il préserve la liberté d’organisation de tous les établissements d’enseignement. C’est la conséquence du principe de liberté d’enseignement, à valeur constitutionnelle. Notre pays a toujours réussi à concilier la mixité à l’école publique avec le principe de liberté d’enseignement. La disposition présentée vise à assurer la poursuite de cette conciliation et à préserver les libertés acquises, sans constituer un recul pour quiconque.

Mesdames Gautier et Hummel, le contenu des médias et de la publicité est explicitement laissé hors champ de la directive 2004/113/CE. Cette dérogation rend d’autant plus nécessaire, j’en conviens, un travail sur l’image de la femme dans les médias. Comme vous l’avez rappelé, mesdames les sénatrices, la commission Reiser, qui a été mise en place voilà quelques semaines, formulera des propositions concrètes pour progresser plus vite, en partenariat avec les experts, les associations, mais aussi les professionnels du monde des médias. L’objectif est d’élaborer de manière concertée des préconisations qui pourront, le cas échéant, s’inscrire dans une charte ou déboucher sur des dispositions législatives.

S’agissant du harcèlement sexuel et de sa définition, madame Dini, l’article L. 122-46 du code du travail n’a pas été modifié, car il a des conséquences pénales en vertu de l’article L. 152-1-1. Nous avons voulu maintenir une définition pénale autonome. Cela n’est pas illégitime, car les conséquences d’un procès pénal ne sont pas les mêmes que celles d’un procès civil. En revanche, fortement encouragés par les associations concernées, nous avons décidé de créer un groupe de travail sur les violences faites aux femmes, qui réfléchit à l’amélioration de la définition pénale du harcèlement sexuel.

En ce qui concerne les associations, madame Alquier, monsieur Madec, nous procéderons par décret sur ce sujet, qui relève du domaine réglementaire. La règle nouvelle s’appliquera aux fonctionnaires. Nous conservons le critère des cinq ans, que l’on retrouve en de multiples occurrences dans notre droit. Être assistées par des acteurs expérimentés et ayant fait leurs preuves constitue une garantie pour les victimes.

Monsieur Hyest, je comprends que vous souhaitiez lever un malentendu sur la portée de la proposition de loi prévoyant une réforme d’ensemble des règles de prescription en matière civile qui a été adoptée par le Sénat et dont vous êtes l’un des co-auteurs.

Il me semble cependant préférable d’engager ce débat à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi par l'Assemblée nationale. Cela me paraît plus cohérent et plus satisfaisant. Pour garantir la lisibilité de la future réforme des règles de prescription, il serait souhaitable de ne pas en éparpiller le contenu.

Madame Henneron, vous avez raison de dire que la lutte contre les discriminations participe de la cohésion sociale. Vous avez souligné, avec Mme David, le rôle de la HALDE en matière de mesure de l’importance des discriminations ; pour ma part, je voudrais également rappeler son rôle en termes de prévention, par exemple lorsqu’elle diffuse les bonnes pratiques qu’elle a constatées.

L’accompagnement des entreprises constitue d’ailleurs un axe fort de l’action du Gouvernement. À cet égard, je signale que nous mettrons dès cet été à la disposition des employeurs un nouveau rapport de situation comparée, qui leur permettra de définir des plans d’action en faveur de l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes. Pour garantir l’adoption de tels plans, le Gouvernement proposera d’adopter le principe d’une sanction financière applicable aux entreprises qui n’auront rien fait d’ici au 31 décembre 2009.

Mme David a en outre insisté sur les discriminations liées à l’origine. Comme elle l’a rappelé, l’étude conjointe réalisée par le BIT et la DARES présente des chiffres alarmants sur ce plan. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour souligner la force des dispositions du projet de loi en la matière, car tous les domaines sont couverts, qu’il s’agisse de l’accès aux biens et aux services, de l’emploi, de l’éducation, de la santé ou de la protection sociale.

S’agissant du CV anonyme, mesdames Alquier et Khiari, les partenaires sociaux ont prévu, dans le cadre de l’accord national interprofessionnel sur la diversité dans l’entreprise signé le 19 octobre 2006, de dresser un bilan des expérimentations conduites en la matière. Le Gouvernement en tirera tous les enseignements utiles en vue de prendre les textes d’application de la loi instaurant le CV anonyme ; nous ne pouvons nous passer, dans ce domaine, de l’expertise des partenaires sociaux.

Enfin, Mme Gautier m’a interrogée sur la révision générale des politiques publiques et sur le Service des droits des femmes et de l’égalité, le SDFE.

La modification de l’organisation administrative de l’État a pour objet d’améliorer la qualité de nos administrations, qui devront toutes s’adapter aux exigences de modernisation. Elle nous incite à imaginer des solutions nouvelles, à réduire la mosaïque des petites structures pour en faciliter notamment le fonctionnement, avec une gestion mutualisée de leurs moyens.

À ce jour, rien n’est arrêté définitivement quant au positionnement du SDFE et de son réseau déconcentré. Il est impératif d’en conserver la spécificité et de préserver la lisibilité de son action à deux échelons, quelles que soient les configurations adoptées.

À l’échelon central, l’intégration de ce service dans une grande direction est envisagée, mais cette hypothèse n’est pas incompatible avec le maintien, voire le renforcement, d’une politique transversale et interministérielle de l’égalité entre les hommes et les femmes.

À l’échelon régional, la circulaire du Premier ministre du 19 mars dernier a prévu huit structures administratives. Des aménagements sont néanmoins possibles avec cette configuration, et nous suivons deux pistes de réflexion : le rattachement auprès du préfet, dans l’équipe du SGAR, le secrétariat général aux affaires régionales, ou l’intégration dans la direction régionale de la cohésion sociale, en maintenant une entité chargée des droits des femmes et de l’égalité qui soit visible et dont la mission serait de poursuivre l’approche intégrée de l’égalité dans toutes les politiques publiques.

Dans les départements, rien n’est arrêté, mais les mêmes préoccupations m’animent, et je m’attacherai à ce que la politique de l’égalité continue d’être menée par tous les départements ministériels, à l’échelon central et sur l’ensemble du territoire.

Je pense avoir répondu de manière exhaustive aux différents orateurs. Au fil de l’examen des articles, j’essaierai de répondre plus précisément encore à vos questions et à vos propositions, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Discussion générale (suite)

7

Conférence des présidents

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Jeudi 10 avril 2008

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative aux conditions de commercialisation et d’utilisation de certains engins motorisés (n° 197, 2007-2008).

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les délais limites pour les inscriptions de parole et le dépôt des amendements sont expirés.)

À 15 heures :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement.

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.)

3°) Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin.

Mardi 15 avril 2008

À 10 heures :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 155 de Mme Marie-France Beaufils à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ;

(Maintien sur le site de Clocheville de l’hôpital pour enfants) ;

- n° 158 de M. Philippe Richert à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi ;

(Régime d’assurance chômage applicable aux contrats d’accompagnement dans l’emploi et aux contrats d’avenir) ;

- n° 174 de M. Jean Pierre Chauveau à Mme la garde des Sceaux, ministre de la justice ;

(Réforme de la carte judiciaire et mise en place des points justice) ;

- n° 176 de Mme Elisabeth Lamure à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

(Régime des plus-values professionnelles taxables à 16 % pour les entreprises individuelles) ;

- n° 177 de M. René-Pierre Signé transmise à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Avenir du bassin d’emploi de Château-Chinon) ;

- n° 178 de M. Alain Fouché à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables ;

(Programme complémentaire de couverture en téléphonie mobile du département de la Vienne) ;

- n° 179 de Mme Anne-Marie Payet à M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer ;

(Logement social outre-mer) ;

- n° 181 de M. Yves Détraigne à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi ;

(Conditions d’application de l’article 5 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, TEPA) ;

- n° 186 de M. Christian Cambon à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi ;

(Incidences de l’application de l’article L. 112-6 du code monétaire et financier concernant le règlement par chèque bancaire) ;

- n° 188 de M. Richard Yung à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

(Orientations du groupe de travail intergouvernemental sur la santé publique, l’innovation et la propriété intellectuelle, IGWG) ;

- n° 189 de M. Jean-Marc Todeschini à M. le ministre de l’éducation nationale ;

(Remise en cause des dispositifs artistiques et culturels en milieu scolaire) ;

- n° 192 de M. Georges Mouly à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Libéralisation du marché des pièces de rechange automobile) ;

- n° 204 de Mme Catherine Troendle à M. le ministre de la défense ;

(Plaidoyer en faveur du maintien de la base aérienne 132 de Colmar-Meyenheim) ;

- n° 207 de M. Jacques Legendre à Mme la ministre de la culture et de la communication ;

(Archéologie préventive et développement économique) ;

- n° 209 de M. Jean Boyer à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Exonération de la redevance audiovisuelle) ;

- n° 210 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ;

(Création d’un conseil de prud’hommes du « bocage normand ») ;

- n° 211 de M. Pierre Martin à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

(Règles d’urbanisme applicables à proximité des bâtiments d’élevage) ;

- n° 213 de M. Daniel Reiner à M. le ministre de l’éducation nationale ;

(Emploi de vie scolaire) ;

Ordre du jour prioritaire :

À 16 heures et le soir :

2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l’exécution des peines (n° 171, 2007-2008).

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 14 avril 2008, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 14 avril 2008.)

3°) Projet de loi relatif aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense (n° 324, 2006-2007).

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 14 avril 2008, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 14 avril 2008.)

Mercredi 16 avril 2008

Ordre du jour prioritaire :

À 15 heures et le soir :

- Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (A.N., n° 719).

(La conférence des présidents a fixé :

- à l’ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 15 avril 2008.)

Jeudi 17 avril 2008

Ordre du jour prioritaire :

À 15 heures et le soir :

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.

Éventuellement, vendredi 18 avril 2008

Ordre du jour prioritaire :

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.

Mardi 29 avril 2008

À 10 heures :

1°) Questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 157 de M. Claude Biwer à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Mode de fonctionnement des commissions départementales intervenant en matière de sécurité) ;

- n° 166 de M. Adrien Gouteyron à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ;

(Situation de la psychiatrie publique) ;

- n° 182 de M. Georges Mouly à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité ;

(Accessibilité des personnes handicapées aux bâtiments et espaces publics) ;

- n° 183 de Mme Josette Durrieu à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

(Charges d’amortissement pour les collectivités territoriales) ;

- n° 185 de Mme Anne-Marie Payet à M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer ;

(Dispositif d’alerte au tsunami) ;

- n° 187 de Mme Marie-Thérèse Hermange à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ;

(Politique de conservation d’unités de sang placentaire en France) ;

- n° 190 de M. Christian Demuynck à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille ;

(Disparité territoriale dans le nombre de places en crèche) ;

- n° 194 de M. Hubert Haenel à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes ;

(Association des parlements nationaux au contrôle politique d’Europol) ;

- n° 195 de Mme Muguette Dini à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

(Constructions et installations en zone agricole) ;

- n° 199 de M. Richard Yung à M. le ministre des affaires étrangères et européennes ;

(Conditions d’embauche des agents contractuels du ministère des affaires étrangères et européennes) ;

- n° 200 de M. Bernard Piras à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille ;

(Transfert de charges sur les communes et financement de la CAF) ;

- n° 201 de M. André Rouvière à Mme la ministre de la culture et de la communication ;

(Conséquences financières pour les radios associatives de la suppression de la publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public) ;

- n° 202 de Mme Alima Boumediene-Thiery à M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire ;

(Mise en œuvre de la procédure de la kafala judiciaire en France et droit de vivre en famille) ;

- n° 205 de Mme Christiane Hummel à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Pôles de compétitivité) ;

- n° 208 de M. Jean-Pierre Vial à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Projets industriels du groupe Alcan-Rio Tinto en vallée de la Maurienne) ;

- n° 215 de M. Yves Krattinger à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Valeur juridique et opposabilité des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager en l’absence de document d’urbanisme) ;

Ordre du jour prioritaire :

À 16 heures et le soir :

2°) Projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (n° 267, 2007-2008).

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 28 avril 2008, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 28 avril 2008.)

Mercredi 30 avril 2008

Ordre du jour prioritaire :

À 15 heures et, éventuellement, le soir :

- Suite du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

Mardi 6 mai 2008

À 10 heures :

1°) Questions orales.

Ordre du jour prioritaire

À 16 heures et le soir :

2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant modernisation du marché du travail (A.N., n° 743).

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 5 mai 2008, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 5 mai 2008.)

Mercredi 7 mai 2008

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et, éventuellement, le soir :

- Suite du projet de loi portant modernisation du marché du travail.

Mardi 13 mai 2008

Ordre du jour réservé

À 16 heures :

1°) Proposition de loi pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, présentée par M. Ladislas Poniatowski (n° 269, 2006-2007).

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 6 mai 2008, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 9 mai 2008.) ;

Le soir :

2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d’insertion.

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 13 mai 2008, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 9 mai 2008.)

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

8

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Articles additionnels avant l'article 1er

Lutte contre les discriminations

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d’urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il présente chaque année au Parlement un rapport relatif à l'évolution de la diversité parmi les personnels employés par les sociétés, et au développement de programmes présentant les thèmes de la diversité et de la multiplicité des cultures. »

La parole est à Mme  Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. La directive 2004/113/CE du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services ne concerne ni le domaine de l’éducation – nous y reviendrons tout à l’heure à propos de la mixité – ni les champs des médias et de la publicité.

Le principe de non-discrimination ne s’appliquera donc pas au contenu des médias ou de la publicité, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas considérés comme des biens et services à disposition du public, du moins au sens du considérant n° 13 de la directive.

Pour autant, les images, notamment télévisuelles, sont des biens d’une nature particulière : elles se caractérisent par leur facilité d’accès, l’étendue de leur diffusion dans l’espace aussi bien public que privé, et leur rôle éminent dans la constitution de nos représentations sociales.

Dès lors, plus que d’autres, ces biens doivent sinon promouvoir l’égalité, du moins ne pas véhiculer des stéréotypes négatifs.

Une étude menée en 2006 par le Bureau de vérification de la publicité, le BVP, en partenariat avec France Télévisions avait conclu à une très faible représentation des profils « extra-européens » dans la presse et dans l’affichage public et, dans une moindre mesure, à la télévision.

L’étude mettait surtout l’accent sur l’« ethnicisation » fortement stéréotypée des rôles dans la publicité, la caricature du genre étant bien évidemment la publicité Banania.

Ces différentes représentations, si elles ne sont pas objectivement dénigrantes ou désobligeantes, peuvent, selon l’étude du BVP, « contribuer à réduire l’imaginaire des possibles pour ces groupes de populations », imaginaire d’autant plus rétréci que les seules images positives et valorisantes de la diversité ethnique dans la publicité se réduisent à celles de personnalités du sport et de la musique.

Dans les films et séries de télévision, l’image des femmes est déformée : quand ces dernières sont performantes dans leur vie professionnelle, c’est forcément au détriment de leur vie familiale. Dans le même esprit, le délinquant est arabe ou noir, l’ingénieur blanc et mâle, le député ou le sénateur blanc et mâle, quinquagénaire, hétérosexuel, etc. (Sourires.)

Or la représentation des femmes et de la diversité dans les médias influe sur notre vision du monde. Les images tiennent un rôle primordial dans les constitutions identitaires et l’appréhension de l’altérité.

À la fin du mois de février, Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité, a mis en place une commission de réflexion sur l’image de la femme dans les médias. Elle a déclaré que « les politiques d’égalité entre les femmes et les hommes ne peuvent se concevoir sans une réflexion approfondie sur l’image de la femme, sur l’image des femmes ». La représentation de la diversité n’échappe pas à cette réflexion d’ensemble.

C’est pourquoi je me réjouis de la naissance, au sein du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, de l’Observatoire de la diversité audiovisuelle. Cette autorité, présidée par M. Rachid Arhab, a pour mission d’aborder la diversité sous les angles de l’origine, de l’âge, du sexe et du handicap.

Dans cette perspective, le groupe socialiste est persuadé que majorité et opposition seront favorables à cet amendement visant à ce que le CSA remette tous les ans un rapport sur la représentation de la diversité dans les médias.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, bien que, sur le fond, je fasse miens vos propos, je me demande si cet amendement a sa place dans l’examen de ce projet de loi, qui n’a pour objet que de transposer des directives.

Par ailleurs, la mise en œuvre des dispositions qu’il comporte poserait de sérieuses difficultés. En effet, comment évaluer la diversité parmi les personnels des sociétés audiovisuelles ? Cette difficulté est d’autant plus grande que le Conseil constitutionnel a interdit le recours aux statistiques ethniques.

Surtout, cette évaluation ne pourrait conduire qu’au décompte explicite ou implicite des minorités dans les entreprises et administrations concernées, ce qui est bien sûr inacceptable et dangereux.

Je ne sais pas comment nous pourrons, un jour, résoudre les questions que vous posez. Quoi qu’il en soit, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Cet amendement, qui vise à modifier le titre Ier de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, n’a pas sa place, comme l’a dit Mme le rapporteur, dans la discussion d’un projet de loi portant transposition de directives communautaires.

Par ailleurs, cet amendement comporte deux aspects.

Le premier vise à donner au CSA un pouvoir de contrôle sur la diversité de la composition du personnel des entreprises audiovisuelles. Or le CSA n’a pas pour mission de contrôler la gestion du personnel de ces entreprises. Au demeurant, l’interdiction des statistiques ethniques par le Conseil constitutionnel rendrait difficile un contrôle de la diversité du point de vue des origines.

Le second aspect de l’amendement concerne l’établissement d’un bilan annuel sur la diversité dans le contenu des programmes. Or l’article 3-1 de la loi de 1986 précitée, modifiée par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, dispose que « le Conseil supérieur de l’audiovisuel contribue aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle. Il veille, notamment, auprès des éditeurs de services de radio et de télévision, compte tenu de la nature de leurs programmes, à ce que la programmation reflète la diversité de la société française. Il rend compte dans son rapport annuel de l’action des éditeurs de services dans ce domaine. »

Je précise que ce rapport annuel est public et qu’il est adressé au président de la République, au Gouvernement et au Parlement.

Par conséquent, sous ce second aspect, l’amendement est d’ores et déjà satisfait.

En outre, je rappelle que le CSA s’est récemment doté, cela a été rappelé, d’une autorité importante, l’Observatoire de la diversité audiovisuelle, qui est présidé par M. Rachid Arhab et dont la mission est de suivre l’application des politiques d’amélioration de la représentation de la diversité, envisagée sous tous les angles : âge, sexe, origine, handicap, etc.

Le CSA n’est donc pas inactif en ce domaine ; c’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l’adoption de cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme  Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Madame la rapporteur, un rapport peut être établi sous un angle non pas quantitatif, mais qualitatif.

À cet égard, je souhaitais que la loi prévoie l’obligation, pour l’Observatoire de la diversité audiovisuelle, de communiquer son rapport annuel au Parlement.

Madame la secrétaire d'État, vous m’avez rassurée sur ce point, mais j’estime que cette question devait être abordée à l’occasion de l’examen d’un projet de loi visant à promouvoir la lutte contre les discriminations.

En tout état de cause, je maintiens l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je pensais que Mme Khiari allait retirer son amendement.

En effet, elle s’était opposée à un amendement relatif à l’évaluation de la diversité que j’avais déposé voilà quelque temps, lors de l’examen d’un autre texte. Elle m’avait alors expliqué, avec beaucoup de talent, qu’il était bien difficile de procéder à une telle évaluation sans tomber dans des travers dangereux !

Mme Khiari devrait, je crois, se souvenir des propos qu’elle a tenus à l’époque et donc retirer cet amendement, une approche qualitative me paraissant d’ailleurs encore plus complexe à mettre en œuvre qu’une approche quantitative…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l’article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les services publics ainsi que dans les entreprises publiques et privées de cinquante salariés ou plus, le bilan social établi chaque année intègre un chapitre sur les actions menées en faveur de la lutte contre les discriminations sous toutes les formes.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement a pour objet d’imposer aux services publics et aux entreprises de cinquante salariés et plus d’intégrer à leur bilan social annuel un bilan de la diversité.

Il s’agit d’aller dans le sens de l’accord national interprofessionnel de 2006 relatif à la diversité dans l’entreprise, dont l’article 10 prévoit que, à défaut d’accord collectif de branche ou d’entreprise organisant un accord sur la diversité, le chef d’entreprise doit présenter au comité d’entreprise, une fois par an, des éléments permettant de faire le point sur la situation en la matière. Un bilan est prévu au terme de deux ans d’application de cette mesure.

Une telle disposition, compte tenu de la gravité des discriminations de tous ordres qui perdurent, mérite d’être précisée.

Ainsi, le niveau d’emploi des seniors – pour évoquer un sujet qui préoccupe le Gouvernement –, victimes quasiment systématiques de discriminations à l’embauche et à la formation, pourrait être mesuré. Cela permettrait en même temps de sonder le hiatus existant entre le discours officiel et les pratiques des entreprises.

Par ailleurs, les accords de branche et d’entreprise se mettent en place lentement et la communication au comité d’entreprise reste aléatoire. Du reste, nombre d’entreprises de cinquante salariés et plus sont dépourvues de comité d’entreprise, au mépris de la loi.

Prévoir une mention dans le bilan social de la situation en matière de diversité semble donc plus sûr. Une telle mesure n’entre pas en contradiction avec l’accord national interprofessionnel, dont elle vise simplement à préciser et à accélérer la mise en œuvre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Ma chère collègue, je ferai la même remarque que tout à l’heure : le présent projet de loi ne me paraît pas être le texte le plus approprié pour insérer une telle disposition. Son objet n’est pas d’assurer la transposition de l’accord national interprofessionnel dans le code du travail, transposition qui serait sans doute meilleure et plus complète au travers d’un autre texte, lequel aurait été soumis, au préalable, aux partenaires sociaux.

Dans l’attente de connaître l’avis du Gouvernement, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, le Gouvernement partage l’objectif sous-tendant cet amendement, qui est de favoriser le dialogue social sur la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité des chances.

L’article 10 de l’accord national interprofessionnel relatif à la diversité dans l’entreprise, conclu le 12 octobre 2006 et étendu le 22 février dernier, précise que, « à défaut d’accord collectif de branche ou d’entreprise organisant un dialogue et des échanges sur la diversité, l’égalité des chances et de traitement dans l’entreprise, avec les représentants des salariés, le chef d’entreprise présentera au comité d’entreprise, […] une fois par an, […] les éléments permettant de faire le point sur la situation en la matière ».

Le Gouvernement souhaite donc laisser jouer les dispositions de cet accord, lequel prévoit en outre un bilan au terme d’une période biennale d’application. Il sera attentif aux conclusions de ce bilan, qui lui permettront éventuellement d’aménager le contenu des bilans sociaux.

Pour ces motifs, le Gouvernement est défavorable à une intervention législative prématurée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 2

Article 1er

Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés à l’alinéa précédent, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

La discrimination inclut :

1° Tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;

2° Le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement prohibé par l’article 2.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 13 est présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 31 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

ou une race

La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour présenter l’amendement n° 13.

Mme Jacqueline Alquier. Durant des décennies, on a cru pouvoir définir l’humanité, la segmenter, voire la hiérarchiser, au travers d’une appartenance raciale. Cette supposée théorie, mise en exergue dès 1853 par Gobineau dans son Essai sur l’inégalité des races humaines, a été en Europe et, plus globalement, dans l’ensemble du monde occidental, au fondement des pages les plus noires de notre histoire collective.

Dans les années cinquante, l’UNESCO demandait que le terme confus et dépourvu de fondement scientifique de « race » soit abandonné au profit de celui d’« ethnie ». Deux décennies plus tard, les connaissances en génétique et en anthropologie physique ont permis d’invalider le concept de « race ».

Ainsi, en 1992, le généticien André Langaney s’exprimait en ces termes : « Au début des recherches en génétique, les scientifiques, qui avaient en tête des classifications raciales héritées du siècle dernier, pensaient qu’ils allaient retrouver des gènes des Jaunes, des Noirs, des Blancs... Eh bien, pas du tout, on ne les a pas trouvés. Dans tous les systèmes génétiques humains connus, les répertoires de gènes sont les mêmes. »

Quant à Tahar Ben Jelloun, officier de la Légion d’honneur, il écrivait que « le mot “race” ne doit pas être utilisé pour dire qu’il y a une diversité humaine. Le mot “race” n’a pas de base scientifique. Il a été utilisé pour exagérer les effets de différences apparentes, c’est-à-dire physiques. On n’a pas le droit de se baser sur les différences physiques – la couleur de la peau, la taille, les traits du visage – pour diviser l’humanité de manière hiérarchique, c’est-à-dire en considérant qu’il existe des hommes supérieurs par rapport à d’autres hommes qu’on mettrait dans une classe inférieure. Je propose de ne plus utiliser le mot “race”. »

Certains argueront que le vocable de « race » est non seulement présent dans notre droit et, plus symboliquement, à l’article 1er de notre Constitution, mais qu’il constitue aussi parfois le fondement de notre droit positif. Il en va ainsi des circonstances aggravantes applicables à certaines infractions portant atteinte aux personnes et aux biens lorsque leur mobile est raciste. Ainsi, renoncer à ce terme reviendrait à se priver d’un instrument puissant de notre droit positif.

D’autres objecteront que, s’il revient à la philosophie d’énoncer la vérité, il revient à la loi d’instaurer des règles, et que ces dernières doivent être rédigées avec des termes communs et compréhensibles de tous.

Or, à l’occasion de l’adoption de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le législateur avait choisi de préférer le terme d’« ethnie » à celui de « race ». Ce choix important, même s’il ne concernait pas nos textes fondamentaux, constituait une illustration parfaite d’un droit en cohérence avec la réalité scientifique. Qui plus est, cette rédaction n’a empêché, pendant dix-huit ans, aucun magistrat de qualifier une discrimination de « raciste ».

Enfin, c’est parce que je considère qu’il revient au législateur d’être parfois à l’avant-garde de la société et de faire preuve de détermination que je vous propose de ne pas retenir le terme de « race » dans la rédaction proposée.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 31.

Mme Annie David. Je fais miens, bien sûr, les propos qui viennent d’être tenus, mais je souhaite formuler quelques remarques supplémentaires.

Il y a de cela moins d’un mois se déroulait la journée internationale de lutte contre le racisme. Mme Létard l’a rappelé tout à l’heure, l’année 2007 fut d’ailleurs officiellement déclarée année de lutte contre le racisme.

Or force est de constater que, malgré la volonté affichée de toutes et de tous, la lutte contre le racisme reste encore aujourd’hui d’une cruelle actualité.

L’adoption de l’amendement que je vous présente au nom du groupe communiste républicain et citoyen ne suffira certes pas, à elle seule, à endiguer toute forme de racisme ; elle contribuera cependant à faire changer les mots et, peut-être même, les discours. La discussion que nous avons eue en commission à ce propos démontre d’ailleurs que beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, partagent l’avis que je vais exprimer dans un instant.

En effet, que proposons-nous ? Ni plus ni moins de faire de nos lois, à commencer par celle-ci, un élément exemplaire de lutte contre la discrimination, en supprimant de leur rédaction le mot « race ».

Les avancées scientifiques, dont certaines ont été évoquées à l’instant, doivent constituer, pour le législateur, de réels points d’appui. Nous devons utiliser les connaissances nouvelles pour rompre définitivement avec une page de notre histoire au fil de laquelle, nous le savons bien, afin d’asseoir la domination d’une société sur l’autre, on a tenté d’établir une hiérarchie en recourant notamment à la notion de « race ».

Aujourd’hui, ce concept n’a plus la moindre légitimité scientifique et, depuis près de quarante ans, de nombreux chercheurs ont démontré que, dans la famille humaine, il n’y avait pas de « races ».

Rappelons-nous, cela a déjà été souligné lors de la discussion générale, que c’est en 1939 qu’est apparue une telle notion dans notre législation, mais que c’est sous le régime de Vichy que le mot « race » a trouvé une définition juridique, dans les lois du 3 octobre 1940 et du 2 juin 1941.

Depuis, dans notre pays, le législateur n’a eu de cesse –dans une volonté de progrès, je le concède – de recourir à cette notion pour proscrire justement les discriminations fondées sur la « race », ce qui a eu pour effet, au final, d’entériner l’existence de cette notion.

Pis encore, dans les différentes lois où ce mot apparaît, il est suivi ou précédé des mots « religion », « nation », « ethnie » ou « origine ». Autrement dit, pour le législateur, la « race » est une donnée objective, aussi objective que l’appartenance à une religion, à une nation ou à une ethnie.

Supprimer le mot « race » de la rédaction de ce projet de loi ne permettra pas à un juge peu scrupuleux de se réfugier derrière cette absence pour ne pas sanctionner des comportements racistes. D’autres notions – en particulier celles de « nation », d’« origine », d’« ethnie » – suffisent à donner aux juges les outils nécessaires pour sanctionner les pratiques visées par le présent texte. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir de ce côté, et je rejoins sur ce point ma collègue Bariza Khiari.

Certes, l’objet de cet amendement va au-delà d’une transposition stricto sensu de la directive européenne concernée, mais nous avons ici la possibilité de faire progresser dans les textes le combat acharné contre les discriminations que nous menons, toutes et tous me semble-t-il.

La Commission européenne elle-même prend soin de préciser que la référence aux « races » ne peut être employée et qu’il faut préférer la notion de « race » au singulier.

Si c’est effectivement là une avancée, on conviendra avec moi que cela ne suffit pas. Comment utiliser le mot « race » en sous-entendant qu’il n’y en a qu’une seule, puisque le recours au pluriel est proscrit, et interdire de discriminer en fonction de cette seule et unique « race » ?

Par cet amendement, nous entendons donc suivre la logique de la Commission européenne, en supprimant du vocabulaire des projets de loi toute référence à une notion insoutenable, s’agissant en particulier d’un texte dont l’objet même est de combattre les discriminations.

C’est en quelque sorte, mes chers collègues, une petite révolution que je vous demande d’approuver. J’ai conscience que cela ne sera sans doute pas facile, mais une telle disposition me semble à la hauteur de l’enjeu que nous nous sommes fixés, à savoir bannir à jamais toute thèse qui soutiendrait l’existence d’une « race supérieure », au nom de laquelle beaucoup de crimes pourraient être commis ou ont malheureusement déjà été commis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements identiques ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Mes chères collègues, la commission a elle aussi été extrêmement choquée par l’insertion du mot « race » dans le texte de la directive concernée.

Néanmoins, Mme Létard a répondu par anticipation tout à l’heure à vos amendements identiques : la directive 2000/43/CE relative à la mise en œuvre de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique précise explicitement, dans son considérant n° 6, que « l’Union européenne rejette toute théorie tendant à déterminer l’existence de races humaines distinctes. L’emploi du mot “race” dans la présente directive n’implique nullement l’acceptation de telles théories. »

Malgré cette précision, le texte de la directive est très paradoxal : il refuse la validité de la notion de race, mais il y recourt tout de même. (Mme Annie David acquiesce.)

En ce qui me concerne, je partage totalement votre opinion, mes chères collègues. Je m’en remets donc à la sagesse du Gouvernement sur cet amendement !

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Mesdames les sénatrices, je comprends moi aussi que l’emploi du mot « race » dans ce projet de loi puisse susciter des réserves. Je tiens, à cet égard, à rassurer la Haute Assemblée.

Cette interdiction de toute discrimination fondée sur la race constitue, je le rappelle, l’un des principes fondamentaux figurant dans le Préambule de la Constitution de 1946,…

Mme Annie David. Il faudrait aussi supprimer cette référence !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. … ainsi qu’à l'article 1er de la Constitution de 1958,…

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. … qui dispose notamment que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. »

Le Gouvernement a repris volontairement les termes qui figurent déjà dans le code du travail, à l’article L. 122-45. En effet, la rédaction retenue est large et signifie clairement le refus de considérer la race comme une donnée objective. On évite ainsi de lui donner une reconnaissance juridique.

La directive 2000/43/CE mentionne elle-même ce motif, que l’on retrouve dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, à l’article 13 du traité instituant la Communauté européenne.

De ce fait, il paraît inopportun de supprimer, dans ce projet de loi de transposition de directives « anti-discrimination », le motif fondant l’interdiction des discriminations à caractère raciste.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. J’ai bien entendu la réponse de Mme la secrétaire d’État qui, comme Mme Létard avant elle, nous a rappelé les termes de la Constitution et de la directive. Je les ai moi-même évoqués dans mon intervention, mais pour vous inviter, chers collègues, à accomplir en quelque sorte une petite révolution.

La Constitution et le code du travail lui-même sont des textes déjà anciens et la législation doit évoluer avec le temps. Or toutes les données scientifiques dont nous disposons à l’heure actuelle nous confirment qu’il n’y a pas de gènes spécifiques à certaines races. En fait, il n’y a qu’une seule race : la race humaine.

Mes chers collègues, nous avons enfin l’occasion de faire avancer notre droit en faisant disparaître progressivement le mot « race » de nos textes de loi.

Le Parlement doit bientôt se réunir en congrès, à Versailles. Pourquoi ne pas profiter de cette occasion pour débarrasser notre Constitution de ce terme qui n’a plus rien à faire dans la législation française et qui doit être banni de notre langage ?

Le vote de cet amendement honorerait notre assemblée, car le Sénat serait alors en avance sur son temps. Je regrette donc que Mme la secrétaire d’État ait émis un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage évidemment l’opinion de ma collègue.

Je souhaite également vous rappeler, madame la secrétaire d’État, qu’un député communiste avait déposé, voilà quelques années, une proposition de loi tendant à supprimer le mot « race » de tous nos textes de loi. On lui avait répondu, à l’époque, qu’il était d’urgent d’attendre, car une telle disposition aurait rendu obligatoire la modification de nombreux codes, ainsi que de la Constitution. Certes, je n’en disconviens pas. Mais n’est-ce pas souvent le cas ? Nous sommes fréquemment amenés à modifier la législation, à codifier, à « recodifier » et à « décodifier », et nous le faisons sans être pour autant épuisés !

Si l’on suit votre raisonnement, on trouvera toujours le moyen de s’abriter derrière des textes de toutes sortes, y compris européens et internationaux.

Je crois vraiment que nous nous honorerions, et ce particulièrement en traitant du problème des discriminations, si nous prenions, les premiers, l’initiative – après tout, cela nous est déjà arrivé au cours de l’histoire ! – de supprimer le mot « race » de notre législation, initiative qui aurait sans aucun doute un effet sur d’autres législations européennes, voire internationales.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Le texte que nous examinons vise à lutter contre les discriminations. Utiliser le terme de « race », même dans le but de prohiber les discriminations, concourt à légitimer cette notion, alors même que tous les travaux scientifiques dont nous disposons ont conclu à l’inexistence de toute race au sein de l’espèce humaine.

La contradiction qui existe entre le droit et la science n’est pas sans conséquences. Il est certain que le fait de supprimer ce mot de notre vocabulaire ou de notre législation ne fera pas disparaître le racisme. Mais il s’agit tout de même, avec ce texte, de faire tomber les préjugés et de leur ôter toute force dans l’imaginaire des individus.

Ce que nous vous demandons, chers collègues, c’est d’être un peu imaginatifs, innovants et créatifs. Rien de plus !

Mme Annie David. Bien sûr !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 31.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)

M. le président. L’amendement n° 14, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

ses convictions

par les mots :

ses opinions politiques, ses activités syndicales ou mutualistes, ses convictions religieuses

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Il s’agit d’un amendement de précision.

Le mot « convictions » est en effet très large et n’implique pas nécessairement un engagement public affirmé. Nous proposons donc de décliner ce terme sous les différentes formes que les convictions sont susceptibles de revêtir, et surtout celles qui peuvent donner lieu le plus fréquemment à discrimination : les opinions politiques, les convictions religieuses, les activités syndicales. Cette précision nous paraît de nature à fournir un fondement juridique plus précis dans les différents contentieux pouvant surgir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Contrairement à ce qu’indique l’objet, il ne s’agit pas d’un simple amendement de précision.

Cet amendement tend en effet à ajouter deux nouveaux critères de discrimination à la définition communautaire des discriminations : les activités syndicales et les activités mutualistes, et sans doute en a-t-on oublié. Or ces deux critères ne sont pas prévus par les directives transposées et leur intégration dans le droit communautaire ne peut se faire que par la négociation d’une nouvelle directive. Par ailleurs, les discriminations fondées sur les activités syndicales et mutualistes sont déjà interdites par le code du travail.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Cet amendement vise à préciser la notion de convictions mentionnée dans les directives, en indiquant que celles-ci recouvrent les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes et les convictions religieuses.

Cette précision nous éloigne du texte de la directive et nous fait courir un risque sur le plan juridique. En effet, il est tout à fait possible que la notion de convictions puisse recouvrir d’autres éléments que les quatre figurant dans l’amendement.

Le Gouvernement estime que l’amendement proposé présente ainsi le risque de restreindre la portée de la définition. Il rappelle, en outre, que l’interdiction des discriminations fondées sur les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes et les convictions religieuses est d’ores et déjà posée par l’article L. 122-45 du code du travail, qui renverra explicitement aux définitions contenues dans le projet de loi.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 36, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :

sexe

par le mot :

genre

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement, qui pourrait paraître à un certain nombre d’entre vous comme étant de pure forme, est toutefois très important sur le fond.

Il ne s’agit nullement ici de nier la réalité. Effectivement, le sexe est un facteur discriminant. Mais l’utilisation de cette seule notion dans les textes de loi tend à faire croire que la discrimination fondée sur le sexe renvoie systématiquement à la sexualité. Or tel n’est pas le cas : dans une part non négligeable des cas, les discriminations des femmes par rapport aux hommes ne sont pas construites à partir d’une approche sexuée de la personne mais, au contraire, à partir d’une approche sociétale.

La discrimination à l’égard des femmes est donc le plus souvent fondée sur une vision négative, ancienne, pour ne pas dire moyenâgeuse, des femmes.

On retiendra, par exemple, les critiques faites aux femmes d’être plus incompétentes que les hommes, d’abandonner le foyer conjugal et les tâches qui sont censées leur revenir, comme le ménage, l’éducation des enfants et la confection des repas, ou encore la critique associée consistant à expliquer la hausse du chômage par le « vol » du travail des hommes par les femmes.

Le mot « sexe » est ici mal venu et il serait préférable d’utiliser le mot « genre », comme dans les expressions « genre masculin » et « genre féminin ».

Avec cet amendement, nous espérons que vous prendrez la mesure des évolutions sociétales en jeu et que vous ferez en sorte que le langage législatif « colle » à la volonté réelle du législateur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Le mot « genre » n’est pas très utilisé dans notre société latine, qui lui préfère le mot « sexe », à la différence de ce que l’on constate assez fréquemment dans le nord de l’Europe et dans les pays anglo-saxons.

De surcroît, le droit communautaire comme le droit national recourent de préférence à cette notion de sexe, mais rarement, voire pas du tout, au mot « genre ».

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Dini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

, ne l’a été ou ne le serait

par les mots :

ou ne l’a été

La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement vise à limiter l’insécurité juridique qui résulte de la définition communautaire de la discrimination directe.

La dimension fictive de la comparaison, exprimée par la formule au conditionnel « ne le serait », pourrait en effet conduire à des condamnations fondées sur de simples suppositions. Comment une personne accusée de discrimination pourra-t-elle se défendre si les accusations dont elle fait l’objet ne sont que des hypothèses ? Veut-on remettre en cause, dans notre pays, le principe fondamental selon lequel une personne ne peut être condamnée que pour des actes qu’elle a effectivement commis ?

En réalité, mes chers collègues, le conditionnel « serait » ouvre une porte légale aux procès d’intention, ce qui me semble inacceptable. Aussi la commission des affaires sociales, soucieuse d’éviter de tels procès, a adopté à l’unanimité cet amendement qui, en conformité avec le droit communautaire, tend à supprimer l’expression au conditionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Le Gouvernement ne peut émettre qu’un avis défavorable.

La définition qui apparaît dans le projet de loi est directement issue des directives communautaires. Le Gouvernement a repris cette définition au mot près, car la Commission européenne nous a demandé très explicitement de le faire dans les avis motivés qu’elle nous a adressés. Elle indique ainsi : « La formulation adoptée dans la directive est importante afin de déterminer les situations de discriminations à travers la méthode comparative dans le passé, le présent ou le futur ».

Il s’agit, pour la Commission, d’un point fondamental de la transposition des directives relatives aux discriminations, sur lequel elle nous a indiqué qu’elle ne ferait aucune concession et n’hésiterait pas à saisir la Cour de justice des Communautés européennes.

Il faut donc être clair : si le projet de loi contient une autre définition que celle des directives, la France sera condamnée en manquement par la CJCE.

J’ajoute que la méthode comparative est déjà utilisée en droit français. Je pense, par exemple, aux cas dans lesquels le juge procède à des reconstitutions de carrière ou à l’indemnisation de la perte de chance en matière de responsabilité hospitalière. Nous sommes, là aussi, dans le conditionnel et l’éventualité, et c’est à cela que tient la garantie des victimes.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Ainsi donc, madame la secrétaire d’État, et je le constate avec inquiétude, la Commission européenne serait capable de discriminations ? Je m’explique.

La loi espagnole du 30 décembre 2003 transposant la même directive ne reprend pas le conditionnel « serait ». Or la Commission a considéré que la transposition espagnole était tout à fait correcte et n’a pas engagé d’action en manquement contre l’Espagne. De plus, le 31 janvier dernier, la Commission a fait une communication dans laquelle elle affirmait avoir engagé une action en manquement contre tous les États membres n’ayant pas correctement transposé la directive 2000/78/CE, et l’Espagne ne figurait pas sur sa liste.

J’en conclus que, si nous supprimions les mots « ne le serait », la Commission ne pourrait pas engager une action en manquement contre la France, dans la mesure où elle ne l’a pas fait contre l’Espagne. Dans le cas contraire, nous serions victimes de discrimination ! (Sourires.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et, là, il faudrait condamner l’Europe !

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Il me semble que c’est un amendement de bon sens : une définition juridique est positive ou négative, mais pas conditionnelle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Dini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :

susceptible d’entraîner

par le mot :

entraînant

La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Comme le précédent, cet amendement n’a d’autre objet que de limiter les risques de procès d’intention qui découlent des définitions communautaires des discriminations.

La définition de la discrimination indirecte évoque une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre, susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres.

D’après la définition, une personne pourrait donc être condamnée pour avoir instauré une pratique, une disposition, un critère qui ne crée pas de discriminations, mais qui est, d’après le juge, susceptible de le faire.

Une telle définition revient à autoriser les procès d’intention, et cela, une fois de plus, me paraît « incorrect », pour parler comme les Américains. (Sourires.)

Voilà pourquoi la commission des affaires sociales a adopté à l’unanimité, en conformité avec le droit communautaire, cet amendement qui tend à remplacer l’expression : « susceptible d’entraîner » par le mot : « entraînant ». Il n’y aura donc de sanction possible que pour des faits réels, et non hypothétiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement sera évidemment le même que sur l’amendement n° 1 : défavorable !

Qu’il me soit permis de le rappeler, pour mémoire, à votre assemblée, la France, qui va assumer bientôt la présidence de l’Union européenne, fait tout de même aujourd'hui l’objet de trois procédures sur ce sujet des discriminations !

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Les mots : « susceptible d’entraîner » figurent dans la directive. Il ne me semble pas souhaitable de les supprimer. En effet, s’ils s’appliquent à une disposition ou une pratique en apparence neutre, ils visent des faits indirectement discriminatoires. On peut dire que, dans la discrimination indirecte, le désavantage avance masqué.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Pour continuer avec mon exemple, je rappelle qu’en Espagne la loi du 30 décembre 2003 ne reprend pas l’expression : « susceptible d’entraîner », et la Commission européenne ne s’en est pas émue ! Si elle se décidait à intervenir contre nous, nous serions donc victimes d’une autre discrimination !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 32, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le début de l'avant-dernier alinéa (1°) de cet article :

1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa subi par une personne...

II. - Rédiger comme suit le dernier alinéa (2°) de cet article :

2° Tout agissement lié à un comportement non désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, subi par une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

III. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

3° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Mme Dini, rapporteur, signale, dès les premières pages de son rapport, que ce projet de loi présente bien des lacunes. Je cite ses propres mots : « La recherche d’efficacité semble avoir conduit le Gouvernement à négliger des problèmes de forme, préoccupants, et à sous-estimer des difficultés de fond, ce qui est plus inquiétant ».

Je m’associe à ce constat, tout en précisant que je ne souscris pas à l’ensemble du rapport de Mme Dini, comme je l’ai dit dans la discussion générale.

L’intérêt de cette transposition, outre le fait de nous éviter une condamnation certaine par la Cour de justice, réside, ou plutôt devrait résider dans l’intégration en droit national des définitions contenues dans les textes communautaires.

Malheureusement, la rédaction des définitions du harcèlement, telle que proposée par ce gouvernement, ne reprend que partiellement les directives communautaires : la directive 2002/73 /CE apporte en matière de harcèlement une définition, ou plutôt deux définitions qui n’ont pas fait l’objet d’une transposition correcte en droit interne et qui ne seraient pas non plus correctement transposées si ce texte était adopté en l’état. Nous risquerions donc une nouvelle réprimande de la Commission européenne.

Vous avez retenu certains éléments de la directive, mais vous n’avez pas adopté l’intégralité de son contenu, puisque l’article 2-2 de cette directive introduit deux formes de discriminations fondées sur le genre : une discrimination que l’on pourrait qualifier de sexiste : il s’agit de l’alinéa 3 de l’article 2-2 ; et une discrimination sexuelle dans un sens plus attendu, tel que défini à l’alinéa 4 de cette même directive.

Dans le cadre de l’alinéa 3, qui vise la discrimination sexiste, il s’agit, en fait, d’offrir aux États membres un outil juridique permettant de sanctionner les agissements d’un individu ou d’un groupe d’individus autour d’une personne, l’élément « fondateur » de ce harcèlement résidant dans « le genre » de la victime. Un tel outil est aujourd’hui inexistant en droit français.

Il s’agit, pour faire simple, de sanctionner les situations que subissent des milliers de citoyennes et de citoyens dans notre pays. Ce sont, par exemple, les propos machistes, inappropriés, relatifs aux capacités professionnelles, ou encore portant sur l’aspect physique ou les tenues vestimentaires. Aujourd'hui, cela ne peut pas faire l’objet de sanctions dans le monde de l’entreprise, le code du travail ne contenant pas de dispositions en ce sens.

Quant à la définition contenue à l’alinéa 4 de l’article 2-2 de la directive, elle apporte une précision supplémentaire en droit français. Il s’agit, dès lors, de sanctionner non plus les seuls « actes dont le but est d’obtenir pour soi ou pour un tiers des faveurs sexuelles », mais tous les agissements non désirés liés au sexe.

On le voit, ces deux définitions sont complémentaires en droit communautaire et doivent l’être en droit national. Or, la rédaction du projet de loi ne transpose pas la première définition et ne transpose que partiellement la seconde. La définition proposée par le Gouvernement reprend en partie, il est vrai, la définition contenue au quatrième alinéa, tout en supprimant les notions d’actes exprimés « physiquement, verbalement ou non verbalement ».

La réalité du droit français est telle que les procès pour harcèlement sur le lieu de travail aboutissent régulièrement à une non-condamnation, quand ce n’est pas à une condamnation de la plaignante aux dépens. Nous avons d’ailleurs déploré cette réalité lors de l’examen en commission du rapport. Non pas que les juges éprouvent des réticences particulières à recourir à cette notion, mais les lois sont tellement restrictives qu’elles n’offrent que peu de points d’appui pour les juges prud’homaux.

Cet amendement vise donc à transposer intégralement dans l’actuel projet de loi les définitions contenues dans les directives européennes. Il s’agit, pour mon groupe, d’une part, d’éviter une transposition incorrecte pouvant déboucher sur une nouvelle sanction communautaire, d’autre part, d’offrir aux victimes de harcèlement un outil plus protecteur que celui qui est défini dans ce projet de loi.

Madame la secrétaire d’État, vous ne pourrez pas me soutenir le contraire, vous qui venez de nous dire que, si la France ne transpose pas au mot près, la Commission agira en manquement ! Il faut donc adopter cet amendement, qui vous permettra de respecter notre obligation de transposition !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, ce n’est pas vrai ! Il faut relire les décisions de justice !

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa (1°) de cet article, avant les mots :

tout agissement

insérer les mots :

les actes de harcèlement définis comme

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Pour défendre cet amendement, je m’appuierai sur le rapport d’information de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, notamment sur la question des définitions.

En effet, j’en partage l’analyse et, plus spécifiquement, celle qui concerne les définitions du harcèlement : les définitions actuelles sont plus restrictives que les définitions communautaires.

Je partage également l’analyse formulée dans le rapport en ces termes : « Si votre délégation devait formuler un regret, cela serait plutôt que cet exercice de transposition aboutisse parfois à une juxtaposition de dispositions qui risquent de contribuer à brouiller la lisibilité de l’ensemble ». Telle est d’ailleurs notre principale critique.

Or, en matière de harcèlement sexuel, on ne peut que regretter la conciliation opérée par le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui. Il ne remet nullement en cause les définitions du droit national, qu’il s’agisse de celle contenue dans le code du travail ou de celle contenue dans le code pénal.

Vous l’aurez remarqué, lors de mon intervention dans la discussion générale, ou à l’occasion des amendements que je viens de défendre, le groupe CRC s’est inscrit dans une démarche résolument positive, construite autour d’une ambition : améliorer ce texte de transposition pour en faire un outil utile à celles et ceux qui sont victimes de discriminations.

Pour cela, nous refusons de nous faire enfermer dans une explication nébuleuse qui reviendrait à interdire toute action du législateur national au nom de la stricte transposition des directives communautaires.

À ce propos, je vous rappelle l’article 6 de la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique que je vous ai citée dans la discussion générale. Il est mentionné dans ce texte que : « Les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe de l’égalité de traitement que celles prévues dans la présente directive ».

Au reste, cet article, vous le connaissez parfaitement ! La preuve ? Soit vous ne transposez pas intégralement certaines définitions ; soit vous intégrez dans ce projet de loi des dispositions modifiant le code pénal, alors que rien n’oblige en matière de transposition le législateur national à intervenir dans le domaine pénal ; soit encore vous proposez des enseignements séparés, alors que rien dans la directive n’y fait référence. Mais j’y reviendrai.

Pour revenir à l’amendement, la définition que vous donnez du harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel, réussit l’exploit d’expliquer un « contexte » sans lui donner d’appellation. Il s’agit d’ailleurs là d’une interprétation non littérale des directives communautaires qui précisent, quant à elles, que les faits incriminés sont des actes de harcèlement.

Or on ne retrouve pas cette précision dans le présent projet de loi. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Ces amendements visent à transposer mot à mot la définition communautaire du harcèlement sexuel. Cette définition, assez confuse, pose des problèmes de sécurité juridique sans renforcer efficacement la lutte contre le harcèlement sexuel et la protection des victimes qui sont, au surplus, d’ores et déjà assurées aussi bien que possible par le code du travail et par le code pénal, c'est-à-dire par la législation nationale.

La commission émet un avis défavorable, car, sur ce point, elle suit le Gouvernement et retient la rédaction qu’il nous a proposée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Sur l’amendement n° 32, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée.

Sur l’amendement n° 35, l’avis est défavorable. C’est volontairement que le Gouvernement a évité d’utiliser le mot « harcèlement » dans le projet de loi qui vous est soumis, pour ne pas créer de confusion entre les faits assimilés à du harcèlement au sens de la directive et la notion pénale de harcèlement.

En effet, les directives que nous transposons ne régissent que la matière civile ; elles n’ont aucune incidence en matière pénale. En particulier, elles ne nous imposent pas d’aligner la définition du harcèlement au sens pénal du terme sur la notion de harcèlement au sens civil du terme, c’est-à-dire dans la perspective d’obtenir la réparation du préjudice subi.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. J’insiste sur le caractère confus de la définition communautaire du harcèlement sexuel, comme chacun peut le constater en la relisant : « Tout agissement lié à un comportement non désiré à connotation sexuelle s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, subi par une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

De plus, la Commission européenne n’a pas demandé que nous transposions cette définition mot à mot. Il n’y a pas de grief et donc pas de risque de sanction.

Je maintiens, au nom de la commission, notre soutien à la rédaction proposée. Il faut éviter de rendre notre droit confus et de créer une insécurité juridique supplémentaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme Dini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Une différence de traitement entre les salariés d’une même entreprise ne constitue pas en elle-même une discrimination.

La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement rappelle un principe énoncé par la Cour de cassation dans son arrêt EDF c/ Chaize et autres du 7 octobre 1999, et plusieurs fois repris depuis lors.

La distinction entre la différence de traitement et la discrimination est essentielle, car elle détermine l’état d’esprit de la lutte contre les discriminations. Sans cette distinction, les salariés sont incités par le droit, dans un cas d’inégalité de traitement, à d’emblée invoquer un motif discriminatoire, alors que l’inégalité de traitement peut résulter d’autres facteurs et n’est pas forcément due au sexe, à la couleur de peau ou à l’orientation sexuelle de la personne.

La distinction vise au contraire, afin de faire cesser l’inégalité, à encourager les salariés à se réclamer du principe d’égalité qui est commun à tous et n’enferme pas les individus dans leurs différences.

Voilà pourquoi cet amendement, qui fut adopté à l’unanimité en commission, rappelle simplement cette distinction fermement établie par la Cour de cassation.

M. le président. Le sous-amendement n° 52, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet amendement par les mots :

« illicite au sens de l'article L. 122-45 du code du travail »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Avec ce sous-amendement, nous voulons apporter une précision. Il est vrai que la rédaction proposée par Mme le rapporteur est issue d’une jurisprudence. Mais, outre le fait qu’insérer dans le présent texte une telle précision prête un peu à confusion, si l’on doit tenir compte de la jurisprudence, encore faut-il ne pas la tronquer. Or la jurisprudence qui fait conclure à la commission que toute situation inégalitaire n’est pas le résultat d’une discrimination, est bien plus précise puisqu’elle prévoit, si on la lit jusqu’au bout, que ce n’est pas une discrimination « illicite au sens de l’article L. 122-45 du code du travail ».

Par conséquent, il me semble que, si l’on omet cette partie de la jurisprudence, on sort cette dernière de son contexte et l’on ajoute à la confusion dans un texte qui, pourtant, traite de discriminations.

Que l’on fasse la différence entre des discriminations et des inégalités de traitement qui n’en seraient pas, je le conçois, mais, s’agissant d’un texte sur les discriminations, je ne vois pas la nécessité de rajouter cette précision si on sort la jurisprudence de son contexte et si on en omet une partie.

C’est pour donner à la jurisprudence tout son sens qu’il me semble important d’ajouter les mots : « illicite au sens de l’article L. 122-45 du code du travail », article qui traite effectivement de la discrimination au travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Parler en l’occurrence de discriminations illicites, madame David, c’est du même coup suggérer l’idée qu’il y aurait des discriminations licites…

En outre, il ne me semble pas judicieux d’ajouter cette précision, car elle n’apporte rien et ne change rien au fond de la question.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 3.

Il est vrai, comme le dit Mme le rapporteur, que les différences de traitement ne sont pas par principe illégales et qu’elles ne constituent donc pas par principe des discriminations. Néanmoins, nous ne sommes pas favorables à l’amendement n° 3, qui nous semble aller contre l’esprit des directives transposées.

En outre, cet amendement laisserait à penser que les différences de traitement entre salariés sont présumées légales, ce qui va à l’encontre de l’aménagement de la charge de la preuve prévu à l’article 4 du projet de loi.

Cet amendement va aussi à l’encontre des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2 du projet de loi, qui précise les conditions dans lesquelles une différence de traitement entre salariés est autorisée : il faut que la différence de traitement réponde à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée.

Nous pensons que l’amendement n° 3, qui ne reprend pas du tout ces conditions issues des directives européennes et qui porte sur un article relatif aux définitions, introduit de la confusion plus qu’il ne clarifie les choses.

Quant au sous-amendement n° 52, le Gouvernement y est également défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage l’avis de Mme la secrétaire d’État.

En effet, je ne vois pas quel avantage nous aurions à reprendre la jurisprudence ici : soit c’est une lapalissade, soit, ce qui me semble assez mal venu dans un texte comme celui que nous examinons, nous aurions l’air d’insister lourdement sur le fait qu’une différence de traitement entre les salariés ne constitue pas en elle-même une discrimination.

Dès lors, je crois, madame le rapporteur, que l’on pourrait fort bien se passer de l’amendement n° 3, qui, franchement, ne fait que brouiller les pistes !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Madame Borvo Cohen-Seat, je tiens tout de même à vous rappeler qu’il s’agit en l’occurrence d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, que je relis : « Une différence de traitement entre les salariés d’une même entreprise ne constitue pas une discrimination au sens de l’article L. 122-45 du code du travail ».

Quoi qu’il en soit, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il me semble que le sous-amendement n° 52 n’est acceptable qu’à condition de supprimer le terme « illicite ».

En effet, écrire qu’une situation est « illicite au sens de l’article L. 122-45 du code du travail » sous-entend qu’elle peut être licite au sens d’un autre article, ce qui n’est pas acceptable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une erreur de notre part !

M. le président. Acceptez-vous la rectification proposée par M. le président de la commission des affaires sociales, madame David ?

Mme Annie David. Absolument, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 52 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet amendement par les mots :

« au sens de l'article L. 122-45 du code du travail »

Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ainsi rectifié ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 52 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3, modifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle constance dans les votes !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je regrette beaucoup que cet amendement n’ait pas été adopté. En effet, si, demain, une entreprise accorde, par exemple, une place de parking à un travailleur qui habite à vingt kilomètres de son lieu de travail, alors qu’elle en refuse une à celui qui travaille en face de l’usine, cela constituera une discrimination, puisqu’il y aura bien une différence de traitement entre salariés d’une même entreprise.

Parce que nous venons de refuser le principe qu’une différence de traitement ne constitue pas en elle-même une discrimination, toute différence de traitement sera bel et bien une discrimination, ce qui est tout à fait dommage.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement purement déclaratif ne me paraissait pas nécessaire, mes chers collègues, même s’il ne manquait pas d’intérêt. La jurisprudence de la Cour de cassation en la matière est ancienne et constante.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais il s’agit d’une directive européenne et la Cour de cassation devra s’y conformer !

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 3

Article 2

Sans préjudice de l'application des autres règles assurant le respect du principe d'égalité :

1° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race est interdite en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services ;

2° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle est interdite en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle.

Ce principe ne fait pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs visés à l'alinéa précédent lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ;

3° Toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité.

Ce principe ne fait pas obstacle aux mesures prises en faveur des femmes pour ces mêmes motifs ;

4° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est interdite en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.

Ce principe ne fait pas obstacle :

- à ce que soient faites des différences selon le sexe lorsque la fourniture de biens et services exclusivement ou essentiellement destinés aux personnes de sexe masculin ou de sexe féminin est justifiée par un but légitime et que les moyens de parvenir à ce but sont nécessaires et appropriés ;

- au calcul des primes et à l'attribution des prestations d'assurance dans les conditions prévues par l'article L. 111-7 du code des assurances ;

- à l'organisation d'enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe.

Le contenu des médias et de la publicité n'est pas considéré comme un accès aux biens et services ni comme une fourniture de biens et services à la disposition du public au sens du 4° du présent article.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 37, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I.  - Rédiger comme suit le 1°de cet article :

1° Toute discrimination directe ou indirecte opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, est interdite en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fourniture des biens et services, d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle ;

II. - Supprimer le 2°de cet article.

La parole est à Mme David.

Mme Annie David. Avec l’examen de l’article 2, nous entrons au cœur des récriminations de la Commission européenne, qui considère que les transpositions par la France ont été insuffisamment ou incorrectement opérées.

Par ailleurs, cet article soulève, selon moi, le plus grand nombre d’interrogations.

En effet, il a pour vocation de transposer dans notre droit les définitions des discriminations interdites, discriminations fondées sur des critères bien particuliers ; pour être franche, je dois dire que je regrette la rédaction qui a été retenue par le Gouvernement pour cette transcription, car elle s’éloigne considérablement de l’esprit de la directive.

Plutôt que d’ériger une interdiction générale de discrimination fondée sur une définition large et complète des actes et pratiques discriminatoires, le Gouvernement a préféré une rédaction en quatre sections, chacune d’elle répondant à un grief formulé par la Commission. Pourquoi ce choix, puisqu’il porte en lui des différences en termes de droit d’accès en fonction des différences des personnes ?

Ainsi, une personne appartenant à une ethnie bien définie aurait accès à la santé ou à l’éducation, alors qu’une personne handicapée, ou à l’orientation sexuelle particulière, n’y aurait pas accès ?

C’est bien de cette façon qu’est rédigé l’article 2 ; c’est en tout cas ainsi que je le comprends !

Cet article est, en quelque sorte, la quintessence des défauts de ce texte, qui se caractérise par son caractère hautement administratif et qui, au surplus, hiérarchise les discriminations !

Cette rédaction en quatre sections ne répondra pas de manière satisfaisante aux attentes des personnes victimes de discriminations ; elle pourrait même accroître leurs difficultés. En réalité, elle ne satisfait que le Gouvernement et traduit son désir d’en finir rapidement avec ce projet de loi, et ce d’autant plus, de l’aveu même de Mme Valérie Létard devant notre commission, que le Gouvernement veut prendre la présidence de l’Union européenne en ayant soldé ce passif.

Si l’on peut se féliciter de la bonne prise en compte des discriminations d’ordre ethnique ou national en matière d’accès à la protection sociale, à la santé, aux avantages sociaux, en matière d’éducation, d’accès aux biens et services, de fourniture de biens et services, en revanche on ne peut que regretter la moindre prise en compte des autres formes de discrimination. J’ai évoqué le handicap ou l’orientation sexuelle, mais je pense aussi aux discriminations commises à raison de l’âge ou de la religion, qui ne sont pas mentionnées au 1 du présent article.

C’est faire de la réalité vécue par nos concitoyens une véritable abstraction et méconnaître la réalité. Dans les faits, combien de couples homosexuels se voient refuser la location d’un appartement parce qu’ils ont opté pour une sexualité ne correspondant pas nécessairement à ce qui est considéré communément comme la norme ?

De très nombreuses associations se sont émues de cette situation ; je le sais pour les avoir rencontrées. D’ailleurs l’inter- LGBT – Lesbian, Gay, Bisexual and Transgendered People, adapté en français en « Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres » – a notamment demandé à Mme Valérie Létard de mettre fin à cette hiérarchisation qui fait reculer très loin dans le temps le combat pour les droits.

Il est difficile de trouver rédaction plus maladroite ! Il aurait été plus sage et plus simple de préciser au sein d’un même article l’ensemble des motifs discriminants. Le Gouvernement aurait pu, pour ce faire, combiner l’ensemble des motifs visés dans les directives européennes dont il est question aujourd’hui et ceux qui sont contenus dans l’article 225-1 du code pénal.

C’est la raison pour laquelle, chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement qui a pour objet de remédier à l’inacceptable hiérarchisation des discriminations et des souffrances qu’induit la rédaction actuelle de l’article 2.

J’espère sincèrement que cette mesure de sagesse sera reconnue à sa juste valeur. Rappelons tout de même les raisons pour lesquelles nous légiférons aujourd’hui, au premier rang desquelles notre volonté commune de donner à tous nos concitoyens, hommes et femmes, les outils juridiques nécessaires à la pleine reconnaissance de leurs droits.

L’égalité est l’un de ces droits : il serait temps de passer de l’incantation à la réalisation, ce que vous ne manquerez pas de faire, chers collègues, en votant cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le 1° et le troisième alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :

ou une race

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le 1° de cet article, remplacer les mots :

ou une race

par les mots :

sur le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge, le handicap, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses,

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. La rédaction de cet alinéa a pour effet de créer une différence de traitement entre les discriminations selon les motifs qui fondent celles-ci. Il s'agit d'une transposition a minima de la directive 2000/43/CE, qui autorise les États membres à maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe de l'égalité de traitement.

En outre, cette disposition va à l'encontre de la volonté du législateur français, qui a constamment aligné le traitement de toutes les discriminations, sans créer de hiérarchie entre ces dernières.

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. - Dans le 1° de cet article, après le mot:

race

insérer les mots :

le handicap ou l'état de santé

II. - Dans le premier alinéa 2° de cet article, après le mot :

handicap,

insérer les mots :

l'état de santé,

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Il s'agit en quelque sorte d’un amendement de repli, au cas où l’amendement n° 37 ne serait pas adopté.

Pourtant, cet amendement a toute son importance, car il vise à inscrire au 1° et au 2° de l'article 2 du projet de loi, qui énonce les discriminations interdites, des références explicites aux notions de handicap et d'état de santé.

Certes, ces mentions ne figurent pas expressément dans les directives ; toutefois, mes chers collègues, si vous faites parfois le choix d’une transposition partielle des textes européens, il me semble logique que vous puissiez inscrire dans le droit français des éléments plus favorables. Je crois d’ailleurs que la formulation de la Commission européenne ne laisse aucun doute en la matière – je l’ai citée tout à l'heure et je n’y reviendrai pas.

Vous avez donc toute latitude pour intervenir dans un sens plus favorable, ce qui serait justement le cas, me semble-t-il, si vous prohibiez la discrimination en raison de l’état de santé ou du handicap des personnes.

Je ne reprendrai pas notre débat de cet après-midi, lors de l’examen du projet de loi relatif à la journée de solidarité, qui portait sur les conditions de vie des personnes handicapées et atteintes de maladies invalidantes ; mais, tout de même, il serait grand temps de rendre à ces dernières toute la dignité à laquelle elles ont droit !

Il nous appartient de faire en sorte qu’à la misère – rappelons-le : ces personnes perçoivent une allocation de 624 euros par mois – ne s’ajoute pas la souffrance. Il nous appartient de faire en sorte qu’à la discrimination causée par la maladie ou le handicap, qui excluent, ne s’ajoute pas une discrimination socialement constituée. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 37, 16, 15 et 38 ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Nous constatons que l’Europe n’en finit pas de légiférer sur les discriminations et, bien entendu, nous pouvons imaginer que, dans très peu de temps, une nouvelle directive sera adoptée sur ce sujet ! (Sourires.)

Mes chers collègues, les remarques que vous avez formulées sont intéressantes, et il serait important de les faire connaître aux négociateurs des prochains textes européens, afin qu’ils puissent les prendre en compte.

Il me semble donc préférable d’attendre la prochaine directive et d’essayer d’y intégrer toutes les dispositions que vous avez proposées aujourd'hui, dont nous pouvons approuver le principe, mais qu’il n’est pas opportun, me semble-t-il, de faire figurer dans le présent texte.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 37.

Madame David, il n’existe actuellement aucune directive communautaire tendant à interdire les discriminations fondées sur les motifs que vous évoquez, en dehors du champ de l’emploi. Le gouvernement français, qui assurera bientôt la présidence du Conseil de l’Union européenne, est prêt à travailler dans le cadre communautaire afin de compléter la législation existante. Il soutiendra les initiatives que la Commission pourrait prendre en ce sens et recherchera, avec ses partenaires européens, la formulation la plus adéquate pour de nouveaux principes, sur la base des études d’impact qui sont nécessaires et dont nous ne disposons pas à ce jour.

Comme l’a souligné Mme le rapporteur, jusqu’à l’intervention d’une éventuelle directive, les discriminations de toute nature demeurent interdites en France en application de l’article 1er de la Constitution.

S'agissant des amendements nos 16, 15 et 38, le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 37.

Mme Annie David. Madame la secrétaire d'État, je prends acte de votre déclaration : pendant que la France présidera l’Union européenne, le Gouvernement s’engage à étudier toute modification ou amélioration du droit qui irait dans le sens de nos propositions d’aujourd'hui, c'est-à-dire de la reconnaissance des discriminations dont nous avons fait état.

Nous veillerons à vous rappeler votre engagement à la fin de la présidence française, si aucune directive sur cette question n’a vu le jour d’ici là.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 2° de cet article, après le mot :

précédent

insérer les mots :

dans les conditions prévues par les articles L. 122-45-3, L. 122-45-4 et L. 123-1 du code du travail

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Cet amendement vise à maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe d'égalité de traitement, conformément à l'article 8 de la directive 2000/78/CE portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

L'article L. 122-45-3 précise les différences de traitement légitime fondées sur l'âge, l'article L. 122-45-4 celles qui sont établies sur le handicap et l'état de santé et l'article L. 123-1 celles qui reposent sur le sexe.

Toute nouvelle ouverture à d'autres différences de traitement, notamment si celles-ci devaient être fondées sur l’un des motifs visés à l'alinéa précédent, et qui ne seraient ni l'âge, ni l'état de santé, ni le handicap ou le sexe, abaisserait le niveau de protection contre la discrimination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement tend à restreindre excessivement le champ des dérogations prévues en matière d’interdiction des discriminations, qui sont bien encadrées par les trois conditions cumulatives prévues par le présent texte, à savoir l’exigence professionnelle et déterminante, l’objectif légitime et l’exigence proportionnée. Nous considérons donc qu’il n’y a pas lieu d’inscrire cette disposition dans le projet de loi.

La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du 3° de cet article, remplacer les mots :

ou de la maternité

par les mots :

, de la maternité ou de la paternité

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Le 3° de l’article 2 prévoit que toute discrimination « directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité ».

Cette rédaction va de soi en ce qui concerne les femmes qui bénéficient d’une distorsion de protection totalement justifiée par l’état de grossesse et la protection post-natale.

Toutefois, comme vous le savez, mes chers collègues, notre droit, grâce à une initiative prise par le gouvernement de Lionel Jospin, alors que Ségolène Royal était ministre déléguée à la famille, à l’enfance et aux personnes handicapées, inclut désormais un congé de paternité, également applicable en cas d’adoption.

Il est donc nécessaire que cette protection destinée plus spécifiquement aux pères soit inscrite dans le présent projet de loi, ce qui est tout à fait possible, dans la mesure où – faut-il le rappeler ? – la directive n’interdit pas que les dispositions plus favorables soient préservées dans les législations nationales. Contrairement aux propos qui ont pu être tenus, cette disposition ne créerait aucun problème juridique, car les droits spécifiques de la femme se trouveraient totalement garantis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Nous comprenons la préoccupation des auteurs de cet amendement, qui vise à étendre la protection contre les discriminations aux hommes bénéficiant d’un congé de paternité. Et ce souci n’est pas ridicule car, nous le savons, des pressions sont exercées sur les hommes pour qu’ils ne prennent pas leurs congés de paternité. Même si la logique de la transposition commandait de prendre en compte prioritairement la situation des femmes placées en congé de maternité, la commission a donné, à l'unanimité, un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, dont la rédaction est source de difficulté car elle laisse entendre que la paternité doit être mise sur le même plan que la maternité, par exemple en matière de congés familiaux.

Les directives transposées ont clairement posé le principe d’une asymétrie entre les principes de non-discrimination qui sont fixés en raison de la maternité et ceux qui sont établis à cause de la paternité. Si nous revenions sur cette distorsion, nous affaiblirions le principe posé par les directives, selon lequel des mesures de faveur peuvent être adoptées en raison de la maternité.

En effet, les directives n’ont pas tant pour objet d’autoriser les gouvernements à traiter les mères plus favorablement que les autres femmes que de leur permettre de traiter les mères plus favorablement que les pères.

En transposant ces directives, nous ne pouvons aller à l’encontre de cette volonté, sous peine de nous exposer à de nouvelles procédures d’infraction.

Par ailleurs, je souligne que les discriminations dont les pères pourraient être victimes sur leur lieu de travail, par exemple pour avoir pris un congé de paternité, sont interdites en vertu de l’article L. 122-45 du code du travail, qui proscrit toute discrimination en raison de la situation de famille.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il existe de nombreux articles du même genre ! Tout est déjà prévu par le code !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. De ce point de vue, les dispositions proposées par cet amendement n’apporteraient aucune protection supplémentaire aux pères dans leur activité professionnelle. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 4 rectifié est présenté par Mme Dini, au nom de la commission.

L'amendement n° 19 est présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 39 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.

La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la possibilité, prévue dans le texte, d’organiser des enseignements scolaires par regroupement des élèves en fonction de leur sexe, car celle-ci paraît contraire à la volonté de lutter contre les discriminations sexistes.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 19.

Mme Bariza Khiari. La navette parlementaire nous a permis de constater que l’exception au principe de non-discrimination qui est posée par cet article ne figurait dans aucune des directives à transposer.

En effet, la directive 2004/113/CE mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes dans l’accès à la fourniture de biens et de services ne s’applique pas au champ de l’éducation.

Cette exception au principe de non-discrimination n’est donc pas d’origine européenne : nous ne sommes nullement obligés d’inscrire dans nos textes la possibilité d’organiser des enseignements non mixtes.

Nous nous interrogeons donc sur l’origine de cette exception, en quelque sorte sortie de nulle part ! Faut-il la mettre au compte de travaux menés dans la précipitation, ou bien d’une orientation idéologique en phase avec les nostalgiques de l’uniforme et les détracteurs de Mai 68 ? (Sourires.)

En 2004, la délégation aux droits des femmes du Sénat avait consacré ses travaux à la mixité. Il était apparu que celle-ci, en dépit des apparences, n’était pas une donnée ou un fait universellement partagé, et qu’elle n’était pas unanimement acquise.

Parmi les détracteurs de la mixité, trois arguments, de nature fort différente, se trouvaient invoqués. Le premier, d’ordre pédagogique, soulignait que la mixité constituait un frein à la performance des filles et des garçons ; le deuxième, d’ordre social, mettait en avant la montée des violences, notamment sexuelles, dans les écoles ; le troisième, d’ordre religieux, émanait des milieux intégristes.

Des réponses étayées ont été apportées aux deux premiers arguments. Il est vrai que l’introduction de la mixité à l’école n’avait jamais été pensée ; elle n’est pas même le fruit d’un principe volontariste : elle s’est imposée davantage en fonction de contingences économiques que d’un projet de société. Pour autant, il n’est plus possible aujourd’hui de distinguer laïcité, égalité et mixité : ces trois notions forment un continuum.

Les réponses apportées à l’argument pédagogique et à l’argument social résident non pas dans la ségrégation, mais dans la formation des enseignants, dans les méthodes pédagogiques, dans les manuels scolaires et dans la volonté politique d’accompagner les jeunes femmes dans d’autres choix d’orientation professionnelle, notamment vers la filière scientifique, dont elles ont tendance à s’auto-exclure.

La réponse à l’argument religieux fut le vote de la loi sur les signes religieux à l’école.

Mes chers collègues, l’apprentissage du vivre-ensemble commence à l’école ; aucune considération ne saurait justifier la remise en cause de ce principe. Aussi, je vous demande d’adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 39.

Mme Annie David. Je dois vous dire, mes chers collègues, combien je suis choquée par l’insertion dans ce projet de loi de la mesure prévue à l’avant-dernier alinéa de cet article. Celle-ci autorise ni plus ni moins la généralisation du principe de discrimination en fonction du sexe dans le milieu scolaire, alors que rien de tel n’est exigé par les directives, ainsi que l’a rappelé Bariza Khiari.

Ainsi, aux termes de cet alinéa, ne fera pas obstacle aux principes de discrimination « l’organisation d’enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe ».

Cette disposition appelle deux réflexions, l’une juridique, l’autre politique.

D’un point de vue juridique, d’abord – et le rapport d’information réalisé par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes le souligne à juste titre –, le code de l’éducation dispose, en son article L. 121-1, que les établissements qui accueillent des élèves « contribuent à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes ».

L’avant-dernier alinéa de l'article 2 est en contradiction totale avec cet article du code de l’éducation. Comment, en effet, peut-on poser dans un code que le rôle de l’éducation est de favoriser la mixité quand, dans le même temps, une autre disposition législative autorise, sans le moindre encadrement ni la moindre limitation, la séparation des élèves en fonction de leur sexe ?

Madame la secrétaire d'État, avec cet alinéa, vous ouvrez une véritable boîte de Pandore juridique, et l’on verra une disposition aux contours flous entrer en conflit avec une autre disposition sans contour du tout ! Vous demandez en somme à ces deux dispositions de se contenir, de se limiter, voire de s’annuler, un peu comme si toutes deux avaient la même valeur.

Cette question de la valeur m’amène précisément à ma seconde réflexion, politique celle-là, sans pour autant constituer un sujet de polémique, car je veux croire que, au sein de cette assemblée, nous avons toutes et tous la même idée d’une société démocratique moderne, fondée sur l’égalité devant les droits et les devoirs.

Vous conviendrez avec moi, mes chers collègues, que la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes sont des combats permanents. Il nous appartient à tous, à tous les niveaux, de multiplier les initiatives en sa faveur.

Je rappelle à ce propos l’une des recommandations de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, qui met en garde contre l’organisation d’enseignements distincts risquant de reproduire des stéréotypes sexués contre lesquels il convient au contraire de lutter.

Or nous savons tous que, pour réussir le vivre-ensemble, il nous faut intervenir dès l’école, pour casser certains stéréotypes tenaces et apprendre à construire une vie commune. C’est précisément cela que vous remettez en cause avec cet alinéa, madame la secrétaire d'État.

Je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter notre amendement, dont l’objet est de supprimer une disposition qui prive de l’un de ses fondements notre école publique et n’ajoute rien de positif au droit français.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements identiques?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. La directive européenne promeut des valeurs identiques à celles qui sont déjà enseignées à l’école, au collège et au lycée, dans le cadre des programmes, notamment en éducation civique.

La convention interministérielle que Valérie Létard a relancée avec Xavier Darcos vise d’ailleurs à favoriser la mixité en incitant les jeunes filles à diversifier leurs choix professionnels pour qu’elles s’orientent vers des métiers techniques et scientifiques dans lesquels elles sont encore minoritaires.

L’action du Gouvernement auquel j’appartiens porte aussi sur la question du respect mutuel au sein des établissements scolaires, et ce dès le plus jeune âge. À cet égard, la mixité scolaire est fondamentale et nous sommes déterminés, Xavier Darcos et moi-même, à tout mettre en œuvre pour avancer rapidement sur ce sujet.

Cette priorité est d’ailleurs rappelée dans la circulaire de préparation de la rentrée scolaire de 2008, en date du 4 avril dernier, qui vient de parvenir aux recteurs d’académie. Elle est structurée autour de dix grandes orientations, parmi lesquelles la lutte contre toutes les violences et toutes les discriminations, notamment l’homophobie.

Enfin, s’agissant plus spécifiquement de la vie scolaire dans les lycées, le ministre de l’éducation nationale a engagé une réflexion afin d’aboutir, d’ici à la fin de l’année scolaire, à l’élaboration d’une charte de la paix scolaire, destinée notamment à prévenir les attitudes sexistes envers les élèves.

En définitive, le principe de mixité ne doit pas empêcher que, de façon ponctuelle, un enseignement soit organisé uniquement avec des jeunes filles ou avec de jeunes garçons. Ce mode d’organisation existe dans l’enseignement public – les maisons d’éducation de la Légion d’honneur, par exemple –comme dans l’enseignement privé, en France, mais aussi dans d’autres États de l’Union européenne. Il y va de la liberté de l’enseignement, à laquelle nous sommes tous très attachés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi répond déjà aux objectifs que les amendements identiques visent. Ceux-ci sont donc satisfaits.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. C’est pourquoi le Gouvernement en demande le retrait, madame le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous gagnons beaucoup à entendre l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques. Nous sommes également globalement d’accord avec les propos qu’a tenus Annie David en présentant l'amendement identique n° 39, à savoir que la loi française doit être sauvegardée et qu’il faut que l’enseignement soit le même pour tous.

Il me semble toutefois nécessaire d’ajouter une précision dans le cadre de la transposition de cette directive pour éviter que les autres mesures ne s’appliquent à l’enseignement avec la même rigueur et les mêmes contraintes.

Cela prouve d’ailleurs qu’il est possible de s’écarter légèrement de la directive.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah ? Ce n’est pas ce que disait le Gouvernement !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à l’heure, il nous a été expliqué qu’en aucun cas il n’était possible d’ajouter ou de supprimer une quelconque mesure : il fallait en rester à la directive, toute la directive, rien que la directive. Nous avons la preuve que nous pouvons faire mieux. Il ne faut donc pas hésiter et, de ce point de vue, le Gouvernement a eu raison.

Nous avons l’obligation de sauvegarder l’équilibre, fragile et durement gagné, de notre système scolaire et de la liberté d’enseignement qu’il garantit.

Compte tenu des propos de Mme la secrétaire d'État, je retire l'amendement n° 4 rectifié et souhaite que notre assemblée repousse les deux amendements identiques restants. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 4 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je suis déçue par ce revirement de la commission des affaires sociales. Nous avons voté à l’unanimité ces amendements identiques lors de la réunion de la commission ce matin et avons eu une discussion très intéressante et très importante à cette occasion. Je ne comprends donc pas le retrait qui vient d’intervenir ni la consigne que vous venez de donner, puisque c’est bien ainsi qu’il faut comprendre vos propos, monsieur le président de la commission des affaires sociales.

Pour ma part, j’estime au contraire que ces amendements doivent être adoptés. J’ai rappelé le code de l’éducation, qui régit le fonctionnement de nos écoles.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Justement, l’école est hors du champ de la directive !

Mme Annie David. Effectivement ! Pourtant, vous l’intégrez dans le texte que nous sommes en train d’examiner, ce qui rend possible l’organisation d’enseignements séparés en fonction du sexe des élèves.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incroyable !

Mme Annie David. Nous allons revenir aux cours de couture pour les filles et aux cours de mécanique pour les garçons. Il en ira de même à la piscine, avec les filles d’un côté et les garçons de l’autre, et pourquoi pas aussi pour les cours de mathématiques ? Tout cela par peur que toute autre organisation ne risque de perturber les élèves et ne les empêche d’apprendre !

Mme Bariza Khiari. C’est incroyable !

Mme Annie David. Cet alinéa signifie, par rapport aux fondements mêmes de notre école républicaine, un véritable retour en arrière.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout !

Mme Annie David. Dans les écoles privées où des enseignements sont déjà dispensés en fonction du sexe des élèves, les parents signent un document par lequel ils acceptent le règlement de l’établissement et donc les enseignements séparés.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est interdit !

Mme Annie David. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous évoquez la liberté d’enseignement au sein de l’école publique : préservez-la ! Contentons-nous de ce que prévoit le code de l’éducation, qui régit et permet cette mixité nécessaire.

Je ne vous rappellerai pas toutes les difficultés que connaissent déjà aujourd'hui nos écoles. Est-il vraiment besoin d’aller aggraver encore la situation avec des dispositions aussi négatives ?

Mes chers collègues, je serais navrée de vous voir suivre la consigne de la commission des affaires sociales. Je le répète, une telle possibilité d’enseignements séparés n’est pas dans la directive. Jusqu’ici, tous les amendements que je vous ai proposés ont été repoussés au prétexte que les mesures qu’ils tendaient à instaurer ne figuraient pas dans la directive ou ne correspondaient pas à l’esprit de cette dernière. Où est la logique ?

Et d’où vient cet alinéa ? Nous ne le savons pas, ou plutôt nous ne le savons que trop ! Je trouve très grave que le Gouvernement veuille nous imposer une disposition de ce type, qui met à mal l’un des fondements de notre République.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, l’argumentation que vous avez développée m’étonne fortement et me semble particulièrement spécieuse.

Alors que l’éducation est hors du champ de la directive, par ce simple alinéa, vous l’y intégrez. C’est très grave, car cela constituera un point d’appui pour tous ceux qui non seulement souhaitent revenir sur la mixité scolaire, mais également font pression – d’aucuns soutiennent sans doute cette action, mais nous ne pouvons l’accepter – pour que des cours d’éducation physique ou des séances de piscine séparés soient organisés et que, dans les hôpitaux, le sexe des médecins entre en ligne de compte.

Puisque rien ne vous oblige à introduire l’enseignement dans le texte, je vous en prie, ne le faites pas !

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. À mon tour, je voudrais marquer mon étonnement et dire à quel point je suis choquée. Il me semblait qu’un consensus s’était dégagé autour de la suppression de cet alinéa, qui surgit d’on ne sait où, cela a été répété.

L’éducation n’est pas du tout dans le champ de cette directive. D’où cela sort-il ?

Mme Bariza Khiari. La raison de cette décision intempestive contre la mixité scolaire n’est pas avouée et, madame la secrétaire d'État, le plaidoyer que vous avez prononcé en faveur de la mixité me laissait à penser que le Gouvernement serait favorable à cette suppression.

Je rappelle qu’une telle mesure n’est pas d’origine européenne – même si le Gouvernement cherche à nous le faire croire –, pas plus qu’elle n’est justifiée par le cas particulier de l’éducation physique. Elle ne répond manifestement qu’à un choix politique du Gouvernement, qui utilise ce texte pour ouvrir la voie à une prise en compte des particularismes religieux dans l’organisation du service public.

Mme Bariza Khiari. Les statistiques ethnoraciales ont répondu à la volonté d’ethniciser la question sociale. Aujourd'hui, on cherche à confessionnaliser la société française. Cela vient de loin : il n’est qu’à penser au discours prononcé au palais de Latran ou à celui de Ryad. Aujourd'hui, on porte atteinte à la mixité.

Il s’agit d’une atteinte au vivre-ensemble. Laïcité, égalité, mixité ne peuvent être distingués : la mixité est un vecteur d’émancipation.

Madame la secrétaire d'État, vous qui êtes chargée de la famille, réfléchissez-y à deux fois, car, sur ce point, tous les laïcs de ce pays vont vous donner du fil à retordre !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite répondre aux remarques qui ont été formulées par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Bariza Khiari.

Il est vrai que l’enseignement est hors-champ. Pour vous dire le fond de ma pensée, je pense que le Gouvernement n’a pas fait le bon choix en introduisant cette notion. A priori, il n’y avait aucune raison à cela.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, enlevons-la !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En revanche, à partir du moment où le Gouvernement a fait ce choix, en déposant ces amendements identiques, vous travaillez en creux...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ...et risquez de porter atteinte à ce que Mme David appelait tout à l’heure l’équilibre de notre système d’enseignement. Notre collègue affirmait d’ailleurs qu’il ne fallait pas toucher à l’enseignement en France, que tout allait bien, qu’il n’avait besoin de rien.

Mme Annie David. Je n’ai pas dit cela !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L’adoption de ces amendements permettrait de revenir sur l’existant, c'est-à-dire sur un équilibre extrêmement fragile.

Je n’approuve pas forcément l’introduction de cette notion dans le texte, parce que l’enseignement était hors du champ de la directive, mais je suis tout aussi contre l’adoption de ces deux amendements identiques, sur lesquels je confirme l’avis défavorable de la commission.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 39.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 9 rectifié bis est présenté par Mmes Hummel, G. Gautier, Kammermann, Lamure, Payet, Debré et Bout, M. Gournac et Mmes Procaccia, Desmarescaux et Sittler.

L'amendement n° 20 est présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 40 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le dernier alinéa de cet article.

La parole est à Mme Christiane Hummel, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié bis.

Mme Christiane Hummel. Le présent amendement a pour objet de supprimer le dernier alinéa de l’article 2, dont je rappelle les termes : « Le contenu des médias et de la publicité n’est pas considéré comme un accès aux biens et services ni comme une fourniture de biens et services » au sens de la loi.

Le sens et la portée de cette disposition ne nous paraissent pas clairs, et le président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, nous a d’ailleurs avoué, au cours de son audition, le 25 mars dernier, qu’il partageait notre perplexité.

Certes, cette disposition ne fait apparemment que démarquer l’article 3 de la directive 2004/113/CE qui, définissant son champ d’application, indique qu’elle ne s’applique « ni au contenu des médias et de la publicité ni à l’éducation ».

Fallait-il reprendre cette formule dans la loi française et, surtout, fallait-il la reprendre mot à mot ? Je note, tout d’abord, que la transposition de cette disposition ne nous est imposée, du moins actuellement, par aucune mise en demeure de la Commission européenne. Peut-être disposons-nous donc, en ce domaine, d’une marge de manœuvre que nous aurions tort de ne pas exploiter.

Le Gouvernement semble en être lui-même convaincu, et je remarque qu’il n’a pas réservé le même traitement, dans son exercice de transposition, à l’éducation, d’une part, et au contenu des médias et de la publicité, d’autre part, notions qui sont pourtant englobées par la directive dans une même formule. En effet, il ne s’est pas contenté de répéter littéralement dans le projet de loi que « l’éducation n’est pas considérée comme un bien ou service », mais il s’est efforcé de trouver à cette exception une traduction mieux circonscrite, en précisant que l’interdiction du principe de la discrimination en ce domaine ne faisait pas obstacle « à l’organisation d’enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe. » Cette formulation plus précise est, pour nous, moins choquante, même si elle appelle de notre part les réserves que j’ai exprimées.

Pourquoi n’avoir pas fait bénéficier l’exception relative aux médias et à la publicité d’un même effort d’adaptation à notre droit ? La formulation retenue par le projet de loi est si vague et si générale qu’elle nous paraît dangereuse. Devons-nous comprendre, madame la secrétaire d’État, qu’elle tend à dispenser purement et simplement les médias et la publicité de toute obligation en matière de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe des personnes ? Pourrait-elle donc avoir pour effet d’autoriser des représentations discriminatoires de la femme, voire de l’homme, dans les médias ou dans la publicité ?

Nous souhaitons obtenir des éclaircissements sur ces points qui nous paraissent graves et nous ne pouvons qu’être hostiles à une disposition qui prend le contre-pied des conclusions auxquelles ont abouti nos récents travaux sur l’image de la femme dans les médias, travaux dans le prolongement desquels s’inscrit la réflexion confiée par le Gouvernement à la commission présidée par Mme Michèle Reiser.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Deux poids, deux mesures !

Mme Christiane Hummel. Alors qu’aucune urgence ne s’attache à la transposition de cette disposition, nous pensons qu’il conviendrait d’attendre les conclusions de la commission précitée pour mieux cibler les mesures dérogatoires adaptées à ces services, certes d’un genre particulier, que sont la publicité et les médias. Car si la liberté d’expression peut justifier, jusqu’à un certain point, un traitement dérogatoire, nous croyons et affirmons que ce principe ne doit pas nous conduire à en oublier d’autres, de valeur constitutionnelle.

Nous avons évoqué tout à l’heure la dignité des personnes âgées, des personnes malades ou handicapées. Il faut tout simplement sauvegarder la dignité de la personne humaine et le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour présenter l'amendement n° 20.

Mme Jacqueline Alquier. La Haute Assemblée semble unanime pour vouloir supprimer cet alinéa que rien ne justifie. En effet, la directive ne contient pas une telle disposition. Il s’agit d’un texte imprécis, dangereux, qui recèle des possibilités de représentations discriminatoires et sans doute peu flatteuses de la femme dans la publicité et les médias.

Plusieurs publicités ont déjà fâcheusement attiré l’attention par leur mauvais goût et leur caractère proche de la pornographie. Il n’y a pas lieu d’ouvrir dans notre droit une brèche qui permettrait qu’une telle situation perdure.

Le fait que des intérêts commerciaux et financiers importants soient en jeu et fassent pression doit au contraire nous alerter et nous conduire à la plus grande vigilance pour protéger l’intérêt général.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 40.

Mme Annie David. Bien que cet amendement soit identique aux deux précédents, je vais le défendre, parce que, n’appartenant pas au même groupe que mes deux collègues, je parle d’une voix différente et j’exprime ici l’opinion d’un grand nombre de personnes.

Madame la secrétaire d’État, l’examen de l’avant-dernier alinéa de l’article 2 n’avait pas manqué de m’interpeller quant à l’intention réelle de votre gouvernement, et j’ai été saisie d’une grande colère quand j’ai compris l’objectif non avoué. Cette colère a été décuplée tout à l’heure par le revirement de la commission des affaires sociales et par le rejet des deux amendements identiques.

Autant vous dire d’emblée que le dernier alinéa du même article n’est pas mieux. Il prévoit en effet d’exclure le contenu des médias et des publicités des domaines affectés par cet article, à savoir l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe. L’industrie des médias pourrait donc continuer à discriminer à loisir les femmes, trop grosses, trop vieilles, trop maigres, à les humilier, à les placer dans des situations dégradantes, offensantes, à porter atteinte à leur dignité pour de l’argent ! Autrement dit, les médias et la publicité seraient une zone de non-droit au regard de la législation relative à la lutte contre les discriminations.

Cet alinéa me met également très en colère, et pour plusieurs raisons. Madame la secrétaire d’État, vous balayez d’un revers de main le rapport rendu sur ce thème l’an dernier par Mme Gautier, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont l’avant-propos est intitulé « L’image de la femme dans les médias et plus particulièrement dans la publicité : des atteintes persistantes à la dignité de la personne humaine et des représentations souvent stéréotypées. » L’une de ses sept recommandations est d’« accroître les moyens d’actions des associations de défense des droits des femmes en matière de lutte contre la publicité sexiste ». Ce rapport a mis en évidence des situations inacceptables contre lesquelles nous ne pourrons pas lutter si le Sénat adopte ce texte en l’état.

Comme nous le savons toutes et tous, le rôle des médias et de la publicité, dans une logique purement commerciale, consiste à accroître les bénéfices des sociétés pour lesquelles ils travaillent, de provoquer l’accroche, et certainement pas d’élever les consciences. Qui n’a jamais croisé de publicité dans laquelle une femme, à moitié nue, est réduite à jouer, au choix, le rôle d’esclave sexuelle ou de femme soumise ? Qui n’a jamais vu de publicité, dans le métro, aux arrêts de bus, dans laquelle une femme est réduite à un corps, magnifique de préférence, plutôt qu’à une tête ? Et encore cette femme n’aurait-elle pas à se plaindre par rapport à telle autre qui serait réduite à une seule partie de son anatomie, ses jambes, ses fesses ou sa poitrine, bref, une femme objet ! Or, réduire les femmes à un rôle utilitaire, qu’il soit sexuel ou « ménager » –  sur ce sujet, il y aurait encore de quoi dire –, participe directement au machisme ambiant de notre société.

L’association La Meute dénonçait d’ailleurs déjà en 2002 l’argument esthétique utilisé par bon nombre de publicitaires pour justifier le recours à des femmes objets. Il me semble important de citer ses propos, anciens, certes, mais, malheureusement, toujours de grande actualité: « Si une publicité sexiste semble belle, elle n’en est que plus efficace, mais la beauté n’est pas son but. Il ne s’agit pas d’art, et, s’il est invoqué, c’est comme alibi. La publicité relève du commerce : il s’agit de vendre un objet, de faire connaître un nom. D’ailleurs, si la publicité n’avait aucun impact, pourquoi des entreprises dépenseraient-elles autant d’énergie et d’argent ? ». Tout est dit, je crois.

Une chose cependant reste à préciser. Le dernier alinéa de l’article 2 est en total décalage avec les évolutions de notre société. Le Bureau de vérification de la publicité, le BVP, qui, en 2007, a rendu son rapport d’activité pour l’année précédente, révélait un paradoxe : une baisse notable de la publicité litigieuse, mais des publicités toujours plus provocantes autour de la construction appelée « porno chic », qui ressemble plus, en fait, à du « porno choc ».

Alors que la logique voudrait que l’on renforce les pouvoirs du BVP – une autre des recommandations du rapport de la délégation –, en faisant en sorte, notamment, que son contrôle soit a priori et non a posteriori, en rendant ses avis obligatoires et incontournables, et également publics, vous nous proposez, au contraire, une disposition rétrograde, qui limite considérablement l’intérêt de cette transposition.

Nous savons pourtant tous, dans cette enceinte, que les premiers à être marqués dans leur imaginaire par la télévision –  premier vecteur médiatique – et par les affiches sont précisément les plus jeunes. Là encore, le rapport préconisait de prévoir « dans les programmes scolaires une sensibilisation aux stéréotypes véhiculés par les médias sur les rôles respectifs des femmes et des hommes ».

Parce que nos jeunes sont l’avenir de notre pays, nous nous devons de leur offrir un autre schéma, débarrassé des stéréotypes sexués. De telles évolutions ont eu lieu au Canada et en Suède où, sous la pression des consommateurs, les publicitaires ont dû réviser leurs méthodes de communication.

Avec l’alinéa en question, vous passez un grand coup de torchon sur toutes les études que nous avons pu réaliser sur ce sujet, faisant fi du travail parlementaire accompli, de notre implication sur ce thème bien connu et dont il n’est plus à prouver qu’il concerne l’un des secteurs les plus discriminants, peut-être même aussi discriminant que le domaine politique !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Ces amendements tendent à supprimer la dérogation ouverte aux médias et aux publicitaires en matière de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe. Cette dérogation est en effet très inquiétante, car elle pourrait conduire à autoriser des publicités sexistes.

À titre personnel, je partage le point de vue des collègues qui viennent de s’exprimer. Quant à la commission, elle a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le contenu des médias et de la publicité est explicitement laissé hors du champ de la directive 2004/113/CE. Dans cette matière, en effet, le principe de non-discrimination entre les hommes et les femmes doit s’articuler avec le principe de liberté d’expression, qui est aussi l’une des valeurs fondamentales communes aux États membres de l’Union européenne.

La dérogation introduite par la directive rend d’autant plus nécessaire de mener un travail sur l’image de la femme dans les médias. Dans le cadre du plan 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes, le Gouvernement a mis en place une commission qui, présidée par Michèle Reiser et composée de professionnels de la publicité et des médias, devra faire des propositions concrètes pour améliorer la protection de l’image de la femme dans les médias.

Dans ce domaine, les instruments normatifs contraignants ne sont pas forcément suffisants. Les instruments plus souples, telles les chartes, peuvent nous aider à progresser. Néanmoins, si la commission précitée aboutit à la conclusion que des mesures législatives sont nécessaires pour améliorer l’image de la femme dans les médias – je serai personnellement attentive à ce point –, le Gouvernement préparera les dispositions nécessaires.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 9 rectifié bis, 20 et 40.

M. le président. Madame Hummel, l'amendement n° 9 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Christiane Hummel. La liberté d’expression que vous venez d’invoquer, madame la secrétaire d’État, se heurte à la dignité de la personne humaine. Vous mettez en avant le rapport Reiser et le fait que des améliorations vont être apportées. Attendons donc les conclusions de ce rapport. Par conséquent, je maintiens l’amendement n° 9 rectifié bis.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour explication de vote.

Mme Gisèle Gautier. Si cette dérogation au principe de l’interdiction de toute discrimination figure bien dans une directive européenne, le gouvernement français n’a reçu, à ma connaissance, de la part de la Commission européenne, aucune mise en demeure sur ce point précis. Dans ces conditions, pourquoi reproduire dans la loi française une disposition aussi contestable ?

C’est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Les membres de mon groupe partagent l’avis de Mme le rapporteur et soutiennent donc ces amendements. Il nous semble choquant de voir apparaître de tels termes dans un projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié bis, 20 et 40.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 30, présenté par M. Hérisson, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la nature de l’habitat constitué à titre principal d’une résidence mobile terrestre est interdite en matière d’accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.

Ce principe ne fait pas obstacle au calcul des primes et à l’attribution des prestations d’assurance dans les conditions prévues par l’article L. 111-7 du code des assurances.

La parole est à M. Pierre Hérisson.

M. Pierre Hérisson. Cette adjonction dans les critères de discrimination concerne les gens du voyage.

Ce n’est pas la première fois que je dépose cet amendement à l’occasion de l’examen d’un texte approprié. Toutefois, la situation est aujourd’hui différente. Depuis, la HALDE, dans sa délibération du 17 décembre 2007, s’est prononcée : les gens du voyage sont présentés par les textes nationaux comme une catégorie administrative définie par son mode de vie, lié à la nature de leur habitat, constitué à titre principal d’une résidence mobile terrestre, laquelle n’a jamais pu recevoir la définition d’habitat, malgré les efforts des uns et des autres. Le constat dressé confirme que les gens du voyage sont victimes de discriminations résultant des textes en vigueur comme des comportements individuels, et ce dans tous les domaines de la vie quotidienne.

Il en ressort principalement que les difficultés signalées pour l’accès aux biens et aux services des gens du voyage relèvent non pas d’une problématique tarifaire, mais d’un refus de garantie. En outre, elles ne relèvent pas uniquement d’une réticence de la part des mutuelles et des sociétés d’assurances devant un risque plus important vis-à-vis d’assurés ayant un mode de vie particulier, ni des résultats d’une enquête de sinistralité connue permettant de quantifier le risque et de rattacher les personnes itinérantes à un tarif spécifique.

Il s’agit, par cet amendement, de permettre d’appliquer le droit commun et de donner du sens et de la crédibilité à une mission d’insertion des gens du voyage dans notre République, en mettant fin à une discrimination avérée et en leur permettant de remplir leurs obligations citoyennes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Interdire aux sociétés d’assurances de refuser d’assurer les gens du voyage est contraire au principe constitutionnel de liberté contractuelle.

De plus, la mise en application de cet amendement serait inefficace puisque les assurances pourraient toujours invoquer des circonstances particulières pour refuser d’assurer les gens du voyage.

Mon cher collègue, votre souci est parfaitement légitime, mais il serait sans doute mieux satisfait par d’autres dispositions, par un renforcement des moyens du bureau central de tarification, par exemple.

La commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.

M. Pierre Hérisson. Madame la secrétaire d’État, cet amendement, que je présente pour la troisième fois dans un texte approprié, s’est vu opposer chaque fois un avis défavorable.

Je rappelle que je préside la Commission nationale consultative des gens du voyage, dont les membres ont, à l’unanimité, émis un avis favorable sur ce texte, et qu’aujourd’hui environ 30 % de la population des gens du voyage ne sont plus couverts par une assurance pour leur habitation. Il est donc urgent de régler ce problème, qui est renvoyé d’une fois sur l’autre, sans que personne propose une solution quelconque.

Les compagnies d’assurances, que la Commission nationale consultative des gens du voyage a auditionnées, bottent en touche et attendent patiemment, mais sans plus, que l’obligation d’assurer leur soit imposée par un texte législatif.

Madame la secrétaire d’État, je voudrais attirer votre attention sur le fait qu’un jour un grave sinistre peut se produire, dans un tunnel ou ailleurs, sinistre dont les victimes risqueront de se trouver face à des personnes qui ne seront pas assurées parce qu’elles ne peuvent pas l’être.

La même problématique se pose en ce qui concerne l’accès au crédit : il n’est pas étonnant que l’on ait à déplorer des excès de délinquance dans des secteurs où il n’est pas possible pour certains d’obtenir un crédit.

Je ne suis pas l’abbé Pierre, je ne suis pas en charge d’Emmaüs, mais je rappelle qu’il s’agit d’une population de plus de 400 000 âmes, dont 30 % n’ont plus accès à l’assurance.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l’article 2.

Mme Bariza Khiari. La grave atteinte portée, dans cet article 2, à la mixité, qui est un vecteur d’émancipation, est choquante.

Cet ajout, qui sort de nulle part – je rappelle que l’éducation est hors champ de la directive – ouvre la voie à la prise en compte, dans l’organisation des enseignements, de préjugés sexués d’origine religieuse ou communautaire.

Cette disposition va donc à l’encontre de l’affirmation de la mixité scolaire – la généralisation de la mixité dans la quasi-totalité des enseignements est le résultat d’un dur combat et d’une longue évolution – et conduit à permettre de revenir sur le principe même de mixité scolaire, ce qui ne correspond absolument pas à l’objet de ce projet de loi.

La préparation de la France à la présidence de l’Union européenne ne doit pas servir de prétexte au recul dans tous les domaines ni au mépris des valeurs républicaines, au nom d’une philosophie communautariste qui inspire trop fortement les directives que ce projet de loi a pour objet de transposer.

L’article 2 consacre la victoire du libéral-communautarisme sur notre projet républicain. Le groupe socialiste votera donc contre.

Par ailleurs, le revirement de la commission des affaires sociales nous semble troublant, malgré les explications de son président ; c’est donc à double titre que nous voterons contre.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je n’interviendrai pas longuement, puisque j’approuve l’ensemble des propos tenus à l’instant par Mme Khiari sur cet article 2.

Nous avons fait, en vain, des propositions pour essayer d’en améliorer le premier alinéa, afin d’élaborer une définition plus large qui ne hiérarchise pas les victimes de discriminations.

De plus, a été adoptée cette possibilité de discrimination incroyable au sein de nos écoles qui fait que, demain, les enseignements pourront être modulés en fonction du sexe des élèves.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !

Mme Annie David. On peut imaginer le pire… Pour mon groupe, il s’agit d’une atteinte directe à l’école de la République, à l’école telle que nous la concevons : l’école de l’égalité, de l’égalité des droits, de l’égalité d’accès de tous à l’instruction sur l’ensemble du territoire. Nous ne pourrons donc pas voter cet article 2.

Monsieur About, je regrette vraiment la position de la commission. Tel qu’il est désormais rédigé, cet article remet en cause le vote que nous avions initialement prévu d’émettre sur l’ensemble du texte : nous avions l’intention, compte tenu du sort réservé à nos amendements, de nous abstenir. Maintenant, je me demande si nous pourrons ne pas nous opposer à un texte de loi qui tend à organiser la discrimination au sein des écoles de notre pays.

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(L’article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

Aucune personne ayant témoigné de bonne foi d’un agissement discriminatoire ou l’ayant relaté ne peut être traitée défavorablement de ce fait.

Aucune décision défavorable à une personne ne peut être fondée sur sa soumission ou son refus de se soumettre à une discrimination prohibée par l’article 2.

M. le président. L’amendement n° 21, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

de bonne foi

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. L’introduction de la notion de « bonne foi » peut conduire à réduire la portée de la protection du témoin. De plus, en droit français, le code pénal prévoit la sanction du témoignage mensonger.

La rédaction de l’article 3 est donc étrange du point de vue de notre droit. En droit français, tout témoignage est présumé « de bonne foi » jusqu’à ce qu’il ait été éventuellement établi qu’il est, selon le terme du code pénal, « mensonger ».

Il est donc incohérent, en droit et en bonne logique, de préciser qu’un témoignage est « de bonne foi », car cela laisse présupposer qu’il ne l’est peut-être pas.

En l’espèce, c’est-à-dire en matière de discriminations dans l’entreprise, cette précision est d’autant plus étrange que l’on connaît la virulente opposition du monde patronal en matière de charge de la preuve.

Il ne faudrait pas que les salariés amenés à témoigner dans une affaire de discrimination soient abusivement dissuadés de le faire par ce soupçon a priori, qui pourrait vite être utilisé comme une forme d’intimidation.

Cette précision est donc abusive, dans la mesure où elle réduit la portée de la protection du témoin, pourtant essentielle pour combattre efficacement les discriminations au sein de l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. La mention de l’expression « de bonne foi », dans le premier alinéa de cet article, est nécessaire : la supprimer reviendrait à ce que soient protégées des personnes qui auraient délibérément menti pour faire accuser une autre personne de discrimination.

Or, dans de tels cas, des sanctions seraient tout à fait justifiées.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(L’article 3 est adopté.)

Article 3
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Article additionnel après l’article 4

Article 4

Toute personne qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d’en présumer l’existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le présent article ne s’applique pas devant les juridictions pénales. – (Adopté.)

Article 4
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Article additionnel avant l'article 5

Article additionnel après l’article 4

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 8 est présenté par MM. Hyest et Béteille.

L’amendement n° 22 rectifié est présenté par M. Yung.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l’article L. 1134-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, il est inséré un article L. 1134-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 1134-5. - L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

« Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel.

« Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée. »

II. - Après l’article 7 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 7 bis ainsi rédigé :

« Art. 7 bis. - L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

« Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel.

« Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée. »

La parole est à M. Laurent Béteille, pour présenter l’amendement n° 8.

M. Laurent Béteille. Cet amendement a d’ores et déjà été largement défendu par M. Hyest, qui a rappelé que le Sénat a adopté une proposition de loi, le 21 novembre dernier, ayant pour objet de mettre un peu d’ordre dans le régime des prescriptions en matière civile. Il en avait certainement besoin.

À la suite de l’adoption de cette proposition de loi, certains d’entre nous ont été alertés par un collectif, quelquefois un peu vigoureusement d’ailleurs, sur le problème particulier des recours en matière de discrimination.

Même si, à notre sens, la proposition de loi ne revenait pas sur la jurisprudence, désormais acquise, de la Cour de cassation, il nous a semblé nécessaire, afin de clarifier les choses et de bien les préciser, d’ajouter, dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui, des précisions quant au point de départ du délai de prescription, de manière à interpréter le texte comme l’avait fait la Cour de cassation, puisque nous ne remettons pas en cause cette jurisprudence selon laquelle le délai de cinq ans ne court qu’à compter de la révélation de la discrimination, c’est-à-dire seulement à partir du moment où la victime a pu prendre conscience de l’acte de discrimination et en prendre la mesure.

Par cet amendement, nous clarifions donc ce point de départ et nous précisons, tout comme la Cour de cassation l’avait fait, que « les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée. »

Le texte sur les prescriptions n’allait pas à l’encontre de cela. Néanmoins, certains juristes pouvaient l’interpréter d’une manière différente de ce qui avait été l’opinion, jusque-là constante, de la Cour de cassation. Par conséquent, il était souhaitable, pour couper court à toute polémique, d’apporter ces précisions, qui – j’insiste – ne changent rien au droit positif, mais tendent à éviter des débats qui n’ont pas lieu d’être.

M. le président. L’amendement n° 22 rectifié n’est pas soutenu.

Le sous-amendement n° 53, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. Dans le troisième alinéa de l’amendement n° 8, remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trente

II. Procéder à la même substitution dans le septième alinéa de cet amendement.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Je tiens à redire solennellement l’opposition du groupe CRC à toute mesure législative qui aurait pour effet d’amoindrir les droits des salariés quant à leur protection.

Nous le savons pertinemment, les salariés victimes de discrimination ou de harcèlement hésitent souvent à agir en justice, par peur des représailles et par crainte de se voir déboutés.

La majorité du Sénat a décidé, en novembre dernier, d’aggraver la situation, lors de l’adoption de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, qui a eu pour effet de réduire de trente ans à cinq ans le délai de prescription.

Autant dire que cette disposition devrait rendre de grands services aux employeurs, qui y ont vu un moyen mécanique de réduire de manière considérable le nombre de contentieux. Il s’agit en quelque sorte d’une loi d’extinction des procédures à venir.

En conséquence, nous nous retrouvons aujourd’hui à examiner un amendement déposé par MM. Hyest et Béteille et visant à préciser que la prescription de cinq ans demeure, mais qu’elle ne court qu’à compter du moment de la révélation de la discrimination. Il y est en effet précisé que « les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée ».

Bien que répondant à une partie des attentes des organisations syndicales et des associations qui vous ont sollicités, mes chers collègues, une telle proposition maintient l’inacceptable réduction du délai de prescription. La référence au moment de la découverte de la discrimination ne change rien sur le fond.

Nous savons que ces affaires sont complexes, que le rapport de domination de l’employeur sur le salarié brouille toutes les pistes et complique toutes les actions, qu’il s’agisse de celles qui sont entamées durant la période de salariat ou de celles qui le sont après.

C’est la raison pour laquelle le groupe CRC vous propose, mes chers collègues, d’adopter ce sous-amendement, dont l’objet est de prolonger le délai de cinq ans, en le fixant de nouveau à trente ans.

Par ailleurs, monsieur Hyest, je souhaiterais vous poser une question : ne craignez-vous pas que cette prescription de cinq ans ne se transforme en un simple délai à agir ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. S’agissant du sous-amendement n° 53, MM. Hyest et Béteille ont répondu par avance à vos remarques, madame David. La commission a donc émis un avis défavorable.

En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 8, qui permet de lever tout malentendu sur les incidences de la réduction de trente ans à cinq ans du délai de droit commun de la prescription extinctive en matière de lutte contre les discriminations au travail.

Comme le Sénat a été injustement accusé de vouloir porter atteinte aux droits des personnes discriminées, il est légitime qu’il réponde lui-même à ces accusations.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. L’amendement n° 8 a pour objet de lever un malentendu né de l’adoption par le Sénat de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, dont vous êtes l’auteur, monsieur Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Il s’agit de l’interprétation qui en a été faite !

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. L’examen du présent projet de loi a en effet révélé que cette proposition de loi pouvait paraître limiter les droits à réparation des victimes de discrimination, en particulier dans le cadre de l’emploi.

Cet amendement vise donc à confirmer l’application du principe de réparation intégrale du dommage né d’une discrimination dans l’exercice de l’activité professionnelle.

Tout en comprenant bien l’objectif de votre initiative, monsieur Béteille, je ne pense pas que le présent projet de loi soit le vecteur approprié pour apporter une telle précision en matière de prescription. Il me semble inopportun de « préempter » l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile et le débat qui en résultera, s’agissant notamment du délai de prescription des actions en réparation.

Par ailleurs, cet amendement tend à limiter l’effet de la prescription aux seules relations de travail, qu’elles soient de droit privé ou de droit public. Or le principe de réparation intégrale du dommage né d’une discrimination est universel. Si une telle disposition était insérée, dans la rédaction que vous proposez, au sein du code du travail et du statut des fonctionnaires, cela laisserait entendre qu’il existe deux régimes de prescription en matière de discrimination, selon le champ considéré.

Une telle précision me semble avoir davantage sa place dans le code civil, que la proposition de loi en question vise à modifier. Elle s’appliquerait ainsi erga omnes.

C’est pourquoi, sous le bénéfice de ces explications, je vous serais reconnaissante, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer l’amendement n° 8.

Quant au sous-amendement n° 53, le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. L’amendement n° 8 est-il maintenu, monsieur Béteille ?

M. Laurent Béteille. Je voudrais tout d’abord m’insurger contre les insinuations de Mme David. Selon elle, à l’occasion de l’élaboration de la proposition de loi en question, la mission d’information conduite par nos collègues Jean-Jacques Hyest, Richard Yung et Hugues Portelli aurait eu le désir de s’attaquer à l’indemnisation des victimes de discriminations. Telle n’était sûrement pas son intention !

Lorsque le Sénat, dans sa quasi-unanimité, a adopté cette proposition de loi, il ne s’agissait absolument pas de porter atteinte en quoi que ce soit aux droits que peuvent avoir les personnes victimes de discriminations. Il faut que cela soit bien clair, pour qu’on ne puisse pas nous accuser de ce genre de turpitudes. Cette accusation est à la fois très grave et totalement gratuite.

Cela dit, tout en comprenant la position du Gouvernement, je pense préférable que cette disposition soit insérée dans le texte dont nous discutons aujourd’hui.

En effet, pour sa lisibilité, le code civil doit, à mon avis, retenir en matière de prescription civile une règle générale, à savoir un délai de cinq ans. Je rappelle d’ailleurs que cette règle correspond à la prescription traditionnelle en matière de droit du travail, puisque, pour les salaires en particulier, le délai a toujours été de cinq ans. Par conséquent, nous nous efforçons d’uniformiser les différentes règles existantes.

S’il faut apporter des précisions dans des domaines particuliers, les lois qui y sont consacrées sont plus à même que le code civil d’introduire des distinctions. Sinon, le code civil finira par comporter toutes sortes de précisions qui ne devraient pas y figurer.

Bien évidemment, je le conçois, cet amendement pourra être amélioré, et nous aurons encore l’occasion d’en reparler.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En commission mixte paritaire !

M. Laurent Béteille. Pour autant, je pense très franchement qu’il vaut mieux l’adopter maintenant, en laissant perdurer le principe général, tel qu’il a été voté dans la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile.

Bien que je sois au regret de ne pas accéder à la demande du Gouvernement, je maintiens l’amendement n° 8.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 53.

Mme Bariza Khiari. En matière de discriminations, l’amendement déposé par MM. Hyest et Béteille apporte une précision intéressante. Malgré la polémique qui s’est engagée au sujet de la proposition de loi, je vous donne acte, mes chers collègues, de votre bonne foi, M. Yung nous ayant expliqué les conditions dans lesquelles ces décisions ont été prises.

Néanmoins, le délai de prescription court à compter du jour où « le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Ce point de départ, qui correspond à une règle jurisprudentielle, est inscrit à l’article 2224 du code civil, tel qu’adopté par le Sénat le 21 novembre 2007. Comme il est, dans une large mesure, affaire d’appréciation, il risque d’être contesté par l’employeur. Si une telle contestation a peu d’incidence sous le régime d’une prescription trentenaire, elle devient dangereuse sous le régime d’une prescription quinquennale.

Il suffira que l’employeur fasse valoir, argument à l’appui, que le salarié aurait dû avoir, depuis plus de cinq ans, connaissance de la discrimination dont il fait l’objet, discrimination fondée, notamment, sur l’appartenance syndicale, l’état de santé ou le sexe. Or il n’est pas toujours aisé d’établir avec certitude l’existence d’une discrimination ni, surtout, de franchir le pas de l’action en justice.

Même si l’adoption de l’amendement n° 8 permet de sauvegarder la question de la réparation, nous préférons donc que l’action en réparation du dommage se prescrive par trente ans, comme c’est le cas actuellement.

Par conséquent, nous soutenons le sous-amendement n°53. Si cela peut faciliter les choses, je suggère une solution de compromis, à savoir le retrait du paragraphe I, qui pourrait être traité lors de l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons toutes les raisons, me semble-t-il, de soutenir le sous-amendement n° 53.

Bien que l’amendement n° 8 soit tout à fait louable, je dois dire que la question n’avait malheureusement pas été traitée lors de l’examen de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’était regrettable de plusieurs points de vue. Pour ma part, je m’étais abstenue, en raison de cette prescription quinquennale et du refus de prendre en considération l’indemnisation des victimes de l’amiante. En définitive, j’aurais mieux fait de voter contre ! Cela dit, il est vrai que la question n’avait pas été soulevée, que ce soit par moi-même ou par d’autres.

Il faut bien noter que la jurisprudence établissait une exception à la prescription quinquennale en matière de salaires.

M. Laurent Béteille. Cela ne change rien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par conséquent, conservons cette exception, pour les raisons énoncées par M. Béteille lui-même !

Bien sûr, l’amendement n° 8 vise à préciser que la prescription ne court qu’à partir du moment où les faits sont connus. Malheureusement, le flou concernant la connaissance des faits et la possible contestation de la non-connaissance des faits par l’employeur risquent de rendre cette disposition complètement inopérante.

Par ailleurs, les salariés, qui ont justement conquis certains droits, grâce aux prud’hommes et à la consécration par la Cour de cassation de la prescription trentenaire, laquelle, je le rappelle, est une exception à la prescription quinquennale pour les salaires, nous ont fait remarquer, peut-être tardivement, mais ils l’ont tout de même fait, et ce à juste titre, que, très souvent, c’est en fin de carrière ou de mandat syndical, c’est-à-dire quand ils se sentent en capacité de faire valoir leurs discriminations, qu’ils engagent une action. C’est ainsi. Cette observation pourrait nous faire réfléchir sur les rapports dans l’entreprise, mais nous ne sommes pas là pour traiter des rapports entre les salariés et les patrons !

Nous devons donc soutenir le sous-amendement n° 53, car il est juste de traiter de cette question dans le cadre du présent projet de loi. En effet, il serait très regrettable que nous ayons parlé de discrimination, et ce jusque fort tard dans la nuit, sans avoir au moins corrigé l’erreur de la commission des lois, qui n’a pas tenu compte de la jurisprudence existante en la matière.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Je suis désolé de vous le dire, madame Borvo Cohen-Seat : il ne s’agissait pas du tout d’une erreur. Nous avions tout à fait conscience de ce que nous faisions. L’objectif était effectivement de réduire le délai de droit commun de la prescription à cinq ans et de le faire courir à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Il s’agissait d’une réduction volontaire de la durée de prescription, ce qui correspond à la tendance générale du droit européen.

Nous avons tenu compte exactement de la jurisprudence de la Cour de cassation. D’ailleurs, je vous renvoie aux travaux du président de la chambre sociale, qui avait abouti aux mêmes conclusions que nous.

Pourquoi avons-nous employé le terme « révélation » dans le domaine des discriminations au travail ? Il s’agit d’indiquer que le délai de cinq ans pour agir en justice court à compter du moment où la discrimination a été révélée. Si une discrimination a duré vingt ans, trente ans, voire trente-cinq ans, c’est sa révélation qui compte, moment à partir duquel la victime dispose d’un délai de cinq ans pour agir.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Hyest. L’autre branche de l’alternative consisterait à retenir un délai de trente ans à compter de la commission des faits. Elle me paraît moins bonne.

Mieux vaut qu’une personne qui aurait été victime de discrimination et aurait quitté l’entreprise, par exemple à la suite d’un départ à la retraite ou, malheureusement, d’un licenciement, dispose d’un délai de cinq ans à compter de la révélation de la discrimination pour constituer un dossier et assigner son ancien employeur en justice. Une fois l’assignation effectuée, la victime pourra encore alimenter le dossier en apportant notamment des preuves et des témoignages.

C’est pourquoi je suis convaincu que l’option de précision que nous avons apportée dans le droit du travail en matière de discrimination est plus pertinente que celle consistant à prévoir un délai de trente ans.

Cela étant, on le sait très bien, plus on avance dans le temps, plus on s’éloigne de la date des faits et plus il est difficile de prouver ces derniers. La tendance à la réduction des délais correspond à un mouvement général, et les éminents spécialistes auxquels la Chancellerie avait fait appel pour la réforme du code civil préconisaient sur ce point, dans leur avant-projet, un délai de trois ans.

Pour notre part, nous avons estimé que le délai de cinq ans était plus équilibré, d’autant qu’il correspond au délai de prescription en matière de salaires.

Quant à la réparation du préjudice causé par la discrimination, elle doit être intégrale. L’amendement le précise, mais cela n’était sans doute pas nécessaire.

Je répète ma position sur la question : la proposition de loi a été votée à la quasi-unanimité par le Sénat le 21 novembre 2007, avec l’avis favorable du Gouvernement. Or, si l’Assemblée nationale avait bien voulu examiner le texte dans les huit jours, je ne vous aurais pas proposé cet amendement. Mais, sachant que nous sommes déjà au mois d’avril et que, depuis novembre, l’Assemblée nationale n’a toujours pas discuté de ce texte, je considère que, compte tenu de l’émotion qui a été suscitée et du mauvais sort fait aux travaux du Sénat, ce dernier doit rétablir lui-même ce qui était sa volonté.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 53.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.

Article additionnel après l’article 4
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 5

Article additionnel avant l'article 5

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Dini, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le dernier alinéa de l'article L. 123-1 du code du travail est supprimé.

II. - En conséquence, le second alinéa de l'article L. 1142-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est supprimé.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la liste des professions qui ne sont pas soumises au régime d’interdiction des discriminations fondées sur le sexe.

L’article L. 123-1 du code du travail dispose que, « sous réserve des dispositions particulières du présent code et sauf si l’appartenance à l’un ou l’autre sexe est la condition déterminante de l’exercice d’un emploi ou d’une activité professionnelle », les discriminations liées au sexe sont interdites.

L’article prévoit par ailleurs qu’« un décret en Conseil d’État détermine, après avis des organisations d’employeurs et de salariés les plus représentatives au niveau national, la liste des emplois et des activités professionnelles pour l’exercice desquels l’appartenance à l’un ou l’autre sexe constitue la condition déterminante. Cette liste est révisée périodiquement dans les mêmes formes ».

Or, comme le souligne la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, le principe d’une liste énumérant de manière exhaustive les professions pour lesquelles une discrimination liée au sexe est légitime est inopérant, car impossible techniquement à mettre en pratique.

Faisant suite à une recommandation de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, la commission vous propose donc de supprimer cette liste.

La protection des femmes n’en sera pas pour autant moins assurée, grâce à la nouvelle rédaction de l’article L. 123-1 adoptée par l’Assemblée nationale et prévoyant que les discriminations fondées sur le sexe sont interdites, sauf si elles répondent « à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. L’article L. 123-1 du code du travail, dans sa rédaction actuelle, énonce que certaines différences entre sexes peuvent être autorisées « si l’appartenance à l’un ou l’autre sexe est la condition déterminante de l’exercice d’un emploi » et qu’un décret en Conseil d’État détermine la liste des professions pour lesquelles ces critères sont satisfaits.

Le projet de loi prévoit d’ajouter, conformément au droit européen, une condition selon laquelle une telle différence doit résulter d’« une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ».

Le dernier alinéa de l’article L. 123-1 du code du travail offre une protection supplémentaire en limitant l’utilisation d’une telle dérogation à certaines professions seulement, limitativement énumérées dans un décret en Conseil d’État.

Sa suppression risquerait d’être analysée comme une régression, car il appartiendrait aux employeurs, sous le contrôle du juge, de décider quel emploi peut faire l’objet d’un recrutement exclusif d’hommes ou de femmes.

De plus, la liste des professions concernées est dressée par les partenaires sociaux et révisée périodiquement. Si une lacune devait se faire jour, le décret pourrait être révisé à la demande des partenaires sociaux.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 5.

M. le président. Madame le rapporteur, l’amendement est-il maintenu ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement me semblait raisonnable et aurait à mon avis rendu les choses plus faciles à vivre pour les victimes. Mais nous verrons ce qu’il en sera à l’usage. En attendant, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.

Article additionnel avant l'article 5
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Article additionnel après l'article 5

Article 5

I. - Les articles 1er à 4 et 8 à 11  s'appliquent à toutes les personnes publiques ou privées, y compris celles exerçant une activité professionnelle indépendante.

II. - Ils s'entendent sans préjudice des dispositions et conditions relatives à l'admission et au séjour des ressortissants des pays non membres de l'Union européenne et des apatrides. – (Adopté.)

Article 5
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Article 6

Article additionnel après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé

L'article 11 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes physiques ressortissantes des États non membres de l'Union européenne sont inscrites à leur demande sur un tableau régional, sous les mêmes conditions de diplôme, certificat, titre d'architecte ou de qualification, de jouissance des droits civils et de moralité que les citoyens français, si elles sont titulaires du diplôme d'État français d'architecture et titulaires de l'habilitation d'architecte diplômé d'État à l'exercice de la maîtrise d'œuvre en son nom propre délivré par l'État. »

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement s’inscrit dans une réflexion plus générale sur les emplois dits « fermés ». Près de 30 % des emplois en France ne sont pas accessibles aux ressortissants étrangers non communautaires. Ces emplois fermés, qui représentent près de 600 000 emplois dans le secteur privé, constituent une forme autant massive que légale de discrimination.

Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, les fondements de ces restrictions législatives et réglementaires sont historiquement datés et connotés, économiquement obsolètes et moralement condamnables. Surtout, ces discriminations légales tendent à donner, par effet de système, une légitimité sociale aux discriminations illégales. L’heure est venue de mettre fin à ces obstacles réglementaires, sans naturellement revenir sur les conditions de diplômes exigées pour chaque profession.

C’est pourquoi cet amendement vise à permettre aux étudiants étrangers extracommunautaires ayant obtenu leur diplôme d’architecture en France de s’inscrire, sans autre procédure dérogatoire, à l’ordre des architectes.

La profession d’architecte, à l’instar de toutes les autres professions libérales, est une profession réglementée où la condition de nationalité et de citoyenneté européennes prévaut sur la condition de nationalité de diplôme.

Dès lors, un étudiant étranger ayant obtenu son diplôme en France ainsi que son habilitation peut s’inscrire à l’Ordre par voie dérogatoire. Une fois l’ordre des architectes saisi, celui-ci transmet la demande au ministère de la culture, qui la transmet à son tour au ministère des affaires étrangères, et le retour se fait dans l’autre sens.

Cette procédure dérogatoire concerne plus d’une centaine de dossiers par an. D’après les informations données par l’ordre des architectes, cette procédure n’a jamais rencontré de refus. Rien ne s’oppose aujourd’hui à ce que la condition de nationalité du diplôme prévale sur celle de la citoyenneté. Cette inversion serait d’ailleurs conforme aux valeurs méritocratiques et de justice sociale de la République.

Je tiens à ajouter que, dans le cadre d’une réflexion globale sur les emplois fermés, j’ai eu l’occasion d’auditionner les représentants de l’ordre des architectes. Ces derniers sont partisans d’une telle réforme, qui supprimerait une procédure administrative inutile et discriminatoire, tout en préservant la qualité du diplôme d’architecte.

À l’heure où nous souhaitons faire des économies, cet amendement nous en offre l’occasion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. La commission s’en remet à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

L’amendement n° 23 aborde la question de l’accès des ressortissants de pays non membres de l’Union européenne aux emplois réglementés.

Or le projet de loi qui vous est soumis ne traite pas de la question des discriminations en raison de la nationalité en matière d’emploi pour la bonne et simple raison que celle-ci est expressément exclue du champ d’application des directives que nous transposons ; je vous invite à vous reporter à cet égard à l’article 3 de la directive 2000-43 et à l’article 3 de la directive 2000-78.

En outre, cette question ne saurait être abordée de manière satisfaisante au travers du cas particulier des architectes. Elle doit faire l’objet d’un traitement global et être posée pour l’ensemble des professions réglementées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 5
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Article 7

Article 6

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa de l'article L. 122-45, après les mots : « directe ou indirecte, », sont insérés les mots : « telle que définie à l'article 1er de la loi n°          du                    portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, » ;

2° Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions ne font pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. » ;

3° Le premier alinéa de l'article L. 122-45-3 est ainsi rédigé :

« Les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. » ;

3° bis Après l'article L. 122-45-5, il est inséré un article L. 122-45-6 ainsi rédigé :

« Art. L.  122-45-6. - Le texte des articles L. 122-45 à L. 122-45-5 et du présent article est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche.

« Il en est de même pour les textes pris pour l'application desdits articles.

« Il en est de même pour le texte des articles 1er à 5 de la loi n°          du                    portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. » ;

3° ter Le premier alinéa de l'article L. 123-1 est ainsi rédigé :

« Sous réserve des dispositions particulières du présent code et sauf si ces mesures répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée, nul ne peut : » ;

4° L'article L. 411-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 411-5. - Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l'un des motifs visés à l'article L. 122-45. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 54, présenté par Mme Dini, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 3° de cet article, supprimer les mots :

, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi,

La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. La rédaction proposée par le projet de loi pour l’article L. 122-45-3 du code du travail est inutilement lourde : elle précise dans l’article ce que l’on peut entendre par « but légitime » sans renforcer la protection des travailleurs contre les discriminations. Il serait préférable de supprimer cette partie afin que l’article soit plus clair tout en étant aussi protecteur.

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 3° de cet article, remplacer les mots :

notamment par le souci de

par les mots :

visant à

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Cet alinéa du projet de loi dispose que « les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont […] justifiées par un but légitime ».

Le texte énumère ensuite les objectifs visés : « préserver la santé ou la sécurité des travailleurs », « favoriser leur insertion professionnelle », « assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi ».

L’ensemble de ces objectifs va en effet dans le sens de l’intérêt des travailleurs. Toutefois, la mention « notamment », qui précède l’énumération, permet d’introduire d’autres objectifs qui n’auraient pas nécessairement pour finalité réelle de préserver l’intérêt des travailleurs.

On peut imaginer l’introduction de dispositions qui, dans le contexte actuel, auraient pour finalité d’obliger les travailleurs âgés à poursuivre leur activité professionnelle en contrat précaire, malgré un état de santé lui aussi précaire à la suite de l’exercice d’un métier pénible. Mais la pénibilité ne peut exister puisque le patronat ne veut pas la reconnaître.

On peut aussi imaginer des dispositions comme le SMIC jeune de M. Balladur ou le contrat première embauche. De telles dispositions n’ont rien à voir avec l’intérêt des travailleurs, mais beaucoup à voir avec celui des employeurs.

Il est donc primordial que le texte soit précisé et que la liste des buts légitimes soit limitative afin que des objectifs nouveaux, éventuellement contraires à l’intérêt des travailleurs, ne puissent y être introduits.

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 3° de cet article, après les mots :

notamment par

insérer les mots :

des objectifs de politique de l'emploi,

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement tend à modifier la rédaction du 3° de l’article 6, alinéa qui vise à réécrire le premier alinéa de l’article L. 122-45-3 du code du travail.

La rédaction envisagée par le Gouvernement ne porte que sur les discriminations « négatives » des salariés, notamment en leur interdisant l’accès à l’emploi sous le prétexte de protéger leur santé.

Elle aurait pour second effet de supprimer la référence passée aux objectifs des politiques de l’emploi.

Il nous paraît important de réintégrer cette disposition, qui permet de protéger davantage les salariés âgés tout en ne privant pas les pouvoirs publics de la possibilité d’adopter des mesures de protection supplémentaires, à l’image de la contribution Delalande, par exemple.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. La commission demande le retrait de l’amendement n° 24 et s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 42.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 54, considérant que la formulation du projet de loi est plus précise et plus proche du texte de la directive 2000/78.

Il est également défavorable aux amendements nos 24 et 42

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je déposerai un jour un amendement visant à interdire l’utilisation de l’adverbe « notamment » dans les textes de loi.

Même si le texte en vigueur comportait certaines dispositions stupides, est-il pour autant nécessaire de persévérer en employant l’adverbe « notamment » suivi de deux ou trois points ? Pourquoi pas un quatrième et un cinquième points ? Les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles reposent sur des motifs légitimes. Pourquoi donc introduire une liste de motifs au moyen de l’adverbe « notamment » ? Cela signifie-t-il que, ne pouvant tous les envisager, le législateur s’en remet au juge ? Voilà pourquoi la commission a souhaité, par l’amendement n° 54, supprimer cette liste de motifs, qui ne présente absolument aucun intérêt.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 24 et 42 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 41, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le 3° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le premier alinéa de l'article L. 122-45-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les différences de traitement à raison de l'âge prises sur le fondement de la santé ou de la sécurité des travailleurs doivent être exercées sous le contrôle des services de la médecine du travail. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. La rédaction proposée par le projet de loi pour le premier alinéa de l’article L. 122-45-3 permettra d’excuser par avance la discrimination à l’embauche de ce qu’il est convenu d’appeler pudiquement aujourd’hui les seniors !

En effet, si nous adoptions cet article sans modification, nous autoriserions un employeur à opérer une discrimination à l’égard d’un salarié candidat à l’embauche en raison de son âge. Bien sûr, l’employeur le ferait au nom de l’intérêt du candidat à l’embauche, justifiant sa décision par le souci de préserver la santé de ce dernier.

Nous ne sommes pas habitués à une telle bienveillance du patronat, qui, voilà peu de temps encore, n’hésitait pas à exposer les salariés aux pires polluants et à l’amiante pour accroître ses bénéfices !

Et si rien ne vous heurte dans cette disposition, mes chers collègues, tel n’est pas mon cas. Si l’on parle de santé et de protection de la santé du candidat à l’embauche, nous devons nécessairement nous poser la question de l’évaluation. Qui décidera si la santé d’un salarié âgé le rend apte à occuper le poste auquel il est candidat ?

En l’absence de précision, on devine que cette mission incombera à l’employeur ou au service des ressources humaines. Mais sur quel fondement ? L’apparence physique ? Pis, la réponse à un questionnaire de santé, digne de ceux qui sont exigés par les assureurs ?

Cet article vise une même logique : dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, vous avez autorisé le médecin de l’employeur à vérifier le bien-fondé de la maladie du salarié et à faire connaître son analyse à la sécurité sociale, qui peut ainsi décider de suspendre ou non les indemnités journalières.

Avec cet article, vous franchissez une nouvelle étape, faisant de l’employeur un médecin capable de jauger l’état de santé du candidat.

Il est également fait référence à la notion de « but nécessaire et approprié ». Mais, là encore, à qui appartiendra-t-il de définir précisément ce but nécessaire et approprié ? À une commission spécifique ? Sera-t-elle indépendante de l’employeur et de la hiérarchie ?

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous ne pouvez ignorer cette inquiétude ! La HALDE, dont tout le monde, dans cet hémicycle, s’accorde à vanter les mérites, a souhaité, dans son tableau comparatif commenté du projet de loi, que cette notion pour le moins abstraite de « but nécessaire et approprié » soit précisée.

Si notre amendement n° 41 n’est pas parfait, il ne permet en tout cas pas de justifier la discrimination à l’emploi des seniors au nom d’un motif apparemment généreux ! En outre, il s’inspire de l’avis du collège de la HALDE en date du mois de novembre 2007, avis relatif au projet de loi que nous examinons aujourd’hui et que mon groupe a d’ailleurs eu bien du mal à se procurer.

Et que dit cet avis ? Ni plus ni moins ce que nous vous proposons. Je ne résiste pas au plaisir de vous donner lecture du point numéro 20 : « La Haute autorité renouvelle son souhait que les différences de traitement fondées sur l’âge ne soient autorisées que sous réserve de la proportionnalité et de la nécessité de leur mise en œuvre. À cet égard, la Haute autorité rappelle que la sécurité des travailleurs est placée sous le contrôle de la médecine du travail. C’est pourquoi des différences de traitement à raison de l’âge, prises sur le fondement de la sécurité des travailleurs, ne pourraient être nécessaires et proportionnées que si elles sont adoptées sous le contrôle de la médecine du travail. »

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement prétend vouloir accroître la lutte contre le chômage des seniors. Pourtant, dès que vous en avez la possibilité, vous permettez la discrimination des salariés les plus âgés, soit en supprimant la contribution Delalande, soit, comme c’est ici le cas, en opérant une discrimination à leur égard dès la candidature d’embauche.

Si vous avez réellement à cœur de protéger la santé des travailleurs, mes chers collègues, alors adoptez cet amendement, qui dispose qu’il appartient à la médecine du travail de statuer sur la compétence physique du candidat.

Voilà la seule sécurité acceptable en matière de santé au travail. Là encore, lorsque l’on prétend lutter contre les discriminations, encore faut-il aller jusqu’au bout !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement vise à encadrer les différences de traitement liées à l’âge et justifiées pour des raisons de sécurité ou de santé, qui ne pourront être autorisées que par la médecine du travail.

Cette disposition, si légitime soit-elle dans son intention, pourrait se retourner contre les seniors en augmentant encore un peu plus les contraintes qui pèsent sur eux.

La commission s’en remettra à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif et consiste à éviter toute altération de la santé du travailleur du fait de son travail. Il ne lui appartient pas de contrôler les décisions de l’employeur.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Il n’appartient pas au médecin du travail de revenir sur la décision de l’employeur en matière de santé du salarié. Mais de quel droit l’employeur pourra-t-il émettre un avis sur la santé des demandeurs d’emploi, de surcroît de ceux qui sont âgés ?

D’un côté, vous dites vouloir favoriser l’emploi de seniors, mais, d’un autre côté, vous laissez la possibilité au patron d’une entreprise de refuser d’embaucher une personne un peu trop âgée sous prétexte de préserver sa santé et de ne pas la mettre en danger.

Madame la secrétaire d'État, vous voulez lutter contre les discriminations, vous faites de belles déclarations, qui passent fort bien à la télévision ou à la tribune ; mais, quand il s’agit d’afficher des actes forts, il n’y a plus personne !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Nous verrons à l’usage !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mme Dini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le 3° bis de cet article pour l'article L. 122-45-6 du code du travail :

« Art. L. 122-45-6. - Le texte des articles 225-1 à 225-4 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche. »

La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement vise à modifier une disposition adoptée par l’Assemblée nationale prévoyant l’obligation d’afficher les cinq premiers articles du présent projet de loi et les articles du code du travail s’y référant dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche.

Si les intentions sont louables et appréciables, il nous semble que, au vu des difficultés que pose le projet de loi, il paraît plus constructif, plus efficace et, sans doute, plus simple pour les personnes intéressées d’afficher la section « discriminations » du code pénal dans ces mêmes lieux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Alquier. Nous voterons contre cet amendement qui, loin de simplifier les choses pour les salariés, nous paraît au contraire les obscurcir.

En effet, le code du travail, dans la rédaction actuelle de ses articles L. 122-45 à L. 122-45-5, précise qu’aucune personne ne peut être écartée ou sanctionnée pour un motif discriminatoire.

Ces motifs, comme dans le code pénal, sont énumérés, mais omettent, par exemple, les caractéristiques génétiques. Les avancées de la science nous conduisent pourtant à souhaiter que cette mention ne soit pas oubliée. Elle constitue une avancée du droit français, qui devra certainement être prise en compte dans l’avenir quand un prochain contentieux révélera une mesure discriminatoire fondée sur des caractéristiques génétiques.

L’article L. 122-45 dispose également qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire […] en raison de l’exercice normal du droit de grève ». Cela nous paraît sans doute évident, mais l’information des salariés, trop souvent victimes de pressions, quand leur action n’est pas entravée par des caisses noires patronales, doit être précise sur ce point.

Il serait également regrettable que les salariés ne soient pas informés de l’article L. 122-45-1, qui dispose que « les organisations syndicales représentatives au plan national […] ou dans l’entreprise peuvent exercer en justice toutes actions » en faveur d’une personne qui s’estime discriminée.

Il ne suffit pas que les droits existent ni qu’ils soient affichés, encore faut-il que ceux qui sont protégés par la loi puissent faire vivre ces droits, qu’ils soient matériellement à même de les faire reconnaître.

Il faut aussi que le salarié ayant le courage d’engager une action en justice pour faire reconnaître et sanctionner une discrimination sache clairement qu’il ne peut être licencié pour cela et que la réintégration est de droit.

Le code du travail est infiniment plus explicite que le code pénal, qui ne fait qu’indiquer ce qui constitue une discrimination, et les sanctions pénales afférentes. Certes, celles-ci sont sévères, mais le chemin pour y parvenir est beaucoup plus aléatoire.

Nous préférons donc le maintien de l’affichage des dispositions du code du travail sur le lieu de travail, ce qui nous semble plus complet et plus accessible aux salariés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
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Articles additionnels après l'article 7

Article 7

Le code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est ainsi modifié :

1° Dans l'article L. 1132-1 et à la fin du premier alinéa de l'article L. 1134-1, après les mots : « directe ou indirecte, », sont insérés les mots : « telle que définie à l'article 1er de la loi n°          du                    portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, » ;

2° Les articles L. 1133-1, L. 1133-2 et L. 1133-3 deviennent respectivement les articles L. 1133-2, L. 1133-3 et L. 1133-4 ;

3° L'article L. 1133-1 est ainsi rétabli :

« Art. L. 1133-1. - L'article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. » ;

4° Le premier alinéa de l'article L. 1133-2, tel qu'il résulte du 2°, est ainsi rédigé :

« Les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. » ;

4° bis Le premier alinéa de l'article L. 1142-2 est ainsi rédigé :

« Lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée, les interdictions prévues à l'article L. 1142-1 ne sont pas applicables. » ;

4° ter L'article L. 1142-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1142-6. - Le texte des articles L. 1132-1 à L. 1144-3 est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche.

« Il en est de même pour les textes pris pour l'application desdits articles.

« Il en est de même pour le texte des articles 1er à 5 de la loi n°          du              portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. » ;

5° L'article L. 2141-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2141-1. - Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l'un des motifs visés à l'article L. 1132-1. » ;

6° Dans le dernier alinéa de l'article L. 5213-6, la référence : « L. 1133-2 » est remplacée par la référence : « L. 1133-3 ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 55, présenté par Mme Dini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 4° de cet article, supprimer les mots :

, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi,

La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 4° de cet article, remplacer les mots :

notamment par le souci de

par les mots :

visant à

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. La commission sollicite le retrait de l’amendement n° 25.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 25 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 7, présenté par Mme Dini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le 4° ter de cet article pour l'article L. 1142-6 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 :

« Art. L. 1142-6. - Le texte des articles 225-1 à 225-4 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche. »

La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, qui a le même objet que l’amendement n° 6, adopté à l’article 6.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 8

Articles additionnels après l'article 7

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 26, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, le mot : « distinction » est remplacé par le mot : « discrimination » ;

2° Au deuxième alinéa, après le mot : « indirecte » sont insérés les mots : « telle que définie à l'article premier de la loi n°    du     portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations » ;

3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les associations pour la lutte contre les discriminations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins, ou qui ont obtenu à leur demande une habilitation de la Haute autorité de lutte contre les discriminations pour cet objet, peuvent exercer en justice toutes actions dans les conditions prévues par le présent article, en faveur d'un candidat à un emploi dans la fonction publique ou d'un fonctionnaire, sous réserve qu'elles justifient d'un accord écrit de l'intéressé. Celui-ci peut toujours intervenir à l'instance engagée par l'association et y mettre un terme à tout moment. »

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Les alinéas 1° et 2° de cet amendement sont d’ordre rédactionnel et visent à opérer une coordination.

Le 3° répond aux préconisations de l’article 9 de la directive 2000/78/CE, qui dispose ceci : « Les États membres veillent à ce que les associations, les organisations ou les personnes morales qui ont, conformément aux critères fixés par leur législation nationale, un intérêt légitime à assurer que les dispositions de la présente directive sont respectées puissent, pour le compte ou à l’appui du plaignant, avec son approbation, engager toute procédure judiciaire et/ou administrative prévue pour faire respecter les obligations de la présente directive. »

Si l’article 2-6 du code de procédure pénale et le deuxième alinéa de l’article L. 122-45-1 du code du travail répondent à cette exigence, il n’y a rien d’équivalent dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Il en résulte que les agents de la fonction publique qui sont victimes de discrimination ne peuvent recevoir l’assistance juridique d’une association en cas de conflit devant la justice administrative, ce qui contrevient à la directive.

L’amendement n° 26 vise à réparer cette omission. Il tend à prévoir que les associations régulièrement constituées depuis plus de cinq ans ou disposant de l’habilitation de la HALDE peuvent exercer toutes actions en faveur d’un candidat à un emploi, dans les conditions habituelles, c’est-à-dire qu’elles justifient d’un accord écrit de l’intéressé et que celui-ci puisse mettre un terme à l’action à tout moment.

M. le président. L'amendement n° 43, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de la présente loi, dans les conditions prévues par celle-ci, en faveur d'un candidat à un emploi dans la fonction publique ou d'un fonctionnaire, sous réserve qu'elles justifient d'un accord écrit de l'intéressé. Celui-ci peut toujours intervenir à l'instance engagée par l'association et y mettre un terme à tout moment. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Les associations que nous avons rencontrées et que, j’en conviens, madame la secrétaire d’État, madame le rapporteur, vous avez également reçues, ont attiré légitimement notre attention sur l’absence de transposition, en droit interne, d’une mesure importante : la capacité à représenter partout, dans toutes les juridictions, civiles, pénales mais aussi administratives, leurs membres qui s’estiment victimes d’une discrimination.

Du fait de la rédaction précipitée et de l’urgence déclarée de ce projet de loi, la transposition est imparfaite pour permettre à la France de faire bonne figure avant de prendre la présidence de l’Union européenne. Je vous l’ai déjà dit, mais ce petit retour en arrière me semblait important avant d’aborder le point suivant, d’autant qu’il s’agit une nouvelle fois de transposer le plus fidèlement possible la directive, ce qui est notre motivation à tous ici.

En effet, vous ne respectez visiblement pas l’article 9 de la directive 2000/78/CE, qui prévoit ceci : « Les États membres veillent à ce que les associations, les organisations ou les personnes morales qui ont, conformément aux critères fixés par leur législation nationale, un intérêt légitime à assurer que les dispositions de la présente directive sont respectées puissent, pour le compte ou à l’appui du plaignant, avec son approbation, engager toute procédure judiciaire et/ou administrative prévue pour faire respecter les obligations découlant de la présente directive. »

Notre amendement a donc pour seul objet de garantir aux fonctionnaires et aux agents publics non titulaires la même protection que celle qui est ouverte aux salariés de droit privé : la représentation et l’assistance par les associations.

C’est la raison pour laquelle nous proposons une modification de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

Cette mesure de cohérence avec le droit existant dans le code du travail et dans la directive européenne n’est que de pure égalité. Rien sur le fond ne justifierait un refus de votre part : ce serait entériner une discrimination qui n’a pas lieu de perdurer à partir du moment où ce simple amendement permet de l’annihiler.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Ces deux amendements visent à permettre à des associations de se porter partie civile dans des affaires de discrimination concernant des agents publics, ce qui ne se fait pas actuellement. Ce souci est très légitime et correspond aux dispositions des directives communautaires.

Cependant, l’amendement n° 26 introduit également des modifications rédactionnelles qui changent le sens de l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

S’agissant de l’amendement n° 43, elle s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 26 ainsi qu’à l’amendement n° 43.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 43.

Mme Annie David. J’aurais aimé que Mme la secrétaire d’État nous donne un peu plus d’explications, car, en l’occurrence, nous demandons seulement l’application de la directive. C’était, me semble-t-il, la volonté de l’ensemble de nos collègues ici présents. Nous débattons de ce texte depuis un certain temps, et j’ai entendu à plusieurs reprises mes collègues demander que la directive soit respectée.

Or, madame la secrétaire d’État, vous n’avez assorti votre avis défavorable sur l’amendement n° 43 d’aucun commentaire. Vous auriez pu nous dire, comme cela avait été indiqué à l’Assemblée nationale, que le Gouvernement s’engageait à prendre un décret rapidement afin que nous nous mettions en concordance avec cette directive et que cette discrimination cesse… Je sais que cela ne passe pas forcément par la loi.

Si vous aviez pris un tel engagement, j’aurais retiré cet amendement en prenant acte de votre volonté. Mais vous vous contentez de donner un avis défavorable, et rien de plus !

Allez-vous combattre véritablement cette discrimination et permettre aux fonctionnaires de pouvoir se défendre ? N’ayant pas obtenu de réponse, je maintiens cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le harcèlement contraire aux principes énoncés au deuxième alinéa, ainsi que tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination contraire aux dits principes sont considérés comme des discriminations. »

II. - Après le troisième alinéa de l'article L. 122-45 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le harcèlement contraire aux principes énoncés au premier alinéa, ainsi que tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination contraire aux dits principes sont considérés comme des discriminations. »

III. - L'article 225-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le harcèlement contraire aux principes énoncés aux deux premiers alinéas, ainsi que tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination contraire aux dits principes sont considérés comme des discriminations. »

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Les alinéas 3 et 4 de l’article 2 de la directive 2000/78/CE sont ainsi rédigés :

« Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination au sens du paragraphe 1 lorsqu’un comportement indésirable lié à l’un des motifs visés à l’article 1er se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » Dans ce contexte, la notion de harcèlement peut être définie conformément aux législations et pratiques nationales des États membres.

« Tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination à l’encontre de personnes pour l’un des motifs visés à l’article 1er est considéré comme une discrimination au sens du paragraphe 1. »

L’assimilation du harcèlement et de l’injonction à une discrimination fait partie de ces questions qui ne peuvent être réglées que par une codification exhaustive.

Or, si la loi du 13 juillet 1983 fait effectivement mention du harcèlement et de l’injonction à discriminer dans ses articles 6 et suivants, l’assimilation à une discrimination n’est pas explicitée. Le code du travail et le code pénal commettent le même oubli.

Cet amendement tend aussi à préserver un équilibre entre l’introduction dans le code pénal, par le présent projet de loi, de dispositions limitant le principe de non-discrimination et l’introduction dans ces trois autres textes de dispositions explicitant le harcèlement et l’injonction de discriminer.

M. le président. L'amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l'article L. 122-45 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa de l'article premier de la loi n°         du           et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, et le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2 de la même loi, sont considérés comme des discriminations. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 44 rectifié et 45 rectifié. La présentation simultanée de ces deux amendements témoigne ainsi de l’attitude constructive et respectueuse du groupe CRC à l’égard des travaux de la Haute Assemblée. Néanmoins, je n’ai pas toujours l’impression que nous soyons payés de retour !

Avec ces amendements, nous arrivons à l’un des points que je n’ai eu de cesse d’aborder depuis le début de nos travaux sur ce texte. Je regrette que le projet de loi se cantonne à une transposition sans saveur et sans ambition, surtout par rapport aux textes existants en la matière !

Cette critique, madame la secrétaire d’État, il faudra l’assumer devant toutes celles et tous ceux qui combattent précisément les discriminations.

Pour notre part, nous nous efforçons de déposer des amendements qui, vous ne pouvez le nier, tendent à rendre ce texte, aussi imparfait soit-il, utile aux syndicats, aux associations, tout simplement aux personnes qui s’estiment victimes d’actes discriminatoires.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé ces deux amendements, qui visent à procéder à une unification du droit, offrant ainsi aux victimes une seule référence juridique.

Cela aurait pour double effet de simplifier considérablement les démarches juridiques, alors que nous savons toutes et tous que la difficulté du parcours judiciaire est l’une des raisons qui conduit à ne pas déposer plainte en la matière, et d’offrir une source unique permettant une plus grande stabilité juridique.

Si, demain, notre amendement, en dépit du bon sens, n’était pas adopté, que se passerait-il ? Le juge pénal pourrait fonder sa décision au choix sur l’article L. 225-1 du code pénal, sur ce projet de loi, voire sur les directives elles-mêmes. La situation serait identique pour les tribunaux prud’homaux. Nous pourrions donc nous trouver dans la situation grotesque ou, pour des faits identiques, coexisteraient trois sources législatives de référence. Plus compliqué, c’est impossible !

D’ailleurs, cette critique figure également dans le rapport de Mme Dini, dans celui de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et dans la délibération de la HALDE sur l’avant-projet que vous lui avez soumis.

Une disposition qui fait l’unanimité contre elle mérite bien qu’on la corrige ! C’est ce que nous vous proposons de faire.

M. le président. L'amendement n° 45 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 225-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa de l'article premier de la loi n°         du             et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, et le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2 de la même loi, sont considérés comme des discriminations. »

Cet amendement a été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Les dispositions du projet de loi sont déjà immédiatement applicables et de portée générale.

Par ailleurs, avant toute codification, il serait opportun d’améliorer la rédaction de ces dispositions.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 27 dans la mesure où ce dernier conduit à élargir l’incrimination de harcèlement telle qu’elle est définie par le code pénal et le code du travail. Or les directives qu’il nous faut transposer ne régissent que la matière civile. Elles ne nous imposent aucunement d’aligner la définition de l’incrimination de harcèlement au sens pénal du terme sur la notion de harcèlement au sens civil du terme, c’est-à-dire dans la perspective d’obtenir réparation du préjudice subi.

S’agissant de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et des dispositions du code du travail à portée civile, il faut rappeler que les dispositions du projet de loi ont un caractère général. Elles s’appliqueront donc dès leur entrée en vigueur à l’ensemble des matières visées et pour les différents motifs de discrimination énumérés, qu’il s’agisse de personnes publiques ou de personnes privées.

Le fait de codifier les dispositions du projet de loi ne créera aucun droit supplémentaire au profit des fonctionnaires.

En outre, une démarche de codification pourrait laisser penser que les matières pour lesquelles aucun renvoi explicite à la nouvelle loi n’a été fait échappent à l’application des nouvelles dispositions.

Le Gouvernement souhaite au contraire assurer l’application homogène de l’ensemble du dispositif anti-discrimination à tous les acteurs concernés. C’est pourquoi il a fait le choix d’une transposition au moyen d’une disposition transversale, plutôt que d’une modification de l’ensemble des textes potentiellement concernés par l’introduction de ces définitions en droit interne.

Enfin, s’agissant toujours de la loi du 13 juillet 1983, la consultation des syndicats de fonctionnaires et d’agents publics paraît nécessaire avant toute modification touchant des dispositions aussi sensibles que celles qui sont relatives aux discriminations.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 27, ainsi que sur les amendements nos 44 rectifié et 45 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article 225-1 du code pénal, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Constitue également une discrimination tout agissement visé aux 1° et 2° de l'article 1er de la loi n°         du       portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

« Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2 de la même loi est également constitutif d'une discrimination.

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 33 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 122-46 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 122-46. - Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir un comportement non désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis à l'alinéa précédent, pour les avoir relatés, ou pour avoir refusé l'injonction qui lui était faite d'adopter un comportement prohibé à l'alinéa précédent.

« Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. »

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 28, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le huitième alinéa de l'article L. 132-27 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les entreprises visées au premier alinéa, l'employeur est tenu d'engager chaque année une négociation sur les objectifs en matière de lutte contre les discriminations telles que définies à l'article L. 122-45 du présent code. Cette négociation porte notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle. À défaut d'une initiative de l'employeur depuis plus de douze mois suivant la précédente négociation, la négociation s'engage obligatoirement à la demande d'une organisation syndicale représentative dans le délai fixé à l'article L. 132-28. La demande de négociation est transmise dans les huit jours par l'employeur aux autres organisations syndicales représentatives. Lorsqu'un accord collectif comportant de tels objectifs et mesures est signé dans l'entreprise, la périodicité de la négociation est portée à trois ans. »

II. - Après le sixième alinéa de l'article L. 132-12 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les organisations visées au premier alinéa se réunissent pour négocier tous les trois ans sur les objectifs en matière de lutte conter les discriminations telles que définies à l'article L. 122-45 du présent code. Cette négociation porte notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle. »

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. L’article 13, intitulé « Dialogue social », de la directive 2078 impose que les États membres prennent les mesures appropriées afin de favoriser le dialogue entre les partenaires sociaux en vue de promouvoir l’égalité de traitement par des conventions collectives, des codes de conduite, la recherche d’expériences de bonne pratique et aussi par la surveillance des pratiques sur le lieu de travail, ce qui peut d’ailleurs soulever des difficultés par rapport à notre droit.

La directive encourage les partenaires sociaux à conclure des accords établissant des règles de non-discrimination. L’accord national interprofessionnel de 2006 répond à cette exigence et prévoit sa déclinaison dans les branches et les entreprises.

Toutefois, comme le constatent la HALDE et l’OIT, ces négociations et ces accords sont encore en nombre insuffisant. Très peu d’accords existent sur ce sujet, et les accords de portée plus générale omettent souvent de mentionner ce point.

Notre amendement tend à remédier à cette situation en prévoyant de donner une application concrète aux recommandations de la HALDE. Il vise à ce que, à défaut d’une négociation annuelle initiée par l’employeur, une négociation s’engage obligatoirement à la demande d’une organisation représentative.

L’adoption de cet amendement, en permettant la mise en conformité du code du travail avec un objectif défini par la directive 2078, répondrait aux vœux de nombreux intervenants de la lutte contre les discriminations.

L’impulsion donnée à la prise de conscience par le dialogue social serait de nature à limiter le nombre des contentieux, trop souvent liés à des comportements inappropriés, et à réduire le mal-être au travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement vise à imposer une volonté du législateur aux partenaires sociaux dans un domaine qui relève pourtant par excellence de la négociation collective. En la matière, un accord national interprofessionnel paraît beaucoup plus approprié. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 48 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 132-27-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés : « Au regard du bilan effectué en application des alinéas précédents, une contribution assise sur les salaires sera appliquée aux entreprises ne satisfaisant pas à l'obligation d'engagement des négociations prévues au présent article.

« Les modalités en seront fixées par décret. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Bien que tous les aspects de la discrimination soient sensibles, cet amendement traite d’un point qui me touche particulièrement : l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.

Il s’agit pour moi d’une question de respect des personnes, de leur travail et de leur engagement dans l’entreprise. À travail égal, salaire égal : chacun connaît la formule, la chanson suis-je tentée de dire, surtout par la non-réalité de son contenu ! Je perçois déjà les sourires de ceux qui considèrent que, de toute manière, il n’est pas possible de donner corps à cette formule pour de nombreuses de raisons, la première étant que le travail des femmes est très souvent reconnu comme un salaire d’appoint.

Pourtant, nous le savons tous, le travail des femmes stimule l’économie mondiale : c’est un élément indéniable de la hausse de la qualité de vie et de la croissance. Néanmoins, cela se fait trop souvent au détriment des femmes : en effet, si le travail de ces dernières stimule l’économie, ce sont elles qui en profitent le moins, étant trop souvent cantonnées dans des emplois précaires et déstructurés, souvent à temps partiel imposé, et toujours sous-rémunérés. Le Conseil économique et social le confirme, précisant que 33 % des femmes subissent un temps partiel, alors que cette situation ne concernerait que 7,7 % des hommes.

En Europe, l’écart de salaire entre la rémunération d’un homme et celle d’une femme pour une heure du travail est de 15 %. Elle est en France de 12 %, sans compter les écarts de salaire chez les cadres. Même si la fonction publique est moins concernée, il n’en demeure pas moins qu’une disparité persiste.

On sait également que les femmes subissent dans l’entreprise une évolution de carrière moins importante et plus lente que celle de leurs collègues masculins.

Comment le Gouvernement a-t-il répondu à cette situation ? En instaurant, par l’article L. 132-27-2 du code du travail, une obligation de réunion qui, dans les faits, nous le savons, reste souvent sans effet. Au mieux un débat sur le sujet est-il organisé, le constat acté par les différents partenaires sociaux. Puis, rendez-vous est pris pour l’année suivante, afin de constater l’évolution intervenue, évolution qui, bien entendu, ne sera pas à la hauteur !

Aussi cet amendement vise-t-il à introduire, dans l’article L. 132-27-2 du code du travail qui impose ce débat, les sanctions applicables aux entreprises qui ne satisferont pas à l’obligation d’engagement des négociations.

Cet amendement n’est pas un luxe, loin s’en faut, car, nous le savons, de très nombreuses entreprises ne respectent pas leurs obligations en la matière. Cela dit, pourquoi en serait-il autrement ? À quoi sert une interdiction lorsqu’elle n’est pas assortie de sanction ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. La disposition prévue par cet amendement donnerait l’impression d’anticiper les résultats des nouvelles négociations que le Gouvernement conduit avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. La commission y est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Lors de la conférence sur l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes du 26 novembre dernier, M. Xavier Bertrand a annoncé la mise en place d’une sanction financière pour les entreprises qui n’auraient pas, avant le 31 décembre 2009, transmis à la direction départementale de l’emploi et de la formation professionnelle un plan de résorption des écarts salariaux fondé sur le rapport de situations comparées.

Le Gouvernement sera amené à revenir vers vous avec un projet de loi instaurant une telle sanction, qui sera applicable à compter du 1er janvier 2010, soit un an avant le délai prévu à l’article L. 132-27-2 du code du travail auquel l’amendement n° 48 rectifié se rapporte.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Madame David, l’amendement no 48 rectifié est-il maintenu ?

Mme Annie David. Monsieur le président, j’ai bien entendu les explications de Mme le rapporteur et de Mme la secrétaire d'État. Déjà, M. Xavier Bertrand avait évoqué dans cet hémicycle l’éventualité de sanctions. J’en avais alors pris acte, ajoutant que je serais attentive aux décisions qui seraient prises.

Madame la secrétaire d’État, vous confirmez aujourd’hui au Sénat qu’un projet de loi sur ce sujet doit être déposé et que les dispositions prévues prendront effet au 1er janvier 2010. Je prends à nouveau acte de cet engagement. J’espère que ce texte viendra en discussion au Parlement. Dans cette attente, je retire mon amendement ; mais sachez que je ne manquerais pas de le déposer à nouveau si rien ne se profilait à l’horizon.

M. le président. L'amendement n° 48 rectifié est retiré.

L'amendement n° 29, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 432-4-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À défaut d'accord collectif de branche ou d'entreprise organisant un dialogue et des échanges sur la diversité, l'égalité des chances et de traitement, le chef d'entreprise présente au comité d'entreprise, une fois par an, à l'occasion de l'une des réunions consacrées à son information sur la situation de l'emploi, les éléments permettant de faire le point sur cette matière. »

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Cet amendement de précision concerne la présentation par le chef d’entreprise, à défaut d’accord, d’un bilan annuel sur l’égalité des chances, bilan qui devrait constituer une application obligatoire minimale de l’accord national interprofessionnel de 2006.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement vise à insérer dans le projet de loi de transposition une partie de l’accord national interprofessionnel du 12 octobre 2006 relatif à la diversité dans l’entreprise. Peut-être cet amendement a-t-il sa place dans un tel projet de loi ? La commission souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

L’accord national interprofessionnel relatif à la diversité dans l’entreprise, signé le 12 octobre 2006, vient d’être étendu par un arrêté du 22 février 2008. Il organise, dans son article 10, l’information du comité d’entreprise transformé, une fois par an, en comité élargi de la diversité associant les délégués du personnel et les délégués syndicaux à la réflexion des membres du comité d’entreprise.

Le Gouvernement souhaite là encore laisser les partenaires sociaux expérimenter le dialogue social sur la diversité au sein du comité d’entreprise, sans créer à ce stade une obligation légale d’information du comité d’entreprise sur la diversité.

Une commission paritaire de suivi, mise en place par les signataires de l’accord national interprofessionnel diversité, doit tirer un premier bilan de l’application de cet accord à l’issue d’une période biennale de mise en œuvre. Le Gouvernement portera une attention particulière à ce bilan.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 7
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Article 9

Article 8

Le 3° de l'article 225-3 du code pénal est remplacé par les 3° à 5° ainsi rédigés :

« 3° Aux discriminations fondées, en matière d'embauche, sur le sexe, l'âge ou l'apparence physique, lorsqu'un tel motif constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ;

« 4° Aux discriminations fondées, en matière d'accès aux biens et services, sur le sexe lorsque cette discrimination est justifiée par la protection des victimes de violences à caractère sexuel, des considérations liées au respect de la vie privée et de la décence, la promotion de l'égalité des sexes ou des intérêts des hommes ou des femmes, la liberté d'association ou l'organisation d'activités sportives ;

« 5° Aux refus d'embauche fondés sur la nationalité lorsqu'ils résultent de l'application des dispositions statutaires relatives à la fonction publique. »  – (Adopté.)

Article 8
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Article 10

Article 9

I. - Après l'article L. 112-1 du code de la mutualité, il est inséré un article L. 112-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 112-1-1. - Aucune différence de traitement en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe.

« L'alinéa précédent ne fait pas obstacle à l'attribution aux femmes de prestations liées à la grossesse et à la maternité. »

II. - Après l'article L. 931-3-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 931-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 931-3-2. - Aucune différence en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe.

« L'alinéa précédent ne fait pas obstacle à l'attribution aux femmes de prestations liées à la grossesse et à la maternité. »

M. le président. L'amendement n° 51, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 112-1-1 du code de la mutualité :

« Art. L. 112-1-1. - I. - Aucune différence de traitement en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe.

« Les frais liés à la grossesse et à la maternité n'entraînent pas un traitement moins favorable des femmes en matière de cotisations et de prestations.

« Par dérogation au premier alinéa, le ministre chargé de la mutualité peut autoriser par arrêté des différences de cotisations et de prestations fondées sur la prise en compte du sexe et proportionnées aux risques lorsque des données actuarielles et statistiques pertinentes et précises établissent que le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation du risque d'assurance.

« Les mutuelles et les unions exerçant une activité d'assurance ne sont pas soumises aux dispositions de l'alinéa précédent pour les opérations individuelles et collectives à adhésion facultative relative au remboursement ou à l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.

« II. - Un arrêté du ministre chargé de la mutualité fixe les conditions dans lesquelles les données mentionnées au troisième alinéa du I sont collectées ou répertoriées par les organismes professionnels mentionnés à l'article L. 223-10-1 et les conditions dans lesquelles elles leur sont transmises. Ces données régulièrement mises à jour sont publiées dans des conditions fixées par cet arrêté et au plus tard à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté mentionné au troisième alinéa du I.

« Par dérogation, les données mentionnées au troisième alinéa du I peuvent, s'agissant des risques liés à la durée de la vie humaine, prendre la forme de tables homologuées et régulièrement mises à jour par arrêté du ministre chargé de la mutualité ou de tables établies ou non par sexe par la mutuelle ou l'union et certifiées par un actuaire indépendant de celle-ci, agréé à cet effet par l'une des associations d'actuaires reconnues par l'Autorité de contrôle instituée à l'article L. 510-1.

« III. - Le présent article s'applique aux contrats d'assurance autres que ceux conclus dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.

« IV. - Le présent article est applicable aux adhésions individuelles et aux adhésions à des contrats d'assurance de groupe souscrites à compter de sa date d'entrée en vigueur. Par dérogation, il s'applique aux stocks de contrats de rentes viagères, y compris celles revêtant un caractère temporaire, en cours à sa date d'entrée en vigueur. »

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Cet amendement de coordination vise à étendre aux organismes régis par le code de la mutualité certaines dérogations au principe de non-discrimination ne bénéficiant aujourd’hui qu’aux organismes régis par le code des assurances.

En effet, en l’état actuel du droit, l’article L. 111-7 du code des assurances, inséré par la loi du 17 décembre 2007 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier, a prévu des dérogations au principe de non-discrimination permettant aux sociétés d’assurance, régies par le code des assurances, de conserver des différenciations tarifaires entre les femmes et les hommes dans certaines catégories de contrats d’assurance. Ces différences de régime s’expliquent, entre autres, par une plus grande espérance de vie des femmes.

Conformément au droit communautaire qui prohibe toute différence de traitement selon le statut de l’organisme assureur, il serait souhaitable d’étendre ces dérogations aux organismes régis par le code de la mutualité. Tel est l’objet de notre amendement.

Toutefois, dans le respect des principes définis à l’article L.112-1 du code de la mutualité, ces dérogations ne seront pas applicables aux contrats santé.

Les dérogations précitées reprennent les termes mêmes de la directive 2004/113/CE du 13 décembre 2004 qui autorise des « différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pour les assurés, lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l’évaluation des risques, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises ».

Le II de notre amendement renvoie à un arrêté le soin de déterminer les conditions de la collecte, ainsi que la mise à jour des informations statistiques fondant les dérogations au principe de non-discrimination entre les femmes et les hommes.

Enfin, l’amendement n° 51 vise à préciser le champ et la date d’application de ces dispositions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement vise à corriger la distorsion de concurrence entre les assurances et les mutuelles en matière de contrat d’assurance-vie et de prévoyance qui résulterait de l’adoption du projet de loi en l’état.

Il n’y a aucune raison, en effet, que les assurances puissent appliquer des tarifs différenciés en fonction du sexe, ce qui est normal en matière d’assurance-vie, alors que cette possibilité serait refusée aux mutuelles.

Par ailleurs, une telle distorsion de concurrence, en avantageant excessivement les assurances au détriment des mutuelles, est contraire au principe communautaire de libre concurrence.

La commission est donc favorable aux dispositions prévues. Elle souhaite que, si cet amendement ne pouvait être inséré dans le présent texte, une solution soit trouvée rapidement à cette distorsion.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Mes collègues du groupe socialiste et moi-même nous sommes longuement interrogés sur l’opportunité de déposer un amendement de suppression de l’article 2, texte qui concernait l’exception au principe de non-discrimination dans les assurances et instaurait la possibilité de proposer des tarifs différenciés en fonction du sexe.

Je rappelle que cette disposition du code des assurances a été adoptée par la Haute Assemblée en décembre 2007, à l’occasion de l’examen d’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier. Pourtant commentée dans le rapport de notre collègue Philippe Marini, elle a été adoptée sans aucun débat.

La HALDE, saisie de ce point, avait conclu, dans sa délibération, qu’une telle modification du code des assurances entraînait une distorsion de concurrence entre les assurances, les mutuelles et les prévoyances. Je suppose que c’est sur cette base qu’est aujourd’hui proposé l’amendement no 51.

Or, il existe une interprétation divergente selon laquelle le code des assurances régit les produits communs aux assurances, aux mutuelles et aux prévoyances. Si cette dernière est exacte, il n’y a plus lieu d’invoquer de distorsion de concurrence.

Force est de constater que les conditions d’une information éclairée ne sont pas réunies, et il semble donc difficile d’adopter aujourd’hui cet article.

Je m’étonne que l’introduction dans le code des assurances du tarif différencié selon le sexe n’ait pas suscité plus de discussion au Parlement. Il est vrai que c’est dans les pays comme la Belgique, où les tarifs différenciés étaient déjà généralisés, que le débat a été vigoureux.

Par ailleurs, la HALDE précise dans sa délibération que, « s’agissant des mutuelles, figure parmi les principes mutualistes le principe général d’égalité qu’énonce l’article L. 112-1 du code de la mutualité qui prohibe les différenciations en fonction du sexe en matière de cotisations et de prestations ». De même, pour ce qui concerne les instituts de prévoyance, « aucune disposition comportant une discrimination fondée sur le sexe ne peut être insérée, à peine de nullité, dans les conventions, accords ou décisions unilatérales relevant de l’article L. 911-1 ».

Par ailleurs, la Haute Autorité « relève que le projet du Gouvernement ne peut s’appliquer aux mutuelles et instituts de prévoyance en application du principe de non-régression ».

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.

(L’article 9 est adopté.)

Article 9
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Article additionnel après l’article 10

Article 10

Le titre II de la loi no 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité est abrogé. – (Adopté.)

Article 10
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Articles additionnels avant l’article 11

Article additionnel après l’article 10

M. le président. L’amendement no 46, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé:

Après le deuxième alinéa de l’article 8 de la loi no 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait d’entraver l’action de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité :

« 1° Soit en s’opposant à l’exercice des missions confiées à ses membres ou aux agents habilités en application du premier alinéa de l’article 19,

« 2° Soit en refusant de communiquer à ses membres ou aux agents habilités en application des articles 5 et 6 les renseignements et documents utiles à leur mission, ou en dissimulant lesdits documents ou renseignements en les faisant disparaître. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Madame la secrétaire d’État, vous avez affirmé que le Gouvernement voulait faire de la lutte contre la discrimination l’une de ses priorités. Nous pourrions nous en féliciter, nous pourrions vous en féliciter.

Néanmoins, je prends cette déclaration avec prudence, car, je l’avoue, les débats que nous avons menés jusqu’à maintenant tendent à me faire croire l’inverse. Où est passé votre ardent désir d’en finir avec les discriminations ? Où est passé votre acharnement à vouloir offrir aux victimes des outils efficaces et pertinents ?

Par ailleurs, vous avez annoncé que d’autres textes de loi viendraient compléter celui-ci. N’est-ce pas, en réalité, reconnaître à demi-mot l’insuffisance du présent projet de loi ?

L’amendement no 46 vise à créer un délit d’entrave à l’action de la HALDE, comme il en existe un pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit de sanctionner d’une amende celles et ceux qui s’opposent à l’exercice des missions de la HALDE ou qui refusent de lui communiquer les éléments nécessaires à la bonne réalisation de ses missions.

Je ne m’attarderai pas davantage sur cet amendement, dont chacun ici, connaissant très bien la HALDE, comprend, j’en suis certaine, les ambitions.

Je conclurai par une dernière citation : « Le collège de la Haute Autorité souligne l’absolue nécessité, en particulier pour la crédibilité de l’institution et l’efficacité de son action, d’instituer une infraction d’entrave à l’activité de la Haute Autorité. » Vous aurez toutes et tous compris qu’il s’agit d’un nouvel extrait de la délibération du collège de la HALDE sur le texte que nous examinons actuellement : son président nous exhorte à renforcer les missions de la Haute Autorité et à la crédibiliser en instaurant le délit d’entrave. Tel est l’objet de l’amendement no 46.

Pour terminer, je regretterai une nouvelle fois que, au nom de l’article 40 de la Constitution, la censure de la commission des finances ait frappé avant même que n’arrive en discussion mon amendement tendant à créer des délégations régionales de la HALDE. Je déplore vivement que le nouveau règlement du Sénat interdise le débat sur les amendements ainsi censurés par la commission des finances.

M. le président. L’article 40 s’applique dans toute sa rigueur !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement, si intéressant soit-il, n’a peut-être pas sa place dans un projet de loi de transposition de directives communautaires. La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 10
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Article 11

Articles additionnels avant l’article 11

M. le président. L’amendement no 49, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un rapport est remis par le Gouvernement sur le Bureau du Sénat avant le 1er décembre 2008 portant sur le droit de vote des résidents extracommunautaires aux élections locales.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement revêt pour notre groupe une importance très particulière, car il touche une question essentielle pour notre démocratie : le droit pour les résidents extracommunautaires de s’exprimer lors des scrutins locaux.

À nos yeux, instaurer le droit de vote des étrangers non européens permettrait de réparer une discrimination entre étrangers communautaires et étrangers non communautaires, que nous avons toujours regrettée.

Dès 1992, nous avions souligné la grande injustice qui consistait à accorder le droit de vote et d’éligibilité à un ressortissant de l’Union européenne récemment établi sur notre sol et à le refuser, par exemple, à un salarié algérien résidant en France depuis trente ans.

Cette discrimination entre ressortissants communautaires et ressortissants non communautaires est difficile à admettre dans le pays des droits de l’homme, et ce d’autant que les résidents étrangers établis sur notre sol disposent de droits civils, économiques et sociaux. Ils partagent les devoirs, mais leurs droits s’arrêtent à la porte des bureaux de vote.

Sans doute est-ce là l’une des causes de l’importance du sentiment de rejet chez nos jeunes, dont on dit encore, après plusieurs générations, qu’ils sont « issus de l’immigration » et qui se rendent bien compte, en discutant avec leurs amis, que leurs parents n’ont pas les mêmes droits que les autres. On leur demande de s’intégrer : encore ne faudrait-il pas, dans le même temps, opérer de discrimination à leur égard !

Nicolas Sarkozy s’est déclaré favorable à ce droit de vote. Un sondage attestait que c’est également le cas de 63 % des Français. Ne resterait-il plus qu’une seule catégorie de personnes à s’y opposer : celle des parlementaires de l’UMP ?

L’amendement no 49, comme l’amendement précédent et comme d’autres encore, n’est pas issu, c’est vrai, des directives à transposer. Pour autant, et sans vouloir me répéter, je soulignerai que vous avez là, mes chers collègues, une réelle occasion de faire beaucoup mieux que la directive.

J’espère que votre opposition actuelle au droit de vote des étrangers non communautaires ne vous conduira pas à rejeter cet amendement, car cela nous priverait d’un débat parlementaire sur un sujet ô combien important et sensible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. La commission, estimant que cet amendement n’a réellement pas sa place dans le présent projet de loi, émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 49.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement no 50, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Un enseignement obligatoire et régulier sur le racisme, le sexisme, l’homophobie et de manière générale, sur toutes les formes de discrimination, est dispensé dès l’école primaire par l’éducation nationale.

II. – En second cycle, cet enseignement devient un module obligatoire dans le cadre des cours d’éducation civique.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement, vous en conviendrez, est en radicale opposition avec le onzième alinéa de l’article 2, dont nous avons déjà débattu et qui prévoit la possibilité d’organiser des enseignements « par regroupement des élèves en fonction de leur sexe ». Je pensais que le Sénat supprimerait ce texte ; mais il l’a maintenu, et ma colère est encore profonde.

L’amendement no 50 traduit parfaitement notre volonté de ne pas laisser à la Haute Autorité, aux médias ou aux publicitaires le monopole de l’information et de la sensibilisation au combat permanent pour la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes.

Nous considérons que l’éducation nationale doit être un acteur primordial de la lutte contre les discriminations, car c’est dès leur plus jeune âge que les enfants doivent être sensibilisés au respect entre les personnes. C’est pourquoi il conviendrait, d’abord, de dispenser un enseignement à l’école primaire sur ces questions de xénophobie, d’antisémitisme, d’homophobie et, de manière générale, sur toutes les discriminations, puis d’en faire dans le second cycle un module obligatoire dans le cadre des cours d’éducation civique.

Cette proposition, je le concède, va à contre-courant de celle de M. Sarkozy, qui voulait que chaque élève de l’enseignement primaire parraine un enfant déporté. Pour moi, il ne s’agit pas de segmenter une part de l’histoire de France et du monde, bien au contraire : il s’agit d’inscrire toutes les formes de racisme dans un contexte social et de faire répondre collectivement les élèves, à hauteur de leur niveau de connaissances, à cet enjeu de société.

Il est également nécessaire que les professeurs puissent, grâce à cet enseignement, répondre à toutes les interrogations que les enfants ont et auront sur ces sujets. Ils seront ainsi, par la suite, aptes à les appréhender, mais aussi à mesurer les conséquences de ces phénomènes de rejet, ce qui leur permettra de mieux les combattre.

Je rappelle que, dans son rapport sur les médias, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes avait formulé l’an dernier une recommandation dans laquelle elle préconisait de prévoir au sein des programmes de l’éducation nationale une sensibilisation à ces thèmes.

Ma proposition va un peu plus loin, c’est vrai, comme il est vrai qu’elle n’entre pas dans le champ des directives à transposer… Il n’empêche que j’y attache une grande importance, et c’est pour cette raison – ainsi que je le soulignais en commission ce matin, – que je l’ai formulée à plusieurs reprises, à l’occasion de textes concernant l’éducation nationale, de textes concernant les violences faites aux femmes… Chaque fois, le Gouvernement m’a accordé que mon amendement était très pertinent et a reconnu que c’était effectivement ce qu’il faudrait faire dans nos écoles : l’apprentissage de la paix, de la non-violence. Et chaque fois, on a regretté qu’il ne porte pas sur le bon texte… Aussi, je me doute de la réponse qui va m’être donnée ce soir.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous ne serez pas déçue…

Mme Annie David. J’ai néanmoins tenu à vous le présenter, car je crois important que, au sein des programmes scolaires,…

M. Jean Bizet. Abrégeons !

Mme Annie David. Je vous remercie, mon cher collègue. Votre remarque est le signe d’une grande élégance !

M. Jean Bizet. Puisque vous connaissez déjà la réponse…

Mme Annie David. Je vous remercie beaucoup du respect que vous témoignez au travail ! Pour le membre d’un groupe se clamant respectueux de la valeur travail, c’est formidable ! Sincèrement, bravo !

Quoi qu’il en soit, l’éducation nationale me semble véritablement être la mieux placée pour apprendre à nos enfants ce qu’est le respect. Mais peut-être, mon cher collègue, avez-vous un peu manqué d’éducation ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Madame David, vous ne serez pas étonnée ! Même si, bien entendu, nous pouvons souscrire, au moins en partie, à votre souhait de voir enseigner aux enfants la lutte contre toutes les formes de racisme, de sexisme, etc., nous pensons que la question de l’information scolaire sur ces questions devra être débattue lors d’une discussion sur les contenus des programmes scolaires : l’amendement no 50 ne nous paraît pas avoir sa place dans le présent projet de loi. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Articles additionnels avant l’article 11
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 11

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises dans toutes les matières que la loi organique ne réserve pas à la compétence de leurs institutions – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 11
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’épisode portant sur l’atteinte à la mixité est choquant. Nous déplorons l’alinéa ajouté dans la transposition d’une directive qui n’en demandait pas tant, l’éducation étant exclue du champ de la directive. D’où vient cette dérogation si elle n’est pas d’origine européenne ?

Contrairement à ce qu’a prétendu le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, la dérogation concernant la séparation filles-garçons dans les enseignements n’apparaît pas du tout dans la directive européenne 2004/113. Par conséquent, pourquoi le Gouvernement a-t-il ajouté cette possibilité de déroger à la mixité à l’école ?

Les arguments donnés tant par la commission que par le Gouvernement ne nous ont pas convaincus. Le silence des membres de la délégation aux droits des femmes nous perturbe. Leur vote nous rassure quant à leur choix en conscience sur un sujet aussi grave qui peut avoir des conséquences sur le vivre-ensemble parce qu’il marque une régression.

La raison de cette disposition expresse contre la mixité scolaire n’est donc pas avouée. Encore une fois, elle ne répond manifestement qu’à un choix politique du Gouvernement pour avancer dans la voie d’une prise en compte des particularismes religieux dans l’organisation du service public, dans la droite ligne du projet de « reconfessionnalisation » de la société tracé par le Président de la République.

Par ailleurs, les avancées de ce texte sont ambivalentes : d’un côté, il généralise l’aménagement de la charge de la preuve pour toute forme de discrimination, ce qui nous convient, de l’autre, il instaure des protections différenciées selon les discriminations.

Le groupe socialiste déplore également la forme de ce projet de loi. Les définitions n’étant pas codifiées, les textes perdent en lisibilité et donc en accessibilité. Quant au fond, ce projet de loi aboutit à dédoubler des définitions et porte en germe des dérives communautaristes.

Par ailleurs, il porte atteinte au principe de l’égalité de traitement, en érigeant les catégories de personnes comme détentrices de droits spécifiques.

Enfin, les conditions de travail qui nous ont été malheureusement imposées pour ce texte comme pour tant d’autres ne nous ont pas permis de mesurer toutes les conséquences de la généralisation de la notion de « discrimination » dans notre droit.

En effet, dans notre réflexion, nous n’avons pas encore clairement distingué la discrimination de l’inégalité de traitement, ce que le rapport de Mme Dini a souligné avec beaucoup de pertinence.

Par ailleurs, nos amendements, dont l’adoption aurait permis des avancées substantielles en matière de lutte pour l’égalité, n’ont pas recueilli votre assentiment, mes chers collègues.

Compte tenu de quelques petits progrès, notamment la généralisation de l’aménagement de la charge de la preuve, le groupe socialiste ne votera pas contre ce texte ; il s’abstiendra, et nous le regrettons.

Je tiens, en conclusion, à remercier Mme Dini de sa courtoisie tout au long de ce débat.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le président madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi qui va être adopté n’est pas à la hauteur des attentes et des enjeux. Il ne donnera pas naissance à une loi ambitieuse, claire et utile à celles et à ceux qui sont susceptibles de l’invoquer devant nos juridictions.

Sur ce sujet, je partage le point de vue de nos collègues qui ont évoqué devant nous la nécessaire remise à plat de nos législations, non pour en réduire la portée mais au contraire pour offrir une plus grande stabilité juridique à nos concitoyennes et à nos concitoyens, avec une définition unique dans nos différents codes : code du travail, code civil et code pénal. 

Le groupe communiste républicain et citoyen a déposé des amendements en ce sens, visant à codifier ces dispositions. Vous les avez malheureusement écartés, nous condamnant à en débattre ultérieurement. Vous ignorez ainsi l’une des leçons de morale que l’on apprenait à nos enfants dans les écoles de nos grands-parents, celles que vous voulez voir réapparaître dans notre pays : il ne faut jamais remettre à demain ce que l’on peut faire le jour même.

Comme vous le savez, les directives indiquent une ligne à tenir, les objectifs qui sont visés. Or, si la France a été condamnée, c’est précisément parce que les objectifs n’ont pas été atteints. Il manquait, par exemple, l’assimilation du harcèlement à la discrimination et l’assimilation de l’injonction de discriminer à une discrimination. Tel n’était pas le cas dans notre pays ; or, vous en conviendrez, ce sont là des éléments capitaux de la lutte contre les discriminations.

Je crains fort que la transposition actuelle ne soit toujours pas suffisante, compte tenu de votre refus d’adopter nos amendements visant à intégrer dans notre droit interne les deux définitions du harcèlement et de votre préférence à en faire une définition unique. Dans la définition du harcèlement, le recours au verbe « subir » en lieu et place du terme « survenir » n’est pas satisfaisant. Si le verbe « subir » est adéquat pour la discrimination sexuelle, en démontrant que l’acte n’est pas souhaité par la victime, il ne permet cependant pas de décrire le harcèlement sexiste résultant d’une ambiance plutôt que d’une personne. Le recours par les directives à deux définitions, l’une utilisant le verbe « subir » et l’autre le verbe « survenir », était plus complet que la fusion que vous avez opérée.

Je regrette aussi que vous ayez persisté à utiliser le mot « race ». Nous savons pourtant tous ici qu’aucun argument politique et scientifique ne le justifie. C’est une occasion manquée pour notre assemblée de démontrer que les sénatrices et les sénateurs savent aussi écouter les avancées de la science et prendre leurs responsabilités de parlementaires.

Enfin, je regrette encore que la rédaction de ce projet de loi poursuive la triste et dangereuse hiérarchisation qui n’aura pour seul effet que d’amoindrir le niveau de protection de nos concitoyens, en différenciant leurs droits en raison des origines ou de l’ethnie et des autres discriminations. Et je n’aborde même pas les discriminations que vous avez préféré balayer d’un geste de la main.

Cette hiérarchisation aura pour effet de créer plus d’instabilité, d’iniquité dans les décisions, quand les objectifs des directives européennes étaient justement d’offrir un outil utile.

Notre « devoir de parlementaire » était de légiférer en pensant d’abord à celles et ceux à qui la loi pourrait servir. Il ne s’agissait donc pas, comme j’ai pu l’entendre, d’élaborer une loi pour épargner une sanction à la France en cas de recours contre elle devant la Cour de justice des Communautés européennes. La loi doit être faite pour protéger les faibles contre les forts, les intérêts collectifs contre les intérêts privés. Voilà quelle devrait être notre mission.

Ce qui paraissait au début comme de la précipitation dans la rédaction témoigne en fait d’une volonté politique réelle. La HALDE a été saisie pour avis en novembre 2007, et vous avez ignoré un certain nombre de ses recommandations, qui restent toujours lettre morte.

Il s’agit donc non pas de précipitation mais d’une réelle volonté politique : vous voulez vider les directives de certaines dispositions. Ce n’est pas que vous ne vouliez pas lutter contre les discriminations, mais votre conception des discriminations n’est visiblement pas la nôtre : je pense au refus de la prise en compte de l’état de santé et des handicaps, dont on sait que l’adoption remettrait en cause un certain nombre de pratiques, en particulier dans l’accès aux services bancaires et assurantiels ; je pense encore – et je suis réellement en colère ! – à votre conception de l’école qui ne doit pas être, selon vous, le fondement d’une éducation à la mixité et au vivre-ensemble.

Je crois également, le regrettant, que les employeurs pourront se réjouir de cette transposition a minima, qui ajoute des définitions à des définitions, sans cohésion et sans outils coercitifs supplémentaires. Je pense, par exemple, au renforcement des missions de la HALDE, à la création d’un délit d’entrave. Je regrette que toutes ces propositions n’aient pas été adoptées, notamment celle qui a été censurée par la commission des finances, visant à satisfaire les promesses du gouvernement précédent, lequel s’était engagé, en la personne de Mme Nelly Olin, à créer vingt-six délégations régionales. Quatre ans sont passés, et nous attendons toujours.

Le groupe communiste républicain et citoyen m’a mandatée pour émettre un vote d’abstention. J’avoue néanmoins que, personnellement, j’étais tentée de voter contre.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Avant le vote de ce projet de loi, je veux remercier les différents présidents de séance ainsi que Mme la secrétaire d’État, en lui disant combien nous avons eu plaisir à travailler avec elle à l’occasion de la présentation de son premier texte au Sénat.

Je remercie également Mme le rapporteur, dont c’était aussi le premier rapport au Sénat. Elle a démontré tout l’attachement qu’elle porte à ce sujet, et nous aurons grand plaisir à renouveler cette expérience.

Je tiens enfin à remercier tous nos collègues qui ont fait l’effort de rester jusqu’au bout de cette séance.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
 

9

Dépôt d'un projet de loi

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 267, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

Transmission d'un projet de loi

M. le président. J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux organismes génétiquement modifiés.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 269, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques.

11

Dépôt d'une proposition de loi

M. le président. J’ai reçu de MM. Dominique Leclerc, André Lardeux et Mme Catherine Procaccia une proposition de loi visant à sécuriser les opérations d’adossement de régimes de retraite spéciaux au régime général.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 263, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

12

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Projet de décision du Conseil modifiant la décision du comité exécutif institué par la convention de Schengen de 1990, modifiant le règlement financier relatif aux coûts d’installation et d’utilisation de la fonction de support technique du Système d’information de Schengen.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3827 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Projet de budget d’EUROPOL pour 2009.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3828 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d’un protocole à l’accord intérimaire concernant le commerce et les mesures d’accompagnement entre la Communauté européenne, d’une part, et la République d’Albanie, d’autre part, visant à tenir compte de l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3829 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d’un accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États du CARIFORUM, d’autre part.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3830 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion, par la Communauté européenne, de l’accord international sur le café de 2007.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3831 et distribué.

13

Dépôt de rapports

M. le président. J’ai reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi relatif aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense (n° 324, 2006-2007).

Le rapport sera imprimé sous le n° 264 et distribué.

J’ai reçu de M. André Rouvière un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la sécurité sociale (n° 143, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 265 et distribué.

J’ai reçu de M. François Zocchetto un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l’exécution des peines (n° 171, 2007 2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 266 et distribué.

14

Dépôt d'un rapport d'information

M. le président. J’ai reçu de M. Adrien Gouteyron un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la gestion des carrières des hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et européennes.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 268 et distribué.

15

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 10 avril 2008 :

À dix heures trente :

1. Discussion de la proposition de loi (n° 197, 2007-2008), adoptée par l’Assemblée nationale, relative aux conditions de commercialisation et d’utilisation de certains engins motorisés.

Rapport (n° 256, 2007-2008) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

À quinze heures :

2. Questions d’actualité au Gouvernement.

Délai limite d’inscription des auteurs de questions : Jeudi 10 avril 2008, à onze heures.

3. Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 10 avril 2008, à une heure vingt-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD