M. Bernard Cazeau. Il en reste encore !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il y a néanmoins un problème quant à la non-compensation,...
Mme Raymonde Le Texier. Oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... qui paraît inacceptable à la commission des affaires sociales. En effet, la non-compensation revient à priver la sécurité sociale de recettes au moment où cette dernière connaît une période particulièrement difficile et que ses comptes sont déficitaires d'année en année. Nous serions en situation d'équilibre, voire d'excédent, il n'y aurait même pas débat. Or vous avez raison de dire, monsieur le ministre, reprenant les propos de M. le rapporteur général, qu'il est nécessaire d'expertiser les niches sociales et fiscales pour déterminer la pertinence de celles qui peuvent avoir un intérêt sur le plan économique et social et qui peuvent se justifier. De ce point de vue, nous vous rejoignons, vous et M. le rapporteur général.
Je prends acte de votre volonté tant de faire apparaître dorénavant en loi de financement de la sécurité sociale toutes les mesures d'exonération que de rebondir sur la proposition de Philippe Marini tendant à limiter dans le temps certaines niches sociales n'ayant pas vocation à être pérennisées.
Enfin, il me semble que nous ne devons pas faire preuve d'hypocrisie. Vous avez fort justement rappelé qu'une nuance importante doit être apportée quant aux rémunérations ; certaines peuvent être comparées à des salaires, contrairement à d'autres ; l'assiette n'est alors pas la même, et les cotisations assises sur cette assiette ne sont pas de même nature : les cotisations sociales, la CSG et la CRDS dans le premier cas, la CSG et la CRDS dans le second.
Nous ne pouvons pas faire l'économie du toilettage de la loi organique. Ce dernier sera en effet nécessaire pour intégrer les engagements que vous prenez devant la représentation nationale, considérant qu'il faut faire apparaître dans les lois de financement de la sécurité sociale toutes les mesures d'exonérations. Pour ce faire, il faudra revoir la loi organique. Profitons-en donc pour apporter les distinctions nécessaires dans la nature des rémunérations, afin de faire l'économie d'un débat annuel sur cet article 16.
Monsieur le ministre, je ne pense pas qu'il y ait de malentendu entre nous : vous avez saisi pourquoi la commission des affaires sociales adoptait cette position, et, pour ma part, je comprends pourquoi le Gouvernement défend cet amendement n° 465, qui devrait recueillir les votes d'une grande partie, si ce n'est de la totalité de la majorité de la Haute Assemblée.
Je comprends les raisons pour lesquelles vous avez défendu cet amendement, qui aura le soutien d'une grande partie, voire de la majorité des élus de la majorité présents ce soir. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur la demande de priorité formulée par le Gouvernement ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La demande de priorité est cohérente puisque la loi organique nous fait obligation de nous prononcer dans la loi de financement sur les demandes de non-compensation. Le Gouvernement en propose une nouvelle. Il est donc normal que nous nous prononcions à cet égard avant de le faire pour celle qui figurait déjà dans le projet de loi.
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
La priorité est ordonnée.
Je mets donc aux voix par priorité l'amendement n° 465.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP et du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 23 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 296 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 149 |
Pour l'adoption | 169 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements identiques nos 15, 113 et 294 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 16 bis
Le dernier alinéa de l'article L. 725-24 du code rural est complété par les mots : «, notamment les modalités de publicité des décisions rendues par les organismes de recouvrement ». - (Adopté.)
Article 16 ter
À titre expérimental et pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2008, le salarié peut, en accord avec l'employeur, décider que le repos compensateur de remplacement qui lui serait applicable en application du II de l'article L. 212-5 du code du travail soit pour tout ou partie converti, à due concurrence, par une majoration salariale dont le taux ne peut être inférieur à celui qui lui serait applicable en application du I du même article. Les I à IX, XII et XIII de l'article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat s'appliquent aux rémunérations ainsi versées. Cette expérimentation fera l'objet d'un bilan avant le 31 décembre 2009.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 114 est présenté par MM. Cazeau et Godefroy, Mme Le Texier, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger et Alquier, M. Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 295 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 114.
M. Bernard Cazeau. Cet article est issu d'un amendement déposé par le président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, M. Pierre Méhaignerie, et il n'a pas le caractère modeste que son auteur a décrit. Au contraire, il s'agit d'une brèche ouverte dans le droit de la négociation collective, mais aussi dans celui de la durée du travail.
Le paragraphe II de l'article L. 212-5 du code du travail dispose ceci : « Une convention ou un accord collectif [...] ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut [...] prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations [...], par un repos compensateur équivalent. »
Cette disposition, issue de la loi quinquennale sur l'emploi de 1993, ou loi Balladur, a été reprise par la loi Aubry relative à la réduction négociée du temps de travail du 19 janvier 2000, ainsi que par la loi Fillon du 17 janvier 2003.
Or M. Méhaignerie propose qu'un salarié puisse, individuellement, avec l'accord de son employeur, convertir en heures supplémentaires le repos compensateur consécutif à des heures supplémentaires qu'il a déjà réalisées.
Cette proposition appelle plusieurs observations.
Tout d'abord, « accord » signifie ici en réalité « initiative », sinon « exigence » de l'employeur, puisque, je le rappelle, les heures supplémentaires s'effectuent à la demande de ce dernier.
Ensuite, l'intérêt de ce dispositif est assez hypothétique pour l'employeur, qui sera incité, comme c'est déjà souvent le cas, à flexibiliser le temps de travail, c'est-à-dire à accorder des repos compensateurs quand l'activité de l'entreprise est ralentie, plutôt qu'à alourdir sa dépense salariale, fût-elle exonérée de cotisation. En effet, pourquoi payer quand on peut éviter de le faire en organisant mieux la production et donc en améliorant la productivité des salariés ?
Par ailleurs, la présence d'une telle disposition est assez surprenante dans une loi de financement de la sécurité sociale. Les repos compensateurs ont été créés dans une logique de prévention, au bénéfice de la santé des salariés. Or la fatigue et les conditions de travail sont totalement ignorées par cet article, qui vise seulement à faire travailler davantage les salariés, dont il n'est pas certain d'ailleurs qu'ils gagneront plus !
Le dispositif va même totalement à l'encontre des négociations sur la pénibilité, dont chacun sait que le patronat les a délibérément enlisées afin d'arriver à la négociation de 2008 sur les retraites sans avoir conclu le moindre accord sur cette question.
Travailler plus, certes, mais pour gagner quoi, au final, si ce revenu supplémentaire doit s'accompagner de problèmes de santé dus à une fatigue excessive ? Sans même évoquer l'aspect humain, qui demeure fondamental, quel sera le bénéfice social de cette politique ? Quel est l'impact des horaires excessifs sur l'augmentation des accidents du travail et des maladies professionnelles ? N'est-ce pas de ce problème que nous devrions d'abord discuter aujourd'hui ?
On voit bien quel sera le bénéfice de ce dispositif pour l'employeur ; mais pour le salarié qui devra payer des franchises afin de se faire soigner et pour la collectivité qui devra toujours financer l'assurance maladie, c'est beaucoup moins clair !
J'en viens à la seconde question que soulève cet article. Alain Vasselle, à la page 84 du tome VI de son rapport, souligne ceci : « Dans certaines entreprises, en application d'accords collectifs qui n'ont pas été renégociés, les heures supplémentaires ne font pas l'objet d'une majoration salariée, mais d'une compensation sous la forme d'un repos compensateur de remplacement. »
Toutefois, mon cher collègue, si les accords que vous évoquez n'ont pas été renégociés, pourquoi ne pas inviter les partenaires sociaux à le faire maintenant ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 295.
M. Guy Fischer. En demandant la suppression de l'article 16 ter, nous entendons protéger les salariés en leur garantissant le bénéfice d'un congé réparateur qui, par nature, ne peut se compenser en espèces.
En effet, monsieur le ministre, non content de faire travailler plus les salariés en leur faisant miroiter une meilleure rémunération, vous en rajoutez, en exonérant les entreprises des charges sociales prévues par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA !
Décidément, tout est bon pour pressurer les salariés en détournant leur aspiration réelle à une véritable revalorisation des salaires, qui, d'ailleurs, ne doit pas être conditionnée à des heures supplémentaires. C'est inadmissible !
Avec votre dispositif, vous passez outre toutes les négociations avec les organisations syndicales représentatives, balayant ainsi les accords de branche au profit d'accords conclus entre l'employeur et le salarié.
Ainsi, vous qui prétendez vouloir des syndicats plus représentatifs vous renvoyez une nouvelle fois la négociation à la sphère individuelle, en faisant mine d'ignorer qu'il existe entre l'employeur et l'employé une relation très fortement inégalitaire - c'est d'ailleurs ce qui caractérise le contrat de travail.
En ce jour de grèves, on voit bien que la négociation est au coeur des préoccupations. S'il avait négocié plus tôt, M. Xavier Bertrand se trouverait aujourd'hui parmi nous ! (Sourires.) Aujourd'hui, s'agissant de problèmes aussi importants que les conditions de travail, la question de la négociation mérite d'être posée.
Vous faites fi de la santé des salariés en remettant en cause le repos compensateur nécessaire à l'équilibre de ces derniers, car, bien évidemment, c'est toujours durant les pics d'activité que ces heures supplémentaires seront effectuées !
De la conférence tripartite sur les conditions de travail dans les entreprises, qui s'est tenue en octobre dernier, il ressort que près d'un tiers des Français estiment que leurs conditions de travail ont un impact sur leur santé, que celles-ci se détériorent et que le phénomène du stress devient de plus en plus prégnant. Or, comme nous l'avons déjà souligné à plusieurs reprises, le bien-être au travail a des conséquences naturelles et positives sur la productivité et la qualité du travail fourni.
S'agissant des troubles dus aux conditions de travail, les chiffres relatifs aux problèmes les plus souvent évoqués sont éloquents : 20 % des salariés mentionnent la fatigue, 22 % les troubles musculo-squelettiques, 12 % les maux de tête, 53 % les positions douloureuses, 61 % les mouvements répétitifs et 18 % le stress, avec les conséquences que l'on connaît, à savoir les suicides au travail.
Ce sont autant de risques professionnels qui peuvent coûter cher à la sécurité sociale, contrainte de financer les soins nécessaires à l'équilibre des salariés, ce qui prouve, s'il en était besoin, la nécessité de garantir le respect du repos réparateur.
Enfin, monsieur le ministre, vous accompagnez cette mesure de charges non compensées. À l'heure où vous vous servez du « trou de la sécurité sociale » pour faire payer toujours plus les assurés sociaux et taxer plus encore la consommation et les revenus du travail, on ne peut que dénoncer le manque à gagner, en matière de cotisations patronales, de votre dispositif.
M. le président. L'amendement n° 408, présenté par MM. César et Mortemousque est ainsi libellé :
I. - Dans la première phrase de cet article, après les mots :
article L. 212-5 du code du travail
insérer les mots :
ou de l'article L. 713-7 du code rural
II - Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par l'instauration d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 A et suivants du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Cet amendement s'inscrit dans la continuité de l'amendement n° 247 rectifié, que nous avons déposé à l'article 11 et qui a été adopté la nuit dernière par la Haute Assemblée.
L'article 16 ter du projet de loi de financement de la sécurité sociale, issu d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, vise le seul article L. 212-5 du code du travail, ce qui conduit à exclure de son champ d'application les salariés agricoles.
En effet, ces salariés sont régis par une disposition spécifique, qui figure à l'article L. 713-7 du code rural. La mention de ce dernier article est donc absolument nécessaire pour assurer la parité entre les salariés qui relèvent des professions de l'industrie et du commerce et ceux qui appartiennent aux professions agricoles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les amendements identiques nos 114 et 295 tendent à supprimer une disposition issue d'un amendement déposé à l'Assemblée nationale par M. Méhaignerie. Or, nous avons considéré que celui-ci n'avait pas eu une mauvaise idée. Nous approuvons cette disposition et ne pouvons donc qu'émettre un avis défavorable sur les amendements qui tendent à la supprimer !
S'agissant de l'amendement n° 408, la commission est a priori favorable, mais elle souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 114 et 295, pour les raisons qui ont été évoquées par M. le rapporteur. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 408 et lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 408 rectifié.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 114 et 295.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 16 ter, modifié.
(L'article 16 ter est adopté.)
Article 17
Est approuvé le montant de 3,0 milliards d'euros correspondant à la compensation des exonérations, des réductions ou abattements d'assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale mentionné à l'annexe 5 jointe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Cet article porte sur le montant global de la compensation des exonérations de cotisations sociales ciblées, évalué à 3 milliards d'euros.
Depuis 2006, les exonérations générales sont financées par un ensemble de recettes fiscales, ce qui permet d'en diminuer la trop grande visibilité. Il n'en demeure pas moins que le montant global des exonérations s'élève cette année à 32,356 milliards d'euros, soit une augmentation de 12,8 % par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Nous ne pouvons que partager la critique qu'émet M. le rapporteur sur le fait que les équilibres financiers de la sécurité sociale ne sont jamais la priorité et qu'ils passent même après les enjeux de telle ou telle politique sectorielle en vogue à un moment. Comme lui, nous regrettons les insuffisances et les retards de crédits et souhaitons le respect du principe de neutralité des flux de trésorerie.
Le document annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale recense soixante et une mesures d'exonérations, pour les motifs les plus divers. Longtemps, on nous a dit que ces exonérations étaient justifiées par leur impact sur la création d'emplois. Expérience faite, on sait qu'il n'en est rien.
C'est la croissance qui crée l'emploi ; c'est donc d'abord elle qu'il faut soutenir par une demande intérieure solide, c'est-à-dire par une politique salariale juste, et par une capacité d'exportation, c'est-à-dire par un soutien fort à la recherche et à l'innovation.
En réalité, nous sommes en présence d'un empilement d'exonérations nuisible à la lisibilité du discours politique, de telle sorte que le transfert du financement de la protection sociale sur les ménages n'est jamais clairement avoué.
On n'en comprend que mieux l'indignation de nos concitoyens devant l'instauration de franchises qui signent ce transfert d'une manière évidente pour tous. Le débat sur cette question n'a jamais eu lieu. On s'est contenté de mesures telles que le forfait hospitalier, progressivement augmenté, puis de déremboursements de médicaments jusque-là largement prescrits, ce qui ajoute à la confusion.
Toute la politique du Gouvernement se limite à poursuivre les exonérations de cotisations en faveur des entreprises et à contenir les dépenses sociales tout en les faisant peser de plus en plus sur les assurés et sur les malades, sans tenir vraiment compte de la situation de ces derniers.
Cette traduction comptable de la politique sociale ne suffit plus. Nous le verrons d'ailleurs lors de l'examen de l'article 18 relatif aux prévisions de recettes pour 2008, qui est fondé sur une croissance estimée à 2,25 % et une croissance de la masse salariale évaluée à 4,8 %. C'est fastueux !
M. Guy Fischer. C'est se moquer du monde !
M. Bernard Cazeau. On peut toujours rêver ! Nous sommes là dans la plus haute fantaisie budgétaire.
M. Guy Fischer. C'est exact !
M. Bernard Cazeau. Plutôt que de poursuivre cette politique qui mène à une impasse, il est temps, si nous voulons maintenir un état de santé et de bien-être correct pour nos concitoyens, quels que soient leur âge ou leur condition, de chercher des nouvelles recettes.
Il apparaît de plus en plus clairement que les exonérations de cotisations sociales - elles sont pour l'essentiel patronales -, qu'elles soient ou non compensées, n'engendrent pas de croissance et fort peu d'emplois. Si l'on veut réellement maintenir la protection sociale à un bon niveau, il faut garantir son financement par des recettes pérennes et justes ; nous en sommes encore loin cette année.
M. le président. La parole est à M. François Autain, sur l'article.
M. François Autain. Tout le monde s'accorde à reconnaître que ces exonérations ciblées sur les faibles rémunérations ont un effet pervers, celui de créer des « trappes à bas salaires ». C'est d'ailleurs inévitable, puisque le mécanisme n'incite guère les employeurs à augmenter la rémunération de leurs salariés. Au contraire, il les pousse à licencier pour recruter à des salaires plus faibles.
Si j'en crois les propos que vous avez tenus hier soir, monsieur le ministre, la suppression de ces exonérations ciblées et le rétablissement des cotisations entraîneraient la perte de 800 000 emplois. Je ne sais sur quelles études vous vous fondez pour avancer un tel chiffre, mais je serais très heureux d'en connaître la source afin de m'y reporter, car, à ma connaissance, il n'existe pas d'enquête portant sur l'efficacité des mesures d'exonérations en matière d'emplois.
Par le passé, notamment au cours de l'examen des précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons régulièrement demandé que le Gouvernement diligente un rapport évaluant le lien entre les exonérations sociales et la création d'emplois. Malheureusement, nous n'avons jamais pu obtenir satisfaction. Je crois qu'une telle démonstration est d'ailleurs impossible.
En revanche, certaines études, notamment celles de l'INSEE, établissent l'existence du phénomène de « trappe à bas salaires ». De surcroît, personne ne nie plus aujourd'hui l'écrasement du bas de la hiérarchie salariale.
Il est donc aujourd'hui possible de réunir tout un faisceau de preuves tendant à confirmer que le système d'exonération de cotisations patronales a des effets pervers. Ses conséquences sont d'autant plus néfastes que, dans le même temps, on néglige de prendre des mesures visant à stimuler la formation des employés, ce qui, en soi, est une menace à plus long terme pour notre économie et la productivité.
En outre, on peut s'interroger sur le fondement même du système d'exonérations de cotisations, tel qu'il est actuellement mis en oeuvre. En effet, son principe repose exclusivement sur un effet d'aubaine, puisque les entreprises peuvent bénéficier de ce soutien public sans aucune contrepartie. C'est la raison pour laquelle de très sérieux doutes pèsent sur l'efficacité de ce dispositif en termes de créations d'emplois.
On peut en conclure que l'effort demandé aux travailleurs faiblement rémunérés ne correspond pas à l'objectif invoqué pour le légitimer. Les mesures d'exonérations de cotisations patronales ne stimulent en aucun cas l'emploi. En revanche, elles contribuent à réduire le coût du travail.
Alors qu'il n'est actuellement question que de l'augmentation du pouvoir d'achat des Français, on comprend bien que ce n'est pas celui des plus faibles qui est au coeur des préoccupations, bien au contraire. Les exonérations de cotisations patronales que le Gouvernement s'évertue à maintenir et à développer ont le mérite de l'illustrer.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par M. Jégou au nom de la commission des finances est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le montant correspondant à la compensation des exonérations, des réductions ou abattements d'assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale est fixé, pour 2008, à 3,2 milliards d'euros.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement vise à procéder à une coordination, afin de tenir compte des votes intervenus tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
En effet, le montant fixé par l'article 17 n'est plus pertinent compte tenu de la décision de l'Assemblée nationale de ne pas supprimer purement et simplement le dispositif d'exonérations ciblées en faveur des organismes d'intérêt général ayant leur siège en zone de revitalisation rurale. En effet, elle y a simplement mis fin à compter du 1er novembre 2007, aménageant un nouveau dispositif pour l'avenir. Vous évaluez le coût de ce dispositif à 185 millions d'euros, monsieur le ministre.
Je propose donc de tenir compte de cette modification et de fixer, de façon provisoire, le montant de la compensation à 3,2 milliards d'euros. Il appartiendra au Gouvernement d'en tirer les conséquences lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008. Et comme il s'est engagé dans une démarche de clarification des relations financières entre l'État et la sécurité sociale - vous l'avez réaffirmé lors de l'examen de l'article 16, monsieur le ministre -, cela lui permettra également de préciser ses intentions, compte tenu des conséquences inévitables que cela aura sur le projet de loi de finances.
J'insiste sur la nécessité de voter cet amendement, et je pense que vous y serez favorable, monsieur le ministre, car nous ne pouvons adopter l'article 17 en l'état pour les raisons que je viens d'indiquer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il est vrai que l'article 17 devrait tenir compte de l'ensemble des décisions que nous avons prises au cours de l'examen des précédents articles et qui ont des incidences financières, notamment sur la compensation.
Si nous voulons veiller à la sincérité des chiffres et éviter ainsi des observations désagréables de la Cour des comptes, il serait bon d'actualiser l'annexe 5 jointe au projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est la raison pour laquelle la commission souhaite recueillir l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Je profite de cette discussion pour appeler l'attention de M. le ministre et de ses collaborateurs sur la situation récurrente que nous connaissons, s'agissant de la compensation des exonérations. Ainsi, lorsque le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 nous a été soumis, le montant de la compensation connaissait une sous-estimation de l'ordre de 1 milliard d'euros ; dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, cette sous-estimation s'élevait à 1,1 milliard d'euros. Pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, cette sous-estimation semble de l'ordre de 500 millions d'euros.
Il faudra absolument veiller à établir une parfaite coordination entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances, car les chiffres doivent être sincères et conformes aux décisions prises.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Sur le fond, je suis favorable à l'amendement de la commission des finances. Mais ces modifications doivent trouver leur place non dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais dans le projet de loi de finances, qui seule est compétent pour fixer le montant des crédits budgétaires.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, 150 millions d'euros viendront compenser l'état de la mesure concernant les organismes d'intérêt général en zone de revitalisation rurale, car il revient au budget de l'État de prendre en compte cette compensation supplémentaire. Il sera temps, en commission mixte paritaire, de modifier les équilibres définitifs. Grâce aux articles miroir du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances, les montants seront calés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, je suis membre de la commission des finances depuis suffisamment longtemps pour admettre la justesse de vos propos. Il n'en reste pas moins que le montant inscrit à l'article 17 n'est pas le bon. Vous nous demandez de voter un article dont le libellé n'est pas exact : c'est ennuyeux !
Sans doute en était-il de même l'année dernière.
M. Guy Fischer. Oui, le montant n'était pas exact !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Il s'agit de crédits évaluatifs. Nous savons bien ce que valent les prévisions et les estimations qui nous sont transmises un peu hâtivement sur les coûts. La commission mixte paritaire permettra de procéder aux ajustements nécessaires.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 82 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Nous ne pouvons voter l'article 17 en l'état !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On verra en commission mixte paritaire !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Je n'étais pas ministre l'année dernière, mais j'imagine qu'il en était de même et que la situation est la même chaque année !
Il s'agit de deux articles miroir.
À l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances a été examiné en premier. Y est inscrite une somme de 3 milliards d'euros de crédits budgétaires correspondant à la compensation. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été examiné ensuite. Il traduit la décision de l'Assemblée nationale quant au dispositif d'exonérations ciblées en faveur des organismes d'intérêt général ayant leur siège en zone de revitalisation rurale.
Au Sénat, vous commencez par l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale dont les crédits sont effectivement affectés par ce dispositif. Il en sera tenu compte lorsque vous examinerez le PLF, car les 150 millions d'euros de compensation doivent être pris en compte dans le budget de l'État. Lors de la synthèse en commission mixte paritaire, il conviendra de « caler » les deux articles !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, nous n'allons pas nous faire de mauvaises manières ! Mais, franchement, sur le simple plan de la discussion parlementaire, quelle est la portée de nos travaux sur cet article 17 ? Nous savons d'ores et déjà que ce dernier ne sert à rien. Mieux vaut donc le supprimer tout de suite !
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Soyons cohérents. Vous me dites qu'il n'y a pas d'inquiétude à avoir ; je vous réponds, moi, qu'il faut supprimer l'article 17, et tout le monde sera content !
Cela dit, monsieur le président, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 82 est retiré.
Je mets aux voix l'article 17.
(L'article 17 est adopté.)
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, un bon discours m'a quelquefois fait changer d'avis, mais jamais de vote ! (Sourires.) Ce n'est pas de moi ; c'est un mot d'Edouard Herriot !
M. Bernard Cazeau. C'est pour Marseille !
M. le président. Ne vous inquiétez pas pour Marseille, monsieur Cazeau !
M. Guy Fischer. Non, en l'occurrence c'est Lyon !