M. le président. L'amendement n° 291 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 290.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 292, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 242-7 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret, la caisse régionale impose une cotisation supplémentaire à tout employeur contestant systématiquement le caractère professionnel d'une maladie ou contournant de façon délibérée la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles afin de ne pas se voir imputer le coût de celles-ci. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement se situe dans la droite ligne des amendements que je viens de défendre. Il s'agit en effet d'un ensemble cohérent de propositions articulées autour d'une même idée : inciter les entreprises à procéder à une véritable mutation. Mais le sort réservé aux deux amendements précédents ne me laisse pas beaucoup d'espoir !
Il existe certaines entreprises, sans doute une minorité, où il ne fait pas bon être victime d'un accident du travail ou atteint d'une maladie professionnelle ; parfois en connivence avec la médecine du travail, elles minorent en effet ces maladies et dissimulent ces accidents.
La taille des entreprises n'y change rien. Ainsi, un rapport de l'Inspection du travail de 2007 concernant l'usine Renault de Cléon, en Seine-Maritime, dénonce en ces termes un scandaleux maquillage : « il existe au sein de votre établissement un système organisé de pressions visant à ce que les salariés victimes d'accident du travail, auxquels un arrêt de travail a été prescrit, renoncent à prendre tout ou partie de l'arrêt de travail ».
La question des accidents du travail n'est pas sans importance. D'après les statistiques pour 2006 fournies par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, la branche accidents du travail et maladies professionnelles de cette caisse a indemnisé 1,4 million d'accidents du travail, dont près de 700 000 ont donné lieu à un arrêt de travail. Or certains employeurs n'ont de cesse, malgré les précédentes condamnations rendues sur des fondements identiques et les avis rendus par les inspecteurs du travail, de nier le caractère professionnel de ces arrêts.
Cet amendement vise à corriger cette situation en sanctionnant a posteriori les entreprises qui agissent ainsi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il est tout de même surprenant de vouloir sanctionner un employeur au motif qu'il exerce de manière systématique son droit à ester en justice !
Le code du travail prévoit d'ores et déjà des dispositions permettant de sanctionner les entreprises coupables d'abus de procédure. Cet amendement n'est donc pas pertinent, et l'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 292.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 15
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Dans le 4° de l'article L. 651-1, les mots : «, dans la mesure où elles sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions de l'article 256 B du code général des impôts » sont supprimés ;
2° Le même article L. 651-1 est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Des sociétés européennes au sens de l'article L. 229-1 du code de commerce et des sociétés coopératives européennes, au sens du règlement (CE) 1435/2003 du Conseil, du 22 juillet 2003, relatif au statut de la société coopérative européenne. » ;
3° Dans le troisième alinéa de l'article L. 651-3, les références : « 5° et 10° » sont remplacées par les références : « 5°,10° et 11°».
M. le président. L'amendement n° 116 rectifié, présenté par M. Houel, Mme Mélot et MM. Darniche, Revet, P. Blanc, Cornu, Détraigne, Mouly et Pointereau est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, remplacer le mot :
supprimés
par les mots :
remplacés par les mots : « dans les limites de leur activité concurrentielle »
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. L'article 15 du projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à redonner toute sa portée à la volonté du législateur de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 de rendre imposable à la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, la totalité de l'activité concurrentielle des organismes publics, à l'instar des entreprises privées.
Cependant, tel qu'il est rédigé, cet article soumet à la C3S non seulement l'activité concurrentielle des personnes morales de droit public, mais aussi leur activité ne relevant que partiellement du domaine concurrentiel.
L'amendement n° 116 rectifié a donc pour objet de mettre la modification du texte en harmonie avec l'exposé des motifs, en limitant le champ d'application de la C3S à l'activité strictement concurrentielle des organismes publics.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cette précision nous semble utile. Mais, avant de donner éventuellement un avis favorable, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Il est favorable. Cet amendement tend, en effet, à redonner toute sa portée à la volonté du législateur, en rendant imposable à la C3S les entreprises ou organismes publics, uniquement pour leur activité concurrentielle. Dans ce cadre, les personnes morales de droit public seront soumises à la C3S lorsqu'elles déclarent un chiffre d'affaire à l'administration fiscale pour l'établissement de la TVA ou lorsqu'elles possèdent des produits d'exploitation relatifs au commerce des valeurs et de l'argent.
La rédaction actuelle du texte se suffit probablement à elle-même. Cependant, pour ne pas faire naître d'inquiétude et par souci de clarification, le Gouvernement est favorable à la précision apportée.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il est favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Article additionnel après l'article 15
M. le président. L'amendement n° 195, présenté par M. Jean-Léonce Dupont, Mme Dini, MM. Vanlerenberghe, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF est ainsi libellé :
Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le quatrième alinéa (3°) de l'article L. 651-2 du code de la sécurité sociale est complété par les mots :
« et pour les opérations réalisées dans le cadre d'une concession d'aménagement visée à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme ».
II. - Les pertes de recettes éventuelles résultant du I ci-dessus sont compensées par le relèvement à due concurrence du taux des contributions sociales visées aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Le présent amendement tend à un aménagement de l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés afin que les sociétés d'économie mixte soient exonérées de cette contribution, au même titre que les organismes d'HLM, pour les opérations d'aménagement réalisées dans le cadre d'une concession visée à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme.
En effet, une harmonisation du régime fiscal des sociétés d'économie mixte et des organismes d'HLM a été réalisée au titre de l'impôt sur les sociétés.
Or, en vertu de l'article L. 651-2 du code de la sécurité sociale, les sociétés d'habitation à loyer modéré sont exonérées de la contribution sociale de solidarité. Les organismes d'HLM peuvent, dans les mêmes conditions que les sociétés d'économie mixte, se voir confier des opérations d'aménagement dans le cadre d'une concession publique. Dans un souci d'équité et d'harmonisation, s'agissant d'opérations qui font l'objet d'une mise en concurrence par les collectivités locales, il convient que les sociétés d'économie mixte bénéficient, au même titre que les organismes d'HLM, d'une exonération de contribution sociale de solidarité pour les opérations réalisées dans le cadre d'une concession d'aménagement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
Cet amendement doit nous inciter à nous poser, avec le Gouvernement, la question de la pertinence des mesures d'exonération qui pourraient viser la C3S.
La C3S, qui n'est pas une cotisation sociale assise sur les salaires, constitue tout de même une ressource alimentant le budget de la sécurité sociale. Or, aujourd'hui, toutes les mesures d'exonération qui ont été prises, notamment au travers de la loi Fillon, sont compensées grâce au panier fiscal, à la différence des autres mesures d'exonération dont l'assiette n'est pas assise sur les salaires et qui ne sont pas du tout compensées. Ces « niches sociales » entrent dans le calcul global des 30 ou 35 milliards d'euros.
Si nous voulons que notre démarche en matière de financement de la sécurité sociale soit cohérente, il nous faudra bien, un jour, tout mettre à plat et « balayer » les ressources qui alimentent ce budget, même si les destinataires concernés ne sont pas les mêmes.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement estime qu'il serait judicieux de retirer cet amendement.
Il ne souhaite en effet pas créer de « niche » supplémentaire au regard de la C3S, qui rapporte près de 3 milliards d'euros et constitue donc une ressource importante.
Je vois cependant dans cet amendement une incitation à engager une réflexion sur la C3S elle-même, ce qui me paraît effectivement nécessaire, car cette contribution ancienne, assise sur le chiffre d'affaires et « en cascade », soulève des difficultés dans un certain nombre de secteurs d'activité. Mais, plutôt que de la modifier par touches successives, comme on sait le faire, en créant des « niches » ici et là, je privilégierai une approche d'ensemble.
Je prends donc l'engagement de créer un groupe de travail dédié à la C3S qui sera chargé, sur la base d'une réflexion économique globale, de proposer des pistes opérationnelles pour la moderniser, évidemment tout en préservant d'une façon ou d'une autre la ressource correspondante.
M. le président. Monsieur Boyer, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean Boyer. Je le retire puisqu'il s'agit d'un « non, mais... » et que M. le ministre ouvre la perspective d'une réflexion sur la C3S.
M. le président. L'amendement n° 195 est retiré.
Article 16
I. - L'article L. 241-16 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du premier alinéa du présent article ne donnent pas lieu à application de l'article L. 131-7. »
II. - Supprimé.
III. - 1. L'article L. 712-10-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La perte de recettes résultant des dispositions du présent article ne donne pas lieu à application de l'article L. 131-7. »
2. L'article L. 722-24-1 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La perte de recettes résultant des dispositions du présent article ne donne pas lieu à application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. »
IV. - L'article L. 129-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne donnent pas lieu à application de l'article L. 131-7 de la sécurité sociale. »
V. - Supprimé.
VI. - Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2007.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 113 est présenté par MM. Cazeau et Godefroy, Mme Le Texier, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger et Alquier, M. Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 294 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 15.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Personne ne s'étonnera que la commission des affaires sociales, qui s'est toujours opposée à l'absence de compensation des exonérations, présente un amendement de suppression de l'article 16.
La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale a prévu que le Gouvernement serait tenu, lorsqu'il ne compenserait pas une exonération, de le faire apparaître en loi de financement de la sécurité sociale. C'est ce que le Gouvernement fait dans cet article, et il respecte donc tant le droit que la volonté du législateur organique.
Cela étant dit, il semblerait - et nous allons entendre M. le ministre sur ce point - que l'article 16 soulève un problème de droit lié au statut des rémunérations visées.
Selon le code de la sécurité sociale, toute rémunération faisant l'objet d'une exonération et dont la compensation n'est pas réalisée doit apparaître en loi de financement de la sécurité sociale. Cependant, il est aujourd'hui considéré que les stock-options - et nous l'avons vu au moment du débat sur ces dernières -, l'intéressement, les actions gratuites sont des « niches » sociales qui ne peuvent être assimilées à une rémunération et ne doivent donc pas faire l'objet d'une compensation. Dès lors, elles ne devraient pas davantage apparaître dans la loi de financement de la sécurité sociale. Or, au regard du code de la sécurité sociale et de la loi organique, elles doivent apparaître dans celle-ci !
Si nous voulons rester cohérents et éviter d'avoir chaque année des débats sur l'absence de compensation, il nous faut donc, monsieur le ministre, « toiletter » le code et la loi organique.
Aujourd'hui, les exonérations ou réductions non compensées se chiffrent tout de même - « à la louche », le ministère ayant des difficultés à évaluer précisément les pertes de recettes correspondantes - à 200 millions ou 250 millions d'euros. Ce n'est pas rien,...
M. Guy Fischer. Ça non !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ...et les centaines de millions d'euros qui s'ajoutent les unes aux autres vont finir par faire des milliards !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 113.
Mme Christiane Demontès. M. le rapporteur vient de dire à quel point l'article 16 était en contradiction totale avec, d'une part, le principe de compensation intégrale fixé par le code de la sécurité sociale et, d'autre part, avec les objectifs d'économie que l'on nous assène à tout propos - et hors de propos - depuis le début de cette discussion.
Au prétexte d'une trop grande complexité ou au motif que les rémunérations concernées n'ont pas vraiment le caractère de salaires, le Gouvernement proposait, dans le texte initial, la non-compensation de cinq mesures d'exonération.
Cette non-compensation concernait des exonérations portant sur des domaines aussi divers que l'arbitrage sportif ou les services à la personne, les attributions gratuites d'actions et les suppléments d'intéressement et de participation.
Le total s'élevait à 235 millions d'euros restant indûment à la charge de la sécurité sociale, sans compter la perte sur l'intéressement.
L'Assemblée nationale a judicieusement supprimé deux de ces non-compensations, à savoir celles qui concernaient les attributions d'actions et l'intéressement, ainsi que le supplément de réserve de participation, et il s'agissait en effet des plus choquantes ; mais le principe de compensation, qui a été voulu par l'ensemble du Parlement, ne doit pas souffrir d'exception.
Il est d'autant plus important de rappeler ce principe alors que l'État nous dit s'engager - il est vrai que ce n'est qu'un engagement verbal - à rembourser une partie de sa dette à la sécurité sociale, soit un arriéré de plus de 5 milliards d'euros, dont les quatre cinquièmes sont déjà dus au titre de la compensation d'exonérations.
C'est dire à quel point le principe de compensation est « empoisonnant » pour un ministre du budget ! La tentation est grande de rembourser le plus tard possible, et, subrepticement, de « gratter » quelques millions d'euros dans les lois de financement de la sécurité sociale, qui sont désormais les seules à pouvoir être utilisées pour créer ou modifier des exonérations non compensées.
C'est utiliser les lois de financement à des fins détournées de leur véritable objet. Il est donc juste que le Parlement sanctionne a priori cette démarche.
Adopter l'article 16 serait aussi, je le répète, faire preuve d'incohérence au regard des finances de la sécurité sociale. Nous demandons donc la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 294.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, nous n'en sommes qu'à l'article 16 du PLFSS, et les occasions de renflouer les comptes de la sécurité sociale que vous n'avez pas voulu saisir sont déjà pléthores ! Je ne crois pas trop me tromper en annonçant dès maintenant que, lors du vote solennel qui mettra fin au débat, cette impression ne se sera malheureusement pas dissipée.
Sans vouloir relancer un débat qui mériterait pourtant d'être un jour abordé en profondeur, je souhaiterais tout de même regretter le rôle dans lequel vous entendez cantonner les parlementaires en général, et les sénateurs en particulier. Vous voulez en effet nous réduire à un rôle d'arbitre de touche, nous donnant la seule possibilité de voter pour ou contre la création de nouvelles charges injustifiées et nous refusant le droit de répondre à la satisfaction des besoins du plus grand nombre. C'est sans doute cela que le Président de la République appelle « le renforcement des pouvoirs du Parlement » !
Avec cet article 16, vous décidez donc de poursuivre la banqueroute organisée de notre régime de protection sociale. Pour ce faire, tous les moyens sont bons, y compris les plus grossiers, comme cet article en est le triste témoignage.
Je vous rappelle qu'en 2006, lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, le ministre avait juré - je m'en souviens fort bien - que le principe de la compensation obligatoire serait réaffirmé. Or nous constatons qu'il n'en est rien.
Vous me rétorquerez, monsieur le ministre, que les exonérations sont modestes. Et alors ? Les bénéfices des franchises seront également modestes et, pourtant, vous ne vous en privez pas !
Vous me direz aussi que la compensation est difficilement réalisable. Sans doute, mais cela témoigne de l'impérieuse nécessité de revenir immédiatement à une règle simple : plus d'exonération ou, pour le moins, plus d'exonération sans compensation.
Vous savez l'opposition du groupe CRC à ce procédé qui a déjà coûté, en 2006, la modique somme de 23 milliards d'euros ; et, on l'a dit hier, on devrait maintenant atteindre 28 milliards d'euros. Naturellement, dans la situation « formidable » des comptes sociaux, on peut s'en priver...
Nous avions tout de même espoir que, n'écoutant pas votre opposition, vous tendiez au moins l'oreille en direction de la rue Cambon, là même où les magistrats de la Cour des comptes dénonçaient dans leur rapport de 2007, à l'adresse de la commission des finances de l'Assemblée nationale, « un dispositif incontrôlé », au « coût très élevé » et à « l'efficacité quantitative incertaine ».
Je connais un certain nombre de mesures bien moins critiquées dont vous avez écourté la vie - je pense, par exemple, au dispositif du médecin référent -, et je m'étonne qu'après la lecture de ce rapport vous n'ayez pas été saisi d'effroi et n'ayez pas vous-même proposé la suppression de l'article 16.
Je souhaiterais d'ailleurs reprendre à mon compte - une fois n'est pas coutume ! - l'intervention du rapporteur Alain Vasselle, qui, présentant son amendement sur l'article 9 E, rappelait qu'il fallait des recettes nouvelles structurelles et non conjoncturelles.
Avec le refus strict de la non-compensation des exonérations sociales, voilà justement une réforme structurelle, et je me réjouis par avance de pouvoir compter M. Vasselle au nombre des sénateurs qui voteront en faveur de cet amendement.
Je voudrais conclure sur un sentiment. Avec cette « histoire » des exonérations de charges sociales, le Président de la République fait les beaux et les mauvais jours de notre régime de protection sociale. Il en fait surtout les mauvais jours, en s'octroyant le droit de « piocher » dans les recettes prévisibles de la sécurité sociale afin, au choix, ou de tenir ses promesses électorales - et particulièrement ses promesses en direction des plus riches - ou d'appliquer des positions dogmatiques, fussent-elles inefficaces. Pourtant, le Président de la République devrait se souvenir que les comptes de la sécurité sociale ne lui appartiennent pas. Il n'a pas à puiser dedans, comme le ferait un ménage dans ses économies.
Je reconnais toutefois à votre majorité une cohérence : son fil d'Ariane, c'est le transfert du financement des comptes sociaux des employeurs en direction - toujours au choix - des foyers, des salariés ou des consommateurs.
Tout aussi cohérents, nous demandons la suppression de l'article 16, en total accord sur ce point avec M. Vasselle qui, dans son rapport, après avoir évalué l'impact financier à 235 millions d'euros, dit très clairement que « cette décision revient [...] à mettre à la charge de la sécurité sociale des politiques qui sont celles de l'État ».
M. le président. L'amendement n° 465, présenté par le Gouvernement est ainsi libellé :
I. Rétablir le II de cet article dans la rédaction suivante :
II. - 1° L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions des deux alinéas précédents ne donnent pas lieu à application de l'article L. 131-7. » ;
2° L'article L. 741-10 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions des deux alinéas précédents ne donnent pas lieu à application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. »
II. Rétablir le V de cet article dans la rédaction suivante :
V. - 1° L'article L. 441-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'application à l'intéressement de projet des dispositions du premier alinéa de l'article L. 441-4 du présent code ne donne pas lieu à application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. » ;
2° L'article L. 444-12 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'application au supplément d'intéressement et au supplément de réserve spéciale de participation des dispositions du premier alinéa de l'article L. 441-4 et du deuxième alinéa du I de l'article L. 442-8 du présent code ne donne pas lieu à application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur, j'ai bien entendu votre discours, qui a le mérite de la cohérence et de la continuité. Je voudrais juste rappeler que les exonérations de charges, à un titre ou à un autre, qui sont compensées représentent 30 milliards d'euros avec, d'un côté, 27 milliards d'euros sur les paniers fiscaux par transfert de recettes d'imposition et, de l'autre, 3 milliards d'euros budgétaires.
M. Bernard Cazeau. Près de 3 milliards !
M. Éric Woerth, ministre. Avec l'article 16, on se situe entre 200 millions et 250 millions d'euros. L'État fait donc une grande partie du chemin.
Il est assez naturel de se poser des questions sur un certain nombre de non-compensations compte tenu du caractère même des dépenses ; nous devrons certainement, j'en suis d'accord, aller plus loin, mais il ne faut pas faire accroire qu'au travers de cet article l'État se dégagerait de ses responsabilités en matière de compensation des charges.
Vous indiquez dans votre rapport que la multiplication des dispositifs d'exonération et le caractère non systématique de leur compensation ne sont pas acceptables, et vous proposez en conséquence la suppression de l'article 16.
J'en conviens volontiers, la situation n'est pas totalement satisfaisante.
La loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a donné aux seules lois de financement de la sécurité sociale la capacité de prévoir - et tel est bien l'objet du débat - qu'une mesure d'exonération ne serait pas compensée.
Cette réforme, à laquelle vous avez pris, monsieur le rapporteur, une très large part, représente une avancée importante, notamment en termes de transparence, pour la sécurité sociale.
Il faut sans doute aller plus loin et ouvrir une nouvelle réflexion sur l'opportunité de confier au PLFSS le monopole de la création des dispositifs d'exonération ou, au moins, de confirmation systématique des décisions législatives prises par ailleurs.
C'est ce que vous avez proposé, monsieur le rapporteur, et le Gouvernement est prêt à y travailler : je vous l'ai dit lors de mon discours introductif et je vous le confirme.
Je suis également convaincu qu'il serait utile, dès que sont créées une exemption d'assiette ou une exonération ciblée, que soit précisément défini le financeur de cette « niche ». Trop souvent, le processus de décision déconnecte la mesure dépensière et, au bout du compte, le budget qui la porte, ce qui est déresponsabilisant.
Pour une bonne gestion des finances publiques, il faut déterminer immédiatement qui assurera la charge financière de la niche ou de l'exonération. Nous y veillerons pour tous les projets à venir.
Je pense aussi - et je rejoins en cela les propos tenus par Philippe Marini lors du débat sur les prélèvements obligatoires, voilà quelques jours - qu'il convient d'évaluer les effets économiques et sociaux de ces mécanismes. Il me paraît alors souhaitable d'adopter deux principes de bonne gestion.
Le premier consiste à fixer systématiquement une durée limitée à ces mécanismes, et ce pour deux raisons : d'une part, il serait ainsi possible de rappeler que la règle est celle de l'assujettissement de droit commun, les exemptions d'assiette ou exonérations spécifiques devant demeurer l'exception ; d'autre part, il est difficile de revenir sur ce qui a été accordé sans limite de durée. On doit pouvoir modifier les mécanismes au fur et à mesure de la montée en charge des dispositifs.
Le second principe est celui d'une évaluation des dispositifs actuels. Je ne serais pas opposé à une revue générale des exonérations, comme il en existe en d'autres domaines. Les parlementaires, notamment les sénateurs, sont également libres de se saisir de ce sujet. Cela pourrait conduire à fixer un terme à certains dispositifs, tout en se donnant un délai. Comme je le disais hier, il y a bien évidemment, derrière les dispositifs, des réalités.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec l'article 16, il est demandé au Parlement d'accepter, après ces clarifications nécessaires, la non-compensation de quelques mesures. À cet égard, l'adoption des trois amendements identiques brouillerait la bonne application du dispositif législatif qui prévoit que les mesures d'exonération des cotisations de sécurité sociale ou de réduction de leur assiette doivent soit être compensées, soit donner lieu au vote d'une disposition ad hoc dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
L'adoption de ces amendements ne pourrait qu'inciter à la poursuite de tentatives d'exclusion de l'assujettissement aux cotisations de sécurité sociale, sans inscription des crédits de compensation nécessaires en loi de finances.
Or, dans ce domaine, l'exception est nécessaire pour obtenir une application très stricte de la règle. Et vous pouvez convenir que, avec l'apurement de la dette de l'État au régime général, la compensation des allégements généraux et des exonérations sur les heures supplémentaires, j'ai avancé sur la clarification des relations entre l'État et la sécurité sociale.
C'est pourquoi, au bénéfice de ces explications, je me permets de vous présenter un amendement qui vise à rétablir le texte initial proposé par le Gouvernement.
L'Assemblée nationale a supprimé du champ de non-compensation, d'une part, les attributions gratuites d'actions et, d'autre part, le supplément d'intéressement et le supplément de réserve spéciale de participation, au motif que ces revenus, qui ne présentent pas de caractère aléatoire, doivent être traités comme des revenus d'activité, leur exonération de cotisations devant dès lors être compensée par l'État. Certes, ces revenus, supplément d'intéressement et attribution gratuite d'actions, sont distribués à l'occasion de la relation de travail ; mais la commission des finances a pour sa part estimé que ces dispositifs se rattachaient à l'épargne et non aux salaires.
Pour le Gouvernement, les attributions d'actions gratuites, prévues par l'article 83 de la loi de finances pour 2005, présentent une spécificité. Tout d'abord, le délai de portage qui caractérise les actions gratuites par rapport à une rémunération monétaire justifie un traitement particulier dans le cadre de l'application du principe de compensation.
Par ailleurs, à la suite de l'adoption de l'amendement par les députés, ces revenus sont destinés à participer au financement de la sécurité sociale au travers des contributions créées par l'article 9 E du projet de loi de financement de la sécurité sociale en sus de l'assujettissement déjà existant aux 11 % de CSG et de CRDS. Hier, nous avons voté une contribution spécifique de 10 % pour les distributions gratuites d'actions. La création d'une contribution employeur de 10 % sur ce dispositif et sur les stock-options, ainsi qu'une contribution salariale dont vous avez voté la non-rétroactivité, permet de procurer à la sécurité sociale de nouvelles recettes assises sur ces revenus.
Concernant l'exclusion de l'assiette des cotisations de sécurité sociale des sommes allouées au titre du supplément d'intéressement, du supplément de réserve spéciale de participation et de l'intéressement de projet, le code du travail prévoit que ces sommes ne doivent se substituer à aucun des éléments de rémunération antérieurs donnant lieu à cotisations, ce qui justifie qu'elles puissent être exclues du champ de la compensation des pertes de recettes subies par la sécurité sociale, d'autant que le calcul de la compensation serait extrêmement difficile à mettre en oeuvre. Il n'est d'ailleurs ni logique ni possible de distinguer le supplément d'intéressement de l'intéressement lui-même, qui n'est pas compensé. Or dans ce cas, on demanderait une compensation du supplément d'intéressement.
Dans les deux cas - l'attribution gratuite d'actions et le supplément d'intéressement - il s'agit donc d'éléments de revenus nouveaux, dont on ne connaît pas par définition l'assiette préalable et pour lesquels on estime raisonnablement que la substituabilité aux salaires est faible, même si nous sommes vigilants sur ce dernier point.
C'est pourquoi il est légitime de les faire figurer dans l'article 16, c'est-à-dire de ne pas compenser. C'est ce qu'a proposé le Gouvernement dans l'esprit de transparence qui le guide en ce domaine. Vous trouverez une nouvelle démonstration de cette transparence dans le rapport sur les dispositifs affectant l'assiette des cotisations et contributions, qui sera prochainement transmis au Parlement en application de la loi du 20 décembre 2002.
Je sais, monsieur Vasselle, combien vous êtes attaché à la clarification des relations financières entre le budget de l'État et le budget de la sécurité sociale. Je partage votre préoccupation, et c'est pourquoi, sans hypocrisie ou dissimulation, je souhaite définir le plus précisément possible ce qui doit être compensé par l'État, lequel, dans ce domaine, remplit ses obligations et assume ses responsabilités...
M. Bernard Cazeau. Vous savez bien que non !
Mme Raymonde Le Texier. C'est honteux de dire cela !
M. Éric Woerth, ministre. ... - j'ai déjà dit tout à l'heure que cela concerne 30 milliards d'euros -, et ce qui ne doit pas être compensé. C'est pourquoi je souhaite vivement que le Sénat adopte l'amendement n° 465, pour lequel je demande un vote par priorité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'ai écouté avec une extrême attention l'argumentation développée par M. le ministre pour défendre l'amendement n° 465.
Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que, après la position que j'ai défendue au nom de la commission des affaires sociales, la proposition du Gouvernement de ne pas compenser deux exonérations supplémentaires pourrait être considérée par certains comme une provocation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C'est un moment unique !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je ne cherche pas à faire des effets de manches pour me faire applaudir par nos collègues siégeant sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Nous ne mettons en doute ni votre honnêteté intellectuelle ni la volonté du Gouvernement de respecter l'esprit et la lettre de la loi organique relative au de financement de la sécurité sociale.
Vous être le premier ministre du budget à respecter l'esprit et la lettre de la loi organique en adoptant, dès la loi de financement de la sécurité sociale, dès le collectif budgétaire et dès la loi de finances, des mesures respectant intégralement ses dispositions. Nous ne pouvons que nous en réjouir et nous en féliciter.
Je ne mets aucunement en doute votre volonté de respecter la loi. Vous respectez d'ailleurs la loi organique, puisque vous faites apparaître très clairement les mesures qui ne feront pas l'objet d'une compensation au titre des exonérations.