M. le président. L'amendement n° 139, présenté par M. Cantegrit et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les cotisations prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 766-1 du code de la sécurité sociale ne sont pas dues par les personnes qui formulent leur demande d'adhésion du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008.
II. - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. J'ai déposé cet amendement en tant que président du conseil d'administration de la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger. Mme Christiane Kammermann, mon excellente collègue, administrateur de la caisse, s'est associée à ce texte.
L'amendement n° 139 prévoit que les cotisations figurant à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 766-1 du code de la sécurité sociale ne sont pas dues par les personnes qui formulent leur demande d'adhésion du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008.
Parallèlement, il vise à compenser la perte de recettes qui résulte de cette disposition. Toutefois, monsieur le ministre, je m'interroge. Devons-nous vraiment gager la mesure, alors qu'il s'agit d'une caisse d'assurance volontaire ayant un budget autonome et des comptes équilibrés depuis sa création ? On m'a dit que cela était souhaitable, mais j'aimerais vous entendre sur ce point.
L'article 17 suspend l'obligation de s'acquitter d'un droit d'entrée égal au montant des cotisations afférentes à la période écoulée depuis le début de l'expatriation, dans la limite de deux ans, et ce pour toutes les personnes qui adhèrent à l'assurance maladie, maternité des Français expatriés au cours de l'année 2008. Dans sa sagesse, le législateur a prévu ce droit d'entrée par la loi n° 84-604 du 13 juillet 1984 portant diverses mesures relatives à l'amélioration de la protection sociale des Français de l'étranger, dite Loi Bérégovoy. J'ai été le rapporteur au Sénat de ce texte, voté à l'unanimité du Parlement, qui tend à prévenir les adhésions à « risque ouvert », puisque la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger est une caisse d'assurance volontaire.
L'amendement n° 139 a pour objet de renforcer l'attractivité de l'assurance maladie offerte par la Caisse des Français de l'étranger, la CFE.
Cette disposition s'inscrit dans le cadre de plusieurs mesures visant à faciliter les adhésions à la CFE. Une baisse du taux des cotisations maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles des salariés expatriés doit en effet intervenir prochainement par décret ; celui-ci est en cours de rédaction. Nous avons obtenu l'accord de notre tutelle, représentée par votre ministère, monsieur Woerth, et par le ministère des affaires sociales. Nous avons également obtenu l'accord de la direction de la sécurité sociale.
Cette disposition répond à une demande forte des Français expatriés. Alors que la CFE est en concurrence avec des caisses d'assurance privée, des mutuelles, une telle mesure va à notre avis renforcer son attractivité. Le nombre de personnes susceptibles de s'affilier à l'assurance maladie de la CFE est évalué à près de 15 000 personnes.
Permettez-moi de profiter de cet amendement pour vous poser une question, monsieur le ministre. L'objectif de la loi est de fixer les principes fondamentaux de la sécurité sociale. Mais, dans le cas particulier de la Caisse des Français de l'étranger, on constate qu'une loi est nécessaire simplement pour suspendre le mécanisme de rétroactivité des cotisations, mesure financière pourtant de faible importance et transitoire. De mon point de vue, la procédure législative, longue, difficile et solennelle, est disproportionnée à l'enjeu de la mesure !
La Caisse des Français de l'étranger est une caisse de sécurité sociale en situation de concurrence ; elle ne dispose d'aucun monopole. Pour pouvoir survivre et se développer tout en faisant preuve de solidarité à l'égard de nos compatriotes moins favorisés, elle doit être en mesure de s'adapter. Les problèmes qui se posent à elle ne sont pas ceux des régimes obligatoires de sécurité sociale.
En conclusion, monsieur le ministre, ne serait-il pas souhaitable que vos services engagent une réflexion portant sur la façon de prévoir dans la loi le principe d'une délégation plus large au conseil d'administration de la Caisse des Français de l'étranger, afin que celle-ci puisse plus aisément décider des mesures utiles d'adaptation au contexte dans lequel elle évolue ? Bien entendu, les décisions du conseil resteraient, comme c'est le cas aujourd'hui, soumises à l'approbation des autorités de tutelle, donc à votre ministère, monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
La Caisse que préside M. Cantegrit devrait tous nous faire rêver ! Ce dernier fait en effet valoir, dans l'exposé des motifs de son amendement, que cette « disposition s'inscrit dans le cadre de plusieurs mesures visant à faciliter les adhésions à la CFE », ce que l'on comprend. Il ajoute qu'une « baisse du taux des cotisations maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles des salariés expatriés doit en effet intervenir prochainement par décret. ».
Cela fait rêver ! Quand pourrons-nous ici, devant la représentation nationale, envisager la baisse des cotisations maladie, maternité et accidents du travail pour la caisse du régime obligatoire français ?
Monsieur Cantegrit, expliquez-nous comment vous faites, car c'est miraculeux ! Chers collègues, constatez que, contrairement à nous, les étrangers savent gérer !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Monsieur le sénateur, je ne suis pas un spécialiste du fonctionnement de la Caisse des Français de l'étranger ; vous l'êtes plus que nous ! Toutefois, je comprends qu'il existe des difficultés de gestion dues à des rigidités législatives.
En liaison avec mes collaborateurs, nous pouvons, si vous en êtes d'accord, mettre en place un petit groupe de travail afin de poser un diagnostic et de comprendre ce qui pourrait éventuellement être fait pour faciliter le fonctionnement de cette Caisse.
Pour répondre à votre question, il n'est pas nécessaire de prévoir un gage, car la disposition n'a aucune conséquence financière directe.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je tiens à remercier M. Alain Vasselle de son accord. Je suis tout à fait prêt à expliciter, au sein de la commission des affaires sociales à laquelle j'appartiens, la façon dont nous sommes parvenus à l'équilibre, voire à un léger excédent pour le système d'assurance maladie et d'accidents du travail des Français de l'étranger. Cet équilibre résulte d'un ensemble d'éléments que je suis prêt à vous exposer.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour adapter le régime général à la Caisse des Français de l'étranger !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je précise à M. Vasselle qu'il s'agit des Français de l'étranger, donc des Français expatriés, et non des étrangers ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre proposition de groupe de travail que j'approuve et que j'accepte avec un grand plaisir.
Notre caisse d'assurance volontaire est soumise à une concurrence et à des problèmes particuliers. Lors de l'examen du budget, j'aurai l'occasion de vous dire un mot sur les nouvelles mesures que nous avons prises, notamment sur les franchises.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Je précise à M. Cantegrit qu'il convient de supprimer le paragraphe II de son amendement, du fait que cette disposition n'entraîne aucune perte de recettes.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je rectifie donc mon amendement en supprimant le paragraphe II, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 139 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.
Section 2
Prévisions de recettes et tableaux d'équilibre
Article 18
Pour l'année 2008, les prévisions de recettes, réparties par catégorie dans l'état figurant en annexe C à la présente loi, sont fixées :
1° Pour l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et par branche à :
|
(En milliards d'euros) |
|
|
Prévisions de recettes |
|
Maladie |
175,5 |
|
Vieillesse |
175,5 |
|
Famille |
57,1 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
12,2 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
414,9 |
; |
2° Pour le régime général de sécurité sociale et par branche à :
|
(En milliards d'euros) |
|
|
Prévisions de recettes |
|
Maladie |
151,1 |
|
Vieillesse |
89,1 |
|
Famille |
56,7 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
10,8 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
302,3 |
; |
3° Pour les organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale à :
|
(En milliards d'euros) |
|
Prévisions de recettes |
Fonds de solidarité vieillesse |
14,8 |
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles |
14,2 |
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L'article 18 porte sur les prévisions de recettes du budget de la sécurité sociale. Vous en conviendrez avec moi, il y a peu de nouvelles recettes, ce que reconnaît d'ailleurs M. Alain Vasselle. La principale a en effet pour origine le projet de loi de finances.
Si les nouvelles recettes sont rares, les exonérations de charges, elles, sont fort nombreuses et, au final, très coûteuses.
Les recettes, quant à elles, sont à la fois insuffisantes et injustes.
Elles sont insuffisantes, car elles ne répondent pas aux besoins humains et sociaux. Vous ne tenez pas compte de l'évolution de notre société et ne retenez de celle-ci que l'allongement de l'espérance de vie pour justifier le passage au quarante et une annuités.
Vous ignorez, par exemple, l'augmentation considérable du prix de certains traitements, l'accroissement du reste à charge pour les malades, l'inflation toujours plus importante des tarifs journaliers des maisons de retraites. Au final, votre faible augmentation de 4,9 % par rapport à 2007 ne fait pas le compte.
Les recettes sont injustes, car, comme nous n'avons eu de cesse de le répéter depuis deux jours, ce sont sur les malades, les retraités, que reposeront les plus grands efforts financiers. J'ai compté depuis deux jours le nombre de recettes nouvelles que vous avez refusé de créer ; pas moins de six ! Une taxation plus importante des stock-options, une taxation sur les boissons sucrées, sur les bénéfices des laboratoires pharmaceutiques, un élargissement aux bénéfices boursiers et bancaires de l'assiette des cotisations, la modulation des cotisations AT-MP, le refus de la suppression des exonérations de charges sociales... J'en oublie sans doute, mais il m'est impossible de tenir la liste à jour !
Pour vous, il n'y a pas d'autres ressources possibles que cette taxe sur les malades. Nous vous avons prouvé le contraire.
Si, comme on l'entend, gouverner c'est prévoir, alors on devine ce que le Gouvernement fait : rien ou si peu ! Il intervient de manière fort conjoncturelle en utilisant, par exemple, une batterie de techniques bien connues de votre majorité : les transferts.
Les comptes du FSV et du FFIPSA en gardent les séquelles.
À cela s'ajoutent vos prévisions irréalistes - pour ne pas dire insincères, mais nous n'avons que trop dénoncé cet état de fait - concernant les recettes, établies à partir d'estimations de croissance fort généreuses, qui paraissent totalement décalées par rapport aux analyses les plus honnêtes.
Je souhaite encore dénoncer les mesures dites « à un coup », que votre majorité ne cesse d'utiliser, jusqu'à ce qu'elle n'en trouve plus... Mais je suis persuadé que vous ferez preuve d'imagination dans ce domaine, monsieur le ministre ! En 2006, c'était une attaque sur les plans d'épargne logement ; aujourd'hui, vous imaginez le prélèvement à la source sur les dividendes ; demain, comme le suggère M. Marini, ce sera peut-être la taxation des livrets A, comptes d'épargne de ces « nantis » de salariés et de retraités qui parviennent difficilement à économiser la mirifique somme de 15 300 euros, plafond fixé à cette épargne. Pour ma part, je ne possède que ce genre d'épargne, eh oui !
Le Président de la République devrait se rappeler que lui incombe une responsabilité particulière, celle de garantir le devenir de notre système de protection sociale. Lui qui refuse que l'État s'endette et demande aux ménages de le faire, lui qui n'a de cesse de vanter la notion de responsabilité devrait enfin se comporter à l'égard de nos concitoyens et de la sécurité sociale comme un « bon père de famille », pour reprendre des termes chers à M. le rapporteur et à M. le président de la commission des affaires sociales.
Au début du débat, je me souviens d'avoir entendu un de nos collègues de l'UMP demander que, après le diagnostic, on lui présente l'ordonnance. C'est chose faite ; pourtant, vous n'avez rien voulu entendre. Notre régime de protection sociale n'est pourtant pas un malade imaginaire. Les Français comprendront donc que vous avez sciemment fait le choix de laisser mourir notre système, dans l'attente de futurs mauvais coups.
C'est pour cette raison que nous ne pourrons absolument pas approuver l'article 18, qui, de toute évidence, ne correspond pas à la réalité, comme nous aurons l'occasion de nous en rendre compte dans les semaines et les mois à venir.
M. le président. Je mets aux voix l'article 18.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
Pour l'année 2008, est approuvé le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d'euros) |
|||
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
|
Maladie |
175,5 |
179,5 |
-4,0 |
Vieillesse |
175,5 |
179,7 |
-4,2 |
Famille |
57,1 |
56,8 |
0,3 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
12,2 |
11,8 |
0,3 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
414,9 |
422,5 |
-7,6 |
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer !
M. Guy Fischer. L'article 19 présente le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.
Comme nous l'avons fait sur l'article 18, nous voterons bien sûr contre cet article, considérant qu'il n'est pas acceptable de se contenter d'une situation de déficit pour deux branches sur quatre. Qui plus est, vous annoncez que la branche famille et la branche AT-MP, accidents du travail et maladies professionnelles, seront excédentaires, ce dont nous doutons fortement. Nous avons en effet déjà largement discuté des perspectives qui s'offrent à elles.
Nous contestons également, invoquant la sincérité des projections, le chiffre de 7,7 milliards d'euros pour le déficit, toutes branches confondues, considérant que les ressources nouvelles, qui sont inexistantes, et les ressources actuelles ne suffiront pas pour économiser 3,7 milliards d'euros, même en ayant recours aux franchises.
Par ailleurs, vos prévisions en matière d'emploi sont pour le moins fantaisistes. Si nous vous suivons dans votre raisonnement, la France parviendrait, dans les domaines de l'emploi et de l'économie, à faire mieux que l'Allemagne, qui la devance pour l'instant. Il faudra nous expliquer comment vous comptez inciter à la création d'autant d'emplois nouveaux, alors que, dans le même temps, vous n'avez de cesse de développer les heures supplémentaires non créatrices d'emplois. Il s'agit en effet de gagner plus en travaillant plus, mais pas de créer des emplois ! Ne vous y trompez pas, si certains salariés sont demandeurs de telles mesures, c'est que les salaires sont trop bas et ne suffisent plus pour vivre. Le problème du pouvoir d'achat est d'ailleurs au coeur des négociations en cours entre les organisations syndicales et le Gouvernement.
Si vous rechignez à chercher de nouvelles recettes, vous redoublez d'efforts lorsqu'il s'agit de réduire - et non plus seulement d'encadrer - les dépenses. C'est sur la branche maladie que se concentrent vos efforts, avec le recours aux franchises médicales, qui devraient permettre, selon vous - mais nous sommes en désaccord concernant les effets de cette mesure -, de réaliser 650 millions d'euros d'économie. Vous voulez mettre en oeuvre ce que vous appelez la « maîtrise médicalisée »
En fait de quoi s'agit-il ? Vous annoncez, dans des termes bien polis, pour ne pas provoquer d'affolement, que la population sera encore davantage mise à contribution, alors que, déjà, pêcheurs, enseignants, étudiants, gaziers, associations de malades et routiers s'organisent contre vos projets. Seuls les chauffeurs de taxi n'ont d'ailleurs pas obtenu tout ce qu'ils voulaient !
En conséquence, nous voterons contre l'article 19 du projet de loi.
M. le président. Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
Pour l'année 2008, est approuvé le tableau d'équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :
(En milliards d'euros) |
|||
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
|
Maladie |
151,1 |
155,2 |
-4,1 |
Vieillesse |
89,1 |
94,3 |
-5,2 |
Famille |
56,7 |
56,4 |
0,3 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
10,8 |
10,5 |
0,3 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
302,4 |
311,1 |
-8,8 |
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Vous avez certainement tous en mémoire les critiques que les membres du groupe socialiste et apparentés, notamment Mmes Raymonde Le Texier, Michèle San Vicente-Baudrin et moi-même, ont formulées contre l'ensemble de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale au cours de la discussion générale.
J'exprime donc notre opposition à cet article 20, qui présente le tableau d'équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale.
M. le président. Je mets aux voix l'article 20.
(L'article 20 est adopté.)
Article 21
Pour l'année 2008, est approuvé le tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d'euros) |
|||
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
|
Fonds solidarité vieillesse |
14,8 |
14,2 |
0,6 |
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles |
14,2 |
16,8 |
- 2,7 |
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. L'article 21 est l'illustration de la politique de gribouille conduite depuis 2002 par les gouvernements de MM. Raffarin et de Villepin, concernant deux fonds qui influent directement ou indirectement sur l'ensemble des régimes et, bien entendu, sur le budget de l'État : je veux parler du FSV, le Fonds de solidarité vieillesse, et du FFIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles.
Le FSV a certes connu une légère amélioration de ses comptes, mais il continue à alourdir les charges de la branche vieillesse. Cette situation est d'autant plus paradoxale, monsieur le ministre, que, comme l'a rappelé la Cour des comptes, l'équilibre financier est, pour le FSV, une obligation inscrite dans la loi. Pour répondre à cette obligation, on ne trouve rien de mieux que de transférer l'ardoise à la CNAVTS, la Caisse nationale de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés.
Quant au FFIPSA, il accuse - et c'est encore plus grave - un déficit cumulé dont l'origine remonte à l'héritage négatif de l'ancien BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles. Ce « trou », souvent ignoré du grand public et que l'État aurait dû combler, s'agrandit chaque année à concurrence de 1,7 milliard d'euros et devrait dépasser les 6 milliards d'euros en 2007.
Aujourd'hui, ce déficit structurel s'est installé et, malheureusement, le mauvais rapport démographique entre cotisants et retraités, ainsi que la nature des ressources ne permettent pas d'espérer un retour à l'équilibre des comptes de ce fonds.
Très vite, le solde négatif annuel sera non plus de 1,7 milliard d'euros, mais de 3 milliards d'euros, si bien que, en 2010, échéance qui n'est pas très éloignée, on doit s'attendre à un déficit cumulé de 14 milliards d'euros, soit 80 % du budget du fonds. Incroyable, mais vrai !
Le régime agricole est obligé, pour financer les déficits cumulés, de recourir à l'emprunt, dont les intérêts viennent, vous l'avez deviné, alourdir ses charges.
Confronté à cette situation, le Gouvernement s'abrite derrière une règle n'autorisant l'État à intervenir pour rétablir l'équilibre budgétaire que le « cas échéant ». Or, monsieur le ministre, depuis la création du FFIPSA, ce « cas échéant » est bel et bien là, et de façon encore plus sensible aujourd'hui !
Cette attitude, dénoncée par la Cour des comptes, est inacceptable. Le régime agricole est le régime obligatoire qui recourt le plus massivement à des découverts bancaires pour assurer le paiement des prestations dues à ses assurés.
L'an dernier, le gouvernement avait trouvé une solution en créant un groupe de travail !.... Le rapport élaboré, après plusieurs réunions, par ce groupe de travail, présidé par M. Chadelat, n'a pas permis de dégager une seule solution. Vous en êtes passivement resté là, monsieur le ministre, avec cette réserve que vous auriez payé une petite partie de ce qui est dû par l'État.
Bien que la Mutualité sociale agricole ait décidé d'adopter un plan d'économies drastique, la situation demeure préoccupante, comme le prouve le tableau annexé à l'article 21. Une fois de plus, les assurés sont les seuls à payer les conséquences du désengagement de l'État.
Permettez-moi de rappeler que, l'an dernier, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, M. Dominique Bussereau, à l'époque ministre de l'agriculture, avait publiquement assuré que l'État n'abandonnerait pas le régime de protection sociale agricole. Mais c'était au mois de novembre 2006, avant les échéances électorales de 2007 !
Huit mois après ces déclarations, qui se voulaient rassurantes, que s'est-il passé ? Rien qui puisse sensiblement redresser les comptes ! Toutefois, nous avons appris la démission du président du conseil d'administration du FFIPSA, démarche qu'avait déjà accomplie le président du FSV.
Ces démissions successives de présidents qui, de toute évidence, n'ont pas voulu cautionner de telles dérives, sont pour le moins inquiétantes.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils avaient autre chose à faire, c'est tout !
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l'article.
Mme Gisèle Printz. À la suite de l'intervention de mon collègue Claude Domeizel, je limiterai mon propos à la situation que connaît et devrait connaître le Fonds de financement des prestations sociales agricoles créé par l'article 40 de la loi de finances pour 2004.
La situation actuelle et le devenir du FFIPSA sont des sujets majeurs qui, depuis plus de quatre ans, sont source de grandes inquiétudes au sein du monde rural, chez les 27 000 délégués et 2 000 administrateurs de la MSA, mais également sur nos travées.
Conformément aux dispositions de l'article L. 731-4 du code rural, le FFIPSA dispose de diverses sources de financement, notamment les cotisations des assujettis, la part de la CSG affectée à ce régime, les financements publics que sont les impôts, taxes et amendes affectés, ainsi que les droits sur la consommation de tabac, la subvention d'équilibre du budget d'État, le versement du solde de compensation démographique, les contributions et subventions de la Caisse nationale des allocations familiales, du Fonds spécial invalidité et du Fonds de solidarité vieillesse.
Le montant de ces ressources s'élevait à 15 milliards d'euros au titre de l'exercice 2006. Dans l'article 21 du présent projet de loi, le Gouvernement indique que le FFIPSA, déjà déficitaire en 2007, le sera également en 2008, avec un solde négatif de 2,7 milliards d'euros, soit, comme le rappelle notre rapporteur M. Vasselle, un montant encore supérieur à ceux qui ont été enregistrés en 2006 et 2007, respectivement 1,3 milliard et 2,3 milliards d'euros.
Ainsi, dès l'année prochaine, le déficit cumulé atteindra 8,3 milliards d'euros et, si aucune mesure n'est prise, 15 milliards d'euros, auxquels s'ajoute le poids des taux d'intérêt.
À la fin de la législature, cette dette représentera plus de 80 % du fonds !
La situation est telle que le FFIPSA ne peut compléter le financement des prestations agricoles gérées par les caisses de la MSA qu'en demandant à la caisse centrale de la mutuelle de contracter un emprunt de plus de 3,1 milliards d'euros afin de financer son propre découvert.
Or, comme le rappelle la Cour des comptes à juste titre, le FFIPSA ne peut pas faire face à ses engagements !
Ce déficit, ne l'oublions pas, est très directement lié au non-versement par l'État de la subvention d'équilibre versée au BAPSA et supprimée lors du passage au FFIPSA.
Je rappelle également que, dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, notre rapporteur M. Vasselle estimait que, malheureusement, cette situation constituait non pas une mauvaise passe, mais bien un problème pérenne. En séance, il avait indiqué que ces difficultés confirmaient que le FFIPSA ne pourrait pas atteindre l'équilibre sans subvention d'État. Il avait raison, mais il n'a pas été entendu à l'époque. Du reste, il ne l'est toujours pas aujourd'hui.
En effet, le Gouvernement, comme le précédent, s'abrite derrière une règle n'autorisant l'État à intervenir pour rétablir l'équilibre budgétaire que « le cas échéant ».
Or la situation a d'ores et déjà une incidence sur le quotidien des assurés sociaux.
Ainsi, à la suite de l'avis rendu, le 29 mai dernier, par le comité d'alerte de l'assurance maladie, la Mutualité sociale agricole a décidé, le 19 juin, d'adopter un plan d'économies draconien, représentant un montant prévisionnel de 1,36 milliard d'euros. Les représentants de la Mutualité sociale agricole que nous avons récemment rencontrés nous ont fait part de leurs inquiétudes.
Face aux conséquences du désengagement répété de l'État, à terme, ce sont certains volets de la politique développée par les caisses de la MSA, notamment tout ce qui touche à la prévention, mais également les investissements effectués dans le secteur de la petite enfance, qui pourraient se voir remis en cause.
En la matière, il ne suffit pas de déclarer, lors d'une campagne électorale, que le montant de la plupart des pensions versées n'est pas « digne de la reconnaissance qu'une nation doit à ses agriculteurs et qu'une revalorisation significative est indispensable ». Encore faut-il prendre les mesures idoines. Or, cette année encore, tel n'est pas le cas.
Reste que, cette année, l'État apurera la dette de l'ancien BAPSA, soit 619 millions d'euros. Il était temps ! Mais tout en contribuant à réduire d'autant le plafond d'avance de trésorerie pour 2008, cette mesure est bien insuffisante au regard des défis que doit relever le secteur.
Le Gouvernement nous assure que le FFIPSA est un de ses sujets de préoccupation majeurs. À cet égard, il a pris l'engagement de trouver, dès 2008, des solutions qui soient pérennes et non pas « un simple bricolage », comme l'affirmait récemment le ministre du budget. Ainsi, rendez-vous est pris pour le premier semestre prochain.
Néanmoins, chacun sait que la Cour des comptes, dans son dernier rapport, propose de supprimer le régime agricole, considérant que ce dernier ne dispose ni des actifs ni des ressources propres lui permettant de faire face à ses engagements.
Certes, les ressortissants du régime agricole ne peuvent assumer seuls ces déficits. En outre, le recours à l'emprunt, considérablement alourdi par les taux d'intérêt, ne constitue pas une solution raisonnable.
C'est pourquoi j'interroge le Gouvernement : quelle est donc la logique qu'il poursuit et que compte-t-il faire pour garantir un équilibre durable des comptes du régime des exploitants agricoles ? Entend-il procéder à la suppression du FFIPSA ? Envisage-t-il de trouver des recettes nouvelles et, le cas échéant, lesquelles ? Veut-il augmenter l'effort contributif des exploitants agricoles ?
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas demeurer plus longtemps inerte face à l'ampleur des enjeux.
Soutiendrez-vous les acteurs de la protection sociale agricole, qui font preuve de responsabilité, de détermination pour le bien commun et qui oeuvrent pour une protection sociale solidaire et conforme aux principes édictés voilà soixante ans ?
Ou bien allez-vous inscrire le régime social agricole dans la logique purement individuelle selon laquelle chacun recevra en fonction de ses moyens et non plus de ses besoins ?
En tout état de cause, cet article n'offre aucune perspective d'amélioration. Votre refus coupable de verser une subvention d'équilibre ainsi que vous y autorise la loi est inacceptable, et nous le condamnons avec détermination.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Après ce qui vient d'être dit, mon intervention sera brève.
Nous sommes un certain nombre de parlementaires à participer chaque année aux réunions organisées par la MSA. Elles nous permettent de mesurer les difficultés et le désarroi du monde agricole, et surtout de constater l'absence de réponse de l'État.
Certes, M. le ministre nous a dit que, en 2008, des solutions pérennes seraient mises sur pied après concertation avec les différents partenaires. Nous ne demandons qu'à le croire.
Pourtant, aujourd'hui, qu'il s'agisse du paiement de 619 millions d'euros ou de l'octroi d'une subvention d'équilibre pour le régime des retraites, le problème reste entier.
En 2007, le FFIPSA est déficitaire de 2,3 milliards d'euros. Dans l'hypothèse la plus favorable, ce déficit ne cessera de croître pour atteindre une dette cumulée de 18,9 milliards d'euros pour la période 2006-2012.
La question fondamentale est donc bien de mettre en oeuvre des mesures structurelles pour éviter que cette dette ne devienne abyssale.
C'est bien parce qu'il s'agit du monde agricole que l'on en arrive à cette situation, qui a été soulignée par Claude Domeizel : le déficit représente 80 % du fonds ! Or, comme nous le savons, il tient en grande partie au fait que l'État a supprimé la subvention d'équilibre versée chaque année au BAPSA, à partir du moment où ce dernier a été remplacé par le FFIPSA.
À plusieurs reprises, et pas plus tard que l'an dernier dans cette même enceinte, nous avons eu l'occasion de condamner un tel désengagement de l'État. Compte tenu du déficit démographique, il est pourtant évident que le régime agricole ne peut survivre sans la solidarité nationale.
Le candidat Nicolas Sarkozy, prodigue en effets d'annonce, a fait de nombreuses promesses : il s'est ému des pensions de misère des agriculteurs affirmant que cette situation n'était pas digne de la reconnaissance qu'une nation doit à ses agriculteurs. Qu'en est-il aujourd'hui ? En réalité, c'est à la France qui travaille que le Président a fait des promesses qu'il ne tient pas.
Lorsque la Cour des comptes réitère sa recommandation de suppression du FFIPSA, le problème de la pérennité des retraites agricoles n'en est pas réglé pour autant. Comment imaginer, en effet, que 350 000 actifs pourraient financer les pensions de 2 millions de retraités, même si deux retraités sur trois perçoivent des retraites bien inférieures au minimum vieillesse à l'issue d'une carrière complète dans l'agriculture. C'est dire si la loi de 2003, aux termes de laquelle aucune pension ne devait être inférieure à 85 % du SMIC, était incantatoire !
Il faut garantir par la loi l'équilibre du FFIPSA en obligeant l'État à lui verser une subvention d'équilibre. Pour ce faire, il y aurait un moyen : mettre à contribution les bénéfices colossaux des grands groupes de l'industrie agroalimentaire, notamment.
M. le président. L'amendement n° 296, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur Fischer, nous avons tous compris que vous étiez inquiet quant à la situation financière du FFIPSA.
Cependant, vous savez très bien que votre amendement serait inopérant, car ce n'est pas la suppression de cet article qui réglerait miraculeusement la situation du FFIPSA.
M. Guy Fischer. Certes !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela étant, vous avez posé les bonnes questions ! Mais vous n'êtes pas les premiers à les poser : nous les avons déjà posées l'année dernière, ainsi que l'année précédente.
M. François Autain. Et alors ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le Gouvernement avance pas à pas. Au moins, il a réussi à honorer la dette du BAPSA, même si cela a été laborieux. À cet égard, je remercie Éric Woerth d'avoir eu ce premier geste en prenant ses fonctions.
Maintenant, il importe de régler le flux.