Mme Isabelle Debré. Ça va chauffer, mais sans électricité ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous voulez dire que nous aurons fait des économies d'énergie ?
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le rapporteur, il existe, me semble-t-il, un hiatus entre nos deux visions de ce problème.
J'ai pris parfois sur l'Europe des positions différentes de celles de Jean-Luc Mélenchon, mais je trouve que, pour le coup, on fait jouer à l'Union européenne un bien mauvais rôle dans ce dossier.
Vous avez affirmé, monsieur le rapporteur, que l'Union européenne ne contestait pas la réversibilité du choix de l'utilisateur, mais le niveau du tarif réglementé en France, qui ne garantirait pas une libre concurrence entre les différents prestataires en matière électrique.
Pour ma part, je suis effaré de constater que nous allons plus loin que les demandes de l'Union européenne. Je fais référence à la date butoir du 1er juillet 2010 : à ma connaissance, l'Union européenne n'a jamais imposé cette échéance, pas plus qu'une autre d'ailleurs !
Je développerai quelques comparaisons pour montrer que, parfois, on fait endosser le mauvais rôle à l'Europe, et ce de façon infondée.
Nous, parlementaires, nous avons tenté pendant cinq ou six ans d'obtenir une TVA à 5,5 % sur les réseaux de chaleur, qui constituaient une spécificité de la France, même s'il y en a quelques-uns en Belgique. L'Union européenne a refusé, au motif que la France constituait un cas unique, que ces réseaux étaient peu intéressants et que les services du commissaire à la concurrence, qui n'était pas encore Mme Neelie Kroes, s'opposaient à ce taux réduit.
Puis l'Union européenne s'est élargie aux pays de l'Est, notamment la Pologne, la Lituanie et l'Estonie, qui possèdent elles aussi des réseaux de chaleur, et avec leur appui nous avons pu faire admettre qu'une TVA à taux réduit ne remettait pas en cause la concurrence pour ce type de services.
Autre exemple, tout à fait d'actualité : l'Union européenne conteste aujourd'hui le système un peu particulier qui nous permet de collecter l'épargne de nos concitoyens, à savoir le livret A.
Le livret A existe dans notre pays depuis 1870 ! Il fonctionne très bien, rémunère correctement l'épargne de nos concitoyens, même si nous souhaiterions qu'il la rétribue mieux encore, et il nous permet de disposer d'une épargne que ne grèvent pas des taux d'intérêts trop élevés, afin de construire du logement social
Or la Commission affirme aujourd'hui qu'il s'agit d'une spécificité française, qu'il faut donc gommer. La France a refusé de s'incliner et a saisi la Cour de justice des communautés européennes. C'était la décision du précédent Président de la République, confirmée sans doute par son successeur et par le nouveau gouvernement, et sur ce point nous sommes derrière eux.
Il en va de même, d'une certaine façon, pour les tarifs de l'électricité. Il s'agit également d'une spécificité française, liée à l'existence d'un parc nucléaire ancien qui rend relativement peu onéreux le tarif de l'électricité. Monsieur le rapporteur, nous pouvons ou non être d'accord avec l'expression de « rente nucléaire ». Toutefois, pour ma part, et je tenais à clarifier ce point, je ne veux pas qu'à l'issue de ces débats on affirme que nous avons été obligés de légiférer parce que Bruxelles nous l'imposait !
J'estime au contraire que nous pouvons discuter avec Bruxelles, sans nous autocensurer au grand dam de nos concitoyens, qui ne sauront pas si, après 2010, ils pourront ou non revenir à un tarif attrayant, alors que celui-ci a une incidence directe sur leur pouvoir d'achat. Il s'agit là d'une appréciation différente de l'action de notre État par rapport à l'Union européenne.
On dit trop souvent que l'Union européenne est la cause de certains maux sur le territoire national ; or ce type de position conforte ceux qui sont contre l'Europe, ce qui n'est pas mon cas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Et qu'en pense le FMI ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous légiférons parce qu'une décision du Conseil constitutionnel a créé deux injustices, l'une au détriment du consommateur final, l'autre au préjudice des propriétaires, comme plusieurs d'entre vous l'ont rappelé. Tel est l'objet du texte que je vous soumets.
C'est pourquoi j'ai dit qu'il s'agissait d'une proposition de loi très modeste. Si nous débattons de problèmes plus vastes, c'est parce que le texte de certains amendements va bien au-delà de la proposition de loi, je crois que vous en êtes conscients.
M. Daniel Raoul. Faute avouée est à demi pardonnée. Allez plus loin !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°1 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 128 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Daniel Raoul. C'est dommage !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
M. Daniel Raoul. Combien de temps cela va-t-il durer ? Les sénateurs de l'UMP n'ont qu'à être assez nombreux en séance !
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 2 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article additionnel avant l'article 1er ou après l'article 2
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article 66-1 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'un consommateur final domestique de gaz naturel a exercé pour la consommation d'un site la faculté prévue au 2° de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, il peut à nouveau bénéficier des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article 7 de la même loi, moyennant un délai minimum de trois mois avant résiliation du contrat aux tarifs non réglementés. Sous ces conditions, la résiliation de son contrat aux tarifs non réglementés n'implique aucune pénalité. »
La parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Les arguments que j'ai développés à propos de l'amendement n° 3 restent pertinents s'agissant, cette fois, du gaz. Je ne les réitérerai donc pas.
Je préciserai simplement que, si l'augmentation des tarifs de l'électricité est limitée à la progression du niveau de l'inflation, comme le prévoit le contrat de service public signé entre l'État et EDF, il n'en est pas de même pour les tarifs du gaz naturel, qui ont fortement augmenté ces dernières années. Ils ont ainsi connu une hausse de près de 7 % en 2005 et de 12,7 % en 2006, soit une progression d'environ 40 % en trois ans.
Pour les foyers concernés, surtout s'ils ne disposent que de revenus modestes, cette hausse n'est pas négligeable, les dépenses de chauffage faisant partie des charges incompressibles.
L'argument que m'a opposé tout à l'heure M. le rapporteur, selon lequel l'écart entre le niveau des tarifs réglementés et les prix de marché était très important dans le secteur de l'électricité, n'a plus ici de portée. En effet, dans le cas du gaz, la différence entre les deux prix est moindre, compte tenu de la forte augmentation qui a eu lieu ces dernières années. C'est un argument supplémentaire en faveur de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Billout, Mme Didier et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, il est inséré un article ainsi rédigé :
Art. 66-4. Par dérogation à l'article 66-1, tout consommateur final domestique de gaz bénéficie des tarifs réglementés de vente de gaz mentionnés à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie pour la consommation d'un site, même s'il a fait usage pour ce site de la faculté prévue au 5° de l'article 3 de la même loi. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous prends en défaut sur votre argumentation, monsieur Sergent. Le très faible écart entre le tarif réglementé et le tarif libre du gaz montre que le problème est beaucoup moins crucial que pour l'électricité.
J'indique d'ores et déjà que la commission est favorable à l'adoption de l'amendement n° 9, que nous examinerons tout à l'heure et qui vise à étendre la règle relative à l'électricité au secteur gazier pour les nouveaux sites domestiques. C'est un pas que la commission fait dans votre direction, même si elle maintient le principe d'une date butoir.
Pour autant, les arguments que j'ai déjà développés sur le secteur électrique valent pour le gaz. C'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement n° 4 comme à l'amendement n° 16.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l'argumentation que vient d'exposer M. le rapporteur : la faculté de revenir aux tarifs réglementés se justifie encore moins pour le gaz que pour l'électricité.
Par ailleurs, je rappelle les arguments que j'ai développés lors de l'examen des deux amendements précédents. L'adoption d'une telle mesure aboutirait à remettre en cause non seulement la direction prise par les différents gouvernements depuis 2000, celle d'une irréversibilité du choix opéré par le consommateur et d'une transition progressive vers un marché ouvert et concurrentiel, mais également la position équilibrée que défend notre pays en la matière.
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 4 ainsi que sur l'amendement n° 16.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Billout, Mme Didier et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'attente d'un bilan sur les effets de l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique en termes d'emplois, d'efficacité économique et de tarifications, la France, par l'intermédiaire du ministre chargé de l'énergie, demande, auprès des institutions européennes, un moratoire sur les directives européennes.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L'Union européenne s'est engagée dans la création du marché de l'énergie en adoptant une série de directives organisant la libéralisation totale de ce secteur.
Celles-ci sont régulièrement transposées en droit français. Les lois se succèdent, s'empilent, parfois se contredissent, organisant le démantèlement des entreprises publiques sans que nous prenions à aucun moment le recul suffisant pour en évaluer les conséquences.
Pourtant, certains signes devraient nous alerter quant au manque de pertinence qu'il y a à poursuivre dans cette voie et certains exemples étrangers, nous inciter au pragmatisme.
Ainsi, en Californie, la déréglementation a entraîné des augmentations allant jusqu'à 500 %, ainsi qu'un nombre record de coupures d'électricité. Plus près de nous, en Europe, les pays qui ont libéralisé le secteur de l'énergie ont connu des augmentations sans précédent de leurs tarifs. Les plus importantes ont concerné le Danemark, avec une hausse de 91,5 %, et le Royaume-Uni, avec une progression de 80,7 %.
En France, depuis la libéralisation du marché pour les professionnels, les industriels français qui ont choisi d'abandonner les tarifs régulés ont eu à supporter des hausses de plus de 75,6 % sur les cinq dernières années, et de 117 % pour les seules entreprises électro-intensives.
Concernant le gaz, l'augmentation des tarifs a atteint 30 % en dix-huit mois, alors qu'au cours de la même période les profits de GDF se sont accrus. Ainsi, pour l'année 2005, les dividendes qui ont été versés aux actionnaires ont enregistré une hausse de 60 %, et cela en plein accord avec le contrat de service public signé avec l'État, qui souhaite un rapprochement entre les tarifs libres et les tarifs régulés. Mais il s'agit là d'un autre débat.
On le voit bien, l'émulation par la concurrence prônée par Bruxelles n'atteint pas les objectifs affichés de baisse des tarifs pour les usagers. Les bénéfices de la libéralisation se trouvent plutôt du côté des actionnaires des groupes énergétiques.
Cependant, l'incidence d'une telle déréglementation ne peut se mesurer uniquement en termes de coûts et de tarifs. Des questions se posent aussi, pour l'avenir, en matière d'emploi et d'aménagement du territoire.
En effet, dans les secteurs du gaz et de l'électricité, des contrats et des programmes d'investissements de long terme sont nécessaires, notamment pour assurer une production et une fourniture continues, ainsi qu'une fiabilité optimale des réseaux.
Or, s'agissant du gaz, les règles du jeu boursier ne favorisent ni l'établissement de relations commerciales stables et mutuellement avantageuses avec les pays producteurs ni la conduite de chantiers de long terme, exigeant des investissements lourds et coordonnés. En outre, la maintenance et le renouvellement des réseaux de transport d'électricité et des conduites de gaz sont des missions impératives, qui relèvent de l'aménagement du territoire et de la sécurité publique.
Dans ce sens, la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver a souligné combien il était important d'élaborer un plan pluriannuel d'investissements dans le secteur.
Par ailleurs, comment la France compte-t-elle réduire massivement ses émissions de gaz à effet de serre et sauvegarder l'environnement si elle s'en remet aux seuls critères comptables du marché, qui privilégient les transactions opportunistes et qui tirent vers le bas les salaires ainsi que les dépenses de formation et de recherche ?
En se montrant un tant soit peu soucieux de ces problèmes et en considérant que l'ensemble des foyers est concerné par ces questions, chacun reconnaîtra avec nous qu'il devient urgent d'examiner sérieusement toutes les implications de cette déréglementation avant de poursuivre le processus.
En outre, le gaz et l'électricité ne sont pas de simples marchandises : ils constituent des produits de première nécessité, dont la gestion est incompatible avec des politiques financières à courte vue, surtout dans un contexte de tensions internationales sur l'accès aux ressources naturelles.
Ce constat est également celui de la mission commune d'information, dont le rapport prône une forte maîtrise publique dans ce secteur : « le secteur électrique ne saurait donc être laissé à la "main invisible" du marché et nécessite une forte régulation publique, la puissance publique ayant une responsabilité particulière et légitime aux yeux des citoyens dans la fourniture d'électricité. »
Concernant la dérégulation du marché électrique, le rapport souligne qu'elle « est parfois tout sauf vertueuse : à titre d'exemple, le processus de libéralisation des marchés préconisé par la Commission européenne favorise en ce moment même un vaste mouvement de concentration dans le secteur de l'électricité qui, paradoxalement, aboutit à la constitution d'oligopoles privés venant remplacer les monopoles nationaux qu'elle cherchait à démanteler ».
En déposant cet amendement, nous avons donc souhaité une nouvelle fois attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de réaliser un bilan de la libéralisation dans le secteur énergétique avant toute poursuite du processus.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La demande d'un moratoire sur les directives européennes dans l'attente d'un bilan ne nous est pas inconnue, bien au contraire, puisqu'elle a déjà été formulée, tant en 2004 qu'en 2006. Nous en avons longuement débattu chaque fois.
Je souhaite formuler deux observations.
Sur la forme, l'amendement n° 17 constitue une injonction au Gouvernement Or, d'un point de vue constitutionnel, ce n'est pas acceptable.
Sur le fond, à l'échelon tant national qu'européen, un débat est régulièrement organisé sur les problèmes énergétiques. Nous en avons tenu au moins quatre entre 2002 et 2006. Le sujet n'est donc pas nouveau.
Au niveau européen, chaque année, la Commission rend public un rapport sur l'état d'avancement du marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel.
Je ne serais pas hostile à voir la commission des affaires économiques procéder à une audition consacrée à la présentation de ce rapport - et je parle sous votre contrôle, monsieur Pastor, tout en reconnaissant qu'il n'est pas facile de convaincre un commissaire européen de se déplacer -, plus particulièrement en ce qui concerne le marché français par rapport au reste de l'Europe.
Et, à défaut d'une audition, pourquoi ne pas envisager d'envoyer une délégation de notre commission à Bruxelles ? Nous avons déjà procédé ainsi à plusieurs reprises.
Quoi qu'il en soit, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Billout, le Gouvernement ne partage pas votre analyse sur le lien de cause à effet entre l'ouverture à la concurrence et la hausse des tarifs.
Par ailleurs, je rappelle que la France a souscrit des engagements que le Gouvernement entend bien tenir. Les directives de 2003 ont été négociées et nos partenaires n'envisagent pas une renégociation, alors même que la Commission européenne vient de soumettre à notre examen un nouveau paquet de directives.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement que vous avez défendu.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. L'amendement n° 17 se fait également l'écho des débats qui ont eu lieu cet été, lors de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. En effet, à cette occasion, notamment quand la question de l'avenir des tarifs réglementés a été abordée, Mme Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, avait reconnu que le Gouvernement était conscient qu'il s'agissait d'un dossier délicat, source de nombreuses difficultés pour nos concitoyens. Elle poursuivait en indiquant que « le Gouvernement entendait élaborer et proposer à la représentation nationale un dispositif robuste, juste et cohérent. »
Nombre de sénateurs, y compris de la majorité parlementaire, comme Jean Arthuis ou Philippe Marini, étaient favorables à l'idée de nouvelles négociations avec nos homologues européens sur les directives européennes, afin de permettre le maintien des tarifs réglementés.
Je rappelle, dans ce cadre, qu'en annexe à la loi d'orientation sur l'énergie nous pouvions lire cette affirmation fort intéressante : « La France vise à faire partager les principes de sa politique énergétique par les autres États membres de l'Union européenne afin que la législation communautaire lui permette de mener à bien sa propre politique [...].
« Ainsi, la France élabore tous les deux ans, à l'intention de l'Union européenne, des propositions énergétiques visant notamment à promouvoir la notion de service public. »
L'amendement proposé vise donc à rappeler cette simple évidence : si un consensus existe entre les forces politiques françaises pour le maintien des tarifs réglementés, alors le ministre représentant la France auprès des institutions européennes se doit de tout mettre en oeuvre pour que ce souhait puisse trouver une traduction à l'échelon communautaire. Or, la décision du Conseil constitutionnel réaffirme bien que le maintien des tarifs réglementés est contraire aux objectifs communautaires, tels qu'ils sont définis dans les directives relatives au secteur de l'énergie.
Pour toutes ces raisons, nous considérons qu'il est illusoire de bricoler des mécanismes de dérogation provisoires, mais qu'il est urgent d'adopter un moratoire sur l'application des directives européennes tant qu'un bilan sur les conséquences de la libéralisation n'aura pas été réalisé. Ce bilan devra ensuite être la base de discussion pour la renégociation des directives du secteur énergétique, afin de permettre la concrétisation du service public de l'énergie.
Voilà pourquoi les membres du groupe CRC voteront en faveur de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi fixe un objectif de réduction de 2 % par an de la consommation d'énergie finale.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, je propose de fixer un objectif de réduction de 2 % par an de la consommation d'énergie finale, objectif correspondant à une diminution de 60 % de notre consommation d'énergie finale à l'horizon 2050.
Comme vous le savez, 84 % de l'énergie mondiale provient des combustibles fossiles, le nucléaire en représentant 6 %, l'hydroélectricité et la biomasse 10 %. Or, nous allons irrémédiablement vers une pénurie des énergies fossiles. Il est donc temps de réduire notre consommation, puisque ce sont les pays industrialisés qui, historiquement, ont consommé la majorité des énergies fossiles. À l'heure où les pays émergents essaient de reproduire un mode de développement qui est en train de montrer ses limites physiques, il est de notre devoir envers les pays pauvres et les générations futures de commencer dès maintenant la décroissance de notre empreinte écologique.
Pour parvenir à cet objectif, il faut avoir la sagesse de chambouler la répartition des crédits de recherche selon le schéma suivant : un tiers de ces derniers devraient être consacrés à la maîtrise de l'énergie, un tiers aux énergies renouvelables et un tiers à la sûreté nucléaire ainsi qu'à l'amélioration des hydrocarbures. Aujourd'hui, 90 % des crédits de recherche sont affectés au nucléaire et moins de 2 % aux énergies renouvelables. Et l'on s'étonne que ces énergies ne « décollent » pas !
C'est à cela que doit servir un service public au XXIe siècle : anticiper la crise énergétique et la résoudre !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Sur le fond, on ne peut qu'être d'accord avec les objectifs poursuivis par les auteurs de l'amendement n° 20. Tout le monde est aujourd'hui conscient de la nécessité de réduire la consommation d'énergie. Nous en avons déjà discuté longuement au cours de l'examen de différents projets de loi.
En revanche, je diverge sur la méthode proposée. La réduction de la consommation d'énergie ne se décrète pas. Or cet amendement a un caractère résolument incantatoire.
Mes chers collègues, l'article 3 de la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique prévoit déjà « de porter le rythme annuel de baisse de l'intensité énergétique finale à 2 % dès 2015 et à 2,5 % d'ici à 2030 ». Cet indicateur, qui correspond au rapport entre la consommation d'énergie et le taux de croissance de l'économie, m'apparaît plus pertinent et plus approprié que la consommation d'énergie, dont le taux de croissance dépend lui-même, notamment, de l'activité économique. C'est la raison pour laquelle la commission, s'en tenant à la loi précitée, est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. M. le rapporteur a très bien rappelé que des dispositions figurent déjà dans la loi du 13 juillet 2005.
Même si le Gouvernement est sensible au principe que vous nous présentez, monsieur Desessard, au moment où s'engage la deuxième étape du « Grenelle de l'environnement » - c'est-à-dire, après l'action menée par différents groupes de travail cet été, la phase de la consultation publique qui aboutira à la tenue du « Grenelle de l'environnement » proprement dit à la fin de ce mois -, il lui semble important de traiter ce type de réflexion et d'éventuelles mesures dans le cadre de cette action globale. C'est la raison pour laquelle il n'est pas favorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je pourrais me satisfaire de l'explication de M. le secrétaire d'État, affirmant que cette question va être traitée lors du « Grenelle de l'environnement ». Attendons de voir.
Cependant, je souhaite faire une remarque à M. le rapporteur. Selon lui, les réductions de consommation d'énergie ne se décrètent pas. Certes, elles sont difficiles à mettre en oeuvre, mais elles sont encore plus difficiles à instaurer au sein d'un marché libéralisé, qui recherche le profit maximal, et donc « le consommer maximal ». Lorsqu'il s'agit d'un secteur public, on peut encore maîtriser la situation.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions permettant une tarification progressive favorisant un accès équitable à l'électricité et prenant en compte les objectifs de maîtrise des consommations. Celle-ci peut comporter une première tranche de consommation à tarif réduit pour tous les consommateurs domestiques, et, au-delà de la consommation annuelle moyenne des ménages, un tarif progressif fixé en fonction des tranches de consommation d'électricité. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Les tarifs réglementés sont une ligne Maginot, une digue appelée à céder un jour ou l'autre sous les coups de boutoir de la libéralisation européenne.
C'est pourquoi nous suggérons, à long terme, la progressivité des prix de l'énergie, en particulier de l'électricité et du gaz, comme nous l'avions déjà fait pour la gratuité des premiers litres d'eau de chacun.
En effet, il faut considérer que l'énergie, comme l'eau, est un produit nécessaire et rare, dont nous voulons réduire la consommation. Nous devons donc sortir d'un système dépassé dans lequel le prix de l'électricité est dégressif et qui encourage ceux qui gaspillent le plus l'énergie.
EDF n'a absolument pas anticipé la nécessité de diminuer la consommation d'électricité, puisque cette surconsommation est venue justifier la poursuite de la filière nucléaire. Par exemple, en 1978, EDF avait prévu une consommation de 1 000 térawatts par heure en 2000, alors que la consommation réelle fut de 478 térawatts par heure. On se retrouve donc aujourd'hui avec un parc nucléaire surdimensionné, qui a besoin de surconsommation pour s'autojustifier.
N'oublions pas les campagnes publicitaires d'EDF, incitant à consommer toujours plus d'électricité : les incitations à passer du chauffage au gaz au chauffage électrique, les publicités dirigées vers les collectivités pour qu'elles éclairent leurs bâtiments publics la nuit, la mise en avant du coût dérisoire de 0,30 centime d'une douche chaude de huit minutes...
La surconsommation est devenue un tel objectif en soi pour EDF que l'entreprise a publié en 2003 un communiqué de presse dans lequel elle se glorifie d'avoir « pulvérisé » le record de consommation d'électricité.
Lors du « Grenelle de l'environnement », EDF changera peut-être d'objectif...
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Desessard, par cet amendement, vous nous proposez tout simplement de remettre en cause l'ensemble du système tarifaire français, qu'il s'agisse des règles relatives au calcul des tarifs d'utilisation des réseaux, du principe de couverture des coûts ou de la tarification en fonction de la puissance souscrite, en lui substituant un système progressif fondé sur le volume de la consommation.
Tout d'abord, un tel système pénaliserait très fortement tous les électrointensifs, ce qui poserait un réel problème économique et soulèverait des difficultés en matière d'emploi.
Ensuite, vous évoquez la nécessité de favoriser un accès équitable à l'électricité. Or un tel système existe déjà. En effet, EDF a l'obligation de fournir en électricité tout consommateur, quel que soit le lieu de son domicile sur le territoire.
Enfin, vous savez fort bien qu'il existe un dispositif de tarif social qui prend en compte la situation spécifique des ménages les plus modestes, en leur offrant des réductions du montant de leur facture. Cette année, ce dispositif a d'ailleurs été amélioré, puisque le seuil de consommation retenu pour en bénéficier a été relevé.
Par conséquent, mon cher collègue, votre demande est partiellement satisfaite, même si ce n'est pas votre système que l'on adopte. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Tout d'abord, monsieur Desessard, l'adoption de votre amendement aboutirait à la remise en question de l'ensemble des dispositions tarifaires, comme vient de l'évoquer M. le rapporteur.
Par ailleurs, s'agissant de l'objectif qui est le vôtre, c'est-à-dire éviter les gaspillages, j'évoque à nouveau les travaux qui sont actuellement menés à l'échelon national dans le cadre du « Grenelle de l'environnement ». À cette occasion, nous serons amenés à prendre des dispositions sur cette question.
Pour ces raisons, le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 21.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Desessard, Mme Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Il est procédé à un audit permettant d'évaluer le coût de démantèlement des centrales nucléaires.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Les cinquante-huit réacteurs nucléaires existants devront, à la fin de leur activité, être démantelés. Selon certaines évaluations, ce démantèlement s'élèverait à 500 millions d'euros, selon d'autres, à 20 milliards d'euros par réacteur.
Il est important de chiffrer le coût de ce démantèlement afin de pouvoir évaluer le prix de l'électricité en France et adapter les tarifs réglementés en conséquence. D'où l'intérêt de cet amendement, par lequel nous proposons qu'il soit procédé à un audit permettant d'évaluer les coûts de démantèlement des centrales nucléaires.
En effet, les directives européennes admettent les tarifs réglementés, à la condition qu'ils couvrent le coût de production de l'électricité. Il est donc logique d'y inclure le coût de retraitement et le coût de traitement des déchets nucléaires.
Aujourd'hui, il est impossible d'obtenir de la part d'EDF des chiffres fiables concernant le coût de démantèlement des installations nucléaires. La Cour des comptes dénonce chaque année cette opacité.
Cependant, il est possible d'avoir une estimation en comparant avec les chiffres publiés en Grande-Bretagne : le démantèlement des installations nucléaires y est officiellement chiffré à 103 milliards d'euros, soit 70 milliards de livres, et encore s'agit-il d'un chiffre provisoire, qui a déjà été réévalué à deux reprises et qui devrait l'être encore.
L'industrie nucléaire est environ cinq fois plus importante en France qu'en Grande-Bretagne, où la puissance installée est de 11 gigawatts, contre 63 gigawatts dans notre pays, sans oublier les nombreux autres sites nucléaires qui parsèment notre territoire. On pourrait donc estimer le coût pour la France à 500 milliards d'euros, alors qu'EDF n'évoque que quelques dizaines de milliards.
EDF a constitué un fonds de provision dédié au démantèlement. Il s'agit certes d'une bonne chose sur le plan du principe, mais les montants provisionnés semblent très sous-estimés. En France, les dépenses pour le démantèlement sont évaluées à 15 % du coût d'investissement initial des réacteurs par les instances officielles, ce qui correspond à 15 milliards d'euros pour l'ensemble du parc nucléaire. Le choix de 15 % n'a aucune réalité scientifique, c'est un choix arbitraire guidé par les intérêts économiques de développement du nucléaire. Plusieurs commissaires aux comptes d'EDF reconnaissent eux-mêmes que ces estimations recèlent « des éléments d'incertitude majeure ».