Sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1. Ouverture de la session ordinaire de 2007-2008
5. Remplacement d'une sénatrice démissionnaire
6. Candidatures à des organismes extraparlementaires
7. Organisme extraparlementaire
8. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
9. Allocution de M. le président du Sénat
M. le président.
MM. Daniel Raoul, le président.
11. Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel. - Discussion des conclusions modifiées du rapport d'une commission
Discussion générale : MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme ; Daniel Raoul, Xavier Pintat.
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
MM. Michel Billout, Claude Biwer, Thierry Repentin, Jean Desessard.
Clôture de la discussion générale.
M. le secrétaire d'Etat.
12. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
13. Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel. - Suite de la discussion et adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission
Article additionnel avant ou après l'article 1er
Amendements nos 3, 5 de M. Daniel Raoul et 15 de M. Michel Billout. - MM. Michel Sergent, Daniel Raoul, Michel Billout, Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme ; Jean-Luc Mélenchon, Thierry Repentin. - Rectification de l'amendement no 5 ; rejet, par scrutins publics, des amendements nos 3 et 15.
Article additionnel avant l'article 1er ou après l'article 2
Amendements nos 4 de M. Daniel Raoul et 16 de M. Michel Billout. - MM. Michel Sergent, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet des deux amendements.
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement n° 17 de M. Michel Billout. - MM. Michel Billout, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Mme Odette Terrade. - Rejet.
Amendement n° 20 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 21 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 22 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Michel Billout. - Rejet.
Amendement no 5 rectifié de M. Daniel Raoul. - MM. Daniel Raoul, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendements nos 1 de M. Xavier Pintat et 19 rectifié de M. Ladislas Poniatowski. - MM. Xavier Pintat, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Daniel Raoul. - Retrait de l'amendement no 1 ; adoption de l'amendement no 19 rectifié.
Amendement n° 6 de M. Daniel Raoul. - MM. Daniel Raoul, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 2 de M. Xavier Pintat. - MM. Xavier Pintat, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gérard Longuet, Daniel Raoul. - Rejet par scrutin public.
MM. Daniel Raoul, Robert del Picchia, le président, Jean-Marc Pastor, vice-président de la commission des affaires économiques.
M. Thierry Repentin.
Adoption de l'article modifié.
M. le président.
Article additionnel après l'article 1er
Amendement n° 8 de M. Daniel Raoul. - MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet par scrutin public.
MM. Daniel Raoul, le président.
Amendement n° 7 de M. Daniel Raoul. - Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 2
Amendements nos 14 de M. Michel Billout, 9 de M. Daniel Raoul et sous-amendement no 23 de M. Ladislas Poniatowski ; amendement no 11 de M. Daniel Raoul. - Mme Odette Terrade, MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet des amendements nos 14 et 11 ; adoption du sous-amendement no 23 et de l'amendement no 9 modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 10 de M. Daniel Raoul. - MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Daniel Raoul. - Retrait.
Amendement n° 12 de M. Daniel Raoul. - Retrait.
Amendement n° 13 de M. Daniel Raoul. - MM. Daniel Raoul, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Intitulé de la proposition de loi
MM. Robert del Picchia, Daniel Raoul, Michel Billout, Jean-Marc Pastor, Jean Desessard.
Adoption de la proposition de loi.
14. Renvoi pour avis
16. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007
17. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
ouverture de la session ordinaire de 2007-2008
M. le président. Mes chers collègues, en application de l'article 28 de la Constitution, la session ordinaire de 2007-2008 est ouverte.
2
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
3
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Christian de La Malène, membre honoraire du Parlement, qui fut sénateur de Paris de 1977 à 2004.
4
démission d'une sénatrice
M. le président. Par lettre en date du 22 septembre 2007, Mme Adeline Gousseau m'a fait part de son intention de démissionner de son mandat de sénateur des Yvelines, à compter du 30 septembre 2007 à minuit.
Acte est donné de la démission d'une collègue dont nous avons toutes et tous apprécié la présence parmi nous ainsi que la qualité des nombreuses interventions qu'elle fit dans cet hémicycle au cours des trois années de son mandat.
5
remplacement d'une sénatrice démissionnaire
M. le président. Conformément à l'article LO. 179 du code électoral, Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales m'a fait connaître que M. Gérard Larcher est appelé à remplacer, en qualité de sénateur des Yvelines, Mme Adeline Gousseau.
Le mandat de M. Larcher a débuté ce matin à zéro heure. (Applaudissements.)
Permettez-moi de saluer la présence parmi nous de nouveau de Gérard Larcher, de retour au Sénat après l'exercice de ses responsabilités gouvernementales.
M. Charles Revet. Un ministre de qualité !
M. le président. Comme plusieurs de nos collègues -- au premier rang d'entre eux, M. Jean-Pierre Raffarin -, il a su mieux faire connaître à l'opinion la qualité, la sagesse et l'efficacité des membres de notre assemblée.
Nous le remercions d'avoir assuré pendant sa mission gouvernementale la promotion de notre institution. Mes chers collègues, il faut continuer à oeuvrer dans ce sens !
Mme Isabelle Debré. M. Karoutchi va s'y employer !
M. Jean Desessard. Pour l'instant, nous avons plutôt un gouvernement de rupture, n'est-ce pas ?
6
Candidatures à des organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Philippe Richert pour siéger comme membre titulaire au sein du Haut conseil des musées de France.
La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Christian Gaudin pour siéger comme membre titulaire au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, et comme membre suppléant au sein du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
7
Organisme extraparlementaire
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des quatre sénateurs appelés à siéger au sein de la Commission du dividende numérique.
En application de l'article 2 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, j'invite la commission des affaires culturelles et la commission des affaires économiques à présenter respectivement deux candidatures.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
8
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article LO. 1114-4 du code général des collectivités territoriales, le rapport sur l'autonomie financière des collectivités territoriales pour l'année 2005.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des lois, à la commission des finances, et sera disponible au bureau de la distribution.
9
allocution de M. le président du Sénat
M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, aux termes de l'article 28 de la Constitution, « le Parlement se réunit de plein droit en une session ordinaire qui commence le premier jour ouvrable d'octobre. »
J'ai tenu à ce que, conformément à notre tradition, le Sénat puisse siéger ce lundi 1er octobre. C'est aussi un lundi que cette session se terminera, le 30 juin 2008.
Décider de siéger aujourd'hui nous a permis de prévoir en ouverture de cette session un ordre du jour sénatorial qui, nous en aurons confirmation tout à l'heure, concerne un sujet important pour la vie quotidienne de chacun d'entre nous.
M. Charles Revet. C'est vrai !
M. le président. Voilà qui augure bien de cette nouvelle année parlementaire qui pourrait être marquée, je l'espère, par des avancées importantes concernant les pouvoirs des deux chambres du Parlement.
Je crois traduire ici le sentiment unanime des membres de notre assemblée puisque aucune voix discordante ne s'élève.
Autre signe favorable, une proportion élevée de projets de loi ont été déposés en premier lieu au Sénat, comme nous l'avons d'ailleurs déjà noté cet été. Espérons que nous continuerons sur cette lancée dans les mois à venir !
La conférence des présidents qui s'est réunie le mercredi 26 septembre a réglé notre ordre du jour jusqu'au 31 octobre prochain : je tiens à souligner cet effort très appréciable du Gouvernement pour favoriser la prévisibilité de nos travaux. Au demeurant, nous n'en sommes pas surpris, connaissant le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, qui est issu de nos rangs et qui, bien entendu, connaît nos légitimes exigences. Nous le remercions à l'avance d'être notre fidèle interprète auprès des instances gouvernementales.
C'est dans la sérénité, mes chers collègues, je tiens à souligner, que nous pourrons accomplir notre mission dans les semaines qui viennent. En effet, vous l'aurez tous remarqué, notre ordre du jour ménage le temps de la réflexion indispensable à la qualité de nos travaux.
Autre motif de satisfaction : notre ordre du jour d'octobre allie harmonieusement travaux législatifs et travaux de contrôle, auxquels, vous le savez, je suis profondément attaché, comme l'ensemble de nos collègues d'ailleurs.
Précisément en matière de contrôle, je souligne avec plaisir que cette première semaine sera particulièrement riche : dès demain matin - et avant l'Assemblée nationale -, nous aurons un débat sur une déclaration du Gouvernement concernant les régimes spéciaux de retraite.
Dans trois jours, jeudi 4 octobre, un second débat portant sur le « Grenelle de l'environnement » nous permettra de nous exprimer sur un autre sujet d'une actualité brûlante.
Le même jour, nous aurons notre première séance de questions d'actualité au Gouvernement de la session.
Je voudrais également me féliciter de la nouvelle gestion de l'ordre du jour réservé : après l'expérimentation très concluante des trois derniers mois de la précédente législature, la journée d'ordre du jour réservé permettra chaque mois, sans gêner les travaux des commissions, l'expression de toutes les sensibilités, de la majorité comme de l'opposition, grâce au droit de tirage des groupes. Ce dispositif, qui a recueilli le plus large consensus, est le résultat de la vaste réflexion que nous avons engagée en conférence des présidents. Nous menons en effet une modernisation progressive et consensuelle de nos méthodes de travail qui va dans le sens d'une expression encore meilleure du pluralisme sénatorial.
Par-delà les choix des groupes politiques et s'il nous reste du temps, nous pourrons inscrire à notre ordre du jour réservé des sujets en quelque sorte « institutionnels » qui permettront de donner un écho en séance publique aux travaux de nos commissions et délégations.
C'est ainsi que nous aurons le 30 octobre un débat sur les suites de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France dans laquelle l'ensemble des sensibilités politiques du Sénat ont pris toute leur part.
Je fais confiance à toutes et à tous, à tous les groupes et à toutes les commissions ou délégations, pour faire vivre au cours de ces neuf journées à venir cet espace de liberté qui s'ajoute à la possibilité que nous avons d'interroger chaque semaine le Gouvernement, à travers les questions orales et les questions d'actualité.
Et maintenant, place au débat sur un sujet dont nous connaissons tous l'importance et pour le traitement duquel la réflexion de la commission des affaires économiques, rappelons-le, s'est appuyée sur trois propositions de loi dont une de l'opposition.
M. Daniel Raoul. C'est de la récupération !
Mme Nicole Bricq. Nous attendons la suite !
M. le président. Une fois de plus, le pluralisme s'exprime au sein de notre assemblée.
10
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour un rappel au règlement.
M. Daniel Raoul. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 32.
En ce moment même, mon collège Claude Domeizel représente le groupe socialiste à une réunion chez M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, consacrée à la réforme des régimes spéciaux.
Cette réunion, qui devait initialement avoir lieu demain mardi, à seize heures trente, a été avancée à ce jour, car la conférence des présidents de mercredi dernier a fixé la date du débat sur les régimes spéciaux à demain matin, neuf heures. On appréciera le temps laissé aux parlementaires et aux groupes politiques pour préparer leurs interventions !
Monsieur le président, vous venez d'évoquer dans votre intervention le temps de réflexion que réclamaient les membres du Sénat. Vos propos, semble-t-il, ont trouvé aujourd'hui une application directe !
Pourquoi tant de hâte, tant de précipitation, tant d'affolement ?
Est-ce parce que, après avoir confondu tour de table avec les organisations syndicales et véritable concertation, le Gouvernement veut en finir rapidement avec les régimes spéciaux, si rapidement même qu'il envisage de recourir au décret pour éviter un débat au Parlement ? Le recours au décret décrédibilise totalement le dialogue social. Il décourage les efforts en faveur d'une réforme des retraites équitable et partagée, et sans doute nécessaire.
Au nom du groupe socialiste, je proteste avec force contre cette méthode de travail.
Quel paradoxe de vouloir écarter le Parlement en refusant de passer par la voie législative, au moment même où le comité Balladur est chargé de faire des propositions sur le rééquilibrage des institutions, rééquilibrage qui passe justement, comme vous l'avez évoqué, monsieur le président, par le renforcement des pouvoirs du Parlement !
On voit exactement dans quelle considération est tenue notre assemblée, sommée de débattre à la va-vite d'une réforme déjà décidée et qui sera mise en oeuvre par le pouvoir réglementaire.
Avant de vouloir réformer les institutions, il aurait été élégant de faire fonctionner celles qui existent ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Raoul. J'en ferai part, bien sûr, au Gouvernement.
11
Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel
Discussion des conclusions modifiées du rapport d'une commission
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi tendant à autoriser les consommateurs particuliers à retourner au tarif réglementé d'électricité, présentée par M. Ladislas Poniatowski et plusieurs de ses collègues, sur la proposition de loi tendant à autoriser la réversibilité de l'exercice des droits relatifs à l'éligibilité pour l'achat d'énergie électrique, présentée par M. Xavier Pintat et plusieurs de ses collègues, et sur la proposition de loi tendant à préserver le pouvoir d'achat des ménages en maintenant les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz naturel, présentée par M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés (nos 466, 369, 427, 462, 2006-2007).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques était saisie de trois propositions de loi traitant essentiellement de la question des tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz naturel dont bénéficient les consommateurs n'ayant pas fait le choix de la concurrence pour leur approvisionnement énergétique.
La première de ces propositions de loi, déposée par mes soins le 5 juillet dernier, puis cosignée par plus de quatre-vingts d'entre nous, est consacrée exclusivement aux tarifs d'électricité, tout comme la deuxième, de notre collègue Xavier Pintat, bien que celle-ci ait un champ d'application plus large. Enfin, la troisième proposition de loi a été déposée la semaine dernière par nos collègues du groupe socialiste. Outre la question des tarifs d'électricité et de gaz, elle aborde la forme juridique des entreprises EDF et GDF.
Quelles sont les raisons de ces initiatives ?
Mes chers collègues, vous vous souvenez que nous avons légiféré sur les tarifs réglementés voilà moins d'un an, à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif au secteur de l'énergie. Ce texte, qui avait un objet plus large, puisqu'il autorisait la privatisation de Gaz de France, comportait des dispositions relatives au système tarifaire afin d'adapter notre appareil juridique à l'échéance du 1er juillet 2007, date de l'ouverture totale à la concurrence des marchés énergétiques.
En effet, sans modification de la législation nationale, notre système tarifaire aurait été dépourvu de base légale appropriée et aurait pu être remis en cause à l'occasion du premier contentieux venu devant les instances juridictionnelles européennes.
Le texte de la loi adoptée par le Parlement a cependant été déféré au Conseil constitutionnel par les groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat, pour des motifs tenant essentiellement à la privatisation de GDF et non au sujet traité aujourd'hui.
Toutefois, le juge constitutionnel s'est saisi d'office du volet tarifaire de la loi et en a contrôlé la conformité à la Constitution. En application d'une jurisprudence récente, il a estimé que le texte adopté, en imposant aux opérateurs historiques « des obligations tarifaires permanentes, générales et étrangères à la poursuite d'objectifs de service public », avait méconnu « manifestement l'objectif d'ouverture des marchés concurrentiels de l'électricité et du gaz naturel » promu par les directives européennes.
Sur ces motifs, le Conseil constitutionnel a partiellement censuré l'article incriminé de la loi, jugeant que le mécanisme était, d'une part, incompatible avec les directives et que, d'autre part, tout consommateur d'électricité ou de gaz avait vocation, à terme, à s'alimenter exclusivement par le biais du marché libre.
Sans remettre en cause le raisonnement suivi par le juge, force est de constater que les conséquences de cette décision vont conduire à des incohérences dans l'application des tarifs et vont se révéler injustes pour nos concitoyens. En effet, en vertu de la solution retenue, le choix de la concurrence pour l'approvisionnement en électricité ou en gaz dans un logement donné devient irréversible et fait perdre définitivement à ce logement le bénéfice des tarifs réglementés. Il s'ensuit que tout occupant ultérieur dudit logement n'aura plus jamais droit au tarif. Ce ménage sera, au surplus, lié par une décision qu'il n'aura jamais prise. Cet état de fait est bien sûr injuste pour les ménages n'ayant jamais souhaité quitter les tarifs et il méconnaît la philosophie de la directive, qui fait de l'exercice de l'éligibilité un choix personnel et libre, en aucun cas une obligation.
De surcroît, rien n'a été modifié dans notre législation immobilière afin que les occupants suivants d'un logement, qu'ils soient candidats à la location ou à l'achat, soient informés de sa situation au regard des tarifs. Rien ne prévoit non plus que le propriétaire du logement sera associé au choix du locataire, ce qui serait pourtant justifié compte tenu du caractère irréversible de la décision et de ses conséquences sur l'attractivité du bien immobilier. Par ailleurs, je vous rappelle que conditionner la possibilité pour un locataire de quitter les tarifs réglementés à l'accord du propriétaire serait vraisemblablement contraire aussi aux directives européennes.
Au regard de l'expérience vécue par les consommateurs professionnels qui, au cours des dernières années, ont quitté les tarifs réglementés et ont vu, dans un premier temps, les tarifs baisser, mais, par la suite, leur facture énergétique exploser, il me semble essentiel de maintenir de larges possibilités d'accès aux tarifs réglementés pour nos concitoyens, dans un souci, qui vous tient à coeur, messieurs les secrétaires d'État, de préservation de leur pouvoir d'achat.
Au total, ces trois propositions de loi ont pour ambition de remédier à ces dysfonctionnements. Elles présentent cependant chacune des modalités différentes, que je vais essayer de résumer en vous exposant la logique qui a présidé à l'élaboration des conclusions de la commission des affaires économiques.
Toutes trois ont un point commun puisqu'elles permettent à tout ménage emménageant dans un logement de bénéficier des tarifs réglementés d'électricité, que la concurrence ait été ou non exercée par le passé dans ce logement. Ce dénominateur commun a logiquement été conservé dans le texte des conclusions qui vous est soumis. Au-delà, ces propositions diffèrent sur plusieurs points, sur lesquels il nous a fallu arbitrer. Nous nous sommes posé plusieurs questions.
Première question : fallait-il un dispositif qui concerne également les entreprises ?
Nous n'avons pas jugé opportun de légiférer de nouveau sur la question des gros consommateurs professionnels puisque des solutions spécifiques ont été trouvées ces dernières années pour atténuer le choc de la hausse des prix de l'électricité sur les marchés, avec la création d'Exeltium, le consortium industriel d'achat d'électricité à long terme, ou celle du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, le TaRTAM.
En revanche, notre souci de préservation du pouvoir d'achat des ménages nous a conduits à privilégier l'adoption d'un mécanisme adapté à la situation spécifique des petits consommateurs professionnels, conformément aux préoccupations exprimées par Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale. Il a déposé cet été une proposition de loi - que j'ai examinée - tendant à autoriser le retour aux tarifs réglementés d'électricité pour les consommateurs particuliers et les petits professionnels. Les contacts que j'ai pris avec lui m'ont conduit à déposer un amendement allant dans ce sens.
Deuxième question : fallait-il une date butoir pour l'application du dispositif ? La commission des affaires économiques a considéré qu'il était décisif de ne pas braquer la Commission européenne sur le dossier tarifaire puisque, je vous le rappelle, et j'y reviendrai sûrement au cours de l'examen des articles, deux contentieux opposent aujourd'hui autorités françaises et communautaires.
Le premier contentieux concerne les tarifs « vert » et « jaune » dont bénéficient les entreprises et dont la Commission estime qu'ils ne sont pas conformes aux directives. La Commission juge en effet que l'existence de ces tarifs conduit à la fixation de niveaux de prix de vente de l'électricité et du gaz artificiellement bas, empêchant le développement de la concurrence et la réalisation des investissements nécessaires.
Par ailleurs, un second contentieux a été introduit par la Commission sur ces mêmes tarifs et sur le TaRTAM, au titre du contrôle des aides d'État. Cette procédure est, à mes yeux, très grave, car, en cas d'aboutissement, elle pourrait contraindre les entreprises ayant bénéficié des tarifs réglementés à rembourser aux producteurs la différence entre le niveau de ces tarifs et celui des prix de marché. Vous imaginez aisément, mes chers collègues, les nombreuses faillites d'entreprises qui pourraient en résulter !
Pour ces raisons, nous avons estimé nécessaire de limiter au 1er juillet 2010 l'applicabilité de notre dispositif. Nous avons pensé que cette date offrirait des délais suffisants au Gouvernement pour négocier avec ses partenaires une modification des directives, afin que celles-ci autorisent explicitement les tarifs réglementés, pour autant que leurs niveaux couvrent, pour l'électricité, le coût de la production française.
Troisième question : fallait-il inclure les tarifs de gaz naturel ? Il s'agissait d'une proposition de nos collègues du groupe socialiste. Certes, l'enjeu en termes de pouvoir d'achat était moindre pour le gaz naturel puisque la différence entre les tarifs réglementés et les prix est très faible, toujours inférieure à 10 %. Il n'en demeure pas moins que la commission des affaires économiques a souhaité instaurer le régime le plus uniforme possible entre ces deux énergies - électricité et gaz -, dans un souci de simplicité et de lisibilité pour nos concitoyens. En conséquence, nous avons également élargi les possibilités de retour au tarif réglementé du gaz naturel en cas de déménagement, dans des conditions un peu aménagées, certes ; je fais allusion à la date butoir.
Quatrième et dernière question : fallait-il instituer une possibilité d'aller et retour entre tarifs réglementés et marchés ? Il s'agissait notamment de la proposition de notre collègue Xavier Pintat, qui s'en expliquera plus longuement au cours de la discussion générale.
Nous avons écarté cette option, car nous avons considéré que son adoption aurait des conséquences très significatives sur le marché de l'électricité et que, là encore, elle fragiliserait la position des autorités françaises dans les négociations avec la Commission européenne. Ce droit de retour au tarif réglementé, qui fait l'objet d'amendements du groupe CRC et du groupe socialiste, n'a jamais été expérimenté en droit français et risquerait effectivement de conduire les entreprises ayant exercé leur éligibilité à retourner chez EDF, seule entreprise autorisée à fournir aux tarifs réglementés, ce qui supprimerait toute concurrence sur le marché français. Jamais la Commission européenne n'accepterait un dispositif produisant de tels effets et cela conduirait sûrement à une radicalisation des analyses communautaires.
Enfin, il me reste à préciser que la commission des affaires économiques a également rejeté les dispositions de la proposition de loi du groupe socialiste qui ne concernaient pas les tarifs réglementés.
D'une part, il s'agissait de la fusion entre EDF et GDF, écartée pour des raisons bien connues de tous puisque nous en avons abondamment discuté, à l'occasion de différents projets de loi, en 2004 et en 2006.
Je rappellerai simplement quelques chiffres : 15 milliards d'euros et 7 milliards d'euros, tel serait le coût pour les finances publiques d'une opération de rachat des actions d'EDF et de GDF mises en bourse depuis 2004 ; 15 %, c'est l'ampleur des cessions d'actifs qu'il faudrait concéder dans chaque entreprise pour obtenir l'autorisation de fusion de la part de la Commission européenne. Dans ces conditions, la commission des affaires économiques n'a pu que rejeter cette proposition.
M. Daniel Raoul. Le coût serait inférieur à 15 milliards d'euros !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. D'autre part, nous avons écarté le dispositif obligeant l'État à élaborer un contrat de service public avec toute entreprise du secteur énergétique exerçant des missions de service public, dispositif que nous avons jugé trop lourd et inutile compte tenu des nombreuses obligations de service public définies dans les lois et décrets existants.
Tels sont, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les objectifs de la commission des affaires économiques. Conformément aux positions que nous avons toujours défendues, nous restons résolument attachés à la préservation du système des tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz naturel. Il y va tout d'abord du maintien du pouvoir d'achat de nos concitoyens. Certes, jusqu'à présent, très peu de ménages ont utilisé la possibilité qui leur est offerte depuis le 1er juillet dernier de changer de fournisseur et de quitter les tarifs ; ils sont moins de 4 000 sur un total de 26 millions de consommateurs. Toutefois, les aléas affectant les variations du prix de l'électricité sur les marchés doivent nous inciter à faire preuve de la plus grande prudence et à conserver dans notre droit des dispositifs protecteurs pour le consommateur.
Plus fondamentalement, le défenseur de l'économie de marché que je suis est également un fervent partisan de la régulation par l'État du fonctionnement des marchés. Or, il nous faut l'admettre, la libéralisation des marchés énergétiques a produit des effets pervers qui doivent, là encore, nous inciter à la prudence.
M. Daniel Raoul. Quel aveu !
M. Thierry Repentin. Nous vous l'avions bien dit !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Dans ces conditions, les tarifs restent aujourd'hui le meilleur outil de régulation de ces marchés.
En définitive, c'est dans cet esprit que la commission vous présente ses conclusions sur ces trois propositions de loi et qu'elle vous demande de les adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz s'inscrit dans le cadre de la construction d'un grand marché européen.
Cette perspective a été ouverte par les directives 1996/92 du 19 décembre 1996 et 1998/30 du 22 juin 1998, qui concernent respectivement l'électricité et le gaz. Ce dispositif communautaire a été complété par deux directives du 26 juin 2003, la directive 2003/54 pour l'électricité et la directive 2003/55 pour le gaz.
La France a pleinement participé à ces débats et a transposé les directives dans son droit interne. Afin d'assurer une ouverture maîtrisée au bénéfice des consommateurs, le choix d'une démarche progressive a été retenu.
Cela s'est traduit par l'adoption de quatre lois successives : la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières et la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie.
Ainsi, depuis le 1er juillet 2007, et conformément aux directives européennes, les marchés de l'électricité et du gaz sont ouverts à la concurrence pour tous les consommateurs professionnels et domestiques.
Tout utilisateur est donc libre de choisir son fournisseur de gaz et d'électricité, et ce pour chacun de ses sites de consommation. La France s'inscrit donc pleinement dans le mouvement de construction d'un marché européen de l'énergie, mouvement qui a pour objectif d'accroître la sécurité d'approvisionnement énergétique des Européens, et donc des Français, tout en assurant un prix compétitif de l'énergie.
Plus spécifiquement, la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie comporte des dispositions permettant aux consommateurs domestiques d'exercer leur éligibilité, c'est-à-dire de choisir les offres des autres fournisseurs et les nouveaux services qu'ils proposent. Cependant, compte tenu de la censure de certaines de ses dispositions par le Conseil constitutionnel, cette loi présente aujourd'hui des imperfections et des incohérences qui - vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur - rendent le droit français à la fois incohérent et inintelligible pour nos concitoyens.
Dans ce contexte, depuis le 1er juillet dernier, les consommateurs domestiques n'ont choisi qu'en très petit nombre - ils ne sont que quelques milliers seulement - les offres des autres fournisseurs.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est exact !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, selon les dispositions en vigueur, lorsqu'un occupant a exercé l'éligibilité pour un logement, les occupants suivants n'ont plus la possibilité de choisir entre des offres aux tarifs réglementés et des offres de marché, et ce quels que soient les choix qu'ils avaient eux-mêmes effectués en tant que consommateurs.
De telles dispositions ne manquent pas d'inquiéter les propriétaires, qui s'interrogent sur les conséquences éventuelles de l'exercice de l'éligibilité par un locataire. En effet, ils craignent de voir apparaître un double marché de l'immobilier avec, d'un côté, les logements qui bénéficient des tarifs réglementés et, de l'autre, ceux qui n'en bénéficient plus.
Par conséquent, si elles restaient inchangées, les dispositions de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, telles qu'elles résultent de la décision du Conseil constitutionnel, pourraient avoir des conséquences qu'il ne faut pas sous-estimer sur le marché de l'immobilier.
D'ailleurs, ici même, lors de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, au mois de juillet dernier, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, avait été sollicitée sur ce point.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Avec le soutien de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, Mme Lagarde avait proposé au Parlement de rechercher des solutions justes et cohérentes à cette situation aussi problématique pour les consommateurs domestiques.
C'est précisément ce que suggère aujourd'hui M. le rapporteur. En effet, la présente proposition de loi vise à supprimer de telles incohérences tout en favorisant le développement de la concurrence.
Pour les consommateurs domestiques, il est envisagé d'appliquer la fameuse règle dite « site/personne » pour l'exercice de l'éligibilité en électricité et en gaz. Ainsi, un client domestique qui emménage dans un logement peut souscrire une offre de marché ou une offre au tarif réglementé sans être lié par les décisions du précédent occupant.
Il s'agit là d'une disposition de bon sens pour nos concitoyens, qui a en outre le grand mérite de concilier le droit à l'éligibilité d'un locataire et le droit de propriété du propriétaire du bien. En effet, à l'expiration du bail, ce dernier retrouvera le choix entre tarif réglementé et prix du marché. Il n'y aura donc plus de risque de création de double marché de l'immobilier et d'éventuelle dévalorisation de certains biens.
Enfin, une telle disposition crée une situation favorable pour les nouveaux fournisseurs, puisque le choix d'un occupant ne figera plus la situation du bien quant au bénéfice ou non des tarifs. Elle permet donc que la concurrence s'exerce plus librement.
Toutefois, la règle « site/personne » est précisément celle qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel au mois de décembre 2006. La rédaction qui est proposée soulève donc un certain nombre de difficultés au regard de l'analyse du Conseil constitutionnel, même si le dispositif est limité dans le temps.
Comme vous vous en souvenez sans doute, en 2006, le Conseil constitutionnel avait notamment critiqué le fait qu'une telle mesure ne soit pas limitée dans le temps. Votre proposition, monsieur le rapporteur, tend à limiter dans le temps - l'échéance retenue est le 1er juillet 2010 - le libre choix des tarifs réglementés en cas de déménagement. Cette période permettra au marché de mûrir et aux consommateurs de progressivement mieux connaître les offres des autres fournisseurs. Il s'agit donc d'un dispositif transitoire destiné à permettre un bon développement du marché au bénéfice des consommateurs en introduisant un minimum de sécurité pour ces derniers.
La date du 1er juillet 2010 est cohérente avec la date limite introduite pour l'accès des nouveaux sites aux tarifs réglementés de l'électricité par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Je salue ici le souci de simplicité qui anime les propositions de votre commission.
Pour autant - je tiens à le souligner -, une telle limite ne signifie pas que les tarifs réglementés seront supprimés en 2010. (M. Daniel Raoul s'exclame.) Aucun texte communautaire n'exige leur disparition.
M. Daniel Raoul. Pour le moment !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Les règles d'éligibilité telles qu'elles ont été voulues par le Conseil constitutionnel à la fin de l'année 2006 s'appliqueront tout simplement après le 1er juillet 2010.
Les propositions de la commission ont donc pour objectif de remédier à la situation incohérente et injuste pour les consommateurs domestiques créée par la décision du Conseil constitutionnel.
Dès lors qu'il s'agit de rétablir un droit compréhensible et cohérent pour nos concitoyens, de préserver le pouvoir d'achat des consommateurs particuliers et de prévoir un dispositif transitoire garantissant la protection de ces mêmes consommateurs, le Gouvernement peut s'en accommoder.
En revanche, aller au-delà dans l'aménagement des dispositions introduites par la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie ne pourrait que fragiliser la position équilibrée de notre pays. En effet, comme je l'indiquais à l'instant, les Français souhaitent à la fois le maintien de tarifs réglementés et le développement d'un autre marché, concurrentiel, présentant aux consommateurs des offres nouvelles et accompagnées de services que les contrats aux tarifs réglementés ne proposent pas.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, les risques juridiques tant internes, vis-à-vis du Conseil constitutionnel, qu'externes, vis-à-vis de la Commission européenne, conduiront le Gouvernement à s'en remettre à la sagesse de votre assemblée sur la présente proposition de loi. Cet avis vaudra d'ailleurs sur l'ensemble du texte.
Pour conclure, je tiens à saluer la qualité du travail de la commission et tout particulièrement de M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie à mon tour du compliment justifié que vous venez d'adresser au Sénat.
M. Jean-Pierre Raffarin. Cela fait toujours plaisir !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;
Groupe socialiste, 31 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis le 1er juillet dernier, et en application de la volonté du précédent gouvernement et de la loi votée par le Parlement au mois de novembre 2006, les ménages français peuvent désormais quitter leurs opérateurs historiques, EDF et Gaz de France, et opter pour des offres de marché dont les prix sont librement fixés par les fournisseurs d'énergie.
L'ouverture totale du marché n'est pas sans poser de nouvelles difficultés. Je pense notamment à la perte du bénéfice des tarifs réglementés et à l'impossibilité pour les ménages ayant fait le choix de changer leur fournisseur d'électricité ou de gaz de bénéficier de nouveau du tarif réglementé. Une telle impossibilité vaut non seulement, bien entendu, pour eux, mais également pour leur successeur dans leur logement.
Avant d'aborder la discussion des propositions de loi, il n'est pas inutile, me semble-t-il, de nous remémorer le débat que nous avions eu, ici même, au mois d'octobre 2006. À l'époque, nous avions fermement dénoncé le risque que constituait une ouverture totale. Par le dépôt de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, vous avouez d'ailleurs, que le risque était réel.
Je voudrais également rappeler que c'est le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin - je vous salue, mon cher collègue (M. Jean-Pierre Raffarin sourit et salue) - qui a décidé, au mois de novembre 2002, de libéraliser totalement le marché de l'électricité et du gaz, alors que le gouvernement précédent s'y était opposé à Barcelone.
Puisque nous sommes dans l'« année Alzheimer », je me permettrai de rappeler les faits. (Sourires.) En 2002, lors de la préparation du Conseil européen de Barcelone, le gouvernement de l'époque avait clairement refusé l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz aux ménages. La France s'était opposée aux propositions de la Commission européenne, propositions qui, non seulement visaient l'accélération du calendrier de libéralisation, mais également programmaient l'ouverture du marché à tous les consommateurs, y compris aux particuliers, pour l'année 2005.
Après d'âpres négociations, le gouvernement de Lionel Jospin avait obtenu que l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz soit limitée aux professionnels et aux entreprises. Je viens d'ailleurs de lire le compte rendu de ces négociations. Il avait obtenu également en contrepartie de cette ouverture aux professionnels pour l'année 2004 le principe de la recherche de l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général. La construction européenne devait ainsi reposer sur d'autres fondements que ceux du marché et des lois de la concurrence.
Pour ma part, je considère que l'électricité n'est pas un produit comme les autres. À ce titre, elle devrait bénéficier d'une réglementation comparable à celle qui est applicable à l'eau et relever du service public.
Alors que les doutes sur l'efficacité des mécanismes concurrentiels en termes de baisse des prix se renforçaient, les prix subissant de fortes pressions à la hausse, la poursuite du processus de l'ouverture du marché aux particuliers était ainsi bloquée.
Les ménages, exclus du processus de libéralisation, pouvaient continuer à bénéficier, en tant que clients non éligibles, des tarifs réglementés, qui se situent bien en dessous des prix du marché.
Le 16 mars 2002, le Premier ministre précisait que l'expérience de l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie en Suède ou en Grande-Bretagne avait conduit non pas à la baisse des prix mais, au contraire, à une hausse des tarifs. Il avait rappelé qu'en France le service public avait garanti l'égalité d'accès et la péréquation sur le territoire en assurant un tarif du gaz et de l'électricité inférieur à celui des autres pays.
Le Président de la République de l'époque, M. Jacques Chirac, s'était lui-même clairement opposé à l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence pour les ménages. Lors de la conférence de presse donnée à l'issue de ce Conseil européen, il avait déclaré : « Alors, nous avons, naturellement, accepté d'ouvrir le marché de l'électricité aux entreprises, parce qu'il est normal que les entreprises puissent faire jouer la concurrence. Mais il n'était pas de notre point de vue admissible, acceptable d'aller plus loin et, donc, c'est bien la solution que nous souhaitions qui a été reconnue dans les conclusions ».
Mais, quelques mois à peine après l'issue de ces pénibles négociations qui avaient abouti à l'exclusion des ménages du processus d'ouverture à la concurrence, le nouveau gouvernement Raffarin a balayé d'un revers de main ce qui venait d'être obtenu.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Daniel Raoul. Le 25 novembre 2002, lors d'un conseil Énergie, Mme Nicole Fontaine, ministre chargée de l'industrie, acceptait que la date finale pour l'achèvement du marché intérieur de l'électricité et du gaz soit fixée au 1er juillet 2007.
M. Thierry Repentin. Capitulation !
M. Roland Courteau. Ça, c'est sûr !
M. Daniel Raoul. Une fois acceptée l'ouverture totale à la concurrence en 2002, après qu'eut été constatée l'envolée des prix de l'électricité sur les marchés des entreprises, plusieurs initiatives ont été prises pour préserver les tarifs réglementés d'électricité. Quel aveu !
Ces dispositifs ne sont au final que des palliatifs transitoires, et la Commission européenne conteste aujourd'hui la régulation tarifaire en prônant l'abandon pur et simple de la réglementation des tarifs de l'électricité et du gaz. Ce n'est pourtant pas formellement libellé dans la directive ; monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, y aurait-il de votre part une intention cachée de faire disparaître ces tarifs ?
M. Jean Desessard. Ah !
M. Daniel Raoul. Alors qu'il fallait s'engager dans une orientation politique claire, l'attitude de la France a favorisé la primauté des mécanismes concurrentiels sur tout mécanisme régulateur. Cette attitude a engendré les procédures d'infractions menées à l'encontre de la France. Nous sommes punis par où nous avons péché. (Sourires.)
Dans le même esprit, le Conseil constitutionnel a récemment censuré les dispositions relatives à la préservation des tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz pour les logements anciens et pour tout nouveau site de consommation au bénéfice des particuliers et des professionnels. Il a considéré que de telles dispositions, en imposant aux opérateurs historiques et à eux seuls des « obligations tarifaires permanentes, générales et étrangères à la poursuite d'objectifs de service public », étaient discriminatoires et contraires aux objectifs d'ouverture des marchés concurrentiels de l'électricité et du gaz fixés par les directives faisant l'objet de la transposition. C'est dans cet esprit, monsieur le rapporteur, que nous avons déposé un amendement concernant les conventions de service public.
Une telle décision contestant la compatibilité de la réglementation tarifaire française avec les textes communautaires programme d'emblée, quoi que vous disiez, la disparition à terme des tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz.
Or, comme le soulignent dans leurs conclusions les rapporteurs de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver, « il appartient à la seule Cour de justice européenne de préciser et, en particulier, de savoir dans quelle mesure les tarifs réglementés sont compatibles avec les directives ». Je vous rappelle que ces conclusions ont été adoptées à l'unanimité des membres de la mission commune d'information, quelle que soit leur sensibilité politique.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Daniel Raoul. Selon eux, « les directives ne s'opposent pas à l'existence de tarifs dès lors qu'ils couvrent les coûts », ce qui correspond aux obligations mêmes de service public - vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur.
Force est de reconnaître aussi qu'avec son parc nucléaire la France est capable de produire une électricité dite « bon marché », y compris si l'on intègre les investissements à réaliser à moyen et à long terme concernant le démantèlement et le traitement des déchets.
L'abandon des tarifs réglementés prétendument réclamé par la Commission européenne se traduirait a contrario par une hausse des prix préjudiciable à l'ensemble des consommateurs, qu'il s'agisse des professionnels, des entreprises ou encore des particuliers. La preuve a d'ores et déjà été faite concernant les professionnels.
M. Roland Courteau. On l'a vu !
M. Daniel Raoul. Les conséquences d'un tel choix sur l'économie sont évidentes. Alors que vous vous préoccupez du pouvoir d'achat des ménages, ceux-ci vont voir leur facture énergétique augmenter. Ce ne sera pas non plus sans conséquence sur la compétitivité de nos entreprises, sans compter la hausse de la facture des administrations, des collectivités territoriales, des hôpitaux. En termes macroéconomiques, les incidences ne seront donc pas neutres !
La mise en cause communautaire de ces tarifs au titre des aides d'État découle d'une véritable incompréhension. La mission commune d'information précédemment citée se demande par quels mécanismes la puissance publique aurait été amenée à subventionner l'activité d'entreprises bénéficiant de tarifs couvrant les coûts du producteur. Elle se déclare également perplexe quant à l'affirmation selon laquelle les tarifs provoquent des distorsions de concurrence puisque la référence prise à l'appui de ce raisonnement est celle de prix de marchés déconnectés des réalités économiques. Enfin, elle s'interroge sur la nature des conséquences qui pèseraient sur les entreprises si l'enquête de la Commission devait aboutir à une suppression de ces tarifs : dans quelles conditions seraient-elles amenées à se fournir en électricité ?
Elle concluait : « En définitive, votre mission estime que le marché ne peut en aucun cas servir de modèle unique de fixation des prix de l'électricité. En théorie, ce ne pourrait être qu'à l'issue d'un mouvement général de convergence des mix énergétiques des États membres de l'Union européenne » - cela supposerait l'établissement d'un véritable réseau interconnecté, or vous connaissez les aléas de l'autoroute de l'électricité nord-sud, qui achoppe toujours concernant l'accès à l'Espagne - « accompagné par un fort développement des interconnexions, qu'une unicité du prix européen de l'électricité pourrait se concevoir et se justifier. »
M. Roland Courteau. En effet !
M. Daniel Raoul. « Or, comme cela a été démontré, cette harmonisation est encore loin d'être en marche, compte tenu notamment des réticences de la plupart des pays européens à installer des centrales nucléaires. » Cela n'empêche pas d'ailleurs ces derniers, de façon quelque peu hypocrite, d'acheter l'électricité fournie par notre parc électronucléaire.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Daniel Raoul. « Dans ces conditions, la mission juge qu'il ne peut être question, pour la France, de ne plus faire bénéficier les consommateurs de l'avantage compétitif lié au nucléaire pour des motifs tenant à une harmonisation communautaire des prix qui ne repose sur aucune logique solidement établie. De même, elle ne saurait accepter une suppression du système tarifaire risquant de pénaliser lourdement les ménages ».
À ce propos, je voudrais rendre hommage à un ancien Premier ministre récemment décédé, Pierre Messmer, qui, en 1974, contre vents et marées, a imposé l'établissement du parc électronucléaire. Certains organismes ou associations s'autoproclamant experts dénonçaient alors la dangerosité et la non-efficacité de ce parc. Or tout le monde s'accorde aujourd'hui sur l'existence d'une rente nucléaire évaluée à 9 milliards d'euros. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jean Desessard. Applaudissements à droite !
M. Daniel Raoul. Peut-être, mais je suis de gauche, mon cher collègue !
M. le président. En tout cas, bravo pour cet hommage !
M. Daniel Raoul. Je vous rappelle que l'opposition à la construction de ce parc émanait aussi de scientifiques, appartenant principalement au Commissariat à l'énergie atomique, qui voulaient, d'étape en étape, mettre au point la quatrième, la cinquième génération de centrales avant d'installer celles qui nous permettraient de produire de l'électricité à bon marché.
Au bénéfice de qui cette rente nucléaire de 9 milliards d'euros doit-elle être distribuée ? Peut-elle faire l'objet d'une appropriation privative par les actionnaires, par exemple ? Doit-elle être redistribuée par le biais de tarifs préférentiels aux nouvelles entreprises de négoce d'électricité entrant sur le marché ? Ou doit-elle en toute transparence, au bénéfice de l'intérêt général, du retour sur investissement, en quelque sorte, profiter au consommateur final, en particulier par le biais d'un système tarifaire réglementé, au financement des missions de service public en général et au réinvestissement dans l'entreprise ?
M. Roland Courteau. C'est la sagesse !
M. Daniel Raoul. Pour compléter votre information, je voudrais vous inviter, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à lire les propos de M. Marcel Boiteux, parus dans la revue Futuribles du mois de juin 2007, dans un article intitulé : « Les ambiguïtés de la concurrence. Électricité de France et la libération du marché de l'électricité ». Il y précisait, en connaisseur : « Si l'électricité constitue en effet un cas « d'école », force est de constater que les grands services de réseaux (télécommunications, eau, transport...) constituent aussi des cas suffisamment « à part » - notamment du fait des monopoles naturels - pour que l'on puisse douter de l'efficacité des recettes purement libérales. Il semble tout à fait illusoire d'attendre des pratiques purement concurrentielles qui prédominent aujourd'hui à l'organisation de ces activités de réseaux des vertus régulatrices analogues à celles que produisaient structurellement sur l'économie les grands services publics de distribution. »
Je voudrais aussi vous citer un article édifiant paru, le mardi 4 septembre 2007, dans le New York Times concernant la dérégulation du système électrique américain. Plus d'une décennie après l'ouverture de la route de l'électricité qui devait conduire l'Amérique d'un secteur électrique régulé à un secteur libéralisé, de nombreux États des États-Unis font marche arrière ou rendent de l'argent aux consommateurs pour atténuer l'effet de cette libéralisation. Des vingt-cinq États, plus le district de Columbia, qui ont adopté la libéralisation, seule la Californie envisage d'ouvrir et d'étendre les prix de marché. La principale raison de ce retour vers davantage de régulation réside dans l'évolution des prix. Les statistiques récentes du département de l'énergie montrent que les coûts de l'électricité dans les États qui ont adopté la libéralisation ont augmenté plus rapidement que dans ceux qui ont conservé leurs traditionnels tarifs régulés.
M. Roland Courteau. C'est bien de le rappeler !
M. Daniel Raoul. Quand cesserez-vous, mes chers collègues, d'avoir raison contre le reste du monde ? Pourquoi vouloir, à petit pas certes, d'une façon déguisée, tuer progressivement les tarifs réglementés ? Monsieur le rapporteur, pourquoi prévoyez-vous une date butoir, le fameux 1er juillet 2010, si vous avez réellement l'intention de préserver le pouvoir d'achat des consommateurs ? Supprimez-la ! Vous capitulez avant même d'avoir engagé la bataille !
J'en viens au secteur du gaz. La récente fusion de GDF et de Suez fait peser de sérieux risques sur le système tarifaire réglementé de vente de gaz naturel. Les sénateurs socialistes tiennent à réaffirmer leur opposition, qu'ils avaient déjà exprimée au mois de novembre 2006, à cette fusion décidée par le Président de la République, contrairement à l'engagement qu'il avait pris alors qu'il était ministre de l'économie.
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Daniel Raoul. Je rappelle l'engagement qui avait été pris de ne pas descendre en dessous de 70 % du capital de Gaz de France !
Que devons-nous croire, mes chers collègues ? La déclaration du Président de la République, Jacques Chirac, à Barcelone ? La réponse que fit Mme Nicole Fontaine, en présence du Premier ministre de l'époque, M. Jean-Pierre Raffarin, lors d'une séance de questions au Gouvernement, alors qu'un mois plus tard elle acceptait la libéralisation à Bruxelles ?
Quand devons-nous vous croire, monsieur le rapporteur ? Quand vous évoquiez, en 2004, l'épouvantail de la privatisation de Gaz de France ? Relisez vos rapports ! (M. Jean Desessard rit.)
Dès lors, je me demande quelles sont vos intentions réelles. En tout cas, elles ne sont certainement pas d'améliorer le pouvoir d'achat des consommateurs. En vertu du dogme qui veut que la concurrence fasse baisser les prix, vous vous rendez avant même d'avoir livré combat.
Avec la suppression des tarifs régulés que Bruxelles demanderait - « demanderait », car ce n'est pas explicitement prévu par la directive -, il ne s'agit plus, comme on pouvait initialement le croire, d'ouvrir la concurrence afin de faire baisser les tarifs, mais d'élever les prix afin de permettre la concurrence. C'est bien ce que l'on constate dans les autres pays !
Enfin, concernant l'irréversibilité, point sur lequel vous n'évoluez guère, monsieur le rapporteur, même si vous avez fait un effort - nous en jugerons tout à l'heure lorsque nous examinerons les amendements -, elle n'a été instaurée que par trois États : la France, la Slovaquie et, depuis le 1er janvier 2007, l'Espagne. Sachez en outre que, d'après une étude très récente du groupe des régulateurs européens, quatorze États membres ont conservé pour leurs industriels des tarifs réglementés, à côté de ceux offerts sur le marché libre, trois autres États se limitant aux petits consommateurs.
Les amendements que nous défendrons tout à l'heure, dans un esprit d'ouverture, ont donc pour objectif de préserver, primo, le pouvoir d'achat des consommateurs, secundo, leur liberté de choix - en l'occurrence, nous abondons presque dans votre sens -, tertio, la réversibilité. Au demeurant, si vous raisonnez dans le cadre d'une économie libérale, vous verrez que la réversibilité est nécessaire pour ouvrir un marché qui, reconnaissons-le, ne fonctionne pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Raffarin. On a quand même entendu pas mal d'inexactitudes !
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, par un grand paradoxe, à l'heure où la France ouvre totalement ses marchés du gaz et de l'électricité, le Sénat inscrit à son ordre du jour la question des tarifs réglementés de vente de l'électricité et du gaz. Sommes-nous décidément de si mauvais élèves européens pour nous entêter ainsi à vouloir contrarier la logique du marché en aménageant un droit de retour ? Je ne le crois pas, bien au contraire !
Le processus de libéralisation du marché a toujours été envisagé comme un mouvement irréversible.
Par ailleurs, les procédures lancées par la Commission européenne à l'encontre des tarifs réglementés concernent non leur existence même - vous l'avez rappelé à la fin de votre intervention, monsieur le secrétaire d'État -, mais leur application à toutes les catégories de consommateurs et portent sur la nécessité que ces tarifs couvrent les coûts de production et d'approvisionnement.
Cela dit, avec l'examen du texte de notre excellent collègue M. Ladislas Poniatowski, ce qui nous occupe aujourd'hui, ce sont les conditions d'exercice de l'éligibilité du consommateur ; comprenez : la faculté, pour nos concitoyens, de choisir. C'est sur ce point précis que les trois propositions de loi, plus ou moins partiellement reprises par les conclusions de la commission des affaires économiques, se rejoignent. Nous voulons garantir le choix du consommateur et éviter que celui-ci puisse basculer sur le marché sans le vouloir.
C'est pourquoi, s'agissant du secteur électrique, je souscris à l'objectif visé par la proposition de loi de M. Ladislas Poniatowski, qui permet de corriger une évidente aberration du cadre juridique issu de la loi du 7 décembre 2006. Elle évite en effet qu'un consommateur domestique ne soit poussé à exercer son éligibilité contre son gré, simplement parce qu'il s'installe dans un logement qu'un précédent occupant a choisi de faire basculer sur le marché pour l'approvisionner en électricité.
S'agissant du secteur gazier, je serai plus réservé, car les fondamentaux économiques et sociaux des systèmes en présence diffèrent. À mon sens, les solutions applicables à l'un ne sont pas forcément ni opportunément transposables à l'autre.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait !
M. Xavier Pintat. Néanmoins, cette disposition devrait écarter les risques de contentieux entre les bailleurs et les preneurs de logement, l'irréversibilité de l'exercice de l'éligibilité pour un site immobilier donné étant de nature à compromettre la valeur patrimoniale de celui-ci.
Pour autant, j'observe que cette mesure, qui n'aura qu'une efficacité provisoire puisqu'elle prendra fin dans moins de trois ans, ne modifiera pas le niveau de risque encouru par les consommateurs et les fournisseurs d'énergie électrique.
M. Thierry Repentin. C'est vrai !
M. Xavier Pintat. Du côté des consommateurs, l'exercice de l'éligibilité s'avère, dans le contexte actuel, pratiquement impensable puisqu'il implique de s'exposer de manière définitive à un très grand risque de hausse de prix, sans garde-fou, ce qui ne serait évidemment pas raisonnable.
M. Daniel Raoul. Vous l'avouez !
M. Xavier Pintat. Ayons présent à l'esprit que moins de 7 % des consommateurs professionnels ont à ce jour changé de fournisseur, alors que ce segment de marché a commencé à s'ouvrir à la concurrence dès le début des années 2000 et que celle-ci s'est généralisée en 2004.
En l'état actuel de la réglementation, il est donc vraisemblable que l'ouverture du marché demeurera purement théorique. Cette situation est regrettable, car il existe certainement sur le marché des offres alternatives intéressantes, voire innovantes, par leur contenu, notamment en termes de services associés. Simultanément, les entreprises qui ont eu le courage d'investir dans la fourniture d'électricité pourraient être mises rapidement en sérieuse difficulté par l'absence de décollage du marché et l'extrême faiblesse subséquente de leur chiffre d'affaires.
Dans ces conditions, de plus en plus d'acteurs du système électrique s'accordent à considérer que la voie du bon sens devrait conduire à autoriser dans notre pays une vraie réversibilité de l'exercice des droits relatifs à l'éligibilité, c'est-à-dire la possibilité pour un consommateur final d'obtenir le retour au tarif réglementé de vente d'électricité pour un site alors même qu'il se serait antérieurement approvisionné pendant un certain temps sur le marché.
Les collectivités organisatrices de la distribution d'électricité et, plus largement, les collectivités locales, ainsi que la Commission de régulation de l'énergie, les organisations de défense des consommateurs résidentiels, les organisations représentatives des consommateurs professionnels, se sont déclarées favorables à une telle évolution. Celle-ci concourrait très positivement au processus d'ouverture à la concurrence. Par ailleurs, elle ne soulèverait pas de difficultés juridiques rédhibitoires, pourvu que l'on prenne certaines précautions.
Du point de vue économique, la réversibilité rassurerait les consommateurs et les inciterait à tester le marché. De ce fait, elle élargirait les possibilités de choix qui leur sont ouvertes, favoriserait l'émergence de nouvelles offres plus inventives en termes d'efficacité énergétique et de valorisation des sources renouvelables. Simultanément, elle préserverait l'influence régulatrice sur les prix et la sécurité d'approvisionnement de la production électronucléaire, comme l'a souligné Daniel Raoul, à laquelle sont adossés les tarifs réglementés.
Bien entendu, tout cela n'est concevable que si le niveau des tarifs réglementés suffit à couvrir les coûts correspondants.
Un consensus semble acquis sur le fait que tel est bien le cas du tarif bleu, c'est-à-dire du tarif appliqué au consommateur final domestique ou professionnel jusqu'à 36 kVa, dont le niveau n'a été contesté ni par la Commission de régulation de l'énergie ni par la Commission européenne.
Ce tarif s'appliquant tant aux petits consommateurs professionnels qu'aux consommateurs domestiques, il me semble cohérent d'inclure ces deux catégories dans le champ de la réglementation relative à la réversibilité. C'est la raison pour laquelle je présenterai un premier amendement visant à étendre le périmètre d'application de la proposition de loi aux professionnels bénéficiaires du tarif bleu.
La réversibilité de l'exercice de l'éligibilité pour l'ensemble des consommateurs relevant du tarif bleu aurait également, il faut y insister, l'intérêt de résoudre enfin la question du service universel de l'électricité, dont l'article 3, paragraphe 3, de la directive européenne de 2003 concernant l'électricité prévoit expressément l'organisation pour les clients résidentiels ainsi que pour les petites et moyennes entreprises.
J'observe en effet que ce service universel n'est pas actuellement prévu en France pour les petits consommateurs qui auraient exercé leur éligibilité et qui éprouveraient ensuite des difficultés à trouver un fournisseur dans des conditions économiques raisonnables. La possibilité de revenir s'approvisionner de façon transparente et non discriminatoire dans le cadre du tarif bleu résoudrait cette difficulté dans des conditions conformes à l'esprit comme à la lettre de la directive européenne.
Tout cela est affaire de bon sens, à telle enseigne que, parmi les dix-sept États membres de l'Union européenne appliquant actuellement des tarifs réglementés pour l'électricité, la France est une exception.
Selon une récente étude de l'ERGEG, le groupe des régulateurs européens, notre pays est le seul parmi ceux où coexistent des tarifs réglementés et des prix de marché à ne pas autoriser la réversibilité aux ménages et aux petits professionnels. Voici d'ailleurs un tableau récapitulatif, que je tiens à votre disposition, mes chers collègues, et qui montre clairement que la pratique de la réversibilité, ici en jaune, est très largement majoritaire dans l'Union européenne. (L'orateur montre à l'hémicycle un tableau à deux couleurs.)
M. Thierry Repentin. Nous nous rejoignons !
M. Xavier Pintat. Au Danemark, en Italie en Allemagne, par exemple, la réversibilité totale est admise sans aucun problème. La raison en est simple : le droit communautaire n'évoque à aucun moment la réversibilité et, de fait, la Commission européenne n'a engagé aucune procédure à l'encontre des très nombreux États membres qui pratiquent la réversibilité totale. (Exactement ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il y a une raison à tout cela !
M. Xavier Pintat. J'y viens.
Je sais que ce débat survient dans un délicat contexte de tension avec les instances de l'Union européenne sur la question de la mise en oeuvre des tarifs réglementés de vente de l'électricité. Nous devons bien entendu être attentifs à ne pas rendre la résolution de ces différends plus compliquée ; M. le rapporteur l'a d'ailleurs rappelé.
Le texte proposé par la commission en tient compte puisque l'application de son dispositif est limitée à la période allant jusqu'au 1er juillet 2010.
Compte tenu de cette indispensable précaution, je voudrais vous convaincre de ne pas céder à une interprétation du droit européen finalement plus restrictive que ne l'est celle de la Commission européenne elle-même. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
C'est pourquoi, par mon second amendement, je vous proposerai d'autoriser, jusqu'en 2010, l'ensemble des consommateurs bénéficiant du tarif bleu à bénéficier d'une vraie réversibilité de l'exercice de leur éligibilité.
Tant que nous n'établirons pas la réversibilité pour les petits consommateurs, le marché de l'électricité demeurera factice, avec le risque, surtout, d'avoir un marché de l'électricité à deux vitesses.
Les faits sont là : le principe de l'irréversibilité n'est pas favorable au développement concurrentiel du marché. ERD, filiale de distribution d'EDF, n'a enregistré que 3 500 demandes de changement de fournisseur entre le 1er juillet et le 1er septembre 2007. Le système électrique devra donc supporter en pure perte les coûts considérables induits par les investissements et les innombrables mesures d'adaptation qui ont été consenties au fil de nombreuses années du fait de l'ouverture à la concurrence.
En outre, les fournisseurs alternatifs seront confrontés à des difficultés financières et les consommateurs seront privés d'une véritable possibilité de choix. Qui peut penser qu'une telle situation soit durable ?
Ne nous exposons pas à la nécessité de subir demain la contrainte des circonstances. Agissons donc dès aujourd'hui, en mettant en cohérence notre tradition énergétique et nos engagements européens, en donnant au consommateur une véritable liberté de choix entre le tarif réglementé du service public et le marché.
Il n'existe qu'une seule solution pour y parvenir en toute sécurité et en toute transparence : elle consiste à desserrer le frein de l'irréversibilité ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
(M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les conclusions la commission sur les propositions de loi dont nous avons à débattre aujourd'hui sont en fait un énième rebondissement d'une affaire qui nous a déjà beaucoup mobilisés : l'avenir des tarifs réglementés, des tarifs dont l'existence fait l'objet de fortes contestations.
En effet, la loi relative au secteur de l'énergie disposait que les particuliers ne pouvaient prétendre bénéficier des tarifs réglementés qu'à une seule condition : qu'ils n'aient pas usé personnellement de leur éligibilité sur le site de consommation.
L'abandon des tarifs réglementés est donc, dans ce cadre, irréversible.
Une décision du Conseil constitutionnel datant du mois de novembre dernier est venue censurer une partie de ces dispositions en conditionnant également le bénéfice de ces tarifs au fait que le précédent propriétaire ou locataire n'ait pas, lui non plus, exercé son éligibilité. Cette censure est apparue particulièrement injuste, y compris aux yeux des tenants de la libéralisation.
L'objet de la proposition de loi de M. Ladislas Poniatowski, seule retenue par les conclusions de la commission, est d'ouvrir une dérogation temporaire à cette règle, en en différant l'application au 1er juillet 2010, date à laquelle, depuis l'adoption de loi portant engagement national pour le logement, les particuliers ne pourront plus bénéficier des tarifs réglementés pour de nouveaux sites de consommation.
Les conclusions de la commission élargissent également ces dispositions au gaz.
Que pensent les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen d'une telle proposition ? bien entendu, nous ne sommes pas défavorables à toute disposition visant à élargir le champ des bénéficiaires des tarifs réglementés.
Cependant, ce texte ne peut entièrement nous satisfaire, et ce pour au moins deux raisons : premièrement, cette dérogation est limitée dans le temps ; deuxièmement, ce texte s'apparente à un emplâtre sur une jambe de bois !
Je m'explique : dans le cadre actuel de la libéralisation, c'est l'existence même de tarifs réglementés qui est remise en cause ; peu importe qu'ils soient réversibles et que leur bénéfice soit personnel ou par site.
En effet, selon l'idéologie libérale, l'existence de tarifs définis par les pouvoirs publics est strictement incompatible avec la concurrence libre et non faussée prônée par les institutions européennes comme par le Gouvernement Ces tarifs constitueraient, pour la Commission, soit des barrières inacceptables à l'entrée, comme le formulait sa lettre de griefs du printemps 2006, quand lui a été soumis le projet de loi relatif au secteur de l'énergie, soit une aide d'État, ce qu'elle prohibe absolument ; la Commission a d'ailleurs entamé une action contre la France sur ce fondement.
Dans ces conditions, la décision du Conseil constitutionnel a le mérite de la clarté.
Les sages ont rappelé le contenu de l'article 88-1 de la Constitution, aux termes duquel « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences. » Ils en déduisent naturellement que la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle.
En conséquence, si l'objet de la directive en question est la réalisation d'un marché concurrentiel, aucune obligation particulière ne peut peser sur des entreprises comme EDF et GDF.
Il en est donc ainsi de l'obligation de proposer des contrats aux tarifs réglementés pour la fourniture de l'électricité et du gaz.
Il y a manifestement, selon les sages, incompatibilité entre l'existence de tarifs réglementés et la libéralisation à l'oeuvre dans le secteur de l'énergie. J'ajoute même qu'il y a une incompatibilité profonde entre la notion de libéralisation et celle de service public. Il faut donc avoir le courage de l'avouer aux citoyens !
Dans le cadre législatif actuel, cette proposition de loi semble dès lors illusoire s'il s'agit de remédier aux échecs de la politique européenne conduite par les États membres.
Nous estimons pourtant que les trois propositions déposées offrent l'intérêt majeur de faire ressortir une nouvelle fois les contradictions qui traversent la majorité au pouvoir sur les enjeux énergétiques.
En effet, depuis maintenant de nombreux mois, des signes clairs sont envoyés au Gouvernement pour l'alerter sur les conséquences particulièrement néfastes de la libéralisation lorsqu'il s'agit de la fourniture d'un bien de consommation essentiel.
Ainsi, des doutes se font sentir de toutes parts sur la pertinence économique, industrielle et sociale qu'il y aurait à poursuivre sur cette voie.
Le bilan est en effet accablant : l'ouverture à la concurrence s'est traduite pour les professionnels par une augmentation de leur facture de plus de 75,6 % au cours des dernières années.
L'écart entre les tarifs dits « libres » et les tarifs administrés atteint 66 % pour l'électricité depuis 2002, selon le cabinet d'étude NUS Consulting.
Plus récemment, entre avril 2005 et avril 2006, l'augmentation a atteint 48 %. Elle est particulièrement préjudiciable à la compétitivité des entreprises de notre pays, d'où la mise en place du fameux TaRTAM, contesté lui aussi par la Commission européenne.
En fait de concurrence, on assiste depuis le début de la libéralisation à la concentration d'entreprises privées et le remplacement des monopoles publics par des monopoles privés. On cède donc la satisfaction des besoins de tous aux intérêts des seuls actionnaires, pour lesquels ne compte que l'importance des dividendes qui leur sont versés.
Il y a là une contradiction forte chez les tenants du libéralisme, qui affirmaient que l'émulation de la concurrence devait aboutir à une baisse mécanique des prix.
C'est pourquoi, lors de la discussion du projet de loi relatif à l'énergie, l'année dernière, certains membres de la majorité s'étaient émus du sort réservé aux usagers du service public de l'énergie. Seul le maintien des tarifs réglementés avait permis au Gouvernement d'obtenir l'obéissance parlementaire.
Pour cette raison, après la censure du Conseil constitutionnel, les sénateurs de mon groupe avaient demandé une nouvelle délibération ; elle a été refusée.
Durant la dernière session, également, une mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique en France et en Europe a vu le jour, sur l'initiative des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen. Les conclusions de cette mission, approuvées à la quasi-unanimité de ses membres, sont particulièrement intéressantes. Pour n'en retenir qu'une seule, le rapport indique que les enjeux énergétiques du XXIe siècle, notamment en termes d'équilibre géopolitique, de sûreté et de préservation de l'environnement, imposent une forte maîtrise publique de l'énergie.
Particulièrement sur le sujet qui nous concerne aujourd'hui, la mission prône le maintien des tarifs réglementés pour les particuliers ainsi que l'existence de dispositifs propres aux entreprises.
En dépit de tout cela, le gouvernement actuel a décidé de d'adopter une forme d'autisme face à tout constat remettant en cause les schémas libéraux. Nicolas Sarkozy, Président de la République depuis le 6 mai dernier, est un artisan zélé de la libéralisation du secteur énergétique. En effet, n'a-t-il pas pesé lourdement pour rendre possible la fusion entre Suez et GDF ? Il a annoncé également un rapprochement entre Areva .et Alstom - on parle également de Bouygues.
Ces mesures entraînent donc une ouverture très importante du nucléaire civil aux capitaux privés en ce qui concerne la construction de centrales, la production énergétique, la gestion des déchets.
Il était pourtant reconnu de manière quasi unanime que la sûreté nucléaire ne pouvait être garantie que par une forte maîtrise publique, seule à même de permettre la transparence nécessaire sur les objectifs industriels et de recherche, ainsi que sur le niveau de sécurité des installations.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Michel Billout. À l'échelon européen, une nouvelle directive, parachevant le marché de l'énergie, vient également d'être adoptée. Elle prône la séparation des réseaux de transport.
Les conséquences de telles orientations seront beaucoup plus graves et coûteuses, monsieur le rapporteur, pour notre société que la création d'un pôle public de l'énergie, sur lequel je reviendrai.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que, malgré les bonnes intentions de ces propositions de loi, la remise en cause du modèle libéral doit aller plus loin et ne doit pas se limiter à de simples ajustements pour le rendre plus acceptable.
La proposition de loi issue des conclusions de la commission ne change rien, sur le fond, à la logique de libéralisation. C'est pourquoi les sénateurs communistes n'ont pas fait le choix de déposer une proposition de loi sur l'unique thème du maintien des tarifs réglementés. Nous estimons, en effet, que pour garantir à tous des tarifs acceptables la condition simple et unique est qu'EDF et GDF restent à capitaux publics.
Concernant particulièrement le gaz, la notion de prix raisonnable repose notamment sur la possibilité de maintenir des contrats à long terme. Or ces contrats sont actuellement mis en cause par les directives européennes et les nouvelles directions d'entreprise.
Nous proposons donc qu'EDF et GDF restent des entreprises publiques, que leurs synergies soient confirmées, allant même jusqu'à proposer leur fusion autour d'un pôle public de l'énergie.
Au moment même où, avec le Grenelle de l'environnement, les questions environnementales sont au coeur de toutes les discussions, nous estimons qu'il s'agit de la seule manière d'allier le développement durable et la performance économique.
Ce pôle public aurait pour mission principale de travailler aux économies d'énergie, à la recherche sur les énergies non polluantes et renouvelables, tout en rendant un service de qualité et accessible à tous grâce à une politique tarifaire fondée sur la notion d'usager et non sur celle de client.
Nous estimons que le courage politique appelle la remise en cause globale de la politique de libéralisation à l'échelon national mais également européen.
Ainsi, nous demandons au Gouvernement d'oeuvrer à la réalisation d'un bilan sur les conséquences de la libéralisation, bilan qui conditionnera la renégociation nécessaire des directives européennes.
Dans ce sens, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent également que tout nouveau traité européen soit soumis par référendum au peuple français. Ce dernier, en mai 2005, a déjà refusé la marchandisation de tous les secteurs d'activité, y compris les services publics et particulièrement celui de l'énergie.
Il faut que le Gouvernement et le nouveau Président de la République arrêtent les effets d'annonce et la politique d'affichage pour répondre réellement aux impératifs énergétiques du XXIe siècle, en lien avec les aspirations populaires.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment, pour leur part, que ces enjeux dépassent largement le cadre du marché et nécessitent, au contraire, une forte maîtrise publique.
Ce n'est malheureusement pas le sujet qui est en débat aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mise en oeuvre de l'ouverture totale des marchés de l'électricité et du gaz depuis le 1er juillet 2007 ne sera pas sans poser un certain nombre de problèmes pour les consommateurs.
Il faut tout d'abord rappeler que cette ouverture à la concurrence est entrée progressivement en application pour certaines entreprises à compter de 1999.
Depuis 2004, toutes les entreprises, les collectivités territoriales et les professionnels peuvent librement choisir leur fournisseur au titre de l'ouverture à la concurrence en Europe des marchés nationaux de l'électricité et du gaz.
Les particuliers, de leur côté, devaient continuer à s'adresser à EDF et à GDF ou à une régie locale de distribution d'électricité ou de gaz pour leur fourniture d'énergie.
Depuis le 1er juillet dernier, 100 % du marché de l'énergie est ouvert à la concurrence : plus de 25 millions de clients peuvent donc désormais choisir librement leur fournisseur d'électricité ou de gaz.
Les particuliers peuvent ainsi opter entre les tarifs réglementés par l'État que proposent EDF et GDF, ainsi que les entreprises locales de distribution, et le recours à un autre fournisseur d'énergie, ne pratiquant pas le tarif réglementé.
Les tarifs régulés ou réglementés sont fixés par les pouvoirs publics par décret. Rappelons que, s'agissant de l'électricité, les tarifs ne devraient pas augmenter plus vite que l'inflation jusqu'en 2010. Tous les particuliers peuvent, s'ils le souhaitent, continuer à bénéficier de ces tarifs pour le logement qu'ils occupent.
En revanche, et c'est là que se pose un réel problème, l'abandon de ces tarifs réglementés est définitif : la loi dispose en effet que le droit de bénéficier des tarifs réglementés fixés pax l'État est attaché à une habitation et non à son occupant, qu'il soit propriétaire ou locataire.
Cela signifie que, lorsque l'occupant d'un logement a décidé d'abandonner le ou les tarifs réglementés, aucun autre propriétaire ou occupant de ce logement ne pourra y avoir droit dans le futur.
En cas de déménagement, un contrat de fourniture d'électricité ou de gaz aux tarifs réglementés pourra être proposé par EDF ou GDF si le précédent occupant du logement bénéficiait déjà de ce type de contrat ou si l'emménagement se fait dans un logement neuf.
La libéralisation des marchés de l'énergie a été souhaitée par l'Union européenne afin de favoriser la concurrence entre les opérateurs, car elle a estimé que cette dernière ne pouvait être que profitable aux consommateurs. Encore faudrait-il qu'il existât une véritable concurrence entre les producteurs et les distributeurs d'énergie en Europe, ce qui est malheureusement loin d'être le cas !
Souvenons-nous de ce qui s'est passé pour les entreprises : celles qui ont cru devoir quitter les tarifs réglementés d'EDF ou de GDF depuis 1999 ou 2004 pour aller se fournir sur le marché européen à des prix peut-être plus attractifs au départ l'ont, très vite, amèrement regretté car, entre 2001 et 2006, les prix ont augmenté de près de 75 % sur le marché des professionnels.
Et nous sommes, ici, bien placés pour savoir qu'il a fallu légiférer dans l'urgence afin de permettre à ces entreprises de revenir, du moins partiellement, à des tarifs réglementés plus raisonnables.
Cette expérience malheureuse devrait conduire nos compatriotes à faire preuve de la plus grande prudence dans le choix qui leur est désormais offert.
De la même manière, ils devraient se méfier des offres qui leur sont désormais proposées par EDF ou GDF et qui combinent la fourniture des deux énergies. En effet, derrière la vertu simplificatrice de ne se voir adresser plus qu'une seule facture pour les deux énergies se profile l'abandon du tarif réglementé pour l'une d'entre elles : GDF a, certes, le droit de proposer du gaz au tarif réglementé, mais non de l'électricité, et inversement pour EDF !
Dans ces conditions, je suis très heureux que la conférence des présidents ait inscrit à l'ordre du jour de nos travaux les différentes propositions de loi qui ont été déposées sur ce sujet.
Pour différer par leur portée, elles nous permettent néanmoins de débattre d'un problème qui est tout à fait réel et qu'il va bien falloir régler dans les meilleurs délais.
Notre rapporteur, Ladislas Poniatowski, a raison de souligner que l'abandon des tarifs réglementés par l'occupant d'un logement, dans la mesure où cet abandon est irréversible, va pénaliser le ou les occupants suivants, lesquels pourraient subir des hausses des tarifs de gaz ou d'électricité alors qu'ils n'y sont pour rien.
Mais cette situation est tout aussi pénalisante pour le propriétaire en cas de vente de son bien, qui risque d'être déprécié dans la mesure où il ne bénéficierait plus du tarif réglementé.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Absolument !
M. Claude Biwer. Je rappelle à cet égard que, depuis peu, toute transaction, voire location, doit faire l'objet d'un bilan énergétique ! Peut-être y aura-t-il lieu de prévoir, dans la mise en place des baux, des conditions partenariales supplémentaires, ce qui serait extrêmement gênant.
Il conviendrait donc, au minimum, que les consommateurs puissent bénéficier des tarifs réglementés pour un site de consommation donné à partir du moment où ils n'auraient pas fait le choix, pour eux-mêmes, de la concurrence.
Mais je reconnais bien volontiers que la solution proposée par notre collègue Xavier Pintat est encore plus séduisante et, en tout cas, plus proche des préoccupations que j'ai évoquées dans une question orale sur ce sujet.
J'estimais en effet que l'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz, pour être effective, devrait s'accompagner de deux réformes.
La première, à l'instar de ce qui se pratique en Espagne, consisterait à instituer en faveur des consommateurs un « droit de remords » qui leur offrirait la possibilité de retourner vers les tarifs réglementés dans la mesure où les prix du marché deviendraient excessifs : c'est ce que propose notre collègue Xavier Pintat.
La seconde réforme, à l'image de ce qui se pratique en Grande-Bretagne, consisterait à créer sur Internet des comparateurs de prix indépendants qui informeraient les consommateurs en temps réel des contrats et des prix les plus avantageux.
En vérité, l'ouverture à la concurrence des marchés de l'énergie ne pourra fonctionner que si elle s'accompagne d'une vraie et saine concurrence entre opérateurs, ainsi que par la mise en place de véritables garanties pour les consommateurs.
Si tel ne devait pas être le cas, ce ne serait qu'un leurre qui pourrait entraîner une très grave désillusion chez les consommateurs.
J'ajoute qu'un autre souci les guette : le devenir des tarifs réglementés. On entend dire, ici ou là, que ceux-ci n'auraient plus qu'une espérance de vie très courte et pourraient être abandonnés dès 2010. Qu'en est-il exactement, monsieur le secrétaire d'État ?
En tout état de cause, j'ose espérer que, de nos travaux, surgira une solution satisfaisante, qui permettra à nos compatriotes d'effectuer dans la plus grande clarté le choix de leurs fournisseurs de gaz ou d'électricité, de revenir sur celui-ci en cas de besoin et de bénéficier ainsi, le plus longtemps possible, des tarifs réglementés.
C'est en ce sens que nous soutiendrons les conclusions de la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la Commission européenne conteste depuis plusieurs mois le maintien des tarifs réglementés de vente de l'électricité et du gaz au motif qu'ils constitueraient un obstacle au bon fonctionnement de la concurrence et pénaliseraient donc les consommateurs. Eh bien, nous contestons ce raisonnement !
Certes, les consommateurs français bénéficient d'un prix modéré de l'électricité en raison, d'une part, d'un parc nucléaire important et, d'autre part, de l'existence d'une réglementation tarifaire permettant de répartir la rente nucléaire au bénéfice du consommateur. Cependant, cette politique se fait non pas contre le marché, mais dans le marché, pour le réguler, et cette régulation n'est ni anticoncurrentielle ni « hors » directives européennes.
En effet, que nous propose-t-on comme modèle économique du secteur de l'énergie ? La croyance dans les vertus d'une concurrence pure et parfaite dont le libre exercice des forces aboutirait d'office à la satisfaction optimale de tous les acteurs, ce que l'on appelle l'« optimum économique ».
Force est de constater que, dans la réalité, l'efficacité de la régulation purement concurrentielle est plus que douteuse.
Depuis l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence, les prix sur le marché libre n'ont cessé de croître, jusqu'à atteindre des niveaux fortement pénalisants pour les entreprises qui ont choisi d'exercer leur éligibilité.
Comme le souligne le rapporteur de la commission des affaires économiques, aujourd'hui, « le prix du mégawattheure sur les marchés s'élève à plus de 70 euros tandis que le niveau des tarifs réglementés se situe entre 35 et 40 euros, selon les profils de consommation ».
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est exact !
M. Thierry Repentin. Cette analyse est d'ailleurs corroborée par l'INSEE, qui montre que « les prix de l'électricité pour les industriels ont considérablement augmenté depuis 2004 : de 6 % en 2004, de 9 % en 2005 et vraisemblablement de 9 % en 2006 ». Où allons-nous nous arrêter ?
Force est aussi de reconnaître qu'en laissant faire le marché on substitue au monopole public des grands groupes qui auront sur le marché un pouvoir certain et chercheront avant tout à répondre aux exigences d'actionnaires comme les fonds de pension.
On met donc un terme au monopole public, et l'on prend pour acquis le bon fonctionnement concurrentiel oligopolistique du marché de l'énergie, ce qui ne va absolument pas de soi.
La récente fusion GDF-Suez en est bien la preuve : un nouvel opérateur gaz-électricité émerge, qui aura certainement un pouvoir important sur le marché. Quid de la régulation tarifaire dans un contexte d'oligopoles à dominante privée, soucieux avant tout de répondre aux exigences de leurs actionnaires réclamant des dividendes de plus en plus élevés ? Comment éviter, dans ce cas, des tensions sur les tarifs d'électricité et de gaz ?
Par ailleurs, les consommateurs sont confrontés à de nouveaux risques dans le secteur de l'électricité et du gaz. Le consommateur ayant fait usage de son droit d'éligibilité aux tarifs de marché qui voudrait comparer les prix entre différents fournisseurs est bien embêté : les contrats proposés ne sont en effet pas comparables entre eux, car ils portent non pas uniquement sur la fourniture de kilowattheure d'électricité mais sur un panier de services. Or ces paniers de services ne sont pas identiques d'un opérateur à un autre ni même d'un contrat à un autre chez le même fournisseur. Imaginez la complexité de l'exercice !
Encore faut-il tenir compte de l'émergence, avec la libéralisation de ce marché, de bourses de l'électricité. Or les processus de formation des prix de l'électricité sur ces places d'échange restent opaques et semblent, en tout état de cause, ne tenir aucun compte des réalités physiques et économiques de l'électricité, bien qui se transforme mal et n'est pas stockable.
Le fonctionnement du marché fait que la confrontation de la courbe d'offre avec la courbe de demande conduit à fixer le prix de l'électricité au niveau du coût du moyen de production le plus cher, c'est-à-dire fonctionnant à partir des énergies fossiles.
Cela conduit aussi à des pressions sur les prix en même temps que cela réhabiliterait des productions émettrices de gaz à effet de serre, qui, du fait de la hausse des prix, seraient à nouveau rentables.
Le tarif réglementé joue en effet, au regard du développement durable, un rôle régulateur qu'il ne faudrait pas négliger.
Nous touchons là au coeur des propositions de loi examinées aujourd'hui.
Au total, la libéralisation des prix de l'électricité et du gaz revient à remplacer la maîtrise tarifaire politique et la régulation tarifaire du marché par une dose supplémentaire de concurrence au profit de quelques grands groupes et, au final, au détriment des consommateurs tant professionnels que domestiques.
Notre groupe n'a cessé de réaffirmer sa préférence pour un pôle public de l'énergie autour d'EDF et de GDF, seul capable d'assurer la sécurité de nos approvisionnements et la maîtrise publique tarifaire.
À ce titre, nous condamnons le démantèlement de nos outils de politique industrielle. Aujourd'hui, nous privatisons GDF. Pour demain, on nous annonce le mariage d'Areva avec un grand groupe français du bâtiment.
Comment interpréter autrement la perte de contrôle public de notre propre appareil énergétique ? D'autres ne s'y sont pas trompés, qui gardent une assise étatique forte. Il sera bien difficile de se mesurer à eux demain.
On vient de le voir : la libéralisation à marche forcée introduit de véritables désordres sur le marché de l'électricité et du gaz bien plus qu'elle ne contribue à répondre aux enjeux publics de l'énergie que sont, premièrement, la sécurité d'approvisionnement, deuxièmement, la modération des prix et, troisièmement, la diversification énergétique. J'en ajouterai un quatrième : la lutte contre la fracture énergétique et les inégalités.
Je souhaite évoquer ici l'effet pervers qu'induit la disparition des tarifs réglementés sur le pouvoir d'achat des ménages et sur le fonctionnement du marché immobilier, afin de montrer combien elle sera source d'inégalités parmi les locataires, d'une part, et parmi les propriétaires, d'autre part.
En l'état du droit, la renonciation aux tarifs réglementés a deux conséquences. Tout d'abord, ce choix est ferme et définitif : il est impossible de revenir en arrière, même au terme d'un contrat issu du marché libre. Ensuite, ce choix reste attaché au logement : il s'impose donc aux occupants futurs sans que ceux-ci aient aucun recours possible.
Cela signifie que les locataires, de même que les propriétaires occupants, seront enfermés dans le choix d'un jour - éventuellement réalisé sous forte pression commerciale -, voire dans le choix fait par un autre qu'eux !
Or on ne peut qu'être inquiet quant aux modalités de fixation des prix dits « libres ». Mon collègue Jean-Marc Pastor, dans le rapport qu'il a établi en juillet dernier sur l'approvisionnement électrique, rappelait que « le marché ne peut en aucun cas servir de modèle unique de fixation des prix de l'électricité ».
En effet, un tel fonctionnement reviendrait aujourd'hui pour la France à mettre un terme à l'avantage compétitif lié au nucléaire, avantage dont bénéficient les consommateurs, au nom d'une harmonisation communautaire des prix qui ne repose sur aucune logique industrielle solidement établie.
Les clients professionnels, on l'a déjà souligné, en ont fait les frais lors des premières phases de l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité : certains ont subi des hausses de plus de 60 % depuis 2002 ! Des installations industrielles solides se sont trouvées menacées et le sont encore dans leurs activités. Souvenez-vous des débats qui sont eu lieu ici ou à l'Assemblée nationale sur le cas des électro-intensives. Aucun élément ne laisse penser qu'il en sera autrement des particuliers.
Ainsi, le risque est grand de voir s'alourdir encore la facture énergétique des familles. Celles-ci y consacrent déjà près d'un tiers de leur budget logement.
Et les perspectives sont moroses. La flambée des prix du pétrole, tout au long de l'année 2005, maintenue à un haut niveau au cours des années 2006 et 2007, continue d'exercer ses effets sur le prix de l'énergie consommée par les ménages dans leur logement. Ainsi, la facture énergétique des familles s'alourdit à un rythme inquiétant : de 6 % en 2005, de 7,7 % en 2006.
Dans son rapport, notre collègue Ladislas Poniatowski précise que les dépenses des ménages consacrées au chauffage et à l'éclairage ont augmenté de 6,5 % en 2005 et de 5,7 % en 2006.
Or, chers collègues, je vous le dis avec certitude, ces hausses auraient été bien pires sans les tarifs réglementés d'électricité. Voulez-vous une justification de cette certitude ? Sur la même période, le prix du fioul domestique a augmenté de 30 % en 2005 et celui du gaz de 21 % en 2006.
C'est donc bien la stabilité des prix de l'électricité qui a exercé un effet modérateur important sur la facture énergétique des ménages. Cet effet modérateur est gravement menacé par la fin des tarifs réglementés.
S'ensuivront des inégalités : entre locataires qui auront renoncé ou non aux tarifs réglementés, entre locataires dont les prédécesseurs auront ou non renoncé aux tarifs réglementés, mais également entre propriétaires, qu'ils soient occupants ou bailleurs, dans la mesure où la valeur et l'attractivité locative de leurs biens pourront en être affectées.
Une partie du parc immobilier pourrait en effet être grevée d'une servitude privée en desserte énergétique.
Absurde conséquence de cette libéralisation mal pensée : on crée une obligation réelle immobilière à la seule initiative du locataire ! Le propriétaire bailleur peut voir les caractéristiques structurelles de son bien changer du fait d'un tiers, sans qu'il ait le moins du monde son mot à dire ou qu'il puisse envisager un système de compensation.
En d'autres termes, on crée bien une servitude ! Pourtant, la législation immobilière et locative n'a pas évolué pour tirer conséquences de ce bouleversement juridique : rien n'est prévu pour informer les futurs locataires ou acquéreurs de la situation du logement au regard du droit au tarif réglementé ; rien non plus n'est prévu pour associer le propriétaire du logement au choix du locataire si ce dernier souhaite exercer son éligibilité. Comment, d'ailleurs, accepter une quelconque tutelle de l'un sur l'autre dans ce choix ?
On voit bien la difficulté d'un tel dispositif : certes défendable au regard des conséquences irréversibles de la décision sur l'attractivité du bien, il serait abusif au regard du droit des baux locatifs et, en tout état de cause, irait à l'encontre des directives européennes qui font de l'exercice de l'éligibilité un droit personnel.
Dès lors, on peut imaginer l'apparition de deux marchés immobiliers : celui des logements pouvant bénéficier des tarifs réglementés et celui des logements n'y ayant plus droit.
Ces incohérences doivent être corrigées par le droit au retour aux tarifs réglementés.
Vous le savez, les parlementaires socialistes sont résolument attachés au maintien d'un service public de l'électricité et du gaz, gage de cohésion sociale et de protection des consommateurs. Ils sont aussi convaincus que nos débats sur l'organisation et le fonctionnement du marché énergétique devront, à l'avenir, changer de perspective : outre les enjeux relatifs à la production et à la sécurité des approvisionnements, nous devons absolument considérer les enjeux liés à la consommation.
Nous devons donc rechercher dès à présent à la fois la sobriété et la performance énergétiques. Ce double objectif exige de l'inventivité, il recèle un gisement d'innovations et il est source de « mieux-vivre ». Sobriété et performance doivent aussi constituer les deux piliers de notre politique énergétique. C'est la volonté des socialistes, et ils le démontrent déjà, à une autre échelle, dans les collectivités qu'ils dirigent.
Notre génération et celle de nos enfants doivent faire face à l'urgence du plus grave défi climatique de l'histoire de l'humanité. Il est plus que temps d'agir !
Dans cet esprit, et pour protéger le pouvoir d'achat menacé de nos concitoyens, nous avions déposé, le 26 juillet dernier, lors de la discussion du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, des amendements permettant le retour aux tarifs réglementés. Mme Lagarde nous avait objecté que cette démarche était prématurée, mais qu'elle saisirait la représentation nationale, en lien avec son collègue Jean-Louis Borloo, souhaitant que « ce dossier fasse l'objet d'une étude approfondie, d'un véritable débat, ce que ne permet pas le simple examen des amendements, au demeurant de qualité ».
Je ne sais quel est le résultat de l'étude approfondie annoncée par Mme Lagarde, mais j'espère qu'elle a été entreprise... Quoi qu'il en soit, je me réjouis que la discussion conjointe de trois propositions de loi nous permette d'engager cet après-midi le débat que Mme Lagarde regrettait de ne pouvoir entamer le 26 juillet dernier.
Je souhaite que le jugement porté sur nos amendements - « de qualité », selon la ministre - ne soit pas infirmé au seul prétexte que nous les avons logiquement transformés en proposition de loi. S'ils sont de qualité, adoptons-les, non pas pour la satisfaction du travail bien fait, mais pour protéger tout particulièrement les locataires clients du gaz et de l'électricité des effets d'une clause dolosive qui s'imposerait à eux comme aux propriétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sur le plan de l'activité législative, nous pouvons saluer le travail consciencieux et précis du rapporteur, qui essaie de trouver une solution pour les tarifs régulés, après la décision du Conseil constitutionnel en date du 30 novembre 2006.
Mais situons-nous sur le plan politique. La proposition de loi présentée aujourd'hui tend à réparer ou au moins à limiter les conséquences néfastes de l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité. La libéralisation des prix a entraîné une telle confusion, les factures des entreprises sur le marché libre de l'électricité ont tant augmenté que la prudence est de mise. Tel est le sens de cette proposition de loi, qui autorise certains consommateurs à revenir vers les tarifs réglementés.
Tout cela donne l'impression que l'UMP regrette les conséquences de cette marche forcée vers la concurrence alors qu'elle l'a acceptée au niveau européen.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean Desessard. Mais ce souci des consommateurs rencontre ses limites : les lobbies européens, la logique libérale européenne feront bientôt sauter tous les verrous. D'ailleurs, monsieur le rapporteur, vous avez anticipé ces résistances puisque votre proposition de loi limite elle-même ses effets au 1er juillet 2010.
M. Roland Courteau. C'est clair !
M. Jean Desessard. Eh oui !
Après tous ces débats, subsiste une interrogation : qu'est-ce qui justifie l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence,...
M. Daniel Raoul. On se le demande !
M. Jean Desessard. ... sinon par la volonté idéologique de tout libéraliser, de tout considérer comme une marchandise ?
Pourtant, c'est la puissance publique protège les consommateurs, oriente les investissements et permet la maîtrise de la consommation. Car enfin, un des objectifs principaux de la politique de l'énergie - mais il n'en sera pas question aujourd'hui - est la réduction de la consommation. Pour atteindre cet objectif et, en même temps, sortir du nucléaire, nous aurons besoin d'un secteur public cohérent, décentralisé, à la pointe de la technique dans le domaine des énergies renouvelables. C'est pourquoi nous refusons la logique qui a entraîné la privatisation d'EDF et de GDF.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Jean Desessard. En effet, comment aborder le problème de la réduction de la consommation alors que le marché pousse à la croissance ? Comment concilier la recherche du profit maximal, donc de la vente maximale, et une politique de décroissance de la consommation d'énergie ? Telle est la question qui se pose, mais ce débat n'aura pas lieu aujourd'hui.
Certains sénateurs ont parlé de « rente nucléaire »...
M. Roland Courteau. Daniel Raoul !
M. Jean Desessard. Oui, mais j'ai l'impression qu'un certain nombre d'autres collègues ont également adhéré à cette idée !
À mon avis, cette rente nucléaire n'existe pas. Tout d'abord, le kilowattheure d'EDF n'est pas si bon marché quand on le compare aux tarifs pratiqués chez nos voisins puisque, sur vingt-cinq pays européens, il n'arrive qu'au quinzième rang pour le prix hors taxe du kilowattheure domestique.
Par ailleurs, comment évaluer la manne dont a bénéficié EDF, au départ, pour ses investissements ? Comment évaluer l'incidence du nucléaire sur la recherche dans le domaine de l'énergie, dont il absorbe 90 % des crédits ? Comment évaluer le véritable coût du démantèlement des centrales nucléaires ? Comment évaluer le prix du traitement des déchets radioactifs ? L'ensemble pourrait atteindre plusieurs centaines de milliards d'euros : je ne pense donc pas qu'on puisse parler d'une « rente nucléaire » ; il s'agit plutôt d'un déficit que nous n'avons pas encore chiffré.
Enfin, le nucléaire induit deux autres types de coûts qui mériteraient également d'être mesurés.
D'une part, il est impossible de chiffrer le risque, toujours présent, d'un accident nucléaire, qu'il soit lié à un séisme, à un attentat, à un accident quelconque ou à une défaillance humaine. Nous n'avons pas le droit d'exclure a priori l'hypothèse d'un Tchernobyl « à la française ». Et comment l'évaluer ?
D'autre part, comment évaluer également le coût des dangers que fait courir la prolifération nucléaire à l'échelle mondiale, qu'il s'agisse de l'utilisation du nucléaire par le terrorisme, de l'escalade d'un conflit qui entraînerait le recours à l'arme nucléaire, du sous-équipement de nations incapables d'assurer la sécurité de leurs installations nucléaires ?
À ce sujet, il me semble regrettable que le Président de la République se soit attribué le rôle de VRP du nucléaire, d'abord en Libye, puis à la tribune de l'ONU.
Il est donc impossible de parler de concurrence dans le domaine de l'énergie tant que ne sont pas évalués les véritables coûts, notamment écologiques, de l'industrie nucléaire.
M. Daniel Raoul. Et les coups de grisou, à combien les évaluer ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Comment les écologistes abordent-ils le problème de la tarification de l'électricité ? Ils estiment qu'une double contrainte doit être prise en compte : l'électricité est un produit de première nécessité, d'une part, dont la consommation doit être réduite, d'autre part.
C'est pourquoi nous préconisons la tarification progressive, comme nous l'avons fait pour l'eau, en diminuant la part fixe des factures d'électricité, grâce à la gratuité ou au faible coût des premiers kilowattheures, destinés à satisfaire les besoins de base, puis en augmentant progressivement les tarifs au fur et à mesure de la consommation. Nous devons sortir d'un système aberrant où le prix de l'électricité est dégressif et où sont encouragés ceux qui utilisent l'énergie sans retenue, voire la gaspillent.
Le fameux « droit à l'énergie » ne se résume pas à un droit de tirage infini ouvert à tout un chacun. Au contraire, la prestation en énergie doit être considérée globalement comme un service et non comme un simple flux d'énergie. Je préfère invoquer, par exemple, le droit à être éclairé et chauffé, à faire fonctionner des équipements ménagers, plutôt que de raisonner en nombres de kilowattheures. Ainsi, il n'est plus soutenable de proposer du chauffage électrique aux consommateurs qui vivent dans les conditions les plus précaires, car ce mode de chauffage revient trop cher et son coût sera, de fait, supporté par les services sociaux. Nous devons proposer des équipements économes, pour atteindre une réduction de la consommation, seule politique énergétique véritablement alternative.
Monsieur le rapporteur, nous allons voter cette petite proposition de loi visant à maintenir les tarifs régulés, mais nous nous opposons à la libéralisation du marché de l'énergie et à la persistance de l'investissement dans le nucléaire. En outre, nous attendons du « Grenelle de l'environnement » un véritable plan de réduction de la consommation d'énergie.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne suis pas sûr que vous soyez entendu !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. À ce stade de la discussion, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite apporter quelques éléments de réponse à vos interventions.
Nos échanges montrent que le travail réalisé en commission, en particulier par le rapporteur, a été difficile. Il a fallu concilier trois éléments : tout d'abord, corriger une situation jugée incohérente et injuste, à la suite du vote de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, puis de la censure du Conseil constitutionnel, ...
M. Daniel Raoul. Quel aveu !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. ... ensuite, respecter les considérants de la décision du Conseil constitutionnel et, enfin, éviter de multiplier les difficultés avec les institutions communautaires.
Le texte que vous défendez aujourd'hui devant votre assemblée, monsieur le rapporteur, permet d'atteindre cet objectif avec un souci d'équilibre que le Gouvernement reconnaît.
Je souhaite maintenant répondre de manière plus précise aux diverses interventions.
Monsieur Raoul, vous vous interrogez sur les contentieux relatifs aux tarifs réglementés actuellement en cours, notamment devant les instances communautaires.
Sachez tout d'abord que le Gouvernement est très attaché aux tarifs réglementés. Il les défendra avec vigueur et sans états d'âme vis-à-vis des autorités communautaires, comme il l'a toujours fait jusqu'ici. (M. Daniel Raoul s'exclame.) Rien ne nous autorise à penser que les tarifs réglementés pourraient être supprimés en 2010, comme je l'ai entendu dire à plusieurs reprises cet après-midi.
M. Daniel Raoul. Alors, supprimez cette date du texte !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Pintat, vous soulevez la question de la réversibilité. Le Gouvernement comprend votre point de vue, même si ses conclusions diffèrent de celles que vous tirez de votre analyse.
Sur le fond, vos propositions remettraient en cause la position adoptée par les gouvernements successifs depuis 2000, qui ont toujours affirmé leur attachement aux grands principes de la réforme : irréversibilité de l'éligibilité, d'une part, et transition progressive vers le marché, d'autre part.
Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait qu'elles pourraient fragiliser la position de la France dans le cadre des procédures communautaires en cours, ce que le Gouvernement ne souhaite évidemment pas.
Monsieur Billout, le Conseil constitutionnel aurait affirmé, selon vous, l'incompatibilité des tarifs réglementés avec l'ouverture à la concurrence. Le Gouvernement ne partage pas votre appréciation. En effet, les tarifs réglementés sont maintenus, comme je viens de l'indiquer, et la philosophie du système actuel consiste à permettre au consommateur de conserver le bénéfice du tarif réglementé ou de choisir une offre sur le marché, assortie, le cas échéant, de services innovants proposés par les différents opérateurs. La France défendra l'économie de ce système dans le cadre des contentieux qui sont en cours avec la Commission européenne.
Par ailleurs, vous vous interrogez sur la pérennité du service public dans les secteurs de l'électricité et du gaz. Le service public est maintenu, sans ambiguïté : les lois votées depuis 2000 précisent la nature de ses missions, désignent ses responsables et définissent son mode de financement. Le service public est donc clairement inscrit dans la loi.
MM. Biwer et Repentin ont évoqué tous deux la transparence des marchés de l'électricité et du gaz, s'agissant notamment des prix. Vous avez raison, messieurs les sénateurs, et le Gouvernement est sensible à votre argumentation. C'est la raison pour laquelle il a pris un certain nombre de mesures.
Avec la Commission de régulation de l'énergie, nous avons, je vous le rappelle, créé un site Internet d'information sur l'électricité et le gaz, qui est ouvert depuis juillet. Toujours en étroite coopération avec la CRE, nous avons mis en place un certain nombre de services qui permettent au consommateur de s'informer et de comparer les tarifs, dans le cadre de l'ouverture du marché à la concurrence.
À cet égard, je rappelle que le Parlement a institué un médiateur national de l'énergie, qui est en cours d'installation et dont la mission est précisément d'assurer une plus grande transparence et une meilleure information au profit de l'ensemble des consommateurs. Le Gouvernement continuera, bien sûr, à observer avec une grande attention l'évolution de l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie et prendra, si nécessaire, de nouvelles mesures en la matière.
Quant à M. Desessard, il a brossé de l'avenir un tableau qui m'a paru bien sombre !
M. Jean Desessard. Ça !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Il considère que le maintien d'un tarif réglementé et l'ouverture à la concurrence ne sont pas compatibles. Depuis le début de mon intervention, je souligne que le Gouvernement ne partage pas cette analyse et qu'il continuera à défendre le dispositif existant sans états d'âme.
Tels sont les éléments de réponse que je tenais, en cet instant, à présenter à la Haute Assemblée.
12
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires culturelles et la commission des finances ont proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Philippe Richert, membre titulaire du Haut conseil des musées de France ;
- M. Christian Gaudin, membre titulaire de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, et membre suppléant du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.
13
Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel
Suite de la discussion et adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission
M. le président. Nous reprenons la discussion des conclusions de la commission des affaires économiques relatives aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel.
Nous en sommes parvenus à l'examen des articles.
Article additionnel avant ou après l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'un consommateur final domestique d'électricité a exercé pour la consommation d'un site la faculté prévue au I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, il peut à nouveau bénéficier des tarifs réglementés de vente d'électricité mentionnés au premier alinéa du I de l'article 4 de la même loi, moyennant un délai minimum de trois mois avant résiliation du contrat aux tarifs non réglementés. Sous ces conditions, la résiliation de son contrat aux tarifs non réglementés n'implique aucune pénalité. »
La parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Nous tenons à rappeler, au travers de cet amendement, que nous sommes clairement opposés à l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité pour les particuliers. Je défendrai la même position tout à l'heure s'agissant du gaz, à l'occasion de la présentation de l'amendement n° 4.
Nous l'avions déjà dit lors de l'examen en séance publique du projet de loi relatif au secteur de l'énergie : il est fondamental qu'une régulation tarifaire publique soit maintenue, notamment au profit des ménages.
Comme vous l'avez vous-même fait remarquer, monsieur le rapporteur, la consommation d'électricité des ménages a crû fortement au cours des dix dernières années, puisqu'elle a augmenté de plus de 24 % depuis 1996. De même, les dépenses des ménages consacrées au chauffage et à l'éclairage ont progressé de 6,5 % en 2005 et de 5,7 % en 2006.
La part du budget des ménages allouée aux dépenses d'énergie ne cesse donc de croître, ce qui ampute d'autant leur pouvoir d'achat. Or on a pu observer que la libéralisation du marché de l'électricité avait entraîné une explosion des prix pour les entreprises qui avaient choisi d'exercer leur éligibilité. En effet, sur le marché libre, le prix du mégawatheure électrique a dépassé 70 euros, alors qu'il n'excède pas 40 euros, et même 35 euros pour certains contrats, dans les tarifs régulés.
L'ouverture à la concurrence, pour les ménages qui auront renoncé au tarif réglementé ou changé de fournisseur, risque également de se traduire par une hausse de leur facture énergétique. Le danger est bien réel que certains d'entre eux ne basculent dans le secteur tarifaire non réglementé sans en avoir réellement mesuré les conséquences à terme. À l'instar des entreprises qui se sont fait prendre au piège de contrats alléchants lors de l'ouverture du marché à la concurrence, les particuliers risquent d'être attirés par des contrats affichant des prix d'appel et quelques services supplémentaires. À cet égard, les propositions de toutes sortes ne manquent pas, qui sont parfois même à la limite de la malhonnêteté.
Il s'agit donc, par cet amendement, de permettre aux ménages de revenir le cas échéant aux tarifs réglementés de vente d'électricité, pour leur éviter de subir une hausse importante de leur facture énergétique.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, il est inséré un article 30-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 30-1-1. - Tout consommateur final domestique d'électricité bénéficie pour le site pour lequel il en fait la demande à son fournisseur du dispositif relatif au tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché prévu par l'article 30-1. Ce tarif ne peut être supérieur de plus de 3 % au tarif réglementé de vente hors taxes applicable à un site présentant les mêmes caractéristiques. »
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, je souhaite rectifier cet amendement afin qu'il puisse être examiné à l'article 1er.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est en effet logique !
M. le président. Il s'agira donc de l'amendement n° 5 rectifié, qui sera appelé lors de l'examen de l'article 1er.
L'amendement n° 15, présenté par M. Billout, Mmes Didier et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 66-3. - Par dérogation à l'article 66, tout consommateur final domestique d'électricité bénéficie des tarifs réglementés de vente d'électricité mentionnés au premier alinéa du I de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée pour la consommation d'un site, même s'il a fait usage pour ce site de la faculté prévue au I de l'article 22 de la même loi. »
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Mon intervention vaudra pour les amendements nos 15 et 16.
Voilà un an, nous étions réunis pour examiner le projet de loi relatif au secteur de l'énergie, texte qui visait à mettre en oeuvre avec un zèle extrême les directives communautaires concernant l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique.
Déjà, à l'époque, l'expérience catastrophique vécue par les consommateurs finaux non domestiques n'avait pas suffi à convaincre la majorité du danger de la libéralisation du secteur énergétique. Ainsi, la droite avait voté une loi permettant au consommateur d'exercer son éligibilité, bientôt de manière irréversible, alors même qu'elle avait prévu une disposition transitoire pour les entreprises, disposition corrigeant maladroitement les effets pervers de la libre concurrence.
Aujourd'hui, plusieurs propositions de loi ont été déposées afin de revenir sur le caractère irréversible de l'exercice de l'éligibilité. Curieusement, ces textes sont débattus alors même que les consommateurs domestiques, prudents, ont décidé, dans leur très grande majorité, de ne pas renoncer aux tarifs réglementés. Il serait d'ailleurs intéressant de savoir qui, parmi les grands défenseurs des tarifs libres, a choisi d'opter pour ceux-ci ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Le rapport de M. Poniatowski dénonce très clairement le piège qui s'est refermé sur les entreprises, avec une attractivité initiale des tarifs libres de l'électricité, suivie d'une montée soudaine des prix. Il décrit avec une grande justesse la marche forcée vers la libéralisation et la volonté originelle d'une « extinction progressive du nombre de clients bénéficiant d'un tarif réglementé afin de favoriser la concurrence et l'apparition d'opérateurs alternatifs ».
Hélas ! le contenu de la proposition de loi qu'il nous soumet n'est pas à la mesure de la situation dénoncée. En effet, si une personne a renoncé aux tarifs réglementés, il ne lui est pas permis, selon la lettre du texte, d'y revenir, à moins qu'elle ne change de site de consommation. Ainsi, si un consommateur qui bénéficie des tarifs libres désire revenir aux tarifs réglementés au motif - et on en imagine mal d'autres - qu'ils sont plus avantageux, il ne pourra pas le faire.
En outre, cette solution nous semble peu respectueuse du principe d'une concurrence libre et non faussée. Elle est en tout cas très problématique du point de vue de la protection du pouvoir d'achat du consommateur.
Étant donné l'intérêt que semble porter le Gouvernement à cette question vitale pour nos concitoyens, nous sommes persuadés, chers collègues de la majorité, que vous conviendrez de la nécessité de mettre en place une réversibilité totale et que vous voterez donc nos amendements.
Rappelons que la facture énergétique acquittée par les Français, qui constitue une dépense difficilement compressible, a des répercussions importantes sur leur pouvoir d'achat. La part du budget des ménages consacrée aux frais de logement et d'énergie est aujourd'hui de 16,5 %, et atteint même 23 % pour les ménages les plus modestes, parfois logés dans des conditions particulièrement difficiles. Or la libéralisation totale du secteur de l'énergie expose les ménages, notamment les plus modestes d'entre eux, au risque d'une augmentation importante de leur facture d'électricité et de gaz.
En ce qui concerne la date butoir de 2010, nous considérons qu'il n'est pas concevable, si les tarifs réglementés continuent d'exister, d'encadrer la faculté d'y revenir dans le temps. De plus, aucun argument en faveur de cette date énigmatique ne nous semble démontrer le contraire. En effet, il est illusoire, selon nous, de croire que l'inscription d'une date butoir influencera les discussions avec la Commission européenne.
Par deux de nos amendements, nous souhaitons donc instituer une réversibilité totale, pour l'électricité et le gaz, sans limite dans le temps et quelles que soient les décisions prises antérieurement par les consommateurs.
Cela étant, au fond, la véritable question est celle de la réalité de la volonté de maintenir les tarifs réglementés. Or cette volonté est politique, car les obstacles juridiques pourraient être levés. Ainsi, en ce qui concerne le droit communautaire, le rapport de la mission commune d'information du Sénat sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver expose très clairement que le maintien des tarifs réglementés n'est pas incompatible avec le droit communautaire dans la mesure où le niveau des tarifs permet de couvrir les coûts supportés par les opérateurs.
C'est pourquoi ces discussions que nous avons aujourd'hui sur la réversibilité de l'exercice de leur éligibilité par les consommateurs domestiques n'ont de sens que si l'État, réellement soucieux du pouvoir d'achat de nos concitoyens, est conscient de la particularité du « bien énergie » et mène une politique nationale et européenne en faveur de la seule protection du service public de l'énergie.
Dans cet espoir, nous demandons au Sénat d'adopter nos deux amendements nos 15 et 16.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 3 et 15 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce que souhaitent les auteurs de l'amendement n° 3, c'est permettre des allers et retours à volonté entre les tarifs réglementés et les offres libres.
Je serais tenté de dire que, dans un monde parfait, ils auraient raison. Malheureusement, il existe un contexte bien particulier, que M. le secrétaire d'État et moi-même avons rappelé tout à l'heure. Je mettrai en exergue trois de ses éléments.
Il y a tout d'abord les contentieux. Ils sont importants, et les décisions prises les concernant pourraient avoir des conséquences graves. Ce n'est donc pas le moment de « braquer » Bruxelles contre la France. Au contraire, je pense qu'il faut montrer une certaine souplesse.
M. Daniel Raoul. C'est ça, couchons-nous tout de suite !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Le deuxième élément, c'est que Bruxelles ne conteste pas le principe de la réversibilité ; la Commission européenne s'inquiète des conséquences que pourrait emporter la réversibilité compte tenu de l'existence, dans notre pays, d'une différence considérable entre les tarifs du secteur libre et ceux du secteur réglementé. Si la France est dans le collimateur de Bruxelles, c'est parce que nous ne sommes pas dans la même situation que nos partenaires à cet égard. Certes, comme l'ont souligné MM. Pintat et Raoul, d'autres pays de l'Union européenne prévoient une réversibilité, mais le différentiel de prix de l'électricité entre tarif réglementé et tarif libre est infime, tandis que chez nous l'écart est très important.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ah, ah ! Dans quel sens ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Entre le tarif réglementé que peut garantir EDF et le tarif libre qui a été atteint pour les entreprises - il est très difficile d'avoir des données en ce qui concerne les ménages -, la différence est substantielle. C'est pourquoi la France est davantage sous surveillance que d'autres pays.
M. Jean-Luc Mélenchon. Quelle tyrannie !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce n'est donc pas le moment de faire de la provocation. Notre situation est donc très particulière, et c'est la raison pour laquelle je suis défavorable à la disposition présentée.
Le troisième élément, c'est que la base de ce texte, dont la portée est relativement modeste, consiste en l'instauration d'une date butoir. Elle doit vous permettre, monsieur le secrétaire d'État, de négocier avec Bruxelles. Au cours de cette négociation, s'agissant toujours de ce problème de prix, il faudra bien préciser que le tarif réglementé n'est pas un tarif aidé par l'État ; c'est un tarif qui traduit le coût réel de production de l'électricité dans notre pays.
Il faudra donc convaincre Bruxelles qu'il s'agit non pas d'un tarif subventionné, mais d'un prix qui reflète la particularité française : notre électricité est dans une large mesure d'origine nucléaire. Contrairement à ce qu'a dit M. Desessard, l'énergie nucléaire nous permet d'aboutir à un prix de l'électricité beaucoup plus faible que ce qu'il est dans la quasi-totalité des autres pays européens. Sur ce point, j'ai été très surpris par le chiffre qu'a cité notre collègue. Je ne le connaissais pas, et je ne sais pas d'où il sort. M. Desessard nous éclairera sans doute tout à l'heure quand il présentera les amendements qu'il a déposés !
En tout état de cause, la commission est défavorable à l'amendement n° 3.
En ce qui concerne l'amendement n° 15, je relève que prévoir une date butoir constituerait, aux yeux de ses auteurs, un aveu de faiblesse de ma part.
M. Michel Sergent. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En ce qui me concerne, je considère qu'il s'agit au contraire d'un élément stratégique, qui nous donnera davantage de force dans la négociation. Oui, cette proposition de loi est modeste ; oui, c'est un texte transitoire, comme vous avez été plusieurs à le dire, qui ne s'appliquera que pendant trois ans. Cependant, ces trois ans sont très importants dans l'optique d'une négociation avec Bruxelles. (M. Daniel Raoul manifeste son scepticisme.)
Nous aurons à plusieurs reprises l'occasion de revenir sur cette date butoir. En tout état de cause, il s'agit non pas de se lier les mains, mais de se montrer diplomate. Je vous rappelle que, la semaine dernière, la Commission européenne a présenté un nouveau train de propositions législatives dans le domaine de l'énergie, que l'on appelle le « troisième paquet énergie ». Nous allons donc entrer dans une phase de négociations relatives à ces nouvelles propositions. Ce sera une occasion privilégiée, pour le Gouvernement, de discuter avec Bruxelles. En outre, comme je l'ai dit en commission, le fait que la France assurera bientôt la présidence de l'Union européenne nous placera peut-être en meilleure posture pour tenter de négocier.
En tout cas, ce n'est pas le moment d'affaiblir notre position en adoptant une mesure dont l'application serait illimitée dans le temps. Par conséquent, la commission est défavorable à l'amendement n° 15.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 3 et 15, car ceux-ci tendent à remettre en cause la position défendue de manière constante, depuis 2000, par tous les gouvernements français successifs, ...
M. Daniel Raoul. Ça, c'est faux !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. ... en ce qui concerne l'ouverture du marché de l'électricité. En effet, comme je le soulignais tout à l'heure, cette dernière implique à la fois l'irréversibilité du choix du consommateur et la garantie d'une transition progressive vers un marché ouvert et concurrentiel.
En outre, comme M. le rapporteur vient de l'indiquer, les aménagements proposés à travers ces amendements fragiliseraient notre position vis-à-vis des instances européennes. S'ils étaient mis en oeuvre, notre pays reviendrait sur la position équilibrée qu'il a définie et qui combine le maintien de tarifs réglementés et le développement d'un marché garantissant aux consommateurs, dans un cadre concurrentiel, de nouvelles offres tarifaires accompagnées de nouvelles offres de service.
M. le président. La parole est à M. Michel Sergent, pour explication de vote.
M. Michel Sergent. Monsieur le rapporteur, vous avez développé plusieurs arguments pour appeler au rejet de ces amendements.
Tout d'abord, vous soulignez l'existence de contentieux communautaires, pour conclure qu'il ne faut pas aller à l'encontre des décisions de l'Union européenne. Mais, de grâce, attendons que les instances communautaires concernées se soient prononcées ! À suivre votre logique, il serait inutile d'attendre le verdict d'un procès dans lequel on s'est engagé, quel qu'il soit : il faudrait renoncer tout de suite, de peur de perdre ! Non ! Un contentieux a été entamé et il existe une cour de justice pour le trancher. Attendons au moins que celle-ci nous dise ce qu'elle en pense.
Par ailleurs, vous soulignez qu'il existe de très gros écarts entre les prix pratiqués en France. Toutefois, ce sont les seuls tarifs domestiques qui sont ici concernés, ...
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Michel Sergent. ... c'est-à-dire les tarifs bleus. Or s'il y a des prix qui couvrent complètement les coûts de production, ce sont bien les tarifs bleus ! Sur les tarifs verts et jaunes, on peut éventuellement discuter, comme l'a fait d'ailleurs la Commission, mais, pour ce qui concerne les tarifs bleus, l'argumentation ne tient pas !
M. Jean Desessard. Il est malvenu de parler de tarifs « verts » s'agissant d'énergie nucléaire ! (Sourires.)
M. Michel Sergent. C'est pourquoi ces amendements doivent, me semble-t-il, être adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je comprends les motivations de ceux qui s'efforcent de sauver la loi adoptée en 2006, et je ne reviendrai pas sur les propos que j'ai pu tenir alors.
Je soulignerai seulement le caractère absolument incroyable de la situation que nous nous efforçons aujourd'hui de corriger. Il s'agit prétendument d'une situation de marché, dans laquelle, par conséquent, selon vos principes, chers collègues de la majorité, la loi de l'offre et de la demande devrait s'exercer librement. Pourtant, l'un des protagonistes de ce marché, en l'occurrence l'acheteur, sitôt qu'il a signé un bout de papier, non seulement a les mains attachées dans le dos, mais encore assujettit les occupants ultérieurs de son logement puisque personne ne peut revenir après lui au tarif réglementé !
Quel rapport y a-t-il entre cette situation et les grands principes de la « concurrence libre et non faussée » posés par le traité de Rome et les traités européens suivants ? Mes chers collègues, il me semble qu'ici la concurrence n'est ni libre ni non faussée ! Autrement dit, il ne s'agit à l'évidence que d'un prétexte pour accéder à un espace de profits accrus.
Nous, Français, nous ne pouvons l'accepter, que nous soyons de droite ou de gauche. Je sais bien qu'une certaine droite, aujourd'hui au pouvoir, considère que le libéralisme n'a que de bons côtés. Mais un certain nombre de mes collègues de la majorité commencent eux aussi à s'inquiéter, car ils sont attachés au résultat des efforts des générations précédentes, qui ont garanti aux Français une certaine autonomie dans leurs approvisionnements énergétiques et ont permis à chaque citoyen d'accéder à un bien dont il ne peut se passer, à savoir l'énergie.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous l'affirme : cela va mal finir ! Vous devriez prendre conscience des dégâts qui s'annoncent, et pas seulement du fait des privatisations qui ont déjà été engagées. Considérez cette mesure par rapport à son environnement et songez aux braves gens, au commun des mortels, auxquels elle va s'appliquer.
Imaginez une personne qui s'est endettée pour acheter son logement, et ce d'autant plus facilement que le Président de la République a affirmé que la France devait être un pays de propriétaires et que l'hypothèque rechargeable a été mise en place, de même que nombre d'autres mécanismes de facilitation du crédit immobilier, dont nous avons déjà constaté les effets, notamment aux États-Unis d'Amérique.
Voilà que cette personne s'entend dire à la télévision qu'on lui donne le choix entre deux offres, l'une proposée par EDF et l'autre dite « libre », et qu'ainsi elle peut voir sa note d'électricité baisser de dix ou vingt pour cent. Qu'est-ce qui pourra la retenir, alors qu'elle est prise à la gorge, de sortir du tarif réglementé et d'opter pour le tarif privé afin de tenter d'amoindrir l'effort financier qu'elle doit consentir ? Rien, à l'évidence !
Et que se passera-t-il demain, quand la situation se retournera et que le tarif dit libre commencera à grimper, comme il l'a fait partout dans le monde, sans aucune exception ? M. le secrétaire d'État nous citera peut-être un cas exceptionnel, un endroit du monde où l'électricité a coûté moins cher dès lors qu'elle a été privatisée, mais, pour ma part, je suis quasiment certain qu'il n'en existe aucun, et dans aucun pays !
Par conséquent, cette personne se trouvera prise en tenaille entre l'augmentation du coût de la fourniture électrique de base de son logement et l'accroissement des versements destinés à payer ses emprunts, car on a désormais étendu le système des taux permettant d'augmenter de façon vertigineuse le niveau du remboursement exigible au bout d'un certain nombre d'années de prêt !
Ainsi, nous aurons réuni nous-mêmes toutes les conditions qui ont conduit au désastre observé aux États-Unis d'Amérique, où près d'un million de personnes ont été chassées de chez elles et où à peu près deux millions d'autres attendent leur tour dans les prochains mois.
On dira qu'il s'agit d'une extrapolation et que je vais beaucoup trop loin. Mais précisément, quand nous avons décidé de développer l'énergie nucléaire - j'assume ici le risque de déplaire à certains de mes collègues -, quand nous avons mis en place une politique énergétique ou une politique du logement, n'essayions-nous pas de planifier à long terme ? Or, ici, nous ne planifions rien ! Nous nous en remettons au dieu abstrait du marché, en espérant qu'il réglera nos problèmes.
Notre collègue Ladislas Poniatowski est, bien sûr, assez habile pour ne pas donner à sa proposition une portée trop générale. Il affirme qu'avec ce texte nous nous donnons seulement les moyens de négocier avec Bruxelles.
Je comprends bien que nous nous sommes mis dans une si mauvaise passe qu'il nous faut nous donner les moyens de négocier ! Mais il est tout de même incroyable que nous, Français, en soyons à craindre l'avis de la Commission de Bruxelles, qui n'est mandatée par personne, élue par personne, et qui va décider pour nous de ce qui est bon ou pas, tandis que, tremblants, nous nous demandons si, par hasard, le fait d'être Français, comme nous le sommes depuis toujours, et nos modes de fonctionnement ne constitueraient pas une provocation pour Bruxelles !
Franchement, je crois que nous atteignons ici des sommets ! Monsieur le secrétaire d'État, je l'affirme tranquillement, en tant que sénateur de base : vous verrez, quand les Français comprendront qu'ils ne peuvent pas revenir à un tarif d'électricité normal, qui a pourtant été financé par les efforts des générations précédentes, parce que quelqu'un, à Bruxelles, a décidé que ce n'était pas conforme à des décisions prises dans le secret d'un bureau, ça va chauffer dans les chaumières ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Marques d'ironie sur les travées du groupe UMP.)
Mme Isabelle Debré. Ça va chauffer, mais sans électricité ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous voulez dire que nous aurons fait des économies d'énergie ?
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le rapporteur, il existe, me semble-t-il, un hiatus entre nos deux visions de ce problème.
J'ai pris parfois sur l'Europe des positions différentes de celles de Jean-Luc Mélenchon, mais je trouve que, pour le coup, on fait jouer à l'Union européenne un bien mauvais rôle dans ce dossier.
Vous avez affirmé, monsieur le rapporteur, que l'Union européenne ne contestait pas la réversibilité du choix de l'utilisateur, mais le niveau du tarif réglementé en France, qui ne garantirait pas une libre concurrence entre les différents prestataires en matière électrique.
Pour ma part, je suis effaré de constater que nous allons plus loin que les demandes de l'Union européenne. Je fais référence à la date butoir du 1er juillet 2010 : à ma connaissance, l'Union européenne n'a jamais imposé cette échéance, pas plus qu'une autre d'ailleurs !
Je développerai quelques comparaisons pour montrer que, parfois, on fait endosser le mauvais rôle à l'Europe, et ce de façon infondée.
Nous, parlementaires, nous avons tenté pendant cinq ou six ans d'obtenir une TVA à 5,5 % sur les réseaux de chaleur, qui constituaient une spécificité de la France, même s'il y en a quelques-uns en Belgique. L'Union européenne a refusé, au motif que la France constituait un cas unique, que ces réseaux étaient peu intéressants et que les services du commissaire à la concurrence, qui n'était pas encore Mme Neelie Kroes, s'opposaient à ce taux réduit.
Puis l'Union européenne s'est élargie aux pays de l'Est, notamment la Pologne, la Lituanie et l'Estonie, qui possèdent elles aussi des réseaux de chaleur, et avec leur appui nous avons pu faire admettre qu'une TVA à taux réduit ne remettait pas en cause la concurrence pour ce type de services.
Autre exemple, tout à fait d'actualité : l'Union européenne conteste aujourd'hui le système un peu particulier qui nous permet de collecter l'épargne de nos concitoyens, à savoir le livret A.
Le livret A existe dans notre pays depuis 1870 ! Il fonctionne très bien, rémunère correctement l'épargne de nos concitoyens, même si nous souhaiterions qu'il la rétribue mieux encore, et il nous permet de disposer d'une épargne que ne grèvent pas des taux d'intérêts trop élevés, afin de construire du logement social
Or la Commission affirme aujourd'hui qu'il s'agit d'une spécificité française, qu'il faut donc gommer. La France a refusé de s'incliner et a saisi la Cour de justice des communautés européennes. C'était la décision du précédent Président de la République, confirmée sans doute par son successeur et par le nouveau gouvernement, et sur ce point nous sommes derrière eux.
Il en va de même, d'une certaine façon, pour les tarifs de l'électricité. Il s'agit également d'une spécificité française, liée à l'existence d'un parc nucléaire ancien qui rend relativement peu onéreux le tarif de l'électricité. Monsieur le rapporteur, nous pouvons ou non être d'accord avec l'expression de « rente nucléaire ». Toutefois, pour ma part, et je tenais à clarifier ce point, je ne veux pas qu'à l'issue de ces débats on affirme que nous avons été obligés de légiférer parce que Bruxelles nous l'imposait !
J'estime au contraire que nous pouvons discuter avec Bruxelles, sans nous autocensurer au grand dam de nos concitoyens, qui ne sauront pas si, après 2010, ils pourront ou non revenir à un tarif attrayant, alors que celui-ci a une incidence directe sur leur pouvoir d'achat. Il s'agit là d'une appréciation différente de l'action de notre État par rapport à l'Union européenne.
On dit trop souvent que l'Union européenne est la cause de certains maux sur le territoire national ; or ce type de position conforte ceux qui sont contre l'Europe, ce qui n'est pas mon cas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Et qu'en pense le FMI ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous légiférons parce qu'une décision du Conseil constitutionnel a créé deux injustices, l'une au détriment du consommateur final, l'autre au préjudice des propriétaires, comme plusieurs d'entre vous l'ont rappelé. Tel est l'objet du texte que je vous soumets.
C'est pourquoi j'ai dit qu'il s'agissait d'une proposition de loi très modeste. Si nous débattons de problèmes plus vastes, c'est parce que le texte de certains amendements va bien au-delà de la proposition de loi, je crois que vous en êtes conscients.
M. Daniel Raoul. Faute avouée est à demi pardonnée. Allez plus loin !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°1 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 128 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Daniel Raoul. C'est dommage !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
M. Daniel Raoul. Combien de temps cela va-t-il durer ? Les sénateurs de l'UMP n'ont qu'à être assez nombreux en séance !
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 2 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article additionnel avant l'article 1er ou après l'article 2
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article 66-1 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'un consommateur final domestique de gaz naturel a exercé pour la consommation d'un site la faculté prévue au 2° de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, il peut à nouveau bénéficier des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article 7 de la même loi, moyennant un délai minimum de trois mois avant résiliation du contrat aux tarifs non réglementés. Sous ces conditions, la résiliation de son contrat aux tarifs non réglementés n'implique aucune pénalité. »
La parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Les arguments que j'ai développés à propos de l'amendement n° 3 restent pertinents s'agissant, cette fois, du gaz. Je ne les réitérerai donc pas.
Je préciserai simplement que, si l'augmentation des tarifs de l'électricité est limitée à la progression du niveau de l'inflation, comme le prévoit le contrat de service public signé entre l'État et EDF, il n'en est pas de même pour les tarifs du gaz naturel, qui ont fortement augmenté ces dernières années. Ils ont ainsi connu une hausse de près de 7 % en 2005 et de 12,7 % en 2006, soit une progression d'environ 40 % en trois ans.
Pour les foyers concernés, surtout s'ils ne disposent que de revenus modestes, cette hausse n'est pas négligeable, les dépenses de chauffage faisant partie des charges incompressibles.
L'argument que m'a opposé tout à l'heure M. le rapporteur, selon lequel l'écart entre le niveau des tarifs réglementés et les prix de marché était très important dans le secteur de l'électricité, n'a plus ici de portée. En effet, dans le cas du gaz, la différence entre les deux prix est moindre, compte tenu de la forte augmentation qui a eu lieu ces dernières années. C'est un argument supplémentaire en faveur de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Billout, Mme Didier et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, il est inséré un article ainsi rédigé :
Art. 66-4. Par dérogation à l'article 66-1, tout consommateur final domestique de gaz bénéficie des tarifs réglementés de vente de gaz mentionnés à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie pour la consommation d'un site, même s'il a fait usage pour ce site de la faculté prévue au 5° de l'article 3 de la même loi. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous prends en défaut sur votre argumentation, monsieur Sergent. Le très faible écart entre le tarif réglementé et le tarif libre du gaz montre que le problème est beaucoup moins crucial que pour l'électricité.
J'indique d'ores et déjà que la commission est favorable à l'adoption de l'amendement n° 9, que nous examinerons tout à l'heure et qui vise à étendre la règle relative à l'électricité au secteur gazier pour les nouveaux sites domestiques. C'est un pas que la commission fait dans votre direction, même si elle maintient le principe d'une date butoir.
Pour autant, les arguments que j'ai déjà développés sur le secteur électrique valent pour le gaz. C'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement n° 4 comme à l'amendement n° 16.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l'argumentation que vient d'exposer M. le rapporteur : la faculté de revenir aux tarifs réglementés se justifie encore moins pour le gaz que pour l'électricité.
Par ailleurs, je rappelle les arguments que j'ai développés lors de l'examen des deux amendements précédents. L'adoption d'une telle mesure aboutirait à remettre en cause non seulement la direction prise par les différents gouvernements depuis 2000, celle d'une irréversibilité du choix opéré par le consommateur et d'une transition progressive vers un marché ouvert et concurrentiel, mais également la position équilibrée que défend notre pays en la matière.
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 4 ainsi que sur l'amendement n° 16.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Billout, Mme Didier et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'attente d'un bilan sur les effets de l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique en termes d'emplois, d'efficacité économique et de tarifications, la France, par l'intermédiaire du ministre chargé de l'énergie, demande, auprès des institutions européennes, un moratoire sur les directives européennes.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L'Union européenne s'est engagée dans la création du marché de l'énergie en adoptant une série de directives organisant la libéralisation totale de ce secteur.
Celles-ci sont régulièrement transposées en droit français. Les lois se succèdent, s'empilent, parfois se contredissent, organisant le démantèlement des entreprises publiques sans que nous prenions à aucun moment le recul suffisant pour en évaluer les conséquences.
Pourtant, certains signes devraient nous alerter quant au manque de pertinence qu'il y a à poursuivre dans cette voie et certains exemples étrangers, nous inciter au pragmatisme.
Ainsi, en Californie, la déréglementation a entraîné des augmentations allant jusqu'à 500 %, ainsi qu'un nombre record de coupures d'électricité. Plus près de nous, en Europe, les pays qui ont libéralisé le secteur de l'énergie ont connu des augmentations sans précédent de leurs tarifs. Les plus importantes ont concerné le Danemark, avec une hausse de 91,5 %, et le Royaume-Uni, avec une progression de 80,7 %.
En France, depuis la libéralisation du marché pour les professionnels, les industriels français qui ont choisi d'abandonner les tarifs régulés ont eu à supporter des hausses de plus de 75,6 % sur les cinq dernières années, et de 117 % pour les seules entreprises électro-intensives.
Concernant le gaz, l'augmentation des tarifs a atteint 30 % en dix-huit mois, alors qu'au cours de la même période les profits de GDF se sont accrus. Ainsi, pour l'année 2005, les dividendes qui ont été versés aux actionnaires ont enregistré une hausse de 60 %, et cela en plein accord avec le contrat de service public signé avec l'État, qui souhaite un rapprochement entre les tarifs libres et les tarifs régulés. Mais il s'agit là d'un autre débat.
On le voit bien, l'émulation par la concurrence prônée par Bruxelles n'atteint pas les objectifs affichés de baisse des tarifs pour les usagers. Les bénéfices de la libéralisation se trouvent plutôt du côté des actionnaires des groupes énergétiques.
Cependant, l'incidence d'une telle déréglementation ne peut se mesurer uniquement en termes de coûts et de tarifs. Des questions se posent aussi, pour l'avenir, en matière d'emploi et d'aménagement du territoire.
En effet, dans les secteurs du gaz et de l'électricité, des contrats et des programmes d'investissements de long terme sont nécessaires, notamment pour assurer une production et une fourniture continues, ainsi qu'une fiabilité optimale des réseaux.
Or, s'agissant du gaz, les règles du jeu boursier ne favorisent ni l'établissement de relations commerciales stables et mutuellement avantageuses avec les pays producteurs ni la conduite de chantiers de long terme, exigeant des investissements lourds et coordonnés. En outre, la maintenance et le renouvellement des réseaux de transport d'électricité et des conduites de gaz sont des missions impératives, qui relèvent de l'aménagement du territoire et de la sécurité publique.
Dans ce sens, la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver a souligné combien il était important d'élaborer un plan pluriannuel d'investissements dans le secteur.
Par ailleurs, comment la France compte-t-elle réduire massivement ses émissions de gaz à effet de serre et sauvegarder l'environnement si elle s'en remet aux seuls critères comptables du marché, qui privilégient les transactions opportunistes et qui tirent vers le bas les salaires ainsi que les dépenses de formation et de recherche ?
En se montrant un tant soit peu soucieux de ces problèmes et en considérant que l'ensemble des foyers est concerné par ces questions, chacun reconnaîtra avec nous qu'il devient urgent d'examiner sérieusement toutes les implications de cette déréglementation avant de poursuivre le processus.
En outre, le gaz et l'électricité ne sont pas de simples marchandises : ils constituent des produits de première nécessité, dont la gestion est incompatible avec des politiques financières à courte vue, surtout dans un contexte de tensions internationales sur l'accès aux ressources naturelles.
Ce constat est également celui de la mission commune d'information, dont le rapport prône une forte maîtrise publique dans ce secteur : « le secteur électrique ne saurait donc être laissé à la "main invisible" du marché et nécessite une forte régulation publique, la puissance publique ayant une responsabilité particulière et légitime aux yeux des citoyens dans la fourniture d'électricité. »
Concernant la dérégulation du marché électrique, le rapport souligne qu'elle « est parfois tout sauf vertueuse : à titre d'exemple, le processus de libéralisation des marchés préconisé par la Commission européenne favorise en ce moment même un vaste mouvement de concentration dans le secteur de l'électricité qui, paradoxalement, aboutit à la constitution d'oligopoles privés venant remplacer les monopoles nationaux qu'elle cherchait à démanteler ».
En déposant cet amendement, nous avons donc souhaité une nouvelle fois attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de réaliser un bilan de la libéralisation dans le secteur énergétique avant toute poursuite du processus.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La demande d'un moratoire sur les directives européennes dans l'attente d'un bilan ne nous est pas inconnue, bien au contraire, puisqu'elle a déjà été formulée, tant en 2004 qu'en 2006. Nous en avons longuement débattu chaque fois.
Je souhaite formuler deux observations.
Sur la forme, l'amendement n° 17 constitue une injonction au Gouvernement Or, d'un point de vue constitutionnel, ce n'est pas acceptable.
Sur le fond, à l'échelon tant national qu'européen, un débat est régulièrement organisé sur les problèmes énergétiques. Nous en avons tenu au moins quatre entre 2002 et 2006. Le sujet n'est donc pas nouveau.
Au niveau européen, chaque année, la Commission rend public un rapport sur l'état d'avancement du marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel.
Je ne serais pas hostile à voir la commission des affaires économiques procéder à une audition consacrée à la présentation de ce rapport - et je parle sous votre contrôle, monsieur Pastor, tout en reconnaissant qu'il n'est pas facile de convaincre un commissaire européen de se déplacer -, plus particulièrement en ce qui concerne le marché français par rapport au reste de l'Europe.
Et, à défaut d'une audition, pourquoi ne pas envisager d'envoyer une délégation de notre commission à Bruxelles ? Nous avons déjà procédé ainsi à plusieurs reprises.
Quoi qu'il en soit, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Billout, le Gouvernement ne partage pas votre analyse sur le lien de cause à effet entre l'ouverture à la concurrence et la hausse des tarifs.
Par ailleurs, je rappelle que la France a souscrit des engagements que le Gouvernement entend bien tenir. Les directives de 2003 ont été négociées et nos partenaires n'envisagent pas une renégociation, alors même que la Commission européenne vient de soumettre à notre examen un nouveau paquet de directives.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement que vous avez défendu.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. L'amendement n° 17 se fait également l'écho des débats qui ont eu lieu cet été, lors de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. En effet, à cette occasion, notamment quand la question de l'avenir des tarifs réglementés a été abordée, Mme Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, avait reconnu que le Gouvernement était conscient qu'il s'agissait d'un dossier délicat, source de nombreuses difficultés pour nos concitoyens. Elle poursuivait en indiquant que « le Gouvernement entendait élaborer et proposer à la représentation nationale un dispositif robuste, juste et cohérent. »
Nombre de sénateurs, y compris de la majorité parlementaire, comme Jean Arthuis ou Philippe Marini, étaient favorables à l'idée de nouvelles négociations avec nos homologues européens sur les directives européennes, afin de permettre le maintien des tarifs réglementés.
Je rappelle, dans ce cadre, qu'en annexe à la loi d'orientation sur l'énergie nous pouvions lire cette affirmation fort intéressante : « La France vise à faire partager les principes de sa politique énergétique par les autres États membres de l'Union européenne afin que la législation communautaire lui permette de mener à bien sa propre politique [...].
« Ainsi, la France élabore tous les deux ans, à l'intention de l'Union européenne, des propositions énergétiques visant notamment à promouvoir la notion de service public. »
L'amendement proposé vise donc à rappeler cette simple évidence : si un consensus existe entre les forces politiques françaises pour le maintien des tarifs réglementés, alors le ministre représentant la France auprès des institutions européennes se doit de tout mettre en oeuvre pour que ce souhait puisse trouver une traduction à l'échelon communautaire. Or, la décision du Conseil constitutionnel réaffirme bien que le maintien des tarifs réglementés est contraire aux objectifs communautaires, tels qu'ils sont définis dans les directives relatives au secteur de l'énergie.
Pour toutes ces raisons, nous considérons qu'il est illusoire de bricoler des mécanismes de dérogation provisoires, mais qu'il est urgent d'adopter un moratoire sur l'application des directives européennes tant qu'un bilan sur les conséquences de la libéralisation n'aura pas été réalisé. Ce bilan devra ensuite être la base de discussion pour la renégociation des directives du secteur énergétique, afin de permettre la concrétisation du service public de l'énergie.
Voilà pourquoi les membres du groupe CRC voteront en faveur de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi fixe un objectif de réduction de 2 % par an de la consommation d'énergie finale.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, je propose de fixer un objectif de réduction de 2 % par an de la consommation d'énergie finale, objectif correspondant à une diminution de 60 % de notre consommation d'énergie finale à l'horizon 2050.
Comme vous le savez, 84 % de l'énergie mondiale provient des combustibles fossiles, le nucléaire en représentant 6 %, l'hydroélectricité et la biomasse 10 %. Or, nous allons irrémédiablement vers une pénurie des énergies fossiles. Il est donc temps de réduire notre consommation, puisque ce sont les pays industrialisés qui, historiquement, ont consommé la majorité des énergies fossiles. À l'heure où les pays émergents essaient de reproduire un mode de développement qui est en train de montrer ses limites physiques, il est de notre devoir envers les pays pauvres et les générations futures de commencer dès maintenant la décroissance de notre empreinte écologique.
Pour parvenir à cet objectif, il faut avoir la sagesse de chambouler la répartition des crédits de recherche selon le schéma suivant : un tiers de ces derniers devraient être consacrés à la maîtrise de l'énergie, un tiers aux énergies renouvelables et un tiers à la sûreté nucléaire ainsi qu'à l'amélioration des hydrocarbures. Aujourd'hui, 90 % des crédits de recherche sont affectés au nucléaire et moins de 2 % aux énergies renouvelables. Et l'on s'étonne que ces énergies ne « décollent » pas !
C'est à cela que doit servir un service public au XXIe siècle : anticiper la crise énergétique et la résoudre !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Sur le fond, on ne peut qu'être d'accord avec les objectifs poursuivis par les auteurs de l'amendement n° 20. Tout le monde est aujourd'hui conscient de la nécessité de réduire la consommation d'énergie. Nous en avons déjà discuté longuement au cours de l'examen de différents projets de loi.
En revanche, je diverge sur la méthode proposée. La réduction de la consommation d'énergie ne se décrète pas. Or cet amendement a un caractère résolument incantatoire.
Mes chers collègues, l'article 3 de la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique prévoit déjà « de porter le rythme annuel de baisse de l'intensité énergétique finale à 2 % dès 2015 et à 2,5 % d'ici à 2030 ». Cet indicateur, qui correspond au rapport entre la consommation d'énergie et le taux de croissance de l'économie, m'apparaît plus pertinent et plus approprié que la consommation d'énergie, dont le taux de croissance dépend lui-même, notamment, de l'activité économique. C'est la raison pour laquelle la commission, s'en tenant à la loi précitée, est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. M. le rapporteur a très bien rappelé que des dispositions figurent déjà dans la loi du 13 juillet 2005.
Même si le Gouvernement est sensible au principe que vous nous présentez, monsieur Desessard, au moment où s'engage la deuxième étape du « Grenelle de l'environnement » - c'est-à-dire, après l'action menée par différents groupes de travail cet été, la phase de la consultation publique qui aboutira à la tenue du « Grenelle de l'environnement » proprement dit à la fin de ce mois -, il lui semble important de traiter ce type de réflexion et d'éventuelles mesures dans le cadre de cette action globale. C'est la raison pour laquelle il n'est pas favorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je pourrais me satisfaire de l'explication de M. le secrétaire d'État, affirmant que cette question va être traitée lors du « Grenelle de l'environnement ». Attendons de voir.
Cependant, je souhaite faire une remarque à M. le rapporteur. Selon lui, les réductions de consommation d'énergie ne se décrètent pas. Certes, elles sont difficiles à mettre en oeuvre, mais elles sont encore plus difficiles à instaurer au sein d'un marché libéralisé, qui recherche le profit maximal, et donc « le consommer maximal ». Lorsqu'il s'agit d'un secteur public, on peut encore maîtriser la situation.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions permettant une tarification progressive favorisant un accès équitable à l'électricité et prenant en compte les objectifs de maîtrise des consommations. Celle-ci peut comporter une première tranche de consommation à tarif réduit pour tous les consommateurs domestiques, et, au-delà de la consommation annuelle moyenne des ménages, un tarif progressif fixé en fonction des tranches de consommation d'électricité. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Les tarifs réglementés sont une ligne Maginot, une digue appelée à céder un jour ou l'autre sous les coups de boutoir de la libéralisation européenne.
C'est pourquoi nous suggérons, à long terme, la progressivité des prix de l'énergie, en particulier de l'électricité et du gaz, comme nous l'avions déjà fait pour la gratuité des premiers litres d'eau de chacun.
En effet, il faut considérer que l'énergie, comme l'eau, est un produit nécessaire et rare, dont nous voulons réduire la consommation. Nous devons donc sortir d'un système dépassé dans lequel le prix de l'électricité est dégressif et qui encourage ceux qui gaspillent le plus l'énergie.
EDF n'a absolument pas anticipé la nécessité de diminuer la consommation d'électricité, puisque cette surconsommation est venue justifier la poursuite de la filière nucléaire. Par exemple, en 1978, EDF avait prévu une consommation de 1 000 térawatts par heure en 2000, alors que la consommation réelle fut de 478 térawatts par heure. On se retrouve donc aujourd'hui avec un parc nucléaire surdimensionné, qui a besoin de surconsommation pour s'autojustifier.
N'oublions pas les campagnes publicitaires d'EDF, incitant à consommer toujours plus d'électricité : les incitations à passer du chauffage au gaz au chauffage électrique, les publicités dirigées vers les collectivités pour qu'elles éclairent leurs bâtiments publics la nuit, la mise en avant du coût dérisoire de 0,30 centime d'une douche chaude de huit minutes...
La surconsommation est devenue un tel objectif en soi pour EDF que l'entreprise a publié en 2003 un communiqué de presse dans lequel elle se glorifie d'avoir « pulvérisé » le record de consommation d'électricité.
Lors du « Grenelle de l'environnement », EDF changera peut-être d'objectif...
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Desessard, par cet amendement, vous nous proposez tout simplement de remettre en cause l'ensemble du système tarifaire français, qu'il s'agisse des règles relatives au calcul des tarifs d'utilisation des réseaux, du principe de couverture des coûts ou de la tarification en fonction de la puissance souscrite, en lui substituant un système progressif fondé sur le volume de la consommation.
Tout d'abord, un tel système pénaliserait très fortement tous les électrointensifs, ce qui poserait un réel problème économique et soulèverait des difficultés en matière d'emploi.
Ensuite, vous évoquez la nécessité de favoriser un accès équitable à l'électricité. Or un tel système existe déjà. En effet, EDF a l'obligation de fournir en électricité tout consommateur, quel que soit le lieu de son domicile sur le territoire.
Enfin, vous savez fort bien qu'il existe un dispositif de tarif social qui prend en compte la situation spécifique des ménages les plus modestes, en leur offrant des réductions du montant de leur facture. Cette année, ce dispositif a d'ailleurs été amélioré, puisque le seuil de consommation retenu pour en bénéficier a été relevé.
Par conséquent, mon cher collègue, votre demande est partiellement satisfaite, même si ce n'est pas votre système que l'on adopte. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Tout d'abord, monsieur Desessard, l'adoption de votre amendement aboutirait à la remise en question de l'ensemble des dispositions tarifaires, comme vient de l'évoquer M. le rapporteur.
Par ailleurs, s'agissant de l'objectif qui est le vôtre, c'est-à-dire éviter les gaspillages, j'évoque à nouveau les travaux qui sont actuellement menés à l'échelon national dans le cadre du « Grenelle de l'environnement ». À cette occasion, nous serons amenés à prendre des dispositions sur cette question.
Pour ces raisons, le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 21.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Desessard, Mme Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Il est procédé à un audit permettant d'évaluer le coût de démantèlement des centrales nucléaires.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Les cinquante-huit réacteurs nucléaires existants devront, à la fin de leur activité, être démantelés. Selon certaines évaluations, ce démantèlement s'élèverait à 500 millions d'euros, selon d'autres, à 20 milliards d'euros par réacteur.
Il est important de chiffrer le coût de ce démantèlement afin de pouvoir évaluer le prix de l'électricité en France et adapter les tarifs réglementés en conséquence. D'où l'intérêt de cet amendement, par lequel nous proposons qu'il soit procédé à un audit permettant d'évaluer les coûts de démantèlement des centrales nucléaires.
En effet, les directives européennes admettent les tarifs réglementés, à la condition qu'ils couvrent le coût de production de l'électricité. Il est donc logique d'y inclure le coût de retraitement et le coût de traitement des déchets nucléaires.
Aujourd'hui, il est impossible d'obtenir de la part d'EDF des chiffres fiables concernant le coût de démantèlement des installations nucléaires. La Cour des comptes dénonce chaque année cette opacité.
Cependant, il est possible d'avoir une estimation en comparant avec les chiffres publiés en Grande-Bretagne : le démantèlement des installations nucléaires y est officiellement chiffré à 103 milliards d'euros, soit 70 milliards de livres, et encore s'agit-il d'un chiffre provisoire, qui a déjà été réévalué à deux reprises et qui devrait l'être encore.
L'industrie nucléaire est environ cinq fois plus importante en France qu'en Grande-Bretagne, où la puissance installée est de 11 gigawatts, contre 63 gigawatts dans notre pays, sans oublier les nombreux autres sites nucléaires qui parsèment notre territoire. On pourrait donc estimer le coût pour la France à 500 milliards d'euros, alors qu'EDF n'évoque que quelques dizaines de milliards.
EDF a constitué un fonds de provision dédié au démantèlement. Il s'agit certes d'une bonne chose sur le plan du principe, mais les montants provisionnés semblent très sous-estimés. En France, les dépenses pour le démantèlement sont évaluées à 15 % du coût d'investissement initial des réacteurs par les instances officielles, ce qui correspond à 15 milliards d'euros pour l'ensemble du parc nucléaire. Le choix de 15 % n'a aucune réalité scientifique, c'est un choix arbitraire guidé par les intérêts économiques de développement du nucléaire. Plusieurs commissaires aux comptes d'EDF reconnaissent eux-mêmes que ces estimations recèlent « des éléments d'incertitude majeure ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Un tel audit a déjà été demandé à de nombreuses reprises, par vous-même, monsieur Desessard, ou par d'autres.
Je le rappelle une fois encore, la Cour des comptes, dans un rapport particulier de 2005 que je tiens à votre disposition a mis en évidence le fait que les coûts de démantèlement et de gestion des déchets étaient pris en compte dans les prix de l'électricité. À cette occasion, elle a précisé qu'EDF avait provisionné, à la fin de 2004, environ 14 milliards d'euros pour la gestion de la fin de cycle du combustible et plus de 12 milliards d'euros pour la déconstruction, et que les actifs dédiés à cet effet s'élevaient à 2,7 milliards d'euros et devraient atteindre 15 milliards d'euros en 2010.
Par ailleurs, vous savez que nous avons légiféré en détail sur ce point lors de l'examen du projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.
Dans l'article 20 de cette loi, qui créé un cadre juridique spécifique relatif au démantèlement, il est prévu, notamment, que les exploitants doivent constituer des provisions afférentes à ces charges.
Cette même loi a instauré une Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs.
Cette commission, au sein de laquelle siègent d'ailleurs des parlementaires, doit remettre un rapport tous les trois ans. Aucun n'est encore paru, puisque le premier rapport doit nous être présenté en juin 2008.
Ces dispositions répondent à votre attente, mon cher collègue. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 22.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Desessard, vous rouvrez un débat qui, comme l'indiquait M. le rapporteur, a déjà eu lieu lors de l'examen au Parlement du projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs. Certes, je ne suis pas un aussi éminent spécialiste de ces questions que M. Longuet. Je rappelle, faisant écho aux propos de M. le rapporteur, que l'article 20 de cette loi comportait des dispositions de sécurisation du financement du démantèlement des centrales, et un premier rapport sur cette question, transmis au Gouvernement avant l'été, est actuellement en cours d'examen.
Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit lors de la discussion générale, j'ai le sentiment que votre amendement n'a pas de lien direct avec la proposition de loi que nous examinons, qui a pour objet d'apporter une réponse aux incohérences de la loi actuelle à l'égard des consommateurs domestiques.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 22 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je m'inscris en faux contre la dernière remarque de M. le secrétaire d'État. Les tarifs réglementés ne sont admis par Bruxelles que s'ils prennent en compte le coût réel. Je conteste l'estimation qui est faite aujourd'hui du coût réel du nucléaire, car elle n'intègre pas le coût du démantèlement des centrales et de l'enfouissement des déchets. Cela concerne donc directement les prix réglementés. Aussi mon amendement s'inscrit-il tout à fait dans le cadre du texte que nous examinons cet après-midi.
S'agissant du rapport de la Cour des comptes de janvier 2005, je remercie M. le rapporteur de m'avoir répondu avec précision. Toutefois, je me permets de le rappeler, il y est indiqué que le coût du stockage profond comporte des incertitudes et que ces diverses estimations ne constituent que l'une des incertitudes qui pèsent sur le financement futur de la gestion de ces déchets. On ne peut être plus vague !
Aujourd'hui, nous sommes incapables de chiffrer ces dépenses futures ; du coup, nous ne les chiffrons pas, ou si on le fait, on retient des montants très faibles. C'est pourquoi le prix du nucléaire peut être présenté comme étant plus concurrentiel que celui d'autres énergies. Or, si nous anticipons, si nous tenons compte du coût du démantèlement des centrales et de la gestion des déchets radioactifs, nous nous apercevons que le nucléaire est loin d'être aussi rentable que d'aucuns le prétendent !
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.
M. Michel Billout. Je ne partage pas totalement l'appréciation de M. Desessard, mais j'estime que, pour être acceptée, l'énergie nucléaire exige une totale transparence. Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc en faveur de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
L'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - Un consommateur final domestique d'électricité qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010 bénéficie des tarifs réglementés de vente d'électricité pour la consommation d'un site, à condition qu'il n'ait pas lui-même fait usage pour ce site de la faculté prévue au I de l'article 22 précité. »
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Au début de cet article, insérer un paragraphe I ainsi rédigé :
I. - Après l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, il est inséré un article 30-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 30-1-1. - Tout consommateur final domestique d'électricité bénéficie pour le site pour lequel il en fait la demande à son fournisseur du dispositif relatif au tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché prévu par l'article 30-1. Ce tarif ne peut être supérieur de plus de 3 % au tarif réglementé de vente hors taxes applicable à un site présentant les mêmes caractéristiques. »
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement, que l'on pourrait qualifier de « TaRTAM bis », est un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 1.
En cas de forte hausse du prix de l'électricité sur le marché, une clause de sécurité permettrait aux consommateurs domestiques ayant quitté le tarif régulé de bénéficier d'un dispositif semblable à celui dont jouissent les entreprises par le biais du TaRTAM. Il n'y a aucune raison pour que les entreprises qui ont choisi la concurrence puissent profiter de mécanismes de rattrapage alors que les ménages qui auraient basculé dans le « non-régulé » ne le pourraient pas.
Nous souhaitions que les ménages puissent revenir totalement au tarif régulé, mais cela nous a déjà été refusé en commission. Dès lors, il convient de prévoir que le tarif dont ils pourraient bénéficier ne peut être supérieur de plus de 3 % au tarif réglementé de vente d'électricité, ce qui n'est pas négligeable, compte tenu de l'inflation actuelle.
Il s'agit d'un simple dispositif de sauvegarde, visant, le cas échéant, à préserver le pouvoir d'achat des ménages.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous souhaitez que, à défaut de bénéficier d'une réversibilité totale, les ménages ayant abandonné les tarifs régulés et qui regretteraient leur décision puissent revenir à une forme de tarif réglementé sans changer de site de consommation. En d'autres termes, vous proposez un TaRTAM majoré de 3 %.
Comme je le précise dans mon rapport écrit, les offres alternatives au tarif bleu formulées par les concurrents d'EDF comportent aujourd'hui un niveau de prix inférieur d'environ 10 %. Or, il est peu probable qu'à court terme le prix des offres libres dépasse le niveau du TaRTAM, même majoré de 3 %, d'autant que les fournisseurs alternatifs se sont engagés, auprès de leurs clients, à une certaine stabilité des prix proposés.
Vous évoquez des cas très théoriques, mon cher collègue. En effet, il faudrait que les prix proposés par les opérateurs alternatifs augmentent de plus de 13 % pour rendre attractive la faculté que vous suggérez. Ces fournisseurs éprouvant déjà des difficultés à séduire une clientèle, je doute fort que leur intérêt commercial ne les conduise à une telle stratégie. C'est d'ailleurs vous qui avez rappelé que très peu de Français avaient souscrit à cette récente ouverture du marché.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le tarif de retour a été mis en place par la loi de 2006 pour répondre à une situation particulière rencontrée par les professionnels qui, après avoir opté pour le marché libre, avaient eu à subir des augmentations très importantes du tarif de l'électricité à partir de 2005. Il s'agit d'une disposition transitoire, puisque les entreprises doivent en avoir fait la demande avant le 1er juillet 2007.
Ce dispositif est en fait du sur-mesure pour une situation particulière qui n'est pas celle que connaissent aujourd'hui les consommateurs domestiques. Aussi, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour le IV de l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, après les mots :
Un consommateur final domestique d'électricité
insérer les mots :
ou un consommateur final non domestique souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kVA
La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Par cet amendement, il s'agit d'élargir le bénéfice de la proposition de loi aux petits consommateurs professionnels d'électricité ayant souscrit une puissance inférieure ou égale à 36 kilovolts-ampères.
En effet, ces petits consommateurs relèvent du même tarif réglementé de vente que les consommateurs domestiques, c'est-à-dire du tarif bleu. En effet, à ce jour, ni la Commission européenne, ni notre Commission de régulation de l'énergie n'ont contesté que ce tarif bleu couvre correctement les coûts correspondants.
L'application de ce tarif à un consommateur professionnel ne pose donc pas de difficulté juridique au regard de ce que pourrait nous opposer la Commission européenne, à savoir le droit à la concurrence, les aides publiques, les subventions, les aides de l'État.
M. Michel Sergent, qui est un fin connaisseur de ces questions, nous a parfaitement expliqué la situation et j'adhère à ses propos sur le ticket bleu.
Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de revenir sur ce que vous avez dit tout à l'heure. La Commission, lorsqu'elle s'exprime sur nos positions, critique moins le fait qu'il puisse y avoir des subventions publiques et que le coût réel ne soit pas mentionné que l'écart entre le tarif régulé et le tarif de marché, d'autant que le fonctionnement de Powernext est très complexe, puisqu'il s'agit bien souvent d'un marché de gré à gré.
De plus, l'article 3-3 de la directive européenne du 26 juin 2003 relative au marché intérieur de l'électricité autorise les États membres à étendre aux petites et moyennes entreprises le service universel, dont elle prévoit la mise en place pour les consommateurs résidentiels.
Dans ces conditions, il me semble légitime d'étendre aux consommateurs professionnels relevant du tarif bleu le bénéfice du dispositif prévu par le texte que nous soumet notre commission des affaires économiques.
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Poniatowski, Emorine et Pintat est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« V. Le IV du présent article est applicable aux consommateurs finals non domestiques souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kVA. »
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme je l'ai souligné lors de la discussion générale, la commission des affaires économiques n'a examiné que les trois propositions de loi qui ont été déposées au Sénat, c'est-à-dire celles que M. Raoul, M. Pintat et moi-même avons respectivement déposées avec certains de nos collègues.
Il se trouve que nos collègues députés se sont eux aussi penchés assez longuement sur cette question des tarifs réglementés. Ainsi, M. Patrick Ollier, par ailleurs président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, a, le 2 août dernier, également déposé avec certains de ses collègues une proposition de loi en la matière.
Toutefois, cette dernière diffère de la nôtre dans la mesure où nos collègues députés ont prévu d'autoriser le retour aux tarifs réglementés en cas de changement de site de consommation non seulement pour les ménages, mais aussi pour les « petits » consommateurs professionnels, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les artisans, les commerçants et les professions libérales, lesquels, M. Pintat vient de le souligner, bénéficient du même régime tarifaire que les particuliers, à savoir le « tarif bleu ».
Après réflexion et après discussion avec M. Ollier, j'ai été convaincu par les arguments que celui-ci a présentés. En effet, la situation des petits consommateurs professionnels s'apparente plus à celle des ménages qu'à celle des grandes entreprises : ne disposant pas nécessairement de services spécialisés dans les achats, ils peuvent rapidement être perdus devant la complexité des différentes offres qui leur sont proposées.
Au total, de telles similarités m'ont conduit à déposer avec mon collègue Jean-Paul Emorine un amendement visant à étendre à ces petits consommateurs professionnels la solution que nous vous proposons pour les ménages s'agissant du tarif électrique. Son adoption permettrait de répondre pleinement aux préoccupations exprimées par les auteurs de la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale.
Cette solution est au demeurant conforme aux dispositions que nous avions défendues en 2006 lors de l'adoption du projet de loi relatif au secteur de l'énergie, puisque le texte, avant la censure du Conseil constitutionnel, distinguait, d'un côté, les « gros » consommateurs professionnels et, de l'autre, les ménages et les petits consommateurs professionnels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'amendement n° 1 de M. Pintat vise à atteindre exactement les mêmes objectifs que l'amendement que je viens de présenter. Seules les rédactions diffèrent, et j'ai naturellement une préférence pour celle de l'amendement n° 19 rectifié, qui présente l'avantage de consacrer un paragraphe spécifique à la situation de chaque catégorie de clients.
C'est la raison pour laquelle j'ai proposé à notre collègue de s'associer à nous en cosignant notre amendement.
M. Jean Desessard. Quel diplomate !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Par conséquent, je lui demande aujourd'hui de bien vouloir retirer le sien.
M. le président. Monsieur Pintat, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Xavier Pintat. Monsieur le président, j'accepte bien volontiers de retirer cet amendement puisqu'il importe avant tout de satisfaire les petits consommateurs non domestiques. La rédaction de l'amendement n° 19 rectifié, dont l'adoption permettra effectivement de réserver un paragraphe spécial à la situation de chaque catégorie de clients, me semble en outre plus appropriée.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 19 rectifié ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je profite de l'examen de cet amendement pour saluer le travail effectué par la commission des affaires économiques, notamment par son rapporteur, qui a privilégié la concertation pour essayer de faire converger les positions exprimées par différents groupes de la Haute Assemblée. Je n'oublie pas non plus les discussions qui ont eu lieu au Palais-Bourbon et qui ont abouti notamment aux propositions de M. Patrick Ollier et plusieurs de ses collègues.
J'attire cependant votre attention sur le fait que le dispositif prévu à l'amendement n° 19 rectifié sort du cadre que le Sénat s'était initialement fixé. En effet, cela a été souligné à plusieurs reprises depuis le début de l'après-midi, il s'agit aujourd'hui, après la censure du Conseil constitutionnel, d'aménager le dispositif à la marge, pour les clients domestiques, afin de le rendre plus juste et plus cohérent.
Le marché des clients professionnels est, lui, ouvert depuis 2004, quel que soit le niveau de consommation. Avec cet amendement, monsieur Poniatowski, vous allez donc au-delà de l'objet initial de votre proposition de loi.
Le Gouvernement comprend votre préoccupation et est sensible à votre argumentation ainsi qu'à celle de M. Pintat. Les petits artisans sont effectivement dans une situation qui se rapproche en quelque sorte de celle que connaissent les consommateurs domestiques.
Je tiens toutefois à insister devant la Haute Assemblée sur la nécessité de ne pas contrevenir à l'objectif général de l'ouverture des marchés, rappelé par le Conseil constitutionnel.
Je le répète, le Gouvernement est également soucieux de respecter ses engagements européens. La Commission européenne s'est montrée très préoccupée par la bonne transposition des directives au sujet des tarifs réglementés de l'électricité et du gaz pour les professionnels, et elle a pris, ces derniers mois, l'initiative d'engager divers contentieux et de mener plusieurs enquêtes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si le Gouvernement estime que le maintien des tarifs réglementés, en parallèle d'une ouverture progressive des marchés à la concurrence, est une solution équilibrée et pertinente, il importe selon lui de ne pas modifier un tel équilibre. C'est la raison pour laquelle, au regard de ces éléments, je ne peux pas émettre un avis favorable sur l'amendement n° 19 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Nous allons évidemment soutenir l'amendement n° 19 rectifié. Monsieur le secrétaire d'État, vos explications relèvent tout de même - je m'excuse du terme employé - d'un TOC, un trouble obsessionnel compulsif ! (Mme Isabelle Debré s'esclaffe.) Vous ressortez à chaque fois les mêmes arguments et, pour ma part, je ne suis toujours pas convaincu de leur bon sens !
M. Jean Desessard. Oh là là, monsieur le secrétaire d'État !
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour compléter l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, après les mots :
un consommateur final domestique d'électricité
supprimer les mots :
qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le secrétaire d'État, je tiens à vous rassurer, dans ce domaine, les troubles obsessionnels convulsifs cessent aussitôt que l'on s'approche de la vérité ! Plus sérieusement, monsieur le président, pour gagner du temps, je présenterai simultanément les amendements nos 6 et 7.
À nos yeux, tout consommateur domestique doit pouvoir continuer à bénéficier des tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz naturel, y compris s'il emménage dans un logement où l'éligibilité a déjà été exercée. Nous tenons à le souligner, dans le respect même de la directive, l'exercice de l'éligibilité doit demeurer une faculté et non devenir une obligation.
Ainsi, monsieur le rapporteur, il n'y a aucune raison de fixer une date butoir, qui cautionnerait la vision unilatérale de la Commission européenne et programmerait, de fait, la fin des tarifs réglementés. Rien ne justifie aujourd'hui une telle position et la France doit marquer sa ferme volonté de préserver les tarifs réglementés de vente d'électricité, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même réaffirmé aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État. Cela étant, il importe de ne pas affaiblir notre position avant d'entamer la négociation.
C'est la raison pour laquelle il nous semble impératif de supprimer la date butoir du 1er juillet 2010, laquelle ne manquerait pas de donner des gages à la Commission européenne, qui conteste la compatibilité de la réglementation tarifaire française avec les textes communautaires. En outre, je le répète, elle programmerait d'emblée la disparition des tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz à cette même date.
Or, comme le soulignent les rapporteurs - parmi lesquels notre éminent collègue Jean-Marc Pastor, qui remplace aujourd'hui le président de la commission des affaires économiques - de la mission commune sénatoriale d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver, il « appartient à la seule Cour de justice européenne de préciser et, en particulier, de savoir dans quelle mesure des tarifs réglementés sont compatibles » avec les directives. Toujours selon eux, « les directives ne s'opposent pas à l'existence de tarifs dès lors qu'ils couvrent les coûts. » Cela correspond d'ailleurs à l'une des caractéristiques mêmes de la notion de service public.
Force est de reconnaître également qu'avec son parc nucléaire la France est capable de produire une électricité bon marché, et ce même si l'on intègre les investissements à réaliser dans le moyen ou le long terme, à savoir principalement le démantèlement et le traitement des déchets. C'est ce qu'indique d'ailleurs la Cour des comptes dans son rapport, qui a été cité tout à l'heure.
L'abandon des tarifs réglementés réclamé par la Commission européenne se traduirait a contrario par une hausse des prix préjudiciable à l'ensemble des consommateurs.
Par ailleurs, nous n'oublions pas la récente polémique déclenchée par le Conseil de la concurrence, lequel a annoncé la fin des tarifs réglementés d'électricité pour 2010. Monsieur le rapporteur, s'agit-il donc d'une coïncidence ou d'une anticipation de votre part ?
Quant au gaz, l'existence de contrats à long terme entre Gaz de France et les différents producteurs permet de lisser les prix dans le temps. Il n'y a donc aucune raison aujourd'hui d'avancer une telle date butoir, qui pèserait comme une épée de Damoclès sur les tarifs réglementés.
Tel est donc le sens des amendements nos 6 et 7.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Raoul, la date butoir prévue par mes collègues et moi-même dans notre modeste proposition de loi n'est en aucun cas un gage que nous donnons à la Commission européenne. C'est même l'inverse : il s'agit d'une arme dont nous nous dotons pour négocier, c'est tout !
Si nous ne l'inscrivons pas dans la loi, nous ne nous retrouverons peut-être pas devant des interlocuteurs « butés », mais nous aurons, à n'en pas douter, à négocier avec un front uni, et nous n'obtiendrons rien. Il est donc tout à fait indispensable de conserver cette date avant d'entamer les discussions.
M. le secrétaire d'État a répété tout à l'heure dans l'hémicycle ce que Mme Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, avait précisé la semaine dernière, à savoir que les tarifs réglementés n'ont pas vocation à disparaître après le 1er juillet 2010, dans la mesure où les arguments sur lesquels nous nous appuyons pour défendre notre système de tarification demeureront valables après cette date : évoqués par les uns et par les autres cet après-midi, ils portent sur un tarif sur lequel on ne triche pas, sur un tarif qui n'est pas subventionné par l'État et qui traduit, au contraire, la réalité du coût de production.
Prenons donc garde à ne pas débuter la période à venir dans de mauvaises conditions, d'autant que la dernière directive qui a été déposée, c'est-à-dire le nouveau « Paquet énergie », ne manquera pas de venir alourdir les négociations prévues. La discussion durera donc de nombreux mois, pour ne pas dire plusieurs années.
Le débat auquel nous allons nous attaquer s'annonce difficile. Si le nouveau « paquet » n'a pas prévu de volet « tarifs », il est bien évident que la question sera abordée dans le cadre de ces échanges, qui porteront ainsi en même temps sur la directive gaz, sur la directive électricité et sur au moins deux ou trois règlements complémentaires.
Ce n'est donc pas le moment de partir en position de faiblesse. C'est la raison pour laquelle le dispositif d'ensemble de la proposition de loi s'appuie, c'est vrai, sur une date butoir. Par conséquent, il s'agit d'un texte « provisoire ».
Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 6 ainsi que sur l'amendement n° 7 déposé à l'article 2, puisque l'argumentation pour le gaz vaut également pour l'électricité.
M. Daniel Raoul. C'est une arme pour nous faire hara-kiri !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Non !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Raoul, ces deux amendements visent à rendre pérennes les dispositions proposées par M. Poniatowski, qui souhaite, comme il l'a indiqué à plusieurs reprises, un aménagement adapté et limité dans le temps, pour faire face à un dispositif dont la complexité freine aujourd'hui l'ouverture du marché des consommateurs domestiques.
À nos yeux, la période transitoire permettra au marché de mûrir et aux consommateurs de mieux connaître progressivement les offres des fournisseurs alternatifs. Ainsi, tout en étant protégés, les consommateurs domestiques pourront faire le jeu de la concurrence, permettant ainsi au marché de se développer et aux fournisseurs alternatifs de proposer, à terme, des offres compétitives pour leurs clients.
De plus, le Conseil constitutionnel a précisément reproché aux dispositions de la loi du 7 décembre 2006 de ne pas être limitées dans le temps.
En outre, le choix de la date limite du 1er juillet 2010 pour ces dispositions transitoires est tout à fait cohérent par rapport à la limite introduite par la loi sur le droit au logement opposable pour l'accès aux tarifs réglementés des nouveaux sites raccordés au réseau électrique.
Enfin, je l'ai dit tout à l'heure et Mme Christine Lagarde l'a précisé récemment : cette échéance de 2010 ne signifie en rien que les tarifs réglementés vont disparaître. Il s'agit là d'un point essentiel.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Vous l'aurez compris, je vais bien sûr voter ces deux amendements.
Vos propos ne nous rassurent guère, monsieur le secrétaire d'État. J'ai bien compris que nous étions protégés jusqu'au 1er juillet 2010. Or nous sommes quasiment à la fin de 2007. Il ne reste donc que deux ans et demi pour bénéficier de la protection des tarifs réglementés. Vous ne nous donnez aucune assurance sur l'après-2010.
Vos positions ont tellement changé sur la question, en comptant celles du président Chirac, celle de Mme Fontaine un mois seulement avant qu'elle n'accepte, à Bruxelles, la libéralisation du marché de l'électricité, ou encore celle de M. Sarkozy promettant, quand il était ministre de l'économie, de ne pas privatiser Gaz de France, qu'on ne sait plus quelle promesse croire et quand vous faire confiance ! (M. Desessart s'esclaffe.)
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Pintat est ainsi libellé :
Après les mots :
pour la consommation d'un site
supprimer la fin du second alinéa de cet article.
La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Par cet amendement, il s'agit d'autoriser la réversibilité pour les consommateurs bénéficiant des tarifs bleus.
La proposition de loi présentée par M. Poniatowski et reprise par la commission des affaires économiques permet d'éviter qu'un consommateur ne bascule dans le marché sans le vouloir. Toutefois, ce texte subordonne l'application de ce dispositif à la condition que le consommateur n'ait jamais exercé son exigibilité. Il introduit, ce faisant, une confusion entre l'éligibilité par site et l'éligibilité à la personne, qui, dans la pratique, rendra le respect de cette condition très difficile.
Je ne trahis pas un secret, car la presse s'en est fait l'écho : il suffira, par exemple, à un couple ayant exercé son éligibilité antérieurement sous le nom de l'un des conjoints ou concubins de souscrire un contrat au tarif règlementé sous le nom de l'autre pour bénéficier d'une réversibilité pour le même site et pour contourner les dispositions restrictives prévues dans la loi.
M. Thierry Repentin. Oh les coquins !
M. Xavier Pintat. Personne, et surtout pas les opérateurs de la fourniture ou du réseau de distribution d'électricité, n'aura les moyens de mettre en place les lourdes procédures de contrôle permettant d'éviter ou de limiter ce type de dérive.
En plus du règlement de la difficulté que je viens d'évoquer, la réversibilité pour les tarifs bleus représenterait, pour le petit consommateur, un garde-fou contre l'emballement excessif des prix et lui permettrait de tester le marché. Loin de constituer un frein à l'ouverture des marchés, elle encouragerait les consommateurs relevant des tarifs bleus à exercer leur éligibilité.
La réversibilité peut d'ailleurs être analysée comme un mécanisme d'application du service universel de l'électricité, que la directive européenne de 2003 impose aux États membres de mettre en place. Elle permet en effet à un consommateur ayant exercé son éligibilité et qui, en cas de difficultés économiques, par exemple, ne trouverait plus sur le marché de fournisseur acceptant de lui vendre de l'énergie à des conditions raisonnables de revenir s'approvisionner auprès du service public aux conditions du tarif bleu.
La réversibilité ne peut donc en aucun cas être suspectée, s'agissant des consommateurs relevant des tarifs bleus, de contrevenir aux objectifs assignés par la directive de 2003 sur l'électricité, d'autant plus qu'elle est limitée dans le temps, avec l'échéance de 2010. Ce dispositif ne peut donner lieu à contestation. Il ne compromet pas la position française et me semble tout à fait euro-compatible.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'insistance avec laquelle notre collègue Xavier Pintat revient à la charge sur la question de la réversibilité m'embarrasse. Si nous revenons au principe d'une réversibilité quasi-totale, même au terme de six mois, Bruxelles risquerait de l'interpréter comme une déclaration de guerre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Et je pèse mes mots ! Nous avons déjà suffisamment de contentieux dans le domaine de l'électricité, il ne serait pas habile d'en ajouter. Nous nous mettrions en position de faiblesse.
La mise en place de la réversibilité pour les ménages serait une erreur. Ce que nous leur accorderions, l'ensemble des professionnels et des grandes entreprises nous le demanderaient aussitôt : ils attendent derrière la porte ! Le TaRTAM et les autres systèmes, contestés par Bruxelles, que nous avons mis en place ne leur paraîtront pas suffisants.
Vous regrettez, monsieur Pintat, que je ne sois pas allé plus loin dans la proposition de loi que j'ai présentée. Vous avez raison dans l'absolu. Mais peut-être le Gouvernement obtiendra-t-il, au cours de la négociation qui interviendra, une plus grande souplesse ?
Lors de la discussion générale, vous avez montré un tableau concernant les États européens dans lesquels la réversibilité existe. Cependant la situation dans ces pays n'a rien à voir avec la nôtre. En effet, l'écart entre tarifs libre et réglementé y est infime.
M. Daniel Raoul. Et alors ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est pourquoi Bruxelles les laisse en paix.
Le problème que nous connaissons est beaucoup plus crucial. Comme l'écart entre tarifs libre et régulé est important chez nous, Bruxelles a les yeux rivés sur la France, nous sommes dans le collimateur. Nous devons donc faire attention.
C'est pourquoi je vous demande, mon cher collègue, afin de tenir compte de ces éléments conjoncturels, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. M. Pintat a soulevé un vrai problème. Le Gouvernement considère cependant que l'application de la règle « site/personne », qui a prévalu dans l'élaboration de l'architecture générale de la proposition de loi, constitue la réponse appropriée.
Aujourd'hui, le Parlement s'apprête à apporter une réponse précise à l'important problème du logement. La réversibilité limitée nous semble une réponse adaptée aux problèmes rencontrés par les consommateurs à cet égard. En revanche, comme l'a rappelé M. le rapporteur, la réversibilité permanente nous placerait dans une situation difficile au moment d'entamer les négociations sur le troisième paquet énergétique.
Aussi, je vous demande à mon tour, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Pintat, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. Xavier Pintat. Je propose une réversibilité seulement pour les tarifs bleus et jusqu'en 2010 !
Je tiens à rappeler certains principes afin d'éviter toute confusion.
La Commission européenne ne critique pas l'écart entre les tarifs - à condition que tous les coûts liés à la production d'électricité d'origine électronucléaire soient pris en compte -, elle critique le fait que les tarifs soient subventionnés, soutenus par des aides publiques.
Comme l'a dit M. le secrétaire d'État, les procédures lancées par la Commission européenne à l'encontre des tarifs réglementés concernent non pas leur existence même, mais leur application indifférenciée à tous les consommateurs. Il faut, en outre, que ces tarifs prennent en compte les coûts de production et d'approvisionnement.
Le dispositif que je propose, limité dans le temps jusqu'en 2010 et aux tarifs bleus, est conforme à la directive de 2003, qui tend à instaurer un service universel d'électricité pour les consommateurs domestiques et les petits consommateurs professionnels, et constitue un garde-fou indispensable. Autant le mettre en place aujourd'hui, puisque nous serons obligés de le faire en 2010.
Ce dispositif permet également de faire jouer la concurrence, pour l'instant inexistante, moins de 7 % des consommateurs ayant aujourd'hui testé l'offre sur le marché de l'électricité.
Il a, enfin, l'avantage de réguler les prix. Au cours de plusieurs déplacements aux États-Unis et au Canada, nous avons constaté que les autorités de ces pays ne faisaient pas autre chose que de réguler les tarifs au niveau du consommateur final et de laisser jouer la concurrence pour les grandes entreprises.
Mise à part la question du délai, ma proposition ne pose aucun problème par rapport à la directive européenne et me semble tout à fait euro-compatible.
M. le président. L'amendement n° 2 est donc maintenu ?
M. Xavier Pintat. Malgré toute l'estime et l'amitié que j'ai pour M. le rapporteur, je considère que cette question mérite d'être posée et débattue. L'accent a été mis tout à l'heure sur les difficultés juridiques liées à ce dispositif, que l'on complique de plus en plus.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les arguments développés par Xavier Pintat devront être utilisés à Bruxelles. S'y ajoute le fait que l'ouverture du marché de l'énergie a échoué. En effet, le 1er juillet, par crainte de ce qui s'était passé pour les entreprises, les particuliers sont restés frileux et n'ont pas testé l'offre du marché.
M. Daniel Raoul. Effectivement !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Compte tenu de tous ces éléments, le Gouvernement pourra réclamer plus de souplesse et le maintien du tarif régulé au-delà de 2010.
Dans l'absolu, vous avez sans doute raison, mon cher collègue. Pour que le marché de l'énergie fonctionne, peut-être faudra-t-il un retour pur et simple de la réversibilité, non pas avec le délai de six mois que vous préconisez, mais avec celui de trois mois proposé par les socialistes. Il faudra donc utiliser cet argument. Mais aujourd'hui n'adoptons pas une réversibilité qui serait mal prise et mal comprise par Bruxelles !
Je vous demande à nouveau de retirer cet amendement afin de ne pas provoquer la Commission. Nous la convaincrons en temps utile en utilisant tous les arguments, y compris les vôtres.
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Pour le gaz et l'électricité, sur le segment des résidentiels, la France est le seul pays, parmi ceux où coexistent les tarifs réglementés et les prix de marché, à ne pas autoriser la réversibilité.
Pour l'électricité, la réversibilité est autorisée par le Danemark, l'Espagne, le Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, le Portugal, l'Allemagne, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Roumanie.
S'agissant du gaz, la réversibilité existe au Danemark, en Espagne, en Hongrie, en Irlande, en Italie, en Pologne et en Roumanie.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pour le gaz, personne ne la demande !
M. Xavier Pintat. Effectivement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Pintat, le Gouvernement partage votre souci d'assurer la fluidité du marché. Une inquiétude est en effet apparue au lendemain de l'ouverture du marché de l'énergie le 1er juillet, puisque seuls quelques milliers de consommateurs ont choisi de tester les offres de la concurrence et d'aller vers le marché libre.
En même temps qu'elle constitue un message fort et très attendu, notamment par les associations de consommateurs, la règle « site/personne » proposée par votre assemblée va apporter une solution très concrète au problème relatif au logement, et c'est de bien de cela qu'il s'agit, puisqu'elle permettra d'éviter que le locataire suivant, ou le propriétaire, soit irréversiblement tenu par le choix du locataire précédent.
Par ailleurs, les consommateurs peuvent aujourd'hui trouver sur le marché libre des offres inférieures d'environ 10 % à celles du marché régulé.
Nous considérons donc que la proposition de loi, en déverrouillant la situation, répond à la problématique constatée depuis le 1er juillet.
J'ajoute, monsieur Pintat, que, comme l'a indiqué M. le rapporteur, l'adoption de votre amendement fragiliserait la position française au moment où nous entamons des discussions importantes dans le cadre du troisième paquet énergétique.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Il s'agit d'un amendement qui, sur le plan pratique, aura sans doute peu de conséquences.
Xavier Pintat propose en effet d'autoriser la réversibilité pour les consommateurs particuliers bénéficiaires du tarif bleu et pour les consommateurs non domestiques ayant souscrit une puissance électrique inférieure à 36 kVA. Or, peut-on raisonnablement envisager que ces consommateurs demandent l'éligibilité pour « bénéficier » de la possibilité de payer plus cher qu'au tarif réglementé ? La réponse, mes chers collègues, est non, car nous savons pertinemment que le prix de l'électricité thermique, qui façonne celui de l'électricité concurrentielle, est nettement plus élevé que le prix de l'électricité d'origine nucléaire et qu'il y a peu de chance pour que le rapport s'inverse entre l'adoption de cette loi et 2010.
Comme le rapporteur l'a parfaitement expliqué, il y a eu voilà quelques années, à un moment où le nucléaire était plus cher que le thermique, une « tentation », mais l'envolée du prix du baril, dont tout laisse penser qu'elle ne fléchira pas dans les deux années à venir, rend le prix de l'électricité thermique, qui est la base du prix de marché européen, plus élevé que le tarif réglementé.
Dans la rédaction proposée par Xavier Pintat, le texte s'adresserait donc au fond à des clients qui feraient le choix, déraisonnable aujourd'hui, de « quitter » le tarif réglementé et qui souhaiteraient ensuite y revenir.
Cette rédaction a cependant un avantage par rapport à celle de la proposition de loi : elle permet d'éviter une ambiguïté dans le cas de figure qui a été évoqué, celui du particulier qui pour retrouver le bénéfice du tarif réglementé dans un logement ferait souscrire un nouveau contrat par quelqu'un d'autre. Mais force est de reconnaître qu'il s'agit d'un cas de figure extrêmement marginal.
En revanche, je ne partage pas tout à fait l'opinion de Ladislas Poniatowski quant à notre position vis-à-vis de Bruxelles.
Il faut tout de même rappeler que la libéralisation du marché de l'électricité n'aura pas de sens tant que coexisteront deux systèmes de production profondément différents et voulus tels pour des raisons uniquement fondées sur des considérations politiques et qui n'ont rien à voir avec l'économie.
L'Allemagne, en décidant un moratoire sur le nucléaire, a ipso facto décidé de payer plus cher son électricité et je ne vois pas pourquoi, nous Français, nous accepterions de nous aligner sur les prix allemands !
Je ne vois pas davantage pourquoi la Commission persécuterait les consommateurs français actuels qui « s'obstinent » à bénéficier de ce que les générations précédentes ont créé, à savoir un parc électronucléaire qui nous met aujourd'hui à l'abri des variations de prix de l'électricité thermique.
Il faut que la Commission accepte une bonne fois pour toutes que, comme Xavier Pintat l'a rappelé, les tarifs réglementés ne sont pas en France des tarifs subventionnés : ces tarifs réglementés, nous les devons à la compétitivité du système que nous avons choisi et que d'autres refusent d'adopter pour des raisons politiques.
C'est donc de notre côté, nous Français, que réside le bon sens économique, bon sens que nous avons d'ailleurs conforté, et Ladislas Poniatowski a eu raison de le rappeler, en adoptant la loi de programme relative à la gestion des matières et des déchets radioactifs, laquelle tend, de manière générale, à fixer le coût réel de l'électricité électronucléaire, qui - nous en sommes bien d'accord, monsieur Desessard - dépasse largement le prix du combustible et l'amortissement des centrales existantes.
À mon sens, il n'y a pas - si ce n'est sur le plan de la procédure parlementaire, car il faudrait que nos collègues de l'Assemblée nationale acceptent cette idée - de risque à adopter l'amendement de Xavier Pintat : il ne concernera qu'une minorité de consommateurs et, s'il ne règle qu'un problème très marginal, il nous permet en revanche de rappeler, dans la négociation avec la Commission, que c'est celle-ci qui est dans l'erreur économique et que le choix français de l'électronucléaire est le choix de la raison.
Au fond, c'est de cela qu'il s'agit. Aussi, mais je le dis avec beaucoup de modestie, car je n'ai pas la charge de négocier avec la Commission et je comprends les lourdes responsabilités du Gouvernement, je ne vois pas en quoi l'adoption de l'amendement de Xavier Pintat affaiblirait la position française : il n'y aura pas de marché s'il n'y a pas de réversibilité, sauf qu'il n'y aura pas besoin de réversibilité parce que personne ne quittera le tarif protecteur qu'est le tarif réglementé.
J'ajoute à l'intention de notre collègue Daniel Raoul que ceux qui ont quitté le tarif réglementé l'ont souvent fait, en tout cas s'agissant des entreprises, à la demande d'EDF.
M. Daniel Raoul. Exactement !
M. Gérard Longuet. Ils n'ont pas été séduits par les sirènes de l'ultralibéralisme ou débauchés par des capitalistes avides : ce sont souvent les commerciaux d'EDF qui leur ont fait valoir la folie qu'il y avait à payer au tarif réglementé alors qu'on leur offrait un tarif libre. Puis ils ont été « coincés »...
Je pense donc, monsieur le rapporteur, qu'il n'y a pas de risque à adopter cet amendement qui règle, je le répète, un problème marginal...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il ne sera plus marginal !
M. Gérard Longuet. ...et qui ne concernera qu'une minorité, mais qui fera apparaître à la Commission que c'est au contraire en acceptant la réversibilité que nous libérons le choix, étant cependant entendu que le choix du bon sens est de rester dans le tarif réglementé.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Puisque M. le rapporteur semblait avoir quelques doutes sur ce que je disais à propos des pays ayant conservé des tarifs réglementés, je précise, en me référant à un rapport, publié en juin 2007, de l'ERGEG, l'European Regulator's Group for Electricity and Gas, que les tarifs réglementés subsistent dans dix-sept pays, qu'ils sont accessibles aux professionnels gros consommateurs d'électricité dans quatorze de ces pays, parmi lesquels la France, l'Irlande, l'Espagne, le Portugal, la Grèce, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, l'Estonie, Chypre, et que seuls trois pays, sur ces quatorze, ont adopté la règle de l'irréversibilité : ce sont la France, la Slovaquie et l'Espagne depuis le 1er janvier 2007...
Dès lors, je ne comprends franchement pas pourquoi nous voudrions « laver plus blanc que blanc », sachant que la règle de l'irréversibilité arrêtée par la France ne figure pas dans la directive 2003/54/CE.
Cela étant dit, nous voterons l'amendement de M. Pintat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Avant que la Haute Assemblée n'exprime son vote, je ferai deux dernières remarques.
En premier lieu, monsieur Longuet, je partage bien sûr avec vous le souci de permettre la réversibilité, et je l'ai indiqué à plusieurs reprises. Mais, aujourd'hui, la réversibilité n'est pas acquise et c'est au Gouvernement d'aller la négocier dans le cadre des discussions engagées avec la Commission. Or le Gouvernement considère que l'adoption de cet amendement fragiliserait la situation précontentieuse dans laquelle notre pays est déjà vis-à-vis de la Commission.
En second lieu, je rappelle que, dans l'avis qu'il a rendu voilà quelques semaines, le Conseil de la concurrence a précisé qu'EDF fournirait de l'électricité nucléaire aux opérateurs alternatifs, ce qui leur permettra de concurrencer le marché régulé. Or, comme je l'ai indiqué, il y a déjà sur le marché libre des offres compétitives inférieures d'environ 10 % à celles du marché régulé.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement maintient sa position : l'adoption de cet amendement, qui irait peut-être à l'encontre de ce que souhaite la Haute Assemblée, fragiliserait en tout cas notre position dans le cadre des négociations que nous avons entamées.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission. (M. Jean Desessard s'exclame.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 3 :
Nombre de votants | 311 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 156 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Je serais curieux de savoir qui a pu voter au nom des sénateurs du groupe de l'Union centriste-UDF sans leur demander leur avis. En effet, aucun d'entre eux n'était alors présent en séance. Je tiens ici à faire part de mon étonnement. Que je sache, nous ne sommes pas en Corse !
M. Robert del Picchia. Les membres de l'Union centriste-UDF, auxquels nous avons demandé leur opinion, nous ont chargés de déposer leurs bulletins dans l'urne.
M. le président. Ce genre d'accord est très fréquent. En effet, il arrive régulièrement qu'un groupe se mette d'accord avec un autre groupe, ce qui est le cas, en l'occurrence.
Monsieur Raoul, je pense que vous serez d'accord avec moi sur ce point.
M. Daniel Raoul. Chacun aura bien compris l'enjeu du débat.
Les membres du groupe de l'Union centriste-UDF n'étaient pas présents en séance. Certes, dans l'absolu, une opinion a pu être exprimée après le dépôt de l'amendement n° 2. Toutefois, compte tenu des arguments avancés par MM. Longuet, Pintat et nous-mêmes sur ce dernier, un débat aurait pu avoir lieu et leur position aurait pu évoluer. (M. Roland Courteau opine.) J'en veux pour preuve le fait que certains sénateurs UMP ont apparemment changé d'avis.
Je considère donc que la méthode employée n'est pas très correcte au regard du fonctionnement de notre assemblée. Il s'agit, en fait, d'une OPA sauvage sur des voix de sénateurs n'ayant pas participé au débat !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. À partir du moment où le groupe parlementaire dont vous parlez nous a donné son accord, même si les membres de ce dernier étaient effectivement absents lors du débat en séance publique, on peut admettre que le vote que nous avons émis en leur nom correspondait à ce qu'ils souhaitaient.
Il est vrai que si l'une de ces personnes avait été là, elle aurait pu nous dire si elle souhaitait ceci ou cela. Mais, dès lors qu'il ne nous est pas possible de faire la part des choses en votant de telle façon pour tel ou tel sénateur, nous pouvons considérer que le groupe en question nous a donné « procuration » pour voter en son nom. Je suis désolé, mon cher collègue, mais cela pourrait se produire pour un autre groupe de cette assemblée.
M. le président. Nous comprenons bien qu'un accord entre groupes est intervenu sur le vote de cet amendement.
Cela étant dit, M. Raoul a raison sur le fond, c'est-à-dire non pas sur la façon de procéder d'aujourd'hui, mais, de manière globale, sur le fonctionnement de notre assemblée.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Lors des travaux en commission, le groupe de l'Union centriste-UDF a voté contre l'amendement n° 2 ; il a suivi le rapporteur sur l'ensemble des amendements.
M. le président. Monsieur le rapporteur, je ne cherche pas à interpréter la volonté de nos collègues, je constate simplement qu'un accord entre groupes est intervenu et que le vote s'est déroulé de la manière dont cela se passe assez régulièrement, convenons-en, avec le groupe RDSE, voire parfois avec celui des non-inscrits.
Il n'en reste pas moins que, dans l'absolu, nous devrons à un moment donné réfléchir à notre façon de travailler et trouver des solutions (Mme Marie-Thérèse Hermange et M. Robert del Picchia applaudissent), tant il est vrai que nombreux sont ceux qui se sont déjà interrogés sur ce point, même si cela ne concerne pas le vote précis d'aujourd'hui.
Par conséquent, si chacun en était d'accord, je souhaiterais que nous poursuivions l'examen de l'article 1er.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Jean-Marc Pastor, vice-président de la commission des affaires économiques. Je souhaite intervenir car la commission a été citée dans ce débat et il y a tout de même quelque chose qui me gêne.
Nous sommes une instance démocratique. Or, si un groupe n'est pas représenté au moment du vote en séance publique, indépendamment de l'intention dont il a fait part auparavant - mon collègue rapporteur a tout à fait raison sur ce point -, il reste que nous connaissons la position qu'il a prise en commission.
Cela étant, il est vrai que la démocratie commande d'appliquer les règles républicaines au sein de l'hémicycle. Nous devons en cela être un exemple pour tous ceux qui peuvent assister à nos travaux, et il est tout de même gênant de se trouver, à l'occasion d'un amendement, dans une situation quelque peu bancale.
Monsieur le président, votre rôle - je le comprends et l'admets pleinement - est d'essayer de modérer. Certes, ce vote ne changera pas la face de la France, mais il est tout de même regrettable d'en arriver là.
M. le président. Monsieur Pastor, je vous ai donné la parole en tant que vice-président de la commission.
Or je tiens simplement à dire que concernant la façon dont les choses se sont passées, il s'agit d'une façon de faire assez courante. Dès lors, il ne s'agit pas ici de stigmatiser un vote qui a eu lieu dans ces conditions.
En revanche, cela doit nous interroger de manière plus générale sur la façon dont le Sénat fonctionne au moment des scrutins ; la question est posée. Je crois avoir répondu à titre personnel de façon très claire sur ce point, mais il me semble que s'agissant du fonctionnement même du Sénat, il faudra nous y appesantir à l'avenir, afin de trouver des solutions de nature à éviter le genre de discussion que nous avons en ce moment, car cela n'est bon pour personne.
La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'article 1er.
M. Thierry Repentin. Je voudrais apporter une précision.
Notre groupe a déposé une proposition de loi visant à permettre effectivement aux ménages locataires de pouvoir revenir au tarif réglementé, mesure qui, à nos yeux, était essentielle.
Quant aux deux autres propositions de loi, elles poursuivaient à peu de choses près le même objectif.
En cet instant, je voudrais simplement m'adresser à M. Poniatowski. Celui-ci, dans sa déclaration liminaire, avait indiqué que, depuis la déréglementation, si vous me permettez l'expression, seuls 4 000 ménages s'étaient tournés vers un opérateur différent avec un tarif sur le marché libre, résultat qu'il estimait finalement assez modeste quantitativement s'agissant d'un parc de plusieurs millions de clients.
L'article 1er tel qu'il nous est proposé constitue une avancée.
En effet, on aurait très bien pu imaginer que les prestataires en matière de desserte en électricité se mettent d'accord pour, sur quelques mois, faire une offre très attractive à destination exclusivement des locataires de notre pays, afin de capter en quelque sorte tout ou partie du marché du parc locatif, pour, en fin de compte, faire jouer les tarifs comme ils le désiraient, les clients n'ayant plus alors la possibilité de revenir en arrière, c'est-à-dire au tarif régulé.
Il y avait là un vrai danger pour l'avenir. Or l'article 1er permet en quelque sorte de prévenir, plutôt que d'avoir à guérir dans les mois qui viennent une situation très difficile.
Bien sûr, nous ne sommes pas complètement satisfaits, vous le comprenez bien, car une date butoir, à savoir le 1er juillet 2010, nous est imposée, qui ne recueille pas notre assentiment.
Néanmoins, étant donné que cet article représente une avancée, l'essentiel étant sauvegardé jusqu'en 2010, nous ne voterons pas contre.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est vingt heures quinze et il ne serait pas raisonnable de poursuivre nos travaux au-delà de vingt et une heures. Par conséquent, soit nous faisons en sorte d'achever nos travaux avant cette limite, soit je suspends la séance.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il est préférable d'achever nos travaux avant le dîner, monsieur le président. (Marques d'approbation sur l'ensemble des travées.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n°8, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin de l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, les mots :
« avant le 1er juillet 2010 » sont supprimés.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Si l'article 66-2 de la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique prévoit bien que les tarifs réglementés de vente d'électricité continuent de s'appliquer à tout nouveau site de consommation domestique ou professionnel - logements, bâtiments neufs -, il reste qu'il limite dans le temps la portée de cette mesure en fixant la date butoir au 1er juillet 2010.
Par conséquent, le dispositif n'est pas pérenne ; il ne s'applique qu'au cours d'une courte période transitoire.
Jean-Claude Lenoir, l'un des coauteurs d'un amendement déposé à l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi instituant le droit opposable au logement s'exprimait ainsi : « Il conviendra, au terme de cette période, d'étudier au vu de l'évolution du marché l'éventuelle adaptation du dispositif comme cela est également prévu pour le tarif transitoire d'ajustement du marché proposé jusqu'au 1er juillet 2007 aux professionnels ayant exercé leur éligibilité et dont la compatibilité avec la directive n'a pas été contestée. »
Autrement dit, il s'agit de programmer l'extinction des tarifs réglementés de vente de l'électricité, qui, au-delà de 2010, ne devraient plus s'appliquer aux nouveaux sites de consommation.
À travers l'amendement n°8, nous nous opposons précisément à cette extinction programmée des tarifs réglementés de vente d'électricité.
Cessons d'aller plus loin que ne nous le demande l'Union européenne. Comme l'ont fort bien dit mes collègues Thierry Repentin et Daniel Raoul, on veut nous imposer une date butoir alors que l'Union européenne ne nous demande rien et il nous est proposé d'aller négocier à Bruxelles ce que l'on n'attend pas de nous !
Soyons clairs ; je m'adresse à la majorité sénatoriale, et plus particulièrement à l'UMP : si vous voulez supprimer les tarifs réglementés, il faut avoir le courage de le dire !
N'essayez pas de faire croire que vous êtes pour le maintien de ces tarifs réglementés alors qu'en fait vous êtes favorables à leur extinction programmée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer la date butoir de 2010. La commission émet un avis défavorable : cet amendement n'aurait été logique que si cette date avait été supprimée par le texte que nous examinons aujourd'hui.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. J'ai eu l'occasion de souligner tout à l'heure la nécessité de maintenir cette date dans un souci d'équilibre global du texte. Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) J'applique le règlement !
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 4 :
Nombre de votants | 297 |
Nombre de suffrages exprimés | 297 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 149 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 170 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 2
L'article 66-1 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 précitée est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - Un consommateur final domestique de gaz naturel qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010 bénéficie des tarifs réglementés de vente de gaz naturel pour la consommation d'un site, à condition qu'il n'ait pas lui-même fait usage pour ce site de la faculté prévue à l'article 3 précité. »
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, sur l'article.
M. Daniel Raoul. J'espère que la discussion de cet article prendra une tournure différente de celle qui vient de prévaloir. En tout cas, vous conviendrez, monsieur le président, que le fonctionnement de notre assemblée ce soir n'est pas digne de l'intérêt que devrait susciter l'objet de cette proposition de loi.
Je suis profondément choqué. À quoi servent nos séances s'il suffit d'entériner les décisions des commissions ? À la limite, pourquoi ne pas supprimer le Sénat, comme certains l'ont évoqué ?
M. le président. Monsieur Raoul, la présidence a assuré la tenue de cette séance en respectant le règlement. Comme je le soulignais tout à l'heure, il faudrait plutôt nous interroger, de façon globale, sur la façon dont le Sénat procède aux votes en séance publique.
Le règlement du Sénat a été adopté par l'ensemble de l'assemblée ; nous pouvons le modifier si nous le souhaitons, mais tel pas l'objet du débat de ce soir. La période étant cependant propice aux propositions, n'hésitez pas à en formuler.
Dans l'immédiat, nous allons examiner l'amendement qui porte sur l'article 2.
L'amendement n° 7, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, après les mots :
de gaz naturel
supprimer les mots :
qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010
Cet amendement a déjà été défendu.
M. le rapporteur a émis un avis défavorable.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
M. Daniel Raoul. Et si je déposais une demande de scrutin public ?...
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 14, présenté par M. Billout, Mme Didier et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est ainsi rédigé :
« Art. 66-2. - Les articles 66 et 66-1 sont également applicables aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux de distribution ou de transport. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Avec cet amendement, les sénateurs du groupe CRC souhaitent que les sites de consommation raccordés au gaz après le 1er juillet 2007 puissent bénéficier des tarifs réglementés et donc se voir appliquer le dispositif prévu pour l'électricité dans la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.
Lors des débats qui ont eu lieu cet été dans cet hémicycle sur le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, nous avions demandé que les sites de consommation créés après le 1er juillet 2007 puissent bénéficier des tarifs réglementés du gaz. Nous considérons en effet que la facture énergétique des ménages n'est pas une question étrangère à leur pouvoir d'achat.
Au moment de l'examen du texte sur le droit au logement opposable en mars 2007, la majorité parlementaire avait déjà compris les contradictions et les incohérences des positions qu'elle avait défendues quelques mois plus tôt. Ainsi, des députés UMP avaient déposé un amendement afin que les logements neufs construits après le 1er juillet 2007 puissent bénéficier des tarifs réglementés de l'électricité, et ce jusqu'en 2010.
Même si les deux articles de la proposition de loi avaient un jour force de loi, il nous semble que cette disposition sur les logements neufs garderait tout son intérêt. En effet, ces articles s'intéressent à la réversibilité du choix du consommateur qui arrive dans un nouveau site, sans apporter de précisions sur le cas des sites créés après l'ouverture à la concurrence. Or il est essentiel que le bénéfice des tarifs réglementés soit garanti à ces logements afin de ne pas les discriminer par rapport aux logements existant antérieurement à cette date, et cela pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, comme nous l'expliquait un député de la majorité à l'époque, les logements raccordés après le 1er juillet 2007, notamment les logements sociaux, seraient obligatoirement fournis au prix du marché, ce qui renchérirait le coût de leur fourniture énergétique.
Ensuite, cette discrimination selon la date de raccordement du logement serait de nature à remettre en cause l'effort de construction.
Enfin, cette situation conduirait les consommateurs à supporter un coût de l'électricité plus élevé au seul motif de la date de raccordement, indépendamment de leur propre décision.
La décision concernant les contrats d'électricité avait été accueillie favorablement par la gauche, quelque peu surprise de constater la prise de conscience, timide mais réelle, de la majorité sur ces questions.
Cependant, nous ne comprenons pas pourquoi ce qui vaut pour l'électricité ne vaudrait pas pour le gaz. Animés par le même souci de cohérence avec l'article 24 de la loi instituant le droit au logement opposable du 5 mars 2007, nous souhaitons que les sites de consommation raccordés au gaz postérieurement au 1er juillet 2007 puissent bénéficier des tarifs réglementés.
Enfin, j'aimerais que la notion de « nouveaux sites de consommation » soit clairement définie. En effet, il ne faudrait pas oublier que certains logements, même anciens, peuvent être de nouveaux sites de consommation. À ce titre, les dispositions susmentionnées devraient leur être applicables.
Pour les mêmes raisons que celles qui ont poussé très justement le législateur à préciser le droit applicable dans la loi sur le logement opposable, nous vous demandons d'adopter notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. ... - L'article 66-1 est également applicable, pour les consommateurs domestiques, aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux de distribution. »
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Nous souhaitons que le dispositif de préservation des tarifs réglementés de vente prévu pour les nouveaux sites de consommation par l'article 66-2 de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique ne se limite pas exclusivement à l'électricité mais puisse également être étendu au gaz, et ce pour le bénéfice des particuliers.
Nous rappelons qu'aujourd'hui l'essentiel du gaz vendu l'est sous forme de contrat à long terme. Les marchés de court terme, particulièrement pour l'Europe, demeurent marginaux, et leur volatilité est telle que l'on ne peut s'appuyer sur eux pour fixer les prix de vente de gaz naturel à la consommation.
Pour les ménages, notamment, il revient à l'État de s'assurer que les tarifs réglementés de vente de gaz naturel sont bien « calés » sur les prix obtenus dans le cadre des contrats à long terme signés par Gaz de France.
Nous considérons que les tensions actuelles sur le prix du baril de pétrole, la privatisation en cours de Gaz de France, les recompositions à l'échelle européenne et internationale du secteur énergétique sont, entre autres, autant de facteurs créant les conditions de fortes pressions sur les prix du gaz.
Il n'y a donc aucune raison a priori de ne pas étendre aux consommateurs domestiques de gaz le dispositif prévu par l'article 66-2 susmentionné, qui avait été rendu possible grâce à l'adoption d'un amendement dans le cadre de la loi instituant le droit au logement opposable. Il faut ouvrir la possibilité pour les ménages d'un raccordement au gaz aux tarifs réglementés dans tous les logements neufs postérieurs au 1er juillet 2007.
M. le président. Le sous-amendement n° 23, présenté par M. Poniatowski, est ainsi libellé :
A - Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 9, après le mot :
consommateurs
insérer le mot :
finals
B - Compléter ce même alinéa par les mots :
avant le 1er juillet 2010
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. La commission a considéré qu'il était logique d'étendre au gaz la mesure qui a été adoptée en matière d'électricité pour les ménages, donc d'adopter l'amendement du groupe socialiste qui va en ce sens.
Toutefois cet amendement ne prévoit pas de date butoir. Le sous-amendement que je présente consiste à ajouter la date de 2010 dans un souci de logique du mécanisme de l'ensemble du texte.
Si ce sous-amendement est adopté, la commission émettra un avis favorable sur l'amendement n° 9.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. ... - L'article 66-1 est également applicable, pour les consommateurs non domestiques, aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux de distribution ou de transport de gaz naturel. »
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Après avoir entendu les propos de M. le rapporteur, j'ai l'intime conviction que l'amendement n° 9, éventuellement rectifié, a une chance d'être adopté.
Si nous offrons la possibilité aux ménages de pouvoir bénéficier, pour les logements neufs, des tarifs réglementés du gaz, il me semble que nous devrions rendre applicable cette disposition aux consommateurs non domestiques. Tel est l'objet de l'amendement n° 11.
Que se passera-t-il, par exemple, lorsqu'une construction neuve prendra la forme d'une SCI ?
Que se passera-t-il lorsque les logements d'un immeuble neuf seront occupés non seulement par des ménages, mais également par des professions libérales : des médecins, des avocats... ?
Que se passera-t-il lorsque l'abonné sera une société d'économie mixte et que l'immeuble comprendra des logements et une activité commerciale ?
Que se passera-t-il pour le raccordement de tous ces logements et de la société civile immobilière ? Que se passera-t-il pour le chauffage au gaz, mais aussi pour l'eau chaude sanitaire ?
Vous me direz que la solution, c'est le compteur individuel, mais il n'y en a pas toujours.
Je propose donc, comme pour l'amendement n° 9, que la Haute Assemblée laisse ouverte la possibilité que nous proposons dans l'amendement n° 11, ce qui permettra de trouver une solution au cours de la navette si l'amendement n'est pas parfait.
Si nous ne prenons pas en compte le fait qu'un nouvel immeuble puisse compter à la fois des abonnés domestiques et des abonnés non domestiques, je crains que le flou de la situation ne se traduise par l'impossibilité pour les consommateurs domestiques de bénéficier du tarif réglementé.
Nous avons trouvé un accord concernant l'amendement n° 19 rectifié, signé par des noms prestigieux - M. Poniatowski, M. Emorine, M. Pintat -, pour les consommateurs non domestiques ayant de faibles consommations d'électricité. Notre argumentation concernant l'électricité me paraît valoir également pour le gaz.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 14 et 11 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Si je suis d'accord avec le volet concernant les ménages de l'amendement n° 14, mesure qui est prise en compte dans l'amendement n° 9, je suis en revanche défavorable à l'extension du dispositif aux professionnels. En outre, cet amendement ne prévoit pas de date butoir.
L'amendement n° 11 ne prévoit pas, lui non plus, de date butoir. La commission y est donc également défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Les amendements nos 11 et 14 ont tous les deux pour objet d'étendre à l'ensemble des consommateurs professionnels, pour les nouveaux sites de consommation, le bénéfice des tarifs réglementés de vente de gaz. Le Gouvernement n'y est pas favorable, car il pense que cette proposition vient rompre l'équilibre qu'a évoqué à plusieurs reprises M. le rapporteur : cette proposition de loi ne vise à répondre qu'au problème bien spécifique des consommateurs particuliers.
En revanche, le Gouvernement comprend la préoccupation que traduit l'amendement n° 9, modifié par le sous-amendement n° 23 de la commission. Il s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 11.
M. Thierry Repentin. J'ai bien entendu l'avis défavorable de M. le rapporteur, qui a visiblement suivi celui du Gouvernement, mais je n'ai pas vraiment obtenu de réponse à mes questions.
Que se passera-t-il, par exemple, lorsqu'un ménage décidera de construire son logement sous forme de SCI ou lorsqu'une profession libérale installera son cabinet dans son logement ? Seront-t-ils considérés comme des abonnés domestiques ? Ce point est important, car il conditionne l'éligibilité au tarif réglementé. Cette question va se poser dès demain matin.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Repentin, nous connaissons cette situation dans nos départements respectifs. J'ai été président d'un office HLM pendant six ans ; j'ai fait supprimer les compteurs collectifs et installer des compteurs individuels. Même les sociétés d'économie mixte - elles ont, c'est vrai, deux ou trois immeubles, comprenant dix ou quinze locataires - ont intérêt à mettre en place des compteurs individuels. Le compteur collectif n'est pas une bonne solution, car, comme vous le savez, il crée des situations d'injustice.
On ne va pas faire une loi pour quelques cas de figure ! Il faut que ces quelques cas de figure s'adaptent à la loi.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Tout consommateur final domestique de gaz naturel bénéficie des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie pour la consommation du ou des sites raccordés aux réseaux de distribution de gaz naturel entre le 1er juillet 2007 et la date de publication de la présente loi pour lesquels il en fait la demande.
Les tarifs mentionnés à l'alinéa précédent sont applicables de plein droit et sans pénalité aux contrats en cours à compter de la date à laquelle la demande est formulée.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Nous estimons que le dispositif de préservation des tarifs réglementés de vente prévu par l'article 66-2 ne doit pas être limité à l'électricité ; il doit être étendu au gaz naturel.
Nous proposons donc un dispositif de rattrapage permettant de prendre en compte les sites qui ont été raccordés aux réseaux entre le 1er juillet 2007 et la date de publication de la présente loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Un problème similaire s'était posé, vous vous en souvenez, lorsque la loi de 2006 avait été adoptée. Les cas que vous évoquez sont en nombre très limité. Ils concernent une période elle-même très limitée, qui va du 1er juillet 2007 à la date de publication de la présente loi.
J'ajoute que le problème du gaz n'est pas dramatique. Comme en 2006, Gaz de France s'engage à traiter les quelques cas critiques individuels et à renégocier le contrat. Cela nous évitera d'avoir à légiférer pour quelques cas particuliers.
Mes chers collègues, je vous demande, comme vous l'aviez fait en 2006, de bien vouloir retirer cet amendement, sachant que Gaz de France avait résolu les problèmes que vous évoquiez.
M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?
M. Daniel Raoul. Compte tenu des explications que vient de donner M. le rapporteur et de sa grande mémoire, nous adopterons la même attitude qu'en 2006.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous remercie !
M. Daniel Raoul. J'espère qu'il y aura un match retour et que vous aurez l'occasion de nous remercier d'une façon plus efficace. (Sourires.)
Nous retirons donc l'amendement n° 10, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 10 est retiré.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Tout consommateur final non domestique de gaz naturel bénéficie des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie pour la consommation du ou des sites raccordés aux réseaux de distribution et de transport de gaz naturel entre le 1er juillet 2007 et la date de publication de la présente loi pour lesquels il en fait la demande.
Les tarifs mentionnés à l'alinéa précédent sont applicables de plein droit et sans pénalité aux contrats en cours à compter de la date à laquelle la demande est formulée.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
L'amendement n° 13, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatorzième alinéa de l'article 1er de la loi n° 2004-803 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« De tels contrats comportant des obligations de service public sont également conclus entre l'Etat et tout producteur d'électricité exploitant des installations d'une puissance installée de plus de 2 000 mégawatts. »
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, je pense que vous n'avez pas compris mon intervention tout à l'heure : je mettais en cause non pas votre rôle, mais le fonctionnement de notre assemblée.
Cela dit, l'objet de l'amendement n° 13 est de soumettre les grands opérateurs du secteur énergétique à des obligations de service public, notamment en matière de tarification. Il vise à ce que, à l'instar des contrats de service public signés entre l'État et les opérateurs historiques, les nouveaux opérateurs du secteur mettent en place un véritable contrat de service public, comportant des obligations tarifaires contraignantes, permettant de maintenir des tarifs abordables et faisant l'objet d'une péréquation sur l'ensemble du territoire, conformément à l'article 1er de la loi n° 2004-803 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. Il serait bon que vous relisiez la loi que vous avez adoptée, mes chers collègues !
L'article 1er de cette loi prévoit en effet de soumettre les opérateurs historiques comme Gaz de France et EDF à des obligations de service public. Les contrats portent notamment sur « les exigences de service public en matière de sécurité d'approvisionnement, de régularité et de qualité du service rendu aux consommateurs », « les moyens permettant d'assurer l'accès au service public, la politique de recherche et développement des entreprises », « la politique de protection de l'environnement, incluant l'utilisation rationnelle des énergies et la lutte contre l'effet de serre », « l'évolution pluriannuelle des tarifs de vente de l'électricité et du gaz ».
In fine, cet article prévoit : « Electricité de France et Gaz de France contribuent à la cohésion sociale, notamment au travers de la péréquation nationale des tarifs de vente de l'électricité aux consommateurs domestiques, de l'harmonisation de ces tarifs pour le gaz et de la péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution. »
Dans le cadre de la restructuration actuelle du secteur énergétique, que vous souhaitez, avec l'émergence de grands groupes multi-énergies - gaz et électricité -, à l'instar de la fusion entre GDF et Suez, il nous semble important de soumettre les nouveaux gros opérateurs potentiels entrant dans le secteur à des obligations de service public.
Le contrat de service public de Gaz de France arrive à son terme à la fin de 2007. Comme le prévoit la loi, il doit être renouvelé. Qu'en sera-t-il dans le cadre de la fusion Gaz de France-Suez ? Quels engagements tarifaires seront pris dans ce cadre ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cher collègue, vous avez légèrement évolué par rapport au dernier article de votre proposition de loi. Celui-ci prévoyait en effet un contrat de service public avec tous les opérateurs électriques et gaziers, ce qui, à mon avis, était excessif, comme je vous l'avais expliqué en commission.
L'amendement n° 13 vise à limiter cette disposition aux seuls producteurs d'électricité disposant d'une capacité supérieure à 2 000 mégawatts.
M. Daniel Raoul. Ce n'est pas un hasard !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous signale que les obligations législatives et réglementaires en matière de service public s'appliquent pleinement à ces entreprises, notamment à celles qui figurent dans les lois de 2000, de 2004 et de 2005, même si elles n'ont pas signé de contrat. Je tenais à vous le rappeler.
Dans la pratique, qu'est-ce que cela signifie ? Si votre amendement était adopté, il contraindrait l'État à signer un contrat de service public avec Suez et avec Endesa France, l'ex-Société Nationale d'Électricité et de Thermique, la SNET. Votre amendement ne concerne en effet que ces deux entreprises, car, à ma connaissance, ce sont les seules du secteur électrique à disposer d'une telle capacité.
M. Daniel Raoul. Et EDF !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Bien entendu ! Pour EDF, le contrat de service public est déjà une obligation, prévue à l'article 1er de la loi de 2004. Pour Suez, cela va le devenir, du fait de sa fusion avec Gaz de France. L'actuel contrat de service public liant l'État à Gaz de France couvre la période allant de 2005 à 2007. À l'issue de cette période, l'entreprise Gaz de France-Suez sera naturellement tenue de discuter et de signer un contrat de service public.
Par ailleurs, je ne suis pas sûr qu'il soit opportun de prévoir la signature d'un contrat de service public entre l'État et Endesa France. Peut-être le Gouvernement va-t-il nous donner quelques explications sur ce point.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Ce sujet dépasse sans doute la question qui avait été circonscrite par la commission et par son rapporteur lors de sa présentation de la proposition de loi au cours de la discussion générale.
Par ailleurs, cet amendement concernerait en France deux grands groupes, EDF et Gaz de France-Suez, qui ont déjà l'obligation de signer un contrat de service public. Le contrat de Gaz de France-Suez sera signé prochainement.
Pour cette raison, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Ôtez-moi un doute : l'État va-t-il signer un nouveau contrat de service public avec Gaz de France- Suez ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Le contrat arrive à échéance à la fin de 2007 !
M. Daniel Raoul. Nous sommes en octobre 2007, le nouveau contrat est-il en préparation, oui ou non ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Un nouveau contrat est obligatoire !
M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 13 est-il maintenu ?
M. Daniel Raoul. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. J'indique au Sénat que la commission propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions modifiées de la commission des affaires économiques sur les propositions de loi n°s 369,427 et 462, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe de l'UMP soutient l'initiative législative de notre collègue Ladislas Poniatowski, car elle offre la solution juridique la plus raisonnable face à une difficulté que le Conseil constitutionnel a créée pour nos concitoyens consommateurs en censurant, en 2006, les dispositions portant sur les tarifs réglementés contenues dans le projet de loi relatif au secteur de l'énergie.
La décision du Conseil constitutionnel a pour conséquence de rendre irréversible le choix de la concurrence par un ménage et pour un logement donné, ce qui a des répercussions tant sur les locataires que sur les propriétaires. Ainsi, les occupants suivants du logement concerné ne pourraient plus bénéficier des tarifs réglementés et le changement de régime pourrait se faire sans que le propriétaire en soit informé.
Or nous pouvons dès aujourd'hui établir un premier bilan de la sortie du tarif réglementé, choix qui a été effectué par certains consommateurs professionnels au cours des années deux mille et qui s'est, le plus souvent, traduit par une hausse des prix de l'électricité sur le court terme.
Mes chers collègues, comme le souligne M. le rapporteur, si nous pouvons craindre, par symétrie, un schéma similaire pour les consommateurs particuliers, les tarifs réglementés peuvent constituer une protection.
Aussi, M. le rapporteur propose d'instituer un dispositif permettant aux particuliers - une telle possibilité existe déjà pour les très gros consommateurs industriels - de revenir au tarif réglementé en cas de changement de site de consommation pour l'électricité et le gaz.
La présente proposition de loi répond donc avec prudence et réalisme à une situation qui est complexe. D'une part, la France a différents contentieux en cours au niveau européen. D'autre part, la question des tarifs ne représente qu'une partie du débat qui s'engage aujourd'hui à l'échelon communautaire sur la meilleure manière de garantir, à terme, notre approvisionnement et notre sécurité énergétiques.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, au-delà du texte législatif que nous voterons dans quelques instants, le groupe de l'UMP restera vigilant quant à l'avenir du secteur énergétique dans son ensemble. En effet, il s'agit là d'un sujet politique, dont les entrées sont multiples et qui devra être traité avec nos partenaires européens.
Dans cette perspective, le Sénat entend tenir toute sa place. Ainsi, sur l'initiative de notre collègue Bruno Sido, qui a récemment présidé une mission d'information sur le sujet, la Haute Assemblée organisera un débat sur l'approvisionnement électrique de la France le 30 octobre prochain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. À nos yeux, la récente fusion de Gaz de France et de Suez fait peser de sérieux risques sur le système tarifaire réglementé de vente du gaz naturel. Les sénateurs du groupe socialiste tiennent à réaffirmer leur opposition à cette fusion décidée par le Président de la République, qui s'était lui-même engagé, en 2004, à ne pas privatiser Gaz de France.
Les contraintes tarifaires de service public doivent peser sur les groupes énergétiques au moment où les actionnaires vont avoir les mains libres pour obtenir des augmentations substantielles des prix.
Alors que Gaz de France dispose de tarifs de gaz préférentiels dans le cadre des contrats de long terme conclus avec les pays producteurs, l'alignement des tarifs réglementés sur les prix des marchés pourrait, là encore, être à l'origine d'une rente gazière au bénéfice des seuls actionnaires et marchés financiers.
En effet, force est de le constater, les prix du gaz ont augmenté de près de 40 % au cours des trois dernières années. C'était d'ailleurs une contrainte imposée à Gaz de France par M. Thierry Breton, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en vue d'obtenir une convergence vers les prix de marché.
Je vous invite à consulter l'évolution - elle est édifiante - du cours de l'action Suez durant le mois de septembre. Les actionnaires ont largement salué la fusion de Suez et Gaz de France. Or, à ma connaissance, ce ne sont pas des philanthropes. En un mois, le cours de l'action a augmenté de 8,62 %. Je me doute bien que les acteurs concernés y voient un intérêt, mais je ne suis pas certain qu'il s'agisse forcément de celui du consommateur.
Dans ce contexte, les sénateurs socialistes tiennent à réaffirmer que la création d'un pôle public autour de Gaz de France et EDF était l'un des moyens de préserver la maîtrise tarifaire publique et la sécurité de nos approvisionnements en gaz, c'est-à-dire notre indépendance énergétique.
Toutefois, je souhaite exprimer ma satisfaction. Je le constate, les propositions que nous avons formulées avec beaucoup de persévérance lors du débat sur l'énergie en 2006 et lors de nos travaux en commission ont permis d'améliorer quelque peu le présent texte. Peut-être avons-nous joué les bons Samaritains en vous permettant de rattraper vos fautes...
Nous sommes très contents de constater que M. Poniatowski reprend dans la proposition de loi l'extension des dispositions sur le retour des tarifs réglementés sur l'électricité au profit du gaz. Je tenais à vous en donner acte, monsieur le rapporteur.
Toutefois, je ne peux que regretter que nous n'ayons pas pu aller plus loin, notamment en garantissant le bénéfice des tarifs réglementés pour l'électricité et le gaz sans limitation de date. Sur ce sujet, nous n'arriverons pas à nous convaincre. Selon vous, le dispositif proposé constitue un atout dans la négociation, alors que, pour nous, il s'agit d'une arme pour se faire hara-kiri avant le début du match ! (Sourires.)
L'année 2010 étant une date bien proche, les mesures qui sont adoptées aujourd'hui n'auront qu'un effet limité. Au moment où le Président de la République s'engage sur l'augmentation du pouvoir d'achat des Français, la suppression du délai limite de cette mesure aurait, me semble-t-il, constitué un acte concret.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quelle sera demain la pérennité des tarifs réglementés ? Peut-on espérer que l'adoption de cette loi constitue une garantie suffisante pour leur maintien ? À l'issue de nos débats, je suis pessimiste.
En effet, et vous semblez en avoir conscience, toute disposition permettant le maintien de tels tarifs ne peut être qu'une dérogation au droit communautaire tel qu'il est actuellement élaboré par les États membres. En ce sens, cette loi est conçue comme une simple dérogation temporaire à la fin annoncée des tarifs fixés par les pouvoirs publics.
Car la question est bien là ; il y a une antinomie totale entre l'existence de tarifs régulés et les impératifs de concurrence libre et non faussée.
C'est pourquoi, si les objectifs d'une telle loi ne méritent pas que l'on s'y oppose, les droits communautaire et national dans le secteur de l'énergie nécessitent plus que de simples dérogations.
Pour notre part, nous souhaitons une véritable réorientation de la construction européenne et une remise en cause du dogme libéral de la concurrence libre et non faussée comme pierre angulaire de toute politique publique. Ainsi avons-nous notamment demandé la réalisation d'un bilan sur les politiques de libéralisation du secteur de l'énergie.
En effet, nous avons suffisamment d'exemples pour savoir que l'ouverture à la concurrence n'a pas atteint les objectifs escomptés s'agissant de la baisse des tarifs par l'émulation de la concurrence. Bien au contraire, la sécurité d'approvisionnement est menacée et les tarifs se sont envolés.
Depuis l'ouverture de leur capital, les opérateurs historiques ont modifié le cap de leur politique d'entreprise. Ainsi, l'objectif d'augmenter la rentabilité pour les actionnaires est désormais mentionné dans les contrats de service public et un alignement des tarifs réglementés sur le tarif libre est prévu dans le contrat de service public de GDF.
Nous le voyons donc bien, la simple question des tarifs dits « réglementés » et de leur maintien est loin d'être exhaustive des problématiques liées au secteur de l'énergie.
Au final, nous le constatons, les anciens monopoles qui auraient dû être modernisés et démocratisés seront de facto remplacés par des oligopoles privés.
Pourtant, les enjeux sont fondamentaux et multiples. Ils font de l'énergie une denrée exceptionnelle qui ne peut être considérée comme une simple marchandise.
Ce simple constat, qui semble partagé par la plupart des collègues au sein de notre hémicycle, tous groupes politiques confondus, qui ont adopté le rapport de la mission d'information sur l'électricité, ne peut aboutir qu'à une seule conclusion : l'énergie n'étant pas une marchandise comme les autres, les questions relatives à sa maîtrise ne peuvent être laissées à la main invisible du marché.
Le secteur nécessite donc une forte maîtrise publique, comme le recommande le rapport de la mission d'information que je viens d'évoquer. Pour les sénateurs de mon groupe, cela passe par une condition stricte : il est nécessaire de garantir des capitaux uniquement publics au sein des opérateurs énergétiques, car toute prise de capitaux privés pervertit irrémédiablement la politique d'entreprise. De cette conception découle ou non l'existence de tarifs régulés.
Dans ce sens, nous avions déposé un amendement où nous proposions une nouvelle fois la fusion entre EDF et GDF. Cette idée est régulièrement réfutée par les tenants du libéralisme, et ce au nom des contreparties qui seraient imposées par Bruxelles. Pourtant, la création du géant Suez-GDF impose également des contreparties, et non des moindres ; je pense notamment à la cession de contrats à long terme pour GDF, à la séparation du pôle environnement pour Suez, ainsi qu'à la fin du monopole de production nucléaire pour EDF avec la création de son principal concurrent. Il s'agit de contreparties très importantes, sans les bénéfices d'une véritable maîtrise publique.
Nous le voyons donc, il s'agit là avant tout de choix politiques. Pourtant, nous n'avons pas pu avoir cette discussion, car notre amendement a été déclaré irrecevable par la commission des finances. Cette irrecevabilité nous interpelle. Est-ce là le pouvoir du Parlement ? Nous pouvons voter des lois, à l'unique condition qu'elles n'engagent pas les dépenses publiques. Nous nous retrouvons donc avec un Parlement impuissant, qui ne peut ni orienter la politique nationale ni formuler des choix politiques. L'apparente initiative parlementaire se révèle alors n'être qu'une vaste plaisanterie, puisque les lieux de décision sont ailleurs. Voilà peut-être une explication à la forte défection des parlementaires ce soir.
Au final, nous voterions cette proposition de loi alors même que notre gouvernement prône à Bruxelles l'ouverture totale et que le Président de la République annonce déjà la privatisation du nucléaire civil.
Selon nous, tant que la France ne s'engagera pas dans une réflexion plus globale sur les questions de maîtrise publique, une telle loi ne pourra pas avoir de portée suffisante. Dans le cadre actuel de libéralisation, les tarifs réglementés, qui sont incompatibles avec les objectifs de marché, seront évidemment sacrifiés, ou bien vidés de leur spécificité par un alignement sur les tarifs dits « libres ».
Les sénateurs communistes ne font pas le choix de la marchandisation de l'ensemble des activités humaines. Ils estiment que la puissance publique doit se doter des instruments industriels nécessaires pour répondre aux enjeux énergétiques du xxie siècle. C'est pourquoi ils s'abstiendront sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous arrivons au terme d'un après-midi de débats sur un sujet de fond.
Il s'agit du quatrième débat sur le sujet en quatre ans. Peut-être aborderons-nous encore la question énergétique en 2008 avec, à la clé, un nouveau texte législatif. Cela montre l'intérêt et la gravité de la question énergétique, mais cela met également en lumière la fragilité du refus d'adopter une vision globale sur le sujet.
Si la situation n'était pas si grave pour l'indépendance énergétique de la France, je trouverais l'attitude de la majorité, qui a l'habitude de prôner le libéralisme économique, véritablement savoureuse.
En effet, c'est le gouvernement Raffarin qui a voulu l'ouverture du marché de l'énergie aux particuliers. C'est sous le gouvernement Villepin que la convergence entre le tarif réglementé et le prix du marché a été prévue. C'est encore ce gouvernement qui a engagé la privatisation de GDF, dont on sait qu'elle n'avait pourtant pas été exigée par les autorités de Bruxelles, puisque le droit communautaire ne peut pas avoir d'influence sur la nature publique ou privée d'une entreprise.
Or c'est la même majorité, votre majorité, qui nous vante aujourd'hui les mérites du tarif réglementé et le caractère stratégique des activités de transport de l'électricité, ce qui justifie la présence de l'État. Les discours changent. Mais, de grâce, si nous voulons rassurer nos concitoyens, inscrivons-nous dans le long terme. Cessons la politique actuelle, qui consiste à faire des choix purement idéologiques pour revenir partiellement en arrière un an après.
L'ouverture à la concurrence a produit une hausse des prix dans le secteur dérégulé. C'est pourquoi le tarif de retour a été prévu pour les entreprises. Vous nous proposez aujourd'hui de l'instituer également pour les particuliers. Mais que ne l'avez-vous fait en 2005 ou en 2006 ? Tout le monde savait que notre électricité ne pouvait être concurrencée durablement sur son prix. C'est d'ailleurs ce qui fait la force de notre système de production français. Mais c'est également ce qui crée une différence significative avec le prix du marché.
M. Gadonneix s'est engagé à faire en sorte que les tarifs administrés n'augmentent pas plus vite que l'inflation jusqu'en 2010. Nous souhaitons que cela soit également le cas au-delà de cette date. En effet, la France doit s'attacher à convaincre nos partenaires de l'Union européenne que l'indépendance énergétique de l'Europe implique une refonte de la politique énergétique communautaire permettant d'anticiper les besoins et de prévenir les déséquilibres. En tout état de cause, nos représentants au sein de l'Union européenne doivent démontrer leur force de conviction, faute de quoi les consommateurs finals regretteront longtemps le temps du monopole.
Je veux ici rappeler quelques points du rapport de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France, auquel plusieurs d'entre nous ont fait allusion, voté à l'unanimité voilà quelques mois seulement : garantir le choix du consommateur ; éviter que celui-ci ne bascule sur le marché contre son gré ; rappeler que la production électronucléaire permet le prix régulé ; mettre en place un pôle public européen de l'énergie ; prévoir la réversibilité, comme en Allemagne et dans d'autres pays européens ; assurer la maîtrise publique de la production énergétique ; absence de date butoir.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? De nouveaux points de divergence sont nés au moment de concrétiser ces conclusions. Comme en octobre 2006, le spectre du libéralisme se maintient et, même si nous partageons le souhait de protéger le consommateur en maintenant le tarif régulé, nous n'allons pas assez loin. La date butoir de 2010 est un premier élément de divergence.
J'étais à Bruxelles avec les membres de la mission : on nous a plus parlé de la transparence des coûts des tarifs réglementés que de la date butoir. En revanche, nous nous sommes trouvés confrontés à un vide total, à l'incapacité de l'Europe de mener une véritable politique énergétique, sauf à laisser croire que seul le marché pourra réguler l'ensemble... Situation impensable et inquiétante !
Il nous paraît, dans le débat que nous venons d'avoir, que le législateur français devrait adopter un profil bas par rapport à une hypothétique position de Bruxelles à venir. Non ! Comme l'a confirmé la mission d'information pluraliste après avoir fait le tour des capitales européennes, dans le domaine énergétique, la France est très en avant et c'est à nous, au contraire, de donner le ton !
Pour toutes ces raisons, mon groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'interviendrai à la fois sur la forme et sur le fond.
S'agissant de la forme, je veux tout d'abord remercier M. le rapporteur d'avoir pris le temps de donner des explications précises et argumentées. Je souhaite ensuite formuler deux remarques à propos de ce qui s'est passé en ce premier jour de session ordinaire du Sénat.
En premier lieu, le fait que le règlement intérieur permette à une personne de voter pour deux cents collègues me semble abusif. Cette situation porte atteinte au régime parlementaire. S'il suffit que le Gouvernement demande une discipline de vote, que le groupe décide et qu'un sénateur soit présent en séance, il n'y a plus guère de débat possible. Il conviendrait par conséquent de revoir ce système de vote. D'ailleurs, il me semble que la délégation de vote est limitée à l'Assemblée nationale et que les députés ne peuvent recevoir qu'un seul mandat. Ici, il est possible d'en recevoir deux cents ! Il faudrait tout de même vérifier si cette disposition est toujours en adéquation avec l'objectif de tenir une session parlementaire.
En second lieu, je voudrais évoquer les horaires de séance. Après avoir siégé au Conseil de Paris, où les séances se poursuivaient souvent à n'en plus finir, j'avais apprécié que le Sénat respecte les horaires. Il me semble que nous ne devrions pas prolonger les débats au-delà d'une certaine heure. Certes, je comprends bien que de petits intérêts pratiques puissent nous faire préférer finir au plus tôt, mais le fait de se sentir poussé à aller vite nuit à la qualité de l'argumentation et, plus généralement, à celle du débat. Il faudrait établir quelques règles et, par exemple, décider de ne pas poursuivre la séance au-delà de vingt heures quinze. Je donne mon point de vue, mais je laisse bien entendu celles-ci à l'appréciation des instances chargées de l'organisation du Sénat.
Sur le fond, nous sommes dans un marché de libéralisation de l'énergie. L'UMP et le rapporteur proposent quelques méthodes pour maintenir les prix régulés, mais, de toute façon, la tendance lourde est à la libéralisation. On peut donc s'attendre à ce que les prix régulés disparaissent dans quelques années, d'autant que l'on a tendance à ne pas vouloir se battre au niveau européen.
Il faut dire que les conditions du débat européen n'existent pas. Du fait de son faible rôle, il n'est pas envisageable que l'ensemble des groupes d'opposition des différents pays décident de mener une bataille politique sur le problème des tarifs régulés devant le Parlement européen. Au lieu de cela, comme en témoignera le compte rendu des débats, on nous met en garde contre Bruxelles - on entend par là non pas le Parlement européen mais la technocratie bruxelloise - qui pourrait interpréter notre position comme une déclaration de guerre. Par conséquent, nous n'avons plus de débat au niveau européen.
De notre assemblée devraient donc se dégager des idées fortes, un programme alternatif qui puisse être débattu par le Parlement européen. Nous n'avons pas discuté de cette façon. Certains ont mis en avant le fait qu'il serait mauvais de s'opposer à Bruxelles ; d'autres ont préconisé, au contraire, de s'imposer par rapport à la technocratie de Bruxelles. Je ne crois pas que ce soit une bonne méthode. Nous souffrons de la faiblesse de la démocratie européenne ; le Parlement européen n'a pas assez de pouvoirs.
Pour conclure sur le fond du problème, je regrette que l'on ne tienne pas suffisamment compte, dans le coût de la production de l'électricité, en particulier nucléaire, des coûts du démantèlement des centrales et du traitement des déchets. Les données sont de ce fait quelque peu faussées.
Je déplore que l'on ne prenne pas assez en considération la nécessaire réduction de la consommation d'énergie, en particulier par l'adoption d'un tarif progressif : un faible tarif serait appliqué à une première tranche correspondant à l'énergie nécessaire à tous, puis des tarifs de plus en plus élevés seraient progressivement appliqués aux tranches suivantes, de façon à éviter le gaspillage de l'énergie. Aujourd'hui, nous appliquons au contraire des tarifs dégressifs.
Pour toutes ces raisons, je ne pourrai pas voter pour cette proposition de loi. Par ailleurs, comme elle représente une résistance au « tout libéral » et qu'elle préconise le maintien des prix régulés, je ne peux pas non plus voter contre. Les sénateurs et les sénatrices Verts s'abstiendront donc sur cette proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques sur les propositions de loi n°s 369, 427 et 462.
(La proposition de loi est adoptée.)
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Renvoi pour avis
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens (n° 474, 2006 2007), dont la commission des commissions des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires économiques.
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Communication relative à des textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 27 septembre 2007, l'informant de l'adoption définitive des textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
COM (2003) 427 final 2347 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations non contractuelles. ROME II.
Adoption définitive le 11 juillet 2007.
COM (2005) 230 final 2897 : Proposition de décision du Conseil sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II).
Adoption définitive le 12 juin 2007.
COM (2005) 87 final 3042 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure européenne pour les demandes de faible importance (ou "petits litiges").
Adoption définitive le 11 juillet 2007.
COM (2006) 339 final 3196 : Communication de la Commission relative à la mise en oeuvre du Programme Hercule ainsi qu'à sa prolongation pour la période 207-2013.
Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant et prolongeant la décision 804/2004/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, établissant un programme d'action communautaire pour la promotion d'actions dans le domaine de la protection des intérêts financiers de la Communauté (programme "Hercule II").
Adoption définitive le 23 juillet 2007.
COM (2006) 401 final 3207 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, instituant un mécanisme de création d'équipes d'intervention rapide aux frontières et modifiant le règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil pour ce qui a trait à ce mécanisme.
Adoption définitive le 11 juillet 2007.
COM (2006) 587 final 3309 : Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 2371/2002 du Conseil relatif à la conservation et à l'exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche.
Adoption définitive le 10 juillet 2007.
COM (2006) 518 final 3320 : Proposition de décision du Conseil portant approbation de l'adhésion de la Communauté européenne de l'énergie atomique à la convention sur la protection physique des matières nucléaires et des installations nucléaires.
Adoption définitive le 10 juillet 2007.
COM (2006) 765 final 3375 : Relations avec l'Algérie.
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque ;
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque.
Adoption définitive le 23 juillet 2007.
COM (2007) 148 final 3389-2 : Avant-projet de budget rectificatif n° 2 au budget 2007 - État général des recettes - État des recettes et des dépenses par section - Section III - Commission.
Adoption définitive.
SEC (2007) 0476 final 3389-3 : Avant-projet de budget rectificatif n° 3 au budget général 2007 - État général des recettes - État des recettes et des dépenses par section - Section III - Commission.
Adoption définitive.
SEC (2007) 0483 final 3389-4 : Avant-projet de budget rectificatif n° 4 au budget général 2007. État général des recettes.
Adoption définitive.
COM (2007) 008 final 3437 : Proposition de décision du Conseil concernant la signature et l'application provisoire d'un protocole à l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Moldova, d'autre part, afin de tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.
Adoption définitive le 22 mars 2007.
COM (2007) 085 final 3466 : Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion d'un accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la République démocratique de São Tomé e Principe et la Communauté européenne.
Adoption définitive le 23 juillet 2007.
COM (2007) 089 final 3467 : Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République démocratique de São Tomé e Príncipe pour la période allant du 1 juin 2006 au 31 mai 2010.
Adoption définitive le 23 juillet 2007.
COM (2007) 138 final 3479 : Proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion du protocole à l'accord de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Fédération de Russie, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.
Adoption définitive le 28 juillet 2007.
COM (2007) 104 final 3481 : Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.
Adoption définitive le 05 juin 2007.
COM (2007) 097 final 3490 : Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire du protocole à l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.
Adoption définitive le 05 juin 2007.
COM (2007) 149 final 3502 : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne, en application du point 26 de l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière.
Adoption définitive le 07 juin 2007.
COM (2007) 180 final 3505 : Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne, d'une part, et la République de Kiribati, d'autre part.
Adoption définitive le 23 juillet 2007.
7912/07 EUROPOL 31 3518 : Projet de budget d'Europol pour 2008.
Adoption définitive le 28 juin 2007.
COM (2007) 198 3519 : Proposition de décision du Conseil portant modification de l'accord interne du 17 juillet 2006 entre les représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, relatif au financement des aides de la Communauté au titre du cadre financier pluriannuel pour la période 2008 2013 conformément à l'accord de partenariat ACP-CE révisé et à l'affectation des aides financières destinées aux pays et territoires d'outre-mer auxquels s'appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité CE.
Adoption définitive le 16 juillet 2007.
11304/07 JAI 354 USA 38 RELEX 518 AVIATION 116 DATAPROTECT 27 3568 : Traitement et transfert de données des dossiers passagers (données PNR) par les transporteurs aériens au ministère américain de la sécurité intérieure. [Projet d'accord].
Adoption définitive.
11354/07 JAI 359 USA 39 RELEX 526 AVIATION 115 DATAPROTECT 29 3575 : Projet de décision du Conseil relative à la signature [et à l'application provisoire], au nom de l'Union européenne, d'un accord entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique sur le traitement et le transfert de données des dossiers passagers (données PNR) par les transporteurs aériens au ministère américain de la sécurité intérieure.
Adoption définitive le 23 juillet 2007.
COM (2007) 338 final 3584 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 234/2004 imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Liberia.
Adoption définitive le 23 juillet 2007.
16
Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007
Dépôt de projets de loi
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens.
(Dépôt enregistré à la présidence le 27 septembre 2007 et rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007)
Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 473, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens.
(Dépôt enregistré à la présidence le 27 septembre 2007 et rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007)
Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 474, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
Dépôt d'une proposition de résolution
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de la libération des infirmières bulgares en Libye et sur les accords franco-libyens.
(Dépôt enregistré à la présidence le 28 septembre 2007 et rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007)
Cette proposition de résolution sera imprimée sous le n° 477, distribuée et renvoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et, pour avis, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale en application de l'article 11, alinéa 1, du règlement.
Dépôt de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la constitution
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole additionnel à l'Accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie.
(Dépôt enregistré à la présidence le 28 septembre 2007 et rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007)
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3641 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/54/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité.
(Dépôt enregistré à la présidence le 28 septembre 2007 et rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007)
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3642 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/55/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel.
(Dépôt enregistré à la présidence le 28 septembre 2007 et rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007)
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3643 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Agence de coopération des régulateurs de l'énergie.
(Dépôt enregistré à la présidence le 28 septembre 2007 et rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007)
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3644 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1228/2003 sur les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité.
(Dépôt enregistré à la présidence le 28 septembre 2007 et rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007)
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3645 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1775/2005 concernant les conditions d'accès aux réseaux de transport de gaz naturel.
(Dépôt enregistré à la présidence le 28 septembre 2007 et rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007)
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3646 et distribué.
Dépôt de rapports d'information
M. le président. M. le président du Sénat a reçu un rapport sur la prise en charge précoce des accidents vasculaires cérébraux, établi par M. Jean Bardet, député, au nom de l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.
(Dépôt enregistré à la présidence le 28 septembre 2007 et rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007)
Ce rapport sera imprimé sous le n° 475 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu un rapport sur la politique vaccinale de la France, établi par M. Paul Blanc, sénateur, au nom de l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.
(Dépôt enregistré à la présidence le 28 septembre 2007 et rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 septembre 2007)
Ce rapport sera imprimé sous le n° 476 et distribué.
17
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 2 octobre 2007 :
À neuf heures :
1. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les régimes spéciaux de retraite.
À seize heures et le soir :
2. Discussion du projet de loi (n° 461, 2006-2007) adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.
Rapport (n° 470 rectifié, 2006-2007) de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures dix.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD