sommaire
présidence de M. Jean-Claude Gaudin
2. Mise au point au sujet d'un vote
Mme Yolande Boyer, M. le président.
3. Pôles de compétitivité et pôles d'excellence rurale. - Discussion d'une question orale avec débat. (Ordre du jour réservé.)
MM. Jean-Paul Emorine, auteur de la question ; Mme Yolande Boyer, MM. Christian Gaudin, Rémy Pointereau, Pierre Laffitte, Jean Boyer, Aymeri de Montesquiou, Gérard Le Cam.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie.
Clôture du débat.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
4. Désignation d'un sénateur en mission
5. Communication relative à une commission mixte paritaire
6. Mutuelle Société nationale « Les Médaillés militaires ». - Adoption définitive d'une proposition de loi. (Ordre du jour réservé.)
Discussion générale : M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Mme Janine Rozier, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Guy Fischer, André Dulait, Mme Gisèle Printz.
Mme le rapporteur.
Clôture de la discussion générale.
Adoption définitive de l'article unique de la proposition de loi.
7. Fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.)
Discussion générale : MM. Nicolas Alfonsi, auteur de la proposition de loi ; Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ; Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Bernard Frimat, Robert Bret, Mme Alima Boumediene-Thiery.
Clôture de la discussion générale.
M. Nicolas Alfonsi.
Adoption de l'article.
MM. Gérard Cornu, François Zocchetto, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le président.
Adoption de la proposition de loi.
8. Modification de l'ordre du jour
9. Organisation du recours aux stages. - Adoption des conclusions négatives du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.)
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la commission des affaires sociales ; François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche.
présidence de Mme Michèle André
M. Jean-Léonce Dupont, Mmes Isabelle Debré, Annie David, M. Richard Yung, Mme Gisèle Printz, M. Jean Desessard, Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; le rapporteur.
Suspension et reprise de la séance
Clôture de la discussion générale.
MM. Richard Yung, Bernard Seillier, Guy Fischer, Henri de Richemont, le rapporteur, le président de la commission.
Adoption, par scrutin public, des conclusions négatives du rapport d'une commission.
Mme la présidente.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Roland du Luart
10. Création de l'établissement public CulturesFrance. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.)
Discussion générale : M. Louis Duvernois, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes ; MM. Jacques Legendre, Ivan Renar, Yves Dauge, Mmes Catherine Morin-Desailly, Monique Cerisier-ben Guiga.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
12. Dépôt d'un rapport d'information
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE
M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, lors du vote sur le projet de loi constitutionnelle portant modification du titre IX de la Constitution, relatif à la responsabilité pénale du chef de l'État, mon collègue M. Jean-Pierre Demerliat souhaitait voter contre et non pas s'abstenir.
Je vous demande de bien vouloir enregistrer cette rectification.
M. le président. Je vous en donne acte, ma chère collègue.
3
pôles de compétitivité et pôles d'excellence rurale
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé.)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 28 de M. Jean-Paul Emorine à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire sur les pôles de compétitivité et pôles d'excellence rurale.
M. Emorine demande à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire de dresser un premier bilan des pôles de compétitivité et des pôles d'excellence rurale.
Plus d'un an et demi après leur sélection par le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, du 12 juillet 2005 et alors que d'autres candidatures à la labellisation sont à l'étude, il souhaite savoir si les pôles de compétitivité ont trouvé, par-delà l'accompagnement public dont ils bénéficient, leur dynamique propre. Il se demande dans quelle mesure les pôles mondiaux et à vocation mondiale ont acquis une visibilité à l'échelle internationale et développent des actions à ce niveau. Enfin, il souhaite obtenir des précisions sur la procédure mise en oeuvre pour l'évaluation de ce dispositif.
Concernant, par ailleurs, les pôles d'excellence rurale, il s'interroge sur le caractère suffisant de la dotation qui leur est destinée au regard de l'augmentation récente du nombre de pôles labellisés. Il souhaite également connaître les modalités envisagées pour leur mise en réseau et leur évaluation.
La parole est à M. Jean-Paul Emorine, auteur de la question.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence rurale mis en place par le Gouvernement constituent aujourd'hui l'instrument le plus original et le plus novateur de l'action publique en matière d'aménagement du territoire. Ils traduisent - et la commission des affaires économiques ne peut que s'en féliciter - l'affirmation d'une préoccupation de développement économique au coeur même de la politique d'aménagement du territoire.
Comme vous le savez, la politique des pôles a débuté avec la labellisation, à l'été 2005, de soixante-six pôles de compétitivité, dont dix à vocation mondiale, destinés à stimuler l'innovation et à faire naître des synergies autour de projets innovants.
La mise en place de ce dispositif - à l'issue d'un appel à candidatures ayant suscité une mobilisation sans précédent des acteurs intéressés - s'appuyait, rappelons-le, sur trois idées-force.
La première, c'est une spécialisation industrielle des territoires : il s'agit de valoriser les points forts des différentes régions françaises en développant les atouts économiques dont elles disposent dans un certain nombre de domaines d'excellence.
Chaque région métropolitaine compte au moins un pôle - certaines, notamment la région Rhône-Alpes, en comptant même plus d'une dizaine - dans des domaines aussi porteurs que les technologies de l'information et de la communication, l'énergie, les transports, l'aéronautique, les biocarburants, ou encore les biotechnologies. Une quinzaine de candidatures à la labellisation sont actuellement à l'étude. De nouveaux pôles viendront donc bientôt compléter ce maillage innovant du territoire.
Une telle spécialisation industrielle, outre qu'elle contribue à l'attractivité économique des différents territoires, est aussi, soulignons-le, un moyen de les protéger contre les délocalisations, les facilités offertes par la concentration des activités et les liens de proximité favorisant l'ancrage territorial.
À travers les pôles de compétitivité, la France fait le choix d'une politique de croissance fondée sur l'innovation et les productions à forte valeur ajoutée, en conformité avec la stratégie européenne de Lisbonne.
La deuxième idée-force à l'origine des pôles de compétitivité, c'est le décloisonnement des rapports entre entreprises, centres de recherche et établissements d'enseignement supérieur.
Il s'agit de favoriser la coordination entre professionnels et la mise en commun de compétences sur un territoire et dans un secteur d'activité donnés. Cet objectif a été en partie atteint, puisque, selon les chiffres officiels, chaque pôle regroupe, en moyenne, une quinzaine d'organismes de recherche et soixante-dix-sept entreprises.
Il semblerait, toutefois, que les relations avec la sphère de l'enseignement supérieur peinent à se développer. Quelles mesures pourraient être mises en oeuvre pour y remédier ?
En outre, certains pôles ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins en main-d'oeuvre qualifiée. Cela ne plaide-t-il pas, monsieur le ministre, pour un renforcement du volet « formation » censé accompagner cette politique ?
Enfin, qu'en est-il de la place faite aux petites et moyennes entreprises dans ce dispositif ? Sont-elles suffisamment représentées ?
La troisième idée-force de cette politique, c'est un accompagnement public important et efficace. C'est en tout une somme de 1,5 milliard d'euros que l'État aura consacrée en trois ans aux pôles de compétitivité, sans compter la participation financière des collectivités territoriales. Si une partie de cette enveloppe sert à cofinancer les structures de gouvernance des pôles, qui, à terme, devront s'autofinancer, l'essentiel du soutien public se porte sur les projets collaboratifs, sélectionnés par l'État au travers d'appels à projets.
Les deux appels à projets réalisés en 2006 ont ainsi permis de subventionner 165 dossiers à hauteur de 640 millions d'euros, pour un investissement total en recherche et développement de près de 1,5 milliard d'euros.
Le succès ne se dément pas, puisque 224 dossiers avaient été déposés à la clôture du dernier appel à projets à la mi-décembre, la liste des projets retenus devant être publiée d'ici au mois de mars. Pouvez-vous nous confirmer cette date, monsieur le ministre ?
À l'occasion de cette sélection, il faudra veiller - j'y insiste - à bien articuler les cofinancements de l'État avec ceux qui sont attribués par les collectivités territoriales.
Mais au-delà de l'effort financier qu'il consent en faveur de cette politique, le Gouvernement a également le souci d'un accompagnement efficace. Il faut saluer, à cet égard, les initiatives prises pour simplifier les circuits financiers et réduire les délais administratifs, tel le regroupement des crédits d'intervention des six ministères concernés et d'une partie des crédits de l'agence pour l'innovation industrielle dans un fonds unique interministériel.
Reste la question du zonage en matière de recherche et développement, qui conditionne le bénéfice des exonérations fiscales destinées aux entreprises des pôles, et qui n'est pas encore en vigueur partout. Il serait réellement souhaitable que les décrets encore attendus soient publiés dans les meilleurs délais. Que pouvez-vous nous dire sur ce sujet, monsieur le ministre ?
Le dispositif des pôles de compétitivité sera alors tout à fait opérationnel. Du coup, il peut sembler prématuré de dresser, aujourd'hui, un bilan de leur fonctionnement. Est-il néanmoins possible d'affirmer que ces structures ont désormais trouvé leur propre dynamique, au coeur des territoires ? Telle est la question que je vous pose, monsieur le ministre.
Qu'en est-il, par ailleurs, des orientations prioritaires que vous définissiez dans votre communication au Gouvernement, le 30 août 2006 ? Vous évoquiez alors, à juste titre, la nécessité pour les pôles travaillant sur des thématiques proches de se coordonner et d'entreprendre des actions communes. Avec la labellisation prochaine de nouveaux pôles, cet objectif est encore plus d'actualité. Quels partenariats ont-ils été noués à ce jour ou, du moins, font-ils l'objet de projets ?
Le développement international des pôles de compétitivité et l'affirmation de leur visibilité à l'échelon mondial constituent un autre enjeu sur lequel vous mettiez légitimement l'accent. Mais, au-delà des campagnes de communication, des actions de coopération ont-elles effectivement vu le jour dans ce domaine ?
Enfin, monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous précisiez selon quelles modalités s'organise l'évaluation des pôles de compétitivité.
J'en viens maintenant aux pôles d'excellence rurale. Conçus comme le pendant des pôles de compétitivité dans les espaces ruraux, ils s'en inspirent au moins sur trois points.
Le premier, c'est la méthode de l'appel à projets, qui permet de sélectionner des initiatives émanant des territoires et portées par des acteurs locaux. Comme pour les pôles de compétitivité, cette méthode a été couronnée de succès, puisque, au total, plus de 700 dossiers de candidatures ont été déposés. Ainsi, 353 dossiers ont été présentés lors de la première vague et 418, lors de la seconde. Parmi ces derniers, figuraient une partie de ceux qui n'avaient pas été retenus la première fois. Ces candidatures témoignent du dynamisme des espaces ruraux dans notre pays.
Le deuxième, c'est l'obligation pour les projets concernés de reposer sur une démarche partenariale associant collectivités publiques et secteur privé. Il s'agit de faire collaborer des partenaires publics - notamment les collectivités territoriales, les intercommunalités - avec des acteurs privés - entreprises ou associations - autour de projets créateurs d'emplois.
Enfin, le troisième, c'est l'accent mis sur l'innovation, au sens large du terme, conformément, là encore, aux orientations de la stratégie de Lisbonne. Ainsi, en la matière, l'innovation peut s'entendre comme partenariale et consister, par exemple, à promouvoir des solutions originales dans le domaine des services à la personne et l'accueil des populations en milieu rural.
Inspirés des pôles de compétitivité, les pôles d'excellence rurale sont toutefois et avant tout un instrument adapté aux spécificités du monde rural.
Ainsi, les thématiques retenues pour les pôles visent à valoriser les atouts particuliers des territoires ruraux que sont le patrimoine naturel, culturel et touristique, ou encore les bioressources, et à y développer de nouvelles activités en matière de services à la population, sans négliger les activités plus traditionnelles comme l'artisanat ou la production industrielle.
En outre, les pôles d'excellence rurale n'impliquent pas la constitution d'une structure juridique propre. Il suffit qu'ils prennent appui sur un territoire de projet - intercommunalités, pays ou parc naturel régional - se chargeant d'assurer leur gouvernance.
Enfin, ils doivent correspondre à des projets bénéficiant d'un ancrage rural fort, ce que garantit l'obligation d'être situé soit dans une zone de revitalisation rurale, soit dans une aire urbaine de moins de 30 000 habitants.
À l'heure du bilan, il faut le reconnaître, les pôles d'excellence rurale sont, avec la loi relative au développement des territoires ruraux, l'une des grandes réussites de l'action du Gouvernement en faveur de la ruralité.
Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu, pour tenir compte de l'engouement suscité partout par l'appel à candidature, porter à 376 le nombre de pôles labellisés, au lieu des 300 initialement envisagés. L'enjeu est de taille, puisque ce sont un milliard d'euros d'investissement que l'on espère générer et 40 000 emplois que l'on espère ainsi créer.
Néanmoins, il me semble que la politique du Gouvernement en faveur des pôles d'excellence rurale, par son succès, mérite l'adaptation de l'enveloppe financière destinée aux 200 pôles d'excellence rurale de la deuxième vague. Monsieur le ministre, est-il envisageable d'aller un peu plus loin dans le soutien financier offert aux pôles de la deuxième vague ?
Au-delà de la question financière, l'un des enjeux pour l'avenir est la capacité des pôles à échanger entre eux et à établir des synergies. Si sans doute des contacts existent déjà, une mise en réseau efficace apparaît souhaitable pour permettre un partage de l'information et une diffusion des bonnes pratiques. Aussi, nous aimerions savoir si des initiatives en ce sens ont été prises.
Par ailleurs, comme pour les pôles de compétitivité, une politique d'évaluation est indispensable pour parfaire l'efficacité du dispositif. J'ai entendu parler, à cet égard, du lancement d'un programme de recherche évaluative. Pourriez-vous donner des précisions sur la manière dont il sera conduit ?
Monsieur le ministre, au-delà de l'enceinte du Sénat, vos réponses sont attendues et seront entendues par tous les élus locaux qui se sont engagés dans l'aventure des pôles, qu'ils soient de compétitivité ou d'excellence rurale.
Je vous remercie par avance des réponses que vous nous apporterez.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;
Groupe socialiste, 31 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes ;
La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président de la commission des affaires économiques joue son rôle en posant au Gouvernement cette question sur le bilan des pôles de compétitivité, un an et demi après la sélection effectuée.
Il est toujours intéressant et, en tout cas, essentiel de faire des bilans d'étape sur toute nouvelle politique.
L'idée, la philosophie, les objectifs des pôles de compétitivité sont satisfaisants : mettre en synergie, faire travailler en réseaux entreprises et chercheurs universitaires, pour soutenir la compétitivité industrielle, et ce au niveau régional, voire interrégional, ce sont des gages d'efficacité. Les situer à l'échelon régional, pour favoriser l'aménagement du territoire, est également une bonne chose.
Les régions dans leur ensemble ont d'ailleurs approuvé les motivations de l'État, à savoir la nécessité de soutenir la compétitivité industrielle de notre pays qui constitue le contexte et les enjeux de la politique des pôles de compétitivité.
Cette politique nationale entre dans un cadre européen plus général. De nombreux pays de l'Union européenne possèdent les mêmes préoccupations et souhaitent se tourner vers un développement économique durable. On assiste à une véritable dynamique communautaire en faveur de la compétitivité. Ces motivations, nobles, ont été approuvées par les régions françaises, partenaires incontournables du développement économique. Certaines avaient même anticipé ce mouvement ; c'est notamment le cas de ma région, la Bretagne, qui, avant leur avènement, avait soutenu la création de ces pôles.
Nous le savons tous, car nous le vivons dans nos territoires, la France, comme la plupart des pays développés, est confrontée à une accélération des mutations économiques à l'échelle mondiale. Elle se manifeste notamment par l'internationalisation, sous toutes ses formes, des facteurs de production. Mais, du fait de ces mutations, l'innovation et la recherche occupent une place croissante dans la compétitivité des industries de production des biens et services - conception, gestion, marketing, notamment -, industries qui ont besoin de s'adapter continuellement face aux évolutions technologiques.
Une telle accélération résulte également de l'importance accrue des facteurs financiers dans les décisions industrielles et d'un élargissement de la concurrence aux pays à bas coûts.
Dans ce contexte concurrentiel, la France doit améliorer sa compétitivité. Chacun d'entre nous, en tant que responsable politique et économique, ne peut que s'accorder sur ce constat.
Or, si l'importance des services dans la création de richesses n'est plus à démontrer, le rôle de l'industrie est essentiel, que ce soit pour la compétitivité et l'attractivité de la France, pour les échanges de biens et de services qui y sont attachés, pour les progrès de la science et des techniques ou encore par l'effet d'entraînement qu'elle exerce sur le reste de l'économie nationale.
Les pôles de compétitivité doivent permettre le développement des activités industrielles et l'emploi et conforter les territoires ; ils concernent non seulement les domaines technologiques en émergence, tels que les nanotechnologies, les biotechnologies, la microélectronique, mais également des domaines plus matures, tels que l'automobile ou l'aéronautique notamment. Ils doivent aussi s'inscrire dans une perspective internationale, en particulier, européenne.
Le postulat qui portait création de cette dynamique indiquait que le développement des infrastructures et la conduite des partenariats en étroite collaboration avec les régions constituaient également des facteurs clés de réussite.
La stratégie des pôles de compétitivité se doit donc d'articuler les atouts des territoires à l'innovation et aux entreprises industrielles dans un contexte de mutations industrielles, voire de désindustrialisation.
Le véritable enjeu pour la France concerne les secteurs technologiques à forte valeur ajoutée, le président de la commission des affaires économiques l'évoquait à l'instant ; cela accroît encore plus le besoin d'une innovation et d'une recherche au service de la compétitivité industrielle.
Or, comme la France économique ou démographique, la France scientifique et technologique est concentrée : les régions Île-de-France et Rhône-Alpes concouraient, à hauteur de plus de 50 %, à la position de la France en Europe en 2001.
Les huit principes d'action pour une politique de pôles de compétitivité initialement affichés par la DATAR sont les suivants : identifier et mieux mettre en valeur les pôles de compétitivité existants ou potentiels, encourager les réseaux d'entreprises, investir dans les ressources humaines, resserrer les liens entre l'industrie et la recherche, l'industrie et l'enseignement, encourager la création et le développement des entreprises innovantes au sein des pôles de compétitivité, accompagner par des infrastructures de communication le développement, promouvoir une politique de réseau au niveau européen, conduire le projet en partenariat étroit avec les régions. Cela plaçait les ambitions à haut niveau.
Monsieur le ministre, après un an et demi d'existence des pôles, où en est-on ? Parvient-on à coupler territoires et compétitivité industrielle tout en favorisant une meilleure répartition sur le territoire national de l'effort et de la richesse industrielle ? Au contraire, ne creuse-t-on pas encore un peu plus les écarts entre les quelques régions qui concentrent l'essentiel du potentiel technologique et industriel et celles qui ne disposent pas de ces mêmes potentialités économiques, géographiques ou encore financières, car la méthode qui préside à l'émergence de ces pôles de compétitivité n'est pas précisément inspirée par des valeurs de solidarité territoriale ?
Comme nous le précisent nos collègues Jean François-Poncet et Jacqueline Gourault dans leur rapport d'information du 4 mai 2006 sur la politique régionale européenne, l'objectif « compétitivité régionale et emploi », se substituant aux objectifs 2 et 3, vise à répondre aux défis économiques et sociaux qui se posent à tous les États membres, tels que les restructurations liées à la mondialisation des échanges, au vieillissement de la population, au développement de la société de l'information ou encore à l'avènement d'une économie fondée sur l'innovation.
Toutefois, s'agissant de cet objectif, l'accent mis sur la compétitivité fait ainsi passer au second plan la préoccupation de réduction des disparités territoriales.
De plus, la volonté de stimuler la croissance par l'innovation et la recherche conduit à favoriser les pôles de développement situés en milieu urbain, autrement dit dans les territoires où se concentrent déjà les plus importants potentiels économiques, et ce au détriment du milieu rural.
On compte aujourd'hui soixante-six pôles de compétitivité, dont seize à vocation mondiale. Suite aux appels à projets de 2005 et de 2006, cent soixante-cinq projets de recherche bénéficient aujourd'hui d'un soutien. Cependant, des interrogations subsistent concernant les moyens affectés par l'État et leurs modalités d'attribution.
Nombre de collectivités locales ont largement contribué au démarrage des structures et participent à leur animation en injectant dans le dispositif un financement non négligeable, à l'image de la région Bretagne, dans un souci notamment de promouvoir une stratégie de filières. La plainte est lancinante, car on la retrouve tel un leitmotiv : l'insuffisance des moyens de l'État semble criante alors qu'il est lui-même à l'origine de cette politique ambitieuse à bien des égards. L'État ne semble pas s'être donné les moyens de faire vivre ses choix politiques.
Quelle est, dans ce contexte, la place des collectivités locales pour qu'un tel système fonctionne ?
Le niveau de financement des pôles de compétitivité est crucial. La somme de 1,5 milliard d'euros sur trois ans répartis en 400 millions d'euros d'aides directes, 300 millions d'euros d'exonération fiscale et sociale et 800 millions d'euros d'aide de l'Agence nationale de la recherche, de l'Agence de l'innovation industrielle et d'autres partenaires a été évoquée.
Cet effort de l'État était essentiel, mais il est regrettable qu'il ne se fasse que par redéploiement de crédits et que des laboratoires du CNRS voient leur dotation fondre. La recherche fondamentale demeure fondamentale pour les sciences de la vie et les biotechnologies, par exemple. Mais, en dehors de l'association d'un pôle de compétitivité et du financement de l'Agence nationale de la recherche, il n'y a plus beaucoup d'espace pour les équipes de recherche.
Les engagements figurant dans la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 n'ont pas été tenus. A priori, la situation reste en l'état ! Notre pays ne pourra dès lors porter à 3 % du PIB le budget de la recherche en 2010, contrairement aux engagements pris à l'occasion des conseils européens de Lisbonne, en 2000, et de Barcelone, en 2002.
Au-delà, des hésitations, des interrogations apparaissent, notamment parmi les petites entreprises, alors que seuls les grands groupes semblent s'accommoder de cette nouvelle organisation. À quoi cela sert-il au final ? Qu'ont réellement changé les pôles dans le paysage du développement économique et de la compétitivité des territoires ?
Concrètement, il semble que la multiplicité des guichets de financement constitue un obstacle pour les porteurs de projets. Cela appelle une simplification et une meilleure coordination des procédures. Qu'en est-il ?
Il est à regretter qu'en cette période préoccupante de délocalisation aucun pôle interministériel d'anticipation des mutations destiné à protéger les salariés victimes des délocalisations ne soit opérationnel à ce jour.
La gestion des pôles interrégionaux, quant à elle, semble complexe. Or, dans le contexte européen, la notion de grande région semble être un facteur de facilitation d'efficacité pour les projets. Des mesures de soutien sont-elles prévues à cet égard ?
L'attention est également appelée sur la nécessaire adaptation des formations aux enjeux des différents pôles, après la phase d'amorçage. Il y va de la pérennité des pôles eux-mêmes. Comment l'État anticipe-t-il ce besoin ?
Enfin, la question de l'évaluation des pôles et de la politique publique se pose avec acuité, ainsi que celle, en arrière-plan, de la capacité à tisser des liens entre pôles. Comment l'État envisage-t-il ces aspects ? Dans le cadre de l'animation des réseaux et la promotion des pôles, l'initiative de créer des forums du financement de l'innovation et de la compétitivité a été prise. Sept forums se sont tenus, dont le dernier à Rennes les 24 et 25 janvier derniers. Pouvez-vous nous dire à quoi ces forums ont servi et surtout quelles perspectives ouvrent-ils ?
Pour terminer, et en marge du sujet qui nous occupe aujourd'hui, je souhaite appeler votre attention sur un aspect corollaire et essentiel du développement économique : il concerne le cadre de vie et plus particulièrement le logement.
Nous sommes ici plusieurs à regretter la situation bloquée du projet d'établissement public foncier en région Bretagne. Cette initiative, pourtant voulue et approuvée par le Gouvernement, se voit aujourd'hui délaissée par les services de l'État, mettant à mal le développement du projet.
Or, la question de la gestion du foncier, de la capacité à préserver des terrains à prix raisonnables est essentielle pour rendre attractifs nos territoires et loger celles et ceux qui y travaillent ou viendraient y travailler, d'autant plus si l'on prétend parallèlement mener une politique économique et industrielle ambitieuse. Je constate là une contradiction qu'il convient de lever au plus tôt, au nom de l'égalité de traitement entre tous les territoires français.
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 14 septembre 2004, le Gouvernement lançait un appel à projets et lançait ainsi ce qui allait devenir les « pôles de compétitivité ». Le succès fut tout de suite au rendez-vous et les candidatures nombreuses : cent cinq pôles se sont portés candidats, soixante-six ont été retenus, dont six de niveau mondial et dix à vocation mondiale.
Deux ans et demi après ce coup d'envoi, il est nécessaire de tirer un premier bilan pour rectifier dès que possible les faiblesses ou les insuffisances de la politique qui fut ainsi engagée.
Les pôles de compétitivité ont pour objectif de rapprocher les entreprises, les laboratoires publics de recherche et les établissements d'enseignement supérieur.
Si, dès le départ, la recherche et l'innovation ont constitué l'essentiel de l'activité des pôles de compétitivité, par la suite, ceux-ci ont été amenés à développer d'autres activités comme la communication ou encore l'intelligence économique et, enfin, la formation pour bénéficier d'un personnel qualifié.
L'existence de ces pôles a également entraîné l'apparition de nouvelles menaces et de nouveaux besoins comme la sécurité économique, secteur promis à un grand avenir.
Tous les pôles sont aujourd'hui opérationnels et constituent un axe important de l'action publique dans le domaine de l'aménagement du territoire.
Les acteurs de ces pôles travaillent progressivement ensemble, échangent, se consultent. De toute évidence, l'enjeu correspondait réellement à une attente.
On ne peut que se féliciter du nombre de projets, de l'avancée rapide de certains pôles, du rapprochement et des synergies qui se développent entre les pôles pour atteindre cette fameuse masse critique indispensable à une véritable visibilité à l'international. Car là se situe bien l'enjeu. C'est pourquoi il me semble important de séparer les pôles régionaux et nationaux qui ont été distingués pour leur dynamisme et les pôles mondiaux ou à vocation mondiale.
Les premiers ont un rôle économique et structurant sur un territoire donné, un bassin d'emplois ou une région. Ils répondent à un objectif précis et constituent, je le pense, les outils les plus aptes pour mettre les territoires en synergie afin de développer les spécificités industrielles et économiques locales.
Quant aux pôles mondiaux ou à vocation mondiale qui sont déjà leaders dans leur domaine, ils constituent nos locomotives industrielles et doivent devenir les fers de lance de l'innovation européenne dans le concert international.
Comme je le soulignais lors de la dernière discussion budgétaire, étant rapporteur de la mission « Politique des territoires », les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence rurale constituent désormais l'axe prépondérant de l'action publique dans l'aménagement du territoire.
Au-delà des dotations publiques, l'implication dans un pôle permet de bénéficier avant tout, d'un réseau, de nouvelles compétences et de nouveaux débouchés. Un nombre déjà significatif de projets de recherche et de développement, la plupart d'une grande qualité, a été lancé avec un réel souci stratégique. Les pôles doivent donc impliquer activement le capital risque et le capital investissement dans le financement des projets et des services qu'ils proposent, en particulier aux PME et aux très petites entreprises, les TPE.
Je n'ignore pas qu'une première évaluation, menée au début de l'année 2006, a fait ressortir une trop grande complexité et une lourdeur du système de financement qui a été simplifié il y a quelques mois, en regroupant l'ensemble des crédits d'intervention des six ministères concernés dans un fonds interministériel commun.
Pour 2007, le ministre délégué à l'aménagement du territoire, M. Christian Estrosi, avait annoncé à cette tribune, lors de l'examen du projet de loi de finances, que le dispositif lourd et pratiquement inopérant d'exonérations de charges sociales serait transformé en subventions supplémentaires au bénéfice des PME, ce dont je me réjouis, car ce sont elles aussi qui font vivre nos territoires. En augmentant leur réactivité, les PME sont en première ligne de la croissance et de la création d'emplois dont notre pays a tant besoin.
Toutefois, des critiques, des flous et des incertitudes subsistent.
Les pôles ne sont-ils pas trop nombreux ? Pour plus de visibilité et pour ne pas disperser l'aide publique, des experts souhaitaient, en effet, limiter leur nombre à une quinzaine. N'y a-t-il pas une crainte de voir ces aides, les objectifs et les compétences retenus, s'empiler sans visibilité, freinées par des lourdeurs administratives ? Autre crainte, quand plusieurs pôles travaillent sur des thématiques très proches, comment coordonner leurs activités pour une meilleure efficacité et une plus grande visibilité ?
Il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de me rendre en Europe du Nord avec le rapporteur général de la commission des finances, notre collègue Philippe Marini, qui préside une mission commune d'information dont je suis le rapporteur, et qui porte une réflexion sur les centres de décision économiques, avec en arrière-plan l'attractivité du territoire.
L'exemple danois est intéressant, car voilà vingt ans que ce pays a décidé de lancer un vaste programme pour favoriser la création de réseaux en faveur des petites entreprises afin qu'elles puissent se rapprocher des entreprises les plus importantes dans le domaine de l'innovation.
La politique danoise a aussi favorisé - cela me semble intéressant - la mise en relation d'agents chargés d'initier ces groupements avec les conseillers bancaires, les consultants et des experts comptables qui ont ainsi largement participé à la réussite de ces réseaux.
Ce fut un succès qui conduisit par la suite le Danemark à mettre en place les mégaclusters, filières au nombre de huit, sans rattachement géographique, ainsi que les clusters de compétence, plus petits, qui sont incités à se rapprocher pour atteindre un niveau d'excellence international ou national.
L'exemple danois a fait tache d'huile, la Finlande et la Suède ayant imité la première phase du programme danois, dès ses premières évaluations. Actuellement, l'État soutient les établissements universitaires et la recherche ainsi que les entreprises qui bénéficient d'un label « sphère d'innovation ».
Nos pôles de compétitivité ont, avec des variantes, le même objectif.
Toutefois, l'expérience danoise m'a fait prendre conscience que le succès de leur politique d'innovation industrielle tenait dans une volonté de s'appuyer sur une expertise constante des besoins et des moyens engagés. D'où l'importance des bilans et évaluations des effets de levier engrangés par le partenariat et le soutien public. C'est une politique pragmatique qui rectifie en temps réel tout ce qui est contraire au but recherché.
Le nombre de projets devenant de plus en plus important, il est impératif de lever au plus vite les freins et les lourdeurs de fonctionnement ou tout autre problème qui ne sera perçu qu'avec une évaluation fiable et constante de l'activité des pôles.
Il me semble donc nécessaire, monsieur le ministre, de définir maintenant le mode d'évaluation de ces politiques territoriales.
Fin 2006, un cabinet a établi un premier bilan un peu succinct, mais très instructif des pôles de compétitivité
Cette étude présente plusieurs constats.
La stratégie internationale et la veille concurrentielle sont insuffisamment maîtrisées. L'emploi, les coopérations industrie-formation et l'installation d'activités nouvelles sur les territoires des pôles sont en queue de peloton des priorités exprimées par les acteurs des pôles.
La formation n'est pas encore intégrée dans les flux de coopération. Elle a du mal à s'ouvrir aux partenariats.
De même, les industriels sont encore trop peu impliqués dans les actions opérationnelles des pôles. La recherche publique est jugée trop éloignée des problématiques des industriels qui pensent davantage « technologie » et « conquête de marchés ».
S'il est vrai qu'il faut réformer certains aspects figés de la recherche et privilégier, par exemple, le dépôt de brevets sur les publications, il faut cesser d'opposer recherche et innovation. L'une et l'autre sont liées, car aucune innovation significative ne peut intervenir sans recherche fondamentale. Il revient à l'État de financer aujourd'hui la recherche fondamentale et le marché financera, demain, l'innovation.
Les pôles de compétitivité constituent, nous l'espérons, une réponse efficace et forte dans un contexte de compétition internationale accrue.
Ils doivent générer l'activité industrielle et commerciale à forte visibilité internationale pour être présent sur les marchés émergents, relancer nos exportations et attirer sur notre territoire des investisseurs étrangers. Cela ne peut pas se faire sans intervention publique.
À Sophia-Antipolis, le ministre de l'aménagement du territoire a affirmé : « Ce n'est pas aux pôles de s'adapter à l'État, mais à l'État de s'adapter aux pôles ». Cette déclaration par elle-même est déjà la preuve d'un changement d'esprit dans notre pays. Nous avons toujours réussi les réformes que nous avons voulues pour nos territoires. C'est pourquoi ce nouveau défi doit être relevé et gagné. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, la politique des pôles de compétitivité est une politique essentielle à double vocation de croissance et d'aménagement de notre territoire à laquelle le Gouvernement s'est employé depuis deux ans avec un grand volontarisme que je voulais saluer.
Je veux également féliciter de son initiative le président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine.
On ne peut que saluer l'initiative de séances du Sénat consacrées ces dernières semaines au bilan d'application de la loi d'orientation agricole, de la loi sur les PME la semaine prochaine, par exemple, tant il est vrai qu'une bonne loi est d'abord une loi appliquée. Il est important, à mon sens, que les Français puissent disposer, par l'intermédiaire de leurs élus, d'éléments de transparence et de tangibilité dans leur quotidien et qu'ils sachent ce que fait concrètement le législateur pour eux, au bénéfice de leur quotidien immédiat et de leur avenir.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, je suis particulièrement heureux d'intervenir sur le sujet précis des pôles de compétitivité dont le succès est à mettre au compte du Gouvernement, de plusieurs de ses ministres, puisqu'il s'agit d'un sujet transversal. Ce succès est incontestable et très prometteur pour notre avenir.
Avec la politique des pôles de compétitivité engagée à la fin de l'année 2004, il s'agissait de décloisonner les rapports entre les entreprises et les organismes de recherche. Il s'agissait aussi de mieux irriguer les territoires.
Je voudrais revenir successivement sur ces deux objectifs, éminemment complémentaires, en insistant toutefois sur la dimension de l'aménagement du territoire, très importante pour mon département.
Tout d'abord, les pôles de compétitivité doivent être des outils de croissance.
D'une part, en aidant et en soutenant des initiatives privées identifiées par leurs qualités et potentialités qui, pour l'occasion et de façon relativement nouvelle, se coordonnent et mutualisent leurs énergies et savoir-faire, au moyen d'investissements, de fonds publics, on table sur l'avenir et part du principe qu'à plusieurs on est forcément plus forts.
D'autre part, en promouvant l'innovation, on met l'accent sur cette exigence qu'ont l'ensemble des pays développés avec la France, de créer des produits, de fournir des services à forte valeur ajoutée plutôt que des produits à coûts réduits.
C'est ainsi que la France, l'Europe et les pays développés sont et seront en mesure de rivaliser dans la compétition internationale.
Il est clair que de notre capacité d'innovation dépend notre avenir et, face à la compétition internationale, les entreprises ont tout intérêt à s'organiser en groupes coordonnés et complémentaires, mieux à même d'imaginer l'avenir et d'anticiper les besoins.
Par ailleurs, je voulais insister sur l'avantage d'avoir privilégié un cadre juridique relativement souple pour ces pôles de compétitivité. La structure de ces pôles est adaptée aux spécificités et aux compétences des entreprises regroupées.
L'intervention des acteurs publics n'est prévue qu'en tant que de besoin pour sélectionner, aider au financement, puis évaluer, et ce sans trop alourdir le processus de décision. C'est là quelque chose de tout à fait exemplaire dans un domaine, l'innovation, où les retards que pourrait constituer la lourdeur administrative se paient très chers sur la concurrence étrangère.
Les pôles de compétitivité apparaissent donc comme une réponse à la mondialisation, où l'innovation est mise en valeur et promue, où le regroupement est la règle avec la mise en commun de savoir-faire différents et complémentaires.
Je regretterai, toutefois, que les parlementaires ne soient pas davantage impliqués dans la démarche décisionnelle, lorsqu'ils ne sont pas président de département ou de région, et je me permettrai de suggérer de les impliquer davantage, formellement, dans le processus décisionnel même si rien ne leur interdit d'intervenir, comme aujourd'hui devant vous.
L'autre petit bémol que je souhaiterais émettre, monsieur le ministre, concerne les PME et les TPE familiales.
En effet, les petites et moyennes entreprises paraissent rencontrer quelques difficultés à trouver leur place dans les pôles de compétitivité, alors qu'elles sont très nombreuses dans les rangs des entreprises innovantes. C'est d'ailleurs ce qui ressort d'une enquête conduite entre la mi-2005 et la mi-2006 par le comité Richelieu, association regroupant 160 PME de haute technologie : les PME sont certes très bien représentées dans les pôles de compétitivité, mais, d'une part, ce sont pour beaucoup des filiales de grands groupes et, d'autre part, sur les 323 projets qui sont actuellement financés dans les grands pôles, seuls 101 sont portés par des PME. La cause principale de cette situation serait, toujours selon cette étude, que les PME seraient trop peu représentées dans les commissions habilitées à labelliser les projets.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous disiez ce que les conclusions de cette étude vous inspirent.
Cependant, je ne saurais terminer sur les PME sans évoquer deux avancées très importantes autant que favorables qui sont intervenues au courant de l'année 2006, sur l'initiative du Gouvernement : d'une part, au début du mois de septembre, la modification du code des marchés publics, qui devrait, je l'espère, faciliter l'accès des PME à la commande publique ; d'autre part, surtout, l'amélioration significative du mode de calcul du crédit d'impôt recherche introduite dans la loi de finances pour 2007.
Je voudrais maintenant évoquer la politique des pôles de compétitivité telle qu'elle est appliquée dans mon département, le Cher, où, à ce jour, plusieurs entreprises sont associées à des pôles labellisés depuis 2005 : le pôle « Céramique », localisé à Limoges ; le pôle « ViaMéca », sis à Lyon ; enfin, le pôle « Sciences et techniques de l'énergie électrique », rattaché à Tours.
Monsieur le ministre, mon département, territoire au développement économique fragile, est situé dans une zone géographique où l'accès aux grands réseaux de communication n'est pas toujours évident. Vous comprendrez dès lors que j'insiste - deuxième point sur lequel je voulais intervenir - sur la nécessité de soutenir davantage ces entreprises innovantes, c'est-à-dire sur la vocation d'aménagement du territoire de ces pôles.
Or, force est de constater que les pôles les plus importants sont implantés dans les régions naturellement les plus favorisées : Île-de-France, Rhône-Alpes, notamment. C'est en soi, bien évidemment, une bonne chose, mais le risque est réel que les disparités interrégionales s'accentuent.
M. Gérard Le Cam. Oui !
M. Rémy Pointereau. Je reviendrai sur l'évolution du zonage recherche et développement et sur le pôle « Céramique ».
Monsieur le ministre, au regard des premiers retours d'expérience sur des pôles qui ont commencé de fonctionner voilà maintenant un peu plus d'un an, je souhaiterais savoir s'il ne serait pas envisageable de faire évoluer le périmètre géographique de ces pôles.
J'attire plus particulièrement votre attention sur les entreprises du Cher qui n'ont été pas retenues dans le périmètre du pôle « Céramique » alors qu'elles auraient naturellement vocation à y être intégrées. J'avais d'ailleurs, au début de l'année 2006, interrogé à ce sujet votre collègue Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, qui partage avec vous l'essentiel de la compétence en la matière. Le zonage retenu en matière de recherche et développement ne me paraît pas satisfaisant sur un strict plan économique et logique puisque, limité aux bassins d'emploi spécifiques de Vierzon et de Mehun-sur-Yèvre, il revient à maintenir à l'écart un certain nombre d'entreprises et à laisser de côté des activités analogues situées dans l'ensemble du territoire du Cher et intéressées par ce pôle ou susceptibles de l'être.
Il serait à mon sens plus logique, et les acteurs économiques concernés partagent ce point de vue, de créer un axe homogène pour le sud de la région Centre, très bien placé entre Paris et Limoges, afin d'y créer un ensemble pluridisciplinaire regroupant tous les secteurs de l'activité de la céramique, que ce soient les arts de la table avec la porcelaine, le sanitaire, la céramique technique, la faïence ou la poterie, et intégrant en outre, au minimum, Bourges et la région de Saint-Amand-Montrond ; y sont en effet établies des sociétés très performantes qui, de ce fait, auraient vocation naturelle à intégrer ce pôle. Pourriez-vous, monsieur le ministre, me fournir des éclairages sur ce point ?
Il est indispensable que des territoires plus défavorisés soient inclus dans le zonage, à la condition, bien entendu, que les acteurs économiques qu'ils abritent soient en mesure d'y prétendre ; mais tel est le cas en l'occurrence !
Plus généralement, si l'association du département aux pôles « Céramique », « ViaMéca » et « Sciences et techniques de l'énergie électrique » est bien sûr positive, les retombées en sont difficiles à percevoir, car elles sont seulement indirectes. En particulier, je voudrais savoir s'il est possible de connaître l'évaluation économique de ces pôles : les aides distribuées, la recherche développement mise en place et les emplois créés.
Pour ce qui est du nouvel appel d'offres, d'ici au 31 mars 2007, d'ici à quelques semaines donc, une nouvelle série de projets seront labellisés « pôles de compétitivité », et l'on ne peut que s'en réjouir. Dans ce contexte, je souhaitais évoquer brièvement un projet auquel je suis très attaché : il s'agit d'un pôle « Environnement », porté dans le Cher par le groupe Bartin Recycling, dont l'objet est spécifique à mon département et à ses voisins du fait de leur histoire économique : il s'agit de démanteler et de retraiter des avions à Châteauroux, en partenariat avec la société Europe Aviation, ainsi que des véhicules automobiles à Bourges et à Romorantin, avec Matra, et de traiter des déchets électriques et électroniques à proximité de Vierzon, le groupe Bartin étant le premier opérateur français dans ce domaine. Pourrait ainsi se développer ce que l'on appelle une « écofilière » de démantèlement dans la région Centre qui intéresserait trois départements : Indre, Loir-et-Cher et Cher. Par ailleurs, ces activités sont fortement susceptibles de favoriser l'émergence de structures prolongeant et transformant le processus de traitement et recyclage de déchets industriels dans un jeu gagnant-gagnant en termes d'environnement.
Un tel projet innovant, dans ce secteur porteur qu'est l'environnement - sujet qui est évoqué quotidiennement ! -, donnerait un souffle économique précieux à notre territoire, qui souffre de son enclavement géographique et d'une baisse démographique. Ce pôle de compétitivité nouveau serait ainsi l'exacte illustration de la double vocation de cette politique : croissance et aménagement du territoire, et s'inscrirait dans la problématique de l'environnement.
Je ne reviendrai pas sur les pôles d'excellence rurale, que M. Emorine a évoqués à l'instant. Cette politique, qui me paraît très bonne, va donner un coup d'accélérateur à des projets plus modestes que ceux des pôles de compétitivité, mais qui sont indispensables pour les territoires ruraux fragiles : ils sont dans une certaine mesure le prolongement des pôles de compétitivité, leurs « petits frères » en quelque sorte.
Monsieur le ministre, je conclurai en soulignant l'importance d'une politique de ce type pour l'économie de notre pays. Elle donne un vrai sens à l'intervention publique, qui soutient l'initiative, qui distingue l'innovation, qui est mobilisatrice et créatrice de richesses et d'emplois. Le volontarisme du Gouvernement doit être salué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'avait souligné Jean-Pierre Raffarin en 2005, c'est à l'image de Sophia-Antipolis qu'ont été créés les pôles de compétitivité. Leur immense avantage, Jean-Paul Emorine l'a précisé, est de développer dans de nombreux territoires en France une coopération entre la recherche, l'enseignement supérieur et l'industrie, mais aussi les collectivités locales.
C'est donc tout naturellement que la fondation Sophia-Antipolis a organisé les premiers « forums interpôles » en France, puis en Europe, avec l'appui des différents ministères concernés - car il s'agit véritablement d'une opération interministérielle ! -, en particulier l'aménagement du territoire, l'industrie, la recherche et les affaires étrangères.
J'évoquerai trois points : l'importance des projets, qui sont la réalité future du système ; les plates-formes de services pour les pôles, les clusters, et leurs projets à l'échelon européen ; les crédits relais nécessaires pour les PME incluses dans les projets des pôles.
Le nombre de PME participantes est considérable. Néanmoins, elles sont rares dans les structures de gouvernance des pôles. Celles-ci, en effet, impliquent du personnel à temps plein, détaché pour l'essentiel par les grandes entreprises : les responsables de PME n'ont en général que très peu de temps disponible et peu de personnel qu'ils puissent détacher. Cela signifie que le financement des gouvernances par l'État et les collectivités locales profite relativement peu aux PME.
Le nombre de projets établis et de projets labellisés n'est pas moins considérable : ce sont les projets qui constituent véritablement la réalité économique de la dynamique d'innovation des pôles, tout comme d'ailleurs celle des clusters européens ou internationaux.
Je précise que chaque projet comporte un consortium et un porteur de projet. Chaque projet, chaque porteur de projet, chaque consortium a ses propres règles. C'est donc en termes de projet qu'il faudra, dans le futur, analyser les pôles. Ma remarque fait d'ailleurs écho à la préoccupation qui a été exprimée ici même pour la région Centre : les sociétés qui sont en dehors des territoires des pôles peuvent très bien participer à des projets, comme cela se produit dans de nombreux cas.
La notion de territoire, notamment pour les grands groupes et en ce qui concerne les aspects internationaux, est donc moins forte que celle de réseaux naissant à l'occasion de projets. Ceux-ci seront de plus en plus souvent appelés à se constituer sur le plan international.
Cela suscite des questions. En effet, si les grandes sociétés qui font partie des pôles, notamment les grandes multinationales, peuvent aisément, en quelque sorte « par nature », mettre en place et piloter des réseaux internationaux, c'est beaucoup plus difficile pour les PME. Or la dynamique de l'innovation ne saurait s'exprimer en termes hexagonaux : autant l'attractivité des territoires s'énonce en termes régionaux et, le cas échéant, départementaux, autant la dynamique de l'innovation est souvent liée aux PME innovantes. Cela se conçoit surtout à l'échelon de l'Europe. Les compétiteurs, ne l'oublions pas, s'appellent États-Unis, Japon, Chine, Corée du Nord, Inde, Brésil désormais.
La Commission européenne m'a demandé de prendre la présidence d'un Advisory Board chargé de préparer un mémorandum sur l'innovation et les clusters en Europe, mémorandum qui sera soumis aux Vingt-Sept États européens pour définir la politique d'innovation jusqu'en 2012.
Ce groupe, qui comporte une douzaine de personnalités - dont l'ancien Premier ministre de la Finlande, le ministre de l'industrie suédois, et un certain nombre de grands universitaires et de scientifiques importants -, a approuvé lors d'une réunion qui s'est tenue au Sénat les 11 et 12 janvier dernier l'idée qu'il était nécessaire de créer en Europe deux ou trois plates-formes de services particulièrement adaptées à l'appui aux PME. Je suis heureux de savoir que le ministère de l'industrie est a priori favorable à cette idée et que, bien entendu, il défendra l'implantation de l'une de ces plates-formes en France : je pense en particulier à celle qui concernera l'Europe du Sud et la Méditerranée et qui implique tout particulièrement la France avec d'autres pays, tels que l'Espagne, l'Italie, la Grèce et les États du Maghreb.
Il me semble donc qu'il nous faut raisonner en termes de projets au moins autant qu'en termes de pôles, parce que ce sont eux qui, dans le futur, constitueront la réalité financée par l'État, les collectivités locales et, surtout, les industriels et le monde académique, ce dernier recouvrant aussi bien les universités que les grandes écoles ou les centres de recherche. Cela mérite que soit créée une dynamique qui permettra à ces projets de se développer de manière autonome - ce qui suppose un aspect international -, de façon à progressivement cesser d'avoir besoin d'autant d'aide de l'État.
Avec l'appui du gouvernement français et des différents ministères concernés, en particulier du ministère de l'industrie, Sophia-Antipolis, la plus ancienne technopole d'Europe, nous a déjà permis de réunir nombre de clusters et de pôles de compétitivité non seulement français, mais européens.
Le succès des contacts avec les partenaires réunis a conduit à un accord de plusieurs pays. Une plate-forme de services pourrait fort bien être installée à Sophia-Antipolis. Elle devra constituer la base d'un réseau ouvert sur tous les pôles français, mais aussi sur les pôles allemands, britanniques, espagnols, grecs, marocains et italiens. Je n'ai pas cité les pays du Nord, mais ces derniers sont déjà très dynamiques, comme l'a souligné notre collègue Christian Gaudin, et peuvent aussi créer une plate-forme en relation avec les autres.
Il est indispensable que les projets émanant de pôles français et européens génèrent des coopérations pour accroître globalement l'efficacité de l'innovation en Europe. Les compétiteurs asiatiques et américains bénéficient en effet souvent de ressources financières considérables et très rapidement utilisables.
Enfin, et ce sera le dernier point de mon intervention, les PME engagées dans les projets peuvent bénéficier, sur décision ministérielle, d'une aide des collectivités locales et de l'État à hauteur de 45 % du montant de leurs dépenses. Toutefois, il ne s'agit dans un premier temps que d'une promesse de participation. Il n'est pas rare qu'une année s'écoule entre le moment où le projet est labellisé et le moment où les PME perçoivent effectivement le chèque. Ce délai est source de difficultés considérables pour elles, car elles disposent souvent de capitaux propres peu élevés.
Lors d'une récente réunion organisée par la Caisse des dépôts et consignations, à laquelle participaient une douzaine de membres représentant des pôles nationaux ou à vocation internationale, tous les responsables des pôles ont émis le souhait que des crédits-relais puissent être mis en place, ce qui n'a pas paru impossible aux responsables de la Caisse.
Monsieur le ministre délégué, dans la mesure où la Caisse des dépôts et consignations a une fonction particulière d'appui aux différents pôles, pourriez-vous conforter cette demande ? L'enjeu est d'importance pour les PME.
En résumé, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je considère que les points essentiels qu'il faudra développer dans la phase de consolidation qui suivra la phase initiale sont l'appui aux projets, la création de plateformes en Europe et la mise en place de crédits-relais en faveur des PME. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, la richesse d'un pays, c'est celle de ses hommes ; l'excellence d'un territoire, c'est celle de ses initiatives.
En ce sens, l'excellence rurale est certainement le lieu d'expression des forces de nos territoires ruraux. Ainsi, un pôle d'excellence rurale doit permettre, grâce à l'accompagnement financier, la valorisation d'un territoire et contribuer à son développement.
C'est tout l'intérêt de cette initiative, que nous devons saluer.
De nombreux territoires, souvent ruraux, disposent de potentiels encore trop peu exploités. L'esprit des pôles d'excellence rurale s'appuie sur les enjeux spécifiques de ces territoires : la valorisation du patrimoine, le développement culturel et touristique, les métiers de la santé, les énergies renouvelables.
Nous avons là, mes chers collègues, une vraie politique de projets, plus valorisante qu'une politique de guichet !
Cela étant, monsieur le ministre délégué, l'excellence ne doit pas être entachée des maux qui marquent parfois un peu trop notre administration, à savoir l'expression d'une certaine lenteur.
Nos collectivités territoriales sont en effet de plus en plus soumises à une véritable inflation administrative où s'entrecroisent pêle-mêle arrêtés, circulaires, directives, lois, décrets d'application, et j'en passe.
S'agissant plus précisément des pôles d'excellence rurale, la lenteur administrative s'est encore aggravée. Sous couvert de légalité, certains projets ont en effet vu leur réalisation retardée alors que le principe même des premiers projets labellisés impose une certaine rapidité d'exécution.
Alors qu'en décembre a eu lieu la deuxième vague de labellisation, de nombreuses interrogations subsistent. Je veux bien entendu parler de la signature des projets retenus, sans oublier le niveau du taux d'intervention de l'État dans le financement des nouveaux pôles d'excellence rurale.
Depuis quelque temps, l'État donne l'impression de vouloir « compresser » certains projets. Qu'en est-il réellement ? S'agit-il de la part du Gouvernement de restreindre les financements afin de permettre la prise en compte d'un plus grand nombre de dossiers ?
Monsieur le ministre délégué, mon inquiétude vient non pas des intentions, louables, du Gouvernement, mais de leur traduction à l'échelon local, plus précisément au niveau des représentants de l'État dans les départements, chargés d'appliquer des mesures de réduction des financements.
Il semblerait en effet que, dans l'enveloppe à répartir pour les pôles d'excellence rurale, les crédits émanant du Fonds national à l'aménagement et au développement soient réduits de 130 à 90 millions d'euros. On envisagerait même la mobilisation des crédits de droit commun, tels que ceux de la dotation globale d'équipement ou de la dotation de développement rural. Une telle pratique serait discutable, d'autant que la maîtrise d'ouvrage concerne des partenaires publics et des partenaires privés. Il ne peut y avoir de mélange des genres.
Dans le même ordre d'idées, s'agissant de la deuxième vague des pôles d'excellence rurale, le montant des enveloppes globales n'a pas encore été notifié aux préfectures, ce qui ne permet pas la signature des conventions-cadres.
Dans ce contexte, monsieur le ministre délégué, et j'insiste sur ce point, même si je m'exprime avec beaucoup de modération, les incertitudes demeurent un handicap certain pour la fixation des échéanciers de réalisation. C'est d'autant plus regrettable que les délais en la matière sont très courts : un an à partir de la notification.
L'excellence rurale s'appuie sur une vraie dynamique locale et les projets présentés ont été mûrement réfléchis, laissant peu de place à l'improvisation et encore moins à des coupes claires. Vouloir réduire les crédits, c'est manifester une certaine incohérence par rapport à l'élaboration initialement souhaitée et demandée.
Monsieur le ministre délégué, nul n'ignore ici que le contexte est difficile. Il faut, dans notre société, parler un langage de vérité. Il n'y a certes pas de solution miracle mais, chacun le sait, « lorsqu'il y a une volonté, il y a un chemin ».
Plus que jamais, il est important que l'État s'efforce de respecter ses engagements afin de donner à l'excellence rurale les moyens de s'exprimer pleinement autour de projets finalisés et mûrement réfléchis. Il y va de la crédibilité de la mise en place de ces pôles d'excellence rurale, véritables outils du développement local pour demain.
Monsieur le ministre délégué, je vous remercie par avance de toutes les précisions que vous voudrez bien m'apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, j'ai ciblé mon intervention sur les pôles d'excellence rurale, laissant aux spécialistes de la ville le soin d'intervenir sur les pôles de compétitivité.
Dans la droite ligne de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, le Gouvernement privilégie l'aide financière aux projets développés en zones rurales sur des thématiques variées.
Il est encore trop tôt pour évaluer un dispositif remontant à huit mois, la moitié des projets ayant été choisis il y a deux mois seulement. Nous pouvons cependant nous réjouir du succès qu'il a rencontré et qui a conduit le ministère à accepter 376 projets au lieu de 300.
En amont, je tiens à féliciter l'heureux auteur de l'expression « pôle d'excellence rurale ». En accolant « excellence » et « rurale », il a valorisé nos territoires ruraux, ce qui leur permet de démontrer leur potentiel d'excellence, donc de croissance. Cela souligne, d'une part, la confiance portée à des territoires souvent considérés, et tout à fait à tort, comme étant à l'écart du progrès, et, d'autre part, une confiance réaffirmée dans une main-d'oeuvre ayant prouvé sa forte capacité d'adaptation.
Je ferai trois observations, respectivement sur la cohérence du dispositif, la richesse des projets sélectionnés et la mise en oeuvre d'une véritable stratégie de la ruralité.
J'insisterai tout d'abord sur l'extrême cohérence de ce dispositif avec la politique menée en faveur de la ruralité.
La participation de l'État, qui est habituellement de 30 %, peut aller jusqu'à 50 % du montant éligible dans les zones de revitalisation rurale, celles-ci ayant été élargies par la loi du 23 février 2005. Les zones les plus en difficulté seront donc les plus aidées.
Quelle sera l'incidence des pôles d'excellence rurale pour les territoires environnants ? Vous évoquez le chiffre de 40 000 emplois conservés ou créés grâce à ces pôles : est-il possible de déterminer le type de projet le plus riche en emplois et de favoriser ainsi les implantations dans des zones éloignées des bassins urbains ?
En ce qui concerne la richesse des projets, deuxième observation, la carte de France démontre l'esprit d'équité dans lequel a été conçu le dispositif.
Dans mon département, le Gers, les cinq pôles sélectionnés couvrent les principales zones géographiques dans les domaines les plus variés : Mécanopôle à Nogaro, Palmipôle dans le Val de Gers, pôle culturel de Marciac, centre d'innovation et de recherche sur le cirque à Auch, pôle d'application et d'expérimentation des techniques satellitaires dans le pays Portes de Gascogne.
Monsieur le ministre délégué, l'analyse des 376 projets retenus permet-elle de mettre en évidence l'oubli de certains secteurs ? La mise en réseau de projets comparables est-elle prévue ?
Enfin, dernière observation, s'agissant de la mise en oeuvre d'une stratégie de la ruralité, les pôles d'excellence rurale exemplaires ne pourraient-ils pas être reproduits à l'étranger ? Ils serviraient alors de supports à nos PME et donneraient naissance à des technopoles « à la française » développées à l'international.
Monsieur le ministre délégué, le Gouvernement a su trouver une place à la ruralité dans sa politique d'aménagement du territoire. Nous comptons sur lui pour persévérer et donner les moyens économiques à ceux qui souhaitent rester ou s'installer dans les zones rurales.
Nous avons tout à gagner à un meilleur équilibre de notre territoire aussi bien dans le domaine de l'économie et du logement qu'en matière d'ordre public.
Avec la simplification administrative et la revalorisation des retraites agricoles les plus modestes, le Gouvernement doit poursuivre une politique favorable aux zones rurales, et je salue celle qu'il mène en ce sens. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, mettre en relation la formation, la recherche et l'industrie par la mise en réseau des entreprises, des laboratoires de recherche, des écoles supérieures et des collectivités locales n'est pas contestable en soi.
Cependant, la démarche qui aboutit à ériger des pôles d'excellence par une mise en concurrence des régions paraît critiquable, car elle met en danger la recherche fondamentale : celle-ci risque en effet de disparaître au profit d'une recherche appliquée trop étroitement liée aux impératifs de rentabilité économique.
Les pôles de compétitivité présentent le risque de concentrer dans un même lieu toutes les activités, et ce afin de constituer des entités capables de concurrencer les pays étrangers.
Parallèlement, les services publics de proximité ne cessent de régresser, remettant en cause l'égalité due à nos concitoyens dans l'exercice de leur droit à la santé, à l'éducation, au logement, à l'énergie, au transport et aux communications.
Par exemple, les Relais Poste ou les agences postales communales sont de faibles remèdes à la casse du service public postal. Les territoires les plus isolés, qui représentent les marchés les moins rentables, sont complètement sacrifiés sur l'autel de la privatisation des services publics. Les pôles, vecteurs de délocalisation à l'intérieur du pays, de mise en concurrence des salariés français entre eux et de désertification de certains territoires, participent, hélas ! de cette logique de marché.
De plus, au-delà du déséquilibre qu'elle peut engendrer au regard de l'aménagement du territoire et du maintien des populations sur l'ensemble de celui-ci, la mise en oeuvre des pôles de compétitivité révèle un certain nombre de difficultés, qui tiennent sans doute à la philosophie qui les guide, et dont témoigne, d'ailleurs, la transformation du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire en Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires.
Mis en place pour redynamiser l'économie et la recherche et créer des emplois, les nouveaux pôles n'auraient pas, semble-t-il, vraiment satisfait à leur mission.
Sur la forme, tout d'abord, il est important de souligner que les critères utilisés pour sélectionner les projets ont soulevé des inquiétudes. Les représentants des PME au sein des comités de labellisation se sont plaints des conséquences de leur faible présence dans les commissions internes accordant les financements. De nombreux élus, de tous bords politiques, ont interrogé le Gouvernement sur les procédures et les modalités de financement des pôles, afin que celles-ci soient clarifiées. Le débat auquel nous participons ce matin témoigne d'une telle requête.
Sur le fond, une étude réalisée par KPMG de juin à octobre 2006 concernant quarante pôles de compétitivité nous apprend que, si les partenariats inter-industrie et recherche-industrie font partie des objectifs prioritaires des pôles, l'emploi, les coopérations industrie-formation et l'installation d'activités nouvelles sur les territoires des pôles sont, en revanche, en queue des priorités.
En ce qui concerne plus particulièrement la question, cruciale, de l'emploi, un quart de l'enveloppe de 1,5 milliard d'euros consacrée au financement des pôles de compétitivité consiste en exonérations d'impôt sur les sociétés, de taxe professionnelle, de taxe foncière et de cotisations sociales. Or cette politique de « défiscalisation » a largement démontré son inefficacité en matière d'emplois, comme en témoigne le rapport de la Cour des comptes.
En outre, l'implantation des pôles nécessite d'aller vite et le risque est donc grand d'en rester à un seul déplacement d'emplois. Le transfert d'emplois qualifiés vers d'autres régions n'est pas une hypothèse d'école. Malheureusement, les pôles de compétitivité n'évitent absolument pas les délocalisations, dont les conséquences sociales et économiques sont dramatiques, comme l'a d'ailleurs montré la fermeture de l'usine rennaise STMicroelectronics, dont le secteur d'activité « puces » fait l'objet d'un processus de délocalisation à Singapour.
Si l'on considère l'ensemble du territoire, l'impact des pôles de compétitivité sur la création d'emplois semble très mitigé.
Enfin, les pôles ont constitué, pour un gouvernement en mal d'expérience, une nouvelle occasion de démanteler le code du travail.
En effet, l'article 47 de la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social organise le prêt réciproque de main-d'oeuvre entre entreprises et organismes d'enseignement supérieur et de recherche au sein des pôles de compétitivité.
Ainsi, la majorité parlementaire, au mépris de la protection des salariés, a adopté une disposition neutralisant les articles L. 125-1 à L. 125-4 du code du travail, qui prohibent le délit de marchandage. Cette nouvelle exception confirme, s'il le fallait, la volonté du Gouvernement de morceler et de fragiliser le salariat, en réduisant ses droits.
Abordons maintenant l'impact du processus sur la recherche fondamentale.
Une partie des financements de ces pôles, notamment ceux qui proviennent des fonds de l'Agence nationale de la recherche, ainsi qu'une partie des postes de chercheur créés à la suite du mouvement que l'on sait sont ainsi détournés, alors qu'ils revenaient à la recherche fondamentale et aux universités.
Par ailleurs, les privatisations engagées dans nos grandes entreprises publiques accentuent encore la perte de maîtrise de la collectivité dans des domaines essentiels, pour lesquels de lourds investissements à long terme sont nécessaires.
Ce serait une erreur de croire qu'une recherche appliquée, commandée par les firmes industrielles, puisse se passer de la recherche fondamentale.
D'ailleurs, quand les impératifs de rentabilité guident la recherche, d'autres difficultés apparaissent. Ainsi, les groupes ont une fâcheuse tendance à réduire leur effort de recherche et de développement pour satisfaire à l'objectif de rémunération du capital de leurs actionnaires.
De plus, les auteurs de l'enquête que j'ai évoquée tout à l'heure notent que les entreprises sont encore réticentes à coopérer dans le domaine de l'innovation : « Les plus gros craignent de devoir partager, avec les plus petits, des années d'investissement sur la recherche et l'amélioration de leurs performances ». Et les plus petits redoutent l'effet de taille dans une coopération déséquilibrée.
Cette même enquête précise également que la formation, troisième pilier des pôles de compétitivité, n'est pas encore intégrée dans les flux de coopération. L'absence des écoles de commerce risque d'être préjudiciable, à terme, aux PME, qui doivent impérativement renforcer leurs ressources et leurs compétences pour satisfaire leurs ambitions stratégiques internationales.
La situation des PME, « parents pauvres » des pôles de compétitivité, pour reprendre les mots de Michel Mabile, président de la task force du MEDEF, est préoccupante. Interrogé sur ce sujet, le président de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse a déclaré que les pôles de compétitivité font la place aux grands groupes, mais n'ouvrent pas d'espace aux PME.
Il semblerait que seuls 101 des 323 projets actuellement financés dans des grands pôles soient portés par des PME. Ces dernières ne récupéreraient que 15 % des fonds publics. Selon l'enquête menée par le Comité Richelieu, tout porte à croire que les pôles de compétitivité n'ont pas pour vocation première d'aider au développement des PME.
Force est de constater que les pôles de compétitivité, comme les pôles d'excellence rurale, s'inscrivent dans la droite ligne des politiques de libéralisation de tous les secteurs d'activité, qu'ils soient économiques ou scientifiques.
Il serait intéressant, au contraire, de réfléchir à un modèle de coopération des populations, des savoirs et des territoires au niveau européen.
Les pôles de compétitivité représentent des enjeux considérables, aussi bien sociaux et économiques que d'aménagement des territoires, ce qui pose évidemment la question de leur pilotage par les grands groupes, qui semble être le cas aujourd'hui. Comme le conseil régional de Bretagne l'a proposé, il serait utile de créer, dans chaque pôle, un niveau de coordination ouvert aux syndicats de salariés, aux cadres, aux comités d'entreprise, aux associations de chômeurs et aux élus, pour que les orientations débattues se définissent en fonction de critères positifs comme l'emploi de qualité, l'égalité professionnelle, la formation et les promotions culturelles et territoriales.
Par ailleurs, quel avenir réserve-t-on à la recherche fondamentale si, pour une part importante, les créations de postes de chercheur sont affectées aux pôles ?
Comment veiller à la bonne utilisation des fonds publics versés ?
Peut-on espérer que ces pôles sont créateurs d'emplois durables et soutiennent un aménagement harmonieux du territoire ?
Ce sont autant de questions que je vous pose, monsieur le ministre délégué, puisque tel est l'exercice auquel nous invite le débat organisé ce matin. Croyez bien que ce premier bilan des pôles de compétitivité me laisse sceptique, s'agissant de l'avantage réel de ces structures en matière d'emploi et de soutien aux petites et moyennes entreprises.
Je m'intéresserai maintenant plus précisément aux trois pôles de compétitivité du département des Côtes-d'Armor : le pôle à vocation mondiale Images et réseaux, dont le coeur se situe à Lannion ; le pôle Mer, sécurité et sûreté, qui est également implanté dans la région PACA ; et le pôle Valorial, qui est plus particulièrement consacré aux aliments de demain.
Afin d'illustrer mes propos introductifs, j'évoquerai le pôle Images et réseaux, dont les résultats devraient être visibles dans deux ou trois ans et qui se distingue dans le cadre de la recherche et du développement. Ces deux mots, « recherche » et « développement », doivent rester liés, car, demain, le fruit des recherches menées devra tout d'abord trouver preneur auprès des grands donneurs d'ordres de notre pays. Ces études devront ensuite se traduire par la fabrication locale des outils et instruments matériels ou immatériels. Car c'est là que se situera, ou non, la richesse d'un tel projet au service de l'emploi.
Au même titre, le pôle Valorial, consacré à l'agroalimentaire et au développement des aliments du futur, peut être porteur si nous réussissons à préserver notre potentiel de production agricole et à lui donner toute la valeur ajoutée qu'il mérite.
Le triste exemple de l'effondrement de la production avicole en Bretagne, qui est lié à la mondialisation des échanges, n'est pas rassurant. Si, demain, les mêmes causes produisent les mêmes effets, d'autres grandes productions régionales pourraient subir le même sort ! En un mot, si, demain, l'apport des pôles de compétitivité se traduit, d'une part, par des emplois à Taiwan ou à New Delhi et des importations massives, et, d'autre part, par la transformation, en Bretagne, de matières premières agricoles étrangères, par exemple brésiliennes, il aura manqué un maillon essentiel à ces projets pour contrer la mondialisation capitaliste et la loi du marché libre et non faussé.
Pour finir, je ne résiste pas à la tentation d'aborder, même brièvement, la question des pôles d'excellence rurale, qui ont été conçus dans la droite ligne des pôles de compétitivité et qui sont souvent perçus comme des opportunités de financement par les élus locaux. À ce propos, l'Union nationale des acteurs et des structures de développement local s'irrite de la mise en concurrence des territoires et craint un « détricotage » des territoires de projets, une mise à mal de la synergie entre l'État, les régions et les territoires infrarégionaux.
En conclusion, les dynamiques créées par les pôles d'excellence rurale méritent, dans de nombreux secteurs économiques, d'être généralisées et encouragées, afin de tendre vers un véritable aménagement du territoire.
Les quatre thématiques des pôles d'excellence rurale étaient les suivantes : promotion des richesses naturelles, culturelles et touristiques ; valorisation des bioressources ; offre de services et accueil de nouvelles populations ; développement des productions industrielles et artisanales.
Ces thématiques concernent la totalité des collectivités locales, rurales ou urbaines. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre délégué, qu'en accordant les moyens nécessaires aux collectivités locales, via des dotations d'État, ces objectifs permettraient à la fois de développer l'emploi et de répondre aux besoins des populations ?
C'est la raison pour laquelle nous proposons sans cesse de taxer à hauteur de 0,5 % les actifs financiers des entreprises, puisque cet argent rapporte de l'argent sans créer d'emplois, et d'allouer les 25 milliards d'euros supplémentaires que produirait cette taxation non seulement aux collectivités locales, mais également aux politiques nationales de soutien à l'emploi.
C'est une question de volonté politique et de choix. Mais il semblerait que vous ne soyez pas prêt à adopter une telle solution ! Les pôles de compétitivité et d'excellence rurale méritent mieux qu'un affichage politique et, même s'il est encore trop tôt pour juger de leur éventuelle efficacité, ils méritent d'ores et déjà une sérieuse réorganisation politique et financière au service de l'emploi et des citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord remercier le Sénat d'avoir inscrit à l'ordre du jour réservé cette question orale avec débat de M. Emorine, ce qui me permet de dresser devant vous un bilan des activités engagées par les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence rurale depuis leur labellisation.
D'un point de vue budgétaire, le bilan de ces pôles est intéressant et témoigne d'une mobilisation très importante de l'ensemble des acteurs.
Je commencerai par les pôles de compétitivité.
Les financements sont en phase avec les objectifs fixés par le CIADT du 12 juillet 2005, au cours duquel les pôles de compétitivité ont été identifiés.
En 2006, le soutien de l'État aux projets de recherche et développement des pôles de compétitivité - fonds unique interministériel, Agence nationale de la recherche, Agence de l'innovation industrielle, OSEO Innovation -, s'est élevé à plus de 531 millions d'euros.
Le volume des investissements de recherche et développement généré par la politique des pôles de compétitivité devrait être de l'ordre de 2 milliards d'euros pour 2006.
Il a été jugé nécessaire de rassembler en un « guichet unique » l'ensemble des interventions des cinq ministères de tutelle des 66 pôles de compétitivité. Je remercie M. Rémy Pointereau d'avoir souligné l'intérêt de ce fonds unique interministériel, qui a permis de créer une forte dynamique de projets, comme l'a souligné également M. Pierre Laffitte.
Ainsi, 143 projets émanant de 54 pôles ont été retenus pour un financement de presque 190 millions d'euros, sur les 531 millions d'euros mobilisés par l'État. Cela représente, au total, plus de un milliard d'euros d'investissements en recherche et développement et près de 3 000 chercheurs impliqués dans ces projets.
L'effet de levier est particulièrement important pour ce partenariat public-privé. En effet, en moyenne, pour un projet du fonds unique d'un montant de 10 euros, le financement est assuré à raison de 7 euros par les porteurs du projet, de 2 euros par le fonds unique et de 1 euro par les collectivités territoriales. Ce ratio un tiers-deux tiers pour les pôles de compétitivité est meilleur que celui qui prévaut pour les dépenses de recherche et développement de la France.
Je vous rappelle que, par rapport à la stratégie de Lisbonne, on retient le plus souvent le chiffre de 3 % du PIB pour la recherche et développement et que, dans ces cas, les fonds sont à peu près pour moitié d'origine publique et pour moitié d'origine. Pour les pôles de compétitivité, le taux est de 2,2 % avec une répartition, je le disais, de un tiers-deux tiers.
J'en viens au poids des PME dans les pôles de compétitivité et à leur participation, particulièrement active.
Je rappelle qu'un pôle de compétitivité regroupe, en moyenne, 15 laboratoires de recherche et 77 entreprises, au sein desquelles on ne trouve que quelques grandes entreprises, les autres étant pour la plupart des PME.
Précisément, ces PME représentent 30 % des aides dans les pôles de compétitivité, alors qu'elles ne pèsent que 16 % de la R&D au niveau national, soit presque le double.
Nous voulons aller plus loin et nous incitons au développement de la recherche en même temps que nous invitons les PME à s'engager davantage dans ces actions-là. Le relèvement de 30 % à 45 du taux d'aide au bénéfice des PME des zones de R&D des pôles impliquées dans les projets financés par le fonds unique est une facilité offerte aux PME et une incitation supplémentaire à s'impliquer davantage dans les pôles.
Au total, les contributions des agences au bénéfice des projets portés par les pôles s'élevaient, l'année dernière, à plus de 240 millions d'euros.
S'agissant de l'importante question des problèmes de trésorerie, j'ai pris bonne note de la proposition de M. Pierre Laffitte. La création, l'année dernière, d'un fonds de 3 milliards d'euros dénommé « France Investissement » est un élément de réponse ; la Caisse des dépôts et consignations en est un autre. La CDC a déjà réuni les responsables des pôles de compétitivité les plus importants, afin de réfléchir avec eux à la façon de répondre à leurs préoccupations.
Nous avons travaillé à la question des complémentarités et des synergies entre les pôles. Dès la semaine prochaine, j'organise une réunion avec les représentants de tous les pôles des secteurs des transports et de l'énergie, afin qu'ils partagent les visions du futur qu'ils produisent chacun au sein de leur gouvernance. D'autres rencontres ont déjà eu lieu l'année dernière et la dynamique est lancée.
Nous appuierons également l'action internationale des pôles. C'est en effet l'occasion, pour les pôles français, de rencontrer leurs homologues dans un pays étranger. Cela leur permet d'être mieux à même de mener des stratégies convergentes dans un domaine donné. Des actions de promotion ont déjà eu lieu avec le Japon, l'Allemagne, la Grande-Bretagne. Trois pôles français ont même signé des accords de collaboration avec des technopôles en Tunisie, et je précise qu'il ne s'agit pas seulement d'accords de principe.
Il est vrai que les pôles n'ont pas souhaité aborder les relations internationales de façon trop rapide. Leur première priorité a été de mettre en place leurs propres structures de gouvernance interne. Ils n'envisagent la possibilité de coopérer à l'international qu'une fois leur propre gestion réglée. De plus, il n'est pas aisé de trouver spontanément une personne susceptible de s'exprimer au nom du pôle. Dans certains pôles, le président ou le directeur a naturellement un discours collectif ; dans d'autres, des ajustements sont nécessaires. Tout cela prend un certain temps.
Néanmoins, des missions ont déjà eu lieu et d'autres sont en préparation. À titre d'exemple, on peut citer les rencontres prévues en Inde, en avril, pour les énergies renouvelables, et en juin, pour les biotechnologies, à l'occasion du Salon Bio Bangalore, aux États-Unis, précisément à Boston, au mois de mai, pour le Salon Bio Boston, en Hongrie, au mois de mars, pour un projet de réseau de pôles européens, en Grande-Bretagne, au deuxième semestre, pour des rencontres d'acteurs de pôles biotechnologies, et au Brésil, pour les technologies propres.
Bref, comme vous le constatez, l'action internationale des pôles se développe bien. J'ai d'ailleurs chargé un ambassadeur, M. Bernard de Montferrand, d'aider systématiquement aux développements internationaux des pôles.
J'ai noté la proposition de M. Aymeri de Montesquiou, qui lance l'idée de créer des pôles à l'étranger. Il est vrai que l'importance de la présence d'entreprises françaises dans certaines régions du monde le justifie. C'est donc une question à étudier.
S'agissant de l'échange de bonnes pratiques sur les coopérations internationales, j'ai bien pris note aussi de la proposition du M. Christian Gaudin, qui a cité l'exemple danois, dont on peut effectivement tenir compte.
Vous avez été plusieurs à rappeler qu'il était important d'évaluer les pôles de compétitivité : nous sommes maintenant en mesure de le faire. Huit pôles ont expérimenté en 2006 l'utilisation d'une première batterie d'indicateurs permettant une telle évaluation. Cette démarche est généralisée en 2007.
S'agissant des nouvelles labellisations, une quinzaine de pôles sont aujourd'hui candidats. Les décisions seront prises lors du prochain CIACT, dont la date doit être fixée prochainement.
J'en viens aux autres évolutions envisagées.
La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que la formation sont des questions importantes pour les pôles. M. Le Cam a parlé de « démantèlement du code du travail ». Selon moi, il se trompe. Il s'agit en fait de permettre à des pôles de travailler sur l'anticipation de leurs besoins en compétences en vue d'adapter l'offre de formation ainsi que la gestion des ressources humaines en leur sein. Les effectifs des entreprises sont en effet susceptibles de varier - en augmentation pour certaines, en diminution pour d'autres. La gestion des compétences bien comprises à l'intérieur des pôles de compétitivité est possible et nous souhaitons y travailler.
Après une phase expérimentale en 2006, nous allons plus loin en 2007 sur l'identification des besoins en compétences des entreprises, sur l'adéquation dans offres de formation aux besoins. C'est une chance qu'au sein des pôles de compétitivité ces compétences puissent être bien appuyées. Il faut y voir une volonté d'efficacité plus qu'un désir de maltraiter le droit du travail, monsieur Le Cam.
M. Christian Gaudin a évoqué l'intelligence économique. Effectivement, quelques pôles sont très actifs dans ce domaine ; ils ont tous intérêt à l'être, d'ailleurs, car ils sont conscients des enjeux de la recherche et ils ont forcément un regard sur ce que font leurs concurrents dans ce domaine.
J'en viens maintenant aux pôles d'excellence rurale.
L'auteur de la question, M. Jean-Paul Emorine, ainsi que MM. Aymeri de Montesquiou et Jean Boyer ont évoqué le succès de la politique des pôles d'excellence rurale.
Pour répondre à la question précise de M. Aymeri de Montesquiou, l'auteur de la formule d'« excellence rurale » est M. Christian Estrosi. Je transmettrai donc à ce dernier les félicitations que vous avez formulées, monsieur le sénateur. Christian Estrosi a ainsi exprimé de manière simple et compréhensible pour tous ce que nous constatons dans nos départements, à savoir la capacité qu'a le monde rural d'innover et de préparer l'avenir.
MM. Gérard Le Cam et Jean Boyer avaient émis des doutes sur la solidarité territoriale s'agissant des pôles de compétitivité. Or, quand on regarde la carte de France, on constate que les 66 pôles de compétitivité sont répartis sur l'ensemble du territoire et sont loin d'avoir tous leur siège dans les grandes villes. Une dizaine de pôles agro-industrie sont même plutôt localisés en milieu rural.
Contrairement à ce que disent certains, cette concentration de moyens sur des secteurs qui ont une vision commune de l'avenir et qui travaillent pour la construire ne se fait pas au détriment de telle ou telle région. Toutes ont leurs chances dans ce domaine.
C'est la même idée qui est à l'origine de la naissance et du développement des pôles d'excellence rurale. D'ores et déjà, cette politique est un succès. Sur 700 candidatures reçues, 376 pôles d'excellence rurale ont été labellisés, alors que le Gouvernement prévoyait de n'en labelliser que 300. L'enveloppe de crédits, initialement fixée à 150 millions d'euros, a été portée à 210 millions d'euros. Sur les 176 conventions de mise en oeuvre des pôles sélectionnés en juin 170 ont d'ores et déjà été signées, permettant l'engagement des opérations d'investissements contenues dans ces pôles.
Au total, 1,1 milliard d'euros d'investissements vont être réalisés dans les territoires ruraux de 92 départements. Cette politique suscite 13 000 emplois directs et plus de 20 000 emplois indirects !
S'agissant du calendrier et de l'enveloppe budgétaire, pour la seconde vague de labellisations, la commission nationale, dont font partie MM. Jean-Paul Emorine et Jean Boyer, s'est réunie le 7 décembre dernier. Le décret officialisant la liste des projets recevant le label « pôle d'excellence rurale » sera publié au Journal officiel dans les prochains jours.
Les ajustements financiers sont en cours avec les préfets de département. Dès que les arbitrages auront été rendus - je sais que Christian Estrosi est conscient des demandes formulées et vigilant sur les moyens alloués -, la dotation propre à chaque pôle sera notifiée au préfet du département concerné. Cette notification interviendra dans les premiers jours de mars. L'objectif est de signer les conventions de mise en oeuvre de ces pôles avant la fin du mois de mars.
Les pôles sont créateurs d'emplois. Certains le sont beaucoup plus que d'autres, parce que certains projets le sont plus que d'autres, notamment les projets industriels dans la filière bois ou les industries mécaniques. C'est le cas du projet de Nogaro, dans le Gers, avec la création annoncée de 400 emplois. C'est également le cas pour une partie des projets touristiques.
Un dispositif d'évaluation est prévu à trois niveaux : au niveau local, projet par projet, dans la convention de mise en oeuvre ; au niveau national, avec une mission d'évaluation globale, confiée au Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, qui débute dès maintenant et qui sera réalisée elle aussi en deux temps ; enfin, un programme de recherche évaluative réalisé sous forme d'un appel à projets auprès d'équipes de recherche universitaires, avec plusieurs axes de recherche : comment s'identifie une excellence rurale ? Y a-t-il un mode et une échelle de gouvernance plus efficients ? Y a-t-il des acteurs et des territoires qui se sont plus mobilisés que d'autres, et pourquoi ? Quelles sont les conséquences de l'appel à projets sur l'organisation locale ? Quelles propositions peuvent être faites pour une bonne mise en commun des données conduisant au succès d'une démarche d'excellence rurale ?
Avec ces trois niveaux d'évaluation, nous disposerons d'éléments supplémentaires pour les choix ultérieurs et pour le soutien de ces pôles d'excellence rurale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais maintenant répondre plus précisément à vos questions, en commençant par celle qu'a posée M. Emorine sur le renforcement de la dimension « enseignement supérieur et formation » dans les pôles.
Beaucoup d'écoles d'ingénieurs sont très impliquées dans les pôles de compétitivité. Ainsi, les écoles des mines et des télécommunications participent directement à une trentaine de pôles. Mais il existe également une collaboration importante avec les universités et les écoles des arts et métiers.
Cette dimension doit être renforcée, ce qui ne manquera pas d'être le cas avec la montée en puissance des pôles, qui deviendront alors plus visibles, et d'autant plus visibles qu'ils travailleront davantage sur les projets de gestion prévisionnelle des emplois et des formations. Par conséquent, ils se tourneront eux-mêmes vers les universités ou les écoles, avec lesquelles ils ne collaborent pas forcément à ce jour, pour leur faire part de leurs besoins. En d'autres termes, la visibilité des pôles servira la lisibilité de la gestion prévisionnelle.
Sachez, monsieur Emorine que les résultats de l'actuel appel à projets pour les pôles de compétitivité seront connus le 31 mars. Les dossiers sont en cours de dépouillement par les services qui s'occupent du fonds interministériel unique.
S'agissant de l'articulation avec les collectivités locales, nous avons essayé de constituer un guichet unique au niveau de l'État. Les collectivités locales ont parfois l'impression d'être soit en avance, soit en retard par rapport aux décisions du comité. Je suis donc convenu avec celles d'entre elles qui m'avaient interrogé à ce propos que nous essaierions d'être aussi clairs et simples que possible. Au niveau national, nous solliciterons l'avis des collectivités pour être certains de leur adhésion à tel ou tel projet. Au niveau de chaque pôle de compétitivité, c'est au sein de la commission des financeurs, qui est chargée d'orienter les projets vers les différentes sources de financement, que cette articulation fonctionne.
Mes propos sont aussi une réponse à la question de Yolande Boyer, qui se demandait comment mieux associer les collectivités, s'agissant notamment de la région Bretagne.
J'étais dernièrement à Rennes, où je me suis entretenu avec le président Le Drian. Je ne doute pas que la région Bretagne et le département des Côtes-d'Armor sauront se mobiliser conjointement pour collaborer avec les fonds nationaux.
Nous avons l'intention de travailler de la manière la plus transparente et le plus en amont possible. La seule chose qui compte, c'est d'aider les pôles à concrétiser le plus rapidement leur propre vision du futur.
Monsieur Emorine, vous m'avez également interrogé sur les dates de publication des décrets de zonage. Tous les projets de décret, au nombre de 66, ont été soumis au Conseil d'État ; 43 décrets ont été publiés et 23 le seront incessamment.
Madame Boyer, vous avez laissé entendre que les crédits affectés aux pôles de compétitivité venaient de redéploiements. C'est inexact. Il s'agit de crédits supplémentaires qui ont été décidés en même temps qu'était examinée la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche. Tous les engagements seront tenus, dans l'un et l'autre cas.
Vous avez également insisté sur les mutations économiques et sur le rôle que devait jouer l'État dans ce domaine. La question de l'automobile, notamment, nous préoccupe tous. Nous avons créé, au sein de la direction générale des entreprises, un secrétariat de la mission interministérielle pour les mutations économiques, qui travaille sur l'ensemble des secteurs dont il importe d'évaluer l'avenir. Il fonctionne de façon très intéressante.
Néanmoins, dès lors qu'ont été identifiées les mutations propres à un secteur, les réponses à apporter ne sont pas toujours immédiatement aussi efficaces qu'on le souhaiterait. La nécessité d'accroître l'effort de recherche ne doit pas faire oublier que celui-ci aurait dû être accru au cours des deux ou trois années précédentes.
M. André Trillard. Cinq ans !
M. François Loos, ministre délégué. Ce genre de problème se pose dans la plupart des secteurs.
Pour ce qui est de l'industrie automobile, le Gouvernement apporte des réponses très importantes qui portent aussi bien sur les délais de paiement que sur les crédits de recherche et l'aide à la gestion prévisionnelle des emplois et des formations. En l'espèce, nous avons tout à la fois l'anticipation et les moyens de répondre aux préoccupations.
Madame Boyer, vous m'avez également demandé quel était le bilan des forums du financement de l'innovation et de la compétitivité.
Ce bilan est très intéressant puisque ces forums ont donné lieu à 4 000 contacts entre entreprises et investisseurs. Ces forums venant de s'achever, j'ignore encore à ce jour combien de ces contacts ont débouché sur des financements pour les entreprises, mais je puis d'ores et déjà vous indiquer que certaines d'entre elles se sont vu octroyer des financements à l'issue des premiers forums, qui ont eu lieu il y a six mois. Elles en sont aujourd'hui satisfaites. Je ne dispose pas encore des chiffres globaux, mais ce chiffre de 4 000 contacts atteste l'ampleur du mouvement ainsi créé et laisse augurer d'une bonne mobilisation.
M. Pointereau m'a lui aussi interrogé sur le poids des PME dans les pôles de compétitivité. J'ai déjà cité les pourcentages : dans les pôles, elles représentent 30 % des aides au titre de la R&D, contre 16 % au niveau national. C'est donc un bon chiffre, même si l'on souhaiterait qu'il soit bien plus élevé encore. En ce domaine, les pôles tirent les PME vers le haut.
Nous voulons aller plus loin. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de faire passer le taux d'aide de 30 % à 45 % pour les PME implantées dans les zones de recherche et développement des pôles de compétitivité, et ce afin de les inciter à progresser.
En outre, à l'occasion des forums du financement de l'innovation et de la compétitivité, de nombreux pactes ont été signés aux termes desquels des PME s'engagent à favoriser d'autres PME, en espérant que la France se dote bientôt d'un dispositif de type Small Business Act, sur le modèle américain. À défaut, et en attendant, de nombreux grands comptes ont accepté de signer ces pactes, ce dont je me réjouis.
Concernant la place des PME dans la gouvernance, le choix ayant été fait de laisser les pôles s'organiser, on ne peut maintenant revenir à un cadre centralisé. Il appartient aux pôles de régler cette question et de répondre aux demandes éventuelles des PME en la matière.
Le zonage des pôles de compétitivité est un processus très encadré juridiquement puisqu'il nécessite un décret en Conseil d'État. Le pôle de la céramique n'échappe pas à cette règle.
S'agissant de questions fiscales, beaucoup de critères ont dû être pris en compte. C'est pourquoi les zones ne sont pas toujours aussi étendues que le souhaiteraient les élus.
Quant à une révision du zonage, elle ne saurait être envisagée, car c'est un processus très long, et il faut un décret en Conseil d'État.
En revanche, il ne faut pas s'effrayer du fait que toutes les zones n'aient pas été retenues. Au final, il importe avant tout que les projets soient élaborés et soutenus. Or 80 % des crédits d'aide aux pôles ne sont pas liés à l'origine du projet, donc au zonage. Par conséquent, si des entreprises du Cher ont de bons projets à faire valoir, quand bien même elles ne seraient pas situées dans la zone d'un pôle, elles peuvent les envoyer à mon ministère, où ils seront instruits avec la plus grande attention.
Concernant le projet de l'entreprise Récupération industrielle du Centre, effectivement, les attentes en matière environnementale suscitent de nouvelles activités industrielles de recyclage électrique et électronique, notamment.
La région Centre et plus particulièrement le département du Cher ont des compétences importantes en la matière : l'automobile à Romorantin, les avions à Châteauroux, l'électronique à Vierzon.
C'est pourquoi j'ai demandé à la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de participer activement aux travaux de structuration de cette filière en effectuant un recensement des compétences. Ce travail devra ensuite déboucher sur des actions collectives - c'est le sens des pôles - qui pourraient être financées par mon ministère si elles ont une certaine consistance.
Vous avez demandé des précisions sur les financements dont ont bénéficié les pôles de votre département.
ViaMéca, en premier lieu, est un pôle original, car il est le fruit de la fusion entre un pôle Rhône-Alpes - Auvergne et un pôle Loire, dans le domaine de la mécanique. Ce regroupement important a bénéficié en 2006 de 7,5 millions d'euros d'aide, sur sept projets, ce qui le place parmi les pôles les plus dynamiques. J'ai moi-même eu l'occasion, la semaine dernière, de me rendre à Saint-Étienne et de constater les travaux innovants qui y étaient effectués.
Ensuite, le pôle Sciences et systèmes de l'énergie électrique a également bénéficié de 7,5 millions d'euros de soutiens. Ses travaux se sont appuyés sur l'expérience du Centre national de recherche technologique « Microélectronique de puissance », créé en 2000 à Tours et devenu aujourd'hui le Centre d'études et de recherches technologiques en microélectronique, ou CERTEM.
Le pôle « Céramique », enfin, a très vite démarré, avec un projet soutenu par le Fonds de compétitivité des entreprises dès 2005. Il faut noter que les crédits du ministère de l'industrie ont été mis à contribution à cette époque pour le développement des pôles, mais, à l'exception du pôle « Céramique », leur attribution effective n'a eu lieu qu'à partir de 2006. À ce jour, trois projets sont retenus dans ce cadre, pour environ 5 millions d'euros d'aide émanant de l'État et des collectivités.
Notons également qu'il a été voté, dans la loi de finances rectificative, une taxe affectée pour le secteur des arts de la table. Cette mesure, qui répond à une forte demande de la profession, permettra la création d'un centre de développement professionnel pour les entreprises du secteur.
M. Le Cam m'a également interrogé sur la présence des organisations syndicales dans les pôles. En fait, nous n'avons rien imposé aux pôles en matière de gouvernance, et ils sont libres de l'organiser comme ils le souhaitent. C'est donc à eux qu'il faut poser la question. Mais la participation de partenaires extérieurs peut très bien être envisagée. J'ai, pour ma part, suggéré aux pôles, qui regroupent des entreprises et des laboratoires, de recruter des financiers en leur sein. Certains grands pôles l'ont déjà fait, ce qui correspond à l'exemple italien. En effet, les districts italiens existent depuis plus de cent ans et font appel à des banquiers, qui participent au côté des entreprises à l'accélération du financement des projets retenus. Cela bien sûr ne répond pas à la question de la présence des syndicats, mais cela renvoie à la liberté de choix des pôles, qui peuvent s'ouvrir à d'autres, et certains l'ont déjà fait.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette politique que nous menons tant dans les pôles de compétitivité que dans les pôles d'excellence rurale est un succès. Elle a produit des effets importants sur les territoires ainsi que dans les secteurs industriels concernés et se traduira bientôt par des créations d'emplois nombreuses, permettant ainsi à certains territoires d'avoir confiance en leur avenir, et ce grâce à leurs entreprises. Cette politique permet de donner une vision du futur à tous les secteurs industriels, et, de ce fait, représente à mes yeux la meilleure réponse au risque de délocalisation, que certains d'entre vous ont évoqué.
C'est en travaillant ensemble, en suscitant cette émulation entre les entreprises, en faisant émerger cette vision commune du futur que ces territoires peuvent le mieux anticiper les mutations économiques, et donc prévenir ce risque de délocalisation qui hante nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
4
DÉsignation D'UN SÉNATEUR en mission
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 13 février 2007 par laquelle il fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre de l'outre-mer Mme Lucette Michaux-Chevry, sénateur de la Guadeloupe.
Cette mission portera sur l'organisation et les priorités d'une coopération régionale à partir des départements français d'Amérique en direction de l'espace caraïbe.
Acte est donné de cette communication.
5
communication relative À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
6
Mutuelle Société nationale « Les médaillés militaires »
Adoption définitive d'une proposition de loi
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés militaires » (nos 184, 216).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi nous arrive directement de l'Assemblée nationale, où elle a été présentée par M. le député Charles Cova, et nous offre l'occasion de rendre un hommage mérité aux médaillés militaires.
Chacun connaît, dans cet hémicycle, la valeur des cadres de notre armée. Au cours des siècles, ils se sont magnifiquement illustrés sur tous les théâtres d'opérations. Il est donc juste et légitime que notre pays leur manifeste sa reconnaissance par cette décoration spécifique et exceptionnelle, la médaille militaire, qui exprime, depuis le second Empire, la gratitude de la patrie envers tous ceux qui l'ont servie avec abnégation et dignité, parfois jusqu'au sacrifice suprême.
Je veux aussi saisir l'occasion de ce débat pour saluer la mémoire de M. Orlowski, qui a présidé la Société nationale « Les Médaillés militaires » pendant des années avec dynamisme, sagesse et compétence. Sa disparition soudaine a endeuillé le monde combattant.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui vise à répondre à la situation particulière de la mutuelle des titulaires de la médaille militaire. Les responsables de cette mutuelle ont constaté que l'évolution des règles de la mutualité rend difficile la gestion de la maison de retraite dont elle a la charge. Une décision de son assemblée générale a donc demandé la dissolution de la mutuelle et l'affectation de son actif à une association reconnue d'utilité publique.
Pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, êtes-vous appelés à vous prononcer sur une telle décision ? Tout simplement parce que cette solution, qui nous paraît à tous égards la meilleure, suppose une dérogation aux dispositions de l'article L. 113-4 du code de la mutualité. Par conséquent, nous sommes obligés de vous demander de vous prononcer sur la dissolution de cette mutuelle.
Ce type de dérogation doit rester exceptionnel. (M. Fischer manifeste son scepticisme.) En effet, il ne faudrait pas fragiliser le fonds national de garantie des mutuelles, dont la finalité est d'assurer, en cas de défaillance d'une mutuelle, la couverture des droits de ses adhérents. S'agissant de ce cas très particulier, le Gouvernement a donné un avis favorable à cette réforme. Vous ayant dit l'essentiel, il ne me paraît pas utile de développer davantage la motivation de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Janine Rozier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la proposition de loi que nous allons examiner a été déposée à l'Assemblée nationale par notre collègue député Charles Cova. M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, avait lui aussi l'intention de présenter une proposition de loi similaire. Elle a été inscrite à l'ordre du jour réservé de notre assemblée par le groupe de l'UMP.
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui ne comporte qu'un seul article et a un objet très simple : permettre la transformation de la Société nationale « Les Médaillés militaires », qui a aujourd'hui le statut de mutuelle, en association. Je reviendrai dans un instant sur ce dispositif.
Auparavant, je voudrais en effet profiter de cette occasion qui nous est donnée pour rappeler ce qu'est la Médaille militaire, qui sont les médaillés militaires et pourquoi nous devons affirmer notre reconnaissance à leur égard.
La Médaille militaire a été instituée par un décret du 22 janvier 1852, signé de Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, qui tenait absolument à récompenser la bravoure des soldats et des sous-officiers.
En effet, surnommée « le bijou de l'armée », cette décoration a ceci d'original qu'elle est réservée à la fois au bas de la hiérarchie militaire, c'est-à-dire aux soldats et aux sous-officiers, et aux plus hautes autorités de celle-ci. Ainsi, à titre exceptionnel, la Médaille militaire peut être concédée, par décret pris en conseil des ministres, aux maréchaux de France et aux officiers généraux grands-croix de la Légion d'honneur qui, en temps de guerre, ont exercé un commandement en chef devant l'ennemi ou ont rendu des services exceptionnels à la défense nationale. C'est assez dire l'importance que revêt la possession de cette distinction, gagnée « au feu », en particulier par beaucoup des auteurs des courriers que nous sommes nombreux ici à avoir reçus.
Depuis sa création, cette médaille a été attribuée à environ un million d'hommes de troupe et sous-officiers et à 156 généraux et maréchaux, parmi lesquels Joffre, Foch, Lyautey, de Lattre et Leclerc. Elle a également honoré des personnalités étrangères, notamment Churchill, le général Eisenhower et le président Franklin Roosevelt.
On compte actuellement environ 200 000 titulaires vivants de la Médaille militaire. Le contingent annuel est de l'ordre de 3 500 récompenses, destinées à honorer les militaires, hommes et femmes, qui ont servi au moins huit années dans l'une des trois armées ou la gendarmerie nationale et rendu des services exceptionnels.
La Médaille militaire est la troisième décoration dans l'ordre de préséance, après la Légion d'honneur et la croix de Compagnon de la Libération, mais avant l'ordre national du Mérite.
Sa gestion est, depuis l'origine, assurée par la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur. Celle-ci se borne toutefois aux questions administratives et de discipline. Aussi, pour soutenir les médaillés et affirmer leur solidarité, une société de secours mutuel a-t-elle été créée par les médaillés militaires eux-mêmes en 1904. Reconnue d'utilité publique en 1931, cette société nationale, dénommée « Les Médaillés militaires », avait pour vocation d'apporter un soutien matériel et financier aux médaillés et à leurs familles, à une époque où les assurances sociales n'existaient pas, tout en cultivant une fraternité et une solidarité entre les médaillés.
Aujourd'hui, cette société nationale compte plus de 70 000 adhérents répartis dans le monde entier. Elle poursuit son oeuvre de solidarité, essentiellement au travers de la gestion d'une maison de retraite, implantée à Hyères.
En effet, son rôle initial d'assurance sociale a pour ainsi dire disparu, principalement du fait de l'avènement de la sécurité sociale en 1945, mais aussi en raison de la fin des conflits successifs et meurtriers qui ont émaillé notre histoire au cours des cent cinquante dernières années.
Or, malgré cette évolution dans les missions de la société nationale, celle-ci reste régie, comme à l'origine, par le code de la mutualité.
Si ce choix des médaillés fondateurs s'est longtemps avéré fort judicieux, il n'apparaît plus en être de même aujourd'hui. En effet, les dispositions du code de la mutualité, telles qu'issues de l'ordonnance du 19 avril 2001 transposant les directives européennes « assurances » pour la sphère de la mutualité, semblent particulièrement lourdes et inadaptées aux activités actuelles de la société nationale. Cela est vrai en ce qui concerne les règles de fixation des cotisations et celles qui sont applicables au versement des prestations ou au rôle de l'assemblée générale, ou encore pour ce qui est des buts visés.
C'est pourquoi la Société nationale « Les Médaillés militaires » considère aujourd'hui qu'un statut associatif serait plus approprié à la poursuite de ses activités, notamment pour la distribution d'aides liées à des besoins ponctuels ou urgents et pour le maintien d'une communauté solidaire et vivante entre les médaillés. La formule associative a d'ailleurs été choisie par les organismes équivalents que sont la Société d'entraide des membres de la Légion d'honneur et l'Association des membres de l'ordre national du Mérite.
Cette transformation de statut a été préparée par la Société des médaillés militaires, qui prévoit de se dissoudre au profit de l'Association de l'orphelinat et des oeuvres des médaillés militaires, créée en son sein il y a déjà de nombreuses années.
Néanmoins, pour que cette transformation soit effective, il reste un verrou législatif à lever : celui de l'article L. 113-4 du code de la mutualité. En effet, celui-ci rend obligatoire, après dissolution d'une mutuelle, le transfert de son actif à une autre mutuelle ou au Fonds national de garantie des mutuelles.
Par dérogation à cette disposition, la présente proposition de loi prévoit que l'actif de la Société nationale « Les Médaillés militaires » sera transféré à l'association d'utilité publique qui exercera à l'avenir les missions de cette dernière. Prévoyants, les médaillés militaires, réunis en assemblée générale le 11 décembre 2006, ont d'ailleurs su procéder à une refonte complète des statuts et du règlement intérieur de cette association.
L'approbation de cette dérogation nous a paru effectivement souhaitable. D'une ampleur limitée, elle ne remet pas en cause le fait que les biens de la société, à savoir son siège à Paris et la maison de retraite de Hyères, seront toujours utilisés dans un but non lucratif, ce qui reste conforme à l'un des grands principes fondateurs de la mutualité.
Cette mesure est, je peux vous le dire compte tenu des réactions que j'ai recueillies, très attendue par les intéressés, et il nous a semblé que c'est là un geste bien normal que nous devons à nos 200 000 médaillés militaires.
La commission des affaires sociales vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter la proposition de loi sans modification. Elle a également souhaité rendre un hommage appuyé, en séance publique, à tous nos compatriotes médaillés militaires. Il s'agit là, pour nous, de remplir un devoir de solidarité et de mémoire à leur égard. N'oublions pas avec quelle fierté légitime, lors de chaque commémoration devant les monuments aux morts, nos anciens combattants arborent cette Médaille militaire, gagnée dans des circonstances difficiles, souvent au risque de leur vie !
Aussi, pour ce que les médaillés militaires ont apporté à la France, pour le devoir de mémoire qu'ils nous aident à perpétuer et pour la solidarité, la camaraderie et le culte du souvenir qu'ils nous donnent en exemple, nous leur devons d'approuver cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'associe bien sûr à l'hommage public qui vient d'être rendu par notre rapporteur aux médaillés militaires.
Cette proposition de loi a pour objet d'apporter une modification statutaire qui permette à la Société nationale « Les Médaillés militaires », reconnue d'utilité publique, de poursuivre ses missions d'assistance et de secours à ses membres, ainsi qu'aux veuves et orphelins de médaillés militaires.
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit à propos de l'histoire de cette décoration. Nous sommes bien sûr unanimes pour saluer avec le plus grand respect ces hommes et ces femmes dont la nation a reconnu les mérites ou les faits d'armes par l'attribution de cette prestigieuse distinction.
De même, nous sommes, je le pense, unanimes pour considérer que le statut d'association siérait mieux aux activités d'entraide de cette société, qui aurait pu d'ailleurs être un ordre, au même titre que l'ordre de la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite.
Cependant, l'histoire en a décidé autrement ; le statut de mutuelle, adopté à la création de la société en 1898, époque qui a d'ailleurs vu naître le secours mutuel, n'est plus adapté et se heurte aujourd'hui aux dispositions de l'article L. 113-4 du code de la mutualité, qui prévoit qu'en cas de dissolution d'une mutuelle le patrimoine de celle-ci doit obligatoirement être transféré à une autre mutuelle ou, à défaut, au Fonds national de garantie des mutuelles.
Ainsi, le strict respect de la loi qui s'impose à tous priverait la Société nationale « Les Médaillés militaires » des actifs nécessaires à ses oeuvres et de son patrimoine, constitué par son siège parisien et la maison de retraite de Hyères.
Nous ne pouvons accepter cela, d'autant que nous sommes, au sein du groupe communiste républicain et citoyen, très attachés à ce que les anciens combattants et victimes de guerre demeurent seuls responsables des affaires qui les concernent.
Je pense toutefois que la gestion de la maison de retraite aurait pu être confiée à une mutuelle d'anciens combattants promouvant la spécificité de l'entraide au sein du monde combattant et respectueuse des aspirations des médaillés militaires. C'est une solution dont je n'ai pas étudié la faisabilité technique, mais qui aurait eu le mérite de conforter l'action de ces mutuelles, tout en offrant aux médaillés militaires toutes les garanties d'une gestion adaptée, et ce sans déroger au code de la mutualité. C'est là où nos positions diffèrent quelque peu, madame le rapporteur. De nombreuses associations d'anciens combattants sont confrontées aujourd'hui à la difficulté de gérer de telles maisons de retraite.
Cela étant, le problème qui perturbe le fonctionnement de l'institution peut compromettre l'efficacité de l'action des médaillés militaires en direction de leurs membres et de leurs familles. Nous ne souhaitons donc pas nous opposer à cette proposition de loi. Nous aurions souhaité qu'il n'y ait pas de dérogation au code de la mutualité, néanmoins nous nous abstiendrons, par respect, sur ce texte. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Ce n'est pas gentil pour les médaillés militaires !
M. le président. La parole est à M. André Dulait.
M. André Dulait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de la proposition de loi relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés militaires » nous donne l'occasion de saluer solennellement les médaillés militaires et de leur témoigner l'estime et la reconnaissance qui leur sont dues.
Depuis un siècle et demi, des hommes et des femmes se sont vu attribuer cette récompense suprême, qui vient honorer leur bravoure et leurs faits d'armes. Ils se sont battus, ont souffert et parfois ont perdu la vie pour notre pays. Je suis donc très fier d'être aujourd'hui l'orateur du groupe de l'UMP et de pouvoir leur exprimer notre reconnaissance et notre admiration. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Cette proposition de loi avait été précédée d'un certain nombre d'autres, élaborées sur l'initiative de M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Spécifique aux non-officiers, la Médaille militaire rend justice au courage et au mérite des soldats de troupe et des sous-officiers. Elle peut exceptionnellement être concédée aux maréchaux de France et aux officiers généraux grands-croix de la Légion d'honneur. Elle est ainsi devenue la troisième décoration dans l'ordre de préséance, puisque son port et sa disposition réglementaire la placent immédiatement après la croix de Compagnon de la Libération et avant l'ordre national du Mérite.
Elle rend hommage à des gens célèbres comme Foch, Leclerc, Koenig ou Jean Moulin, mais aussi à tous les soldats inconnus qui ont combattu avec honneur pour notre pays et qui, aujourd'hui encore, s'illustrent dans le cadre des opérations extérieures où nos troupes sont engagées. « Valeur et discipline », telle est la devise de la médaille militaire ; elle illustre bien tout ce qui fait la grandeur de cette décoration.
Cette décoration lie ces hommes et ces femmes à travers le temps, à travers l'espace et quels que soient les grades. Chacun s'est illustré à un moment clé par un comportement exceptionnel, à l'étranger, dans le cadre d'opérations extérieures, ou sur le territoire, comme peuvent le faire gendarmes ou pompiers. Avoir la médaille militaire, c'est avoir su se transcender pour défendre des valeurs auxquelles on croit et qui font la grandeur de notre pays.
En 1904, une Société de secours mutuel fut constituée, qui devint la Société nationale « Les Médaillés militaires » ; elle développa un dispositif de solidarité envers les médaillés et leurs familles dans le besoin. Une association fut créée pour compléter ces oeuvres sociales : l'Association de l'orphelinat et des oeuvres. Celle-ci a très vite accompli un travail exemplaire, notamment à la suite des deux guerres mondiales.
L'association a notamment pu apporter une aide financière substantielle aux familles des sociétaires - à leurs veuves et à leurs enfants - lorsqu'ils sont décédés en service. Elle a pu aussi venir à l'aide de ceux qui, après une vie de travail éprouvante, ont pu se marginaliser, et leur offrir solidarité et fraternité.
La création de la sécurité sociale en 1945 a conduit la Société nationale « Les Médaillés militaires » à se concentrer sur ses oeuvres sociales et à cesser son rôle initial d'assurance sociale. Celle-ci a toutefois conservé le statut de mutuelle sous lequel elle avait été créée.
Or la transposition des directives communautaires sur les assurances, intervenue en 2001, a eu pour conséquence d'entraîner une réforme du code de la mutualité. Cette réforme, qui n'a pas épargné la Société nationale « Les Médaillés militaires », s'est révélée particulièrement inadaptée à sa spécificité. En effet, elle ne gère qu'une seule maison de retraite, et se consacre surtout à la défense des intérêts de ses 70 000 membres.
Il semble évident à tous que le statut associatif est plus approprié aux activités de la Société nationale. C'est d'ailleurs sous ce statut que fonctionnent les associations d'entraide des membres de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite, qui ont des missions identiques aux siennes.
Une idée a émergé consistant à faire absorber la Société nationale « Les Médaillés militaires » par l'Association de l'orphelinat et des oeuvres. Bien entendu, cela a pour conséquence la dissolution de la Société nationale. Or cela se heurte aux dispositions de l'article L. 113-4 du code de la mutualité, qui prévoit, en cas de dissolution d'une mutuelle, la nécessaire affectation du patrimoine de celle-ci à une autre structure mutualiste ou au fonds national de garantie des mutuelles.
Appliquée stricto sensu, cette disposition reviendrait à priver l'ensemble des médaillés militaires du patrimoine commun accumulé, qui permet à la Société nationale d'exercer son oeuvre de générosité.
Aussi, nous ne pouvons qu'approuver l'article unique de la proposition de loi qui permet, par dérogation au code de la mutualité, la dévolution du patrimoine de la Société nationale à l'association d'utilité publique qui exercera à l'avenir ses missions, défendra les intérêts des femmes et des hommes qui ont combattu pour notre pays avec force et courage - parfois au péril de leur vie -, et soutiendra leurs familles.
Nous savons bien que ce type de dérogation devra rester exceptionnel pour ne pas fragiliser le fonds national de garantie des mutuelles, dont la finalité est d'assurer la couverture des droits de ses adhérents en cas de défaillance d'une mutuelle. Mais à personnes exceptionnelles, nous nous devions de répondre par un traitement exceptionnel.
Pour conclure, permettez-moi de saluer, outre ceux qui ont pris place dans nos tribunes, tous les médaillés militaires. Je veux, au nom de notre groupe, leur dire notre respect et notre reconnaissance.
Je souhaite également saluer la mémoire de Micislas Orlowski, président général de la Société nationale « Les Médaillés militaires », décédé à la fin de l'année dernière.
La France est fière de ses médaillés militaires et il est essentiel de prouver aujourd'hui cette reconnaissance en leur montrant à quel point notre nation leur est attachée et les admire.
Le groupe UMP votera ce texte avec enthousiasme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Comme le disait Georges Clemenceau à propos des anciens combattants, « ils ont des droits sur nous ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d'abord à rendre ici hommage à tous les médaillés militaires pour leur bravoure et leur mérite.
La médaille militaire, décoration spécifiquement militaire, est créée par décret le 22 janvier 1852. À la chute de l'Empire, la République conserve ce système. Aujourd'hui, 3 500 récompenses sont décernées annuellement.
Dès 1904, les médaillés militaires s'organisent et créent une société de secours mutuel qui devient la Société nationale « Les Médaillés Militaires », reconnue d'utilité publique en 1931, ayant pour vocation un soutien matériel et financier aux médaillés et leurs familles.
Alors que ce rôle initial d'assurance sociale a progressivement disparu, la Société nationale est toujours régie par le code de la mutualité. Depuis l'entrée en vigueur en 2001 d'un nouveau code, le droit applicable aux mutuelles s'est révélé inadapté à la nature et au fonctionnement de la Société nationale « Les Médaillés militaires ».
C'est pourquoi, afin de se mettre en conformité avec les exigences du nouveau code, les médaillés militaires ont fait le choix de transférer l'activité de la Société nationale « Les Médaillés militaires » à l'association de l'orphelinat et des oeuvres qui lui sont liées. Cette démarche a été engagée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 11 décembre 2006. Il s'agit, en quelque sorte, de fusionner la Société nationale avec l'association.
Mais cette fusion se heurte à l'article L. 113-4 du code de la mutualité qui prévoit que, en cas de dissolution d'une mutuelle, l'excédent de l'actif de celle-ci est nécessairement affecté à une autre structure mutualiste ou au fonds national de garantie des mutuelles.
L'objet de l'article unique de la proposition de loi est donc d'autoriser la Société nationale à déroger à cet article du code de la mutualité afin que, après sa dissolution et le transfert de ses activités à l'association de l'orphelinat et des oeuvres, elle puisse transmettre à celle-ci le patrimoine accumulé depuis plus d'un siècle par ses sociétaires et poursuivre ainsi son travail de solidarité et de mémoire.
Le groupe socialiste approuve l'objet de la proposition de loi qui vise à donner les moyens aux médaillés militaires de faire fonctionner leur maison de retraite et de poursuivre leur oeuvre.
Mais si cette proposition de loi est dictée par des motifs juridiques et techniques, la méthode proposée n'est peut-être pas des plus pertinentes dans la mesure où elle implique une dérogation législative au code de la mutualité. Il n'est pas raisonnable d'ouvrir ainsi la porte aux dérogations. Il aurait été possible que des mutuelles d'anciens combattants plus importantes se substituent à celle des médaillés militaires.
Cependant, prenant acte de la nécessité de l'évolution proposée par la proposition de loi, il n'est pas souhaitable d'entraver la mise en place de la mesure proposée. Le groupe socialiste s'abstiendra donc.
M. Dominique Braye. Merci pour eux !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Janine Rozier, rapporteur. Après avoir écouté mes collègues, je suis déçue et étonnée. En effet, voilà une demi-heure à peine, M. Guy Fischer me faisait part, au nom de son groupe, de son intention de voter cette proposition de loi. Le groupe socialiste avait pris le même engagement à l'issue de la réunion de la commission. Ils ont changé d'avis !
M. Dominique Braye. Ce n'est pas la première fois !
Mme Janine Rozier, rapporteur. Un tel texte me semblait mériter l'unanimité du Sénat. Êtes-vous certains, mes chers collègues, de ne pas vouloir une nouvelle fois changer d'avis et voter avec nous ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Lors de la dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés militaires », l'excédent de l'actif net sur le passif peut, par dérogation à l'article L. 113-4 du code de la mutualité, être dévolu à une association reconnue d'utilité publique.
M. le président. Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
7
Fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Nicolas Alfonsi tendant à modifier certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (nos 156, 214).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Nicolas Alfonsi, auteur de la proposition de loi.
M. Nicolas Alfonsi. Mes chers collègues, avant d'entrer dans le détail de la proposition de loi sur le mode de scrutin en Corse, que j'ai pris l'initiative de déposer, je formulerai trois observations liminaires.
Tout d'abord, ce texte est le produit des circonstances. Nous avons récemment discuté d'un projet de loi sur la parité et, à cette occasion, j'avais pris l'initiative de déposer des amendements qui constituaient, je le savais bien, des cavaliers budgétaires. Le président Patrice Gélard me l'avait gentiment fait remarquer et m'avait invité à déposer une proposition de loi. Nous avons donc profité d'une fenêtre de tir - enfin, n'exagérons rien, surtout s'agissant de nous (Rires.) -, disons d'une fenêtre d'opportunité.
Toutefois, je tiens à dissiper tout malentendu, et je m'adresse en particulier à M. le ministre : il ne faut voir aucune malice de ma part dans le dépôt de cette proposition de loi ; j'ai bien pris soin de préciser, dans l'exposé des motifs, qu'il ne fallait pas considérer ces quelques modifications techniques comme une nouvelle réforme institutionnelle ; il faut donc chasser cette idée de notre esprit.
Sans doute partagez-vous mon point de vue à cet égard, monsieur le ministre, et, en l'absence de réponse de votre part, je considérerai que cela vaut approbation : il n'y aura pas de réforme institutionnelle en Corse au cours de la prochaine mandature.
Cette proposition de loi est le fruit de l'expérience d'une vingtaine d'années ; je pense être la mémoire de la collectivité territoriale de Corse. Si l'on étudie d'un point de vue historique les textes des vingt dernières années concernant la Corse, on observe qu'ils sont tantôt en avance, tantôt en retard sur les textes nationaux.
Ainsi, quand le statut Defferre a été adopté, dans l'attente des textes sur la régionalisation, nous étions en avance, monsieur le ministre. On avait alors inventé un système électoral qui n'existait nulle part ailleurs. Dans une décision interprétative, le Conseil constitutionnel avait considéré que le mode de scrutin prévu pour la Corse devait impérativement être adapté au futur mode de scrutin national. Cela a été fait en 1985 par Pierre Joxe, alors ministre de l'intérieur, qui était alors revenu au droit commun, sans que personne ne s'en émeuve.
En 1991, le nouveau « statut Joxe » ne fixait aucun seuil aux listes pour pouvoir fusionner avec d'autres listes au second tour. Le texte que je vous présente prévoit la possibilité de fusionner pour les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Il s'agit donc bien d'une modification technique.
À ce stade, je ferai deux observations complémentaires pour bien éclairer le débat.
Tout d'abord, les mesures sur le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse auront un effet neutre. À l'évidence, il serait vain de donner tous les dix ans des pouvoirs, des compétences supplémentaires, des moyens financiers, etc., à l'Assemblée de Corse si aucun dispositif efficace ne lui permet d'exercer ses compétences et de mettre en oeuvre les moyens mis à sa disposition.
Ensuite, les droits des citoyens en Corse doivent être au moins égaux à ceux des citoyens des autres régions françaises. Pour quelle raison seraient-ils pénalisés par un mode de scrutin ne permettant généralement pas de dégager une majorité claire ?
Quel que soit le résultat du vote, cette proposition de loi aura eu au moins le mérite de nous permettre de revenir sur l'histoire des vingt dernières années.
Les dispositions que je propose sont simples ; dans son rapport, dont je salue la qualité, M. le rapporteur propose de les adopter. Il s'agit d'instituer un seuil, fixé à 5 % des suffrages exprimés, à partir duquel les listes pourront fusionner entre les deux tours et de porter à 7 % le seuil permettant à une liste de se maintenir au second tour ; j'avais suggéré de fixer ce dernier seuil à 7,5 %, mais nous ne sommes pas à une décimale près. Il s'agit également d'augmenter la prime accordée à la liste arrivée en tête.
À l'échelon national, en vertu de la loi de 2003, le seuil permettant à une liste de se maintenir au second tour est fixé à 10 % et celui permettant à une liste de fusionner est fixé à 5 %. En Corse, ces seuils sont de 5 % pour se maintenir et de 0 % pour fusionner. Par ailleurs, alors que la prime à la liste arrivée en tête est de 25 % à l'échelon national, elle est de 5,80 % en Corse, soit trois sièges.
L'expérience prouve que l'on est généralement très près de la majorité absolue, mais que l'on ne l'atteint pas souvent, tout simplement parce qu'il manque quelques sièges.
Je propose donc non pas de revenir au droit commun, c'est-à-dire aux seuils de 10 % pour le maintien et de 5 % pour la fusion, mais d'adopter ce que M. le rapporteur a qualifié de « solution équilibrée », à savoir un seuil de 7 % pour le maintien et de 5 % pour la fusion.
Aujourd'hui, la démographie étant ce qu'elle est - chaque consultation électorale mobilise 120 000 électeurs -, un conseiller à l'Assemblée de Corse - je rappelle qu'un conseiller à l'Assemblée de Corse n'est pas un conseiller territorial, comme on le dit parfois - est le « produit », si j'ose dire, de 3 000 ou 4 000 suffrages. Dans ces conditions, l'environnement local, la faible démographie, le peu de prix que l'on attache au suffrage, le fait que tout individu se croie investi d'un destin et que, par conséquent, il prenne l'initiative de déposer une liste, quitte à donner ensuite ses suffrages au plus offrant s'il n'a recueilli que 3 % des voix, conduit à un grand nombre de situations extraordinairement perverses, comme l'a montré la dernière élection en 2004.
On a même dit que la gauche était majoritaire, et presque tout le monde avait fini par le croire. En fait, dès le lendemain de l'élection, de nombreuses listes qui avaient recueilli 2 % ou 3 % des suffrages avaient fusionné avec des listes de gauche pour y retrouver leur famille d'esprit. Cela explique le trouble permanent de l'opinion, qui a de quoi être découragée.
Cette proposition de loi contient par ailleurs d'autres dispositions techniques.
Certains prétendront que ce n'est pas le moment de modifier le mode de scrutin ; je pense en particulier au Gouvernement, bien que je ne connaisse pas sa position, car je me suis dispensé de la lui demander.
M. le président. Vous la connaîtrez dans un instant !
M. Nicolas Alfonsi. Mais ce n'est jamais le moment ! Après l'élection présidentielle auront lieu, l'an prochain, les élections municipales.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Puis les régionales !
M. Nicolas Alfonsi. En 2010, on invoquera les élections sénatoriales !
J'ai pris l'initiative de déposer ce texte au moment où les passions étaient apaisées
Aux autres qui diront que toutes les sensibilités doivent être représentées, y compris les plus homéopathiques, les plus extrêmes, je répondrai que c'était vrai il y a vingt ans - Gaston Defferre, je le rappelle, avait accepté le quotient -, mais que, depuis, ces sensibilités ont eu tout le temps de prospérer et de s'exprimer. On ne peut pas attendre encore, au détriment des mécanismes démocratiques les plus élémentaires !
Je sais que l'opinion de mes collègues sur cette question, au Sénat et à l'Assemblée nationale, est globalement positive, à quelques nuances près.
Il s'agit d'un texte équilibré. Le Sénat ferait donc oeuvre utile, me semble-t-il, en l'adoptant. Je n'ose pas espérer l'unanimité, encore que sur un sujet aussi technique, mais dont la portée politique est importante, je ne suis pas loin de la souhaiter. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder le contenu de cette proposition de loi modifiant certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse, je ferai quelques remarques préliminaires.
Première remarque préliminaire, le texte dont nous sommes saisis est une proposition de loi, et non un projet de loi, ce qui implique un certain nombre de conséquences.
Ainsi, l'Assemblée de Corse n'a pas été préalablement saisie de ce texte, ce qui aurait été obligatoire s'il s'était agi d'un projet de loi.
Par ailleurs, cette proposition de loi est le résultat des amendements que notre collègue Nicolas Alfonsi avait déposés sur deux textes, le projet de loi relatif à la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse et le projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Il les avait alors retirés et avait accepté l'invitation qui lui avait été faite de déposer une proposition de loi.
Enfin, s'agissant d'une proposition de loi, le Gouvernement n'est pas engagé dans cette procédure.
Deuxième remarque préliminaire, il ne s'agit naturellement pas de porter atteinte aux droits des Corses. C'est la raison pour laquelle je souhaite que, entre l'adoption de cette proposition de loi par le Sénat et son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, l'Assemblée de Corse soit saisie du texte pour qu'elle puisse donner son avis.
J'en viens à ma troisième remarque préliminaire. J'ai sollicité l'avis soit oralement, soit par écrit, des députés et des sénateurs de Corse, ainsi que du président de l'Assemblée de Corse. Leur point de vue est très proche de celui de notre collègue Nicolas Alfonsi. Tout au plus convient-il de mentionner qu'un certain nombre de parlementaires souhaitent que le statut de la Corse se rapproche progressivement du statut régional. D'autres ont trouvé que les propositions de notre collègue n'allaient pas suffisamment loin. D'autres encore considèrent que le moment n'est pas propice à une telle proposition de loi et qu'il conviendrait peut-être d'attendre la fin de la période électorale.
En conséquence, après avoir écouté les uns et les autres, j'estime que la proposition de loi de notre collègue est bienvenue. Elle permettra de mettre fin aux anomalies qui affectent le fonctionnement de l'Assemblée de Corse en entraînant la multiplication du nombre des forces politiques qui se présentent aux élections et en empêchant pour l'instant la formation de véritables majorités.
Par ailleurs, cette proposition de loi ne porte atteinte à personne. Au contraire, elle permet d'ouvrir un débat qui pourra utilement se poursuivre le jour où l'Assemblée nationale l'inscrira à son ordre du jour ou celui où le Gouvernement acceptera de l'inscrire à l'ordre du jour prioritaire.
Quant au contenu même de la proposition de loi, celle-ci ne comprend que deux articles.
Tout d'abord, l'article 1er augmente la prime majoritaire, en la portant de trois à six sièges pour les membres du conseil de l'Assemblée de Corse, ce qui d'ailleurs ne permet pas, dans la situation actuelle, de dégager une véritable majorité.
Ensuite, cet article porte de 5 % à 7 % des suffrages exprimés le seuil permettant à une liste de se présenter au second tour ; M. Alfonsi avait proposé de fixer ce seuil à 7,5 % dans sa proposition de loi, mais il a été ramené à 7 %, les décimales ne paraissant pas souhaitables dans une loi. C'est tout de même le seuil le plus bas pour toutes nos élections ! À cet égard, peut-être faudra-t-il, monsieur le ministre, que l'on se penche un jour sur l'harmonisation de ces seuils, tant les différences sont nombreuses selon les modes de scrutin ? C'est le cas en particulier à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, où les seuils sont encore différents de ceux qui sont prévus pour les autres collectivités territoriales.
Enfin, l'article 1er concerne la fusion des listes. À l'heure actuelle, il n'existe aucun seuil, ce qui permet naturellement la multiplication des listes au premier tour. La proposition de loi de Nicolas Alfonsi fixe à 5 % des suffrages exprimés le seuil à partir duquel la fusion sera possible au second tour, ce qui est à peu près la norme pour toutes les élections.
L'article 2 procède à une harmonisation avec les élections régionales : en cas d'incompatibilité pour cause de cumul de mandats, l'intéressé dispose d'un mois pour choisir l'un ou l'autre des mandats.
Comme vous le savez, le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse est incompatible avec la fonction de membre du conseil exécutif de Corse. Ainsi, après que l'Assemblée territoriale a élu le conseil exécutif, toute une série de ses membres se retire pour laisser la place aux « suivants de liste », ce qui n'est pas tout à fait souhaitable. Je crois donc qu'il convient de suivre, sur ce point, notre collègue Alfonsi.
Cette dernière remarque étant faite, je vous demande, au nom de la commission des lois, de voter en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Alfonsi, permettez-moi d'abord de vous féliciter pour votre persévérance, puisque le texte dont nous allons débattre aujourd'hui trouve en partie son origine dans des amendements que vous avez défendus, voilà maintenant deux mois, lors de l'examen du projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Mon propos sera bref pour deux raisons essentielles : d'abord, il s'agit d'une séance dont l'ordre du jour est réservé à l'initiative parlementaire et je ne voudrais pas, naturellement, brider cette initiative ; ensuite, le sujet a déjà été abordé il y a quelques semaines à peine.
Cette proposition de loi, qui a bénéficié de l'excellent travail du doyen Patrice Gélard et qui a reçu l'aval de la commission des lois, comporte, vous l'avez souligné, deux volets.
Le premier vise à modifier le mode d'élection de l'Assemblée de Corse pour ce qui concerne les seuils de fusion des listes et d'accès au second tour, ainsi que la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête.
Une liste devrait ainsi réunir 7 % des voix, contre 5 % aujourd'hui, pour pouvoir se maintenir au second tour. Par ailleurs, seules les listes ayant obtenu 5 % des voix pourraient fusionner, alors qu'aucun seuil n'existe à ce jour. Enfin, la liste arrivée en tête du scrutin se verrait attribuer une prime de six sièges, au lieu de trois actuellement.
Comme je l'avais déjà indiqué lors du débat relatif à la parité, et comme mes services ont pu le signaler au rapporteur - vous l'avez d'ailleurs un peu anticipé, monsieur Alfonsi -, le Gouvernement n'entend pas s'engager sur la voie d'une réforme des modes de scrutin à quelques mois d'échéances électorales majeures pour notre pays.
Vous le savez aussi bien que moi, tout mouvement en ce sens serait immédiatement disséqué et interprété à l'aune des prochaines échéances, ce qui ne peut être le souhait ni de la représentation nationale ni du Gouvernement. En cette matière sans doute plus qu'ailleurs, la sérénité doit toujours prévaloir.
Comprenez-moi bien : je ne prétends pas, naturellement, que le mode de scrutin actuel soit parfait. Je note toutefois qu'il a déjà fait l'objet de plusieurs modifications depuis 1991 afin de mieux prendre en compte les spécificités de la Corse. S'il est indéniable que des aménagements sont nécessaires, je suis convaincu qu'un véritable débat ne pourra s'engager qu'à partir du second semestre. Il exige, en effet, une très large concertation avec tous les acteurs concernés, en particulier l'Assemblée de Corse, afin d'assurer la « stabilité de l'Assemblée et [le] respect du pluralisme d'idées et d'opinions en son sein. »
J'ajoute que c'est aussi ce que prévoit la loi, puisque l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales dispose : « L'Assemblée de Corse est consultée sur les projets et les propositions de loi [...] comportant des dispositions spécifiques à la Corse ».
Ce sera au prochain gouvernement de mener ce travail en s'appuyant, bien évidemment, sur les propositions des parlementaires, en particulier sur celles que vous venez de formuler.
Le second volet comporte une série de dispositions techniques visant à améliorer le fonctionnement de l'Assemblée et du conseil exécutif de Corse.
Grâce à l'expertise juridique du doyen Patrice Gélard, le texte que nous étudions modifie quelque peu la proposition de loi que vous portiez, monsieur Alfonsi, sans perdre de vue l'objectif qui est le vôtre.
Il en ressort, d'abord, le souhait d'encadrer l'incompatibilité entre le mandat de conseiller de l'Assemblée de Corse et la fonction de conseiller exécutif.
La proposition de loi prévoit ainsi un délai d'option d'un mois à partir de la date à laquelle l'élection au conseil exécutif est devenue définitive, ce qui pourrait par exemple permettre à un conseiller exécutif de continuer à prendre part aux scrutins organisés au sein de l'Assemblée. Ce cumul pourrait d'ailleurs s'étirer dans le temps, puisque l'élection au conseil exécutif est susceptible de recours contentieux. En ce cas, la règle commune s'applique.
Dès lors, c'est le principe même de la séparation des pouvoirs qui serait ainsi mis en cause, ce qui ne paraît pas opportun. J'imagine que nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des articles.
Il est ensuite prévu d'instaurer un délai maximal d'un mois pour remplacer les conseillers exécutifs dont le siège est vacant. Pour le président, la procédure est différente. Le Gouvernement n'a pas d'objection sur ce point et s'en remettra donc à la sagesse des sénateurs.
L'ultime proposition, qui visait à fixer au vendredi, au lieu du jeudi, la première réunion de l'Assemblée de Corse afin d'éviter toute concomitance avec la réunion des conseils généraux, n'a pas été retenue par votre commission des lois. L'actuel calendrier électoral disjoint en effet les élections régionales et cantonales et rend donc inutile cette disposition.
Tels sont les quelques éléments dont je voulais vous faire part au nom du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. La proposition de loi présentée par Nicolas Alfonsi, comme vous le rappeliez à l'instant, monsieur le ministre, est issue de nos débats sur la loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Notre collègue avait eu l'occasion d'expliquer à cette tribune pourquoi il déposait des amendements et pourquoi il les reprendrait dans une proposition de loi.
Sur le fond, l'approche de M. Alfonsi est intéressante : celui-ci met l'accent sur trois points importants.
Le premier point concerne la prime à la liste arrivée en tête. M. Alfonsi nous propose, dans le but, nous dit-il, de renforcer la stabilité de la majorité de l'Assemblée, de doubler la prime, qui passerait de 6 % à 12 % des sièges.
Le deuxième point vise à éviter ce qu'il a qualifié de « perversions » - la lutte contre la perversion, on le sait, est un travail difficile, sans doute lui-même un peu pervers -, en créant un seuil de fusion des listes, puis en harmonisant, notre rapporteur y a veillé, le seuil de fusion et le seuil de maintien.
Ces interrogations de bon sens correspondent à de réels problèmes. Pour autant, la proposition de loi qui nous est présentée épuise-t-elle le sujet ? Je ne le pense pas ! Elle a le mérite de mettre l'accent sur les questions essentielles, mais le débat doit être plus profond et plus large.
S'agissant de la prime - nous en débattions la semaine dernière - vous disposez d'un large éventail, monsieur le ministre !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Bernard Frimat. La prime à 12 %, si nous suivons la proposition de Nicolas Alfonsi, une prime à 25 % pour les conseils régionaux, une prime à 33 % pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin, une prime à 50 %, jurisprudence « Grignon », pour Saint-Pierre-et-Miquelon, pour les conseils municipaux. Nous avons même pour la Polynésie française, si vous me permettez ce mauvais jeu de mots, la prime à « zéro », de façon à se mettre à la hauteur de ceux qui gouvernent.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La « déprime » ! (Sourires.)
M. Bernard Frimat. On nous dit que la prime a pour objet d'assurer la stabilité de la majorité en place et de permettre aux exécutifs locaux d'être gouvernés ; je peux le comprendre. Ce que je ne comprends pas, c'est que l'on puisse atteindre le même but avec une prime de 0 %, 6 %, 12 %, 25 %, 33 % ou 50 % !
Le Conseil constitutionnel s'exprimera, je l'espère, à partir de la loi relative à l'outre-mer. Sur ce point, il conviendrait de définir un système cohérent. Faut-il appliquer une prime de droit commun, comme c'est le cas pour les régions, ou une prime particulière ? Je n'en sais rien ! La question mérite une concertation, un débat, mais la prime ne saurait être à géométrie variable, de surcroît révisable.
La création d'un seuil de fusion me semble constituer un progrès. Certes, je salue le travail réalisé par le rapporteur, qui a évoqué dans son rapport la liste de personnes consultées, mais la consultation a tout son charme quand elle est engagée a priori ; la consultation a posteriori, les décisions étant prises, a une saveur plus limitée...
Il serait intéressant d'avoir l'avis du Conseil d'État, même si cet avis reste inconnu, comme chacun le sait.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n'y aurait plus de propositions de loi !
M. Bernard Frimat. Mais il s'agit d'une proposition de loi, et seuls les projets de loi requièrent l'avis du Conseil d'État. Y a-t-il un avis officiel de l'Assemblée de Corse ? Non ! Il serait pourtant utile de le connaître avant de se prononcer.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Après, au cours de la navette parlementaire !
M. Bernard Frimat. L'ensemble des formations politiques ont-elles été consultées officiellement ? Pas davantage ! Toute une série de contacts, d'éléments ont été établis, des choses positives ont émergé, mais il ne me semble pas que nous soyons parvenus, à ce stade, à un état d'achèvement.
Votre proposition de loi, mon cher collègue, devrait connaître un sort favorable, si l'on en juge par le vote de la commission des lois. Ce sera le début d'une navette parlementaire dont nul ne peut prévoir la fin. Nous savons tous qu'un certain nombre de textes de fin de législature sont encore, plusieurs années après, en cours de navette ! C'est un beau destin, mais ce n'est sans doute pas celui que vous recherchiez...
Monsieur le ministre, nous pouvons sans crainte nous accorder sur le fait qu'il y aura un prochain gouvernement, après, c'est plus compliqué... Le prochain gouvernement serait bien inspiré, à partir de la proposition de loi de Nicolas Alfonsi, après une consultation générale, de nous proposer ce qui ne sera jamais qu'un ultime élément.
Je ne pense pas que la Corse ait besoin d'une nouvelle réforme institutionnelle. Un certain nombre d'ajustements sont peut-être nécessaires pour que la vie démocratique, que nous y savons très vive, puisse être un peu plus ordonnée.
Pour le groupe socialiste - Mme Alima Boumediene-Thiery s'exprimera au nom des Verts -, les conditions qui permettraient d'adopter une position tranchée ne sont pas rassemblées aujourd'hui. J'ai montré les aspects positifs de cette proposition de loi, j'ai souligné le manque de concertation. Par conséquent, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'étonne de l'examen d'une telle proposition de loi à quelques semaines de scrutins importants qui ont notamment pour enjeu l'évolution institutionnelle de notre pays. J'y vois plutôt un ballon d'essai. En effet, selon notre rapporteur Patrice Gélard, le présent texte ne pourra être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale avant la fin de la législature et il sera souhaitable de le soumettre, une fois adopté, pour consultation à l'Assemblée de Corse.
Cette conception de la politique n'est pas conforme à l'idée que je me fais de la démocratie : le Sénat propose un texte sans aucun débat préalable approfondi avec les Corses et leurs représentants élus.
La présente proposition de loi sous-entend de manière évidente une logique de bipolarisation, alors que le statut Joxe de 1991 avait substitué au droit commun un scrutin régional à la proportionnelle à deux tours, avec l'obligation pour les listes d'obtenir au moins 5 % au premier tour afin de pouvoir être présentes au second tour, en vue de permettre l'expression de toutes les sensibilités politiques. À l'époque, le Conseil constitutionnel avait validé ces mesures.
Ce dispositif spécifique à la Corse n'a pas été modifié par la loi de 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux.
En augmentant le seuil qui permettra le maintien au second tour de l'élection à l'Assemblée de Corse, en créant un seuil pour les fusions de listes au second tour et, enfin, en accroissant la prime majoritaire, vous battez en brèche le pluralisme.
Instituer un seuil de 7 % des suffrages exprimés pour le maintien au second tour, voire de 7,5 % comme le propose M. Alfonsi, restreindra la représentativité de l'Assemblée de Corse en favorisant la règle des négociations et des débauchages aujourd'hui en vigueur au détriment du débat politique.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Bret, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Robert Bret. Je vous en prie, monsieur le président de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit à propos de l'absence de concertation. Si nos collègues parlementaires qui connaissent bien un sujet ne pouvaient plus déposer de proposition de loi, cela remettrait totalement en cause le droit d'initiative parlementaire.
Cette procédure n'empêche pas ensuite la concertation. Au reste, le rapporteur a procédé à un certain nombre d'auditions sur ce texte, ce qui permet quand même de se faire une idée.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Bret.
M. Robert Bret. Le droit d'initiative parlementaire est l'une des rares prérogatives du Parlement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne le remettez donc pas en cause !
M. Robert Bret. Mais un sujet aussi sensible que la Corse, sujet que vous connaissez bien, monsieur le président de la commission,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Robert Bret.... mérite une approche sinon plus prudente, du moins plus pointue et qui prenne en compte, au-delà des auditions du rapporteur, la réalité politique et sociale en Corse.
Selon l'auteur de la proposition de loi, c'est cette restriction démocratique qui permettrait de débloquer l'institution. Mais est-ce en raison du mode de scrutin actuel, monsieur Alfonsi, qu'il n'y a pas eu d'alternance en Corse, contrairement aux autres régions de France métropolitaine, ou bien est-ce en raison des jeux politiciens ?
Le référendum de 2003 portant sur la création d'une collectivité unique a démontré que, quand on donne la parole au peuple dans des conditions où il peut se forger sa propre opinion, il sait se faire entendre. La présente proposition de loi peut ressembler à une revanche sur le résultat de cette consultation. Si tel est le cas, il faut changer le peuple ! Mais, on le sait, la tâche est difficile.
Il reste donc le mode de scrutin, comme si la question était de nature électorale, alors que les difficultés de la Corse sont d'un tout autre ordre. Ce dont nous devrions discuter aujourd'hui, c'est de la réalité économique et sociale désastreuse de la Corse, des violences indépendantistes, sources de dérives affairistes et maffieuses qui créent les difficultés de la Corse.
Notre attitude, comme celle des élus communistes de la collectivité territoriale de Corse, est de proposer, à l'opposé de cette démarche, un mode de scrutin qui permette l'expression de toute la diversité. Nous sommes donc favorables à l'instauration d'un mode de scrutin proportionnel avec une assemblée composée de soixante et un membres, comme auparavant, et non de cinquante et un membres, comme aujourd'hui. Nous proposons également de porter le nombre de membres du conseil exécutif issu de l'Assemblée de Corse à neuf au lieu de huit actuellement.
Une telle réforme, importante, doit s'accompagner d'un effort de transparence, de participation citoyenne aux décisions à la gestion.
Mes chers collègues, cette problématique n'est pas spécifique à la Corse. La vie politique de notre pays, la crise des institutions, la dérive présidentialiste à laquelle nous assistons exigent une révision en profondeur du mode de représentation dans notre pays.
L'attente populaire est grande en Corse, comme dans l'ensemble du pays. La proposition de loi qui nous est soumise et les conclusions de la commission des lois vont dans le sens inverse, celui d'une limitation de l'exercice du pouvoir à quelques-uns. Nous ne pouvons donc approuver un texte qui s'éloigne plus encore de l'extension du fait démocratique auquel nous aspirons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette également qu'une telle proposition de loi, dont on connaît la sensibilité politique, soit examinée en fin de législature.
Pour accéder au deuxième tour de l'élection territoriale, une liste de candidats doit actuellement obtenir 5 % des suffrages exprimés au premier tour, alors que ce seuil est fixé à 10 % dans l'Hexagone. M. Alfonsi proposait de porter ledit seuil de 5 % à 7,5 % ; la commission a opté pour 7 %.
Pour fusionner entre le premier et le deuxième tour, aucun minimum n'est aujourd'hui exigé en Corse. Ainsi, une liste qui a obtenu 1 % des suffrages peut fusionner avec une liste qui a franchi le seuil de 5 %, alors que, dans l'Hexagone, le droit commun prévoit un seuil de 5 % pour pouvoir fusionner. La proposition de loi vise également à fixer pour la Corse le seuil de 5 % à l'issue du premier tour pour qu'une liste puisse fusionner avec une liste ayant franchi le seuil de 7 % des suffrages.
La liste arrivée en tête à l'issue du second tour bénéficie aujourd'hui, en Corse, d'une prime de trois élus, alors que, dans l'Hexagone, une prime de 25 % est attribuée à la liste arrivée en tête. Le présent texte tend à ce que la prime passe de trois à six élus en Corse en faveur de la liste arrivée en tête.
Il n'y a pas lieu de s'attarder sur les autres modifications proposées par M. Alfonsi. Je m'en tiendrai donc à celles que je viens de mentionner, car elles requièrent une analyse de fond.
Il s'agit tout d'abord de considérations d'ordre général propres au principe de l'exercice de la démocratie.
Je le rappelle, les Verts sont par principe favorables à la proportionnelle intégrale, qui, par définition, peut traduire au mieux les aspirations de tout corps électoral.
En effet, la proportionnelle intégrale offre, de fait, un cadre d'expression au maximum de courants d'idées qui traversent une société. Elle constitue également une véritable école de la responsabilité citoyenne, car elle met les acteurs en présence dans l'obligation d'élaborer des compromis afin de gérer la cité. C'est ainsi que peuvent se mettre en place de véritables dynamiques. In fine, un maximum d'électeurs se sentiront partie prenante en fonction de l'aptitude à construire ensemble.
Nous sommes nombreux à penser qu'il y a matière à expliquer en bonne partie la désaffection grandissante de l'électorat à l'égard des urnes par le fait que les partis politiques ayant le plus d'électeurs mènent aujourd'hui le jeu avant le premier tour, et même après. On ne tient en effet pas compte des aspirations de l'électorat des formations de moindre importance, qui semblent souvent n'avoir aucun poids : plus les seuils exigés sont élevés, plus nombreux sont les électeurs qui se sentent exclus du champ de la démocratie. En outre, une forte prime à la liste arrivée en tête aggrave considérablement cette situation.
Il s'agit ensuite de considérations propres à la situation particulière de la Corse, qui, il faut le dire, nécessite la reconnaissance politique de cette question et une solution politique.
La proposition de loi ne constitue pas une bonne réponse à la situation de l'île, d'autant que le seuil actuel de 5 % se situe déjà bien au-dessus du seuil de la proportionnelle intégrale. Cependant, le législateur de 1991 a considéré, à juste titre, qu'il fallait favoriser au mieux l'expression de la diversité politique dans une île où il apparaissait essentiel d'encourager la participation active d'un maximum de Corses au débat public en dérogeant au droit commun des régions en la matière.
Les Verts, quant à eux, sont attachés depuis toujours à la prise en considération de la spécificité de la Corse. Est-il nécessaire de rappeler que les autres îles. de l'Union européenne sont dotées de véritables compétences législatives, ce qui est loin d'être le cas de la Corse ?
Aussi comprenons-nous très mal que, tout en affirmant qu'il ne faut plus toucher aux institutions de l'île, M. Alfonsi veuille réduire très fortement les possibilités d'expression de la diversité politique de la Corse.
Pour notre part, nous considérons que l'efficacité politique commande de favoriser les meilleures conditions possibles d'écoute des aspirations locales dans leur diversité. Nous ne pensons pas que le fait de casser le thermomètre puisse supprimer la fièvre.
Nous avons confiance en la capacité des Corses à construire leur avenir en élaborant un véritable projet de société. Les Verts voteront donc contre les modifications proposées en ce qui concerne tant les seuils que l'augmentation de la prime majoritaire.
Pour conclure, je dirai simplement qu'il nous faut très vite avoir le courage de rouvrir le dialogue concernant l'évolution institutionnelle de la Corse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?....
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
I. Dans le premier et le deuxième alinéas de l'article L. 366 du code électoral, le mot :
« trois »
est remplacé par le mot :
« six »
II. Les deux premiers alinéas de l'article L. 373 du même code sont ainsi rédigés :
« Seules peuvent se présenter au second tour de scrutin les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 7 % du total des suffrages exprimés.
« Ces listes peuvent être modifiées dans leur composition pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 5 % des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour. En cas de modification de la composition d'une liste, le titre et l'ordre de présentation des candidats peuvent également être modifiés. »
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. Je profite de cette explication de vote pour répondre en quelques mots aux intervenants.
Madame Boumediene-Thiery, la proportionnelle intégrale a purement et simplement conduit à la dissolution de l'Assemblée de Corse un an après son élection.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué les échéances électorales. Mais il y en a tout le temps ! Je prends quand même volontiers acte que les réformes institutionnelles ne sont pas à l'ordre du jour et qu'il faudra tout remettre à plat au cours du second semestre. C'est un point important, et je note que vous l'avez souligné avec beaucoup de fermeté.
Monsieur Frimat, vous êtes sans doute l'un des esprits les plus subtils de votre groupe. Pour autant, vous avez eu quelques difficultés à justifier votre abstention.
Vous avez évoqué un large éventail de primes. Je le clame haut et fort : je suis favorable à la prime majoritaire de droit commun ! Toute allusion à ce qui peut se passer dans des territoires lointains est donc nulle et non avenue. J'ai en effet toujours considéré que la collectivité territoriale de Corse devait être assujettie au droit commun. Par conséquent, si le ministre décidait de porter à 10 % le seuil de 7 %, je serais le premier à l'approuver.
Vous pouvez trouver dans cette avalanche de primes qui existent ailleurs un argument, certes un peu faible, mais subtil, pour vous abstenir. Mais n'allez pas plus loin !
Mes chers collègues, je souhaite que l'ensemble du Sénat s'associe à ce texte, car il est indispensable au fonctionnement démocratique de l'Assemblée de Corse.
M. Bret prétend que l'augmentation des seuils permettra toutes les magouilles ; c'est consternant ! On sait en effet qu'il suffit aujourd'hui de réunir 2 000 ou 3 000 voix sur son nom et de s'associer à des listes, appelons-les idéologiques, pour entrer à l'Assemblée de Corse. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
I. Le dernier alinéa de l'article L. 4422-18 du code général des collectivités territoriales est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse est incompatible avec la fonction de conseiller exécutif de Corse.
« Tout conseiller à l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif de Corse dispose d'un délai d'un mois à partir de la date à laquelle cette élection est devenue définitive pour démissionner de son mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse ou de sa fonction de conseiller exécutif. Il fait connaître son option par écrit au représentant de l'État dans la collectivité territoriale de Corse, qui en informe le président de l'Assemblée de Corse.
« À défaut d'option dans le délai imparti, il est réputé démissionnaire de son mandat ; cette démission est constatée par arrêté du représentant de l'État dans la collectivité territoriale de Corse.
« Le régime des incompatibilités concernant les conseillers à l'Assemblée de Corse reste applicable au conseiller à l'Assemblée de Corse démissionnaire pour cause d'acceptation de la fonction de conseiller exécutif. Il est remplacé au sein de l'Assemblée dans les conditions prévues à l'article L. 380 du code électoral. »
II. Le premier alinéa de l'article L. 4422-20 du même code est ainsi rédigé :
« En cas de décès ou de démission d'un ou de plusieurs conseillers exécutifs autres que le président, l'Assemblée procède, sur proposition du président du conseil exécutif de Corse, à une nouvelle élection pour pourvoir le ou les sièges vacants dans le délai d'un mois. » - (Adopté.)
M. le président. La commission propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi tendant à modifier le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission sur la proposition de loi n° 156, je donne la parole à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Tout d'abord, je ferai une remarque liminaire sur le fonctionnement de nos travaux, remarque qui, bien entendu, n'engage que moi.
Lorsque nous avons réformé la Constitution afin d'ouvrir une fenêtre au Parlement sur l'organisation des débats, il nous avait alors semblé que cet ordre du jour réservé devait, avant toute autre chose, être législatif.
Il s'agissait principalement de profiter de cette occasion pour « pousser » des textes d'origine parlementaire qui, dans l'entonnoir de l'ordre du jour prioritaire, n'avaient jamais l'occasion d'être inscrits.
De ce point de vue la gestion de la Haute Assemblée par rapport à celle des députés était empreinte de sagesse.
Le consensus recherché en conférence des présidents permettait d'assurer plus de chance à la poursuite de la navette une fois les textes transmis à l'autre chambre.
Je donnerai un seul exemple : sur les cinquante-deux lois d'origine parlementaire promulguées depuis le début de la législature, trente et une sont d'origine sénatoriale. La principale raison de ce succès est probablement cette gestion plus rigoureuse de l'inscription des textes.
La récente évolution de l'usage a permis d'ouvrir plus largement l'accès de l'opposition à l'ordre du jour réservé. Je m'en réjouis ; j'y vois le signe d'une démocratie mature puisqu'elle accepte et encourage le pluralisme.
Cependant, il est de la responsabilité de chaque groupe de présenter des textes ayant vocation à voir la navette se poursuivre.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Gérard Cornu. Si chacun utilise sa niche parlementaire comme une vitrine programmatique, c'est le sens même de cet ordre du jour réservé qui sera vidé de sa substance !
Proposer des textes qui n'ont pas vocation à être promulgués et en discuter est-il dans l'esprit de cette journée mensuelle ? N'est-ce pas un retour indirect au temps des motions de la IVe République que nous souhaitions révolu ?
M. Jean Desessard. C'est la VIe République !
M. Gérard Cornu. Je m'interroge !
M. Bernard Frimat. Donneur de leçon !
M. Gérard Cornu. J'en viens au texte qui nous est proposé.
Comme chacun sur ces travées, les membres de mon groupe et moi-même partageons le sentiment qu'il est nécessaire de faire évoluer les modes de scrutin pour l'élection à l'Assemblée de Corse. La dernière élection a démontré les limites du système actuel et son opacité. Si les médias n'avaient pas été aussi focalisés sur les résultats électoraux des vingt et une régions du continent, je ne doute pas qu'ils auraient eu matière à écrire sur le cas spécifique de la Corse !
Mais si nous partageons l'ambition de l'auteur de la proposition de loi - je salue sa constance dans ses opinions et ses choix politiques -, nous ne sommes pas persuadés que le recours, dès aujourd'hui, à cette proposition de loi était la meilleure des entames. En effet, si chacun s'accorde à reconnaître qu'il est plus que temps de faire évoluer les règles du scrutin, tout le monde diffère sur la formule à retenir.
Le moins que l'on puisse dire est qu'il existe tout de même un certain nombre de divergences entre les acteurs locaux.
Ainsi que l'a rappelé notre excellent rapporteur, M. Gélard, si MM. Giacobbi et Vendasi partagent les vues de notre collègue Alfonsi, M. de Rocca Serra, président de l'Assemblée de Corse, conteste le calendrier ; M. Santini aurait préféré que l'Assemblée soit consultée ; M. Renucci, député, est favorable à l'augmentation de la prime majoritaire, mais préfère le maintien du seuil d'accès au second tour à 5 % des suffrages exprimés ; M. Zuccarelli, député, souhaite avec une certaine constance que le mode de scrutin régional soit purement et simplement appliqué.
M. Robert Bret. C'est la réalité : il n'y a pas d'accord entre vous !
M. Gérard Cornu. D'ailleurs, le texte qui nous est soumis par la commission des lois modifie également la proposition initiale puisqu'il prévoit de fixer à 7 % des suffrages exprimés le seuil d'accès au second tour.
Évidemment, les points de désaccord sont moins nombreux que les points de convergence. Quoi qu'il en soit, c'est une raison supplémentaire pour penser qu'il aurait sans doute fallu remettre quelque temps encore l'ouvrage sur le métier pour aboutir à un plus grand consensus.
Néanmoins, nous voulons bien reconnaître avec le rapporteur que ce texte doit être entendu comme une base de travail.
M. Robert Bret. Un brouillon !
M. Gérard Cornu. Et c'est à ce titre que nous allons l'adopter.
Cette proposition de loi sera, en quelque sorte, une forme nouvelle d'avant-projet de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, c'est une proposition de loi !
M. Gérard Cornu. Est-ce à dire que ce mode de scrutin sera validé définitivement ? Je n'en sais rien !
Assurément, nous n'en ferons pas notre doctrine, non pas que nous ne partageons pas la philosophie du texte équilibré qui nous est soumis, mais parce qu'il convient de ne pas engager trop avant le Parlement, alors même que l'Assemblée de Corse ne s'est pas prononcée.
M. Robert Bret. Eh oui !
M. Gérard Cornu. Que ce texte serve de base de travail, soit, mais avant que le Parlement émette une position définitive sur cette question, nous devons laisser aux acteurs locaux le temps de trouver un compromis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Robert Bret. Votez contre, alors !
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Je donnerai en quelques mots la position du groupe UC-UDF.
Cette proposition de loi concerne la Corse et elle émane d'un Corse. Évidemment, la proximité crée l'expérience, mais elle peut aussi susciter beaucoup de critiques à l'encontre de l'auteur de la proposition de loi.
Cette proposition de loi est courageuse, car elle va à l'encontre d'intérêts particuliers qui se nourrissent de turpitudes lors des scrutins successifs.
Cette proposition de loi est nécessaire, car elle tend à rétablir une certaine équité : au nom de quoi nos concitoyens qui vivent en Corse n'auraient-ils pas le droit de bénéficier d'institutions aussi stables que celles qui existent dans les autres régions françaises ?
Cette proposition de loi est également nécessaire parce que des situations de paralysie et d'opacité ont été créées par le mode de scrutin actuellement en vigueur.
Enfin, cette proposition de loi est opportune, car il n'y aura pas d'élections locales en Corse dans les mois à venir. C'est donc bien le moment de la voter.
Nous souhaitons que ce texte soit inscrit le plus rapidement possible à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et qu'il soit adopté, éventuellement avec des aménagements susceptibles de rapprocher le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse de celui des autres régions françaises.
M. Jacques Pelletier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J'ai entendu beaucoup de choses intéressantes.
Le droit à l'initiative parlementaire a été obtenu lors de la révision constitutionnelle de 1995, et cette évolution qui permet à chaque groupe de déposer une proposition de loi était souhaitable.
M. le président. À la proportionnelle !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
Bien entendu, le plus souvent, nous obtenons un consensus sur des sujets d'intérêt général, même si quelquefois nous ne sommes pas suivis par l'Assemblée nationale ; on l'a constaté avec le texte sur la nouvelle législation funéraire, qui n'a toujours pas été examiné par l'Assemblée nationale, malgré nos efforts et ceux du ministre.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On procède par décret parce qu'on ne peut pas aller jusqu'au bout ! Ce n'est pas la meilleure solution !
Par ailleurs, cette proposition de loi concerne les collectivités locales. S'il s'était agi d'un projet de loi, il aurait été déposé en priorité sur le bureau du Sénat. Nous sommes donc tout à fait dans notre rôle lorsque nous discutons de ce texte.
Si un parlementaire ne pouvait pas présenter une proposition de loi au motif qu'il existe des désaccords entre les uns et les autres, cela voudrait dire que seule la « démocratie participative » vaudrait. C'est au Parlement de trancher et de décider ce qui paraît être le meilleur pour la nation !
Ceux d'entre vous qui sont parlementaires depuis un certain nombre d'années, mes chers collègues, savent combien nous avons voté de statuts, et pas toujours dans les meilleures conditions.
En l'occurrence, il s'agit d'une proposition minimale, qui vise à éviter certaines dérives actuelles.
Il importe que nous nous prononcions aujourd'hui. Bien entendu, le dialogue se poursuivra, le moment venu, entre l'Assemblée de Corse, le Gouvernement et l'Assemblée nationale.
En tout état de cause, il est bon que le Sénat s'exprime sur ce sujet important et à une période assez éloignée des élections locales. On ne peut pas nous reprocher de bouleverser les choses quand nous agissons vraiment a minima et alors que nous avons modifié ou créé, voilà exactement une semaine, pas moins de cinq systèmes électoraux dans les collectivités.
Par conséquent, toucher un peu au mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse ne me paraît pas complètement aberrant, même en fin de législature. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Il est vrai que le Sénat accomplit un excellent travail. Comme le disait mon illustre prédécesseur Jules Ferry, le Sénat est là pour veiller à ce que la loi soit bien faite. Nous nous y efforçons, et nous sommes d'ailleurs complimentés ici et là pour notre souci de rechercher une bonne législation. Ce n'est pas toujours facile, mais nous oeuvrons avec persévérance.
Personne ne demande plus la parole ?....
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission sur la proposition de loi n° 156.
(La proposition de loi est adoptée. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
8
modification de l'ORDRE DU JOUR
M. le président. J'ai reçu de M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement ajoute au début de l'ordre du jour du Sénat du jeudi 15 février le projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part.
Acte est donné de cette communication, et l'ordre du jour sera ainsi modifié.
La commission des affaires étrangères a souhaité que cette convention soit examinée selon la procédure simplifiée.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Cette procédure sera donc mise en oeuvre sauf si un groupe politique demandait, au plus tard le mercredi 14 février 2007 à dix-sept heures, que le projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle.
9
Organisation du recours aux stages
Adoption des conclusions négatives du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à organiser le recours aux stages, présentée par MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean Desessard, Charles Gautier, Roger Madec, Richard Yung, Jean-Pierre Bel, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, David Assouline, Bertrand Auban, Mme Marie-Christine Blandin, M. Yannick Bodin, Mmes Nicole Bricq, Claire-Lise Campion, M. Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Dauge, Mme Christiane Demontès, MM. Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Bernard Frimat, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Sandrine Hurel, MM. Alain Journet, Yves Krattinger, Serge Larcher, André Lejeune, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Michel, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Mme Gisèle Printz, MM. Thierry Repentin, Claude Saunier, Mme Patricia Schillinger, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (nos 364, 2005 2006 et 215).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux et très honoré de vous présenter aujourd'hui cette proposition de loi qui vise à mieux encadrer le recours aux stages étudiants et à apporter davantage de garanties aux stagiaires. Je remercie le président de la commission des affaires sociales et les membres de cette commission qui ont accepté de me désigner comme rapporteur.
Déposée sur le bureau du Sénat en juin 2006 et inscrite à l'ordre du jour à la demande de mon groupe, le groupe socialiste, cette proposition de loi a été élaborée dans le contexte du mouvement de revendication suscité, notamment, par le collectif Génération précaire, qui a mis en évidence un certain nombre de dérives dans l'utilisation des stages par les entreprises.
Des témoignages multiples montrent que les stages sont parfois détournés de leur vocation pédagogique pour devenir une source de main-d'oeuvre à moindre coût. Certaines entreprises fonctionnent en ayant recours en permanence à des stagiaires qui occupent de véritables postes de travail, tout en étant rémunérés à un niveau très inférieur au SMIC. Il peut arriver que le stagiaire qui s'apprête à quitter l'entreprise soit invité à former celui qui va lui succéder sur le même poste.
Les stages peuvent aussi être utilisés comme un outil de prérecrutement et équivalent alors à une période d'essai prolongée. De jeunes diplômés s'inscrivent parfois à l'université uniquement pour pouvoir conclure une convention de stage, alors qu'ils disposent de la qualification requise pour pouvoir assurer les fonctions auxquelles ils postulent.
Le recensement effectué chaque année par le magazine L'Express montre que « la case stage » est devenue quasi obligatoire, mais aussi qu'elle a tendance à se substituer à l'emploi de jeunes diplômés ; parmi les cent plus importants recruteurs sondés par le magazine, plus du quart d'entre eux proposeront, cette année, plus d'offres de stages que d'emplois destinées à de jeunes diplômés, parfois jusqu'à deux ou trois fois plus.
Ce problème des stages n'est d'ailleurs pas uniquement « franco-français ». Grâce à l'impact médiatique, y compris dans la presse étrangère, des actions du collectif Génération précaire, les témoignages de nombreux jeunes Européens montrent que la problématique de l'insertion professionnelle des jeunes est commune à de nombreux pays de l'Union européenne.
Je remercie les militants qui m'ont alerté sur ce problème d'avoir constitué un réseau européen et d'avoir porté le débat au niveau du Parlement et de la Commission européenne. J'espère, et nous pouvons le souhaiter, mes chers collègues, qu'une solution pourra aussi être élaborée à ce niveau.
En attendant, la proposition de loi que je vous présente aujourd'hui vise à mettre un terme à ces abus et à redonner aux stages leur objectif pédagogique. Certes, des initiatives ont été prises l'an passé, en réaction à la mobilisation des stagiaires, mais elles demeurent, à mon sens, insuffisantes.
La loi pour l'égalité des chances du 31 mars 2006 a en effet introduit quelques règles qui vont dans le sens d'une moralisation du recours aux stages, mais qui, de fait, restent très en deçà des attentes de ces étudiants et de ces stagiaires.
Cette loi a d'abord prévu que tout stage en entreprise est obligatoirement précédé de la conclusion d'une convention tripartite, signée entre le stagiaire, l'établissement d'enseignement supérieur où il poursuit ses études et l'entreprise qui l'accueille.
Elle a ensuite limité à six mois, en principe, la durée des stages.
Elle a rendu obligatoire le versement d'une gratification au stagiaire au-delà de trois mois, assujettie à cotisations sociales pour la part qui excède un seuil fixé à 360 euros.
Enfin, la loi a unifié la situation des stagiaires au regard de la protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Des décrets ont ensuite été pris pour l'application de la loi pour l'égalité des chances. Ils ont précisé le contenu de la convention de stage et ont interdit aux entreprises de recourir à un stagiaire pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l'entreprise, ainsi que pour remplacer un salarié absent, faire face à un surcroît temporaire d'activité ou occuper un emploi saisonnier. Il s'agit ainsi d'éviter que le recrutement de stagiaires ne se substitue à l'embauche de salariés.
Nous attendons encore le décret qui doit préciser le montant de la gratification accordée aux stagiaires. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous donniez des indications sur la date de publication de ce décret et sur le montant de la gratification - j'insiste sur ce terme - envisagée. Car c'est une information essentielle pour l'ensemble des étudiants.
En avril 2006, le Gouvernement, plusieurs syndicats étudiants et les représentants des établissements d'enseignement supérieur ont également signé une « charte des stages étudiants en entreprise » destinée à compléter le dispositif législatif et règlementaire. Je précise que la charte n'a cependant pas été signée par l'Union nationale des étudiants de France, l'UNEF, qui est le principal syndicat étudiant, ni par le collectif Génération précaire. Ce dernier n'avait pas qualité pour signer, mais il a clairement fait savoir qu'il voulait une loi et non une charte.
La charte insiste longuement sur les obligations mutuelles des étudiants, des entreprises et des établissements d'enseignement. Elle prévoit en particulier que l'étudiant est suivi par un tuteur dans l'entreprise et par un enseignant référent dans son établissement d'enseignement.
Mais cette charte ne revêt aucun caractère contraignant. Elle constitue davantage un référentiel de bonnes pratiques. Finalement, elle ne s'imposera qu'à ceux qui voudront bien être vertueux. En outre, elle ne définit pas l'abus de stage. Un décret a d'ailleurs quelque peu précisé les choses, je tiens à le souligner à cet instant.
J'observe que le comité de suivi de la charte, dont la création a été annoncée, n'a toujours pas été mis en place et j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez vos intentions à ce sujet. Le travail d'évaluation auquel doit procéder ce comité me paraît en effet indispensable.
La proposition de loi présentée par mon groupe permettrait d'aller plus loin en posant un cadre législatif complet pour organiser le recours aux stages. Elle ne vise pas à décourager les entreprises de proposer des stages aux étudiants. Je suis au contraire favorable à une plus grande professionnalisation des formations universitaires, dont les stages constituent l'une des principales modalités. Au-delà des stages, c'est aussi l'apprentissage et l'alternance qu'il faut développer à l'université.
Par cette proposition de loi, il s'agit simplement de prévoir et de combattre les abus, tout en permettant à l'ensemble des étudiants d'avoir accès aux stages. J'observe en effet que les étudiants qui ont besoin de travailler pour financer leurs études sont souvent contraints d'accepter des « petits boulots », sans lien avec leurs études mais correctement rémunérés. Ne serait-il pas plus judicieux qu'ils puissent effectuer des stages qui compléteraient leur formation théorique, ce qui est aujourd'hui impossible pour beaucoup, car ils ne leur procurent pas le revenu dont ils ont besoin ?
Je souligne que la proposition de loi a vocation à s'appliquer à l'ensemble des stages, qu'ils soient accomplis auprès d'employeurs publics ou privés - c'est peut-être là où le bât blesse pour certains - et non pas seulement aux stages en entreprise ; cela me paraît relever de l'équité. Elle donne valeur législative à des règles posées dans la charte ou figurant dans des décrets. Elle renforce en outre les garanties apportées aux stagiaires, surtout en matière de rémunération.
Les articles 1er et 2 introduisent une série de dispositions parallèles, d'abord dans le code de l'éducation, puis dans le code du travail. En effet le statut de stagiaire présente un caractère hybride, à mi-chemin entre le monde de l'éducation et le monde du travail. Il s'agit donc de tenir compte de la double position du stagiaire, à la fois étudiant et travailleur.
Tout stage devra donner lieu à la signature d'une convention tripartite comportant des mentions obligatoires. Il devra y être insisté sur les responsabilités respectives de l'établissement d'enseignement supérieur - qui devra notamment contrôler l'adéquation du contenu du stage à la formation suivie par l'étudiant -, de l'organisme d'accueil - qui devra désigner un maître de stage chargé d'exercer une fonction de tuteur - et du stagiaire - qui devra réaliser la mission qui lui est confiée, dans le respect des règles en vigueur dans l'organisme d'accueil, et rédiger, le cas échéant, un rapport ou un mémoire de stage.
Nous proposons que la rémunération du stagiaire soit au moins égale à 50 % du SMIC, dès lors que la durée du stage est supérieure à un mois. Nous parlons bien de rémunération et non d'une simple gratification, ce qui, juridiquement mais aussi symboliquement, n'a pas la même portée.
La fixation d'un minimum légal pour la rémunération des stagiaires constitue l'une des principales avancées de ce texte, de même que le principe de la prise en charge par l'employeur - dans des conditions qui seront à déterminer - des frais de transport, quand le lieu de stage est très éloigné, de logement ou de restauration engagés par le stagiaire.
La durée maximale des stages effectués au cours d'une même année universitaire ne saurait en outre excéder six mois ; cela paraît légitime, car l'accomplissement de stages ne doit pas se substituer à la formation dispensée par l'établissement d'enseignement. Des dérogations pourront toutefois être prévues pour certaines formations.
Le stagiaire bénéficiera des garanties accordées aux salariés en matière de santé et de sécurité au travail et sera protégé en cas de maladie : sa rémunération sera maintenue pendant au moins un mois et la maladie ne pourra être invoquée comme motif de rupture du stage.
Un autre point me paraît essentiel : la proposition de loi définit et réprime l'abus de stage.
Le stage ne doit pas être utilisé pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail, ni pour répondre à un besoin qui devrait être satisfait par l'embauche d'un salarié en contrat à durée déterminée.
Un stage ne doit pas non plus être accompli par un jeune diplômé qui dispose de la formation adéquate pour occuper le poste qui lui sera confié. La sanction prévue par le texte en cas d'infraction est une amende de 1 500 euros, doublée en cas de récidive ; je reviendrai sur ce point tout à l'heure.
Toujours pour lutter contre les abus, la proposition de loi prévoit l'information des représentants du personnel concernant les stages et l'envoi des conventions de stage à la direction départementale du travail, qui disposerait alors d'un délai de quinze jours pour faire connaître son opposition motivée.
Afin de faciliter l'accès au juge, la proposition de loi dispose ensuite que les litiges nés de la convention de stage seront désormais portés devant le conseil de prud'hommes et non devant le tribunal d'instance, comme c'est le cas actuellement. Il me semble en effet que le conseil de prud'hommes, qui applique une procédure plus souple et dont les délais de jugement sont souvent plus courts, sera mieux à même de traiter ces affaires et, surtout, de procéder à des règlements amiables en cas de litige.
Enfin, le texte envisage l'hypothèse d'une embauche à l'issue du stage. Dans ce cas, la durée du stage s'imputera sur la période d'essai et sera prise en compte pour le calcul de l'ancienneté du salarié.
L'article 3 prévoit qu'un arrêté ministériel fixera la part de la rémunération du stagiaire qui sera assujettie à cotisations sociales. Afin de ne pas alourdir excessivement le coût d'un stagiaire pour l'entreprise, il est raisonnable de prévoir, comme c'est le cas aujourd'hui, qu'une partie de la rémunération sera exonérée de cotisations. Il est cependant important que les stagiaires accumulent des droits à retraite et à assurance chômage.
L'article 4 prévoit enfin un gage pour compenser les éventuelles charges supportées par les régimes sociaux.
Mes chers collègues, la commission des affaires sociales a examiné la proposition de loi lors de sa réunion du 7 février dernier.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Avec attention !
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Il me revient, en tant que rapporteur, de vous rapporter fidèlement sa position, même si celle-ci, je ne vous le cache pas, n'a pas répondu à mes attentes.
M. Guy Fischer. Loin de là !
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Je tiens à signaler tout d'abord que le débat en commission a été riche ; de nombreux sénateurs et sénatrices appartenant à tous les groupes sont intervenus, ce qui témoigne de l'intérêt des parlementaires pour ce sujet. La plupart de mes collègues ont par ailleurs admis que la pratique des stages donnait parfois lieu à des dérives, qu'il convient de combattre.
Je regrette que la majorité de la commission ait cependant jugé que la proposition de loi ne permettrait pas de traiter le problème de manière efficace. Elle a considéré que l'obligation faite aux employeurs de rémunérer les stagiaires au moins à hauteur de 50 % du SMIC et de prendre en charge leurs dépenses de transport, de logement et de restauration constituerait une charge excessive, susceptible de décourager l'offre de stages. À cet instant, je tiens à signaler que, lors des auditions que j'ai menées pour préparer ce rapport, le représentant de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, notamment, n'a pas soulevé ce genre d'objections et a même approuvé le principe d'une telle rémunération.
En résumé, la majorité de la commission a estimé que l'adoption de la proposition de loi aurait un effet contraire à l'objectif recherché. La commission s'est donc prononcée, à mon grand regret, pour le rejet du texte.
Pour autant, elle ne s'est pas montrée hostile à certains des amendements que j'aurais aimé voir apportés au texte pour en améliorer le dispositif, et j'étais prêt à discuter de tous les amendements. J'avais en effet moi-même souhaité que certaines procédures puissent être rendues moins rigides que dans le texte initial pour, justement, tenir compte des contraintes pesant sur les entreprises.
Parmi ces amendements, je souhaitais notamment substituer l'inscription des stagiaires dans le registre unique du personnel, ce qui est un bon moyen de contrôle, au contrôle de la convention de stage par l'inspection de travail qui, de fait, je veux bien l'admettre, n'en a ni le temps ni les moyens.
Quoi qu'il en soit, il est singulier qu'en application de notre règlement le texte de la proposition de loi puisse être rejeté avant même l'examen des articles qu'elle contient, alors que j'ai le sentiment que nous aurions pu y trouver le moyen d'améliorer la situation de nos jeunes concitoyens.
En conclusion, je regrette donc l'avis défavorable de la majorité de la commission, et je remercie les sénateurs qui ont cosigné ce texte et qui sont présents aujourd'hui pour le soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet abordé dans cette proposition de loi revêt une grande importance. Le stage doit faire partie des formations professionnelles et supérieures. Il est normal que, dans les cursus, soient prévues des périodes successives consacrées aux stages.
En effet, si, dans certains établissements, le recours aux stages est systématique, dans d'autres, il est encore l'exception. C'est une anomalie. Aujourd'hui, toute formation, en tout cas dans l'enseignement supérieur, doit donner à l'étudiant l'occasion de se confronter à une réalité professionnelle, quelle qu'elle soit : celle de l'entreprise, celle d'une administration - j'y reviendrai, il y a sans doute des progrès à faire de ce point de vue -, celle du métier qu'il sera peut-être, demain, amené à exercer.
D'une manière générale, nous avons des progrès à accomplir.
Comme je le soulignais précédemment, les stages sont sensiblement moins développés dans le secteur public que dans le secteur privé, et ils y sont, de surcroît, rarement rémunérés. C'est un inconvénient. L'État et les autres collectivités publiques doivent donc incontestablement faire mieux. Comme souvent, les collectivités locales ont plutôt tendance à montrer l'exemple et à faire preuve de plus d'ouverture que les services de l'État. Du moins, tel est le constat que j'ai été amené à dresser.
En outre, les employeurs privés et les entreprises susceptibles d'accueillir des stagiaires ont, à l'évidence, de réels besoins en la matière. Le nombre de stages nécessaires, ou en tout cas celui que nous devrions atteindre, est considérable : il s'élève probablement à plusieurs centaines de milliers.
C'est pourquoi vos préoccupations, que je comprends bien, doivent être mises en parallèle avec le souci de ne pas donner d'incitation négative aux employeurs susceptibles d'accueillir des stagiaires.
En réalité, nous devons trouver un équilibre. Certes, d'un côté, il est nécessaire d'assurer la protection des stagiaires. Même si les abus que vous avez évoqués ne constituent pas la règle, car ils ne sont pas représentatifs de la majorité des stages proposés dans notre pays, ils existent néanmoins. Il faut donc protéger les stagiaires. Mais, d'un autre côté, si nous adoptons des législations trop rigides ou si nous instituons trop de contraintes, les employeurs et les entreprises éprouveront certainement des réticences à accueillir des stagiaires, alors même que le développement de cette formule extrêmement heureuse dans les cursus de formation est nécessaire.
À cet égard, monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous faire part de mon étonnement.
La législation reconnaissant les stages et le texte d'application qui a suivi, c'est-à-dire la charte des stages étudiants en entreprise, adoptée postérieurement, sont encore très récents. C'est seulement en 2006, en effet, qu'un début de statut a, pour la première fois, été accordé aux stagiaires par la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances. Auparavant, aucune disposition législative n'avait été adoptée pour donner aux stagiaires le minimum de protection qui semble indispensable.
Vous le comprendrez donc, on peut s'étonner que la présente proposition de loi intervienne au lendemain de l'adoption de ces nouvelles dispositions, tout comme l'on peut s'étonner qu'aucune initiative n'ait été prise en la matière lorsque la majorité que vous souteniez était aux responsabilités, monsieur le rapporteur ! Vous choisissez de déposer cette proposition de loi au moment même où un statut est, pour la première fois, accordé aux stagiaires.
Le dispositif institué par la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances constitue un cadre adapté pour l'exercice des stages dans les entreprises. Vous l'avez rappelé, un décret a été pris en application de l'article 9 de cette loi et la charte des stages étudiants en entreprise a été adoptée.
Vous avez mis en exergue le fait qu'une organisation syndicale étudiante, d'ailleurs coutumière du fait, n'a pas signé la charte. Mais toutes les autres organisations représentatives d'étudiants qui ont des élus dans les différentes instances l'ont soutenue. De même, les trois organisations représentant les établissements d'enseignement supérieur, c'est-à-dire la Conférence des présidents d'université, la Conférence des directeurs d'école et de formations d'ingénieurs, la Conférence des grandes écoles, en sont également signataires, ainsi que le MEDEF, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, ou CGPME, et l'Union professionnelle artisanale.
Ainsi, la charte a fait l'objet d'un très large accord. Elle contient des dispositions très concrètes et elle institue des règles qui sont considérées par les différents acteurs comme à la fois protectrices pour les stagiaires et non dissuasives pour les entreprises. C'est ce point d'équilibre qu'il convenait d'atteindre ; nous y sommes parvenus grâce à la négociation.
Il en est de même s'agissant de la rétribution - certains parlent plutôt de « rémunération » ou de « gratification » - des stagiaires. Nous avons préféré que cette question soit traitée par un accord de branches, car les rémunérations varient en fonction du niveau d'études, des cursus proposés et de l'entreprise ou de l'activité. Par conséquent, il n'est sans doute pas opportun de poser des règles d'ordre national.
Dans la mesure où la discussion a lieu, il faut lui laisser le temps d'aboutir.
Vous proposez que le stagiaire perçoive une rémunération correspondant au minimum à 50 % du SMIC à partir du deuxième mois de stage. Or, dans un certain nombre de cas, notamment lorsque le niveau d'études est élevé, ce niveau de gratification est probablement déjà atteint, et parfois même dépassé.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. François Goulard, ministre délégué. En revanche, une telle rémunération peut être considérée comme excessive par l'entreprise offrant des stages à des jeunes moins qualifiés, moins opérationnels et ayant besoin d'apprendre par la pratique.
C'est pourquoi, si la présente proposition de loi part d'une très bonne intention, les dispositions qu'elle vise à instituer sont, à mon sens, contreproductives. Je partage donc totalement l'avis de la commission des affaires sociales.
Les auteurs de ce texte souhaitent, semble-t-il, rapprocher les statuts de stagiaire et de salarié. Or, considérer un stagiaire, qui est dans une position particulière en tant qu'étudiant ou que personne en formation, comme un salarié est une erreur. Respectons donc les différents statuts et faisons en sorte de développer le stage comme outil de formation des jeunes.
Puisque nous disposons désormais d'un cadre législatif, il vaut mieux attendre quelques mois avant d'en tirer un bilan. Nous verrons ensuite s'il y a lieu de relancer une négociation, par exemple une procédure conventionnelle, pour tenter d'améliorer la situation. Mais, de mon point de vue, il n'est pas opportun de légiférer aujourd'hui en la matière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
(Mme Michèle André remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin de l'année 2005, les étudiants se sont mobilisés pour alerter l'opinion et les pouvoirs publics sur le comportement abusif de certains employeurs en matière de stages qui leur étaient proposés.
Il est vrai que certaines sociétés tendent à faire occuper des emplois à durée indéterminée par des stagiaires successifs et que ces derniers ne bénéficient pas toujours d'une rémunération, même minime. D'ailleurs, et vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, l'administration n'est pas la plus généreuse en la matière !
Mme Annie David. C'est vrai !
M. Jean-Léonce Dupont. Mais il convient de ne pas généraliser et de ne pas ostraciser les nombreux professionnels qui tentent de partager leur expérience et de faire connaître leurs métiers auprès des jeunes.
En outre, de telles pratiques ne sont pas spécifiques à la France. Dans de nombreux pays, on considère la possibilité de pouvoir s'initier ainsi à la vie professionnelle comme une chance justifiant en elle-même des efforts de la part du jeune qui en bénéficie.
En France, suite à une large concertation, le Gouvernement - je tiens d'ailleurs à saluer M. Gérard Larcher, ainsi que vous-même, monsieur le ministre - a organisé la signature, le 26 avril 2006, de la charte des stages étudiants en entreprise, qui tend à sécuriser la pratique des stages, sans pour autant, et j'insiste sur ce point, décourager les employeurs d'y recourir.
Par ailleurs, et M. le rapporteur l'a rappelé, une disposition a déjà été votée dans la cadre de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances. Je relève que M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, auteurs de la présente proposition de loi, n'ont pas attendu la parution du décret d'application de cette disposition, le 29 août 2006, pour déposer leur texte.
Je m'interroge donc sur l'intérêt de présenter une proposition de loi après l'adoption d'une disposition législative et d'une charte, et ce sans même attendre le texte d'application de la loi. Ne risque-t-on pas de contribuer ainsi à l'inflation législative, sans laisser aux initiatives récentes le temps de s'installer dans le paysage et d'entrer tout simplement dans les moeurs ? Notre pays souffre de cela. À mon sens, nous avons besoin de sortir de notre société de défiance pour instaurer une société de confiance.
Le décret du mois d'août dernier précise utilement les mentions devant figurer dans la convention tripartite qui doit être signée entre l'établissement d'enseignement supérieur, le stagiaire et l'entreprise d'accueil. En outre, il interdit le recours à des stagiaires dans un certain nombre de circonstances, parmi lesquelles je m'étonne d'ailleurs de voir figurer l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.
Mes chers collègues, s'il faut éviter les dérives et abus, il nous faut également, me semble-t-il, garder à l'esprit qu'un stage non seulement revêt une dimension pédagogique, mais constitue également une initiation à la vie professionnelle. Or cette dernière ne passe-t-elle pas par l'exercice de certaines missions, ce qui va donc au-delà de la simple observation du travail effectué par d'autres ?
Les étudiants que je rencontre se plaignent très souvent que leurs stages ne leur permettent pas de se confronter véritablement aux réalités de leur future vie professionnelle ; le seul rôle d'observateur se révèle frustrant.
De même, si la structure d'accueil doit veiller à ce que le rôle du tuteur soit efficacement assumé, il n'apparaît pas absurde qu'elle en attende un certain retour, surtout si elle verse une gratification aux stagiaires.
Vous m'avez compris, je ne suis pas surpris que la commission des affaires sociales ait décidé de rejeter cette proposition de loi. En tant que rapporteur de l'enseignement supérieur pour la commission des affaires culturelles, j'aurais prôné la même solution si cette dernière avait été saisie de ce texte législatif.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais nous nous sommes inspirés de votre position, mon cher collègue !
M. Jean-Léonce Dupont. Je regrette, d'ailleurs, qu'elle n'en ait pas été saisie.
Mme Annie David. Tout à fait !
M. Jean-Léonce Dupont. Nous connaissons la difficulté des étudiants pour trouver des stages. Pourtant, cette expérience pratique se révèle désormais indispensable pour leur future insertion professionnelle.
Or si les entreprises sont généralement prêtes à assumer le rôle d'accueil qui leur incombe - elles ont tout intérêt à le jouer si elles veulent ensuite recruter de jeunes diplômés qualifiés -, elles savent également que recevoir un étudiant est chronophage pour leurs salariés. Il faut donc que chacun puisse s'y retrouver.
Or inscrire dans le marbre, c'est-à-dire dans la loi, les dispositions qui nous sont proposées risquerait, me semble-t-il, de décourager un certain nombre d'employeurs susceptibles de s'inquiéter d'une forme de complexité introduite dans un domaine où la souplesse s'impose, car elle est liée à la diversité des besoins des étudiants, en fonction de leur cursus dans l'enseignement supérieur.
Nous devons donc, je le crois, laisser vivre les dispositifs existants et la charte. Il faut les faire connaître et procéder à l'évaluation de leur application par toutes les parties concernées. À cet égard, je propose d'en établir un premier bilan à l'occasion de la présentation du projet de budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2008.
Par ailleurs, ne faudrait-il pas s'interroger sur les pratiques d'un certain nombre de services publics ? Il est assez courant que leurs stages soient quasiment réservés aux enfants de leur personnel. (M. le président de la commission des affaires sociales s'exclame.) C'est souvent le cas, par exemple, dans les commissariats de police ou à la SNCF. Certes, cela concerne surtout les stages des élèves en classe de troisième ou de seconde, mais n'est-ce pas déjà à ce stade que l'orientation des jeunes est essentielle et que se forme leur représentation des métiers ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les avantages des stages accompagnant la formation initiale des étudiants sont incontestables. Leur rôle dans l'insertion professionnelle des jeunes est central et doit être pleinement reconnu à l'heure où le chômage qui les frappe demeure plus élevé que celui des autres catégories d'âge.
Ils apportent à un étudiant, outre son premier contact effectif avec le monde du travail, un complément de formation et une expérience valorisables lors de l'entrée dans la vie active.
De leur côté, les entreprises ne sauraient ignorer l'intérêt de faire découvrir aux étudiants les enjeux de la production, les jeunes stagiaires pouvant, par ailleurs, constituer un élément important du dynamisme de l'entreprise d'accueil grâce au regard neuf et extérieur qu'ils peuvent porter sur elle.
Mme Annie David. Cela, c'est certain !
Mme Isabelle Debré. Si le développement des stages doit être activement recherché pour améliorer l'insertion professionnelle des jeunes, il est néanmoins essentiel de rappeler que les stages ont avant tout une finalité pédagogique, ce qui signifie qu'il ne peut y avoir de stage hors parcours pédagogique.
M. Dominique Braye. Absolument !
Mme Isabelle Debré. En effet, le stage permet la mise en oeuvre de connaissances théoriques dans un cadre professionnel et donne à l'étudiant une expérience du monde de l'entreprise et de ses métiers. En aucun cas un stage ne peut être considéré comme un emploi.
M. Richard Yung. Justement !
Mme Isabelle Debré. Il est cependant apparu que des stages pouvaient être utilisés comme une modalité de préembauche, voire comme un contrat de travail dissimulé, les détournant ainsi de leurs finalités premières.
Mme Gisèle Printz. Eh oui !
Mme Isabelle Debré. Certains stages ont donné lieu à des abus, on ne peut le contester.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est sûr !
Mme Isabelle Debré. Je pense aux stages dépourvus de valeur pédagogique ou au recours, par certaines entreprises, à cette formule dans des situations qui auraient justifié la conclusion d'un contrat de travail.
C'est pourquoi la loi pour l'égalité des chances, votée en 2006, a inséré un encadrement juridique des stages dans le dispositif qu'elle a consacré à la lutte contre la précarité.
M. Alain Gournac. Et c'est très bien !
Mme Isabelle Debré. Ainsi, l'article 9 de cette loi a-t-il rendu obligatoire la conclusion d'une convention tripartite -étudiant, établissement d'enseignement et employeur - pour les stages en milieu professionnel ne relevant pas de la formation professionnelle continue.
Il s'agit d'améliorer les conditions de travail du stagiaire et de le prémunir contre les abus en encadrant le déroulement du stage. Cette obligation légale s'applique, que le stage soit obligatoire ou non dans le cursus de formation.
Le décret nécessaire à l'application de cet article est paru le 29 août 2006. Il précise, notamment, que doivent obligatoirement figurer dans la convention la définition des activités confiées au stagiaire en fonction des objectifs de formation, la durée hebdomadaire maximale de présence du stagiaire dans l'entreprise, le montant de la gratification qui lui est versée, le régime de protection sociale dont il bénéficie, les conditions de son encadrement et les modalités de suspension et de résiliation du stage.
Le décret interdit également de conclure une convention de stage soit pour remplacer un salarié en cas d'absence, de suspension de son contrat de travail ou de licenciement, soit pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, soit pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, soit encore pour occuper un emploi saisonnier.
Il démontre, si besoin était, à quel point vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, avec Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, à améliorer cet outil fondamental d'orientation et d'insertion professionnelle pour les jeunes, qui les prépare au passage vers le monde du travail.
M. Dominique Braye. C'est vrai !
Mme Isabelle Debré. La loi prévoit également que ces stages, à l'exception de ceux qui sont intégrés à un cursus pédagogique ou de ceux qui font partie du cursus de formation d'une profession réglementée, ont une durée initiale - ou cumulée, en cas de renouvellement - qui ne peut excéder six mois. La présente proposition de loi ne fait que reprendre ce délai maximum.
Ce même article 9 traite également de la question de la rémunération, qui est un élément essentiel du statut du stagiaire. Le principe de l'octroi d'une rémunération pour les stages d'une durée supérieure à trois mois a donc été instauré.
Pour éviter toute ambiguïté, il a été précisé que le stage ne crée pas une relation de travail salarié et, donc, que la rémunération est une « gratification » et non pas un salaire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme Isabelle Debré. Par ailleurs, l'article 10 de la même loi crée une franchise en deçà de laquelle l'employeur et le stagiaire n'acquittent ni cotisations ni contributions sociales. Lorsque l'indemnité est supérieure à ce seuil, l'employeur et le stagiaire cotisent sur la seule fraction excédant le seuil et non plus sur la totalité de la somme.
Tout cela doit donc permettre une meilleure indemnisation des stagiaires.
Enfin, ils bénéficient tous des prestations accidents du travail et maladies professionnelles du régime général, à l'exception des indemnités journalières et de l'indemnité en capital, quel que soit le montant de leur rétribution.
Le législateur n'est donc pas resté inactif, comme vous le voyez. Beaucoup a déjà été fait par notre majorité, et nous considérons qu'il convient de laisser ces nouvelles mesures produire leur plein effet.
Par ailleurs, le Gouvernement a signé, le 26 avril 2006, une charte des stages étudiants en entreprises avec les représentants des entreprises, des établissements d'enseignement supérieur et des étudiants. Cette charte a pour objectif de sécuriser la pratique des stages, tout en favorisant leur développement, bénéfique à la fois pour les jeunes et pour les entreprises.
Les rédacteurs de la charte sont le MEDEF, la CGPME, l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, l'Union nationale des professions libérales, l'UNAPL, l'Union nationale interuniversitaire, l'UNI, la Fédération des associations générales étudiantes, la FAGE, Promotion et défense des étudiants, PDE, le collectif Génération précaire, la Conférence des présidents d'université, la Conférence des grandes écoles et la Conférence des directeurs d'écoles et de formations d'ingénieurs, c'est-à-dire la quasi-totalité des partenaires sociaux, ainsi que les services du ministère délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes et du ministère délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Le champ de la charte concerne tous les stages d'étudiants en entreprise, sans préjudice des règles particulières applicables aux professions réglementées.
Dans ce cadre, le stage doit permettre la mise en pratique des connaissances en milieu professionnel et faciliter le passage du monde de l'enseignement supérieur à celui de l'entreprise.
Cette charte rappelle que le projet de stage est formalisé dans la convention signée par l'établissement d'enseignement, l'entreprise et le stagiaire, qui tend à préciser, notamment, leurs engagements et leurs responsabilités respectifs. Là encore, la proposition de loi est satisfaite sur plusieurs points par la charte.
En outre, tout stage fait l'objet d'un double encadrement par un enseignant de l'établissement et un membre de l'entreprise, comme le souhaite M. Godefroy dans sa proposition de loi. L'enseignant et le membre de l'entreprise travaillent en collaboration, sont informés et s'informent de l'état d'avancement du stage et des difficultés éventuelles.
Le responsable du stage au sein de l'établissement d'enseignement est le garant de l'articulation entre les finalités du cursus de formation et celles du stage, selon les principes de la présente charte. Leurs institutions respectives reconnaissent la nécessité de leur investissement, notamment en temps, consacré à l'encadrement. Sur ce point également, la charte répond aux dispositions que le texte qui nous est soumis veut imposer par la loi.
On ne peut donc plus clairement démontrer à quel point les partenaires sociaux sont déterminés à favoriser les stages tout en les encadrant dans des conditions didactiques et constructives. (M. Jean Desessard s'exclame.)
Diffusée au cours du printemps 2006 auprès des entreprises, des branches professionnelles, des établissements d'enseignement supérieur et des services de l'État, cette charte constitue à ce jour le texte de référence encadrant les stages.
Par ailleurs, l'État s'est engagé, en application du Plan national de lutte contre le travail illégal pour les années 2006-2007, à ce que les corps de contrôles puissent exercer une vigilance sur les conditions de travail des stagiaires en entreprise. L'idée du rapporteur de proposer un contrôle a posteriori de la convention par l'inspection du travail se trouve donc satisfaite.
Je crois, par conséquent, que la quasi-intégralité de ce qui tend à sécuriser le stage, pour le rendre le plus profitable possible à l'étudiant sur le plan pédagogique, a d'ores et déjà été mis en place par la loi et par la charte.
Sans doute peut-on considérer que le caractère non coercitif de la charte fait planer un doute sur son efficacité. La proposition de loi prévoit d'y remédier en imposant un encadrement par la loi, dont l'inobservation pourra être lourdement sanctionnée, notamment par la création de la notion d'abus de stage.
À titre personnel, je suis de ceux qui veulent faire confiance au dialogue social. (Les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC marquent leur scepticisme en toussotant.)
Les partenaires sociaux se sont mis d'accord pour un meilleur encadrement des stages au profit de tous. Nous devons leur faire confiance.
M. Jean Desessard. Non !
Mme Isabelle Debré. Sans doute ne pourrons-nous pas éviter totalement les abus, mais mettre en place un carcan administratif trop lourd, complété par une pénalisation au titre du travail dissimulé, me semble disproportionné.
M. Dominique Braye. Tout à fait !
Mme Isabelle Debré. La proposition de loi prévoit, par ailleurs, d'instaurer une rémunération des stagiaires à hauteur de 50 % du SMIC au-delà d'un mois de stage. C'est méconnaître la réalité du terrain et donner un signal fort en défaveur des stages que d'imposer un tel niveau minimum de rémunération.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean Desessard. Oh !
Mme Isabelle Debré. Je redoute qu'une telle mesure ne soit, en définitive, totalement contreproductive et que les employeurs ne soient découragés par ces contraintes excessives.
M. Dominique Braye. Absolument !
Mme Isabelle Debré. Il ne faudrait pas, en effet, que la proposition de loi ait un effet pervers, similaire à celui de la contribution Delalande qui avait alourdi le coût du licenciement de salariés âgés et abouti à ce que la France connaisse l'un des plus faibles taux d'emploi des seniors en Europe.
Partant de très bonnes intentions, ces dispositifs risquent d'aboutir, en réalité, au résultat inverse de celui qui est recherché.
M. Dominique Braye. L'enfer est pavé de bonnes intentions !
Mme Isabelle Debré. Avec de telles mesures, il n'y aurait plus d'abus, car il n'y aurait plus de stage. N'oublions pas que nos jeunes éprouvent des difficultés pour trouver un stage, qui exige du temps et de l'investissement de la part de l'employeur.
Sans doute serait-il souhaitable que les représentants des employeurs publics et ceux du secteur associatif soient associés à la charte afin de couvrir un champ plus large. Pour le moment, laissons à la loi et au dialogue le temps d'agir.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP suivra les conclusions de la commission des affaires sociales tendant à rejeter la présente proposition de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mardi 4 octobre 2005, les stagiaires, contraints de porter des masques afin que leurs patrons ne les reconnaissent pas, défilaient dans nos rues afin d'exprimer leur colère, légitime, pour être devenus des « sans droits », plus pauvres que le travailleur pauvre.
Ces femmes et ces hommes sont sortis de l'ombre pour révéler la précarité de leur situation ! Dans l'espoir d'être intégrés un jour dans une entreprise, ces stagiaires ont accepté de travailler de longs mois, la plupart du temps sans aucune compensation financière et, surtout, sans aucune garantie en termes de droits et de protection. Après avoir admis cette situation pendant des années, stoïquement et en silence, les jeunes la rejettent aujourd'hui !
C'est non pas le stage qui est remis en cause, car il est souvent indispensable aux jeunes lorsqu'ils s'inscrivent dans le cadre d'une formation qualifiante, mais bien la manière dont il a été perverti au profit de certaines entreprises, administrations ou associations, qui bénéficient d'une réserve de main-d'oeuvre à moindre coût, la sécurité sociale étudiante assurant la couverture sociale !
Censé être un « tremplin pour l'emploi », le stage s'est mué, au fil des années, en une « forme d'emploi ».
Si la charte du 26 avril 2006 a marqué une certaine prise de conscience, de la part de l'État et des entreprises, des difficultés des stagiaires, elle n'en reste pas moins insuffisante. En effet, elle a un caractère non contraignant et elle occulte des points essentiels, tels que la rémunération des stagiaires ou encore le recours abusif à ces derniers par certains employeurs.
Manquant d'un encadrement législatif précis, le stage a souvent été détourné de sa fonction d'apprentissage. Aujourd'hui, il est coutumier de voir une succession de stagiaires remplacer un salarié à plein temps, salarié que l'entreprise évite soigneusement d'embaucher. Cette situation est préjudiciable non seulement pour la formation et l'insertion professionnelle du stagiaire, mais également pour les salariés, car de telles pratiques détruisent corrélativement de vrais emplois !
D'ailleurs, le Conseil économique et social, ne s'y s'est pas trompé, puisque, dans son rapport d'août 2005, sur l'insertion professionnelle des jeunes issus de l'enseignement supérieur, il soulignait « la nécessité de procéder à un réexamen des conditions statutaires des stages en entreprises ».
Parallèlement à cette précarité des stagiaires, le taux de chômage en France des jeunes de moins de vingt-cinq ans est l'un des plus élevé d'Europe : selon l'INSEE, le taux de chômage des jeunes actifs s'élevait à 22,8 % en 2005.
Le paradoxe est donc le suivant : les offres de stages s'amplifient inversement aux offres d'emplois ! Ainsi, force est de constater que le recours abusif aux stagiaires est un frein à l'embauche des jeunes. Cette situation n'est pas acceptable, alors que notre jeunesse a exprimé, à de multiples reprises, son « ras-le-bol » d'être en permanence en situation d'urgence sociale !
À la lumière de ces constats, la mise en oeuvre d'un cadre législatif précis pour redonner au stage son caractère pédagogique et sa mission d'insertion des jeunes actifs est une exigence. La célèbre citation de Lacordaire « Entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » trouve ici tout son sens.
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme Annie David. C'est pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen se réjouit de la discussion de ce texte, qui permettra sans nul doute de lever le voile, s'il en était encore besoin, sur la situation précaire des stagiaires et de répondre, enfin, à leurs exigences, face à un patronat toujours plus gourmand !
La majeure partie des propositions que nous avions soutenues lors du débat relatif au projet de loi pour l'égalité des chances, tendant à redonner au stage ses missions premières, propositions qui semblent indispensables à de nombreuses organisations d'étudiants et d'enseignants, au collectif « Génération précaire » notamment, sont inscrites dans le texte qui nous est présenté aujourd'hui.
Il s'agit, tout d'abord, d'interdire le recours intempestif aux stagiaires. Il convient ainsi de clarifier la notion d'abus de stage et, en conséquence, de déterminer les sanctions qui en découlent. Sur ce point, ce texte est plus indulgent que notre proposition, mais adopter le principe d'une amende est d'ores et déjà un premier pas ; à nous, par la suite, d'aller plus loin !
Toujours dans cette perspective, nous proposions de ne permettre le renouvellement ou la prolongation d'un stage qu'une seule fois. C'est pourquoi sa durée doit être obligatoirement inscrite dans la convention écrite entre l'établissement de formation et l'entreprise.
De même, le contenu des conventions de stages doit être davantage précisé, notamment l'objectif pédagogique et les responsabilités des différents intervenants. Il est nécessaire de contrôler l'adéquation du stage à la formation dispensée, d'instaurer un tutorat approprié dans l'entreprise et dans l'université, d'évaluer l'apport du stage en fonction de la formation ainsi que la qualité d'accueil et d'encadrement pédagogique.
Toutefois, nous sommes conscients que la mise en place d'un référent pédagogique à l'université risque de rester lettre morte en l'état actuel des effectifs dans l'enseignement supérieur, qui sont bien insuffisants. Cette mesure a donc un corollaire : l'augmentation des moyens accordés à l'enseignement supérieur, Monsieur le ministre, je suis sûre que vous m'aurez entendue !
Mme Annie David. Toujours dans le souci de protéger légalement le stagiaire, nous avions proposé d'imputer la durée du stage sur la période d'essai lorsque, à l'issue de celui-ci, un contrat de travail est conclu. Il s'agit là de souligner que l'étudiant qui réalise un stage dans une entreprise y acquiert nécessairement une expérience professionnelle. En effet, il nous semble que, si un stagiaire a passé plusieurs mois dans une entreprise, voire une année entière dans certains cas, son employeur a largement eu le temps de l'évaluer, connaît ses compétences et se trouve en mesure de déterminer s'il est apte ou non à occuper un emploi salarié au sein de ladite entreprise.
Cette question rejoint le constat, fait ces dernières années, de l'allongement de la durée des stages, les écoles de commerce ou d'ingénieurs commençant même à généraliser les stages d'une année.
Il est fréquent que des stagiaires voient la durée de leur stage abusivement prolongée et continuent à travailler dans ce cadre, sans la perspective d'une embauche à plus ou moins long terme. C'est pourquoi, nous proposions de limiter à trois mois la durée du stage. La durée inscrite dans le texte est de six mois. Là encore, l'adoption d'un tel principe nous convient.
L'allongement abusif de la durée des stages est étroitement lié à la question prégnante de la rémunération, ou de l'indemnisation, du stagiaire et nécessite, également, l'intervention du législateur. Les employeurs ont bien compris qu'ils pouvaient utiliser cette main-d'oeuvre dont la rémunération n'est pas obligatoire et qui, de surcroît, est prête à effectuer des tâches n'entrant pas forcément dans son projet pédagogique initial.
La rémunération des stagiaires n'étant pas encadrée, les situations sont diverses et, dans bien des cas, elle est limitée au tiers du SMIC, niveau auquel l'entreprise est exonérée de toutes charges sociales.
Pire encore, bien souvent, les stages ne sont pas rémunérés. Les jeunes issus de milieux modestes ne peuvent ainsi y accéder, alors même qu'ils sont à la recherche d'un emploi et qu'ils sont convaincus qu'un stage leur permettra d'acquérir l'expérience professionnelle exigée par les employeurs. Cette inégalité sociale est encore plus accentuée pour les stages à l'étranger, qui génèrent des coûts d'hébergement, de nourriture et de transport importants à la charge du stagiaire !
C'est donc dans un souci d'équité, mais également en vertu de l'article 23-3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui dispose que « Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable », que nous demandions que les stages soient rémunérés. La proposition faite ici d'une rémunération d'au moins 50 % du SMIC pour les stages de plus d'un mois est donc, de ce point de vue, satisfaisante.
Une autre question appelle toute ma vigilance et mériterait d'être soulevée lors de ce débat ; elle concerne la discrimination. Tout comme elle est avérée sur le marché du travail, certains jeunes en sont victimes lorsqu'ils sont à la recherche d'un stage. Il faudrait alors pouvoir permettre aux établissements de déposer une plainte, lorsqu'une discrimination est constatée.
C'est une piste que j'évoque, mais qui pourrait faire l'objet d'une prochaine discussion. En tout cas, elle constitue encore un élément d'amélioration possible du statut des stagiaires.
Pour conclure, le groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, conscient de l'intérêt, pour certains étudiants, d'avoir recours au stage, est néanmoins persuadé de la nécessité d'apporter des garde-fous légaux à ces périodes de découverte de l'entreprise et du monde du travail.
En effet, nous n'accepterons pas de contrat dérogatoire au code du travail en ce qui concerne les jeunes stagiaires ; ce serait une perche supplémentaire tendue au MEDEF, qui n'en a vraiment pas besoin ! Par ailleurs, le recours abusif aux stagiaires par certains cabinets d'avocats ou bureaux d'études nous conforte dans notre volonté de réhabilitation indispensable du stage en permettant qu'il ne soit pas détourné de son objectif pédagogique, au seul profit des entreprises.
Aussi, nous soutiendrons cette proposition de loi présentée par nos collègues du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois dire que je suis pris d'un certain vertige devant les travées vides de l'UMP : on se croirait presque en mer ! (Sourires.) On peut le regretter car, même si l'on n'est pas d'accord, il s'agit tout de même de notre jeunesse, au travail de surcroît !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un vrai problème !
M. Guy Fischer. Cela traduit un mépris pour le débat parlementaire !
Mme Gisèle Printz. Un mépris à l'égard de notre texte !
M. Richard Yung. Je voudrais tout d'abord remercier notre collègue Jean-Pierre Godefroy d'avoir pris l'initiative de cette proposition de loi, qui rassemble des données et des réflexions jusque-là éparses et qui nous donne l'occasion de débattre, et peut-être de progresser, sur l'importante question des stages.
Une telle initiative vient du constat suivant : en France, les stages prennent une place de plus en plus importante dans la vie de nos jeunes concitoyens et de nos étudiants.
Comme beaucoup d'entre vous, j'appartiens à une génération qui est arrivée sur le marché du travail sans jamais avoir poussé auparavant la porte d'une entreprise ou même d'une administration. Le premier jour où l'on travaillait était le premier jour où l'on entrait dans l'entreprise !
M. Jean Desessard. Et on était payé !
M. Richard Yung. À cette époque, c'était la règle générale, que l'on sorte d'une université ou d'un BTS. Peut-être était-ce moins le cas lorsque l'on venait d'une grande école...
Tout le monde se réjouit des stages ; ils ont le grand avantage de permettre aux étudiants de se familiariser avec la vie professionnelle et, surtout, avec le travail en équipe. En effet, quand on est étudiant, on ne travaille pas spontanément avec d'autres.
Dans les années quatre-vingt-dix, les stages ont commencé à changer de nature : les stagiaires sont progressivement devenus une sorte de main-d'oeuvre supplétive. Nombreux sont aujourd'hui ceux qui sont conduits à exécuter des tâches de conception et de production, ce qui n'est pourtant pas l'objet d'un stage.
Pour répondre à l'un des orateurs qui m'a précédé, je dirai que nous ne proposons pas de faire des stagiaires des salariés ; ce sont les employeurs qui agissent ainsi ! Beaucoup d'étudiants occupent des postes permanents, alors qu'ils ne sont que légèrement indemnisés, très faiblement rétribués, voire pas du tout. C'est souvent, d'ailleurs, dans le secteur public que les plus grands abus sont commis.
Faute de trouver un emploi à la sortie de l'école ou de l'université, et pour meubler leur curriculum vitae, certains jeunes diplômés acceptent des stages non rémunérés et s'inscrivent à l'université, la convention de stage étant payée à leur place par l'entreprise.
Chers collègues, en tant que sénateur des Français établis hors de France, je voudrais attirer votre attention sur la question particulière des stages effectués à l'étranger, et surtout dans les enceintes consulaires, au sein des missions économiques ou des centres culturels. Certains stages sont également réalisés dans le secteur privé étranger, mais cela ne relève pas de notre compétence.
Grâce à la multiplication des échanges internationaux, nos jeunes peuvent passer trois mois, voire six mois, à Pékin, à Kuala Lumpur, à Vienne ou encore à Mexico, ce qui est en soi une excellente chose. Ils y apprennent beaucoup. Ils ont notamment l'occasion de se frotter à d'autres cultures ; ils sont en présence d'autres façons de réfléchir et d'aborder les problèmes...
Toutefois, dans ce domaine aussi, a été observé un glissement. Des centres culturels, par exemple, fonctionnent fréquemment avec trois, quatre, voire cinq stagiaires. Certaines missions économiques comptent dans leur effectif deux ou trois stagiaires, tout comme certains consulats. Or, ce ne sont pas nécessairement des stagiaires de l'ENA.
Voilà donc un véritable problème ! En effet, ces stages à l'étranger sont très souvent réalisés sans la moindre convention de stage. Monsieur le ministre, veuillez m'excuser, mais l'État est souvent un mauvais employeur et ne donne pas le bon exemple !
M. Richard Yung. Les stagiaires ne bénéficient d'aucune protection, sociale ou autre, d'aucune indemnisation, et ils doivent, par ailleurs, payer leur voyage !
Un cas m'a été très récemment signalé : une jeune stagiaire attachée au consulat de Washington, qui n'est pas rémunérée et qui a emprunté de l'argent pour payer son loyer, s'est vu refuser les tickets-restaurants lui permettant d'accéder à la cantine du consulat ! Il y a de quoi avoir honte pour la République, n'est-ce pas ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet, c'est bas !
M. Jean Desessard. Je comprends que les sénateurs de droite ne soient pas là ; ils ne veulent pas entendre cela ! (Sourires.)
M. Richard Yung. Par ailleurs, les stages, ou certains d'entre eux, sont, souvent, insuffisamment encadrés ; l'objet pédagogique n'est pas clairement défini ou reste vague ; la convention de stage, quand elle existe, est souvent vide et les directeurs de stage soit font défaut, soit passent en courant.
Dans l'exercice de fonctions précédentes, j'ai eu l'occasion de prendre des stagiaires. Vous les rencontrez une heure au début de leur stage pour échanger quelques mots ; puis, vous les remettez assez rapidement entre les mains d'un directeur ou d'un sous-directeur ; enfin, vous les voyez trois ou six mois après, pendant une demi-heure, et c'est tout ! Ils constituent une lourde charge pour des gens qui ont déjà du travail.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous le dites vous-même ! C'est bien de reconnaître que c'est une charge pour l'employeur !
M. Richard Yung. Grâce à la mobilisation du collectif Génération précaire, un certain nombre de progrès ont été obtenus, en particulier à travers la loi du 31 mars 2006 : la convention de stage, l'idée d'une gratification sont des éléments qui vont dans le bon sens.
Toutefois, nous pensons que ce texte reste encore largement insuffisant. Il généralise, en effet, une sorte de sous-salariat ; vous noterez que je n'ai pas dit « sous-prolétariat ». Par manque de volonté, ou de courage, le Gouvernement n'a pas voulu faire de peine au MEDEF en adoptant des dispositions trop contraignantes dans ce domaine.
La charte des stages, que certains orateurs ont précédemment évoquée, est, à bien des égards, un catalogue de bonnes intentions, il faut le dire ! Elle n'a pas de valeur contraignante ; elle s'inscrit dans une bonne démarche mais un tel dispositif est encore très largement insuffisant.
Je voudrais, pour terminer, attirer votre attention sur une disposition qui me tient évidemment à coeur, moi qui suis représentant des Français établis hors de France.
En effet, la présente proposition de loi introduit - ou introduira -, dans le code de l'éducation, un article L. 615-4 relatif aux stages effectués à l'étranger, qui permettra de contraindre l'organisme d'accueil du stagiaire à l'étranger, s'il s'agit d'un service de l'État français, à respecter toutes les obligations prévues par la loi. Quant aux entreprises, on ne peut, bien sûr, que s'en remettre à la convention entre l'établissement d'enseignement supérieur dont dépend le stagiaire et la société ou l'entreprise privée qui l'emploierait.
Pour tous ces motifs, en particulier pour la prise en compte de la situation des stagiaires français à l'étranger, je voterai la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la généralisation des stages dans l'enseignement supérieur a représenté un formidable progrès. Elle a ouvert les portes du marché du travail à des étudiants en cours de formation, désireux d'acquérir une approche plus concrète des pratiques professionnelles et de leur futur métier. Ainsi, plus de 800 000 jeunes effectuent chaque année un stage dans une entreprise ou une administration.
Comme l'a indiqué mon collègue Jean-Pierre Godefroy, dont je salue le remarquable travail, nous sommes favorables à une plus grande professionnalisation des parcours universitaires. Aussi, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ne doit en aucun cas être interprétée comme l'expression d'une volonté de décourager les entreprises de recruter des stagiaires ; elle tend seulement à mieux les encadrer pour mettre fin à des pratiques visant à détourner les stages de leur finalité pédagogique.
En effet, en période de chômage - celui des jeunes étant deux fois supérieur à la moyenne -, le stage est devenu, pour certains employeurs, un moyen de se procurer de la main-d'oeuvre gratuite ou à très bas coût. Ainsi, en septembre 2005, le collectif Génération précaire dénonçait « l'existence d'un véritable sous-salariat toujours disponible, sans cesse renouvelé et sans aucun droit ». Il déplorait, en outre, qu'il soit possible aujourd'hui de rester confiné indéfiniment et en toute légalité dans ce statut de stagiaire.
Il est malheureux de constater que des entreprises, des associations, et même des services publics, profitent de ce que les étudiants soient prêts à tout accepter pour valider leur formation, pour ne pas avoir de trou dans leur CV ou, tout simplement, pour ne plus traîner l'étiquette de « débutant », très encombrante dans un monde où l'expérience professionnelle est reine.
Il m'arrive de consulter les rubriques d'offres d'emplois dans la presse. Je suis toujours surprise de constater, en lisant celles qui s'adressent aux jeunes diplômés, que les profils recherchés comportent au moins deux ans d'expérience professionnelle, voire davantage. On pourrait penser que les entreprises recherchent des personnes volontaires, qui ont enchaîné jobs et petits boulots durant leurs études. Mais non ! On demande bel et bien à des jeunes sortant à peine de l'université ou d'une grande école d'avoir déjà exercé une activité professionnelle d'une durée significative, identique à celle que recherchent les entreprises.
Cette situation ubuesque, vécue par de très nombreux jeunes diplômés, ne fait pas vraiment rire les principaux intéressés, surtout lorsqu'ils essuient un énième refus en raison de leur manque de pratique. Ils sont alors contraints de prolonger artificiellement leurs études à la seule fin de continuer d'effectuer des stages, en espérant que ceux-ci leur permettront de se mettre en valeur aux yeux des futurs recruteurs.
Il est donc nécessaire de mieux encadrer cette période d'ancrage professionnel pour qu'elle ne s'écarte plus de sa vocation pédagogique, pour qu'elle demeure une source d'enrichissement et d'échange constructif entre le monde du travail et l'université, pour qu'elle continue d'être vécue comme un tremplin pour l'emploi.
Depuis les premières manifestations de Génération précaire, des avancées ont été obtenues.
Tout d'abord, la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances a rendu obligatoire la convention tripartite. Elle a également limité à six mois la durée des stages hors cursus et a obligé les employeurs à verser une gratification pour les stages d'une durée supérieure à trois mois.
Un décret publié le 31 août 2006 a, ensuite, interdit aux entreprises de recourir à un stagiaire « pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent ».
Par ailleurs, en avril 2006, une charte signée entre le Gouvernement et les partenaires sociaux était venue compléter la loi et avait anticipé sur le dispositif réglementaire.
Ces avancées restent cependant insuffisantes : attendre trois mois avant d'être indemnisé, c'est trop long, et si gratification il y a, celle-ci doit être correcte. On peut aussi craindre une inflation de stages de trois mois moins un jour. En outre, la charte ne revêt aucun caractère contraignant, son application restant suspendue au bon vouloir de chacun. Il était donc indispensable d'aller plus loin par voie législative et de poser un cadre complet et sécurisant.
Je tiens à vous faire part de ma stupéfaction lorsque, en commission des affaires sociales, j'ai constaté que la majorité sénatoriale ne nous suivait pas sur ce sujet essentiel concernant l'insertion professionnelle des jeunes et les abus dont ils sont victimes. Ce rejet est d'autant plus surprenant qu'une proposition de loi visant à encourager et moraliser le recours aux stages par les entreprises a été déposée à l'Assemblée nationale par Mme Valérie Pécresse, députée UMP, suivie dans sa démarche par un très grand nombre de ses collègues.
Ce texte comporte des mesures voisines de celles que nous préconisons, comme l'interdiction faite aux entreprises de prendre en stage, sur des emplois de l'entreprise, des jeunes qui ont achevé le cursus de formation nécessaire pour occuper ces fonctions et qu'elles pourraient embaucher par un véritable contrat.
On pouvait donc, sur un sujet consensuel, s'attendre à une adoption unanime. Il n'en est rien. Force est de constater que l'air du MEDEF, ou plutôt son « besoin d'air », a soufflé plus fort sur le Sénat que le vent de l'Assemblée nationale !
Nous en sommes navrés. Mme Parisot parle de « précarité heureuse » à propos d'un stagiaire ou d'un jeune diplômé en période d'essai. C'est consternant ! Il ne peut y avoir de précarité heureuse sur le marché du travail, surtout quand la situation perdure, comme c'est trop souvent le cas !
Ne pas discuter de cette proposition de loi, c'est cautionner le recours à une main-d'oeuvre hyperflexible, c'est accepter le bradage des diplômes, c'est refuser de reconnaître les abus et les dérives dont sont victimes les jeunes, qui, dans une société inattentive à leurs préoccupations, sont une fois encore considérés comme des gamins ne sachant pas ce qui est bon pour eux.
Cette proposition de loi était un message fort que nous leur adressions. Venant du Sénat, le symbole était significatif. Nous regrettons qu'elle n'aboutisse pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pouvons nous réjouir d'un certain consensus... Oui, mes chers collègues de l'UMP (l'orateur se tourne vers les travées vides de l'UMP, ce qui déclenche le rire des sénateurs du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe de l'UC-UDF.), nous pouvons nous réjouir d'un certain consensus à propos d'un constat : ...
M. Robert Bret. Qui ne dit mot consent !
M. Jean Desessard. ... il y a des stages abusifs qui se substituent à de vrais emplois.
M. François Goulard, ministre délégué. « Absence de réaction sur les travées de l'UMP » ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a des abus partout !
M. Jean Desessard. C'est la commission des affaires sociales qui l'écrit dans son rapport : elle « partage les préoccupations qui ont inspiré cette proposition de loi et ne conteste pas l'existence d'abus, qu'il convient de réprimer, en matière de stages. »
M. Guy Fischer. Oui, mais cela ne va pas plus loin !
M. Jean Desessard. Nous voilà donc d'accord, chers collègues de l'UMP, d'accord sur le constat, mais non sur les réponses.
En théorie, les stages sont des formations in situ dans l'entreprise et constituent une préembauche ou un marchepied vers un futur emploi. En réalité, le recours abusif aux stages a des conséquences néfastes sur les missions initiales du stage.
Un stage est censé donner goût au travail ; mais la multiplication des stages finit par dégoûter les stagiaires du monde du travail. Un stage est censé faciliter l'insertion professionnelle ; mais la mise bout à bout de stages consécutifs finit par éloigner de la signature d'un véritable contrat de travail. Un stage est censé former une main-d'oeuvre qualifiée ; mais la multiplicité des stages fait fuir les jeunes diplômés hors de France.
Cette prise de conscience, ce constat de la majorité du Sénat, aujourd'hui, ne débouche pas sur des mesures de bon sens telles que celles qu'a proposées le collectif Génération précaire et que nous avons pu défendre à plusieurs reprises dans cet hémicycle : limitation à six mois de la durée d'un stage ; rémunération minimale à hauteur de 50 % du SMIC, progressive et assujettie aux cotisations sociales ; inscription du stage dans le code du travail ; délai de carence entre deux stages ; convention de stage obligatoire ; plafonnement du nombre de stagiaires par entreprise...
Le Gouvernement reste impuissant face à ce problème, qui touche 800 000 stagiaires par an. La charte de bonne conduite, monsieur le ministre, n'est pas suffisante : à quoi peut-elle aboutir si elle ne s'accompagne d'aucune contrainte ? Les entreprises vertueuses se sentiront engagées, alors que les autres continueront leurs abus et profiteront de cet effet d'aubaine. Les négociations de branche, quant à elles, sont trop longues à mener. Le décret instaurant la rémunération minimale, promis depuis plusieurs mois, tarde à être publié, et ne prévoit de toute façon qu'un seuil de rémunération, très insuffisant, de 360 euros au bout de trois mois.
Expliquez-moi comment on peut survivre avec 360 euros par mois, monsieur le ministre, mes chers collègues de l'UMP !
M. Robert Bret. Des doigts se lèvent...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'a jamais été question de vivre avec 360 euros !
M. Jean Desessard. Enfin, la loi pour l'égalité des chances n'a quasiment rien changé. Elle a reconnu les stagiaires non comme des travailleurs en formation, mais comme de simples étudiants qui n'apportent aucune valeur ajoutée aux établissements les recevant. Ce n'est pas mon approche : pour moi, les stagiaires doivent participer au processus de production, car c'est ainsi que l'on apprend, et ils doivent être protégés par le code du travail.
Le Gouvernement prétend avoir réglé le problème des stages abusifs. Pourtant, on remarque que le classement des offres de stages publié pour la deuxième année par L'Express est éloquent, puisque les entreprises recensées proposent...
Mme Annie David. ... deux à trois fois plus de stages que d'emplois !
M. Jean Desessard. ... deux à trois fois plus de stages que d'emplois, effectivement. L'Express ajoute que les stages sont « toujours aussi populaires auprès des 100 plus gros recruteurs, qui en offrent cette année 42 350, contre 38 000 l'an dernier ».
Alors, pourquoi ce refus d'avancer que l'on constate aujourd'hui ? Nous aurions pu aboutir à un consensus autour des propositions de la gauche et de la droite, exprimées notamment par Valérie Pécresse, que ma collègue a déjà évoquée, et les Jeunes de l'UMP ! Hélas, le consensus n'a pas été accepté par le MEDEF. Voilà pourquoi nous sommes aujourd'hui dans l'impasse.
Chers collègues de l'UMP (une nouvelle fois, l'orateur se tourne vers les travées vides du l'UMP.), vous désavouez aujourd'hui la porte-parole de votre mouvement et son organisation de jeunesse, alors qu'il s'agit d'un problème ressenti par les jeunes, y compris ceux de l'UMP.
M. Robert Bret. Ils en restent cois ! (Sourires.)
Mme Annie David. Ils sont sans voix !
M. Jean Desessard. Une fois de plus, l'UMP... Mes chers collègues, taisez-vous, laissez-moi continuer ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
L'UMP semble bien être en accord avec le MEDEF. Dernièrement, la loi visant à la défense des consommateurs, pourtant voulue par le Président de la République lui-même, a été enterrée à l'Assemblée nationale, malgré toutes les promesses faites aux associations agissant dans ce domaine. Apparemment, même Jacques Chirac ne peut rien faire face aux lobbies patronaux !
Les arguments de la droite pour refuser toute avancée législative sur les stages constituent une nouvelle étape dans la pensée antisociale. Jusqu'ici, la droite avait coutume de refuser les revendications sociales au nom de la défense de l'emploi, par peur de décourager les employeurs d'embaucher. Désormais, elle va plus loin puisque, tout en reconnaissant le phénomène des stages abusifs, elle refuse - vous refusez - de les réglementer par peur de décourager le recrutement de stagiaires qui se substituent à des salariés.
Il y a bien là une contradiction dans le discours de la droite : comment faire aimer le travail, revaloriser la fameuse « valeur travail » que la gauche aurait d'après vous maltraitée, sans réglementation équitable pour les jeunes qui découvrent le marché du travail ?
Je ne comprends pas votre logique et les 800 000 stagiaires non plus. C'est pourquoi les sénatrices et le sénateur Verts soutiendront la proposition de loi présentée par M. Godefroy, au nom du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Les meilleures intentions du monde suffiront-elles à prévenir les dérives et les abus que chacun peut constater en matière de stages professionnels ? Il faut l'espérer.
Pour l'heure, un rapide tour d'horizon nous renseigne sur la triste réalité de ce qui devrait être un avant-goût formateur du monde du travail, éventuellement une rampe de lancement, et qui peut constituer un substitut abusif au contrat de travail.
En France, aujourd'hui, le taux de chômage des jeunes atteint 23 %, soit six points de plus que dans le reste de l'Europe. Le diplôme n'est même plus une garantie suffisante, puisque 21 % des jeunes de niveau bac+4 sont toujours au chômage plus de neuf mois après la fin de leurs études.
Ces statistiques révèlent les difficultés grandissantes que rencontrent les jeunes au moment de leur entrée dans la vie professionnelle.
Avec la persistance du chômage, ce phénomène s'est accentué ces dernières années. Avant même de devoir subir les périodes d'essai renouvelables, les successions de CDD et autres contrats d'intérim, les jeunes travailleurs doivent affronter une autre réalité peu valorisante et peu rémunératrice, à savoir le recours quasi systématique au stage, même en dehors du cursus universitaire.
Ainsi est apparue une main-d'oeuvre flexible, occupant parfois sans rémunération de vrais postes de travail. Le stage est malheureusement devenu un palliatif à tout emploi pour des dizaines de milliers de jeunes diplômés, victimes d'un marché du travail dans lequel il est de plus en plus difficile de trouver sa place.
Pourtant, chacun en conviendra, le stage en entreprise demeure un élément essentiel de la formation : il permet aux jeunes de se confronter aux réalités du monde du travail, d'acquérir une première expérience professionnelle, de choisir une orientation professionnelle en connaissance de cause. Il s'agit, bien sûr, d'encourager son développement et de lui reconnaître une place primordiale dans le parcours de formation, mais avec des règles claires et adaptées.
Aussi, au regard de l'augmentation des dérives, il est impératif d'encadrer les stages par un dispositif législatif. Quelques mesures primordiales ont été introduites par la loi pour l'égalité des chances, je n'y reviendrai pas.
De même, la « charte des stages étudiants en entreprise » réaffirme la dimension pédagogique du stage, comme l'ont souligné les orateurs qui m'ont précédée.
L'ensemble des acteurs auditionnés ont été unanimes pour lutter efficacement contre les abus en la matière, en s'appuyant sur les termes de cette charte.
Certes, même si nous pouvons apprécier la volonté de tous, qu'il s'agisse des étudiants, du MEDEF, de la CGPME, de l'UPA ou des enseignants, de mieux encadrer les stages en entreprise, la charte demeure essentiellement un recueil de bonnes pratiques, sans obligation ni contrainte d'application, un recueil de bonnes intentions, en somme. Or, on connaît trop le triste sort des bonnes résolutions !
Dès lors, je vous invite, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à vous rendre sur les sites Internet proposant des stages en entreprise à de jeunes diplômés : l'expérience est instructive, le constat est affligeant.
Vous serez étonnés de lire les propositions actuelles faites à nos jeunes. J'en ai extrait quelques exemples édifiants !
« Assistant de recrutement : bac+3, stage de six mois temps plein, rémunération de 800 à 1160 euros par an. »
« Analyste financier : expérience de un à deux ans - Type de contrat : stage temps plein, salaire de 800 à 1160 euros par an. » Je ne continuerai pas la liste !
Apparemment, en France, un jeune diplômé - l'épithète « jeune » paraît impropre vu le niveau d'études requis pour accéder au « paradis » des stagiaires - ne vaut même pas le SMIC !
Les jeunes ne sont pas taillables et corvéables à merci. Ils n'ont pas envie d'être bradés, d'autant moins que certaines familles s'endettent pour que leurs enfants accèdent à des études supérieures.
La proposition de loi présentée par Jean-Pierre Godefroy posait un cadre garantissant cette valeur formative du stage. La formation en alternance est une plus-value pour tous et, si l'on veut l'encourager, il faut impérativement la moraliser.
Que nous ne soyons pas tous d'accord et que nos divergences nous conduisent à discuter des modalités d'un encadrement, cela devrait aller de soi. C'est bien le rôle du Parlement de parlementer, c'est bien notre rôle de parlementaires de confronter des points de vue et de finir par trouver l'équilibre.
Mais dans quelle enceinte un constat unanime mène-t-il à l'urgence de ne rien faire ? Dans quelle enceinte la nécessité nous fait-elle seulement dire : « Oui, c'est dur, il faudrait faire quelque chose » ? Dans quel Parlement peut-on approcher du débat sans y entrer vraiment ? Je ne partage pas l'avis de la commission, soit, mais, surtout, je ne comprends pas sa position !
La majorité, friande de slogans, nous sert du « travailler plus pour gagner plus ». Il ne faudrait pas confondre ce slogan de campagne avec une réalité honteuse : « travailler pour rien pour gagner moins que rien ».
Nos enfants ne sont pas utilisables « à tout va ». Quelle bonne raison auraient-ils de commencer par « en baver » ? Quelle étonnante conception de l'égalité des chances !
La majorité qui, depuis peu, n'a plus peur de s'approprier des références historiques qui ne lui appartiennent pas, appréciera cette citation : « Si la jeunesse n'a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort », nous disait François Mitterrand ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. L'UMP en reste coite ! (Rires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, je demande une suspension de séance d'un quart d'heure. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Nous voulons savoir pourquoi !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a des raisons que je ne peux dire publiquement !
Mme Annie David. Des raisons évidentes : il n'y a aucun sénateur UDF en séance !
M. Guy Fischer. Ce n'est pas normal !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Madame la présidente, monsieur le ministre, je voudrais faire observer que le groupe socialiste est allé jusqu'au bout de ses interventions. Nous aurions pu abréger la discussion, pour mettre le Gouvernement encore plus dans l'embarras, mais nous ne l'avons pas fait.
Nous verrons, à la reprise de nos travaux, si un membre du groupe UMP sera présent pour nous faire part de son avis !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures vingt.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Explications de vote
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix les conclusions négatives du rapport de la commission des affaires sociales tendant au rejet de la proposition de loi, je donne la parole à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Madame la présidente, je déplore les conditions dans lesquelles se déroule la fin de cette discussion et le fait que le groupe UMP ait entièrement déserté l'hémicycle. Ce n'est pas, à mon sens, un bon message que nous envoyons à la jeunesse de France.
M. Henri de Richemont. Je suis là !
M. Richard Yung. Mon propos ne s'adresse pas à vous, monsieur de Richemont, puisque, effectivement, vous êtes présent !
Mes chers collègues, je ne vous surprendrai pas en vous disant que notre groupe n'a pas été convaincu par les arguments qui ont été développés par la commission. Nous continuons de penser qu'il est nécessaire d'encourager le développement des stages et de mieux les encadrer.
Il reste de grands progrès à faire dans la mise en oeuvre de la législation existante ; je pense, en particulier, à la loi du 31 mars 2006. Quant à la charte des stages étudiants en entreprise, elle est certes respectable, mais elle n'emporte pas d'effets pratiques. Il faut, en conséquence, aller plus loin, et c'est le sens de la proposition de loi que nous avons présentée.
Il est nécessaire de mieux encadrer les stages afin de les rendre profitables aux deux parties : aux entreprises qui emploieront les stagiaires et aux stagiaires eux-mêmes.
Enfin, pour ce qui me concerne, je suis sensible aux conditions dans lesquelles sont effectués les stages dans l'administration hors de France.
Pour toutes ces raisons, nous maintenons notre position et nous voterons contre les conclusions négatives de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Permettez-moi, en cet instant, de souligner le caractère quelque peu insolite de notre position.
Cette discussion s'inscrit dans un contexte particulier. Le Sénat a décidé - et cela me paraît légitime - d'ouvrir la possibilité à un membre de l'opposition d'être à la fois l'auteur et le rapporteur d'un texte. En l'occurrence, je n'ai pas lieu de critiquer ce choix, ni sur le fond, car la proposition de loi qui nous est présentée porte sur un sujet très important, ni sur le choix du rapporteur : personne ne contestera la qualité du travail de Jean-Pierre Godefroy, tant en commission que dans l'hémicycle.
Certaines des propositions contenues dans ce texte me conviennent. Il m'apparaît, notamment, légitime qu'un stagiaire qui est recruté par l'entreprise dans laquelle il a effectué son stage voie la durée de ce dernier intégrée dans sa période probatoire.
Cela dit, cette proposition de loi constitue un acte inachevé. Lorsque le rapport a été discuté en commission, nous n'avons pas eu la possibilité de présenter des amendements pour prolonger le travail accompli par le rapporteur.
Si la commission avait adopté des amendements, le rapporteur se serait peut-être trouvé confronté à une situation difficile. Il aurait en effet dû décider, en conscience, s'il pouvait continuer à soutenir le texte avec les modifications apportées par la commission ou si, au contraire, cette dernière avait dénaturé la philosophie de sa proposition de loi initiale. Bref, il lui aurait appartenu de décider si les travaux de la commission avaient permis, ou non, de trouver un compromis convenable pour le rapporteur et pour la majorité de la commission.
Madame la présidente, le vote que j'ai émis en commission, et que je vais renouveler dans un instant, signifiait que je ne pouvais pas adopter le texte en l'état. Il ne s'agissait pas d'un vote contre le rapport de M. Godefroy ni contre le sujet qui nous est proposé ; il s'agissait, en quelque sorte, d'un vote d'insatisfaction sur une procédure qui s'arrête à mi-chemin.
Que signifie cette procédure ? S'agit-il d'un symbole, d'un signe de sympathie destiné à montrer que le Sénat traite son opposition avec égards ? Je pense que nous ne saurions, ni les uns ni les autres, nous satisfaire d'une mesure symbolique aussi superficielle.
Je profite donc de mon explication de vote pour soulever cette question de fond. Les travaux du Sénat ne pourraient que gagner en qualité si nous allions jusqu'au bout de la procédure. Il reviendrait ensuite au rapporteur de dire s'il considère, en conscience, qu'il peut accepter le travail fait par la commission.
Je maintiens donc le vote que j'ai émis en commission, mais je souhaitais en expliquer le sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen a apprécié le travail fourni par Jean-Pierre Godefroy. Comme l'a rappelé Annie David, notre groupe a présenté de nombreuses propositions sur ce sujet, apportant ainsi sa pierre au débat.
La discussion qui a eu lieu cet après-midi était plus que nécessaire. Nous regrettons toutefois les conditions dans lesquelles elle s'est déroulée.
En effet, alors que l'exécutif du Sénat - le bureau, la conférence des présidents - réfléchit sur la revalorisation du travail parlementaire, notamment sur la manière de dynamiser l'initiative parlementaire, nous regrettons le mépris affiché par la plus importante des formations politiques de la Haute Assemblée.
Je sais bien que des problèmes d'emploi du temps peuvent se poser, mais cela ne peut justifier le fait que les travées de l'UMP, et maintenant celles du l'UC-UDF, soient totalement vides alors qu'est venu le moment des explications de vote !
M. Henri de Richemont. Mais je suis là !
M. Guy Fischer. Cette proposition de loi est, plus que jamais, d'actualité. Bien entendu, nous participerons au débat qui, nécessairement, resurgira en d'autres occasions. En effet, le problème des stagiaires est d'autant plus pressant que nous vivons une époque où une multitude de réflexions s'impose à nous.
Monsieur le ministre, vous le savez, pour mener des études, la plupart des étudiants sont obligés de travailler. Pour ma part, j'ai fait partie de cette catégorie !
M. Robert Bret. Il y a longtemps ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Effectivement ! Aujourd'hui, les stagiaires, qu'ils soient étudiants ou surdiplômés, essuient l'affront d'être sous-valorisés et, parfois, totalement dévalorisés en termes de rémunération. En commission, j'ai cité l'exemple de stagiaires de niveau bac+9, employés dans un grand laboratoire pharmaceutique pour 700 euros par mois !
Par ailleurs, nous devons insister sur le fait que près de 29 % des jeunes sont concernés par cette situation. Notre réflexion doit donc les prendre en compte. À travers cette proposition de loi et le débat auquel elle a donné lieu, une réponse était apportée à Génération précaire. En effet, on oublie un peu vite le mépris auquel les jeunes ont été confrontés et qu'ils ont douloureusement vécu.
Aujourd'hui, force est de constater l'explosion de la précarité, le creusement des inégalités et le fait que la France compte 7 millions de travailleurs pauvres. Sur ce sujet, les arguments développés par Annie David ou Jean-Pierre Godefroy doivent nous interpeller.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Henri de Richemont.
M. Henri de Richemont. Je suis ravi de me trouver ici pour expliquer mon vote sur la proposition de loi déposée par M. Godefroy. (Sourires.)
Je vous félicite, mon cher collègue, d'avoir présenté ce texte, car cela montre que le Parlement accomplit bien sa mission en permettant à chaque groupe de faire des propositions sur des sujets importants. Or le stage en entreprise constitue effectivement un sujet sérieux, puisque c'est à travers lui que les jeunes peuvent découvrir le monde de l'entreprise.
Pour ma part, je suis souvent sollicité par des jeunes qui souhaitent connaître, à travers un stage, le fonctionnement d'un cabinet d'avocats. Je pense donc qu'il est fondamental de faire en sorte que les entreprises, comme les professions libérales, puissent accepter facilement les stagiaires.
Je regrette que la proposition de loi entretienne une confusion entre les statuts de stagiaire et de salarié. En effet, je crois très profondément que l'on tue l'attractivité en accroissant les contraintes et la rigidité.
M. Robert Bret. C'est un argument irrecevable !
M. Henri de Richemont. L'important est d'inciter les employeurs à prendre de jeunes stagiaires, même s'il faut aussi, bien entendu, sanctionner tout ce qui relève du recours abusif à ces derniers.
Ce n'est pas en rendant plus difficile l'accueil de nouveaux stagiaires dans les entreprises que nous contribuerons à la lutte contre la précarité, à laquelle nous nous associons. Au lieu d'attirer des stagiaires dans les entreprises, la rémunération des stages à hauteur de 50 % du SMIC aurait pour effet de dissuader les entreprises de prendre des stagiaires, ce qui n'est sûrement pas le but recherché. C'est la raison pour laquelle je m'associerai au vote de la commission des affaires sociales.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Je souhaite, tout d'abord, remercier M. de Richemont d'avoir bien voulu accepter de délaisser le sujet des tutelles pour nous rejoindre sur celui des stages. Au demeurant, c'était tout à fait indispensable pour le groupe de l'UMP, qui avait déserté cet hémicycle !
M. Robert Bret. Ils avaient besoin d'une tutelle !
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Je souhaite, ensuite, remercier les membres de la commission des affaires sociales. Toutefois, je regrette que la qualité du travail qui a eu lieu en commission n'ait pas été retrouvée dans l'hémicycle.
Le problème posé par les stages aux niveaux national et européen s'est manifesté au moment de la mobilisation contre le CPE, ce formidable loupé. Je crains fort que, à ne pas s'intéresser plus aux jeunes, à ne pas considérer leurs desiderata, par exemple en désertant l'hémicycle, on n'adresse pas un message très positif à notre jeunesse, qui attendait certainement beaucoup plus de ce débat.
C'est donc avec un peu de déception que je vois s'achever mon rôle de rapporteur d'une proposition de loi que j'ai présentée, au nom du groupe socialiste.
Monsieur Seillier, j'ai beaucoup apprécié la façon dont vous avez abordé le problème. J'étais tout à fait disposé à améliorer le texte, qui n'avait pas pour vocation à être adopté en l'état. Mais le règlement de notre assemblée est ainsi fait ! Il faudrait d'ailleurs y regarder de plus près, car il devrait être possible, sur un tel texte, de trouver un consensus, dans l'intérêt de nos jeunes.
M. Robert Bret. La navette peut le permettre !
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. S'agissant du problème de la rémunération, de nombreux stages, fort heureusement, sont mieux payés que le plancher prévu dans la proposition de loi ! En le fixant à 50 % du SMIC, alors qu'elles seront exonérées de charges sociales pour 30 % du salaire minimum, on ne demande pas, me semble-t-il, un effort surhumain à nos entreprises pour former nos jeunes, c'est-à-dire la génération qui va nous succéder. C'est un geste que la République aurait sans doute pu faire à leur endroit.
Je remercie tous ceux qui ont accepté de participer jusqu'au bout à ce débat. Je regrette cependant, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas apporté de réponse concernant le comité de suivi et le montant de la gratification que le Gouvernement entend accorder aux stagiaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais tout d'abord vous remercier, monsieur Godefroy, d'avoir accepté d'être le rapporteur de votre proposition de loi. C'est la première fois depuis bien longtemps que se produit dans cet hémicycle une telle configuration, qui s'inscrit dans la logique de ce qu'a voulu le président du Sénat pour donner sa place à l'opposition, en lui permettant de défendre des propositions de loi.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir obéi à l'esprit de notre commission, à savoir le respect des uns et des autres, la recherche de la discussion, comme vous l'avez dit vous-même à l'instant, pour convaincre, sans jamais manifester le moindre mépris.
Face au défi qui était devant nous, nous avons souhaité permettre à chacun de sauver la face. Il n'était pas question, comme Bernard Seillier l'a très bien expliqué tout à l'heure, de dénaturer cette proposition de loi, vous contraignant ainsi à rapporter un texte qui n'aurait plus été le vôtre. Nous avons pourtant hésité. Nous avons même étudié la possibilité de supprimer l'article 1er, ce qui aurait entraîné le dépôt d'amendements. En tout état de cause, nous aurions abouti à un texte qui n'aurait plus rien eu à voir avec celui que vous aviez présenté.
De votre côté, vous avez accepté la logique de la commission, même si vous ne l'avez pas approuvée. La proposition de loi relative aux droits des parents séparés en cas de garde alternée des enfants, déposée par M. Michel Dreyfus-Schmidt, a connu la même aventure, puisqu'elle fut également rejetée par la commission, puis par la Haute Assemblée. Quelques temps après, la mesure proposée par Michel Dreyfus-Schmidt était adoptée dans un autre texte.
On peut se demander, comme le faisait tout à l'heure Robert Bret, si nous n'avons pas atteint les limites de l'exercice. C'est pourquoi je ne manquerai pas de transmettre au bureau et au président du Sénat une proposition visant à définir d'autres méthodes qui permettraient tant à la majorité qu'à l'opposition du Sénat de faire valoir auprès du Gouvernement leurs propositions, de façon très solennelle. Nous pourrions ainsi nous enrichir de suggestions émanant des uns et des autres, sans avoir à les opposer.
Je terminerai en disant à M. Godefroy que je n'ai pas eu le sentiment d'un mépris de la part de la majorité, même si, en cet instant, elle n'est quasiment plus présente, à l'exception de M. Henri de Richemont, que je remercie d'être encore parmi nous.
J'ai entendu, d'abord en commission, puis tout à l'heure à la tribune, les représentants de la majorité - que ce soit Jean-Léonce Dupont, pour l'UC-UDF, ou Isabelle Debré, pour l'UMP, deux personnes très sensibles au respect à la fois des personnes et des idées - faire le constat que la messe était dite, c'est-à-dire que chacun connaissait les conclusions de la commission.
Après vous avoir entendu, monsieur Godefroy, ils vous ont répondu à la tribune. Ils n'ont donc nullement fait preuve de mépris. Seul un concours de circonstances a conduit les représentants de la majorité à quitter cet hémicycle avant le vote final, qui, chacun le savait, aurait lieu sous forme de scrutin public.
Mme Annie David. Si nous devions suivre ce raisonnement, nous ne serions pas souvent là !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Voilà ce que je tenais à vous dire, car je ne voudrais pas que Jean-Pierre Godefroy conserve de cette « aventure » la moindre rancoeur.
Je souhaite, au contraire, comme je le disais tout à l'heure, que nous trouvions une méthode plus moderne pour faire valoir les positions du Sénat. (MM. Henri de Richemont et Bernard Seillier applaudissent.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions négatives du rapport de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi n° 364.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Pourquoi donc ? (Sourires.)
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 105 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de suspendre nos travaux, permettez-moi de vous dire que je porterai, avec M. Fischer, à la connaissance de la prochaine conférence des présidents les réflexions inspirées par le moment que nous venons de vivre au cours de cette séance mensuelle réservée à l'ordre du jour fixé par le Sénat.
Comme vient de le dire le président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, nous nous efforcerons de trouver une meilleure façon de travailler.
En tout cas, je tiens à remercier de leur présence ceux qui ont assisté à cette discussion jusqu'à son terme.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
Création de l'établissement public CulturesFrance
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
Ordre du jour réservé
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance (nos211, 126).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Duvernois, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je me félicite que soit discutée aujourd'hui une proposition de loi qui me tient à coeur et qui constitue l'une des concrétisations du rapport intitulé Pour une nouvelle stratégie de l'action culturelle extérieure de la France : de l'exception à l'influence, rapport que j'avais présenté devant la commission des affaires culturelles à la fin de l'année 2004.
Le 22 juin 2006, l'Association française d'action artistique, l'AFAA, est devenue CulturesFrance. Un nouveau statut a donc été adopté, avec les innovations suivantes : l'objet social de l'AFAA a été élargi de manière à faire entrer dans le périmètre de la nouvelle association les activités de l'Association pour la diffusion de la pensée française, l'ADPF, à savoir la promotion du livre et de l'écrit et la cinémathèque africaine ; par ailleurs, la composition du conseil d'administration a été modifiée, celui de CulturesFrance comptant désormais vingt-deux membres, qui se répartissent entre sept représentants du ministère des affaires étrangères, trois représentants du ministère de la culture et douze personnalités qualifiées.
À titre d'information, CulturesFrance était dotée en 2006 d'un budget de 28 millions d'euros, avec un effectif de 105 emplois équivalents temps plein travaillé.
Le ministre des affaires étrangères pouvait se féliciter de cette création, aboutissement d'un long processus de concentration des opérateurs de son ministère dans le domaine de l'action culturelle. En effet, l'Association française d'action artistique et l'Association pour la diffusion de la pensée française, qui ont fusionné, avaient elles-mêmes respectivement absorbé en 1999 et en 2000 l'Association universitaire pour le développement et la communication en Afrique dans le monde, l'AUDECAM, le Club des lecteurs d'expression française, le CLEF, et Afrique en créations.
Paradoxalement, c'est au moment où l'on créait ce nouvel opérateur, à la suite de nombreux rapports allant dans ce sens, qu'il se trouvait confronté à un feu nourri de critiques.
Un rapport de la Cour des comptes, demandé par la commission des finances du Sénat et présenté à la Haute Assemblée le 8 novembre dernier, remettait en cause à la fois le mode de fonctionnement, la gestion et le statut de CulturesFrance.
Pêle-mêle, et à titre d'exemple, la Cour des comptes a reproché à l'association tant d'avoir dévié de son objet social initial, à savoir la promotion de la culture française à l'étranger, pour devenir un opérateur culturel en France, que de manquer d'une stratégie d'ensemble. Puis elle a contesté la conformité de ses statuts. Elle a également fait le constat que les gains de productivité susceptibles de naître de la fusion de l'AFAA et de l'ADPF étaient insuffisants. Elle a ensuite regretté l'absence d'évaluation de l'organisme et l'opacité des procédures de délégation des pouvoirs au sein de l'association. Enfin, elle a critiqué l'exercice de la tutelle par le ministère, qui n'a su imposer à l'association « aucun axe directeur, qu'il soit géographique, thématique ou financier. »
À la suite de ce constat de la Cour des comptes et des témoignages de certains de nos collègues mettant en cause la programmation de CulturesFrance à l'étranger, le Sénat a adopté des amendements de la commission des finances au projet de loi de finances pour 2007 tendant à diminuer de 500 000 euros les crédits attribués à CulturesFrance par le ministère des affaires étrangères.
Estimant à juste titre que ce contexte de crise appelait une réaction rapide, la commission des affaires culturelles, ce dont je me félicite, a choisi de demander l'inscription de la présente proposition de loi à l'ordre du jour réservé de notre assemblée. Tout semble réuni pour que le Sénat adopte aujourd'hui ce texte, alors que la commission des finances vient juste de publier un rapport d'information rédigé par MM. Adrien Gouteyron et Michel Charasse - CulturesFrance : des changements nécessaires -, favorable au changement de statut de CulturesFrance.
L'objet de la proposition de loi est en effet de transformer le statut juridique de CulturesFrance afin, d'une part, de favoriser l'amélioration de la gestion de l'opérateur et, d'autre part, plus largement, de donner une impulsion nouvelle à notre diplomatie culturelle en relégitimant l'action de l'un de ses acteurs les plus éminents.
Le premier objectif est l'apaisement des tensions institutionnelles et administratives, lequel passe par l'amélioration du cadre juridique et managérial de CulturesFrance
La transformation de l'association en établissement public industriel et commercial, opérée par l'article 1er de la proposition de loi, outre qu'elle fait pièce aux critiques adressées par la Cour des comptes à l'encontre d'un statut associatif non conforme, a pour objet de renforcer le contrôle de l'État sur son opérateur tout en laissant à ce dernier une réelle autonomie de gestion, lui permettant d'allier souplesse et efficacité.
La création d'un établissement public permet indéniablement à l'État d'exercer sa tutelle de manière plus efficace grâce à la présence d'un comptable public, à la présentation d'une comptabilité plus précise et à une meilleure connaissance du fonctionnement de l'établissement par les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture. En outre, le caractère industriel et commercial de l'établissement a le grand avantage de permettre à CulturesFrance de conserver des agents de droit privé et de maintenir en l'état les contrats de ses salariés. Cette modification juridique a ainsi un profond impact managérial.
Il reste que l'intervention du législateur n'est pas le remède à tous les maux. Aussi, la pratique administrative doit également être revue.
À ce titre, je voudrais faire remarquer à la Haute Assemblée que l'attention portée par le Parlement à CulturesFrance a déjà porté ses fruits : le 5 février dernier, un nouveau contrat d'objectifs et de moyens a été présenté à CulturesFrance par ses tutelles. Les indicateurs de performance sont au coeur de ce contrat : ils permettront d'évaluer la pertinence de la fusion de l'AFAA et de l'ADPF ainsi que de faciliter le contrôle des ministères et du Parlement lors de l'examen de la loi de finances.
Le deuxième objectif est la confirmation de la légitimité de CulturesFrance.
Cette proposition de loi, tout en étant nécessaire sur le fond, a une grande importance s'agissant de la légalisation de CulturesFrance, de la clarification de ses compétences et de la proclamation solennelle de sa légitimité.
La Cour des comptes a tout d'abord reproché à CulturesFrance d'avoir dévié de son objet social initial- promouvoir la culture française à l'étranger - pour devenir aussi un opérateur culturel en France.
Certes, l'article 2 de la proposition de loi fixe comme rôle premier à CulturesFrance la promotion de la culture française à l'étranger. Cependant, loin d'estimer que l'organisation de « saisons culturelles » et d' « Années croisées » éloigne CulturesFrance de son champ d'intervention, la commission des affaires culturelles a choisi d'inscrire cette mission dans le texte dans la mesure où, d'une part, elle participe du rayonnement de la France à l'étranger et, d'autre part, elle correspond à l'un des objectifs majeurs posés par les statuts et confirmés par la loi, à savoir le renforcement du dialogue culturel.
L'idée sous-jacente, dans la lignée de la vision développée par la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle, adoptée sur l'initiative de la France, est que la valorisation de la culture française passe aussi par la promotion de la diversité culturelle et par l'échange permanent entre les cultures.
Dans la même logique, la commission des affaires culturelles a par ailleurs estimé qu'il n'était pas légitime de limiter l'exercice de la mission de CulturesFrance relative au soutien et au développement de la création des expressions artistiques contemporaines au seul continent africain ou aux zones francophones dans la mesure où l'échange culturel est bénéfique pour tous les pays.
L'article 2 a en outre clairement défini les domaines d'activité de l'établissement, ce qui permet de prévenir tout conflit de compétences entre opérateurs : CulturesFrance peut intervenir dans les domaines des arts de la scène, des arts visuels, des arts appliqués, de l'architecture, du patrimoine cinématographique, de l'écrit et de l'ingénierie culturelle. Cela correspond bien à l'ensemble des compétences exercées par l'ADPF et l'AFAA, auxquelles a été ajouté le cinéma.
En effet, depuis la fin de l'année 2006, il semble que la Direction générale de la coopération internationale et du développement du ministère des affaires étrangères, la DGCID, souhaite confier à l'association un certain nombre de compétences dans le domaine du cinéma et du film documentaire. Actuellement, le ministère des affaires étrangères n'a pas d'opérateur propre dans ce domaine, l'action opérationnelle vers l'étranger relevant soit des services de la DGCID, soit d'Unifrance Film.
Unifrance pourrait devenir un opérateur du ministère des affaires étrangères, mais son champ d'action est limité aux films récents. La commission a donc ajouté une compétence à CulturesFrance en matière de cinéma, mais en la confinant au « patrimoine cinématographique », notion qui recouvre dans son esprit, outre les films plus anciens, les films documentaires, éducatifs ou scientifiques.
Par ailleurs, l'action de CulturesFrance ne sera efficace que si elle est pleinement souhaitée et accompagnée par les postes. À ce titre, l'unité de l'action de la représentation française à l'étranger, assurée par les ambassadeurs, doit être une priorité pour le ministère des affaires étrangères. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles a précisé au dernier alinéa de l'article 2 que l'établissement s'appuie sur l'ensemble du réseau de la représentation française à l'étranger dans ses composantes diplomatiques et culturelles.
C'est au demeurant la position des rapporteurs de la commission des finances, qui soulignent notamment dans leur récent rapport d'information que « le coeur du métier de CulturesFrance est de répondre à la demande et aux besoins des postes à l'étranger, en les associant toujours davantage aux choix culturels ».
L'article 3 s'attache à fixer les traits essentiels de l'organisation de l'établissement public. Il est ainsi prévu que l'établissement est administré par un conseil d'administration, dont le président est nommé par décret. Ce dernier, qui est également l'exécutif de l'établissement, est assisté d'un directeur administratif qu'il nomme. Ce système « monocéphale », avec un président qui a autorité sur le directeur administratif, a fait ses preuves. Citons, par exemple, le cas du Centre Georges-Pompidou.
La proposition de loi fixe à trois ans la durée du mandat du président, renouvelable une fois, ce qui garantit à celui-ci une autonomie à la fois par rapport à l'État et par rapport à la structure administrative de son établissement.
L'article 4 prévoit les sources de financement possibles pour l'établissement. Bien sûr, les ressources provenant du mécénat ne peuvent qu'être encouragées. Elles ont d'ailleurs largement augmenté ces dernières années, et les saisons culturelles sont à ce titre un levier réel pour CulturesFrance.
Les articles 5, 6 et 7 précisent les conditions de dévolution des biens, droits et obligations, les procédures de mises à disposition des fonctionnaires auprès de l'établissement et les conditions de transfert du personnel de l'association à l'établissement public.
Au-delà des débats sur le statut de l'opérateur, j'insiste sur l'importance de l'inscription dans la loi de l'existence de CulturesFrance, qui permet de confirmer solennellement sa légitimité.
Les critiques sur la gestion de l'opérateur seront d'autant mieux entendues - et des solutions apportées - qu'elles n'apparaissent pas comme une remise en cause de l'intérêt de l'action menée par l'opérateur. Celle-ci est en effet cruciale pour l'avenir de l'action culturelle extérieure de la France. La commission des affaires culturelles a exprimé, par son adoption à l'unanimité de la présente proposition de loi, son attachement à la diplomatie culturelle de la France, notamment aux actions menées par CulturesFrance.
Afin de donner à l'opérateur CulturesFrance les moyens des ambitions que nous avons tous pour elle, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, Philippe Douste-Blazy souhaitait être présent ce soir devant la Haute Assemblée pour appuyer la proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance. Empêché, il m'a demandé de le remplacer. Je le fais d'autant plus volontiers qu'il s'agit là d'un sujet important.
Permettez-moi tout d'abord de remercier M. Louis Duvernois, rapporteur de la commission des affaires culturelles, qui est à l'initiative de ce texte auquel le Gouvernement s'intéresse beaucoup. Les débats qui ont eu lieu à l'automne au sein de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles ont bien montré à quel point la Haute Assemblée était, elle aussi, attachée à l'action culturelle de la France à l'étranger. Vous avez estimé que la transformation de CulturesFrance en établissement public était une étape importante de cette action.
En mai 2006, le ministre des affaires étrangères a présenté un plan de relance de notre action internationale dans les domaines de la culture, de l'éducation, de la santé et du développement. La création de l'agence CulturesFrance en était l'un des éléments majeurs.
Les attentes de nos partenaires dans le domaine culturel restent fortes. La France conserve toute sa réputation et tout son potentiel, tant comme diffuseur culturel que comme terre d'accueil des créateurs de tous pays.
Le rayonnement auquel nous aspirons est encore handicapé par la fragmentation de nos moyens d'action, confiés à des opérateurs multiples. Cela entraîne des inconvénients facilement prévisibles : manque de visibilité et de lisibilité de notre action, dispersion et mauvaise utilisation des moyens.
La fusion des associations constitutives de CulturesFrance, effective depuis juin 2006, est l'une des initiatives que nous avons prises pour remédier à cette situation. La visibilité de cette opération est d'ores et déjà considérable.
Nous avons aussi demandé à ses gestionnaires d'améliorer l'efficacité de cet opérateur. Le contrat d'objectifs et de moyens que Renaud Donnedieu de Vabres et Philippe Douste-Blazy vont signer prochainement avec Jacques Blot, président de CulturesFrance, est l'un des instruments de pilotage que nous avons souhaité créer dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. En prévoyant la transformation de CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial, la proposition de loi qui vous est soumise participe de ce souci d'efficacité.
Le Gouvernement partage pleinement les deux principaux objectifs de CulturesFrance.
Le premier est de mettre fin à un statut associatif devenu inadapté, comme l'a souligné à plusieurs reprises la Cour des comptes. Conformément aux recommandations que Jacques Blot avait déjà formulées en décembre 2005 dans son rapport, la proposition de loi crée un établissement public à caractère industriel et commercial. Cette qualification permet de conserver le statut de droit privé qui est celui des personnels de CulturesFrance et de préserver la souplesse indispensable à la gestion d'un tel établissement. Elle donne aussi aux ministères de tutelle les moyens d'exercer convenablement leur rôle.
Le second objectif est l'inscription dans la loi des principales missions de CulturesFrance.
Il est évident, tout d'abord, que la mission première de CulturesFrance demeure la diffusion de la culture française à l'étranger. CulturesFrance sera d'autant plus efficace que ses domaines d'intervention couvrent désormais le livre et l'écrit. Par ailleurs, l'établissement public est appelé à élargir son domaine d'action au cinéma dit « patrimonial », qui englobe une grande partie du film documentaire.
Il est également demandé à CulturesFrance de mettre en oeuvre certaines actions sur le territoire français. Il s'agit de l'accueil d'artistes étrangers dans le cadre de programmes de résidence, de la coopération entre écoles d'art, mais aussi de la mise en oeuvre de saisons culturelles étrangères en France. La plupart des saisons étrangères en France sont en effet doublées par des saisons françaises organisées à l'étranger, et dont les retombées sont significatives. Nous estimons donc tout à fait justifié qu'une part raisonnable des moyens de CulturesFrance leur soit consacrée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont, brièvement évoqués, les aspects susceptibles à mes yeux de justifier pleinement l'adoption des conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de M. Duvernois. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;
Groupe socialiste, 31 minutes ;
Groupe de l'Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Louis Duvernois s'inscrit dans la démarche du Gouvernement qui a réuni en un opérateur unique, CulturesFrance, plusieurs associations emblématiques de notre action culturelle extérieure.
Notre rapporteur, auteur du texte que nous étudions aujourd'hui, propose de transformer cet opérateur en un établissement public, mesure qui a d'ailleurs été préconisée à plusieurs reprises lors de nos travaux en commission ou durant les derniers débats budgétaires. Je tiens à féliciter notre collègue de cette initiative et de la pertinence de son propos.
La France est traditionnellement un pays de culture et représente une référence dans le monde entier.
L'association CulturesFrance est un acteur déterminant de ce rayonnement culturel, car elle permet la promotion de la culture française à l'étranger et assure la visibilité au niveau international de l'action de la France. En outre, elle soutient les écrivains et les artistes français qui désirent se faire mieux connaître à l'étranger. Dans un contexte de mondialisation, il est essentiel que la France soit fortement présente.
CulturesFrance est à la croisée des différents milieux artistiques et des représentations culturelles françaises à l'étranger : ambassades, centres culturels, instituts français, alliances françaises. Elle collabore avec les grandes institutions, le secteur privé - les fondations, le mécénat d'entreprises - et les collectivités territoriales au niveau des villes, des départements et des régions.
Regroupant l'Association française d'action artistique, l'AFAA, et l'Association pour la diffusion de la pensée française, l'ADPF, CulturesFrance couvre un très large champ d'action. Ainsi, elle agit pour la création artistique contemporaine dans les arts visuels, l'architecture, le design, la danse, les musiques, le théâtre et les arts de la rue. Elle intervient également dans les domaines du livre et de l'écrit, du patrimoine cinématographique, des collections documentaires et de l'ingénierie culturelle. La fusion opérée améliore l'efficacité du dispositif et lui donne une plus grande visibilité, sur le modèle du Goethe-Institut allemand ou du British Council anglais.
Opérateur délégué des ministères des affaires étrangères et de la culture, CulturesFrance permet le dialogue et les échanges nécessaires entre la culture française et les cultures de 140 pays dans le monde. En effet, si l'objectif principal de CulturesFrance est de faire connaître notre culture, il lui appartient également de favoriser la connaissance en France de la culture d'autres pays.
Notre pays vient de jouer un rôle déterminant dans la signature de la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle.
Dans l'accomplissement de ses missions, CulturesFrance affirme sa solidarité avec les autres cultures, en favorisant la diversité culturelle partout dans le monde, à commencer par les pays les plus démunis où la création et la diffusion de biens culturels locaux sont menacées par l'absence de moyens financiers et par les déficiences des circuits économiques. Elle aide ces pays à créer chez eux des conditions propices à la création culturelle.
La culture n'est pas figée. Notre culture, pour évoluer, doit entretenir un dialogue avec d'autres cultures. Je me réjouis qu'à cette fin la France accueille des créateurs venus d'ailleurs, des écrivains, des artistes, des cinéastes, des architectes ou des musiciens, chacun d'eux jouant un rôle de passeur vers sa propre langue et sa propre culture. Il est important que la France agisse pour une diversité effective, non seulement à l'étranger, mais aussi sur son territoire national. Ainsi, au cours des dernières années, l'Association française d'action artistique a pris une part grandissante dans l'organisation de manifestations culturelles africaines. Elle a accompagné les artistes africains à toutes les étapes de leur parcours, depuis le début de leur processus créatif jusqu'à l'insertion de l'oeuvre dans les grands courants artistiques mondiaux, en facilitant le développement d'une carrière internationale.
Par ailleurs, CulturesFrance participe à l'organisation de manifestations étrangères en France et accueille ces dernières, dans le cadre de saisons culturelles qui permettent de faire connaître la culture d'un pays sous toutes ses facettes. Ces événements très populaires rencontrent un vif succès. Je me suis donc associé au souhait de la commission des affaires culturelles d'inscrire dans l'article énumérant les compétences de CulturesFrance cette organisation des saisons culturelles.
Bien évidemment, il faut veiller à ce que CulturesFrance ne dévie pas de son objet social initial, car son rôle premier est d'assurer le rayonnement de la culture française à l'extérieur de notre pays. La réforme envisagée par le texte garantira, j'en suis certain, ce juste équilibre en renforçant la tutelle des ministères et en inscrivant clairement dans la loi les différentes missions du futur établissement public. Ce point est un élément essentiel : dorénavant seront inscrits dans la loi les objectifs et les compétences de notre principal outil d'action culturelle internationale.
Dans une analyse qu'elle nous a présentée au mois de novembre dernier, la Cour des comptes a décrit le décalage qui existe entre le fonctionnement de la structure et le fonctionnement normal d'une association. Elle a notamment cité la question de sa composition ou de ses assemblées générales. De plus, le statut associatif ne favorise pas le contrôle de sa comptabilité ou de son fonctionnement en général. Les auditions auxquelles la commission des affaires culturelles a procédé ont montré la nécessité de renforcer les liens entre les ministères de tutelle et l'institution.
Dans ces conditions, le statut d'établissement public semble s'imposer, comme nous l'a expliqué M. le rapporteur. CulturesFrance pourra ainsi bénéficier d'une meilleure gestion, dans une plus grande transparence, et verra la tutelle des deux ministères renforcée sans que son autonomie s'en trouve affectée.
En votant le texte qui nous est soumis aujourd'hui, nous ne donnons pas seulement un nouveau statut à CulturesFrance ; nous inscrivons son existence dans la loi et reconnaissons l'importance déterminante de son action.
Bien évidemment, le groupe UMP votera les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles, en espérant qu'elles recueilleront l'unanimité de la Haute assemblée. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sous d'autres noms, d'autres formes, CulturesFrance existe depuis presque un siècle. Son rôle déterminant pour le rayonnement international de la France et de son exception artistique et culturelle n'a jamais été démenti. Si CulturesFrance n'existait pas, il faudrait l'inventer !
Cette structure a encore de beaux jours devant elle. Elle reçoit même de nouvelles responsabilités et voit sa légitimité renforcée à l'heure où la culture est de plus en plus menacée par les lois impitoyables du marché et de la concurrence qui sont, comme vous le savez, sans conscience ni miséricorde.
C'est d'ailleurs pour lutter contre cette dérive que notre pays a souhaité inscrire la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles dans le droit international. Après en avoir été l'un des plus ardents avocats, la France figure parmi les premiers pays à avoir ratifié la convention de l'UNESCO, dont l'existence est une belle victoire face à la force de frappe anglo-saxonne qui a compris depuis longtemps que la culture et son industrie du divertissement étaient de formidables vecteurs d'expansion économique et idéologique.
La diversité culturelle est un véritable patrimoine commun de l'humanité, aussi nécessaire que la biodiversité dans l'ordre du vivant. Sa défense est un impératif éthique, et je me réjouis que notre pays ait été et demeure à l'avant-garde de ce qui reste un combat.
En effet, la stratégie des États-Unis - je rappelle qu'ils n'ont toujours pas signé la convention de l'UNESCO - vise à multiplier les accords bilatéraux de libéralisation des échanges de biens et de services culturels avec le plus grand nombre d'États. Les Américains exercent des pressions pour que les nations ne ratifient pas cette convention, dans le but de maintenir une certaine forme d'hégémonie, car les industries culturelles représentent leur premier poste d'exportation. Une course de vitesse est ainsi engagée dans la lutte en faveur de la diversité culturelle. Bref, la culture se porte bien à condition qu'on la sauve !
Cela dit, si je fais miennes quelques-unes des remarques émises par la Cour des comptes, je déplore dans le même temps le mauvais procès intenté par certains à l'encontre de CulturesFrance, qui s'est traduit par une baisse importante de sa subvention, de l'ordre de 900 000 euros. Cette baisse met en péril les activités de la structure, qui n'a pourtant pas failli à ses missions et doit encore relever d'importants défis.
Il lui a été reproché, en particulier, d'engager une partie de son budget dans des opérations réalisées en France même. L'organisation des « saisons culturelles » par CulturesFrance conserve cependant toute sa pertinence, car celles-ci comportent un indispensable volet de réciprocité. Ces « saisons culturelles », comme les « Années croisées », en permettant de découvrir les artistes qui viennent de tous les continents, correspondent à l'esprit de la convention sur la diversité culturelle, laquelle encourage une meilleure connaissance et reconnaissance de toutes les cultures du monde.
Ne pas voir l'importance de cette réciprocité révèle, dans le meilleur des cas, une méconnaissance de l'action culturelle internationale de la France et, dans le pire des cas, une conception passéiste et paternaliste de la culture que je croyais d'un autre temps, héritée de l'époque de notre empire colonial.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Quel raccourci saisissant !
M. Ivan Renar. Eh oui, je suis un vieux conventionnel régicide, les raccourcis, ça me connaît !
Pour résister à l'uniformisation du monde, il est bon que la proposition de loi fasse apparaître clairement l'organisation des « saisons culturelles » et des « Années croisées » dans les compétences de CulturesFrance, ce qui n'exclut aucunement les partenariats les plus divers.
Nous ne souffrons pas d'un excès de dialogue des civilisations et de partage des cultures. La mondialisation accélérée qui standardise les esprits et l'imaginaire des peuples appelle des politiques résolues, favorisant l'expression de la singularité de toutes les cultures du monde. Comme le disait le prix Nobel de la paix Octavio Paz : « Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. À l'inverse, c'est de l'isolement que meurent les civilisations. »
Aussi est-il essentiel d'oeuvrer à la circulation comme à l'ouverture des cultures du monde, qui sont toutes égales dans leur dignité, comme l'a rappelé le Président de la République lors de l'inauguration du musée du quai Branly.
Face aux écarts de développement, aux inégalités économiques qui se creusent au niveau tant national qu'international, notre pays se doit de faire preuve de solidarité culturelle, mais également de renforcer la coopération internationale.
Face à la montée des intégrismes, des communautarismes, des obscurantismes, il y a urgence à construire des passerelles entre les cultures, à approfondir le dialogue des civilisations. L'art ne nous rappelle-t-il pas en permanence que nous faisons partie d'une communauté qui s'appelle l'humanité ?
S'il est essentiel d'oeuvrer à la circulation comme à l'ouverture des cultures du monde, cela passe par la circulation des artistes. À cet égard, je regrette que certains danseurs, chanteurs, musiciens, comédiens et autres artistes aient parfois du mal à obtenir un titre de séjour malgré des contrats de travail établis en bonne et due forme. Notre administration, madame la ministre, se doit de faciliter ces échanges, en conformité avec nos engagements internationaux et dans le respect de nos traditions d'accueil. Plus que jamais, nous avons besoin d'une mondialisation des solidarités.
Les extrémismes, vous le savez, naissent en grande partie des frustrations engendrées par les disparités de développement et le défaut d'éducation, d'où l'importance et l'urgence de la coopération internationale. Avec le vaste réseau culturel et diplomatique de la France à l'étranger, CulturesFrance représente, à cet égard, un atout et une pièce maîtresse.
Au passage, j'exprimerai peut-être le regret d'une confusion trop souvent répandue dans le débat politique entre les mots « culture » et « art ». On le voit bien ici, le terme « artistique » lui-même disparaît de l'intitulé de la structure chargée des échanges artistiques ; on passe de l' « Association française d'action artistique » à « CulturesFrance ». Sans vouloir entrer dans une querelle de mots, la nuance est d'importance ; c'est d'ailleurs bien plus qu'une nuance. Mieux vaut bien nommer les choses, si l'on veut le bonheur du monde.
Cela étant, j'approuve le changement de statut de CulturesFrance dès lors que la nouvelle base juridique proposée se révèle en meilleure adéquation avec ses fonctions et qu'elle lui permet de remplir toujours plus et mieux ses missions.
J'ai pensé un temps que le statut d'établissement public de coopération culturelle présentait l'avantage de favoriser et de formaliser le partenariat avec les collectivités territoriales, de plus en plus impliquées dans la coopération culturelle internationale.
Toutefois, un élément déterminant me fait adhérer sans réserve à cette transformation de l'association CulturesFrance en établissement public industriel et commercial : le fait que l'évolution du statut passe nécessairement par un acte législatif. L'existence même de CulturesFrance sera dorénavant inscrite dans la loi, ce qui lui conférera une légitimité incontestable et une nouvelle place indiscutable. CulturesFrance sera ainsi symboliquement consolidée, et je m'en réjouis.
Cette consolidation doit aussi se traduire par un contrat d'objectifs et de moyens permettant à CulturesFrance de gagner en efficacité et en lisibilité. Comme le disait Jean Cocteau, « il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour ».
Dans le même temps, je ne saurais oublier qu'un statut juridique, quel qu'il soit, ne remplace jamais un bon budget. Alors que la pertinence de l'action de CulturesFrance est pleinement reconnue à l'étranger, il est particulièrement regrettable que cette structure ait été fragilisée par la représentation nationale elle-même. On en arrive à la situation ubuesque où la réputation de CulturesFrance n'est plus à faire, sauf parfois en France !
En l'occurrence, la philosophie comptable de la LOLF fragilise la gestion du nouvel organisme comme elle a pu fragiliser les deux associations dont il est issu, l'Association française d'action artistique et l'Association pour la diffusion de la pensée française.
C'est pourquoi je propose que la subvention de CulturesFrance atteigne au minimum, en 2008, le montant de 2006. Fortement pénalisée en 2007 non seulement par la diminution brutale de sa subvention à hauteur de 900 000 euros, mais aussi par le gel budgétaire de 5 % de ses crédits, CulturesFrance doit faire face à des choix cornéliens : licencier du personnel ou annuler des programmes, au grand désespoir de nombreux artistes fortement investis.
Il est vraiment urgent de permettre à CulturesFrance de retrouver des moyens conformes à l'engagement international de la France en faveur de la diversité et de la promotion des cultures, comme de la spécificité de la culture française, qui est aussi notre meilleure ambassadrice des droits de l'homme, de la liberté et de la citoyenneté. Personne ne plaide mieux la liberté de création, la liberté d'expression et la liberté de pensée que les artistes eux-mêmes et leurs oeuvres.
Il me paraît aussi indispensable que le ministère de la culture, que je regrette de ne pas voir représenté ce soir, s'implique toujours mieux et davantage aux cotés du ministère des affaires étrangères dans le pilotage de CulturesFrance, y compris en termes de contribution budgétaire.
L'intelligence et la sensibilité sont les principales ressources de l'humanité ; il nous faut les cultiver face à la barbarie quotidienne qui menace nos sociétés sous toutes les latitudes. Sur tous les continents, l'art et la culture offrent un socle pour mieux construire la société de demain. On le constate, les artistes, la création restent une source d'inspiration et de construction pour un monde pacifié, solidaire et, surtout, plus juste et plus équitable. C'est pourquoi il est urgent de donner, en quelque sorte, « des racines et des ailes » à CulturesFrance. (Sourires.)
C'est dans cet esprit que le groupe CRC votera les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi relative à la transformation de CulturesFrance en établissement public industriel et commercial, en souhaitant que l'Assemblée nationale - l'actuelle ou la future - puisse également se prononcer rapidement sur ce texte. En tout état de cause, le Sénat aura accompli un geste fort pour une structure qui fait beaucoup en faveur du rayonnement de la culture française dans le monde et contribue ainsi au dialogue des civilisations.
Avant de conclure, je veux saluer le travail de notre rapporteur Louis Duvernois qui, sous la houlette bienveillante du président Jacques Valade, a entraîné ses collègues turbulents de la commission des affaires culturelles dans un travail constructif.
M. Jean-Léonce Dupont. Ça, c'est vrai !
M. Ivan Renar. Avec ce vote, je plaide pour une mondialisation à visage humain, sous forme d'échanges, dont la loi serait non plus le profit le plus éternel possible mais l'équilibre entre donner et recevoir, et je m'inscris résolument dans le sillage d'André Malraux : « L'art est le plus court chemin qui mène de l'homme à l'homme. » (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier le président et le rapporteur de la commission des affaires culturelles, ainsi que l'ensemble de cette dernière.
Après de précédents débats, ici même, dont chacun se souvient, débats marqués par une critique un peu dure à nos yeux de l'action culturelle extérieure de la France, force est de reconnaître un véritable renversement de situation. Après avoir sans doute mal vécu cet épisode, les fonctionnaires des administrations concernées et les militants de terrain qui travaillent pour la cause de l'action culturelle extérieure vont pouvoir constater le revirement effectué par le Parlement, ce qui devrait leur rendre le courage nécessaire pour mener une action difficile. Il faut en effet qu'ils se sentent soutenus ! Rien n'est pire pour les militants de causes difficiles que de sentir, au niveau du Parlement ou du Gouvernement, à quel point la critique est facile alors que les crédits ne suivent pas forcément !
Nous soutenons bien sûr ce changement de statut de CulturesFrance, mais, au-delà de la question du statut, ce sont les missions qui comptent. Un statut légitimé et clarifié, c'est bien, mais, sur le fond, les missions priment.
Permettez-moi de relire un extrait du rapport rédigé par Jacques Blot sur la fusion des agences chargées de l'action culturelle extérieure :
« Si le nouvel opérateur ne devait apparaître que comme l'addition d'associations existantes, sa création n'aurait pas de sens. Il doit être conçu comme un instrument apportant à notre action extérieure une meilleure visibilité, plus de créativité pour l'adapter à la diversité du monde et aux novations technologiques, plus de souplesse et de réactivité. » Nous pouvons tous, je crois, adhérer à cette vision-là.
« Son organisation devrait tenir compte de trois grandes fonctions : promotion du patrimoine et de la création, production et communication, aide à la diversité culturelle. Elle doit préserver deux spécificités : le rôle de la culture dans la construction européenne, les liens particuliers de la France avec l'Afrique. »
Il ne faudra peut-être pas s'enfermer uniquement en Afrique et en Europe : le monde, c'est aussi la Chine, l'Inde ou l'ancienne Indochine française... Mais il est vrai que ces spécificités existent, et c'est pourquoi j'adhère tout à fait à cette vision.
Au-delà du statut, il est certain que les missions que le réseau culturel, les Alliances françaises et l'AFAA ont exercées au cours des dernières décennies ont singulièrement évolué en raison des réalités auxquelles ils ont été confrontés. Si la première de ces missions consiste à assurer une promotion de la culture française - c'est indiqué dans les statuts -, nous n'avons pas à nous en plaindre, car c'est un minimum. Pour instaurer un dialogue, il nous faut d'abord exister nous-mêmes !
Le thème de la culture et du développement est l'autre dimension qui a émergé considérablement.
En effet, on imagine mal aujourd'hui une politique du développement qui ne se fonderait pas sur une politique de la connaissance : la connaissance des milieux, naturels et culturels, des pays dans lesquels nous travaillons, des traditions, des religions, en essayant d'ailleurs, à cet égard, de tracer la frontière entre ce qui peut s'apparenter à l'intégrisme et ce qui relève de la culture, comprise comme un espace de démocratie, d'ouverture, de liberté. Il y a là un travail de fond remarquable à accomplir, auquel la France peut contribuer au côté des pays concernés.
Par conséquent, je vois deux dimensions dans le champ qui nous occupe : celle, assez traditionnelle, de la diffusion de notre propre culture, et celle, qui prend de plus en plus d'importance, de l'aide à la promotion des cultures des pays dans lesquels nous intervenons. J'insiste fortement sur cette seconde dimension. D'ailleurs, beaucoup de centres culturels inscrivent déjà leur action dans cette dynamique.
Sur ce plan, l'AFAA apporte son soutien, mais sur le terrain, c'est souvent le centre culturel ou l'Alliance française qui agit. Je tiens donc à bien mettre en exergue, dans notre stratégie globale, le rôle joué par le réseau des centres culturels et des Alliances françaises.
À cet égard, madame la ministre, j'ai pu constater, en visitant récemment le centre culturel de Ouagadougou, au Burkina-Faso, que les moyens financiers ne sont pas exactement à la hauteur des besoins. Je ne vous apprendrai rien sur ce point, mais il existe une tension extrême. Le directeur du centre m'a clairement dit qu'il avait besoin de 80 000 euros supplémentaires, non pas pour promouvoir je ne sais quelles idées, mais simplement pour faire face à la demande locale. En effet, le centre culturel est souvent un acteur majeur de la vie culturelle de la ville où il est implanté : il révèle des artistes, il monte des opérations, il est sollicité tous les jours, en termes de moyens matériels et humains.
Là est la spécificité africaine qui a été évoquée. Cela rejoint le débat que nous avons eu, en présence de Mme Girardin, sur l'aide publique au développement. Nous étions alors arrivés à la conclusion unanime que le solde de l'aide publique au développement, une fois que les dépenses obligatoires et le poids de la dette publique ont été pris en compte, se réduit à peu de chose. Dans ces conditions, on fait avec ce que l'on a, et le mieux que l'on puisse faire, c'est maintenir ; mais maintenir, cela veut dire régresser, parce qu'il faut absorber l'augmentation des salaires, des charges, de la demande... On peut certes se satisfaire de ce qui est fait, mais il faut tout de même dire les choses clairement et ne pas laisser croire que tout va bien.
En tout état de cause, nous devons tout de même avoir des priorités et hiérarchiser nos objectifs. Si la France veut maintenir son rang dans le monde et voir reconnaître son influence culturelle, notamment en Afrique, où d'autres pays nous font concurrence, elle doit s'en donner les moyens ; sinon, il est clair que notre pays se trouvera marginalisé. J'espère d'ailleurs que ces questions seront soulevées lors du débat en vue de l'élection présidentielle.
Il convient donc d'évoquer cette problématique des missions et des moyens, qu'il s'agisse du réseau des centres culturels, de l'Alliance française ou de CulturesFrance.
À ce sujet, madame la ministre, il nous a été indiqué que la fondation de l'Alliance française serait dotée d'un capital de 2 millions d'euros, si mes souvenirs sont exacts. C'est une bonne chose, à mon avis, mais, parallèlement, on a retiré 500 000 euros à CulturesFrance, ce que nous avons - je le dis franchement - mal vécu. Je n'opposerai pas ces deux décisions, parce que j'aime beaucoup les Alliances françaises et que tout ce qui facilite leur fonctionnement me réjouit, mais je demande ce soir que, en une prochaine occasion, CulturesFrance soit dotée elle aussi d'un fonds de roulement.
Cela nous ramène d'ailleurs aux critiques visant l'existence de réserves financières. En effet, CulturesFrance était obligée d'en constituer afin de pouvoir payer son personnel. C'était donc de bonne gestion. Il convient désormais, je le répète, de doter CulturesFrance d'un capital : c'est une simple question de bon sens. Au-delà des discours, il faut que nous soyons très pragmatiques et que nous disions les choses telles qu'elles sont.
J'affirmerai maintenant mon attachement à un éventuel élargissement, souvent évoqué, de l'outil que représente CulturesFrance à d'autres institutions. Cela a d'ailleurs commencé, par le jeu de fusions. Nous souhaitons tous plus de visibilité, de lisibilité, de mutualisation.
Au-delà, ce qui comptera beaucoup, c'est l'organisation des partenariats, en particulier avec ce grand opérateur qu'est l'Agence française de développement, d'autant que cette dernière, à cause de la relation de plus en plus affirmée entre culture et développement, s'intéresse à des questions culturelles. Il faudra donc établir ou renforcer les liens, peut-être à l'échelon du conseil d'administration, notamment avec les universités.
On ne peut en effet ignorer le monde universitaire, très présent sur le terrain. De multiples actions se développent, souvent avec le soutien des régions et des départements. Bien entendu, les centres culturels travaillent avec les universités. Tout ce qui pourra permettre de créer, au sommet, des liens étroits entre tous les partenaires sera positif.
Cela concerne aussi les collectivités territoriales, puisque le thème de la coopération décentralisée est omniprésent. Il faudra donc prévoir des articulations. D'ailleurs, l'AFAA avait, en son temps, passé des conventions avec les régions en vue de monter des actions. Les partenariats doivent être intensifiés.
Enfin, s'agissant de la tutelle, je me réjouis qu'un projet de contrat d'objectifs soit en cours d'élaboration. Cela permettra une clarification, car ce qui a souvent fait défaut, jusqu'à présent, c'est précisément une meilleure lisibilité de la politique menée et des objectifs. Chacun fait pour le mieux, mais l'action est souvent dispersée entre une multitude d'objectifs sans qu'une hiérarchie ait été dégagée. Cette fois, au moins, on indique clairement la voie à suivre, quitte à ajuster ensuite les choses chemin faisant, bien entendu.
Quoi qu'il en soit, il était à mon sens indispensable de mettre en place une telle feuille de route, qui a souvent manqué dans le passé. L'accent est mis sur l'importance du travail que nous devons accomplir pour contribuer à faire émerger les cultures locales. Il ne s'agit pas seulement, comme je le disais tout à l'heure, de transmettre notre propre culture.
Cela correspond bien à l'esprit de la Convention de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, l'UNESCO, pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, à laquelle il est fait référence. À cet égard, madame la ministre, on m'a indiqué que le seuil des trente pays signataires avait été franchi, ce qui permet l'entrée en vigueur de la Convention. Quelque quarante États l'auraient ratifiée, selon les informations dont je dispose.
En outre, peut-être pourrez-vous nous confirmer que le directeur général de l'UNESCO envisage de réunir les premiers adhérents à la Convention avant même la conférence générale de l'automne 2007, c'est-à-dire avant l'été, afin de mettre en place le comité intergouvernemental. Si cela est vrai, il est certain que la France devra se préparer à cette échéance avec tous les outils dont elle dispose, de manière à se présenter bien armée lorsqu'il sera procédé à l'installation du comité intergouvernemental. En effet, il serait déplorable que, après une bataille de plusieurs années pour obtenir cette Convention, nous négligions cette phase de préparation de nos arguments et d'affirmation de nos positions !
Je vous demande donc, madame la ministre, d'être très attentive à cette question, et de vérifier avant toute chose si les informations, provenant de l'UNESCO, selon lesquelles le directeur général a l'intention de réunir rapidement les représentants des premiers États signataires sont fondées. Quand l'UNESCO mettra en place le dispositif, la France devra être en mesure de présenter un argumentaire solide, des dossiers, des propositions, qui lui permettront de tenir la tête haute et de conserver un rôle de leader sur le plan culturel, sans prétendre exercer une domination. C'est là un enjeu pour demain, qui mérite de notre part une réflexion approfondie. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés ce soir à examiner la proposition de loi de notre collègue de la commission des affaires culturelles Louis Duvernois, relative à la transformation de l'association CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial.
La constitution de l'association CulturesFrance, née le 22 juin 2006 de la fusion de l'Association française d'action artistique et de l'Association pour la diffusion de la pensée française, répondait au souhait de la commission des affaires culturelles, mais aussi à celui de personnalités telles que Jacques Blot, président de l'AFAA, qui demandaient l'évolution du statut de cet organisme, afin de rationaliser l'action culturelle extérieure française, conformément aux préconisations formulées par notre groupe lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, s'agissant de l'audiovisuel extérieur.
Notre collègue Louis Duvernois avait souligné, dans son rapport d'information, la nécessité de rassembler au sein d'un opérateur unique les diverses agences oeuvrant à la promotion de la culture française à l'étranger, auparavant éparpillées. Les conclusions de la Cour des comptes rendues à la demande de la commission des finances du Sénat en décembre dernier conduisent à adapter aujourd'hui le statut de l'association CulturesFrance.
Au-delà du changement du statut juridique de l'association, l'examen de cette proposition de loi nous fournit l'occasion de parler du rayonnement culturel de notre pays, puisque CulturesFrance en est un outil majeur. L'image de notre pays, l'influence que conserve la France, terre des arts et des Lumières, dans le monde ne tiennent plus aujourd'hui à son seul poids économique, mais reposent largement sur l'action culturelle extérieure qu'elle mène sur l'ensemble des continents et auprès de nombreuses populations.
Il faut rappeler ici le rôle essentiel que joue et que sera amené à jouer le réseau culturel et diplomatique de la France à l'étranger : c'est par le maillage que permet l'ensemble de ce réseau et par sa présence sur le terrain que la France peut tenir un rôle majeur dans ce domaine.
Je profite de cette occasion, madame la ministre, pour vous sensibiliser au risque d'un affaiblissement des actions culturelles de nos ambassades et de nos consulats en Europe, qui ont été touchés ces dernières années par la restriction des moyens humains et matériels. En tout cas, CulturesFrance devra s'appuyer sur ce réseau pour mener à bien l'ensemble de ses missions.
C'est pourquoi la transformation du régime juridique de CulturesFrance doit être vue comme un moyen de renforcer sa vocation, et non comme une remise en cause provoquée par les critiques émises par la Cour des comptes en décembre dernier. En particulier, cette réforme permet de définir plus précisément le périmètre des missions de l'association, périmètre qui avait été critiqué dans le rapport de la Cour des comptes rédigé à la demande de la commission des finances.
Nous nous félicitons donc de ce que l'article 2 de la proposition de loi définisse précisément l'ensemble des missions qu'aura à remplir l'établissement public. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point : le changement de statut n'aurait que peu d'intérêt si, simultanément, on ne s'interrogeait pas sur le rôle de cette structure, sur les objectifs qu'elle se fixe et sur les moyens dont elle aura besoin.
La réforme intervient également dans un contexte d'amélioration de la gestion de l'établissement, notamment par la mise en place d'un contrat d'objectifs et de moyens, synonyme d'un approfondissement du dialogue entre CulturesFrance et ses tutelles, dont le contrôle était, selon la Cour des comptes, insuffisant. Ce point est plutôt encourageant dans la mesure où les critiques concernaient principalement la gestion de l'association, ce qui avait conduit le Sénat à diminuer de 500 000 euros le montant de la subvention versée par le ministère des affaires étrangères.
De l'avis des personnalités entendues par la commission des affaires culturelles, notamment le président de CulturesFrance, la réforme est opportune et pertinente. En effet, le statut associatif pose aujourd'hui plus de difficultés juridiques qu'il n'en résout, contribuant ainsi à dévaloriser l'institution. La transformation en EPIC devrait entraîner une amélioration du management de cette structure, grâce à une autonomie et une souplesse plus grandes, et donc un gain en efficacité, comme le permettent, dans un autre domaine, les établissements publics de coopération culturelle.
Cette réforme doit aussi être l'occasion de conforter les moyens, notamment budgétaires, de l'association pour remplir ses missions. Espérons que la transformation en EPIC permettra la stabilisation financière de CulturesFrance et la pérennisation des projets. Lors de son audition par la commission, M. Jacques Blot a évoqué un déficit de 900 000 euros à la suite de la décision prise par le Sénat, en décembre dernier, de réduire le montant de la subvention du ministère des affaires étrangères, et il a exprimé ses inquiétudes quant à la dotation qui serait allouée pour 2008, si les tutelles devaient reconduire les montants accordés en 2007.
Tout en permettant le transfert des personnels de l'association dans de bonnes conditions, le changement de statut renforce la légitimité de l'institution en améliorant son fonctionnement et sa gestion. Cette légitimité est également accrue parce que, une fois la proposition de loi adoptée, l'établissement public CulturesFrance sera inscrit dans la loi et ne verra plus son existence contestée.
Nous sommes également satisfaits de la modification du texte initial, la commission ayant ajouté, parmi les missions de CulturesFrance, l'organisation des « saisons culturelles » et des « Années croisées ». Ces manifestations participent pleinement, par l'accueil de cultures étrangères, à la promotion de la diversité culturelle que la France a fortement défendue.
Pour y avoir participé à plusieurs reprises en tant qu'élue locale, je peux témoigner de l'intérêt de ces manifestations pour favoriser l'ouverture aux autres, l'échange entre les peuples, ce que l'on appelle désormais un peu pompeusement « le dialogue interculturel ».
Nous ne pouvons encore une fois que nous féliciter de l'adoption de cette réforme qui renforce l'opérateur CulturesFrance dans ses missions et participe au développement de la diplomatie culturelle de la France sur le modèle des grands opérateurs étrangers assurant la promotion de la culture nationale comme le Goethe-Institut, l'Instituto Cervantes ou le British Council. Il faut souhaiter que CulturesFrance évolue dans ce sens.
Je conclurai en remerciant notre collègue Louis Duvernois pour la qualité de son travail et sa persévérance sur ce sujet, ainsi que mes collègues membres de la commission des affaires culturelles qui ont participé à la réflexion sur cette proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je rentre d'Amérique andine - Venezuela, Colombie et Équateur - où j'ai constaté une fois de plus que, là-bas comme à Bamako ou à Dakar, comme à Hong-Kong ou à Delhi, c'est son action culturelle qui donne à la France une visibilité, un prestige et une influence auprès des peuples.
Grâce à l'action culturelle qu'elle mène dans des pays lointains, la France n'est pas seulement un pays d'Europe parmi d'autres ; elle reste un pays dont on souhaite parler la langue - même si cela n'apporte aucun avantage de carrière -, un pays où l'on rêve d'aller, un pays dont on connaît quelques oeuvres littéraires et quelques monuments.
En ayant cela présent à l'esprit et au coeur, j'exprime toute ma reconnaissance à l'AFAA et à l'ADPF pour les actions qu'elles ont accomplies et pour les spectacles, les expositions, et les conférenciers qu'elles ont fournis aux centres culturels et aux Alliances françaises. Je rends hommage à la manière dont elles ont permis que, partout dans le monde, des artistes de France puissent communier avec les spectateurs et avec d'autres artistes dans le bonheur de produire du beau et de l'émotion, concourant ainsi à la culture universelle.
J'approuve donc l'initiative de notre collègue Louis Duvernois, car donner le statut d'EPIC à CulturesFrance, cette association issue de la fusion de l'AFAA et de l'ADPF, garantit à cette dernière les moyens de poursuivre, dans des conditions juridiques et financières consolidées, son oeuvre au service de notre culture, de notre langue et de la diversité culturelle mondiale.
Cette nouvelle structure juridique correspond mieux à la réalité de son fonctionnement que le statut associatif, maintes fois critiqué. Nous pouvons espérer que le statut d'EPIC permette d'assurer une gestion plus dynamique, plus transparente et plus satisfaisante de CulturesFrance.
Cette rigueur de gestion sera d'autant plus nécessaire que la majorité de la Haute Assemblée a déstabilisé CulturesFrance en diminuant de 500 000 euros sa subvention pour 2007. Je suis heureuse de voir ce soir que ce mauvais moment semble oublié.
Mais avec un fonds de roulement réduit à quarante jours et un déficit de 900 000 euros, CulturesFrance débute dans la pénurie, comme d'ailleurs toutes les autres structures de notre action culturelle dont le dynamisme et la pérennité sont aussi menacés, ainsi que le soulignait Yves Dauge.
S'il est souhaitable de développer l'autonomie financière de CulturesFrance en accroissant la part des partenaires extérieurs à travers l'appel au mécénat, le développement de partenariats avec les collectivités locales et la participation aux appels d'offres internationaux - notamment dans le cadre de l'Union européenne -, il nous faudra cependant rester vigilants à la fin de cette année quant à la base qui sera retenue pour le calcul de la dotation de CulturesFrance pour 2008. En aucun cas, ce ne pourrait être la subvention amputée pour 2007. J'espère que nous retrouverons en décembre prochain la même unanimité que ce soir.
L'efficacité de CulturesFrance devenue un EPIC continuera de dépendre des hommes et des femmes qui l'animent, de leur culture, de leur savoir-faire et de leur entregent, alliés à un sens aigu des contraintes techniques et financières. Nous avons constaté que les contrats de travail des personnels de l'association seront reconduits dans l'EPIC. Nous serons attentifs à l'évolution de leur situation.
Nous comptons sur CulturesFrance pour continuer à travailler au développement des échanges artistiques dans le cadre de la réciprocité et de l'enrichissement mutuel des cultures.
L'action culturelle à l'étranger et l'action culturelle en France sont complémentaires ; sur ce point, nous n'étions pas d'accord avec certains de nos collègues. Les esprits évoluent, et nous souhaitons que CulturesFrance continue de jouer un rôle dans la valorisation des cultures des pays du Sud, en particulier africaines, et de participer ainsi à la lutte pour le développement.
Dans le prolongement de son action internationale et au vu du texte que nous allons, j'espère, voter ce soir à l'unanimité, CulturesFrance continuera à être en charge d'actions d'échanges visant à promouvoir le dialogue des cultures, notamment l'organisation des saisons françaises à l'étranger et des saisons culturelles étrangères en France.
Je conclurai sur ce point. Il n'y a pas de diplomatie sans échanges, et c'est notamment vrai dans le domaine de la culture. La France a fait triompher le principe de la réciprocité en prenant l'initiative de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Le mauvais procès fait à l'AFAA au sujet de l'organisation des saisons culturelles en France se referme avec ce texte. Ce sera le rôle de CulturesFrance de promouvoir la diversité culturelle en organisant en France des manifestations culturelles en faveur de pays qui accueillent les nôtres.
C'est pourquoi le groupe socialiste, fidèle à son engagement en faveur de l'action culturelle extérieure de la France et du dialogue des cultures, votera les conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de Louis Duvernois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner combien le moment que nous partageons ensemble, que nous soyons membre de la commission des affaires culturelles ou simple sénateur présent dans cet hémicycle, est privilégié. Madame la ministre, je suis ravi que vous puissiez le vivre avec nous.
Voilà peu de temps, la Cour des Comptes et la commission des finances formulaient des critiques à l'égard de CulturesFrance. Je me souviens d'une audition de la commission des finances qui avait permis de rassembler, sur l'initiative de son président, tous les protagonistes, les censeurs comme les acteurs. Elle nous avait permis de nous forger une opinion bien que, je le reconnais bien volontiers, certaines critiques, même si elles étaient fondées, étaient sans doute particulièrement sévères.
À l'issue de ces travaux, des recommandations ont été présentées, notamment la transformation en EPIC, ce que notre collègue Louis Duvernois a traduit dans sa proposition de loi.
À cet égard, je souligne combien la réaction du Sénat, qui a pris l'initiative en ce domaine, a été rapide dès lors qu'est apparue la nécessité de modifier le statut juridique de CulturesFrance, après les critiques formulées à son encontre. Nous n'avons en effet pas attendu que le Gouvernement nous soumette ce texte.
M. Duvernois, qui est orfèvre en matière de relations extérieures, sillonne sans cesse le monde avec les autres représentants des Français de l'étranger, qui ont tous une grande expérience dans ce domaine. Je voudrais donc que l'on prenne acte du fait que le Sénat n'est pas aussi inerte qu'on veut bien le faire croire et que, lorsqu'il s'agit de gérer un dossier difficile mais qui lui paraît fondamental, il fait preuve d'une capacité d'innovation et de proposition que le Gouvernement veut bien de temps en temps lui reconnaître.
Nous nous sommes donc mis au travail, et la commission des finances, compte tenu des remarques qui avaient été formulées, a suivi nos efforts avec sympathie et attention. Nos différentes commissions savent se réunir lorsqu'il s'agit de faire avancer des sujets qui nous paraissent mériter notre attention !
Je remercie M. le rapporteur pour son excellent travail, mais également nos collègues pour les jugements de valeur qu'ils ont portés tant sur les efforts effectués par la commission que j'ai l'honneur de présider que sur les propositions formulées par cette dernière.
J'espère que le statut d'EPIC que nous allons maintenant mettre en place sera confirmé le plus rapidement possible par nos collègues de l'Assemblée nationale.
Cette réforme est nécessaire et urgente. À cet égard, je voudrais revenir sur les propositions qui sont contenues dans cette proposition de loi.
Tout d'abord, il faut préciser les objectifs de l'établissement, comme le rappelait Yves Dauge, et étendre ses compétences, notamment au patrimoine cinématographique. Madame la ministre, vous êtes mieux placée que quiconque pour savoir ce que cela signifie, puisque vous avez dirigé récemment le Centre national de la cinématographie.
Par ailleurs, si la diversité culturelle doit naturellement faire l'objet d'une promotion et d'une diffusion essentiellement à l'étranger, le territoire national ne doit pas être négligé, comme cela a été excellemment rappelé.
À cet égard, je tiens à dire combien les « Années croisées » - je le sais pour y avoir participé -, qu'il s'agisse de l'Année croisée avec la Chine, de l'Année croisée, bientôt, avec la Lettonie, de l'Année croisée avec le Brésil, ont un écho considérable non seulement à l'étranger - vous le rappeliez, madame Cerisier-ben Guiga -, mais également en France. Ces manifestations favorisent tant la promotion de la diversité culturelle qu'une meilleure connaissance par nos concitoyens de la culture du pays ainsi mis en valeur et nos capacités par rapport à ce pays.
La question de savoir s'il faut se concentrer uniquement sur l'extérieur me paraît donc être un faux problème, une fausse querelle. Une organisation logique et rationnelle s'impose donc, même s'il ne faut bien sûr pas trop en faire.
Je reviendrai maintenant sur un point de l'article 2 qui a suscité certaines réactions et quelques inquiétudes. Cet article prévoit que, parmi les missions de CulturesFrance, figure « le soutien à la création et au développement des expressions artistiques africaines et francophones contemporaines, leur promotion et leur diffusion en Afrique et dans le monde ».
Cette disposition ne signifie pas l'abandon des actions que nous devons conduire dans les pays de la zone de solidarité prioritaire, bien au contraire. Elle ne signifie pas non plus que les moyens supplémentaires et spécifiques à destination de ces pays doivent être englobés dans je ne sais quel magma qui interdirait de les privilégier. C'est en effet le Gouvernement qui décide, c'est lui qui établit la liste des pays faisant partie de cette zone.
Par conséquent, même si l'exercice de cette mission n'est pas limité au seul continent africain ou aux zones francophones, dans la mesure où l'échange culturel est bénéfique dans tous les pays, les ministères de tutelle, par l'intermédiaire du contrat d'objectifs et de moyens, pourront toujours définir des zones prioritaires pour mettre en oeuvre cette action. Le Gouvernement faisant ses choix, la réciprocité des actions entre l'extérieur et le territoire national étant respectée, l'accent pourra être mis plus particulièrement sur des zones prioritaires.
S'agissant maintenant des moyens, nous avons vécu, c'est vrai, des moments difficiles, avec une réduction des crédits pour CulturesFrance. Notre collègue Ivan Renar, citant Jean Cocteau, disait tout à l'heure qu'il n'y a pas d'amour, qu'il y a seulement des preuves d'amour. J'espère donc que les prochains budgets nous permettront de vérifier cette parole ! (Sourires. - Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
Il est créé un établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé « CulturesFrance », placé sous la tutelle du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la culture. - (Adopté.)
Article 2
L'établissement public est un opérateur de l'État au service des échanges culturels internationaux et de l'aide au développement culturel dans les domaines des arts de la scène, des arts visuels, des arts appliqués, de l'architecture, du patrimoine cinématographique, de l'écrit, et de l'ingénierie culturelle.
Ses missions sont les suivantes :
1° La promotion à l'étranger de la création contemporaine et du patrimoine français ;
2° La mise en oeuvre à l'étranger et en France de programmes de coopération artistique ou de développement culturel, y compris par l'organisation de saisons culturelles ;
3° Le soutien à la création et au développement des expressions artistiques contemporaines, leur promotion et leur diffusion dans le monde ;
4° La réunion, la production et la diffusion de toutes informations utiles à son objet, par les moyens de l'édition, de l'audiovisuel ou des nouvelles technologies, de la fourniture d'ouvrages et de tous appuis logistiques ;
5° La participation à des programmes européens et autres programmes bilatéraux et multilatéraux ;
6° La formation, dans les domaines de sa compétence, des personnels du réseau culturel français à l'étranger.
Afin d'accomplir ses missions, l'établissement s'appuie sur le réseau diplomatique et culturel à l'étranger et sur des partenaires publics et privés. - (Adopté.)
Article 3
L'établissement public est administré par un conseil administration, dont le président est nommé par décret pris sur le rapport des ministres de tutelle, pour une durée de trois ans renouvelable une fois. Le président du conseil d'administration est assisté d'un directeur administratif qu'il nomme.
Le conseil d'administration de l'établissement est composé, outre son président, de représentants des ministères de tutelle, de personnalités qualifiées et de représentants du personnel élus. Les attributions et le mode de fonctionnement de l'établissement public ainsi que la composition de son conseil d'administration sont précisés par décret. - (Adopté.)
Article 4
Les ressources de l'établissement sont constituées par :
1° Des dotations de l'État ;
2° La rémunération de ses services ;
3° Les recettes de mécénat provenant d'entreprises françaises et étrangères ;
4° Les participations et placements financiers ;
5° Les intérêts et les remboursements de prêts ou avances ;
6° Les revenus des biens meubles et immeubles et produits de leur aliénation ;
7° Des subventions et contributions d'administration, de collectivités territoriales et de tous organismes publics ou privés, nationaux, communautaires, ou internationaux ;
8° De dons, legs et recettes diverses. - (Adopté.)
Article 5
Les biens, droits et obligations de l'association dénommée « CulturesFrance » sont dévolus à l'établissement public dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. - (Adopté.)
Article 6
L'établissement peut bénéficier du concours de fonctionnaires ou agents de l'État et de ses établissements publics par voie de mise à disposition ou de détachement, dans les conditions prévues par le statut des intéressés.
À cet effet, l'établissement signe avec l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, et les établissements concernés les conventions précisant notamment la nature des activités des fonctionnaires ou agents intéressés, les conditions de leur emploi et de l'évaluation de leurs activités. - (Adopté.)
Article 7
L'établissement public reprend les personnels relevant de l'association CulturesFrance dans les conditions fixées par l'article L. 122-12 du code du travail. - (Adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi n° 126.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité des présents. (Applaudissements.) Je tiens à en féliciter la commission des affaires culturelles, puisqu'il y règne une ambiance paraît-il exceptionnelle !
11
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu de M. Louis de Broissia, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
Le rapport sera imprimé sous le n° 227 et distribué.
J'ai reçu de Mme Paulette Brisepierre un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part (n° 201, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 228 et distribué.
12
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de Mme Josette Durrieu un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les travaux de la Délégation française à cette Assemblée, au cours de la première partie de la session ordinaire de 2007, adressé à M. le président du Sénat, en application de l'article 108 du règlement.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 229 et distribué.
13
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 14 février 2007 :
À onze heures trente :
1. Discussion des conclusions du rapport (n° 197, 2006-2007) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Pour les quatre projets de loi suivants, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée selon les modalités approuvées lors de la réunion du 31 mai 2006 :
2. Discussion du projet de loi (n° 72, 2006-2007) autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela), d'autre part ;
Rapport (n° 165, 2006-2007) fait par M. Robert del Picchia, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
3. Discussion du projet de loi (n° 73, 2006-2007) autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part ;
Rapport (n° 166, 2006-2007) fait par M. Michel Guerry, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
4. Discussion du projet de loi (n° 71, 2006-2007) autorisant l'approbation du protocole visant à modifier la convention relative à l'Organisation hydrographique internationale ;
Rapport (n° 191, 2006-2007) fait par M. André Boyer, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
5. Discussion du projet de loi (n° 143, 2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Corée ;
Rapport (n° 209, 2006-2007) fait par M. Gérard Roujas, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
À quinze heures et le soir :
6. Désignation d'un membre de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de M. André Dulait ;
7. Discussion en deuxième lecture de la proposition de loi (n° 169, 2006-2007), modifiée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions intéressant la Banque de France ;
Rapport (n° 217, 2006-2007) fait par M. Philippe Marini, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
8. Discussion du projet de loi (n° 172, 2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs ;
Rapport (n° 212, 2006-2007) fait par M. Henri de Richemont, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 213, 2006-2007) fait par Mme Bernadette Dupont, au nom de la commission des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Question orale avec débat (n° 27) de M. Gérard Cornu relative à l'application de la loi en faveur des petites et moyennes entreprises ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 19 février 2007, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant modifications du code de justice militaire et du code de la défense (n° 219, 2006-2007) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 février 2007, à seize heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 414-8 et 414-9 du code pénal (n° 218, 2006-2007) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 février 2007, à seize heures.
Question orale avec débat (n° 26 rectifié.) de M. Jean-Paul Virapoullé à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur, relative à la création d'un Observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 20 février 2007, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Commission nationale consultative des droits de l'homme (n° 221, 2006-2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 20 février 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 février 2007, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures vingt.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD