Article 58 bis
I. - Le septième alinéa de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par les mots : « ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale ».
II. - Le septième alinéa de l'article 131- 30- 2 du code pénal est complété par les mots : « ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale ». - (Adopté.)
Article 58 ter
Pour l'application des dispositions du II de l'article 86 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, lorsqu'un étranger établit qu'il a présenté, avant le 31 décembre 2004, une demande tendant à l'abrogation d'un arrêté d'expulsion dont il a fait l'objet et n'a pas quitté le territoire français pendant une période de plus de trois ans durant les dix années précédant le 30 avril 2003, la condition de résidence habituelle en France mentionnée au premier alinéa du même II est réputée satisfaite.
Dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, les étrangers qui, ayant présenté une demande en ce sens avant le 31 décembre 2004, ont vu leur demande d'abrogation rejetée, sont recevables à présenter une nouvelle demande auprès de l'autorité administrative compétente.
Mme la présidente. L'amendement n° 511 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Pelletier, Mercier, Béteille et Haenel, est ainsi libellé :
A. - Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
I. - Par dérogation aux dispositions du I de l'article 86 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, lorsqu'un étranger qui a présenté, avant le 31 décembre 2004, une demande tendant au relèvement de plein droit de la peine complémentaire d'interdiction du territoire à laquelle il a été condamné postérieurement au 1er mars 1994 et établit qu'il n'a pas quitté le territoire français pendant une période de plus de trois ans durant les dix années précédant le 30 avril 2003, la condition de résidence habituelle en France mentionnée au premier alinéa du même I est réputée satisfaite.
Dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, les étrangers qui, ayant présenté une demande en ce sens avant le 31 décembre 2004, ont vu leur demande de relèvement rejetée, sont recevables à présenter une nouvelle demande auprès de l'autorité judiciaire compétente.
B. - En conséquence, faire précéder le texte de cet article de la mention :
II. -
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Cet amendement, important, se justifie par son texte même.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission émet un avis favorable.
Cet amendement tend à compléter judicieusement l'article 58 ter. En effet, il a pour objet de rouvrir la procédure de réexamen des mesures d'expulsion prises avant la loi de novembre 2003, qui auraient relevé de la législation sur la double peine si cette dernière avait existé alors.
Grâce à cet amendement, la double peine ne s'appliquera plus aux interdictions du territoire.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement, dont les auteurs, et je veux les en remercier, affirment leur volonté d'une meilleure justice et d'une plus grande clémence. D'ailleurs, je ne doute pas un seul instant que cet amendement sera adopté à l'unanimité par le Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je ne veux pas reconnaître à M. le ministre délégué des talents de devin, sauf à devoir désormais dissimuler nos positions pour pouvoir bénéficier d'un raisonnement a contrario ! (Sourires.)
En l'espèce, cet amendement vise à réparer une injustice, qui peut s'assimiler de près ou de loin à une double peine.
De surcroît, il y a, au fond de l'argumentation d'Hugues Portelli, comme un relent de régularisation des étrangers au bout de dix ans de présence en France qui nous semble particulièrement sympathique. Ne serait-ce que pour cette raison, inavouée, mais tout à fait perceptible, nous voterons cet amendement !
Toutefois, monsieur le ministre délégué, je n'engage que le groupe socialiste, pas l'ensemble des sénateurs, et je n'ai pas votre don de divination ! (Nouveaux sourires.) Pendant toute cette après-midi, l'indépendance de chaque groupe s'est appréciée à l'aune de sa liberté de vote. Je me garderai donc bien de faire un pronostic sur le sort qui sera réservé par la Haute Assemblée à l'amendement de M. Hugues Portelli.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 511 rectifié bis.
(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 58 ter, modifié.
(L'article 58 ter est adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA NATIONALITÉ
Article additionnel avant l'article 59
Mme la présidente. L'amendement n° 433, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les 1° et 2° de l'article 21-12 du code civil sont ainsi rédigés :
« 1° L'enfant qui est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou qui est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;
« 2° L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État, soit par un étranger résidant en France depuis cinq ans au moins. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mes chers collègues, je sens que je vais vous agacer.
M. Christian Cointat. Mais non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement tend à reprendre une proposition de loi relative à la protection des jeunes étrangers scolarisés que mes amis et moi-même avons déposée sur le bureau du Sénat.
Naturellement, nous avions pris cette initiative avant les déclarations et la circulaire de M. le ministre de l'intérieur, qui permettront des régularisations au cas par cas. Toutefois, malgré cette circulaire, qui touchera d'ailleurs un nombre restreint d'enfants et de jeunes, cette proposition de loi nous semble toujours d'actualité.
Je précise, pour la bonne compréhension du débat, que je distingue les enfants, d'une part, et les jeunes ou les mineurs, d'autre part, même si, aux termes de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, un individu est un enfant jusqu'à l'âge de 18 ans.
Il nous semble que les enfants et les mineurs ne sont pas suffisamment protégés par la législation en vigueur. Certes, des circulaires ont été prises, mais elles n'ont pas force de loi.
Pourtant, je le rappelle, ce problème concerne des élèves ou des enfants que rien ne distingue de leurs camarades, sauf que leur vie est gâchée, et souvent depuis longtemps. Quand ceux qui ont été scolarisés jusqu'à 18 ans atteignent leur majorité, les autorités refusent de leur accorder le titre de séjour qui leur permettrait de vivre normalement avec leur famille.
J'évoquais tout à l'heure le cas d'un jeune garçon qui passe le bac en ce moment et qui avait conclu un engagement pour travailler pendant les vacances. En effet, comme il faut bien vivre, de nombreux jeunes dans ce pays cherchent un emploi pendant les vacances. Et n'allez pas me dire qu'ils prennent la place des chômeurs !
Un patron était donc d'accord pour embaucher ce jeune pendant les vacances, mais malheureusement, il lui a demandé une pièce d'identité. Faute de pouvoir en produire une, le jeune ne peut pas travailler et n'a plus qu'à se cacher. Tant pis pour lui !
Je ne vous raconte pas cette histoire pour vous faire pleurer car, de toute façon, je n'y arriverai pas, mais parce qu'il y a là, me semble-t-il, un terrible gâchis.
Oui, la différence entre les jeunes que j'évoque et leurs camarades de classe, c'est que leur vie n'est pas drôle, et qu'elle est même souvent gâchée, comme je le disais.
Certes, d'autres élèves et leurs parents se mobilisent souvent pour leur venir en aide. En effet, comme le soulignait notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga, beaucoup de gens qui ne se font pas une idée très nette de la politique du Gouvernement en matière d'immigration, ou qui, à mon avis, n'en discernent pas toutes les implications, se mettent en quatre quand se trouve concerné leur voisin ou quelqu'un qui leur est proche, par exemple le copain de leur enfant, le fils de leur voisine, qu'ils rencontrent tous les jours à la porte de l'école, ou encore le petit ami de leur fille ou la petite amie de leur fils. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga acquiesce.)
On ne le dira jamais assez, la mobilisation de Réseau Éducation sans frontières est à l'honneur des enseignants qui ont créé cette association et des relais qu'ils ont su trouver.
Certes, la circulaire qui vient de paraître permettra peut-être de régler quelques cas particuliers. Toutefois, avec notre proposition de loi, le législateur affirmerait fortement que la République française accorde à ces jeunes un statut précis et protecteur.
En l'occurrence, il s'agirait d'offrir la nationalité française aux jeunes s'ils sont recueillis en France et élevés par une personne de nationalité française, s'ils ont été confiés au service de l'aide sociale à l'enfance ou encore s'ils ont été recueillis en France et élevés dans des conditions leur ayant permis de recevoir en France une formation, soit par un organisme public, soit par un organisme privé, soit par un étranger résidant en France depuis cinq ans au moins.
Si notre amendement était adopté, nous ne constaterions plus ces situations inacceptables, préjudiciables à des enfants qui méritent de recevoir de la France considération, respect et amitié.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, nous ne débattons plus à présent de la résidence des étrangers, mais de l'acquisition de la nationalité française. C'est une modification du code de la nationalité qui nous est ici proposée.
Madame Borvo Cohen-Seat, s'agissant tout d'abord du cas que vous avez évoqué, je ne comprends pas que l'on fasse si peu dans notre pays la promotion de l'acquisition de la nationalité. En effet, je le rappelle, de nombreux jeunes peuvent devenir Français, dès l'âge de treize ans, par simple déclaration et sous la condition d'une résidence d'une durée de cinq années. Or, certains d'entre eux l'ignorent, ce qui me semble regrettable, car demander et obtenir la nationalité française constitue tout de même, à ma connaissance, la meilleure façon de s'intégrer.
Ce qui fait l'originalité du droit des étrangers de notre pays, c'est un mode d'acquisition de la nationalité, qui, je le rappelle, est l'un des plus généreux du monde.
M. Christian Cointat. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame Borvo Cohen-Seat, vous souhaitez supprimer les conditions de durée - trois ou cinq ans, selon les cas - qui s'appliquent aujourd'hui aux enfants recueillis en France. La commission n'a pas souhaité que l'on modifie sur ce point le code de la nationalité, et elle a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 433.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 59
Les deux premiers alinéas de l'article 21-2 du code civil sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.
« Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage.
« Le conjoint étranger doit en outre justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l'article.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il est étonnant, et même choquant, de devoir aujourd'hui débattre des modalités qui régissent l'acquisition de notre nationalité dans le cadre d'un texte qui est fondamentalement une loi de police. En effet, nous sommes nombreux à penser que le droit de la nationalité relève d'un ordre beaucoup plus élevé que la simple police.
Toutefois, il faut reconnaître que l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger d'un Français fluctue au gré de l'état moral de notre pays, de ses besoins démographiques et des conceptions relatives à la place des femmes et des hommes dans la société.
Je ferai un bref rappel historique, qui permettra de mettre en perspective notre débat d'aujourd'hui.
Aux termes de la loi des 30 avril et 2 mai 1790, la France optimiste des débuts de la Révolution fait de l'étranger de sexe masculin marié à une Française un « citoyen actif », doté à ce titre du droit de vote, après cinq ans de séjour continu en France. Cette disposition est reprise par les constitutions révolutionnaires successives.
Avec le code civil, le ton change. C'est désormais l'étrangère qui devient française automatiquement quand elle épouse un Français, qu'elle le veuille ou non, car le mariage dans le cadre du code civil l'assujettit totalement à son mari, pour la nationalité comme pour les autres aspects de sa vie. Ce principe de l'unicité de la nationalité dans le mariage prévaut de 1803 à 1927.
En 1927, une nouvelle loi est adoptée. Si le mariage ne modifie en rien la nationalité de l'époux étranger, en revanche l'épouse d'un Français doit demander la nationalité lors de la célébration de cette union.
L'interprétation de ce texte n'est pas facile, il faut le souligner. La faculté offerte à la femme de demander la nationalité française est-elle une première reconnaissance de l'autonomie civile des femmes, ou s'agit-il d'un aspect de cette méfiance envers les étrangers qui monte à la veille de la sombre décennie 1930-1940 ? La question reste posée.
En 1945, changement de cap ! Le temps est à l'assimilation : rien ne change pour l'époux étranger, mais l'épouse étrangère devient automatiquement française à la date de son mariage, même si on lui permet tout de même de refuser cette nationalité.
En 1973, la montée de l'exigence de l'égalité entre hommes et femmes permet de mettre en place les fondements du droit aujourd'hui en vigueur en matière d'acquisition de la nationalité française par les époux.
Après un an de mariage, l'époux ou l'épouse étranger bénéficie d'une procédure de naturalisation simplifiée, la déclaration, dont les modalités ont varié, puisqu'elles ont été modifiées en 1984, en 1993, en 1998 et en 2003. Et voilà que nous les modifions de nouveau en 2006 ! On ne peut pas dire que la loi soit particulièrement stable en ce domaine.
Quelle est la motivation affichée du législateur de 2006 ? Il s'agit bien entendu de lutter contre le détournement du mariage aux fins d'acquisition frauduleuse de la nationalité française, plus particulièrement par les couples qui résident à l'étranger.
Mes chers collègues, ce n'est pas moi qui affirmerai que ce phénomène n'existe pas. Les mariages détournés de leurs fins matrimoniales sont une réalité, nous le savons. Nous ne sommes pas aveugles et ne voulons pas jouer les autruches. Les mariages forcés existent également aussi dans certains pays.
Toutefois, rapporté au total des unions binationales célébrées en France et à l'étranger, le nombre des mariages blancs est faible.
Je viens de demander les chiffres du consulat de Tunis, qui est soumis à une forte pression migratoire, comme on dit. Je vous les livre : sur 3 000 mariages transcrits en 2005, seuls 205 ont été jugés suspects par le consulat, et moins de cent ont fait l'objet d'une réquisition en annulation par le parquet de Nantes.
Au total, au service central d'état civil de Nantes, dont j'ai également réclamé les chiffres, sur 1 500 signalements réalisés par les consulats, moins de la moitié ont donné lieu à des réquisitions.
En outre, le parquet estime que, parmi ces réquisitions, soit moins de 750 affaires, la moitié seulement donneront lieu à un refus de transcription des actes de mariage. En effet, ces dossiers contiennent beaucoup trop d'éléments subjectifs pour que les magistrats statuent contre la transcription.
Par conséquent, l'allongement à quatre ans de la période probatoire de vie commune et à cinq ans si le conjoint réside à l'étranger - nous aurons l'occasion de revenir sur ce point précis - est une mesure qui n'aura réellement aucune incidence sur les quelques acquisitions frauduleuses de nationalité française que nous pouvons déplorer. En effet, si feindre la vie commune pendant deux ans est déjà difficile, comment y parvenir pendant quatre ou cinq ans ? Il faudrait être particulièrement retors, menteur, tricheur et capable de fabriquer en permanence des faux papiers ! Je suis peut-être naïve, mais cela me paraît assez inimaginable.
En fin de compte, l'adoption d'une telle mesure reviendra à priver pour longtemps les 90 000 familles binationales qui se forment chaque année de l'unicité de nationalité, laquelle est de plus en plus nécessaire à leur sécurité juridique. Je reviendrai d'ailleurs également sur ce point.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 227 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 249 rectifié est présenté par MM. Delfau, Baylet, A. Boyer, Collin et Fortassin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 227.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous proposons la suppression de l'article 59, car il va à contre-courant de l'ouverture internationale de la France.
Cumulée à tous les autres obstacles dressés dans ce texte et dans le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, la disposition prévue dans cet article 59 va en effet porter atteinte aux 90 000 familles binationales qui se constituent chaque année.
Je le rappelle, la loi du 29 novembre 2003 avait déjà introduit une première discrimination, en portant la durée probatoire de vie commune avant la déclaration de nationalité du conjoint étranger à deux ans pour les couples résidant en France et à trois ans pour les couples résidant à l'étranger. Avec ce texte, la durée de vie commune passerait à quatre ans pour les premiers et à cinq ans pour les seconds.
Depuis 2003, il n'est plus tenu compte de la présence d'enfants communs pour vérifier que le mariage a bien été contracté à des fins matrimoniales, alors qu'elle constitue en principe une preuve importante.
Si nous ajoutons à ces nouvelles durées de quatre et cinq ans l'allongement à deux ans du délai d'opposition ouvert au Gouvernement, qui est prévu par l'article 60, nous aboutissons, au minimum, à six ou sept années de privation d'unicité de nationalité pour une famille. J'insiste sur cette notion, car, en général, elle n'est pas comprise par les couples qui en bénéficient d'une façon naturelle. L'unicité de nationalité, c'est-à-dire le fait que parents et enfants ont tous une nationalité commune, est un élément essentiel de stabilisation et de consolidation pour une famille binationale.
En définitive, monsieur le ministre, les acquisitions de nationalité française par les conjoints étrangers vous font peur. Or, en 2005, sur 90 000 mariages binationaux célébrés, il y a eu 33 000 acquisitions par déclaration, soit à peine un tiers des conjoints étrangers qui auraient pu y prétendre. Il n'y a donc pas un déferlement de demandes de nationalité française ! Cela étant, la moitié des conjoints étrangers sont maghrébins : est-ce cela qui gène ? Les acquisitions de nationalité par le mariage ont concerné 2 900 Américains et 3 500 Asiatiques l'année dernière. Celles-ci sont-elles un danger pour la France ?
Par ailleurs, près de 80 % des « acquérants » ont moins de quarante ans, avec à peu près autant d'hommes que de femmes : est-il suspect de demander la nationalité à quarante ans, lorsque l'âge moyen des mariés est d'environ trente ans ? Je n'en ai pas l'impression ! Est-ce la répartition à peu près égale entre hommes et femmes qui pose problème ? N'est-ce pas, au contraire, une chance pour la France, dont les enquêtes nationales et internationales montrent le vieillissement, de voir ainsi sa population se rajeunir et se renouveler par l'arrivée de jeunes adultes ?
Par cette discrimination envers les familles qui résident à l'étranger, nous assistons à un véritable déni de la dignité de ces Français de plus en plus mobiles, qui participent grandement à accroître le rayonnement culturel de la France et à développer ses échanges économiques.
Une telle disposition est d'autant plus offensante envers les Français de l'étranger et leurs conjoints que l'acquisition de la nationalité par le mariage concerne un nombre infime de personnes : il y a eu, l'année dernière, 4 % seulement de déclarants, soit moins de 1 300 personnes. Objectivement, où est le danger ? S'il y a un fantasme, il n'y a en tout cas aucun danger !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous rejetons ce report excessif du droit à souscrire une déclaration de nationalité française après le mariage. Nous rejetons cette discrimination renforcée contre les Français établis à l'étranger et l'atteinte plus générale portée à la sécurité juridique - j'insiste sur ces termes - des familles binationales dans leurs relations avec l'État français.
M. Bernard Frimat. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 249 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° 434, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article 21-2 du code civil :
« L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai d'un an à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint ait conservé sa nationalité.
« Le délai d'un an est supprimé lorsque naît, avant ou après le mariage, un enfant dont la filiation est établie à l'égard des deux conjoints, si les conditions relatives à la communauté de vie et à la nationalité du conjoint français sont satisfaites.
« La déclaration est faite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, elle est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a pour objet de revenir à la rédaction initiale de l'article 21-2 du code civil issue de la loi du 16 mars 1998 relative à la nationalité et à ramener à un an le délai au terme duquel le conjoint étranger ou apatride d'un ressortissant français peut demander la nationalité française.
Je partage ce qui vient d'être dit par Mme Cerisier-ben Guiga ; je n'entrerai donc pas dans le détail. L'extension à quatre ans de ce délai fait peser sur les couples concernés une suspicion tout à fait déplacée. De plus, une telle mesure est nuisible à la construction de nouvelles unions. Elle n'est donc pas de nature à encourager l'intégration de toutes ces personnes à la vie de la cité.
Encore une fois, vous vous empêtrez dans vos contradictions. Vous les assumer, bien évidemment, mais cela nous prouve que vous tenez un discours d'affichage. D'un côté, vous ne cessez de répéter que le droit de séjourner sur le territoire français se mérite, qu'il faut être très bien intégré et respecter les principes et les lois de la République. De l'autre, vous mettez une multitude d'obstacles devant les personnes désireuses de s'intégrer. En définitive, vous ne croyez pas vous-mêmes ce que vous dites !
Mme la présidente. L'amendement n° 134 rectifié bis, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Duvernois, Ferrand et Guerry, Mmes Kammermann et Brisepierre, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article 21-2 du code civil.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Les Français vivant à l'étranger sont victimes au quotidien de discriminations considérables, et ce dans tous les domaines. Je pourrais passer des heures à vous les énumérer, mais je vous en ferai grâce !
Or, s'il est un domaine dans lequel de telles discriminations pourraient être évitées, c'est bien l'accès à la nationalité française pour les conjoints étrangers, puisque celui-ci n'est pas régi par le principe de l'application territoriale de la loi, qui est à l'origine de tous ces problèmes.
Cet amendement a véritablement pour but de mettre un coup d'arrêt à cette discrimination : pourquoi, en effet, demander aux conjoints étrangers de Français vivant hors de notre pays d'attendre un an de plus pour accéder à la nationalité française ? En quoi le fait d'allonger le délai à quatre ou cinq ans est-il important ? Comme l'a dit tout à l'heure ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga, il est déjà bien assez difficile de feindre une unité de couple pendant deux ou trois ans !
Certes, monsieur le ministre, je connais et je partage les inquiétudes du Gouvernement quant au risque de dévoiement de l'accès à la nationalité française. Vous le savez, j'ai moi-même dénoncé le phénomène des mariages forcés et des mariages blancs ; j'ai d'ailleurs proposé des pistes pour essayer de restreindre ces pratiques qui n'ont pas d'autre but que de faciliter l'accès à la nationalité française.
Mais, en l'espèce, l'article 59 pose problème, car il introduit une réelle discrimination.
Bien évidemment, nous pourrions essayer de trouver des moyens pour colmater les lacunes du texte. Personnellement, ces aménagements me paraîtraient regrettables.
En tant que sénateur représentant les Français de l'étranger, il est de mon devoir de lutter contre toutes ces discriminations. C'est à cette fin que la représentation des Français de l'étranger au Sénat a été introduite dans la Constitution. Je suis donc fidèle à mon engagement et je vous demanderai, monsieur le ministre, de faire en sorte qu'il n'y ait plus de discrimination entre les Français, entre nos compatriotes de l'étranger et ceux qui vivent au sein de l'Hexagone. Je pourrais vous donner des dizaines de témoignages de personnes qui, ayant pris connaissance de ce texte, nous demandent de nous battre pour aboutir, au moins en ce domaine, à une égalité de traitement.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 242 rectifié ter, présenté par M. Cointat, Mme Kammermann, MM. Guerry, Ferrand, Duvernois et Del Picchia et Mme Brisepierre, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article 21-2 du code civil :
« Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France. En outre, le mariage célébré à l'étranger doit avoir fait l'objet d'une transcription préalable sur les registres de l'état civil français.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Monsieur le ministre, d'une manière générale, une loi fixe des objectifs et les moyens pour y parvenir. C'est donc dans cet esprit qu'il faut interpréter l'article 59 : l'objectif, c'est d'avoir une fiabilité de la sincérité des mariages ; les moyens pour y parvenir, ce sont, d'une part, des critères fondés sur un contrôle implicite et, d'autre part, le critère de la durée de vie commune.
Certes, vous n'avez pas l'intention de créer une discrimination à l'encontre des Français établis hors de France. Vous partez du principe que le contrôle des couples mixtes se fera plus aisément dans les communes de l'Hexagone qu'à l'étranger, ce qui expliquerait l'année supplémentaire que vous instaurez.
Malheureusement, monsieur le ministre, votre méthode n'est pas la bonne, et je vais vous expliquer pourquoi.
En effet, le critère de la durée ne permet pas de garantir la sincérité d'un mariage. L'allongement du délai à quatre ou cinq ans ne fera pas diminuer la fraude. Au contraire, les filières qui organisent des mariages blancs en vue d'une acquisition de la nationalité française par déclaration seront même incitées à augmenter leurs tarifs.
Si le critère du contrôle est beaucoup plus sérieux, il n'est pas normal de considérer qu'il suffit de porter le délai à cinq ans pour se prémunir contre les activités des passeurs et des fraudeurs. Dans votre logique, vous devriez plutôt fixer un délai beaucoup plus contraignant, par exemple dix ans.
En revanche, il existe une méthode beaucoup plus fiable, qui permet justement d'éviter tout ce qui peut apparaître comme une discrimination à l'encontre des Français établis hors de France : il faut assurer un contrôle implicite, à l'instar de ce qui se pratique dans nos communes, en prévoyant une obligation d'inscription au registre des Français établis hors de France. De cette manière, il y aura une déclaration officielle, un suivi et, donc, un contrôle.
Pour des situations équivalentes, les traitements doivent être identiques, faute de quoi il y a discrimination.
Sur ce point, je rejoins la position de mes collègues Monique Cerisier-ben Guiga et Joëlle Garriaud-Maylam. En effet, tel qu'il est rédigé, le texte laisse supposer qu'il y a discrimination. Or je suis sûr, monsieur le ministre, que telle n'est pas votre intention.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement, qui a pour objet de répondre à votre attente, de corriger les effets néfastes de la rédaction proposée et d'éliminer tout risque de dérapage, que votre texte n'empêchera pas.
Mme la Présidente. L'amendement n °435, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article 21-2 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont dispensés de la condition de durée du mariage, les couples franco-étrangers ayant eu un ou des enfants issus de leur union. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'objet de l'article 59 étant de lutter contre les mariages frauduleux, l'exigence de durée de mariage conditionnant l'acquisition de nationalité est destinée à s'assurer de la bonne foi des époux. C'est pourquoi il semble inopportun de soumettre à cette exigence des couples ayant des enfants issus de leur union, dans la mesure où ces enfants suffisent à attester l'authenticité du couple.
Vous pouvez toujours me dire que l'on fait des enfants pour avoir la nationalité française... Des Français se marient pour des raisons qui, quelquefois, ne sont parfois pas très avouables.
De plus, il est dans l'intérêt des enfants de lever cette condition de durée et de leur permettre ainsi d'avoir leurs deux parents titulaires de la nationalité française.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je crois que nos collègues qui représentent les Français établis hors de France nous permettent d'avoir une approche différente des mariages entre citoyens français et ressortissants étrangers.
Ces unions appellent beaucoup de prudence de notre part, car si elles sont, j'en suis persuadé, un enrichissement, nous constatons, même si les chiffres sont aléatoires, une indéniable augmentation des fraudes.
Certains maires, y compris s'agissant de mariages célébrés en France, ont émis des doutes, sans être suivis par le parquet alors que la fraude était patente.
L'autorité judiciaire doit apporter un soin particulier à l'examen de ces cas qui sont très choquants dans la mesure où l'on sait qu'ils obéissent parfois, il ne faut pas le nier, à des mobiles financiers. Il nous faut donc faire preuve d'efficacité dans la lutte contre les mariages de complaisance.
Par conséquent, la commission des lois a émis un avis défavorable à l'amendement n °227, estimant que les mesures prévues sont utiles.
L'amendement n 434 tend à revenir à la rédaction proposée en 1998 pour l'acquisition de la nationalité par mariage. Le présent article s'inscrivant dans le nouveau dispositif institué en 2003, la commission émet un avis défavorable.
S'agissant des amendements n °s 134 rectifié bis et 242 rectifié ter, il convient de rappeler que l'article 59 concerne la différenciation déjà introduite en 2003, et qui reste effective en 2006. Toutefois, de deux à trois ans en 2003, le délai passe à quatre ou cinq ans, ce qui complique singulièrement les choses.
La majorité des fraudes à l'acquisition de la nationalité concerne les mariages célébrés à l'étranger avec un ressortissant n'ayant pas vécu en France auparavant. Il est donc nécessaire de prévoir un dispositif particulier. C'est ce que fait le Gouvernement et c'est la philosophie qui a présidé à l'élaboration du texte en 2003.
L'amendement n ° 242 rectifié ter de M. Cointat prévoit l'inscription au registre des Français établis hors de France, ce qui constitue un élément permettant de constater l'existence d'une communauté de vie, bien que cette inscription n'ait pas un caractère obligatoire. Dans la mesure où la loi de 2003 a voulu instituer un lien réel entre le demandeur de nationalité et la France par le biais d'une résidence durable sur son territoire, l'amendement s'écarterait un peu de sa philosophie.
Néanmoins, je comprends les motivations des auteurs de cet amendement, et c'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur l'amendement n °134 rectifié bis, jugé trop général, mais un avis favorable à l'amendement n ° 242 rectifié ter, qui a le même objet.
Je souhaiterais que l'on trouve une formule commune pour répondre à cette préoccupation.
Enfin, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n °435, tout en comprenant également les motivations de ses auteurs.
Mme la Présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n S 227, 434 et 435, car, en dépit de ce que certains affirment, il y a malheureusement des mariages frauduleux et des mariages blancs.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Personne ne dit le contraire !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Or l'un des moyens d'obtenir de meilleures garanties est de mettre en place les mesures que nous vous proposons.
Vous avez fait référence à quelques exemples, madame Borvo, mais chacun pourrait en citer d'autres. Pour ma part, j'en prendrai deux, tout récents, extraits de la pile des courriers qui sont adressés au ministre de l'intérieur.
Le premier, daté du 28 avril 2008, a été expédié de Besançon : « Monsieur le ministre, originaire de Côte-d'Ivoire, je suis régulièrement installé en France, en particulier à Besançon, depuis septembre 1979. En septembre 1997, j'ai épousé, en Côte-d'Ivoire, Melle..., qui m'a rejoint pour regroupement familial le 3 octobre 1999. C'est alors qu'elle me pousse à faire la demande de naturalisation et c'est ainsi que, le 23 mars 2004, notre demande fut déposée.
« Nous engageons ainsi la procédure de demande de la nationalité française. [ ...] Mon épouse a subitement changé du tout au tout. [...] Par son comportement, elle révélait qu'en fait elle ne s'était maintenue dans le lien conjugal que pour atteindre le but qu'elle s'était très secrètement fixé, à savoir l'acquisition de la nationalité matrimoniale.
« La suite des opérations ne fera malheureusement que conforter ce que je viens d'affirmer. En effet, mon épouse, avisée par le ministère de l'emploi et de la cohésion sociale par lettre du 24 février qu'elle avait acquis la nationalité française, a ensuite attendu le mois d'octobre, c'est-à-dire le jeudi 13 octobre 2005, pour la remise par la préfecture du... de son dossier d'accueil.
« Maintenant que, pour elle, cette nationalité est définitivement acquise, donc que son objectif est pleinement atteint, elle a décidé de franchir la dernière étape, à savoir rompre le lien matrimonial qui ne lui servait plus à rien. En effet, depuis le 1er décembre, elle a pris l'attache d'un avocat pour engager une procédure notifiée par le juge des affaires familiales du tribunal de grande instance ; voir document ci-joint. »
Le second exemple est daté de mars 2006 : « Monsieur le ministre de l'intérieur, j'ai épousé à Montréal, le 30 janvier 1999, un citoyen du Cameroun. Nous avons fait valider notre mariage n°... au consulat de France à Montréal.
« En juin 2002, il est devenu citoyen français. Depuis le 17 avril 2005, nous sommes séparés. Quand j'ai rappelé à Simon que la nationalité française n'était pas tombée du ciel, il m'a répondu sur un ton méprisant : " C'est un droit, la nationalité française, et tu ne peux rien contre moi. "
« Le divorce sera prononcé dans le courant de l'année 2006. J'estime que la nationalité française acquise par le mariage devrait être reconsidérée. »
Mme Josiane Mathon-Poinat. Des histoires d'amour finissent mal !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. De tels courriers, nous en recevons des tonnes !
Je vous rappelle que nous sommes bien en deçà des règles qui régissent un certain nombre de grandes démocraties : aux États-unis, le délai est de cinq ans ; au Danemark, de six à huit ans.
Voilà donc de bonnes raisons pour rejeter ces trois amendements n s 227, 434 et 435.
Je défendrai un argumentaire commun sur les amendements n °134 rectifié bis et 242 rectifié ter.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n °134 rectifié bis, madame Garriaud-Maylam.
Cela étant, je comprends votre objectif et, à l'égard des Français résidant à l'étranger, j'estime que la cause que vous défendez est juste et légitime. Pour autant, il me semble que cette cause est plus justement défendue par l'amendement n °242 rectifié ter proposé par M. Cointat.
Je pense d'ailleurs que vous pourriez vous y rallier. En effet, la seule différence entre les deux amendements, qui tendent à fixer un même délai pour les Français vivant en France que pour les Français résidant à l'étranger s'agissant de la communauté de vie, ce qui nous paraît juste, tient au signalement de celle-ci pour les Français résidant à l'étranger auprès des autorités françaises à l'étranger. C'est là une démarche comparable à l'identification d'un Français résidant en France auprès de l'autorité nationale, en l'occurrence, le plus souvent, la mairie. Une ambassade ou un consulat, c'est un peu la maison de la France à l'étranger, c'est la maison de la République, au même titre que la mairie peut l'être dans chaque commune de France.
Que le Français fasse cette démarche qui témoigne d'une véritable volonté de défendre la culture française à l'étranger me paraît une garantie non négligeable.
Je veux remercier très sincèrement M. Cointat, comme vous-même, madame Garriaud-Maylam, puisque vous abordez le problème du traitement équitable entre Français résidant en France et Français résidant à l'étranger. Nous avons besoin de cette garantie.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement de M. Cointat, et il vous propose, madame Garriaud-Maylam, de vous rallier à cet amendement.
Mme la présidente. Acceptez-vous la suggestion de M. le ministre, madame Garriaud-Maylam ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je savais parfaitement, monsieur le ministre, que vous repousseriez un amendement de suppression.
Encore une fois, c'est une question de principe : j'ai déposé cet amendement parce qu'il me semble qu'il y va de l'intérêt de la France et de l'intérêt des Français de l'étranger.
Je ne serais pas défavorable à l'inscription au registre des Français établis hors de France si les Français de l'étranger le connaissaient : la plupart des Français ne sont pas inscrits à ce registre et en ignorent encore l'existence. Faites un sondage et vous le pourrez le vérifier !
Si nous suivions cette logique, il faudrait rendre l'inscription au registre des Français établis hors de France obligatoire. Nous aurions alors véritablement des garanties. Je peux vous assurer que, dans beaucoup de pays, de nombreux Français, très éloignés des consulats, ne sont pas inscrits à ce registre.
J'y insiste : c'est une question de principe. Je comprends votre position, monsieur le ministre. Je comprends aussi celle de mon collègue, qui m'a bien évidemment tenue informée de son amendement, qu'il a déposé après le mien. Mais je ne peux pas m'y rallier.
Je m'abstiendrai donc sur ce texte, afin de ne pas voter contre le Gouvernement.
Mme la Présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'amendement n° 227.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Dans le meilleur des mondes possibles, un monde sans discrimination, sans xénophobie, un monde où des familles n'auraient pas à craindre d'être séparées par des frontières, dans des pays où les étrangers établis durablement bénéficieraient d'un droit au séjour et à l'emploi, d'un droit de circuler semblable à celui des nationaux, l'unicité de nationalité d'une famille binationale ou plurinationale ne serait pas nécessaire.
On peut très bien vivre en couple et en famille en ayant des nationalités différentes. Après tout, le mariage est si instable de nos jours qu'il n'est pas un fondement plus solide à l'acquisition de la nationalité française que d'autres éléments de l'état des personnes.
Mais nous ne vivons pas du tout dans le meilleur des mondes possibles et plus le monde se ferme et se durcit, plus les familles plurinationales ou binationales cherchent à se protéger.
Les époux de Français n'ont réellement utilisé la possibilité de souscrire une déclaration de nationalité pour ceux qui vivaient à l'étranger qu'après la généralisation des visas de court séjour en France, en 1986, et à cause des contraintes accrues qui en découlaient pour les familles binationales.
Je peux vous dire qu'à Tunis des pères ne pouvaient pas aller s'occuper d'un enfant étudiant en difficulté, laissant cette charge à la mère française, parce qu'ils n'avaient évidemment pas le visa le jour J ; d'autres ne pouvaient pas assister à l'enterrement de leur belle-mère, faute d'avoir le visa le jour J ; d'autres encore ne pouvaient pas assister à la soutenance de thèse d'un enfant français parce que l'on ne délivrait qu'un visa de trois jours...
Dans ces conditions, on finit par se dire que l'on n'a plus qu'une chose à faire : demander la nationalité française !
Ce sont les tracasseries et la xénophobie administratives qui sont à l'origine de l'augmentation des demandes de nationalité française. Sans cela, elle ne serait pas sollicitée : je puis témoigner que bien des familles de mon entourage, à commencer par la mienne, ne l'ont pas demandée, n'ayant jamais été intéressées. Aujourd'hui, les choses ont changé !
Je tiens à vous raconter une histoire qui me hante encore. En 1995, à Cotonou, une femme m'a exposé le déni d'humanité dont elle venait d'être l'objet.
De son mari, un Français, elle avait trois enfants âgés de quinze à huit ans. Le couple vivait à Cotonou. Son époux, atteint d'un cancer, avait dû se rendre plusieurs fois en France pour se faire soigner. Elle avait obtenu de temps en temps un visa pour l'accompagner. Mais, quand il est mort, le consulat a jugé qu'elle avait déjà obtenu assez de visas et ne lui en a pas accordé pour qu'elle se rende à l'enterrement. Elle a envoyé les enfants seuls aux obsèques de leur père.
Après avoir entendu plusieurs récits de ce genre, on change d'avis sur l'acquisition de la nationalité par le mariage.
M. Christian Cointat. Il faut « virer » les consuls !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Certains consuls sont des gens très bien, d'autres sont des brutes !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ceux-là, il faut les « virer » !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. J'estime que, dans une société qui devient de plus en plus xénophobe, un conjoint étranger a tout intérêt à demander la nationalité française et à l'obtenir rapidement, tant le risque de se voir séparé de son conjoint et de ses enfants à des moments cruciaux de la vie est élevé.
C'est la fermeture des frontières et la xénophobie qui gonflent le nombre de conjoints étrangers demandeurs de la nationalité française.
Mme la présidente. Madame Garriaud-Maylam, l'amendement n° 134 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 134 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'amendement n° 242 rectifié ter.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Notre groupe ne pouvait absolument pas déposer un amendement de ce type, estimant que la longueur des délais exigés avant toute demande d'acquisition de nationalité par le mariage - il faut compter en réalité au minimum six ans - s'assimilait à une motion de défiance généralisée à l'égard de tous les mariages mixtes. Il ne pouvait donc pas déposer un amendement améliorant un texte qu'il jugeait mauvais.
Nous sommes en 2006 ! Qui nous dit, monsieur le ministre, que si le Gouvernement auquel vous appartenez est encore au pouvoir en 2009, il ne doublera pas les délais en les portant de quatre ans à huit ans ? Et pourquoi ne pas attendre la fin de la vie ? Méfiez-vous : certains retraités n'hésitent pas à divorcer à soixante-dix ans, car ils ne peuvent plus se supporter !
Alors, que faire à propos de cet amendement ? Nous abstenir ne serait pas une attitude responsable. Nous préférons donc voter pour, ce qui est un moyen de ne pas accepter une discrimination, même si l'objet de cet amendement nous inspire de grandes réticences. Mais c'est un moindre mal !