sommaire
Présidence de M. Adrien Gouteyron
2. Demande d'autorisation de missions d'information
3. Accord avec l'Italie relatif aux exemptions fiscales en faveur des établissements culturels. - Adoption d'un projet de loi
Discussion générale : Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; M. Michel Guerry, en remplacement de M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
4. Accord avec l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais. - Adoption de deux projets de loi
Discussion générale commune : Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; MM. Michel Guerry, en remplacement de M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Georges Othily.
Clôture de la discussion générale commune.
Mme la ministre déléguée.
Adoption des articles uniques des deux projets de loi.
5. Accord de siège avec la Communauté du Pacifique. - Adoption d'un projet de loi
Discussion générale commune : Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; M. Robert Laufoaulu, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Mme Hélène Luc.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
6. Convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissures sur les navires. - Adoption d'un projet de loi
Discussion générale : Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; M. Jean-Pierre Plancade, en remplacement de M. Louis Le Pensec, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
7. Convention européenne des droits de l'homme. - Adoption d'un projet de loi
Discussion générale : Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; MM. Jean-Pierre Plancade, rapporteur de la commission des affaires étrangères, Robert Bret.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
présidence de Mme Michèle André
8. Accord avec l'Azerbaïdjan relatif aux infractions douanières. - Adoption d'un projet de loi
Discussion générale : Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; M. Michel Guerry, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
9. Convention fiscale avec le Chili. - Adoption d'un projet de loi
Discussion générale : Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; M. Adrien Gouteyron, rapporteur de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance
M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme la présidente.
12. Réforme des successions et des libéralités. - Discussion d'un projet de loi
Discussion générale : MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois ; Robert Badinter.
Mme Muguette Dini, MM. Robert Badinter, Christian Cambon, Georges Othily, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Yves Détraigne, Charles Gautier, Roger Madec.
Clôture de la discussion générale.
M. le garde des sceaux.
Amendement no 119 de M. Georges Othily. - MM. Georges Othily, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendements nos 120 de M. Georges Othily et 128 de M. Robert Badinter. - MM. Georges Othily, Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mme Lucette Michaux-Chevry. - Rejet des deux amendements.
Amendement no 124 rectifié de M. Laurent Béteille, repris de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements nos 1 de la commission et 132 de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Robert Badinter, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 1, l'amendement no 132 devenant sans objet.
Amendements nos 121 de M. Georges Othily et 2 de la commission. - MM. Georges Othily, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption de l'amendement no 121, l'amendement no 2 devenant sans objet.
Amendements nos 3 et 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.
Amendement no 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 133 de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement no 122 de M. Georges Othily. - MM. Georges Othily, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Robert Badinter, Mme Lucette Michaux-Chevry, M. Charles Gautier. - Rejet.
Amendement no 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 134 de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Amendements nos 7 et 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.
Amendement no 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements nos 135 de M. Robert Badinter et 197 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Réserve des deux amendements.
M. le président de la commission.
13. Remplacement d'un sénateur décédé
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Philippe Richert
14. Réforme des successions et des libéralités. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Amendement no 10 de la commission. - MM. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois ; Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. - Adoption.
Amendement no 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 136 de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Amendements (précédemment réservés) nos 135 de M. Robert Badinter et 197 de la commission. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Retrait de l'amendement no 197 ; rejet de l'amendement no 135.
Amendement no 164 de M. François Zocchetto. - Mme Muguette Dini, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement no 137 de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement no 12 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 13 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 14 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 138 rectifié de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 15 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 165 de M. François Zocchetto. - MM. Yves Détraigne, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait.
Amendement no 16 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements nos 129, 130, 141, 142 de M. Robert Badinter, 17 à 23 de la commission, 166 de M. François Zocchetto, 125 de M. Laurent Béteille, 189 rectifié de M. Jean-René Lecerf, 24 de la commission et sous-amendement no 198 de M. Laurent Béteille ; amendements nos 131, 143 de M. Robert Badinter, 25 et 26 de la commission, 158 rectifié et 126 de M. Laurent Béteille. - MM. Robert Badinter, le garde des sceaux, le rapporteur, Mme Muguette Dini, MM. Laurent Béteille, Jean-René Lecerf, Michel Dreyfus-Schmidt, le président de la commission. - Retrait des amendements nos 125, 189 rectifié et 126 ; rejet des amendements nos 129, 130 et, par division, de l'amendement no 131 ; adoption des amendements nos 17, 166, 18 à 23, du sous-amendement no 198, et des amendements nos 24 modifié et 25, les amendements nos 141, 142, 158 rectifié et 143 devenant sans objet.
Reprise de l'amendement no 126 rectifié par M. Michel Dreyfus-Schmidt. - M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait de l'amendement no 126 rectifié ; adoption de l'amendement no 26.
Amendement no 144 de M. Robert Badinter. - Retrait.
Amendement no 167 de M. François Zocchetto. - Mme Muguette Dini, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendements identiques nos 127 de M. Laurent Béteille et 168 de M. François Zocchetto. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait des deux amendements.
Reprise des amendements nos 127 rectifié et 168 rectifié par M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait des deux amendements.
Amendements nos 145 de M. Robert Badinter et 27 de la commission. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement no 145 ; adoption de l'amendement no 27.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
15. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
16. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DEMANDE D'AUTORISATION DE MISSIONs D'INFORMATION
M. le président. M. le président du Sénat a été saisi par M. Jean-Paul Émorine, président de la commission des affaires économiques, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner deux missions d'information pour qu'une délégation puisse se rendre :
- l'une en Irlande pour étudier la réalité et les raisons du « miracle économique » irlandais, ainsi que les conditions d'adaptation de ce pays à la réforme de la politique agricole commune ;
- l'autre en Inde pour étudier l'offre internationale du secteur des services et l'essor des PME, ainsi que les perspectives de développement des entreprises françaises.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette double demande dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.
3
Accord avec l'Italie relatif aux exemptions fiscales en faveur des établissements culturels
Adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter la liste des établissements culturels et d'enseignement auxquels s'appliquent les dispositions de la convention culturelle du 4 novembre 1949 et de l'accord par échange de lettres du 9 novembre et du 6 décembre 1954 relatif aux exemptions fiscales en faveur des établissements culturels (nos 389, 2004-2005, 229).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord franco-italien relatif aux exemptions fiscales en faveur des établissements culturels et d'enseignement des deux pays.
Cet accord sous forme d'échange de lettres a pour objet d'actualiser la liste des établissements culturels et d'enseignement pouvant bénéficier, en France comme en Italie, des exemptions et exonérations fiscales que les gouvernements des deux États s'accordent mutuellement en vue de renforcer leur coopération en matière culturelle.
La France et l'Italie sont en effet liées par une convention culturelle signée à Paris le 4 novembre 1949.
Les facilités dont bénéficient les établissements culturels et d'enseignement des deux pays ont été précisées par un échange de lettres des 9 novembre et 6 décembre 1954. La liste récapitulative des établissements bénéficiant de ces facilités datait d'un échange de lettres du 17 mai 1965 et ne correspondait plus à la réalité. C'est pourquoi, dès 2000, la France a proposé à l'Italie de mettre à jour cette liste, afin de tenir compte des évolutions intervenues dans le dispositif culturel des deux États. Les gouvernements français et italien ont donc signé le présent accord sous forme d'échange de lettres le 27 novembre 2003 à Rome.
La nouvelle liste des établissements bénéficiant des exemptions et exonérations fiscales que je viens de mentionner comprend, pour la France, les sept instituts et centres culturels de Florence, Gênes, Milan, Naples, Palerme, Rome et Turin, l'Académie de France - villa Médicis -, l'École française d'histoire et d'archéologie à Rome, le lycée Stendhal de Milan, le lycée Chateaubriand de Rome, l'École française de Naples et, pour l'Italie, les six instituts culturels italiens à Paris, Strasbourg, Marseille, Lyon, Grenoble, Lille et l'École italienne Léonard de Vinci de Paris.
Cet accord confirme en outre l'application des dispositions antérieures aux établissements mentionnés dans le présent accord ainsi qu'à leur personnel.
Il s'inscrit pleinement dans le cadre de nos relations privilégiées avec l'Italie et constitue, à ce titre, un outil indispensable au service de la politique culturelle française, contribuant ainsi au rayonnement de la culture et de la langue françaises dans ce pays.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter la liste des établissements culturels et d'enseignement auxquels s'appliquent les dispositions de la convention culturelle du 4 novembre 1949 et de l'accord par échange de lettres du 9 novembre et du 6 décembre 1954 relatif aux exemptions fiscales en faveur des établissements culturels, faisant l'objet du projet de loi qui est aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Guerry, en remplacement de M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, peu après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la France et l'Italie ont scellé leur réconciliation en renouvelant les liens culturels qui les unissaient depuis des centaines d'années. Une convention a été signée à cet effet en 1949, puis complétée à diverses reprises. La dernière modification, qui résulte d'un échange de lettres en date du 27 novembre 2003, est aujourd'hui soumise au Sénat.
Aux termes de la convention culturelle du 4 novembre 1949, les gouvernements français et italien se sont accordés mutuellement « toutes facilités pour la création et le fonctionnement de quatre instituts de haute culture ».
De plus, l'article 2 prévoyait que les gouvernements français et italien « continueront à accorder toutes facilités aux établissements d'enseignement secondaire italien et français qui existent actuellement en France et en Italie ».
L'accord qui est aujourd'hui soumis à l'approbation du Sénat tend à confirmer les textes antérieurs relatifs aux exemptions fiscales et douanières. Par ailleurs, sont énumérées les institutions culturelles françaises visées par ces exonérations.
Ainsi, de nouveaux établissements sont concernés par l'échange de lettres de 2003. Il s'agit de l'Institut italien de la culture de Lille, ainsi que des établissements d'enseignement gérés par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE. En Italie, six établissements dépendent de l'AEFE ; trois d'entre eux sont en gestion directe. Le lycée Chateaubriand était déjà inclus dans la liste des établissements visés par la convention de 1949. Aujourd'hui, y sont également inscrits le lycée français de Naples et le lycée Stendhal de Milan.
Cette nouvelle orientation est bien sûr favorable à l'AEFE et on peut espérer qu'elle est le fruit d'une volonté délibérée du Gouvernement français de favoriser la promotion de notre langue en Italie. Actuellement, 840 000 élèves, soit un quart du total, étudient le français dans le système scolaire italien. Le français est la deuxième langue vivante en Italie. Toutefois, l'érosion la menace et nous devons rester vigilants.
En conséquence, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose, mes chers collègues, d'adopter ce présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter la liste des établissements culturels et d'enseignement auxquels s'appliquent les dispositions de la convention culturelle du 4 novembre 1949 et de l'accord par échange de lettres du 9 novembre et du 6 décembre 1954 relatif aux exemptions fiscales en faveur des établissements culturels, signées à Rome le 27 novembre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
4
Accord avec l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais
Adoption de deux projets de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais (ensemble trois annexes) et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif aux ensembles de lancement et aux installations associées de l'agence au Centre spatial guyanais (ensemble trois annexes) (nos 41, 42, 255).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter les projets de loi autorisant, d'une part, l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais, dénommé accord CSG et, d'autre part, l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif aux ensembles de lancement et aux installations associées de l'agence au Centre spatial guyanais, dénommé accord ELA.
Le site de lancement qui fut choisi pour Ariane est le Centre spatial guyanais, le CSG, basé à Kourou, en Guyane. Il bénéficie de conditions géographiques très favorables et offre l'avantage, en raison de la proximité de l'équateur, de permettre aux lanceurs de profiter pleinement de la rotation de la Terre, et de leur éviter de coûteuses manoeuvres pour atteindre l'orbite équatoriale, qui est indispensable à une mise à poste géostationnaire. L'ensemble des moyens dont dispose le CSG constitue un soutien technique et logistique nécessaire pour la préparation et le lancement des fusées Ariane.
Afin de garantir à l'Europe un accès indépendant à l'espace, la France et les autres États membres de l'Agence ont reconnu l'importance stratégique de disposer d'installations de lancement propres et ont décidé, en 1973, d'implanter ces dernières au CSG, établissement du Centre national d'études spatiales, le CNES. L'accord CSG a pour objet de définir les modalités selon lesquelles le Gouvernement français garantit à l'Agence et à ses États membres l'accès et la disponibilité du CSG. Le Gouvernement français et l'Agence spatiale européenne ont conclu pour la première fois, le 5 mai 1976, un accord relatif à l'utilisation du CSG par l'Agence. Des accords successifs ont été établis depuis lors, pour des périodes de trois ans.
L'accord CSG actuel couvre la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006. Ce nouvel accord fixe donc à nouveau les responsabilités de chacun. Il vient préciser pour la première fois les missions de sauvegarde confiées au Centre national d'études spatiales. Il définit aussi les conditions d'utilisation des installations pour les activités de lanceurs autres que ceux de l'agence ; je pense bien sûr à Soyouz.
Le second accord, l'accord ELA, s'intéresse plus particulièrement aux moyens et installations de l'Agence spatiale européenne situés sur l'emprise du CSG et vient compléter l'accord CSG signé le même jour. Il a pour objet, quant à lui, de déterminer les droits et obligations du Gouvernement français et de l'Agence spatiale européenne concernant les « installations et moyens » de l'Agence sur le site du CSG.
En effet, les terrains appartenant au Centre national d'études spatiales sont mis gratuitement à la disposition de l'Agence, à la demande du Gouvernement français.
Un accord relatif à l'ensemble de lancement Ariane 1 et des installations associées, d'une durée indéterminée, a été signé le 5 mai 1976 par le Gouvernement français et l'Agence. L'actuel accord ELA, également conclu pour une durée indéterminée, est destiné à abroger et à remplacer l'accord signé en 1976. Le nouvel accord tient compte de l'évolution depuis cette date des installations et des moyens de l'Agence.
Ces deux accords ont pour intérêt primordial de définir avec précision le rôle central de la France et du CNES dans la mise en oeuvre opérationnelle du Centre spatial guyanais. Ils clarifient les règles juridiques relatives à l'exploitation du site de lancement de la base de Kourou et prennent en compte l'évolution des activités du CSG ainsi que l'ouverture du site à d'autres lanceurs qu'Ariane. Enfin, ils renforcent les garanties des moyens de l'Agence spatiale européenne au CSG et contribuent au dynamisme de l'Europe spatiale.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent ces deux accords qui sont soumis à votre approbation en vertu de l'article 53 de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Guerry, en remplacement de M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Centre spatial guyanais est indispensable au succès de notre lanceur Ariane 5 et plus généralement à l'autonomie européenne d'accès à l'espace. Ses atouts naturels sont nombreux, particulièrement pour les lancements de satellites de télécommunication en orbite géostationnaire.
Il offre par ailleurs des installations techniques de très bonne qualité pour l'accueil des satellites.
Dès sa création en 1975, l'Agence spatiale européenne a marqué sa volonté de garantir un accès indépendant de l'Europe à l'espace.
Elle a conclu avec le Gouvernement français d'alors un accord aux termes duquel la France lui garantissait le libre accès au Centre spatial guyanais ainsi que la priorité d'utilisation des installations pour ses programmes.
Par l'accord dit « CSG » du 11 avril 2002, la France renouvelle à l'Agence et à ses États membres la garantie de disponibilité et d'utilisation prioritaire des installations et moyens du CNES au CSG.
Le second accord dit « ELA » - ensemble de lancement - tient compte de l'évolution des installations et des moyens de l'Agence sur le site du CSG. En effet, l'Agence, depuis 1976, a réalisé successivement un deuxième ensemble de lancement Ariane - ELA 2 -, une station de contrôle des satellites, un troisième ensemble de lancement Ariane - ELA 3 - ainsi que des installations de production et d'essai d'éléments du lanceur Ariane 5.
Sont précisées les modalités d'accès et d'utilisation des installations de l'Agence sur le site du CSG, les règles de priorité pour les différents types de programmes et les dispositions relatives à l'ouverture du site au petit lanceur Vega, capable de placer en orbite basse, soit à huit cents kilomètres, des satellites d'environ une tonne et demie.
Rappelons qu'Ariane 5 peut placer en orbite de transfert pour l'orbite géostationnaire, en lancement double, des satellites dont le poids peut atteindre au total dix tonnes.
À terme, Arianespace disposera à Kourou d'une gamme de lanceurs composée d'Ariane 5, de Vega et de Soyouz.
Le 9 mars 2006, le Président de la République a annoncé qu'il demandait au Gouvernement de préparer une loi sur l'espace visant à donner un caractère juridique stable à toutes les activités spatiales, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas.
Dans l'attente de ce texte, et afin de préserver un accès indépendant de l'Europe à l'espace, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose d'adopter ces deux projets de loi, qui clarifient les règles juridiques d'exploitation du port spatial européen.
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il n'y a rien d'étonnant à ce que j'intervienne pour vous entretenir de la Guyane et de ses activités spatiales, mariage qui eut lieu en 1964 grâce à la volonté exprimée à cette époque par le général de Gaulle. Ce territoire fut préféré à Mers-el-Kébir et à d'autres sites.
La Guyane, c'est un « jardin sans limite » dans lequel se mêlent des fleuves géants et mystérieux, que vous connaissez, madame la ministre, une nature impressionnante, une faune sauvage extraordinaire. C'est aussi une richesse de cultures et de croyances. C'est encore, pour revenir au sujet qui nous intéresse aujourd'hui, le berceau de l'aventure spatiale européenne.
Le département français de la Guyane a été choisi en 1964 comme base de lancement, en raison de sa situation géographique privilégiée, de sa large ouverture sur l'océan autorisant toutes les inclinaisons d'orbites et en raison de l'absence de cyclones et de tremblements de terre.
Depuis cette date, le Centre spatial guyanais n'a cessé de se développer, au rythme des initiatives françaises en matière de lanceurs, puis avec le programme européen Ariane, véritable succès commercial, pour devenir le port spatial de l'Europe. Plus de cinq cents lancements ont été réalisés à partir du CSG, dont plus de cent soixante lancements Ariane.
Si l'Europe et la France sont de grandes puissances spatiales, elles le doivent donc en partie à la Guyane, d'autant que le lancement d'une fusée depuis cet endroit nécessite un tiers de carburant en moins que les lancements effectués par les autres puissances spatiales, les États-Unis et la Russie en tête.
J'ai souvent entendu dire - encore aujourd'hui - que l'outre-mer coûte cher à la France et à l'Europe. Comme vous le constatez, la Guyane permet aussi à la France et à l'Europe de faire des économies. Peut-être en sera-t-il tenu compte dans le prochain budget de l'outre-mer...
Les deux accords, dont l'approbation nous est soumise aujourd'hui, fixent en quelque sorte un modus vivendi entre l'Agence spatiale européenne, le CNES et Arianespace quant à l'utilisation des installations du site de lancement.
Je n'entrerai pas dans le détail de ces accords techniques et juridiques, mais l'occasion était trop belle, madame la ministre, pour ne pas dire une nouvelle fois que la Guyane doit être non pas un vecteur, mais un acteur à part entière de la réussite du CSG. Le spatial doit accompagner le développement local. Ce serait un juste retour des choses.
Je n'ignore pas l'importance des retombées économiques et sociales de cette activité pour le département : 25 % de son produit intérieur brut, douze mille emplois directs et indirects.
Toutefois, je m'inquiète que le Gouvernement français s'engage, par l'un des accords avec l'Agence spatiale européenne, à favoriser l'implantation sur le site d'entreprises et de personnels européens non français.
Actuellement, les contrats de maintenance de la base sont en cours de renouvellement. Nul doute que cette contrainte d'européanisation risque de mettre hors jeu nos petites entreprises locales, qui auront du mal à rivaliser avec les grosses sociétés européennes.
De même, il semble que le CNES ait regroupé dans un seul marché tous les types de transport - satellites, marchandises et personnes. L'entreprise locale qui assurait jusqu'à ce jour le seul transport des personnes ne pourra évidemment pas répondre en direct au nouvel appel d'offres. C'est un véritable problème, qui demande une réponse politique.
Vous le savez, madame la ministre, le chômage est déjà très élevé en Guyane et les retards de développement structurels très importants. Si, demain, nos petites entreprises n'ont plus accès aux marchés offerts par le CSG, ce sera pire.
Que pouvons-nous dire aussi à nos jeunes diplômés guyanais qui espèrent rejoindre le rêve spatial ? Y a-t-il une possibilité d'embauche pour eux dans les programmes à venir ?
Quant aux Guyanais qui travaillent déjà au CSG, ils n'entrevoient pas toujours une évolution de leur carrière. Il faut mettre en place un véritable projet pour les agents locaux.
Un deuxième point me paraît appeler un éclaircissement : celui des privilèges et immunités dont dispose l'Agence spatiale européenne en application de l'article 11 de l'accord.
L'exemption de tout droit de douane et de toute taxe spécifique sur les biens importés par l'Agence a été décidée quand la politique spatiale en était à un stade expérimental, en 1975. J'ai du mal à comprendre le maintien aujourd'hui de cette disposition, dans la mesure où il s'agit de l'exercice commercial du spatial. Elle entraîne incontestablement un manque à gagner pour les collectivités du département de la Guyane.
Enfin, j'aimerais vous faire part de certaines réserves concernant l'implantation du lanceur Soyouz sur le CSG, laquelle devrait faire l'objet d'un accord ultérieur.
Vous le savez, cette fusée russe, qui devrait déchirer le ciel de la Guyane à partir de 2008, a fait parler d'elle avant même que les travaux de terrassement du pas de tir n'aient démarré.
Un article, paru au début de 2005 dans la revue scientifique Nature, a fait état de l'impact toxique du site de lancement de Baïkonour sur la santé des populations proches. Cet article a légitimement suscité des questions et des craintes ; tout le monde se souvient en Guyane de l'explosion, en juin 1996, du premier exemplaire de la fusée Ariane 5 peu après son décollage et des picotements et larmes aux yeux qui s'ensuivirent.
Le CNES a certes réagi immédiatement en expliquant en quoi la fusée Soyouz était différente de celle qui est décrite dans l'article s'agissant de l'usage des produits, en particulier de l'hydrazine. Il est légitime que les Guyanais demandent des garanties quant à la protection des personnes, des biens et de l'environnement, qui doit être une priorité absolue.
Je note cependant avec satisfaction que, pour la première fois de manière explicite, le CNES est chargé par le Gouvernement d'une mission de sauvegarde, qui ne figurait pas dans les accords précédents.
Il me paraît indispensable d'associer à cette mission les collectivités locales susceptibles de subir des préjudices liés aux différentes activités du CSG. Comment le CNES pourrait-il, par exemple, organiser les secours à l'extérieur de sa propriété sans empiéter sur les pouvoirs de police des maires, à qui revient en principe cette compétence ?
Une structure d'observation des risques associant tous les acteurs concernés serait en même temps un véritable outil pour des actions en faveur de l'environnement et - pourquoi pas ? - de l'écotourisme, dont l'image de marque a pu être ternie par l'activité spatiale.
Pour en revenir à Soyouz, il semble que l'étude d'impact, élément essentiel du dossier de demande d'exploitation pour lequel une enquête publique a été ouverte le 1er mars 2006, contient un certain nombre d'insuffisances.
Avant l'exploitation du site, il serait souhaitable de faire procéder par un bureau d'étude indépendant et spécialisé à un inventaire floristique et faunistique le plus complet possible, sur un périmètre suffisamment large et de mettre en place de nouveaux bio-indicateurs, notamment sur la Malmanoury et la Paracou.
Par ailleurs, une nouvelle étude portant sur les effets des activités tant de Soyouz que de l'ensemble du Centre spatial guyanais sur la santé humaine serait la bienvenue.
Enfin, l'installation du pas de tir sur le territoire de Sinnamary a été accompagnée de façon très sensible par la commune, qui a mis en place un programme de réalisation et de réhabilitation de nombreux équipements afin de pouvoir accueillir dans les meilleures conditions les techniciens russes et leurs familles.
Ces investissements justifient que le CNES et Arianespace s'engagent en faveur de mesures compensatoires comme le maintien de la desserte routière exclusive à partir de Sinnamary, l'implantation dans cette commune des entreprises créées pour l'exploitation du site et leur assujettissement à la taxe professionnelle ou, enfin, le maintien d'un accès permanent de la population à la crique de Malmanoury pour la pratique de la pêche et des activités touristiques.
Des discussions sur ces points sont en cours et je compte sur l'appui du Gouvernement pour qu'elles aboutissent. Aussi souhaitons-nous que toutes les activités spatiales soient en synergie avec les autres pôles de développement de notre pays.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. Monsieur Othily, je comprends votre fort intérêt pour ces deux accords. Mon expérience personnelle a montré que le CNES, en Guyane, a toujours eu le souci d'une bonne intégration du Centre spatial guyanais dans la collectivité française de Guyane, avec des retombées positives pour celle-ci. C'est une nécessité absolue dont nous devons nous assurer en permanence.
Vous avez évoqué la signature de nouveaux marchés et exprimé votre inquiétude, tout à fait compréhensible, pour les entreprises guyanaises.
Comme vous le savez, l'Europe apporte des financements au CSG et il est tout à fait normal que les contraintes européennes concernant ces marchés s'imposent aux procédures d'appels d'offres.
Mais tout le monde sur place est bien conscient de la nécessité de faire accéder les entreprises guyanaises à ces marchés, soit directement, soit en sous-traitance. D'ailleurs, les déclarations récentes du directeur de l'Agence spatiale européenne sont tout à fait rassurantes à cet égard. Soyez bien convaincu que tout sera mis en oeuvre pour parvenir à ce résultat.
Par ailleurs, vous vous êtes étonné du maintien des mesures d'exemption des droits de douane en faveur de l'Agence spatiale européenne. Je vous répondrai que, sur ce point, deux contraintes s'imposent à nous.
La première est juridique. L'Agence spatiale européenne est une organisation internationale, qui bénéficie, à ce titre, des privilèges et immunités reconnus par le droit international, et par conséquent, de certaines exemptions fiscales.
La seconde est purement économique. Arianespace, vous le savez, est soumise à une forte concurrence internationale. Il est important que la France, en particulier la Guyane, reste compétitive afin que le site de Kourou soit opérationnel dans les meilleures conditions. Arianespace doit donc réduire au maximum les coûts de production des lanceurs pour mettre en orbite les satellites concernés.
Enfin, monsieur Othily, vous avez évoqué les problèmes d'environnement liés au lancement de Soyouz. Je voudrais dire à cet égard que, si nous avons pris du retard pour ouvrir la base de Kourou à Soyouz, c'est précisément parce que nous voulions tenir compte, comme nous l'avions fait pour les fusées Ariane, des contraintes d'environnement et de sécurité. Les modifications techniques ont été effectuées et les précautions nécessaires ont été prises.
PROJET DE LOI N°41
M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 41.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais, signé à Paris le 11 avril 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N°42
M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 42.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif aux ensembles de lancement et aux installations associées de l'agence au Centre spatial guyanais, signé à Paris le 11 avril 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
5
Accord de siège avec la Communauté du Pacifique
Adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n°39, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Communauté du Pacifique. [Rapport n°228 (2005-2006)].
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Communauté du Pacifique.
C'est pour moi l'occasion de vous rappeler l'importance que revêt à mes yeux l'action de la France dans le Pacifique et la place qu'y tient la Communauté du Pacifique.
La France est aujourd'hui de tous les pays européens le seul qui maintienne une présence active dans le Pacifique, à travers nos collectivités de Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna.
Couvrant le tiers de la planète, regroupant parmi ses États riverains quelques-uns des plus grands États du monde, l'océan Pacifique constitue aujourd'hui un enjeu politique et stratégique majeur. Il est à la fois le plus grand réservoir de la biodiversité marine et le lieu où se dessine le climat de demain.
Les États insulaires du Pacifique, en dehors de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, constituent un groupe de petits pays avec qui la France entretient des relations actives, notamment par sa présence au sein de la Communauté du Pacifique.
La France est membre de la Communauté du Pacifique depuis sa fondation en 1947. C'est une organisation régionale de développement à caractère technique, qui regroupe aujourd'hui vingt-six membres, c'est-à-dire la totalité des États et territoires océaniens ainsi que l'Australie, les États-Unis, la France et la Nouvelle-Zélande.
Son siège est à Nouméa, nos trois collectivités territoriales en sont membres à part entière et elle est, avec le Programme régional océanien pour l'environnement, la seule organisation régionale dont le français est l'une des langues de travail.
La France vient au second rang des contributeurs de la Communauté du Pacifique, pour les contributions obligatoires, immédiatement derrière l'Australie. En matière de financement des projets de développement, l'Union européenne et la France constituent ensemble le premier bailleur de fonds de la Communauté.
Plusieurs raisons ont amené les autorités françaises et le Secrétariat de la Communauté du Pacifique à souhaiter la signature d'un nouvel accord de siège : d'abord, l'adoption du nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie, et l'accroissement des compétences fiscales du territoire qui en est résulté ; ensuite, la réorganisation de la Communauté du Pacifique qui en a fait évoluer le fonctionnement ; enfin, l'emménagement des services de la Communauté dans de nouveaux locaux à Nouméa en 1995. Une refonte de l'ensemble de l'ancien accord de siège a paru nécessaire.
Conformément à l'article 28 de la loi organique sur le statut de la Nouvelle-Calédonie, le gouvernement calédonien a été étroitement associé à la négociation de cet accord, qui s'est déroulée à Nouméa ; et c'est le président du gouvernement calédonien, M. Pierre Frogier, qui a reçu les pouvoirs du ministre des affaires étrangères pour le signer au nom de la République française, le 6 mai 2003, à Nouméa.
Cet accord souligne les liens particuliers qui unissent la Nouvelle-Calédonie à la Communauté du Pacifique. Il garantit, pour l'Organisation, les représentants des États et territoires membres et, pour les personnels qu'elle emploie, des privilèges et immunités sur le sol de la Nouvelle-Calédonie comparables à ce qui est octroyé aujourd'hui à toute instance internationale relevant de la convention de Genève.
Il constitue ainsi une base renouvelée de notre coopération avec la Communauté du Pacifique, au service du développement de tous les États et territoires de la région.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Communauté du Pacifique qui vous est soumis en vertu de l'article 53 de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Laufoaulu, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons vise à approuver le renouvellement de l'accord conclu en 2003 entre la France et la Communauté du Pacifique, accord qui confirme le siège de cette organisation régionale à Nouméa.
Sous l'apparence anodine d'une formalité purement technique, se cache en réalité un enjeu politique important que je souhaite vous exposer rapidement.
La Communauté du Pacifique-Secrétariat, CPS, initialement appelée Commission du Pacifique Sud, a été créée en 1947 par les États qui administraient les territoires du Pacifique, à savoir l'Australie, les États-unis, la France, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.
Aujourd'hui, les vingt-deux États et territoires insulaires du Pacifique, qu'ils soient indépendants ou non, sont tous membres de la CPS, de même que les quatre puissances fondatrices restantes, les Pays-Bas et le Royaume-Uni s'en étant retirés respectivement en 1962 et en 2005. Elle est donc la seule organisation majeure de la région dont sont membres à la fois la France et ses trois territoires du Pacifique que sont la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna.
La CPS, qui ne travaille qu'en français et en anglais, est un organisme dont les modalités de fonctionnement ont été modernisées et précisées en 1999 lors de la « déclaration de Tahiti Nui », tout comme ses grands principes, sa mission, ses objectifs et ses axes stratégiques, dans l'accomplissement de son mandat qui est celui d'une institution ayant un rôle de conseiller technique, de formation et de recherche.
Sa vocation d'aide au développement en fait donc une organisation très différente de l'autre grande instance régionale qu'est le Forum du Pacifique. Fondé en 1971, le Forum, influencé par l'Australie, visait à réduire le rôle des anciennes puissances coloniales dans la zone pacifique. Les critiques qu'il a formulées envers la France ont atteint leur apogée en 1995, lors de la reprise des essais nucléaires français.
Pour autant, la conclusion des accords de Nouméa en 1998, ainsi que l'appui financier soutenu de la France à la CPS, ont stabilisé la place de la France dans la région. Cette amélioration s'est clairement manifestée lors du Sommet France-Océanie tenu le 28 juillet 2003, lors du déplacement du Président de la République en Polynésie Française, et a sans aucun doute été réaffirmée le 26 juin, à Paris.
Plus qu'une reconnaissance, la place de la France et de ses collectivités dans le Pacifique est aujourd'hui fortement sollicitée. Les derniers voyages du ministre de l'outre-mer, M. François Baroin, l'ont bien démontré. L'ouverture du Forum aux trois collectivités pour y être membres associés ou observateurs en est une autre preuve et c'est le processus de leur intégration dans la région qui est ainsi renforcé. Il faut s'en féliciter.
Madame la ministre, vous êtes parmi les mieux placés pour comprendre la nécessité de cette intégration régionale de nos trois collectivités du Pacifique, mais le Gouvernement et les responsables locaux devront s'engager en concertation, avec intensité et vigilance, pour que cette intégration se passe dans de bonnes conditions.
Ils devront, en premier lieu, rester attentifs à l'évolution du projet de Plan Pacifique lancé par le Forum, avec le danger que ce plan fait peser sur l'existence autonome de la CPS, et, en second lieu, s'appuyer sur l'accord de partenariat économique Pacifique actuellement négocié entre les pays ACP - Afrique, Caraïbes, Pacifique - de la région, qui forment tous le Forum, et l'Union européenne. La Commission européenne tend en effet à renforcer ses relations et ses actions de soutien au Forum tandis qu'elle se montre réticente à l'égard de la CPS.
Pour ces raisons, mais aussi parce que c'est le souhait des pays de la région, il est essentiel que la France soit représentée à un niveau élevé, si possible ministériel, dans les rendez-vous importants de la Communauté du Pacifique et du Forum, ce qui n'a pas toujours été le cas ces dernières années.
Quoi qu'il en soit, et compte tenu de ce rappel à la vigilance que je tenais à exprimer, cet accord de siège doit être compris comme l'expression d'une pleine reconnaissance de la place de la France et de ses trois territoires au sein de la région Pacifique. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande donc de l'adopter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Communauté du Pacifique, signé à Nouméa le 6 mai 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Mon groupe votera évidemment ce projet de loi. Toutefois, je me dois de souligner que récemment la publication du rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée de Polynésie française sur les conséquences à court terme et à long terme des essais nucléaires français a été suivie d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale, en présence d'une centaine de journalistes, qui ont fait de nombreux reportages sur ce sujet.
Il me paraît essentiel que le Parlement et le Gouvernement mènent une réflexion approfondie sur les conséquences de ces essais nucléaires.
À ce sujet, je veux rappeler que les membres du groupe communiste républicain et citoyen, notamment mes amis Nicole Borvo, Robert Bret et Robert Hue, ont déposé sur le bureau du Sénat une proposition de loi, dont j'ai demandé à la conférence des présidents l'inscription à l'ordre du jour dès le mois de juin.
Il est très important que ma demande de discussion dans les plus brefs délais soit acceptée, car le problème sera évoqué au mois d'août prochain à Tahiti, lors du grand rassemblement international qui se tiendra à l'occasion de la célébration du bombardement d'Hiroshima.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
6
Convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissure sur les navires
Adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'adhésion à la convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles sur les navires (ensemble quatre annexes et deux appendices), adoptée à Londres le 5 octobre 2001 (n° 156).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les études scientifiques ont montré que les navires sont plus rapides et qu'ils consomment moins de carburant lorsque leur coque est propre et lisse, exempte d'organismes salissants tels que les algues ou mollusques. Dans les années quatre-vingt, la communauté internationale a cependant pris conscience des effets nuisibles sur l'environnement des composés organiques de l'étain présents dans les peintures antisalissure recouvrant les coques de navires.
Afin de protéger la santé humaine et le milieu marin, la convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles sur les navires, adoptée à Londres le 5 octobre 2001, sous l'égide de l'Organisation maritime internationale, vise donc à interdire sur le plan mondial l'utilisation des composés organiques de l'étain présents dans les peintures antisalissure de coques de navires. Il s'agit de la convention dite antisalissure.
Certes, la plupart des règles prévues par la convention sont déjà en vigueur depuis mai 2003, voire antérieurement, en vertu de textes communautaires et nationaux. Néanmoins, durant une période transitoire qui s'étend du 1er juillet 2003 jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la convention antisalissure, la réglementation communautaire ne peut être appliquée dans les ports de l'Union européenne aux navires ne battant pas pavillon d'un État membre ou non exploités par ce dernier. En d'autres termes, ni l'interdiction d'utiliser des peintures à base de composés organiques de l'étain ni les inspections ne peuvent leur être imposées.
Il est de l'intérêt de la France, initiatrice de l'interdiction de ces produits, de promouvoir une application rapide à l'échelon international des mesures prévues par cette convention, afin de ne pas désavantager les pavillons communautaires et de protéger ses eaux littorales. Tant que l'utilisation des peintures à base de composés organiques de l'étain ne sera pas proscrite à l'échelle internationale, les navires battant pavillon des États faisant appliquer les principes de la convention seront économiquement désavantagés, notamment par un coût plus élevé des produits de substitution.
Les conditions de l'entrée en vigueur de la convention de 2001, à savoir la ratification par vingt-cinq États représentant au moins 25 % du tonnage brut de la flotte mondiale des navires de commerce, ne sont pas encore réunies. À ce jour, seize États représentant 17,27 % du tonnage mondial l'ont ratifiée. L'adhésion de la France facilitera l'entrée en vigueur de la convention.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention internationale de 2001 sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles, adoptée à Londres le 5 octobre 2001, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Plancade, en remplacement de M. Louis Le Pensec, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie d'excuser l'absence de M. Louis Le Pensec, que je remplace bien volontiers.
Vous avez rappelé, madame la ministre, les objectifs de ce texte qui a été adopté sous l'égide de l'Organisation maritime internationale et qui constitue une bonne illustration de la difficulté à adopter une norme commune pour la protection de l'environnement marin, dans un secteur soumis à une forte concurrence internationale.
Le tributylétain présent dans les peintures antisalissure est considéré par certaines études comme la substance la plus toxique qui ait jamais été introduite délibérément dans le milieu marin en raison, notamment, de sa persistance et de son accumulation dans les zones littorales fréquentées par les navires.
En 1982, notre pays a été l'un des premiers à prendre des mesures restrictives en interdisant l'utilisation des peintures à base de tributylétain sur les navires d'une longueur inférieure à vingt-cinq mètres. Il a été suivi par le Royaume-Uni, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, ou encore l'Australie et la Norvège. Plus de vingt années se seront écoulées entre les premières mesures prises par notre pays et l'adoption d'un règlement communautaire, et près de vingt-cinq ans avant qu'une interdiction intervienne à l'échelon international.
La convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles sur les navires, adoptée à Londres le 5 octobre 2001, prévoit un calendrier en deux temps d'élimination des substances nuisibles, agissant en tant que biocides dans les systèmes antisalissure. D'abord, à compter du 1er janvier 2003, l'application de ces substances sur les navires est interdite. Puis, à compter du 1er janvier 2008, c'est leur présence sur la coque des navires qui est proscrite, ce qui obligera les propriétaires de navires à leur faire subir un décapage ou faire enduire les dérivés de l'étain d'un système isolant de l'eau de mer.
La convention sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles a été ouverte à la signature le 1er février 2002. Elle entrera en vigueur douze mois après sa ratification par vingt-cinq États représentant au moins 25 % du tonnage brut de la flotte mondiale des navires de commerce, une condition que l'Union européenne pourrait a priori remplir. À ce jour, elle a été ratifiée par seize États, représentant 17,27 % de la flotte mondiale.
L'entrée en vigueur de la convention est indispensable au rétablissement d'une concurrence plus équilibrée entre les armateurs et les chantiers navals des pays de l'Union européenne et ceux des pays tiers, en mettant fin à la possibilité d'un dumping environnemental dans le domaine, économiquement très important, des systèmes antisalissure.
C'est pourquoi, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, votre commission à l'unanimité vous recommande l'adoption de ce projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Est autorisée l'adhésion à la convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles sur les navires (ensemble quatre annexes et deux appendices), adoptée à Londres le 5 octobre 2001 et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
7
Convention européenne des droits de l'homme
Adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole n° 14 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la convention (n° 221).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation le protocole n° 14 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Ce protocole, adopté par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, lors de sa session des 12 et 13 mai 2004, répond à la nécessité d'améliorer le fonctionnement de la Cour européenne des droits de l'homme, actuellement surchargée par le nombre des requêtes.
Tout en maintenant le principe du libre recours individuel, le protocole n° 14 instaure un nouveau critère de recevabilité permettant à la Cour d'écarter la requête dans l'hypothèse où le requérant n'a subi aucun préjudice important, et à deux conditions, que l'affaire ait déjà été examinée par un tribunal interne et que le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses protocoles n'exige pas un examen de la requête au fond.
Cette règle ainsi que l'introduction d'une plus grande flexibilité quant à la taille des chambres, flexibilité allant jusqu'à la création d'une formation à juge unique, doivent faciliter par la Cour la gestion de ses flux.
Par ailleurs, afin d'améliorer l'exécution des arrêts de la Cour et dans le but d'éviter des saisines de cette dernière après qu'un arrêt a révélé un problème structurel laissé sans suite par un État partie, le Comité des ministres peut saisir la Cour en interprétation, et même en manquement, après mise en demeure de l'État.
L'entrée en vigueur du protocole n° 14 doit donc permettre une amélioration du fonctionnement de la Cour européenne des droits de l'homme, organe juridictionnel essentiel pour la protection des valeurs fondamentales européennes.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux points du protocole n° 14 à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui, comportant des dispositions de nature législative, vous est soumis en vertu de l'article 53 de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le 1er novembre 1998, date de l'entrée en vigueur du protocole n° 11 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui fixe les conditions de fonctionnement du mécanisme de recours, l'activité de la Cour européenne des droits de l'homme a connu un développement considérable.
L'arriéré de la Cour a atteint 65 000 requêtes et environ 45 000 nouvelles requêtes sont enregistrées chaque année. Les délais de jugement dépassent cinq ans.
L'activité de la Cour est déséquilibrée au profit de l'examen de la recevabilité des requêtes et absorbée par des affaires répétitives : plus de 90 % des requêtes sont ainsi déclarées irrecevables et, parmi les requêtes déclarées recevables, 60 % portent sur des affaires répétitives pour lesquelles une jurisprudence constante a déjà été établie.
La réforme, objet du protocole que nous examinons aujourd'hui, devait concilier deux impératifs : améliorer l'examen de la recevabilité des requêtes, tout en garantissant l'accès à la juridiction.
Vous l'avez rappelé, madame la ministre, le protocole n° 14 crée une nouvelle formation de jugement à juge unique et élargit la compétence des comités de trois juges, qui pourront rendre un arrêt sur le fond, conjointement à la décision de recevabilité si une affaire obéit à une jurisprudence bien établie.
Il prévoit également une nouvelle condition de recevabilité. Aux termes du nouvel article 35, la Cour pourra déclarer irrecevable toute requête individuelle lorsqu'elle estimera que le requérant n'a subi aucun « préjudice important », notion qui devra être précisée par la jurisprudence. Cette nouvelle condition est encadrée par deux dispositions importantes : lorsque le préjudice est faible mais que la requête soulève une question de fond touchant aux droits de l'homme, l'affaire doit être obligatoirement examinée ; de même lorsqu'elle n'a pas été dûment examinée par un tribunal interne.
Dernier point notable, le protocole n° 14 ouvre à l'Union européenne, à un horizon encore indéfini, la possibilité d'adhérer à la convention, qui lui deviendrait ainsi opposable.
Le protocole n° 14 doit être ratifié par l'ensemble des États parties à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Le processus de ratification des États signataires est à ce jour bien engagé, même si la signature de la Russie n'est toujours pas intervenue.
Ce texte tente d'apporter une réponse équilibrée à la saturation de la Cour en accélérant les délais de jugement - considérés dans sa jurisprudence comme l'une des conditions d'un procès équitable - tout en garantissant l'accès à la juridiction. Cette réforme est nécessaire pour la crédibilité et pour l'efficacité de la Cour. C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission vous demande de bien vouloir adopter le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cela vient d'être rappelé, le protocole n° 14 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soumis aujourd'hui à notre approbation vient amender le système de contrôle de la convention dont la Cour européenne des droits de l'homme constitue la pierre angulaire.
Tout d'abord, je voudrais insister sur le fait que la réforme de la Cour européenne ne doit pas être considérée comme une question d'ordre exclusivement technique. L'amélioration du mécanisme de protection des droits de l'homme est un enjeu fondamental lorsque l'on sait que le système de la CEDH est un exemple unique en matière de garantie juridictionnelle des droits des individus.
Certes, on ne peut ignorer le constat qui est à l'origine du protocole n° 14, celui du risque de saturation de la Cour, qui, victime de son succès, est confrontée à l'explosion de son activité. Cela témoigne de l'attachement des citoyens au respect de leurs droits.
Ainsi, le nombre de requêtes ne cesse d'augmenter : indubitablement, la Cour se trouve confrontée à un problème de surcharge.
Au cours de ses quarante-quatre premières années de fonctionnement, la Commission et la Cour ont rendu un total de 38 389 décisions, tandis que, entre 1998 et 2004, la Cour en a rendu 61 633. En outre, le nombre des affaires en instance s'accroît également. À ce jour, on dénombre 75 000 dossiers pendants.
Il est donc nécessaire d'améliorer le fonctionnement de la Cour afin de garantir son efficacité et l'effectivité même des droits qu'elle est censée protéger.
Cependant, aussi nécessaire une réforme soit-elle, je considère que les logiques de rationalisation de l'accès au juge européen ne doivent pas altérer le processus de démocratisation de l'accès au droit.
Certes, le protocole n° 14 comporte plusieurs dispositions d'ordre institutionnel qui me paraissent aller dans le bon sens. En particulier, l'article 2, relatif à la durée du mandat des juges, précise : « Les juges sont élus pour une durée de neuf ans. Ils ne sont pas rééligibles. » L'instauration d'un mandat non renouvelable conférera certainement une plus grande indépendance aux juges et offrira de meilleures garanties aux justiciables.
Par ailleurs, le fait que le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe se voie reconnaître le droit de tierce intervention me semble susceptible d'apporter une valeur ajoutée à la procédure, si toutefois les moyens financiers nécessaires à l'exercice effectif de ses nouveaux pouvoirs lui sont octroyés. De même, les dispositions du protocole qui encouragent le recours au règlement amiable me paraissent positives.
Au-delà de ces considérations d'ordre institutionnel, je souhaiterais ajouter quelques mots concernant les trois éléments de procédure qui ont été modifiés par le protocole soumis à notre approbation.
Premièrement, concernant le renforcement de la capacité de filtrage par la Cour, on constate généralement que celle-ci déclare irrecevables plus de 90 % des requêtes qu'elle reçoit. On admet qu'il s'agit d'une difficulté majeure à laquelle elle est confrontée en termes d'encombrement.
Le protocole n° 14 propose, pour renforcer la capacité de filtrage de la Cour, de confier aux nouvelles formations de juge unique la faculté de déclarer irrecevables ou de rayer du rôle les requêtes individuelles, dans la mesure où, selon l'article 7 du protocole, « une telle décision peut être prise sans examen complémentaire ».
Je suis défavorable à cet article. Je partage à ce sujet la position d'Amnesty International et de 73 autres organisations qui, dans une réponse commune aux propositions visant à assurer l'efficacité à long terme de la Cour européenne des droits de l'homme, signée et remise au Comité des ministres, soulignait qu'aucune décision sur la recevabilité et/ou le bien-fondé d'une requête ne devrait être prise par moins de trois juges. Compte tenu de leur gravité, les décisions obligatoires définitives sur la recevabilité des requêtes demandant réparation à une cour internationale des droits de l'homme pour des allégations de violation des droits humains à l'encontre de personnes devraient être collégiales par nature, madame la ministre.
Deuxièmement, s'agissant du traitement des affaires répétitives, l'article 8 du protocole prévoit l'accroissement des compétences des comités de trois juges. Leur est confié le nouveau pouvoir de prendre des décisions concernant en même temps la recevabilité et le fond des dossiers « lorsque la question relative à l'interprétation ou à l'application de la convention ou de ses protocoles qui est à l'origine de l'affaire fait l'objet d'une jurisprudence bien établie de la Cour ».
Ces comités de trois juges ne comprendraient pas nécessairement le juge élu au titre de l'État cité dans la requête. Cependant, ils seraient dotés du pouvoir de demander, à n'importe quel moment de la procédure, que le juge élu au titre de l'État mis en cause dans la requête prenne la place de l'un des juges au sein du comité concerné. Celui-ci ferait cette demande en prenant en considération tous les facteurs pertinents, notamment dans le cas où l'État se serait opposé au traitement de l'affaire selon cette procédure.
Je considère que la possibilité donnée aux comités de déclarer recevable et de statuer conjointement sur le fond d'une requête, du fait que celle-ci soulève des problèmes sur lesquels la jurisprudence de la Cour est bien établie, permettra d'accélérer le traitement de ces affaires « clones » et constituera un gain de temps pour la Cour.
En revanche, je suis très opposé à la possibilité de substitution, au sein du comité de trois juges, d'un juge élu au titre de l'État qui fait l'objet de la requête. Cela susciterait en effet des doutes compréhensibles sur l'indépendance de la Cour et nuirait par conséquent à sa crédibilité.
Troisièmement, et pour finir, concernant l'instauration d'un nouveau critère de recevabilité, l'article 12 du protocole prévoit que la Cour pourra déclarer irrecevables les affaires dans lesquelles le requérant « n'a subi aucun préjudice important », sauf si le respect des droits de l'homme exige un examen au fond et à la condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n'a pas été dûment examinée par un tribunal interne.
Je suis opposé à l'ajout d'un nouveau critère de recevabilité ayant pour effet de restreindre le droit de recours individuel au juge européen. Je considère fondamental que toute victime d'atteintes à la convention européenne puisse bénéficier du droit d'accès au juge européen, sans considération d'importance du préjudice subi.
Je le conteste d'autant plus que je note le grand flou juridique de ce nouveau critère. Il convient de relever que l'expression « aucun préjudice important » n'est pas définie dans le protocole. Une grande marge de manoeuvre est par conséquent laissée aux juges, qui décideront eux-mêmes ce qu'elle recouvre. Le juge européen sera donc à la fois juge et partie : lorsqu'il devra statuer sur la recevabilité d'une affaire, il lui faudra définir lui-même les contours du critère de recevabilité sur lequel il se fondera pour rendre sa décision. Cela n'est pas acceptable.
De façon plus générale, la possibilité pour la Cour de choisir, en fonction de leur importance, les requêtes qu'elle entend traiter me paraît aller à l'encontre de l'objectif même assigné à la Cour européenne : garantir le respect des droits de l'homme inscrits dans la convention et en assurer une interprétation cohérente.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que le groupe communiste républicain et citoyen, après avoir formulé ces remarques sur le fond, s'abstienne lors du vote sur ce projet de loi.
Je vous remercie, madame la ministre, de la réponse que vous pourrez m'apporter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Est autorisée l'approbation du protocole n° 14 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la convention, signé à Strasbourg le 13 mai 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
(Mme Michèle André remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
8
Accord avec l'Azerbaïdjan relatif aux infractions douanières
Adoption d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République azerbaïdjanaise pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières (nos 130, 256).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi soumis aujourd'hui à votre approbation porte sur une convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière que la France a signée avec la République azerbaïdjanaise le 22 janvier 2004.
Cette convention a pour objet de renforcer l'efficacité des administrations douanières respectives dans la lutte contre les fraudes douanières en mettant en oeuvre une étroite coopération qui facilitera la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières, notamment dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. Elle permettra de renforcer la défense d'intérêts communs, tant commerciaux, économiques et fiscaux que culturels et sociaux, auxquels les infractions à la législation douanière ne peuvent que porter préjudice.
Ce texte est d'essence analogue à ceux que la France a déjà signés et ratifiés par le passé et qui étaient inspirés de la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988, de la recommandation de l'Organisation mondiale des douanes sur l'assistance administrative mutuelle du 5 décembre 1953, et de la réglementation européenne en matière douanière.
L'Azerbaïdjan représente une zone sensible propice aux risques de fraude, notamment en matière de produits stupéfiants. Ce sont les autorités douanières azéries elles-mêmes qui se sont déclarées désireuses d'engager des négociations avec la France sur une convention d'assistance administrative mutuelle. Après une année de négociation, la convention a été signée au cours d'une visite officielle en France du président Ilham Aliev.
Pour lutter efficacement contre les courants de fraude observés entre la France et l'Azerbaïdjan, la coopération administrative douanière prévue par la convention privilégie l'échange de renseignements entre administrations douanières, qu'il soit spontané ou réalisé à la suite d'une demande.
Afin de lutter contre le trafic de drogue, cette coopération prévoit également le recours aux livraisons surveillées internationales, méthode qui consiste à permettre la sortie ou le transit de stupéfiants ou de substances psychotropes par le territoire d'un ou plusieurs pays, ou encore la sortie de produits précurseurs utilisés dans leur fabrication, sous le contrôle des autorités douanières, en vue de constater les infractions et d'identifier les personnes impliquées dans celles-ci.
D'une manière générale, le dispositif prévoit la possibilité, pour chaque administration, de procéder à des enquêtes à la demande de l'autre partie et d'utiliser devant les tribunaux les renseignements reçus et les documents produits. Les agents des douanes d'un des deux États contractants pourront comparaître devant les tribunaux de l'autre État en qualité de témoins ou d'experts.
Telles sont, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Guerry, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la convention qui est soumise aujourd'hui à l'approbation du Sénat permettra de resserrer les liens avec un pays qui souhaite s'ouvrir sur l'Occident et d'améliorer le dispositif de lutte contre le trafic de stupéfiants.
Ce pays devrait connaître, avec la mise en exploitation des principaux gisements pétroliers et gaziers, une très forte croissance au cours des prochaines années. Dans ce domaine de l'énergie, la récente réalisation de l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan devrait sérieusement diminuer l'emprise russe sur le transit des hydrocarbures vers les marchés occidentaux.
La politique extérieure de l'Azerbaïdjan est marquée par une implication accrue de l'Occident et un dialogue nourri avec la France.
L'Azerbaïdjan est membre du Partenariat pour la paix et souhaite une implication accrue de l'OTAN dans la région. Il est devenu le quarante-troisième membre du Conseil de l'Europe le 25 janvier 2001. Par ailleurs, l'accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et l'Azerbaïdjan est entré en vigueur en juillet 1999.
La France souffrait initialement d'une image assez mauvaise en Azerbaïdjan, du fait de ses rapports privilégiés avec l'Arménie. Cette image s'est progressivement améliorée grâce aux relations qu'entretiennent les deux chefs d'État. De plus, les liens parlementaires entre la France et l'Azerbaïdjan sont denses.
Le problème du trafic de stupéfiants est particulièrement aigu dans cette partie du monde. En effet, les routes dites « de la drogue », sur un axe est-ouest, prennent naissance en Afghanistan et aboutissent au coeur de l'Europe. Elles traversent d'abord le Turkménistan, puis la mer Caspienne et passent par l'Azerbaïdjan pour atteindre la Turquie.
La convention du 24 janvier 2004 comporte des dispositions classiques d'échanges d'informations relatives à des opérations irrégulières constatées ou projetées.
De plus, la méthode dite des « livraisons surveillées » de marchandises peut être utilisée. Il s'agit d'opérations au cours desquelles les administrations douanières surveillent ou permettent le passage, sur le territoire des deux parties, de stupéfiants, en vue de constater les infractions douanières liées à l'importation, à l'exportation ou à la détention de ces produits et d'identifier les personnes impliquées dans la commission de ces infractions.
Il est nécessaire que la France et l'Union européenne approfondissent leur coopération avec l'Azerbaïdjan afin, notamment, d'offrir à ce pays la possibilité de ne pas être trop exclusivement lié aux États-Unis ou à la Russie.
De plus, il est indispensable d'améliorer les moyens de lutte contre le trafic de stupéfiants, dont une partie transite par l'Azerbaïdjan.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République azerbaïdjanaise pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières, signée à Paris le 22 janvier 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité des sénateurs présents.
9
Convention fiscale avec le Chili
Adoption d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Chili en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (nos 352, 2004-2005, 304).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi autorisant l'approbation de la convention fiscale franco-chilienne et de son protocole annexé.
À titre liminaire, il convient de rappeler que la France et le Chili n'étaient pas liés, jusqu'à présent, par une convention en vue d'éviter les doubles impositions.
De son côté, le Chili mène depuis plusieurs années une politique active d'extension de son réseau conventionnel, en particulier en direction des pays de l'OCDE.
Faisant suite aux interventions de plusieurs entreprises françaises implantées au Chili, la France et le Chili ont entamé en 1997 des négociations qui ont abouti à la signature, le 7 juin 2004 à Paris, de la présente convention.
Dans ses grandes lignes, elle est conforme au modèle de convention fiscale de l'OCDE, sous réserve des aménagements liés aux spécificités des systèmes fiscaux français et chilien.
À titre d'exemple, l'imposition des revenus des biens immobiliers est réservée à l'État sur le territoire duquel ces biens sont situés, conformément au modèle de l'OCDE, mais le point 4 du protocole annexé à la convention reprend des dispositions particulières de la législation française en ce qui concerne les revenus des sociétés à prépondérance immobilière, et ce afin d'éviter l'interposition de sociétés ou d'autres entités juridiques écrans entre le propriétaire réel et l'immeuble ainsi détenu.
Le régime d'imposition des rémunérations publiques retient, quant à lui, le principe d'imposition exclusive de ces revenus dans l'État de la source, conformément à la règle préconisée par l'OCDE. Toutefois, l'imposition est réservée à l'État de la résidence lorsque les services sont rendus dans cet État et que le bénéficiaire en est un résident et en possède la nationalité. Le Chili n'a pas souhaité introduire la notion de rémunérations payées par des « personnes morales de droit public ». Aussi, le protocole précise, à la demande de la France, que les dispositions de l'article 18 de la Convention s'appliquent également aux rémunérations versées aux fonctionnaires de nationalité française en poste au Chili travaillant pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et pour l'Institut de recherche et de développement, sous certaines conditions.
La nouvelle convention comprend en outre certaines dispositions inspirées du modèle de convention fiscale de l'ONU telles que la définition des redevances qui ne prévoit pas, à la différence du modèle de l'OCDE, l'imposition exclusive dans l'État de résidence du bénéficiaire effectif.
Dans un contexte de croissance soutenue de l'économie chilienne et d'élimination des barrières douanières entre l'Union européenne et le Chili, la présente convention permettra de sécuriser nos investissements dans ce pays, d'y renforcer notre présence économique et d'engendrer une reprise des échanges commerciaux entre la France et le Chili.
Telles sont, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Chili en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Chili en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Cette autorisation, demandée au Parlement, si elle peut apparaître parfois convenue à certains observateurs non avertis, n'en revêt pas moins une grande importance, notamment parce qu'elle met en lumière, comme l'a déjà dit Mme la ministre, l'impact sur les finances publiques que peut avoir la convention. Elle est surtout l'occasion, pour la commission des finances, de rappeler les enjeux économiques, parfois considérables, attachés à ces conventions, et les bénéfices que peuvent en tirer les entreprises françaises qui investissent à l'étranger.
J'y suis particulièrement attentif, et c'est pourquoi je suis désormais, en amont, l'élaboration du calendrier de négociation avec les pays tiers, en auditionnant la sous-direction des relations internationales de la direction de la législation fiscale, attachée à la direction générale des impôts, et en suivant les travaux de l'observatoire des conventions fiscales internationales.
Je me réjouis que la priorité soit accordée dans les négociations, ou les renégociations, à des accords avec des pays tiers présentant les enjeux économiques les plus importants. La France bénéficie déjà, en effet, d'un réseau de conventions fiscales bilatérales particulièrement dense, et il convient d'appuyer une politique plus sélective dans la conclusion de nouveaux accords, permettant d'affecter des ressources au nécessaire travail d'actualisation - il s'agit d'un travail important -, de « maintenance », des conventions existantes, et à la participation aux groupes de travail multilatéraux se réunissant, dans le cadre de l'OCDE, afin de faire évoluer les « conventions types ».
Compte tenu des enjeux que représentent les conventions fiscales internationales pour les entreprises françaises, j'ai porté mon attention sur le délai d'approbation de ces textes, et je profite de la discussion de cette convention avec le Chili pour en dire quelques mots.
Outre le présent projet de loi, deux projets de loi, l'un autorisant l'approbation de l'avenant sous forme d'échange de lettres modifiant la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, l'autre autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, ont été déposés au Sénat le 12 mai 2005.
Deux autres conventions, l'une avec la Syrie, l'autre avec la Libye, pourraient entrer dans la phase d'approbation avant la fin de l'année 2006.
J'ai souhaité évaluer notre délai d'approbation des conventions fiscales, en le comparant avec celui que pratiquent les pays parties prenantes.
Madame la ministre, mes chers collègues, le constat paraît peu favorable à la France.
Sur la période récente, le processus d'approbation engagé par la France s'est achevé plus tardivement que celui du pays tiers, dans huit cas sur dix. Il y a là matière à réflexion, de manière globale, sur la manière dont nous conduisons le processus d'approbation des conventions fiscales internationales. J'ai parlé tout à l'heure de sélectivité, je crois effectivement que c'est un mot important quand on a fait ce constat-là.
Vous trouverez, dans mon rapport écrit, un tableau qui fait ressortir le décalage par rapport aux pays tiers. Je ne vous le lirai pas ici dans sa totalité, je ne prendrai que deux exemples parmi les plus probants.
Avec l'Albanie, la convention a été signée le 24 décembre 2002, l'approbation par le pays tiers a eu lieu le 21 mai 2003, l'approbation par la France le 21 juin 2005, soit deux ans et un mois après. Avec l'Azerbaïdjan, la convention a été signée le 20 décembre 2001, l'approbation par le pays tiers a eu lieu le 8 avril 2002, l'approbation par la France le 19 mai 2005, soit trois ans et un mois après. Il y a donc là un vrai problème auquel il est normal que le Parlement attache une certaine attention.
J'en viens au fond de la convention. Comme vient de le rappeler Mme la ministre, la conclusion d'une convention fiscale avec le Chili constituait une priorité indéniable.
Ce pays de seize millions d'habitants, doté d'un régime démocratique stable, offre en effet un potentiel de croissance important. Le taux de croissance du PIB s'est ainsi établi à 6,3 % en 2005 et devrait atteindre encore 5,4 % en 2006, ce qui fait un peu rêver. Le taux d'investissement est particulièrement élevé - il représente 27 % du PIB en 2005 -, les capitaux étrangers affluent, la dette extérieure apparaît maîtrisée, les réserves internationales sont importantes et les exportations en forte croissance.
En moins de dix ans, le Chili a signé des accords de libre-échange avec trente-deux pays, y compris l'Union européenne en 2002 et les États-Unis en 2003, se classant ainsi au cinquième rang mondial des pays les plus ouverts aux importations et aux investissements étrangers. Ces remarques suffisent à montrer la nécessité et l'importance de cette convention.
Dans ce contexte, la France a bien sûr intérêt à développer la présence de ses entreprises au Chili.
Malgré la taille limitée de son marché, le Chili constitue pour la France un enjeu important et un partenaire intéressant, par son exemplarité économique en Amérique latine et par son ouverture à l'international.
S'agissant des exportations, la France est le dixième pays fournisseur du Chili et le deuxième pays européen après l'Allemagne. Les exportations françaises se sont élevées à 340 millions d'euros en 2004 et à 448 millions d'euros en 2005, soit une progression de 32 %, ce qui mérite d'être souligné. Elles portent sur les secteurs suivants : l'automobile, le ferroviaire, l'aéronautique, la chimie et la pharmacie, ainsi que les tonneaux pour la vinification, plus spécifiquement au Chili. Leur évolution peut être assez erratique car elle suit l'exécution des grands contrats d'équipement, qu'il s'agisse des transports urbains, avec Alstom, ou de l'aéronautique, avec Airbus.
La bonne santé économique du Chili, l'appréciation du peso par rapport à l'euro ainsi que la récente signature d'importants contrats devraient offrir à la France de réelles opportunités, notamment sur la période 2006-2009.
La plupart des entreprises françaises se sont implantées au Chili à la fin des années quatre-vingt-dix. Alors qu'au début des années quatre-vingt-dix, on ne comptait qu'une quarantaine d'implantations, celles-ci représentent aujourd'hui environ cent trente établissements, dans tous les secteurs, à l'exception du domaine minier : agriculture, industrie, construction, services. Grâce à Suez, la France occupe une place très importante dans les secteurs stratégiques de l'eau, de l'électricité et du gaz. Par ailleurs, des sociétés comme Alstom, L'Air Liquide ou Sodexho font de très bons résultats au Chili.
Le renforcement de la présence économique française au Chili rendait nécessaire la conclusion d'une convention fiscale, d'autant que le système fiscal chilien est marqué par l'existence d'une additional tax particulièrement défavorable aux entreprises étrangères souhaitant rapatrier leurs bénéfices. Cette additional tax aboutit au mécanisme suivant : un bénéfice réalisé au Chili et distribué à un résident de France supporte, ainsi dans un premier temps l'impôt sur les sociétés, au niveau de la société, de 17 %, puis un taux de 35 % sur lequel s'impute l'impôt sur les sociétés de 17 %.
Cette spécificité fiscale chilienne a été le point central de la négociation de la convention. De l'avis des négociateurs français, une solution de compromis qui a été trouvée, qui devrait permettre aux entreprises de bénéficier d'un effacement certes partiel, mais néanmoins important, de la double imposition, sans que le coût pour le Trésor public français excède ce qui est habituellement consenti à nos partenaires. L'ensemble des résidents de France, personnes physiques ou personnes morales, aura droit, pour les dividendes, à un crédit d'impôt égal soit au montant de l'additional tax chilien, après imputation de l'impôt sur les sociétés chilien, soit à 15 % du montant brut des dividendes, avant imputation de l'additional tax si ce montant est inférieur.
S'agissant des autres dispositions, la convention est conforme en grande partie au modèle de convention de l'OCDE, même si elle comporte des adaptations rédactionnelles issues principalement soit du modèle de convention de l'ONU, soit des spécificités de la législation fiscale des deux États.
L'ensemble des adaptations souhaitées par le Chili, et que la France a acceptées, ont d'ores et déjà fait l'objet d'un accord de la part des États membres de l'OCDE ayant conclu une convention fiscale avec le Chili - tel que le Canada - ou ayant déjà paraphé un projet de convention avec cet État - comme le Royaume-Uni et l'Allemagne.
Le processus d'approbation de la présente convention est achevé au Chili depuis le 16 janvier 2006. En l'occurrence, la France n'a donc pas beaucoup de retard.
Ces précisions étant apportées, mes réserves sur les délais d'approbation des conventions fiscales étant exprimées, j'invite le Sénat à adopter le présent projet de loi.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Chili en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole), signée à Paris le 7 juin 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq,
est reprise à seize heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
10
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
Mme la présidente. J'ai le profond regret de vous faire part du décès, survenu ce jour, de notre collègue André Labarrère, sénateur des Pyrénées-Atlantiques depuis septembre 2001.
M. le président du Sénat prononcera ultérieurement son éloge funèbre, mais je tiens d'ores et déjà à saluer sa mémoire. (M. le garde des sceaux, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)
11
rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Madame la présidente, nous ne sommes pas très nombreux en séance, et je ne sais pas si nous le serons davantage tout à l'heure !
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes la majorité !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet, de nombreuses réunions sont organisées aujourd'hui au Sénat. À seize heures, en particulier, se réunissent les membres de la mission commune d'information sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d'années.
À seize heures trente, c'est la délégation pour l'Union européenne qui se réunit.
Et surtout, la commission des lois, dont les membres sont particulièrement concernés par le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités, lequel nous vaut le plaisir d'avoir parmi nous M. le garde des sceaux, procède en ce moment même à des auditions sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration.
M. Michel Charasse. Il s'agit de la même commission !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Exactement !
Nous ne travaillons donc pas dans de bonnes conditions, c'est le moins que l'on puisse dire !
De surcroît, le rapport, qui avait été adopté par la commission mercredi dernier tard dans la soirée, a été mis en distribution samedi sous sa forme imprimée.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le répète, monsieur le rapporteur, le rapport imprimé a été mis en distribution samedi. Or il est tout de même plus pratique de travailler sur un rapport imprimé que sur un texte issu d'un ordinateur, même si cela est bien sûr possible.
Quant au délai limite pour le dépôt des amendements, il avait été fixé non pas à la fin de la discussion générale, ce que l'on aurait pu comprendre, mais à hier lundi à midi, ce qui nous a obligés à travailler pendant le week-end.
Il s'agit donc de conditions de travail déplorables !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ces conditions, certes habituelles, sont rendues encore plus difficiles aujourd'hui par le fait que le rapporteur du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration est en train de procéder à des auditions en présence d'un certain nombre de nos collègues, auditions auxquelles nous aurions nous-mêmes souhaité participer.
Je tenais donc, par ce rappel au règlement, à protester contre ces méthodes de travail, qui sont pitoyables. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je prends volontiers acte de votre protestation, d'autant que ce soudain « embouteillage » concernant des textes qui nous concernent tous n'avait échappé à aucun des membres de notre commission des lois.
M. Michel Charasse. Il faut s'inspirer du règlement de l'Assemblée nationale concernant le délai de dépôt des amendements !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et des rapports !
Mme la présidente. Ce point sera examiné, monsieur Charasse.
12
Réforme des successions et des libéralités
Discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblé nationale, portant réforme des successions et des libéralités (nos 223, 343).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd'hui le projet de loi portant réforme du droit des successions et des libéralités tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale le 22 février dernier.
Il s'agit, nul ne l'ignore ici, d'un texte essentiel.
Le droit de la famille connaît, depuis maintenant plus de trois années, une profonde et nécessaire mutation. Après la réforme du droit du divorce, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2005, et celle de la filiation, qui s'appliquera à partir du 1er juillet prochain, le Gouvernement entend, par ce projet de loi, moderniser en profondeur le droit des successions et des libéralités.
Par la force des choses, le droit des successions intéresse tous nos concitoyens. Ce droit a pourtant été peu modifié depuis 1804 et souffre aujourd'hui d'une certaine rigidité, qui n'est plus comprise et que les praticiens ont beaucoup de mal à justifier. Ce droit, pour une grande part obsolète, se révèle ainsi incapable de répondre aux attentes des familles. Je pense autant aux familles qui s'entendent, et qui souhaitent pouvoir organiser en bonne intelligence la transmission du patrimoine, qu'aux familles qui ne s'entendent plus et qui souhaitent surmonter aussi rapidement que possible leurs désaccords.
D'importantes modifications du droit des successions ont déjà été apportées par la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant. Cette loi avait d'ailleurs été l'occasion pour votre assemblée de marquer l'intérêt tout particulier qu'elle porte à cette question. Vous aviez, à l'époque, mesdames, messieurs les sénateurs, considérablement amélioré le texte de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.
Plus important encore, vous aviez formulé le souhait, particulièrement raisonné, de mettre à profit l'examen de cette proposition de loi en procédant à une refonte générale du droit des successions.
Encore aujourd'hui, l'intérêt et la volonté de réformer en profondeur ce droit sont présents. J'en veux pour preuve la grande qualité des travaux menés par la commission des lois du Sénat et l'initiative de son président, Jean-Jacques Hyest, qui a déposé récemment, avec M. Nicolas About, une nouvelle proposition de loi en la matière.
Le texte qui vous est soumis réalise l'objectif tant attendu d'adapter le droit des successions et des libéralités à certaines évolutions importantes de notre société contemporaine.
Ces évolutions sont d'ordre démographique et sociologique. Tout d'abord, avec le vieillissement de la population, on hérite de plus en plus tard. Ensuite, avec les familles recomposées, la configuration des successions devient de plus en plus complexe.
Ces mutations sont également de nature économique : chaque année, près de 10 000 entreprises disparaissent en raison du décès de l'entrepreneur et, dans les dix ans à venir, 450 000 entreprises devront être transmises.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Chacun sait que notre droit n'est pas adapté pour faire face à une telle évolution.
Enfin, il est devenu absolument nécessaire de mieux prendre en considération des situations particulières qui appellent une attention spécifique. Je pense aux familles dont un enfant est atteint d'un handicap, qui mérite que les conditions de transmission du patrimoine soient adaptées à ses besoins.
La prise en compte de ces nouvelles réalités permettra d'aboutir à un droit plus juste et plus respectueux de l'attente de nos concitoyens.
Cette réforme a été enrichie par les débats qui se sont déroulés devant l'Assemblée nationale les 21 et 22 février derniers. Son examen par votre assemblée sera l'occasion de nouveaux progrès importants.
À ce titre, permettez-moi de remercier vivement la commission des lois du Sénat, et en particulier son rapporteur M. Henri de Richemont. Les amendements qu'il présente au nom de la commission vont permettre d'apporter de sensibles améliorations.
Le projet de loi s'articule autour de trois axes principaux, que je présenterai successivement. Il s'agit de donner à chacun plus de liberté pour organiser sa succession, d'accélérer et de simplifier le règlement des successions, et, enfin, de faciliter et de simplifier la gestion du patrimoine successoral.
Tout d'abord, il convient de donner à chacun plus de liberté pour organiser sa succession.
Les règles qui gouvernent la transmission anticipée du patrimoine sont mal comprises en raison de leur rigidité. Il convient bien sûr de conserver les équilibres fondamentaux du droit des successions, auxquels nos concitoyens sont attachés. Je pense en particulier à la protection des droits des héritiers par la réserve. Toutefois, dans le même temps, le projet de loi procède à des adaptations afin de mieux respecter la volonté de celui qui transmet.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Dans la poursuite de cet objectif, le projet de loi apporte plusieurs innovations au droit actuel.
En premier lieu, la réserve héréditaire devient une réserve en valeur. L'abandon de la réserve héréditaire en nature, qui était susceptible de porter atteinte à la sécurité juridique et au respect de la volonté du défunt, a deux conséquences. D'une part, il permettra aux bénéficiaires de libéralités excessives de conserver les biens donnés, à charge de verser une indemnité à la succession. D'autre part, le partage, qui sera désormais gouverné par une égalité en valeur, s'en trouvera facilité.
En second lieu, le projet de loi assouplit également, dans un souci de transmission efficace des patrimoines, plusieurs règles importantes. En particulier, il autorise certains pactes successoraux et permet la représentation de certains héritiers renonçant.
S'agissant des pactes successoraux, le projet de loi s'inspire de législations étrangères, notamment de la législation allemande, afin d'atténuer le principe de prohibition qui gouverne cette matière.
Désormais, un héritier réservataire pourra renoncer par anticipation, avec l'accord de celui dont il a vocation à hériter, à exercer son action en réduction contre une libéralité portant atteinte à sa réserve héréditaire.
Ce nouveau mécanisme sera encadré par des règles de forme, en particulier le recours à l'acte notarié. Il comportera également des garanties de fond, la personne destinée à bénéficier de la renonciation devant être spécialement désignée. Enfin, l'Assemblée nationale a exigé que le renonçant exprime son consentement en présence du seul notaire lors de la signature de l'acte.
Sur l'initiative de son rapporteur, votre commission des lois propose d'ajouter de nouvelles garanties de sécurité, notamment en exigeant que deux notaires, et non plus en seul, reçoivent l'acte, afin de conférer au renonçant un conseil personnalisé. Je suis favorable à de tels amendements.
Le pacte successoral permettra ainsi de sécuriser les transmissions de patrimoine, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une donation-partage, et d'offrir davantage de liberté dans la répartition de ses biens, notamment lorsqu'un enfant handicapé compte parmi les héritiers.
La représentation des héritiers renonçants constitue également une évolution notable. En l'état du droit, on ne représente pas les héritiers vivants, sauf en cas d'indignité.
Cependant, la représentation des descendants renonçants est conforme à la logique économique, qui incite à favoriser le transfert des richesses vers des personnes dont les besoins de consommation sont plus importants. Ainsi, les personnes qui héritent pourront, par une renonciation, laisser leurs propres enfants venir en leur lieu et place dans la succession.
Une telle disposition est d'ailleurs le corollaire de la donation-partage transgénérationnelle, que je vais évoquer.
Nous avons vu récemment que des dispositions fiscales encourageant la transmission des sommes d'argent des grands-parents à leurs petits-enfants avaient rencontré un franc succès. Sur ce point, la réforme met en place les conditions civiles pour que de telles transmissions puissent se perpétuer.
Par ailleurs, le recours à la donation-partage sera facilité. Comme vous le savez, il s'agit d'un mécanisme essentiel d'anticipation du règlement des successions.
Tout d'abord, son champ d'application a été élargi, afin que la donation-partage puisse intervenir au profit de tous les héritiers présomptifs, et non seulement des descendants. C'est un gage de souplesse supplémentaire. Ainsi, une personne sans enfant pourra désormais distribuer et partager ses biens entre ses frères et soeurs ou ses neveux et nièces.
Ensuite, prenant en compte la réalité démographique, le texte instaure la donation-partage transgénérationnelle. Celle-ci permettra de faire concourir à une même donation-partage des descendants de générations différentes. Dans ce mécanisme, la part dévolue aux petits enfants sera imputée sur la réserve du descendant direct, qui devra intervenir à l'acte pour l'accepter.
Enfin, la réalité sociologique des familles recomposées nécessitait une adaptation des règles et une clarification de la pratique. En permettant à des enfants issus d'unions différentes de participer à une même donation-partage, le projet répond à une forte attente, tant des familles que des professionnels.
En dernier lieu, le projet de loi consacre les libéralités résiduelles. Celles-ci permettent de faire une libéralité vers un premier bénéficiaire qui, à son décès, aura l'obligation de remettre le reliquat à un second gratifié préalablement désigné. La jurisprudence a accepté un tel dispositif sans en organiser le régime juridique, ce qui limite le recours à un tel mécanisme. Il y est remédié par le projet, et le dispositif est étendu aux legs et donations.
Il s'agit là d'un moyen de transmission particulièrement efficace, notamment dans le cadre des familles dont un enfant est handicapé.
L'Assemblée nationale a souhaité, avec raison, ajouter à ce dispositif celui des libéralités graduelles. Contrairement à la libéralité résiduelle, la libéralité graduelle oblige le premier bénéficiaire à conserver le bien reçu pour le transmettre au second gratifié.
Votre rapporteur souhaite apporter plusieurs améliorations à ces deux types de libéralités, afin de les rendre plus effectives. Je salue cette initiative et j'y serai naturellement favorable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le deuxième objectif du projet est essentiel et répond à une attente de nos concitoyens : l'accélération et la simplification du règlement des successions.
L'ouverture d'une succession est souvent une période d'inquiétude pour les héritiers. À la douleur de la perte d'un proche s'ajoute le tracas des différentes démarches à effectuer pour le règlement patrimonial de la succession. Face à ces difficultés, la réforme se devait d'apporter des réponses pragmatiques.
La première concerne la détermination des héritiers. Aujourd'hui, seule la consultation du livret de famille permet de connaître les enfants du défunt. Or ce document peut avoir été égaré ou n'avoir jamais été mis à jour.
En définitive, les rédacteurs d'actes de notoriété s'en remettent souvent aux déclarations des requérants, avec les incertitudes qui en résultent. Ainsi, afin de sécuriser, dans l'avenir, la détermination des héritiers, le projet de loi prévoit la mention, en marge de l'acte de naissance du défunt, des enfants qu'il a déclarés ou reconnus.
Par ailleurs, le projet de loi comble une lacune du droit actuel en sanctionnant des peines du recel le fait de dissimuler un cohéritier. Il s'agit d'une sanction civile qui sera dissuasive et qui contraindra les héritiers à révéler immédiatement l'existence des autres cohéritiers.
Le projet prévoit également des solutions permettant d'accélérer la prise de position des héritiers quant à l'acceptation ou non de la succession.
Il s'agit d'abord de la généralisation de l'action interrogatoire.
Cette action permettra aux créanciers, aux cohéritiers, aux héritiers de rang subséquent et à l'État de sommer l'héritier inactif de prendre position. À défaut d'option, il sera considéré comme ayant accepté la succession purement et simplement. Cette mesure s'accompagne d'un délai d'option désormais plus court, passant de trente ans à dix ans. Au-delà de ces dix ans, l'héritier inactif sera tenu pour renonçant.
En outre, le projet de loi se devait de réviser dans son ensemble l'acceptation sous bénéfice d'inventaire.
Cette option est aujourd'hui rarement choisie en raison de la lourdeur et de l'imprécision de son régime. La modernisation de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, désormais appelée acceptation à concurrence de l'actif net, repose sur trois mesures essentielles.
Tout d'abord, la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif est soumise à une publicité permettant une information des créanciers. Ces derniers disposent désormais d'un délai fixe de quinze mois pour se faire connaître. À défaut, leurs créances se trouvent éteintes.
Ce mécanisme d'extinction des créances non déclarées est essentiel ; il permet à l'héritier de se faire une idée sur l'ampleur du passif existant, afin de procéder en toute sécurité à son règlement.
Ensuite, l'intérêt de l'inventaire est augmenté. Actuellement utilisé pour déterminer la composition matérielle du patrimoine, le projet de loi lui donne désormais un rôle estimatif. Cet inventaire, établi par un officier public ou ministériel, servira de base aux opérations ultérieures.
Enfin, l'héritier retrouve un rôle central. Contrairement au dispositif actuel, il disposera d'un véritable pouvoir quant au sort des biens successoraux. Deux possibilités lui seront offertes : il pourra vendre les biens ou décider de leur conservation. Dans les deux cas, la décision sera publiée et l'héritier aura la responsabilité de la répartition des fonds entre les créanciers.
Poursuivant l'objectif de diminuer les risques qu'encourent les héritiers lors de l'acceptation de la succession, la réforme offre la possibilité à l'héritier ayant accepté purement et simplement la succession d'être déchargé d'une dette qu'il avait de justes raisons d'ignorer.
Cette protection permettra d'éviter des conséquences parfois catastrophiques pour les héritiers qui s'aperçoivent, le plus souvent longtemps après avoir accepté, que le défunt avait en fait contracté une dette très importante qui rendait la succession totalement déficitaire.
Je terminerai la présentation des principales mesures permettant l'accélération et la simplification du règlement des successions en évoquant le partage successoral. Cette étape constitue la principale source de blocage, et c'est pour cette raison que nous avons souhaité la réformer en profondeur.
L'objectif du texte est d'abord de favoriser le partage amiable, afin de limiter le recours au partage judiciaire aux seuls cas où il existe un véritable litige. Ainsi, pour le cas d'un héritier taisant, mais non opposé au partage, le projet prévoit de mettre en place une procédure de représentation nécessitant une intervention judiciaire simplifiée et limitée.
Les nouvelles mesures concernant le partage en présence d'un présumé absent ou d'une personne protégée suivent la même logique. Alors qu'aujourd'hui l'intervention du juge est systématique, on envisage dans le projet de loi de mettre en place un partage amiable sur autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles. Cela évitera le recours à une procédure lourde et souvent inutile, qui n'a souvent pour seul effet que de retarder les opérations de partage.
Enfin, la promotion du partage amiable passe également par une limitation de sa remise en cause. Ainsi, en matière de partage lésionnaire, là où le droit actuel fait de la nullité un principe, la réforme lui préfère une sanction plus adaptée et pragmatique : le versement d'une indemnité complémentaire. En outre, le délai pour agir en cas de lésion est ramené de cinq ans à deux ans.
Dans la mesure où le partage judiciaire ne peut être évité à chaque fois, le projet de loi a voulu le rendre plus efficace pour que cessent ces procédures qui s'étendent sur plusieurs années et usent la patience de nombreuses familles. Dans cette optique, il est indispensable que le notaire ait un rôle important. Il doit agir comme un véritable liquidateur, en passant outre l'inertie d'un copartageant. Le projet de loi lui en donne les moyens, notamment en lui permettant de demander au juge la représentation du copartageant défaillant.
Comme vous le voyez, ces dispositions non seulement vont dans le sens de la simplification, mais permettront également aux familles d'aborder les opérations successorales avec davantage de sérénité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'en viens maintenant au troisième objectif de cette réforme, qui est de faciliter et de simplifier la gestion du patrimoine successoral.
Il s'agit là d'un problème essentiel, car, en marge des conflits humains auxquels peut donner lieu le règlement des successions et pour lesquels la réforme apporte des réponses, il y a une réalité patrimoniale préoccupante.
Trop d'entreprises disparaissent, du fait de règles trop rigides qui empêchent les héritiers de continuer, même de façon provisoire, l'action du défunt.
La réforme du droit des successions se devait de prendre en compte cette question.
Le projet de texte protège d'abord les héritiers contre les risques d'acceptation tacite de la succession. Souvent, en particulier lorsqu'il existe une entreprise, les héritiers préfèrent se désintéresser de la succession, plutôt que de prendre le risque, en assurant la gestion courante, d'être tenus pour des héritiers acceptants purs et simples, ce qui les exposera au paiement de l'intégralité du passif.
Le texte atténue cette difficulté pratique et permet aux héritiers, sans risque d'être considérés comme acceptant tacitement la succession, d'effectuer l'ensemble des actes nécessaires à la conservation et à l'administration provisoire de la succession. Ils pourront également, sur autorisation du juge, prendre toute mesure dans l'intérêt de la succession.
À l'avenir, les héritiers pourront par conséquent éviter la détérioration des biens dont la conservation nécessite un certain entretien et assurer la continuation de l'entreprise sans risque.
Afin de faciliter la gestion du patrimoine transmis, le projet de loi développe le recours au mandat.
À côté du mandat conventionnel, que la réforme souhaite réhabiliter, le texte met en place deux mécanismes nouveaux.
Il s'agit, en premier lieu, du mandat posthume. Ce mandat permettra au défunt de désigner, de son vivant, un mandataire avec la mission d'administrer tout ou partie du patrimoine transmis, si les héritiers, en raison de leur jeune âge ou de leur handicap, ne sont pas aptes à le faire eux-mêmes.
La validité de ce mandat, qui pourra être particulièrement utile dans le cadre de la gestion d'une entreprise, sera subordonnée à l'existence d'un intérêt sérieux et légitime au regard, soit du patrimoine transmis, soit de la personne de l'héritier.
Vous aurez compris qu'il s'agit là d'un nouvel outil fondamental.
L'Assemblée nationale a ici apporté de grandes améliorations, notamment en encadrant les pouvoirs confiés à l'administrateur.
Votre rapporteur souhaite également modifier certains points. Le plus important concerne la durée de ce mandat. Le Gouvernement envisageait la possibilité d'un mandat à durée indéterminée lorsque la situation particulière l'exigeait. Votre rapporteur souhaite limiter cette durée à cinq ans, renouvelable par décision du juge.
Je comprends le souci de ne pas voir un mécanisme conçu pour être temporaire s'installer dans le temps, sans aucun contrôle extérieur. Par ailleurs, la possibilité d'un renouvellement permet de répondre à certaines situations dans lesquelles le mandat devra fonctionner pendant une longue durée ; je pense en particulier à la situation de l'enfant handicapé.
Dans ces conditions, la solution proposée par votre commission me paraît être équilibrée, et je puis d'ores et déjà vous annoncer que je m'y rallierai.
En second lieu, le projet de loi permet la désignation d'un mandataire de justice.
Cette désignation interviendra dans des hypothèses de mésentente entre les héritiers, de carence ou de faute de l'un d'entre eux dans l'administration de la succession, sur demande de tout intéressé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas nouveau !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les pouvoirs de ce mandataire seront déterminés par le juge, auquel il devra rendre compte de sa mission.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas nouveau !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Enfin, il était nécessaire d'assouplir les règles de gestion de l'indivision.
En effet, l'accord unanime des indivisaires pour l'ensemble des actes d'administration est souvent difficile à obtenir - c'est un euphémisme ! -, ce qui entraîne une mauvaise gestion des biens indivis ou un recours fréquent au juge.
Le projet de loi, sans bouleverser les règles de l'indivision, remplace, pour les actes d'administration, la règle de l'unanimité, source de nombreux blocages, par celle de la majorité des deux tiers. Il maintient la règle de l'unanimité pour les actes de disposition au regard du nécessaire respect du droit de propriété.
Avec cette majorité qualifiée, les indivisaires pourront effectuer l'ensemble des actes nécessaires au bon fonctionnement de l'indivision. L'Assemblée nationale a souhaité permettre aux héritiers disposant de cette majorité de conclure des baux d'habitation. J'ai approuvé cette modification, mais il ne me semble pas possible d'envisager un assouplissement supplémentaire, au risque de porter atteinte au droit de propriété de chacun des héritiers.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous me le permettez, j'évoquerai maintenant rapidement devant vous les mesures du projet de loi concernant le pacte civil de solidarité, le PACS.
Les amendements déposés à l'Assemblée nationale par le Gouvernement ne remettent pas en cause les équilibres définis par la loi du 15 novembre 1999 ; ils lui apportent certaines améliorations techniques.
Le régime juridique du PACS est en effet souvent dénoncé comme étant trop imprécis, tant dans son fonctionnement que dans ses conséquences.
Le texte, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, s'articule autour de trois mesures.
La première mesure concerne la publicité du PACS. Le système actuel est compliqué. Il repose sur une publicité unique au greffe du tribunal d'instance, les greffiers devant ainsi répondre à plus d'un million de demandes de certificat de « non-PACS » tous les ans.
Désormais, le PACS fera l'objet d'une inscription en marge de l'acte de naissance, afin d'éviter au greffe d'effectuer un travail inutile. Toutefois, afin de préserver la vie privée des intéressés, cette inscription ne fera état ni du nom ni du sexe du partenaire.
La deuxième mesure vise à améliorer le régime patrimonial auquel sont soumis les partenaires. Le droit actuel a fait l'objet de nombreuses critiques. Dans le projet de réforme, le système d'une indivision inorganisée est abandonné au profit d'un double régime, au choix des partenaires. Le premier régime, celui de la séparation des patrimoines, constituera le régime de droit commun. Le second sera celui d'une indivision organisée.
La troisième et dernière mesure concerne l'amélioration de la situation du partenaire survivant. Elle comporte deux mécanismes nouveaux. Le premier donne la possibilité au partenaire survivant de demander l'attribution préférentielle du logement commun. Le second institue un droit temporaire de jouissance sur ce local. Ces deux mécanismes permettront au partenaire survivant de bénéficier d'une certaine stabilité à la suite du décès.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au total, ce projet de loi offre un droit des successions rénové, en phase avec les évolutions de notre société et respectueux des valeurs qui nous rassemblent.
À cet égard, je remercie une nouvelle fois la commission des lois du Sénat et, en particulier, son président et son rapporteur qui, forts de leur expérience, vont apporter au texte des enrichissements notables.
La réforme est à l'image des évolutions accomplies en droit de la famille sous la présente législature : elle est équilibrée et pragmatique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le droit des successions, ancien, n'avait pas connu de réforme d'ensemble depuis 1804,...
M. Henri de Richemont, rapporteur. ...ce qui s'est souvent traduit par des successions compliquées, voire interminables. En outre, le droit des libéralités est inadapté.
Les gardes des sceaux successifs ont essayé de procéder à la réforme du droit des successions. M. Badinter se souvient de cette Sainte Trinité ! (M. Robert Badinter sourit.) Ce fut tout d'abord le projet de loi déposé le 21 décembre 1988 par M. Pierre Arpaillange, jamais inscrit à l'ordre du jour ni de l'Assemblée nationale ni du Sénat. Ce fut ensuite le projet de loi de M. Michel Sapin, déposé le 23 décembre 1991, qui devait connaître le même sort que le premier. Ce fut enfin - autre majorité, mais mêmes moeurs ! - le projet de loi déposé le 8 décembre 1995 par M. Pierre Méhaignerie qui, comme les deux premiers textes, devait tomber aux oubliettes. (M. Robert Badinter acquiesce.)
Le 3 décembre 2001, le Parlement adoptait la loi relative aux droits du conjoint survivant. À cette occasion, le Sénat avait tenté de réformer le droit des successions. Le rapporteur de ce projet de loi au Sénat, notre collègue Nicolas About, avait en effet présenté une réforme importante, mais l'Assemblée nationale, pour des raisons que j'ignore, ne souhaita pas suivre la Haute Assemblée. La seule réforme possible fut limitée au conjoint survivant.
Puis M. Jean-Jacques Hyest et M. Nicolas About ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah oui !
M. Henri de Richemont, rapporteur. ... déposèrent une proposition de loi, pensant qu'elle connaîtrait un sort plus heureux que les précédents projets. Hélas ! la proposition de loi devait elle aussi tomber aux oubliettes !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh non ! (Sourires.)
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je suis donc heureux, monsieur le garde des sceaux, que votre projet de loi n'ait pas subi le même sort que ceux de vos prédécesseurs.
M. Henri de Richemont, rapporteur. En effet, et je m'en réjouis pour vous, bien sûr, mais aussi pour nous et pour nos concitoyens.
Votre projet de loi a pour but de mettre fin aux différents blocages qui se traduisaient par des règlements difficiles, voire impossibles, des successions en raison de l'absence d'unanimité dans cohéritiers. Quant à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, elle était totalement tombée en obsolescence et n'était quasiment plus utilisée.
Notre droit est en fait inadapté aux réalités actuelles. En effet, nous faisons face à un vieillissement de la population. L'espérance de vie est de soixante-seize ans pour les hommes et de quatre-vingt-trois ans pour les femmes. On hérite donc de plus en plus tard, à quarante-six ans en moyenne, à un âge où, souvent, on n'en a plus besoin !
Compte tenu de cette inadaptation de notre droit, mes chers collègues, 7 000 entreprises disparaissent - nous le déplorons - du fait du décès de l'entrepreneur. Et nous savons que, dans les dix ans à venir, 450 000 entreprises devront être transmises.
Je ne vous présenterai pas le projet de loi, M. le garde des sceaux l'ayant fait d'une manière très claire, concise et brillante. Je résumerai simplement quelques-unes de ses dispositions et insisterai sur des points qui me paraissent très importants.
Nous ne pouvons que souscrire à la modernisation des règles relatives à l'option de l'héritier, en ce qui concerne tant la facilitation de la recherche de l'héritier que l'accélération de la prise de position.
Je me réjouis principalement de la mesure que vous proposez, monsieur le garde des sceaux, tendant à sécuriser l'acceptation de l'héritier. Désormais, l'héritier ayant accepté purement et simplement la succession sera déchargé d'une dette qu'il avait de justes raisons d'ignorer, dette qui, sinon, pourrait obérer gravement son patrimoine.
J'insisterai plus longuement sur la réforme de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, désormais appelée « acceptation à concurrence de l'actif net° ».
Je me suis interrogé sur ce changement d'appellation ; tout le monde comprend bien pourtant ce qu'est l'acceptation sous bénéfice d'inventaire. Alors pourquoi changer ? D'autant que si, en règle générale, les réformes législatives sont l'occasion de simplifier le langage juridique, cette nouvelle appellation me paraît plus technique et plus difficile à comprendre que l'ancienne.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à fait !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cela étant, à la réflexion, monsieur le garde des sceaux, j'ai compris que vous cherchiez à rendre plus attractif un système devenu obsolète et que, si nous avions modifié le contenu sans changer l'appellation, personne n'aurait vu la différence entre le nouveau dispositif et l'ancien.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Néanmoins, pour ma part, je regrette que l'ancienne appellation ait été sacrifiée à l'autel de la modernisation.
Concernant l'acceptation à concurrence de l'actif net, le projet de loi prévoit une meilleure information des créanciers. Surtout - ce point fondamental et tout à fait déterminant justifie peut-être la nouvelle appellation -, il donne un rôle central à l'héritier.
En effet, le ou les héritiers pourront décider soit de conserver un ou des biens du patrimoine de la personne décédée à condition d'en acquitter la valeur fixée par l'inventaire, soit de les aliéner sans devoir recourir à la vente publique. Par ailleurs, un délai de trois mois sera donné au créancier pour contester la valeur du bien. La décision d'aliéner ou de vendre sera ensuite publiée.
Là commencent les difficultés. Une fois la vente réalisée, monsieur le garde des sceaux, comment seront indemnisés les créanciers ?
Il avait d'abord été prévu que les créanciers devraient déclarer leurs créances dans un délai de deux ans, au-delà duquel, faute de dépôt, ils seraient forclos, mais l'Assemblée nationale a décidé de réduire ce délai à quinze mois.
Deux solutions sont possibles pour le paiement des créanciers chirographaires.
La première solution, prévue dans le code civil depuis 1804, n'est quasiment jamais utilisée : il s'agit de la solution « au prix de la course », en l'absence d'opposition des créanciers. On lui préfère le plus souvent la seconde solution, le paiement au marc l'euro. Les créanciers disposent d'un certain délai - un an, quinze mois ou deux ans, peu importe -, pour déclarer leurs créances. Ensuite, il est procédé à une répartition au marc l'euro, le montant disponible à l'issue de l'opération revenant aux héritiers.
Vous proposez, monsieur le garde des sceaux, de réduire les délais. Une fois les biens vendus, dans un délai de quinze mois, les créanciers seront désintéressés dans l'ordre des déclarations, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. À l'issue de ce délai de quinze mois, s'il reste quelque chose, les héritiers pourront en disposer. Telle est la solution que vous avez adoptée dans ce projet de loi.
Il en est une autre. La commission des lois, qui s'est prononcée ce matin sur un amendement déposé par M. Robert Badinter, a préféré - elle s'en expliquera - le système de répartition au marc l'euro.
Une autre difficulté s'est posée : une fois qu'il y aura eu répartition au marc l'euro, les créanciers pourront-ils continuer à poursuivre l'héritier sur les biens restants...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas la peine !
M. Henri de Richemont, rapporteur. ... ou bien seront-ils forclos à partir du moment où ils n'auront pas déclaré leur créance dans le délai de deux ans, comme le Gouvernement le propose ? La commission a retenu cette seconde proposition, monsieur le garde des sceaux : s'il n'y a pas de déclaration de la créance dans le délai prescrit, les créanciers sont forclos.
C'est une très bonne mesure si l'on veut une formule de règlement des successions qui protège à la fois les héritiers et les créanciers. Je souhaite que cette nouvelle mesure ait le succès qu'elle mérite.
Vous proposez aussi, monsieur le garde des sceaux, d'améliorer la gestion du patrimoine successoral en protégeant les héritiers contre le risque d'acceptation tacite en leur permettant de faire des actes nécessaires à la conservation du bien et à l'administration provisoire de la succession.
Une innovation importante de votre texte, monsieur le garde des sceaux, est le recours aux mandats, plus particulièrement au mandat à effet posthume. Nous en avons discuté longuement en commission et je pense que nous consacrerons également deux moments importants de nos débats à discuter du bien-fondé du mandat à effet posthume, qui est contesté par certains de nos collègues, notamment par M. Badinter. (M. Robert Badinter opine.)
Le mandat à effet posthume, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, permet au défunt de désigner de son vivant un mandataire avec mission d'administrer tout ou partie du patrimoine et, bien entendu, il est subordonné à l'existence d'un intérêt sérieux et légitime.
Votre projet de loi prévoit pour le mandat une durée maximale de deux ans, avec des possibilités de durée indéterminée dans certaines hypothèses.
Ce mandat à effet posthume a sa raison d'être lorsque l'on sait que 7 000 entreprises, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, disparaissent à la suite du décès du chef d'entreprise.
Ce mandat est incontestablement utile s'il apparaît au futur de cujus qu'il est trop tôt pour transmettre l'entreprise ou pour désigner l'héritier repreneur. Le futur de cujus pourra ainsi désigner une personne qualifiée, compétente et intègre qu'il connaît, qui aura pour mission d'accompagner, s'il vient à décéder, la vente ou la reprise par un héritier si celle-ci est possible. Il en résulte que, si, parmi les héritiers, se dégage un repreneur capable, les mesures provisoires d'administration permettront de sauvegarder l'entreprise jusqu'à sa reprise.
Ce mandat répond au souci des chefs d'entreprise qui sont attentifs à la pérennité de leur entreprise, et donc à l'emploi, au cas où ils viendraient à décéder prématurément.
Quand l'entreprise à une importance certaine, ce mandat peut être utile, notamment lorsque les héritiers ne sont pas dans la capacité d'assurer la gestion de l'entreprise en raison de leur âge ou d'un handicap, ou même à cause des conflits qui peuvent survenir au sein d'une indivision.
Je pense, monsieur le garde des sceaux, après avoir longuement réfléchi et écouté, qu'il est de loin préférable que l'entreprise soit gérée par une personne choisie par le futur de cujus, connaissant l'entreprise et dont la compétence est reconnue, plutôt que d'attendre le décès du chef d'entreprise et, éventuellement, le conflit pour qu'un administrateur judiciaire soit désigné, qui n'aurait ni les mêmes compétences ni les mêmes disponibilités que le mandataire posthume désigné par le futur de cujus.
Certes, on objectera qu'il y a des risques d'abus. Mais légifère-t-on uniquement pour supprimer des abus ? Non, on légifère pour permettre à ceux qui ont comme souci premier l'intérêt des héritiers, l'intérêt de l'entreprise et sa pérennité, d'en assurer la survie. C'est la raison pour laquelle cette réforme me paraît utile.
D'aucuns dénoncent une atteinte à la réserve.
Mes chers collègues, j'ai entendu dire qu'il s'agissait de créer un système à l'anglo-saxonne, sur le modèle du trust. Je ne vois aucune disposition comparable, car, contrairement au droit qui régit le trust, il n'y a pas, dans le mandat à effet posthume, de transmission de la propriété à qui que ce soit. (M. Robert Badinter acquiesce.) Il n'y a donc pas d'atteinte à la réserve.
Je constate que M. Badinter est d'accord avec moi sur ce point. Pour une fois ! (Sourires.)
Il n'y a donc pas ici de risque de voir notre droit évoluer vers une solution de type anglo-saxon, sur le modèle de celui de nos amis d'outre-Manche.
Au surplus, les héritiers sont protégés, car le mandat à effet posthume n'est possible que lorsqu'il y a un intérêt sérieux et légitime, sous le contrôle du juge. Au cas où l'intérêt sérieux et légitime viendrait à disparaître, il appartiendrait aux héritiers de demander au juge qu'il soit mis fin au mandat.
C'est la raison pour laquelle ce système, qui est novateur, me paraît bon, d'autant qu'il a le mérite de répondre à l'attente de nombreuses personnes, notamment de celles qui ont le souci de la pérennité de leur entreprise.
En ce qui concerne le mandat judiciaire, je n'ai pas d'observation particulière à formuler.
Ce texte prévoit également une autre avancée importante : l'assouplissement de la gestion de l'indivision. En effet, à la règle de l'unanimité se substituera celle d'une majorité des deux tiers pour les actes d'administration.
Beaucoup de mes collègues se sont posé la question de savoir s'il ne conviendrait pas d'étendre le champ d'application de cette majorité qualifiée aux actes de disposition au cas où un héritier se révélerait particulièrement récalcitrant. Je pense qu'il est tout à fait sage de ne pas avoir prévu une telle évolution et d'en rester à la règle de l'unanimité pour les actes de disposition. À défaut d'unanimité, il faut alors procéder à la licitation judiciaire.
Un autre élément fera l'objet d'un débat en séance publique, comme ce fut le cas en commission, je veux parler de l'accélération des opérations de partage.
Que faut-il faire lorsqu'un héritier est taisant et qu'on l'a sommé de prendre position ? Faut-il qu'il soit réputé acceptant ou réputé refusant ? La commission des lois du Sénat s'est ralliée à votre position, monsieur le garde des sceaux, et accepte que l'héritier taisant soit considéré comme héritier acceptant.
La réforme des libéralités est l'autre grand apport de ce projet de loi.
Je me permets d'attirer votre attention sur le fait que nous conservons la réserve héréditaire. La réserve est une institution ancienne, d'ailleurs ignorée dans de nombreux pays.
À cet égard, j'ai relevé, dans les déclarations de notre collègue député M. Jack Lang, reproduites dans Le Monde daté du dimanche 14 mai et du lundi 15 mai, qu'il fallait « réconcilier les Français avec l'impôt » et, dans cette perspective, il déclare être opposé à cette « véritable relique barbare » que constitue la réserve.
En lisant ce texte, je me suis interrogé, car je ne comprends comment une relique peut être « barbare ». Une relique est toujours vénérable, et, même si l'on peut contester cette vénération, elle n'est jamais barbare ! (Sourires.)
En tout état de cause, je suis étonné que M. Jack Lang, lui qui, comme nous tous, est attaché au principe d'égalité, puisse considérer la réserve comme une « relique barbare », alors que le principe de la réserve, c'est de permettre qu'il y ait une égalité au moins minimale entre tous les héritiers et d'empêcher que l'héritier qui ne serait pas d'accord avec son père pour une raison ou pour une autre, ne soit l'objet de menaces et ne se retrouve déshérité.
Je me demande, dans l'hypothèse où M. Jack Lang serait élu Président de la République, ...
M. Christian Cambon. Dieu nous en préserve !
M. Henri de Richemont, rapporteur. ...s'il ferait en sorte que cette réserve, qu'il considère comme barbare et qui garantit pourtant le respect du principe d'égalité, soit supprimée. Mais ce n'est pas le propos pour le moment.
M. Robert Badinter. Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je vous en prie.
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Badinter, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
M. Robert Badinter. Monsieur le rapporteur, l'hypothèse que vous venez d'évoquer est assurément plaisante, surtout pour M. Lang ! (Sourires.)
Je ferai simplement observer, à propos de mon ami Jack Lang, qu'il est agrégé de droit public et n'est donc pas un spécialiste de la matière qui nous occupe aujourd'hui ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. J'ai pris bonne note de cette précision, monsieur Badinter, mais je crois surtout que, bien que M. Lang ait participé au débat, il n'a pas lu ce texte. En effet, s'il l'avait lu, il aurait constaté qu'on atténue tout de même ce principe de la réserve par la possibilité de conclure un pacte successoral. Je regrette qu'il se soit prononcé sur cette question sans mener son travail à son terme.
Je reviendrai tout à l'heure sur la réserve successorale à propos de la suppression de la réserve des ascendants, point qui peut en effet faire débat.
En ce qui concerne la réduction des libéralités excessives, le projet de loi prévoit qu'elle sera en valeur et non plus en nature.
Monsieur le garde des sceaux, je ne reviens pas sur vos propos concernant l'assouplissement des libéralités graduelles et des libéralités résiduelles. C'est une excellente réforme qui facilitera la transmission des biens et qui permettra de répondre à certains problèmes particuliers lorsqu'il y a un enfant handicapé.
Je me réjouis également de l'extension du champ des donations-partages.
En revanche, je souhaite insister sur la réforme des libéralités entre époux.
Votre projet de loi tend à modifier les règles relatives aux droits du conjoint survivant, qui prévoient - je le rappelle parce qu'il y a souvent des confusions - que le de cujus peut laisser à l'époux survivant soit l'usufruit universel, soit le quart des biens en pleine propriété et les trois quarts des biens en usufruit, soit la quotité disponible ordinaire.
Or votre projet de loi n'accorde au conjoint survivant, en cas de remariage et lorsqu'il y a des enfants issus du premier lit, que la moitié de l'usufruit au maximum.
Pour ma part, j'ai compris les raisons qui étaient à l'origine de cette modification. En effet, en cas de remariage du conjoint survivant avec une personne qui peut être de l'âge de ses enfants, celle-ci aura toute sa vie durant l'usufruit alors que les enfants n'auront que la nue-propriété, à charge pour eux de payer les grosses réparations concernant le bien. Cela m'est apparu comme une injustice à laquelle le projet de loi visait à remédier.
Or, après que le président de la commission des lois nous eut rappelé un principe important de notre droit qui est celui de la liberté de tester, il est apparu qu'en adoptant la disposition proposée par le Gouvernement nous mettions fin à cette liberté de tester. Comme nous sommes tous partisans du maintien du principe de liberté et que l'on ne peut pas priver une personne de la liberté de disposer par testament de ses biens, la commission des lois a proposé un amendement de suppression qui permettra donc au conjoint survivant, et même s'il y a des enfants d'un premier lit, de recevoir, par testament bien entendu, l'intégralité de l'usufruit.
Je conçois très bien, pour les raisons que j'ai évoquées à l'instant, qu'on puisse ne pas être d'accord sur cet amendement de suppression.
J'évoquerai brièvement la réforme du PACS. En effet, nos débats en commission trouveront certainement leur prolongement en séance.
Je n'insiste pas sur la séparation des biens et sur la possibilité d'accorder au partenaire l'attribution préférentielle du logement par testament, qui apparaissent comme d'excellentes mesures.
En ce qui concerne la publicité du PACS, la mention de celui-ci en marge de l'acte de naissance de chacun des partenaires sans mention du nom du copacsé suscite des interrogations parmi tous les groupes de cette assemblée.
Monsieur le garde des sceaux, je ne doute pas que vous parveniez à nous convaincre du bien-fondé d'une telle mesure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est le PACS innommé !
M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est en tout cas votre proposition, que je ne commenterai pas, mais qui, paraît-il, est tout à fait remarquable ! (Sourires.)
Nous avons beaucoup travaillé sur ces propositions en commission et je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, d'avoir eu la gentillesse de le rappeler. Nous avons effectivement déposé quelques amendements sur le texte que vous présentez.
Nous avons précisé les actes pouvant être accomplis sans emporter acceptation tacite et, en matière d'acceptation à concurrence de l'actif net, nous avons également précisé que la contestation du prix de vente n'est pas possible en cas de vente aux enchères publiques.
S'agissant du mandat à effet posthume, nous avons précisé que la rémunération du mandataire peut être mixte, revenus ou capital, mais constitue une charge et ne peut donc porter atteinte à la réserve. Nous avons également supprimé, vous l'avez rappelé, la durée indéterminée du mandat pour la remplacer par une durée de cinq ans prorogeable.
En ce qui concerne les libéralités, dans le cas de la renonciation anticipée à exercer l'action en réduction, vous donnez la possibilité à un futur de cujus de proposer à un héritier de renoncer à tout ou partie de sa réserve.
L'Assemblée nationale a pensé qu'il était suffisant, pour protéger l'héritier auquel on demande de renoncer à sa réserve, qu'il ait un entretien particulier avec le notaire de son auteur, et qu'il signe en la présence du seul notaire.
La commission des lois ne partage pas cette position : renoncer à la réserve est un acte très grave, c'est la raison pour laquelle nous avons proposé que l'héritier renonçant soit assisté par un notaire désigné par le président de la chambre des notaires.
Certains amendements que nous examinerons tendent à rendre obligatoire l'homologation de cette renonciation par le juge, mais je ne pense pas que cela soit nécessaire, le fait d'informer convenablement l'héritier renonçant sur la portée de sa renonciation paraissant amplement suffisant. Je vous suis donc très reconnaissant, monsieur le garde des sceaux, d'avoir indiqué à cette tribune que vous étiez favorable à l'amendement déposé par la commission des lois.
En matière de libéralités graduelles, nous avons également précisé que l'acceptation est possible après le décès du donateur - ce qui, normalement, est contraire au droit des donations -, c'est-à-dire qu'une donation graduelle peut produire effet même si les seconds gratifiés sont encore des enfants à naître. Dans ces conditions, une fois nés, les enfants auront la possibilité d'accepter la donation après le décès du donateur.
Nous proposons - à tort ou à raison, les débats en décideront - de supprimer la réforme de la quotité disponible entre époux et nous maintenons la possibilité pour le testateur, en cas de remariage, d'accorder la totalité de l'usufruit à son deuxième conjoint.
Nous complétons le projet de loi en confirmant l'efficacité de la clause alsacienne : lorsqu'une convention transforme le régime matrimonial en communauté universelle, nous légitimons la clause qui permet, en cas de divorce, que chacun des époux retrouve les biens qu'il a apportés à la communauté.
Nous aménageons l'action en retranchement et, enfin, nous déjudiciarisons le changement de régime matrimonial.
En effet, il est absolument inutile de demander aux tribunaux d'homologuer le changement de régime matrimonial, ce qui représente une charge inutile pour eux, car 95 % des changements de régime matrimonial sont homologués. Le traitement est surtout complètement différent d'un tribunal à l'autre : à Paris ou à Versailles, on demande l'accord des enfants, sans que cela se fasse ailleurs.
La commission des lois propose de rendre obligatoire la notification du changement de régime matrimonial, aussi bien aux créanciers qu'aux enfants, pour permettre aux uns et aux autres de prendre position en connaissance de cause. Le régime que nous proposons ainsi est plus protecteur que celui qui existe actuellement.
Voilà donc les amendements que la commission des lois a acceptés, monsieur le garde des sceaux, afin d'améliorer le texte important que vous nous avez présenté. Je suis persuadé qu'il répondra ainsi à l'attente, non seulement des héritiers, mais aussi des auteurs, dont le seul souci est de faire en sorte que leur succession se déroule le mieux possible après leur mort. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voté par l'Assemblée nationale, le 22 février 2006, le texte que nous examinons aujourd'hui a pour objectif de modifier certaines dispositions originelles du code civil, rédigées il y a maintenant plus de deux cents ans !
Pourtant, le décalage qui sépare notre mode de vie actuel de celui de 1804 est immense. L'évolution de la société et l'accélération des reconfigurations des cellules familiales intervenues ces dernières années rendaient cette réforme indispensable.
Le retard législatif concernant les successions, illustration d'un aveuglement collectif face à l'évolution de nos moeurs et de nos modes de vie, était devenu presque indécent. Ce texte va enfin permettre d'adapter notre droit aux réalités d'aujourd'hui.
En effet, la famille ne saurait, désormais, se réduire à un schéma type. Elle est devenue une réalité plurielle : familles recomposées, familles monoparentales, instauration de nouvelles formes de communauté de vie, allongement de l'espérance de vie, procédures d'adoptions internationales, notamment. Autant de données nouvelles qui rendent indispensable une réforme du droit des successions et des libéralités, après celles du divorce et de la filiation, engagées au cours de la présente législature.
Toutes visent le même objectif : introduire plus de souplesse, de simplicité et de justice dans la résolution des différents événements de notre vie.
Le premier volet de ce projet de loi porte sur les successions. Aujourd'hui encore, la multiplicité des situations juridiques et la complexité des règles successorales peuvent rendre les liquidations interminables. Les conséquences en sont parfois tragiques, très souvent mal comprises.
C'est particulièrement vrai dans le cas des adoptions simples. En effet, alors que les enfants adoptés par la voie de l'adoption simple jouissent, dans la vie courante, des mêmes droits que les enfants biologiques ou ayant été adoptés par la procédure de l'adoption plénière, il apparaît profondément injuste que, en matière de succession, ils doivent acquitter des droits de 55 %. Autant dire que leur lien de filiation n'est pas reconnu devant l'héritage !
Face à cette situation anormale, j'ai déposé trois amendements qui visent à réparer cette injustice et à rétablir l'égalité des filiations dans trois hypothèses : lorsqu'un enfant a été adopté après l'âge limite fixé par la loi, c'est-à-dire quinze ans, pour la procédure dite plénière, lorsque l'adoption plénière est impossible du fait du caractère international de l'adoption et lorsque l'adoption plénière est impossible du fait des handicaps lourds que présente l'enfant.
La simplification, la clarification et l'harmonisation, semblent être les maîtres mots de ce projet de loi, dont les auteurs se fixent principalement trois objectifs : donner plus de liberté pour organiser la succession, en introduisant le pacte successoral, faciliter la gestion du patrimoine successoral, en sécurisant la période séparant le décès du partage et, enfin, accélérer et simplifier le règlement des successions, en réformant la procédure du partage.
Concernant l'accélération et la simplification des successions, plusieurs mesures prévues par le texte méritent d'être soulignées.
La procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire est remplacée par celle de l'acceptation à concurrence de l'actif net. Cette mesure offre ainsi une meilleure protection à l'héritier qui, découvrant une dette pouvant obérer gravement son patrimoine, pourra demander à en être déchargé. Elle devrait accroître le rôle reconnu à l'héritier, qui pourra conserver tout ou partie de la succession, sous réserve de verser aux créanciers le prix des biens, en fonction de leur valeur fixée dans l'inventaire.
Une nouvelle disposition en faveur des héritiers vise également à préserver l'unité des patrimoines transmis, grâce à l'abandon du principe d'égalité en nature consacré en 1804, au profit de celui de l'égalité en valeur. Cette volonté de simplification et de sécurisation est omniprésente. Elle se traduit également par la modification des règles concernant les actes d'administration de l'indivision.
De même, le renouvellement et la conclusion des baux d'habitation pourront désormais être effectués à la majorité des deux tiers, contrairement à l'exigence actuelle de l'unanimité.
Ce projet de loi prévoit enfin des mesures importantes afin d'améliorer la gestion du patrimoine successoral. L'héritier sera désormais mieux protégé contre le risque d'acceptation tacite, du fait d'une clarification de la notion d'acte conservatoire et de la possibilité de demander au juge l'autorisation d'accomplir certains actes.
Améliorer la gestion du patrimoine successoral, c'est aussi favoriser le recours au mandat. L'une des innovations majeures du texte permet au futur défunt de désigner, de son vivant, une personne chargée d'administrer tout ou partie de sa succession, sous réserve d'un intérêt légitime et sérieux. En cas de désaccord entre les héritiers, un mandataire successoral pourra, en outre, être désigné par le juge.
Ces deux cas de figure ont été encadrés dans le temps, mais il restait à s'assurer que le notaire chargé du règlement de la succession ne puisse être nommé en qualité de mandataire. Nous proposerons donc deux amendements afin de réparer cet « oubli ».
Le deuxième volet de ce texte engage une réforme des libéralités. Il apporte ainsi des modifications et des innovations importantes qui vont dans le sens d'une plus grande liberté dans la gestion et le legs du patrimoine. Il convient de souligner, entre autres, les nombreux aménagements apportés à la réserve héréditaire ; ils introduisent plus de souplesse et de justice dans les différents modes de calcul et de gestion de la réserve et de la quotité disponible.
Par ailleurs, afin de ne plus empêcher le donataire non réservataire de disposer du bien, de mieux respecter les volontés du défunt et d'en assurer la sécurité juridique, le texte consacre désormais le principe de la réduction des libéralités en valeur, et non plus en nature.
L'une des mesures les plus novatrices de ce texte concerne la notion de donation-partage transgénérationnelle. Désormais les bénéficiaires de la donation-partage, souvent déjà eux-mêmes grands-parents, pourront y renoncer au profit de leurs enfants. Cette mesure se justifie d'un point de vue économique, les jeunes générations ayant plus de besoins, en matière d'investissement, que leurs aînés.
Par ailleurs, étendue aux enfants issus de mariages différents, la donation-partage prend désormais totalement en compte les situations complexes des familles recomposées et ouvre la voie à un partage plus équitable entre tous les héritiers.
Le troisième volet de ce projet de loi concerne la réforme et la consolidation des garanties liées au pacte civil de solidarité.
Un certain nombre de mesures tendent à modifier le régime des biens dans le sens d'une meilleure protection des partenaires pendant leur vie commune, mais aussi après la séparation ou le décès, et nous les soutiendrons.
En revanche, notre groupe est plus que réservé sur la mention du PACS en marge de l'acte de naissance de chacun des partenaires, sans faire apparaître l'identité du partenaire. Outre la charge de travail qui va incomber aux services de l'état civil des mairies, a-t-on imaginé comment sera indiquée, sur l'acte de naissance, une succession de PACS et de rupture de PACS ?
Petit à petit, on glisse insensiblement vers un pacte civil de solidarité qui présente plus d'avantages et moins d'inconvénients que le mariage, surtout en cas de séparation. Mon groupe s'inquiète de cette évolution et regrette que le mariage soit ainsi peu à peu dévalorisé et banalisé. J'espère que nous aurons l'occasion d'en reparler.
Pour conclure, m'exprimant au nom du groupe UC-UDF, je tiens à souligner les avancées pertinentes de ce texte, ainsi que son désir de simplification et de transparence des transmissions de patrimoine. Afin de lui donner sa pleine mesure, j'espère qu'un sort favorable sera donné à nos amendements. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur certaines travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voici une réforme complexe, très attendue, en tout cas, depuis très longtemps.
Monsieur le ministre, je dirai que vous êtes un garde des sceaux heureux : vous présentez un grand texte dont vous êtes l'héritier. Oui, vous êtes l'héritier de travaux successifs, qui ont été évoqués, aboutissant à trois projets de loi qui n'ont, quant à eux, pas prospéré.
Héritier aussi du travail considérable de la doctrine dans ce domaine - je rappelle l'influence déterminante qu'ont exercée sur ces projets, en relation avec les services de la Chancellerie, aussi bien notre regretté maître le doyen Carbonnier que le toujours ardent Pierre Catala.
Je veux mentionner également les travaux des commissions des lois, notamment celle du Sénat. Je ne parle pas seulement de notre excellent rapporteur, M. de Richemont, mais aussi du travail considérable qui avait été fait, à l'époque, par le président Hyest et par M. About.
C'est donc toute cette masse de travaux - je sais combien la direction des affaires civiles et du sceau s'est investie - qui trouve aujourd'hui son aboutissement.
En l'état, nous avons pu le constater, ce texte ne soulèvera pas de passions politiques, même si les discussions techniques ne sont pas sans passion. La matière ne se prête pas, à mon sens, à un affrontement politique ; je laisse de côté les questions qui ont été greffées sur la réforme du droit des successions et des libéralités en tant que telle.
La stabilité extraordinaire de notre droit dans le domaine qui nous occupe a été soulignée. Ainsi, je ne puis m'empêcher de relever que les trois quarts des dispositions concernant les libéralités actuellement en vigueur figuraient déjà dans le code civil de 1804. C'est d'ailleurs peut-être l'un des paradoxes de notre nation que, depuis deux siècles, nous ayons souvent changé de Constitution - nous en avons connu quatorze - mais que, pendant la même période, nous ayons maintenu intacts des fragments entiers du code civil. Cela laisse à penser que le tempérament national est plus conservateur que l'on ne pourrait parfois le croire...
Quoi qu'il en soit, il est vrai que des débats passionnés ont eu lieu lorsque l'on a voulu passer, dans le domaine des successions, à ce que j'appellerai l'époque post-révolutionnaire, d'autant que le point le plus difficile à régler par la première commission chargée de l'élaboration du code civil fut celui du droit testamentaire, de la répartition des quotités disponibles et du partage. On y est parvenu, grâce à Cambacérès, au travers de ce système de réserve « graduelle » qui est le nôtre et, ne l'oublions jamais, de ce principe si fort qui structure notre droit des successions, à savoir l'égalité de droits entre les héritiers, la réserve permettant d'assurer la transmission familiale, mais à parts égales.
Là se situe la grande différence, la ligne de partage des eaux avec l'approche anglo-saxonne, inspirée fondamentalement par la liberté de tester et non par la réserve et le partage en fractions égales. Il y a là une différence irréductible qu'il convenait de rappeler, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
Cela étant, quand les passions s'éveillent-elles ? C'est toujours, on l'a vu longuement à propos des enfants adultérins, des droits du conjoint survivant ou de ceux du signataire d'un PACS, quand il s'agit de dire qui va hériter, d'aborder la question de la dévolution successorale, de déterminer, pour les successibles, le quantum des droits. Quand on quitte ce terrain, on entre alors dans la réflexion sur les problèmes de technique juridique, ceux précisément qui vont nous occuper tout au long de ces deux jours de débat.
À la lecture du projet de loi, j'observe que celui-ci est consacré, pour l'essentiel, à des mesures de simplification, d'accélération et de sécurisation du règlement des successions. Je n'en méconnais nullement la portée, compte tenu de la participation à son élaboration des grands auteurs que j'évoquais tout à l'heure, mais il s'agit tout de même bien d'un texte visant à aboutir à la meilleure technique juridique, mais toujours dans le cadre des principes fondamentaux de notre droit que j'ai rappelés.
En tout état de cause, nous nous trouvons en présence d'un texte composite, on pourrait presque dire éclaté, les mesures présentées étant destinées à améliorer, dans la continuité du droit, des situations existantes et non pas à constituer une refonte véritable du droit des successions.
Ce n'est pas l'objet de votre projet de loi, monsieur le garde des sceaux, d'ailleurs vous ne le revendiquez pas. La complexité et la diversité des questions abordées font que la discussion générale est difficile, parce que l'on est amené à considérer successivement différents points et à se prononcer sur des mesures disparates.
En ce qui concerne tout d'abord les successions, je relèverai, d'une manière très générale, que, parmi les améliorations proposées, deux me semblent importantes au regard de la pratique.
En premier lieu, le pacte successoral me paraît promis à un avenir certain, parce qu'il permettra une meilleure répartition des biens et parce qu'il assurera une sécurité familiale plus grande, surtout quand une personne handicapée figure au nombre des héritiers. Je pense que ce dispositif prospérera et je m'en réjouis.
En second lieu, faire évoluer le régime de l'indivision est absolument nécessaire. Cependant, allons-nous assez loin dans cette voie ? Requérir la majorité des deux tiers, au lieu de l'unanimité, s'agissant des actes de pure administration, des actes courants, est-il suffisant ? L'indivision est le fléau des successions, comme on a pu le constater tout au long des deux siècles écoulés. Sur ce point, je ne suis donc pas certain que nous ne serons pas amenés à reconsidérer les choses, au regard de ce qui se passera, et à étendre le champ d'application de la majorité qualifiée.
En revanche, d'autres dispositions importantes du texte suscitent des interrogations et des critiques graves.
S'agissant de l'option de l'héritier, considérer que le silence de celui-ci pendant le délai légal vaut acceptation, avec les conséquences que cela entraîne, même si l'on a tempéré la règle par la possibilité de demander à être déchargé par le tribunal d'une dette ignorée, me semble constituer une innovation malvenue. La proposition formulée par MM. Hyest et About à cet égard nous paraît préférable.
S'agissant des créanciers chirographaires, autre point qui fera débat, le défaut de déclaration dans le délai légal - nous aurons à en fixer la durée -, ne doit pas entraîner l'extinction de la créance. Un tel défaut de déclaration ne saurait être sanctionné par une forme de prescription de la créance, créance qui est, je le rappelle, un droit constitué du vivant du défunt et qu'il n'y a aucune raison de supprimer pour non-accomplissement d'une formalité dans un délai légal. Nous ne pouvons pas inventer et introduire dans notre droit une prescription extinctive d'une obligation civile pour non-présentation de la créance dans le délai légal. Dans un tel cas, la sanction consiste simplement en ce que la créance en question est recouvrable sur ce qui reste éventuellement de l'actif de la succession après que les créances produites, elles, en temps utile ont été acquittées.
En ce qui concerne les modalités du paiement de la créance, dans le cadre du système qu'il est envisagé d'instituer, il est certain que le système du prix de la course ne peut pas être retenu. Ce ne serait pas juste, parce qu'un créancier peut ne pas avoir bénéficié de la même information qu'un autre. À cet égard, il convient de préférer une procédure de distribution au marc l'euro. Cela a fait l'objet d'une longue discussion en commission.
Cela étant, l'introduction dans notre droit des successions du mandat à effet posthume me semble représenter une innovation beaucoup plus importante. Indépendamment même des principes fondamentaux du droit successoral posés aux articles 720 à 724 du code civil, il est singulier, reconnaissons-le, qu'un mandat puisse, en quelque sorte, survivre au mandant. Il est bien plus singulier encore de prévoir que le mandat prenne effet au décès du mandant et s'impose aux héritiers, qui découvriront alors son existence.
On peut ici s'interroger sur l'atteinte portée aux droits liés à la réserve, puisque ces droits ne pourront en fait pas être exercés, le mandataire étant le véritable décideur. Si des héritiers se trouvent en présence d'un tiers à la succession détenant les pouvoirs définis dans le cadre du dispositif du mandat à effet posthume, peut-on prétendre qu'il n'est pas porté atteinte, sinon juridiquement du moins tout à fait concrètement, à leurs droits s'agissant des biens dont ils sont réservataires ? On voit apparaître ici non pas le trust - je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point, monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas du tout de cela -, mais plutôt le personal representative du droit anglais.
À ce stade de mon intervention, je parlerai de de cujus plutôt que de « futur défunt », expression que je trouve lugubre, surtout quand je contemple cet hémicycle et que je le vois tout à coup peuplé de futurs défunts, ce que certes nous sommes tous par définition ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai !
M. Robert Badinter. L'expression « de cujus » a en outre le charme de l'ancien. Par conséquent, maintenons-la et oublions les futurs défunts que nous sommes tous, à plus ou moins brève échéance.
M. Robert Badinter. J'en reviens au personal representative, pour souligner que nous nous trouvons en présence d'une innovation bien difficile à admettre.
En effet, certains principes du droit français sont ici méconnus ; notamment celui qui veut que l'héritier continue la personne du défunt, tandis que la volonté du défunt s'arrête aux dispositions testamentaires.
Or ces principes, vous ne pouvez les neutraliser ou en faire fi au nom de l'opportunité ou de la « finalité » que vous assignez à ce texte, monsieur le garde des sceaux. Si l'inaptitude ou l'âge des héritiers sont en cause, il existe des mesures de protection. Dans le même ordre d'idées, il est possible, on le sait, de faire nommer un administrateur judiciaire quand un conflit entre héritiers paralyse la gestion d'une entreprise.
Monsieur le garde des sceaux, je voudrais attirer votre attention sur le fait que la mise en place du dispositif que vous préconisez fera inévitablement advenir des conflits entre les héritiers ou entre ces derniers et le mandataire post mortem.
À cet égard, je souligne qu'un héritier pourra être désigné mandataire post mortem. Imaginez quelle sera alors la réaction des autres héritiers quand la lecture du testament leur révélera cette disposition ! Quel désaveu pour eux ! Des tensions naîtront immédiatement, car ce choix signifiera clairement que le testateur considérait ses autres héritiers comme incapables de gérer les biens qu'il laisse. Cela ne favorisera pas la paix des familles, soyez-en sûr !
M. Robert Badinter. De tels cas surviendront nécessairement, puisqu'un héritier peut être désigné mandataire post mortem. Les autres héritiers, aînés, cadets ou benjamins, en concevront de l'amertume, et on verra ce qui en résultera.
Par ailleurs, si le mandataire post mortem choisi est un tiers à la succession - je prendrai ici, à dessein, le cas où le patrimoine comprend une entreprise -, cela signifie que le de cujus, dont je doute qu'il soit un jeune entrepreneur, entend faire prévaloir au-delà de sa mort, par le mandat qu'il donne, par exemple, au directeur général, sa vision de la conduite de l'entreprise. Les héritiers, s'ils ont des vues différentes sur la façon dont l'entreprise doit être gérée, seront donc liés, même ligotés par la volonté post mortem du défunt. La célèbre formule, si riche de sens, selon laquelle « le mort saisit le vif » prendra alors toute la plénitude de sa signification !
En effet, le défunt, au travers du directeur général, prendra les décisions concernant l'élément essentiel du patrimoine à la place de ses héritiers, afin que la gestion de l'aciérie dont il avait lui-même hérité ou qu'il avait créée se poursuive comme auparavant et ne soit pas réorientée selon des vues qui ne l'auraient pas satisfait, lui, le vieil entrepreneur.
Combien de fois avons-nous été témoins de telles difficultés à l'occasion de règlements successoraux ? Vous croyez introduire de la souplesse, monsieur le garde des sceaux, mais en réalité vous semez les germes de conflits futurs, j'en suis convaincu.
Nous y reviendrons au cours des débats.
Je conçois que le testateur, l'auteur, le de cujus, veuille prévenir les conflits naissants et aider à leur résolution en désignant un mandataire. Il est en effet de notoriété que le moment où intervient l'ouverture de la succession est souvent difficile.
Reste que la durée du mandat ne devrait pas dépasser deux ans, avec possibilité d'une prorogation d'un an maximum, encore que je ne sois pas absolument convaincu de la nécessité de cette prorogation, certainement source de conflits.
En tous les cas, il n'est pas question de placer les héritiers sous la tutelle d'un tiers, quand bien même il aurait été choisi par leur père ou par leur mère, qui gérerait l'entreprise ou les éléments essentiels du patrimoine à leur place. Cela reviendrait à un dessaisissement de fait qui, soyez-en sûrs, engendrerait les plus grands conflits.
Ce n'est pas la tradition du droit français que de faire apprécier la volonté du testateur par le juge, sauf en cas de conflit. Comment voulez-vous que le juge apprécie que le motif est bien « sérieux et légitime » ? Il sera toujours légitime, sauf frivolité d'un testateur trop épris d'un tiers au mariage ! Si le président défunt de la société préfère son directeur général à ses trois enfants qui représentent 90% du capital, au nom de quoi et selon quels critères est-il possible de juger de la capacité de ce mandataire ?
En réalité, le défunt a un pouvoir quasi discrétionnaire, qui lui permet de continuer, d'une certaine manière, à gérer l'entreprise après sa mort. Mais on n'emmène pas ses biens avec soi. Les héritiers en sont les propriétaires : ils les gèrent comme ils le peuvent et comme ils le veulent, avec toutes les conséquences économiques que cela peut avoir.
Je ne suis d'ailleurs pas pessimiste à cet égard. En effet, le plus souvent, c'est bien plutôt la gestion prolongée par un vieil entrepreneur qui entraîne la sclérose de l'entreprise. Or le monde économique évolue très rapidement. Avec ce système de mandat posthume, les héritiers sont privés de la possibilité de changer de cap, ce qui peut pourtant se révéler nécessaire pour l'entreprise.
Sur la question des libéralités, nous sommes d'accord avec la renonciation anticipée à l'action en réduction. Encore faudra-t-il être prudent, mais, sur le principe, cela permettra d'éviter les conflits. S'agissant de la réduction des libéralités, il s'agit d'aller vers une réduction en valeur, plutôt qu'une réduction en nature.
C'est la même chose en ce qui concerne les libertés graduelles et résiduelles. Il faut bien sûr chercher à assurer la conservation en nature des biens de famille - tableaux, meubles notamment -, auxquels les héritiers sont légitimement attachés.
Les donations-partages transgénérationnelles sont absolument nécessaires, parce qu'elles apportent une souplesse souhaitable.
Il reste d'autres questions liées à la quotité disponible du conjoint survivant. Nous remettons bien rapidement l'ouvrage sur le métier, et j'ai l'impression que nous en débattions hier ! Le de cujus peut, au regard de la quotité disponible, avantager le conjoint survivant par rapport aux enfants réservataires d'un premier lit, avec tous les risques de conflit qui en découlent. Mais il n'est pas possible de prévenir tous les conflits, que ce soit avec la loi relative aux droits du conjoint survivant, votée en 2001, ou avec la disposition que l'Assemblée nationale a adoptée. Il faut trouver un équilibre. Sur ce point, il y a beaucoup de divergences de vue entre les uns et les autres ; nous avons pu le constater lors de la discussion au sein de notre groupe.
Je n'irai pas au-delà dans mes commentaires, monsieur le garde des sceaux, laissant à un autre collègue le soin de traiter du PACS. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le garde des sceaux, en débutant, cet après-midi, l'examen de ce projet de loi portant réforme du droit des successions et des libéralités, je tiens à vous dire combien je me félicite, au nom du groupe de l'UMP, de son dépôt devant notre assemblée.
En effet, le texte que nous étudions aujourd'hui est d'une importance fondamentale. S'il y a bien un sujet auquel personne ne peut échapper et auquel nous sommes tous confrontés directement à plus ou moins terme, c'est bel et bien celui des successions.
L'action politique, celle pour laquelle nous nous sommes tous engagés, c'est celle que nous menons aujourd'hui en proposant des réformes consensuelles, attendues, utiles à chacun et propres à résoudre les difficultés de la vie quotidienne.
La matière civile, je parle sous l'égide de Portalis, pour complexe qu'elle puisse parfois paraître, est aussi l'une des plus nobles du droit et l'une des plus intimement liées à notre vie quotidienne. Droits civils, nationalité, acte de naissance, mariage, filiation, autorité parentale, propriété, successions et donations, y a-t-il une matière qui s'enchevêtre autant dans le quotidien des gens, au fil des événements qui jalonnent leur vie ?
La réforme que vous nous proposez aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux, revêt donc à nos yeux une importance d'autant plus grande que nous ne l'avons que trop attendue : trente ans de réflexion ; trois réformes déposées en vingt ans devant le Parlement ; trois textes jamais discutés !
Des occasions manquées ? Peut-être. Mais regardons l'aspect positif des choses. Cette lente maturation a permis de ciseler la réforme, de préciser ce qui devait être précisé, d'ajouter ce qui ne pouvait exister il y a vingt ans. Ce long affinage est la garantie de la qualité du texte qui nous est soumis, et c'est tout à votre honneur, monsieur le garde des sceaux. Nous vous rendons hommage de nous le présenter aujourd'hui dans sa version aboutie, fruit d'une longue concertation avec l'ensemble des professionnels concernés, notamment avec tous les notaires de France, sollicités par voie de questionnaire.
Il faut deux cents ans pour faire un chêne, dit-on. Soit, et c'est le temps qu'il a fallu pour proposer la première réforme d'envergure du code civil depuis 1804. Je rappelle que ce texte porte sur près de deux cent cinquante articles du code civil.
Mais il n'était que temps de légiférer en la matière, et ce pour deux raisons essentielles. D'une part, les règles sont complexes et sources de blocage et, d'autre part, elles sont inadaptées à l'évolution de la société et des réalités sociales contemporaines.
Que de situations aberrantes en matière de successions ! Des indivisions impuissantes, lorsque l'unanimité ne peut être acquise, ce qui engendre bien souvent la perte de valeur du bien. Une sous-utilisation de procédures protectrices comme l'acceptation sous bénéfice d'inventaire. Des partages amiables que les textes ne favorisent pas.
Autant de règles inadaptées à la société du XXIe siècle, dans la mesure où, fort heureusement, la durée de vie ne cesse de s'allonger. Les héritiers sont souvent déjà retraités et, donc, la succession ne peut plus jouer son rôle d'établissement dans la vie qu'elle avait précédemment.
Ces règles sont aussi inadaptées parce que le nombre de familles recomposées ou de personnes décédant sans enfant ne cesse de croître. Elles sont encore inadaptées parce que l'évolution économique de notre pays s'accompagnera, dans les années à venir, d'un nombre élevé de transmissions d'entreprises, de PME, liées au décès de leur dirigeant ou de leur propriétaire, situation à laquelle notre droit ne s'est jamais préparé. Ainsi, d'ici à dix ans, 450 000 entreprises devront être transmises, alors qu'aujourd'hui 7 000 d'entre elles disparaissent à la suite du décès de l'entrepreneur.
Sur toutes ces questions, le projet de loi apporte des réponses concrètes et équilibrées. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des dispositions proposées. L'exposé de notre excellent collègue, Henri de Richemont, a été en ce sens fort clair et tout à fait exhaustif.
Je profite de la tribune qui m'est offerte pour saluer, au nom des collègues de mon groupe, M. le rapporteur pour le formidable et riche travail qu'il a fourni avec pragmatisme sur ce texte. J'associerai bien sûr à cet éloge notre très estimé président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, dont nous connaissons, au sein de la commission et bien au-delà, l'attachement à la matière civile. Nous apprécions également l'importance de sa contribution dialectique aux travaux de notre rapporteur.
Encore une fois, sans reprendre l'intégralité des mesures du projet de loi, je ne peux pas ne pas évoquer les plus emblématiques de la réforme.
Je citerai ainsi la modernisation des règles relatives à l'option de l'héritier, par la facilitation de la détermination des héritiers ; l'accélération de la prise de position de ces héritiers quant à la décision d'accepter ou non la succession ; la révision, plus qu'attendue, de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, qui prendra dorénavant le nom « d'acceptation à concurrence de l'actif net » ; la protection de l'héritier contre les risques d'acceptation tacite de la succession, en lui permettant d'effectuer des actes nécessaires à la conservation et à l'administration provisoire de la succession ; et la création du mandat à effet posthume, qui permettra au défunt de désigner un mandataire avec la mission d'administrer le patrimoine transmis, si les héritiers ne peuvent le faire eux-mêmes.
Je pense évidemment aussi à l'essentielle réforme de l'indivision, qui permettra enfin la gestion des biens indivis à la majorité des deux tiers pour les actes d'administration, ce qui supprime ainsi l'inique règle de l'unanimité, en la matière uniquement cause de dépréciation du bien. Désormais, seules les opérations les plus lourdes de conséquences, telle que la vente d'un bien immobilier, nécessiteront toujours l'unanimité.
Je n'aurais garde d'oublier l'indispensable corollaire de cette réforme, la simplification des opérations de partage amiable ou, à défaut, de partage judiciaire.
Le projet de loi tend à introduire également en droit français la notion germanique de « pacte successoral », qui permettra à un héritier réservataire de renoncer par anticipation à exercer son action en réduction d'une libéralité portant atteinte à la réserve.
Et, surtout, il est tenu compte de l'évolution démographique et sociale en autorisant les donations-partages transgénérationnelles, qui permettront à un enfant de renoncer à un héritage ou à une donation en faveur de ses propres enfants, afin que la succession retrouve, un peu plus que marginalement, son rôle en matière d'établissement du successible.
Enfin, aux termes des travaux de nos collègues députés, de nombreuses dispositions ont été adoptées en faveur des partenaires d'un PACS.
Il en est ainsi de l'adoption du régime patrimonial de la séparation de biens, mieux adapté que l'actuelle indivision. Par ailleurs, des droits successoraux sont reconnus au partenaire survivant, alors qu'actuellement il ne peut hériter que par voie testamentaire, dans les limites de la quotité disponible ordinaire. Le survivant pourra aussi bénéficier pendant un an du droit de jouissance du domicile commun.
Toutes ces dispositions sont animées par une triple ambition à laquelle notre groupe souscrit : donner davantage de liberté à nos concitoyens pour organiser leur propre succession, notamment transgénérationnelle ; garantir aux successibles des conditions moins hasardeuses d'acceptation de la succession ; pérenniser le patrimoine, notamment les entreprises, lorsque le défunt était entrepreneur, en garantissant la gestion de cette dernière par mandat.
Je souhaiterais plus particulièrement insister sur quatre points.
En premier lieu, je reviendrai sur le mandat à effet posthume, qui a longuement animé les débats de notre commission des lois la semaine dernière. De quoi s'agit-il, sinon d'un outil au service du défunt lui permettant de désigner un mandataire à effet posthume avec pour mission d'administrer tout ou partie du patrimoine transmis si les héritiers ne peuvent le faire eux-mêmes, en raison de leur âge, de leur handicap ou de la consistance particulière de la succession, et ce afin de faciliter la gestion et la préservation du patrimoine transmis ?
Le mandataire pourra être une personne morale. Sa rémunération éventuelle ne pourra porter atteinte aux droits réservataires des héritiers. Il devra rendre des comptes annuellement. Son mandat sera subordonné à l'existence d'un « intérêt sérieux et légitime » apprécié au regard de la personne de l'héritier ou du patrimoine successoral. Le mandat, d'une durée maximale de deux ans, pourra être prorogé judiciairement.
Par ailleurs, un mandat à durée indéterminée sera possible dans quatre cas - incapacité, âge du ou des héritiers, nécessité de gérer des biens professionnels ou nécessité de posséder des compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine.
Notre rapporteur propose de passer à un mandat de cinq ans renouvelable.
Le mandat à effet posthume a suscité beaucoup d'objections, plus ou moins pertinentes, d'ailleurs.
Ce dispositif, emprunté au droit anglo-saxon, serait une atteinte au principe de la saisine immédiate de l'héritier et reviendrait à permettre au défunt de « gérer la succession depuis son cercueil ». Or la validité du mandat sera subordonnée à l'existence d'un intérêt sérieux et légitime, apprécié par le juge et motivé par la préservation des intérêts des héritiers et du patrimoine.
Il a été dit également qu'il pourrait engendrer des abus de la part des mandataires posthumes. Pourtant, tous les représentants auditionnés - chefs d'entreprise, notaires, magistrats - y étaient favorables, parce qu'il vaut mieux nommer par avance une personne compétente et motivée connaissant le patrimoine, plutôt que de laisser le juge nommer, dans l'urgence bien souvent, un administrateur judiciaire sans doute surchargé et moins au fait des particularités de cette succession.
La prorogation possible est-elle d'une durée trop longue ? Notre excellent rapporteur propose de substituer au mandat à durée indéterminée un mandat à durée déterminée de cinq ans prorogeable, étant entendu que les héritiers peuvent mettre un terme au mandat en vendant les biens ou contester la réalité de l'intérêt sérieux et légitime du mandat.
Ces vérités sont bonnes à rappeler, dans la mesure où le mandat à effet posthume n'a pas d'autre objet que de protéger les héritiers. Il ne s'agit, en aucun cas, d'une administration post mortem. Les esprits suspicieux ne sont-ils pas ceux qui, justement, voient toujours en l'entrepreneur la concentration de tous les vices, au point de continuer à s'en méfier même lorsqu'il est passé de vie à trépas ?
En deuxième lieu, je souhaiterais aborder la délicate question de la quotité disponible spéciale entre époux et, singulièrement, celle des droits du conjoint survivant lorsqu'il existe des enfants d'une première union.
Nous avons tous, mes chers collègues, été abondamment sollicités par courrier sur cette question ; gageons que, lorsque nous aurons déplacé le curseur, l'autre partie mettra à profit la navette pour nous solliciter de même.
Sur ce point, nous sommes, dans notre très grande majorité, convaincus par la commission des lois, qui souhaite sa suppression.
Comme le président de la commission, Jean-Jacques Hyest, nous considérons qu'il n'est pas possible de légiférer pour le seul cas particulier de la coexistence d'une jeune belle-mère et d'enfants plus âgés, alors qu'aujourd'hui la plupart des seconds mariages durent plus longtemps que les premiers.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Ce n'est pas toujours vrai !
M. Christian Cambon. Si l'attribution à un conjoint beaucoup plus jeune d'un usufruit grevant la totalité des biens du défunt peut, de fait, priver des enfants plus âgés pendant toute leur vie de la jouissance de leurs biens réservataires, il n'en demeure pas moins que ces difficultés ne justifient pas de priver le de cujus de sa liberté testamentaire, alors même que l'ensemble du projet de loi la favorise justement, avec la possibilité de consentir des donations graduelles ou résiduelles et des donations transgénérationnelles.
En troisième lieu, j'aimerais insister sur la question de la publicité du PACS et, plus particulièrement, sur la disposition de ce texte qui prévoit sa mention en marge de l'acte de naissance de chacun des partenaires, sans que l'identité de l'autre apparaisse.
Mes chers collègues, ne nous trompons pas de combat ! Ce texte regorge de dispositions utiles et de bon sens en faveur des titulaires d'un pacte civil de solidarité, et ce alors que le PACS en est à sa septième année de mise en application. Il serait dommage que ces avancées soient obscurcies par l'apparition d'une ligne de fracture sur cette question.
En effet, nous tenons tous au respect de la règle édictée en 1999 et confirmée par le juge constitutionnel : la mairie pour le mariage, le tribunal d'instance pour le PACS.
Pour autant, je n'ai pas le sentiment que la disposition qui nous est proposée ait pour finalité d'opérer un glissement du PACS du tribunal vers la mairie, par le biais de l'état civil. Il s'agit simplement de prendre acte de l'engorgement des greffes des tribunaux d'instance, qui doivent faire face à plus d'un million de demandes de certificat de « non-PACS » par an !
Parallèlement, l'absence de mention de l'identité du partenaire correspond à une recommandation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, du groupe de travail parlementaire sur le PACS et du Gouvernement, afin d'éviter tout usage homophobe de ces informations.
En quatrième lieu, enfin, je conclurai mon propos en remerciant notre rapporteur pour son initiative en matière de déjudiciarisation du changement de régime matrimonial. Il n'était que temps !
Actuellement, en dépit du bon sens, ce changement requiert un acte notarié soumis à l'homologation du tribunal de grande instance. Autant dire que cette homologation n'apporte rien en pratique et n'a d'autre effet que d'allonger la procédure et d'en augmenter le coût.
En effet, 1 % seulement des demandes se voient rejetées, soit environ 200 refus sur 20 000 demandes ! Cela ne suffit pas à justifier le maintien artificiel de cette procédure. L'argument de la protection du conjoint le plus faible pour légitimer l'intervention du juge ne semble en outre plus pertinent au regard de l'objectif à atteindre.
Mes chers collègues, le groupe UMP abordera donc ce débat en étant animé par une très profonde convergence de vues sur l'ensemble du texte proposé. Convaincus de la pertinence des propositions de notre excellent rapporteur, nous soutiendrons de toutes nos forces cet excellent projet de loi (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- M. le président et M. le rapporteur de la commission des lois applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en ces temps d'inflation législative et de prolifération juridique où des lois s'empilent et viennent modifier ou remplacer d'autres textes dont les décrets peinent à voir le jour, la réforme des successions et des libéralités, tant attendue des praticiens, des « usagers » et des entreprises, est enfin sur le point d'aboutir, deux cents ans après l'entrée en vigueur du code civil.
Voilà donc un vrai projet de loi indispensable et, je le crois, consensuel ; un projet de loi à la fois technique et global qui va permettre au législateur de remplir sa plus noble mission : mettre en phase notre appareil législatif avec les profondes mutations de notre société et adapter ainsi le droit positif aux moeurs sociales de notre temps.
Car le droit des successions remonte, pour l'essentiel, au code civil de 1804 et la moitié des articles concernés sont demeurés inchangés depuis cette date. Dans ces conditions, comment ne pas douter de la nécessité de toiletter, parfois, et de moderniser, souvent, cette codification ?
Si pour l'un de ses pères, l'illustre Aixois Portalis, le code civil est « un corps de lois destinées à diriger et à fixer les relations de sociabilité, de famille et d'intérêt qu'ont entre eux des hommes qui appartiennent à la même cité », force est de reconnaître que ces relations sociales ont profondément changé et n'ont bien souvent plus grand-chose à voir avec ce qu'elles étaient il y a deux siècles, ou même il y a cinquante ans.
Aujourd'hui, les familles sont de plus en plus recomposées ou monoparentales, les couples homosexuels avec enfant sont devenus une réalité et, en 2005, les naissances hors mariage représentaient près de la moitié des naissances...
De ce profond décalage entre, d'une part, un droit qui n'a pas fait l'objet de réformes profondes depuis 1804 et, d'autre part, une accélération de l'évolution de notre société depuis une trentaine d'années, résultent de graves conséquences, naissent des conflits, des incompréhensions et des situations de blocages : indivisions impuissantes en l'absence d'unanimité et parfois dégradation des biens jusqu'à leur ruine, inadaptation complète de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, disparition de plus de 7 000 entreprises par an faute d'héritiers capables de les gérer, règlements retardés par des héritiers taisants par pure mauvaise volonté, impossibilité d'assurer des successions à l'amiable dans le cadre familial, et j'en passe.
C'est tout l'enjeu de la réforme qui nous est proposée : donner plus de souplesse et de liberté pour organiser une succession, faciliter la gestion du patrimoine successoral en sécurisant la période séparant le décès du partage, accélérer et simplifier le règlement des successions en réformant la procédure de partage et, bien sûr, s'assurer que les dernières volontés du défunt sont toujours respectées, dans la plus grande transparence.
Ce projet de loi est assurément imaginatif et audacieux. Il fourmille d'innovations juridiques comme le mandat à effet posthume, la renonciation anticipée à l'action en réduction ou encore les libéralités graduelles. Il répond en cela à l'attente de ceux pour qui le règlement d'une succession est une préoccupation quotidienne, à commencer par les techniciens et praticiens du droit des successions que sont les notaires.
Par ailleurs, l'idée de baliser le plus précocement possible le parcours d'obstacles qui attend la communauté des ayants droit à la succession est heureuse.
Toutefois, je suis plus réservé concernant l'exigence que le titulaire du patrimoine héréditaire puisse inconditionnellement et sans limite ni considération des grands équilibres familiaux façonner le paysage successoral. La réserve héréditaire reste certes intacte, de même que l'égalité entre les copartageants, mais ces principes directeurs de la dévolution successorale risquent de devenir un ornement encombrant, sans pouvoir de contrainte ni force d'expansion au sein d'un environnement tout entier dominé par le souci très marchand de la continuité des exploitations et des entreprises.
Est-ce la séduction du droit anglo-saxon ou l'un des impératifs de la mondialisation du droit qui tend inexorablement au rapprochement des systèmes juridiques ? Soyons donc attentifs à ce que de trop nombreuses innovations ne déstabilisent pas les plus nécessaires et les plus attendues d'entre elles.
Parmi les mesures novatrices contenues dans ce texte, je tiens à souligner l'apport considérable dans notre droit de la donation-partage transgénérationnelle. Cette mesure, très attendue, permettra de faire bénéficier les générations les plus jeunes de la donation-partage et de faire concourir des descendants de générations différentes.
En effet, les bénéficiaires d'une donation-partage ne la reçoivent souvent qu'à un âge avancé. Désormais, ils pourront accepter que leurs propres enfants bénéficient de la donation à leur place. En s'adressant à des personnes plus jeunes, cette disposition devrait profiter à l'investissement.
De plus, s'agissant des familles recomposées, la donation-partage pourra être étendue aux demi-frères et aux demi-soeurs, et un partage égal entre enfants issus de mariages différents pourra être effectué. Cet élargissement à tous les héritiers présomptifs et non plus uniquement aux ascendants constitue une réelle innovation qui devrait se généraliser.
Le projet de loi sécurise enfin les options des héritiers en créant l'acceptation à concurrence de l'actif net, qui remplace l'acceptation sous bénéfice d'inventaire. Cette disposition présente notamment l'avantage pour l'héritier de pouvoir conserver tout ou partie des biens de la succession, à charge pour lui de verser aux créanciers le prix des biens en fonction de leur valeur fixée dans l'inventaire. Le principe d'égalité en nature, en vigueur depuis 1804 dans le concept de partage, est en effet abandonné au profit du principe d'une égalité en valeur.
Cette nouveauté se révèlera moins préjudiciable pour la préservation des unités économiques et permettra de diminuer le recours à la vente des biens indivis.
Pour remédier à la mauvaise gestion des biens indivis, le projet de loi facilite la gestion de l'indivision en supprimant le recours à l'unanimité et en permettant aux indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis d'effectuer à cette majorité les actes d'administration et les actes de disposition nécessaires au paiement des dettes et des charges de l'indivision.
Aujourd'hui, l'indivision est très souvent source de nombreuses tensions en raison de l'obligation d'unanimité. Je ne peux donc que me réjouir qu'elle soit rendue plus gérable grâce à cette nouvelle règle de la majorité des indivisaires.
Le texte facilite les opérations de partage en consacrant la technique de l'imputation, laquelle consiste à placer l'indemnité de rapport dans le lot du donataire qui sera recueilli sur sa part. Là aussi, cette règle évitera la vente des biens de la succession.
Faute de temps, je ne peux m'étendre sur les nombreuses autres avancées que contient ce projet de loi tant attendu.
En tout état de cause, je me félicite que le second volet du texte, qui porte sur le droit des libéralités, ait été élaboré dans le même esprit puisqu'il consacre le principe de réduction des libéralités en valeur et non plus en nature. D'une part, ce principe n'empêchera plus le donataire non réservataire de disposer du bien. D'autre part, il ne portera plus atteinte au respect de la volonté du défunt qui a souhaité attribuer des biens déterminés.
Cette grande réforme législative du droit des successions et des libéralités, que tout le monde attend et réclame, permettra de mettre un terme à une situation devenue intenable. Elle apportera certainement des solutions immédiates outre-mer où, vous le savez, mes chers collègues, le problème familial est extrêmement difficile à traiter.
C'est une réforme de simplification et de modernisation qui témoigne de la volonté de dynamiser les patrimoines tout en préservant leur unité.
C''est également une réforme qui apportera davantage de paix et de sérénité dans les familles endeuillées.
C'est aussi une réforme qui réaffirme le rôle premier et indispensable des notaires dans leur mission de conseil et d'expertise au plus près des familles.
C'est, enfin, mes chers collègues, une réforme qui mériterait de faire l'objet d'un large consensus ignorant les clivages politiques.
En tout cas, nous devons tous nous engager à oeuvrer dans cette direction lors de nos futurs débats et à l'occasion de l'examen des amendements, qui, pour la plupart d'entre eux, vont dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, monsieur le garde de sceaux, mes chers collègues, le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités fut présenté par le Gouvernement comme une nécessaire adaptation du droit des successions aux évolutions de notre société telles que la recomposition des familles ou l'allongement de l'espérance de vie.
Néanmoins, malgré l'ambition affichée de simplifier, d'accélérer et de sécuriser le règlement des successions, l'examen de ce texte laisse quelque peu perplexe.
En effet, si l'on replace ce projet de loi dans le contexte des multiples mesures fiscales prises par le Gouvernement depuis 2003 afin de faciliter la transmission du patrimoine, force est de constater que les nouvelles dispositions relèvent du même esprit.
Je le concède, le droit des successions a besoin d'un dépoussiérage, d'une mise en conformité avec la réalité sociale, en adéquation avec les nouvelles conditions de vie, voire une autre conception du patrimoine et de l'héritage. Ce texte n'apporte qu'une timide réponse.
Ainsi, l'aménagement des délais en cas d'acceptation à concurrence de l'actif net et de prescription extinctive de l'option successorale n'est pas contestable, excepté peut-être le choix de rendre acceptant pur et simple l'héritier taisant sommé d'opter plutôt que de le réputer renonçant d'office, ce qui ne constitue pas forcément une garantie de règlement amiable des successions.
Il en est de même concernant l'acceptation pure et simple, lorsqu'il s'agit de permettre à l'héritier d'accomplir des actes de conservation ou d'administration de la succession sans risquer d'être considéré comme acceptant tacite, ou encore lorsqu'il est question de faire évoluer les règles de l'indivision vers la règle des deux tiers en lieu et place de l'unanimité.
Nos principales critiques porteront donc non pas, vous l'aurez compris, sur les aménagements relevant strictement du droit à la succession, mais plus particulièrement sur le fait que ce projet de loi fait l'impasse sur un point central en matière de successions et de libéralités, à savoir la fiscalité.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Ce n'est pas le sujet !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Le fait que ce texte ne contienne aucune mesure fiscale relève certainement moins du hasard que d'un choix politique délibéré.
En effet, si le Gouvernement avait clairement affiché ses choix en matière de fiscalité, cela aurait mis en exergue les inégalités de patrimoine existant dans notre pays. Il n'est donc guère étonnant que le Gouvernement préfère régler les questions fiscales relatives aux successions et aux libéralités via les lois de finances successives.
L'imagination du Gouvernement est d'ailleurs bien fertile lorsqu'il s'agit de favoriser la transmission du patrimoine. C'est donc à coups de défiscalisations et d'exonérations diverses que le Gouvernement permet à ceux qui disposent d'un patrimoine de le transmettre.
Pourtant, ces ménages sont relativement peu nombreux. En effet, plusieurs indicateurs démontrent que peu de ménages peuvent, en réalité, bénéficier de ces largesses fiscales. Selon l'INSEE, 10 % des ménages détiennent 45 % du patrimoine total et 59 % du patrimoine financier.
D'autres chiffres méritent une attention particulière. Ainsi, les données qui émanent des déclarations de successions sont significatives : si le patrimoine moyen transmis avoisine les 100 000 euros, le patrimoine médian n'est que de 55 000 euros.
Je souligne également que les mesures prises en 2004 en faveur des successions ne concernent, en fait, que peu de personnes, seules 25 % des successions étant taxables.
De la même manière, concernant les donations, seules les familles disposant d'un patrimoine transmissible assez important peuvent bénéficier des mesures existantes, que ces mesures soient temporaires ou durables.
C'est le cas, par exemple, de loi dite « Sarkozy », du temps où l'actuel ministre de l'intérieur était ministre des finances, qui permettait, jusqu'au 31 décembre 2005, de donner jusqu'à 30 000 euros libres de droits à chacun des enfants ou petits-enfants.
D'autres mesures lui ont succédé à partir du 1er janvier 2006, comme le relèvement des limites d'âge pour pouvoir bénéficier d'une réduction des droits en cas de donation anticipée. La limite d'âge est passée de soixante-cinq ans à soixante-dix ans pour bénéficier d'un abattement de 50 %, et de soixante-quinze ans à quatre-vingts ans pour profiter d'une réduction de 30 %.
Il n'est pas difficile d'imaginer que ces mesures ont évidemment un impact sur la transmission gratuite du patrimoine. Mais elles ont également une incidence sur l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, puisqu'elles peuvent permettre aux personnes qui y sont assujetties de réaliser de substantielles économies.
Nous le voyons bien, les mesures successives prises en matière d'imposition des donations et des successions s'adressent à une catégorie de personnes ciblées, qui s'estiment trop limitées par l'abattement général de 50 000 euros.
Ainsi, les ménages plus modestes se tournent inévitablement vers les dispositifs leur permettant de diminuer leur impôt ou leurs droits de successions, tels que les produits d'épargne ou les contrats d'assurance vie, notamment afin de protéger le conjoint en cas de décès. En effet, les droits du conjoint survivant ont encore aujourd'hui du mal à être reconnus, et ce malgré la loi de décembre 2001.
La situation est évidemment pire lorsqu'il s'agit de personnes liées par un pacte civil de solidarité, un PACS, ou de concubins. Dans ces deux derniers cas, si l'un des deux partenaires décède, l'autre se retrouve sans aucun droit sur les biens acquis en commun.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Plus maintenant !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet état de fait, vécu très péniblement par les personnes concernées, traduit bien la frilosité à reconnaître d'autres structures familiales que la famille dite « légitime », centrée autour du mariage.
Même si nous ne sommes plus dans la même situation que lors de l'adoption du PACS, force est de constater que la majorité politique reste catégoriquement opposée à l'extension des droits des pacsés, notamment en matière de successions, au risque de se trouver en complet décalage avec la réalité.
Près de 410 000 personnes ont signé un PACS à ce jour. En 2005, 60 000 PACS ont été signés, soit un tiers de plus qu'en 2004, presque le double qu'en 2003 et le triple qu'en 2001. C'est énorme !
Le PACS s'affirme donc peu à peu comme une option alternative au mariage. Cela constitue une raison supplémentaire de l'améliorer pour tous les couples, le droit au mariage pour les couples homosexuels leur étant encore refusé.
Certes, les amendements présentés par le Gouvernement et adoptés par l'Assemblée nationale constituent une avancée, mais ils ne vont pas assez loin.
Le Gouvernement a tenté de remédier à la question du maintien dans le logement pour les partenaires pacsés en créant le même droit pour les pacsés et pour les couples mariés. Néanmoins, l'actuel droit au maintien dans le logement n'est que d'une année, ce qui est bien insuffisant.
C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à rendre ce droit permanent, le conjoint survivant pouvant ainsi, s'il le souhaite, rester dans le logement jusqu'à son décès. Si notre amendement était adopté, ce droit s'étendrait donc aux pacsés et aux concubins.
Je réaffirme que le choix de la forme juridique de l'union ne doit pas avoir de conséquence injuste sur les conditions de vie en cas de décès de l'un des deux partenaires. Nous avons eu l'occasion de le dire en 2001, lorsqu'il s'agissait de défendre les droits du conjoint survivant : les liens du coeur doivent primer sur ceux du sang.
Malheureusement, la majorité reste fermement attachée à sa conception verticale de la succession, ce qui, bien évidemment, ne laisse que peu de place aux personnes non mariées survivant à leur partenaire.
Cependant, même le conjoint survivant a du mal à trouver sa place dans le droit des successions. J'en veux pour preuve les dispositions introduites par l'article 21 du projet de loi, notamment celles qui sont relatives à l'article 1094-2 du code civil, qui remettent partiellement en cause les droits du conjoint survivant.
La loi du 3 décembre 2001 prévoyait la possibilité d'avantager son conjoint par libéralités selon les dispositions de l'article 1094-1 du code civil et de le gratifier soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement, sans distinction de l'origine des enfants, c'est-à-dire issus ou non d'un précédent mariage.
La lecture du nouvel article 1094-2 ne laisse pas planer de doute : « Si l'époux laisse un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus du mariage ou des descendants de ces enfants, il peut disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et d'un autre quart en usufruit, soit de la moitié de ses biens en usufruit seulement, soit encore de l'ensemble des biens des enfants communs en usufruit seulement. »
Alors que la loi de 2001 permettait au conjoint survivant de bénéficier de la totalité des biens en usufruit, dorénavant, celui-ci ne pourra avoir au mieux que la moitié des biens en usufruit, sachant que le barème de conversion est dégressif en fonction de l'âge.
Une telle modification de la législation protégeant les droits du conjoint survivant est prétendument motivée par la volonté de prendre en compte la situation des familles recomposées. Cependant, à en juger par les propos du rapporteur de l'Assemblée nationale, elle semble plutôt reposer sur des raisons d'ordre moral. Il est donc certaines structures familiales que le Gouvernement a du mal à accepter.
De manière générale, et en guise de conclusion, je ne peux m'empêcher de souligner que ce projet de loi, sous couvert de vouloir adapter le droit des successions aux nouvelles réalités familiales de notre société, est empreint d'un grand conservatisme et qu'il reste bien en deçà de nos attentes. Je pense notamment au PACS et au conjoint survivant.
Quant aux libéralités, si l'on replace le texte dans le contexte des réformes fiscales opérées par le Gouvernement depuis 2003, nous ne sommes guère surpris de constater qu'elles seront davantage facilitées et qu'elles ne favoriseront que les gros patrimoines.
Ainsi, il nous paraît difficile d'approuver cette réforme des successions. Notre vote sera conditionné aux sorts réservés à nos amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Madame la présidente, monsieur le garde de sceaux, mes chers collègues, bien qu'il soit très technique, voici un texte comme les parlementaires aimeraient en examiner plus souvent.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Yves Détraigne. En ces temps d'inflation législative et d'oubli fréquent du rôle normatif du législateur au profit de textes un peu bavards et conjoncturels, ce projet de loi, empreint de pragmatisme, fait presque figure d'exception. Il nous permet de remettre à jour et d'adapter à une réalité de fond, à savoir l'évolution des structures familiales et l'allongement de la durée de la vie, des mesures datant, pour l'essentiel, de plus de deux cents ans.
C'est dire que ce texte est aujourd'hui très attendu, notamment par les professionnels.
Simplifier, moderniser, dynamiser les successions et la gestion des patrimoines tout en en préservant l'efficacité économique, tels sont quelques-uns des principaux objectifs que je souhaite retenir d'un texte qui va dans le bon sens. Ces objectifs permettent en effet de répondre aux réalités de plus en plus complexes auxquelles doivent faire face les acteurs des successions que sont les héritiers, les notaires, les administrateurs ou autres intervenants.
Alors que le règlement des successions connaît aujourd'hui des blocages fréquents - du fait, par exemple, de la complexité des règles de décision au sein d'une indivision -, les difficultés nouvelles qui sont liées à l'allongement de la durée de la vie, qui conduit logiquement de plus en plus souvent à vouloir transmettre son patrimoine aux petits-enfants plutôt qu'aux enfants, nous obligent également à réformer en profondeur les règles applicables aux libéralités.
Les mesures visant à mieux disposer de son patrimoine et à élargir les droits à gérer sa succession plus librement vont donc aussi dans le bon sens. À cet égard, plusieurs dispositions méritent d'être soulignées : le pacte successoral, les précisions apportées aux actes conservatoires ou encore les innovations apportées par le mandat à titre posthume, qu'il conviendra toutefois de bien encadrer.
Cependant, une mesure nouvelle appelle de ma part les plus grandes réserves. Il s'agit de celle qui prévoit de mentionner la déclaration de PACS en marge de l'acte de naissance des intéressés.
Je suis conscient que la surcharge de travail qu'entraînent pour les greffes des tribunaux civils les centaines de milliers de certificats de non-PACS qui leur sont demandés chaque année pose un véritable problème pour le fonctionnement des juridictions et qu'il est tentant de transférer cette charge aux mairies. Mais outre le fait que cela ne me paraît pas être la bonne réponse au problème du sous-effectif des greffes des tribunaux judiciaires, il y a surtout un énorme risque qu'après cette première mesure on en arrive progressivement à déclarer le PACS directement en mairie. Soyez-en sûr, monsieur le garde des sceaux, une majorité de maires n'est pas prête à accepter cette disposition.
Au-delà de ces quelques remarques, je souhaiterais revenir sur un point particulier du texte : les problèmes liés aux déshérences et aux vacances successorales. Ce sont non pas les articles consacrés au devenir des successions vacantes ou en déshérence que je vise ici, mais les mesures prévues par l'article 23 sexies, qui a été introduit à l'Assemblée nationale sur proposition de la commission des lois.
Cet article vise à encadrer l'activité des généalogistes successoraux, dont le rôle peut se révéler particulièrement important lorsqu'une personne décède sans laisser d'héritier identifié ou lorsque le notaire chargé du règlement de la succession n'est pas certain - et c'est de plus en plus souvent le cas compte tenu de l'éclatement des familles - de connaître l'ensemble des ayants droit. Le rôle de ces professionnels est souvent mal connu, en particulier du fait de la faiblesse de leurs effectifs.
L'idée à l'origine de l'article 23 sexies, qui tend à remédier aux dérives qui ont pu être constatées, me paraît bonne. Sur un sujet aussi sensible que celui d'un partage après décès, il est des pratiques qui ne peuvent pas être admises. Cependant, le texte de cet article, tel qu'il ressort des travaux de l'Assemblée nationale, me semble beaucoup trop restrictif,...
M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est vrai !
M. Yves Détraigne. ...et l'adoption de l'amendement proposé par la commission des lois du Sénat rétablirait un juste équilibre.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale limite en effet l'intervention des généalogistes aux seuls cas où ils sont saisis par le notaire en charge de la succession ou par l'un des héritiers, alors que près de 35 % de leurs interventions se font à la suite de saisines par d'autres professionnels du monde juridique ou judiciaire. Je pense en particulier aux syndics de copropriété, aux administrateurs judiciaires, aux avocats, etc.
Il est évident que les quelques dérives qui ont pu être constatées ne recouvrent pas - loin de là ! - ces 35 % d'interventions. Un article qui serait trop restrictif sous prétexte de « moraliser » la profession risquerait d'avoir des conséquences fâcheuses pour les héritiers - en particulier lorsque ceux-ci ne sont pas connus - et pour la résorption d'un nombre croissant de successions soumises aux régimes de la vacance ou de la déshérence.
Ayant été à l'origine de l'adoption d'un amendement, qui avait reçu un avis favorable du Gouvernement, sur la loi du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance et visant à réduire les trop nombreux cas de déshérence constatés en matière d'assurance vie après le décès du souscripteur, je ne peux être que favorable aux mécanismes élargissant les modes de recherche des bénéficiaires d'une succession.
Telles sont, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques réflexions que je souhaitais vous faire partager. Ce texte comporte, certes, de nombreuses mesures techniques, mais il touche aussi à l'un des fondements mêmes de notre société, qu'il s'agit d'adapter à ses évolutions.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la première lecture, le projet de loi peut paraître technique et destiné aux spécialistes, aux juristes, aux notaires. La tentation est donc grande de laisser les juristes émérites que compte cette maison se charger de questions si particulières.
Ce texte, qui tend à adapter le droit existant aux réalités modernes de la famille, peut sembler constituer une réforme anodine. En réalité, il est éminemment important.
D'abord, il touche à la vie quotidienne des Français, à leurs relations familiales. Les termes juridiques très spécifiques cachent des actes qui seront effectués par chacun.
Ensuite, il conditionne la réalité ou non de l'égalité des chances au seuil de la vie. N'est-il pas écrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » ? Or cette égalité de droits se confronte à l'inégalité de fait. L'écart entre les deux vient non seulement de la génétique, de la malchance, mais aussi du droit accumulé.
Le droit doit-il entretenir et aggraver cet écart ou, au contraire, l'amoindrir, sinon le combler ? La législation sur les successions est donc au coeur de ce dilemme. Selon le choix de société que l'on fait, on opte pour la réponse.
Lorsqu'on les interroge, les professionnels des successions nous disent volontiers que le règlement des successions est plus difficile aujourd'hui, car il y a davantage de situations conflictuelles.
La question du PACS a également été posée par nos collègues à l'Assemblée nationale ; Roger Madec en parlera mieux que moi dans un instant.
En outre, votre texte, monsieur le ministre, n'est pas complet. De nombreux sujets essentiels à réformer en sont absents.
Ainsi, vous avez oublié l'assurance vie. Ces contrats figurent pourtant dans le patrimoine de près de 60 % des ménages. Or de nombreux bénéficiaires ne réclament purement et simplement pas les sommes auxquelles ils ont droit lors d'une succession, tout simplement parce qu'ils n'en connaissent pas l'existence. Ces sommes s'élèvent à plusieurs dizaines de milliards d'euros. À qui reviennent-elles ? En connaît-on d'ailleurs le montant exact ?
N'y a-t-il pas un moyen de remédier à cela ? Vous avez refusé les amendements de nos collègues à l'Assemblée nationale. Pourquoi n'avez-vous pas pris d'initiative à ce sujet à l'occasion de la lecture du texte au Sénat ?
Enfin, vous avez voulu prendre des mesures concernant la profession de généalogiste. Vous aviez limité les recours à des généalogistes aux héritiers ou au notaire chargé du règlement de la succession. Or un amendement de la commission revient sur cette volonté et ouvre à « toute personne qui a un intérêt direct à l'identification des héritiers ou au règlement de la succession » la possibilité de recourir à un généalogiste.
Cet amendement me paraît dangereux : d'abord, il est juridiquement flou et il provoquera donc une jurisprudence importante ; ensuite, il est plus sain que les généalogistes travaillent dans le calme et sans précipitation.
Cela étant, nous sommes prêts à soutenir les évolutions sur les droits du conjoint survivant. Il est vrai que le texte de 2001 avait accordé à ce dernier des droits importants ; il l'avait parfois même surprotégé. Néanmoins, cela me paraît juste au regard de la période actuelle. Pourquoi les liens du sang continueraient-ils à primer sur tout, y compris sur ceux du coeur ?
M. Charles Gautier. Cessons de citer l'exemple du grand-père qui se laisse duper par sa jeune secrétaire.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il n'y a pas que le grand-père !
M. Charles Gautier. Ces pratiques sont très minoritaires et relèvent d'un autre temps.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cela reste à voir !
M. Charles Gautier. En raison de l'allongement de la durée de la vie, les enfants sont bien plus indépendants que le conjoint survivant. Ils n'attendent plus d'hériter pour commencer leur vie professionnelle, alors que le conjoint survivant reste parfois seul pendant une longue période de sa vie. Et c'est justement pendant cette période que l'on doit profiter des fruits de sa carrière professionnelle.
Telles sont, monsieur le ministre, mes réserves sur votre texte. Il s'agit là d'une réforme importante, qui touche les Français au quotidien. C'est pourquoi nous resterons attentifs à l'évolution du projet de loi tout au long de nos débats. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous abordons cet après-midi l'examen du projet de loi portant réforme des successions et des libéralités. Ce texte a pour objet principal d'adapter le droit aux évolutions de la société. Il n'a donc pas que des aspects techniques.
Je me réjouis que le Gouvernement propose des modifications législatives permettant de mieux coller aux réalités familiales en mettant en place des outils anticipant et organisant différemment la transmission successorale, afin de tirer les conséquences de la multiplication des nouvelles formes de familles et de couples. Ainsi le Gouvernement a-t-il pris acte des évolutions de notre société en améliorant par voie d'amendement le pacte civil de solidarité.
Le groupe socialiste salue ces avancées, mais il considère que les modifications apportées par l'Assemblée nationale ne sont pas suffisantes. Nous proposerons donc des amendements afin d'appliquer aux partenaires pacsés les dispositions relatives au conjoint survivant.
En effet, depuis la loi du 15 novembre 1999, près de 400 000 pactes civils de solidarité ont été signés dans notre pays. Alors que le nombre de mariages n'a pas diminué - démentant ainsi les prédictions de certains parlementaires de l'époque -, le PACS a su trouver sa place. Six ans après sa création, nous pouvons considérer qu'il est entré dans les moeurs. Nos concitoyens le plébiscitent comme un élément de liberté de choix pour organiser leur vie commune.
En revanche, en matière d'égalité des droits, il convient de rapprocher les droits ouverts aux partenaires d'un couple pacsés à ceux des couples mariés. Cette demande me paraît aujourd'hui tout à fait légitime.
Alors que notre pays était pionner avec la création du PACS, nous sommes désormais à la traîne en matière d'égalité des droits. En effet, le conjoint survivant d'un couple pacsé, surtout lorsqu'il s'agit d'un couple de même sexe, reste placé dans une situation de grande fragilité et d'insécurité totale. Il faut enfin que cesse cette situation qui tend à devenir une exception française.
Le Gouvernement a, certes, fait un premier pas : plusieurs dispositions en faveur des couples pacsés ont été retenues. Mais le groupe socialiste souhaite aller plus loin.
En matière de droits de succession, nous proposons d'aligner le PACS sur le mariage. Notre collègue Jean-Pierre Michel a d'ailleurs suggéré d'attribuer une vocation héréditaire aux partenaires d'un pacte civil de solidarité en l'absence d'enfant.
En ce qui concerne le droit viager, l'Assemblée nationale a retenu une possibilité pour le partenaire survivant de disposer d'un droit à jouissance d'un an. Le groupe socialiste demande la création d'un droit viager identique au droit des conjoints survivants, à condition que le défunt l'ait prévu. Cette mesure avait d'ailleurs reçu l'assentiment de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants de l'Assemblée nationale.
Enfin, le droit au bail d'habitation avait été laissé, pour le partenaire survivant d'un PACS, à l'appréciation du seul juge. Nous souhaitons que cette disposition soit de droit. Nous proposerons donc un amendement en ce sens.
Monsieur le ministre, vous l'avez compris, le groupe socialiste souhaite, comme bon nombre d'élus, l'amélioration du PACS. À l'issue du rapport de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants de l'Assemblée nationale, nous attendions que le Gouvernement prenne une initiative en déposant un projet de loi spécifique. Or cela n'a pas été le cas. Vous vous êtes cantonné au dépôt de quelques amendements, certes positifs, mais trop timides. Le groupe socialiste proposera donc plusieurs amendements, que Robert Badinter et moi-même défendrons.
En outre, à l'occasion du débat sur le projet de loi de finances pour 2007, nous proposerons de modifier la fiscalité des successions pour les couples pacsés.
Par ailleurs, le code du travail devra, selon nous, être amendé, afin de permettre au partenaire d'un PACS survivant de bénéficier du droit à pension de réversion.
Nous déterminerons notre vote sur l'ensemble de ce projet de loi en fonction, notamment, du sort qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d'avoir participé à cette discussion générale.
Permettez-moi de répondre en quelques mots à certaines des interrogations qui ont été formulées dans le cadre de vos interventions. Vous le comprendrez, je ne pourrai pas répondre à toutes. J'évoquerai donc celles qui me paraissaient les plus importantes pour toutes les personnes qui suivront nos travaux.
Monsieur le rapporteur, vous avez bien voulu souligner l'un des apports fondamentaux du présent projet de loi. Celui-ci vise à rénover l'acceptation sous bénéfice d'inventaire en lui donnant un nouveau nom, que vous avez considéré comme un peu technocratique : il s'agit de l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net. Cela dit bien ce que cela veut dire, même si je reconnais le caractère un peu technocratique de cette notion. Dans la rédaction initiale du projet de loi, nous avions seulement évoqué l'« actif ». C'est l'Assemblée nationale qui a ajouté l'adjectif « net ».
Au-delà du changement de terminologie, il est vrai qu'il est très important de modifier ce régime juridique pour en accroître l'attractivité. En effet, ainsi que je vous l'ai fait observer, celui-ci n'a jamais fonctionné.
À cet égard, il est fondamental de ne pas créer une « miniprocédure » collective. Ce serait conserver une conception passéiste de ce régime, qui ne fonctionne pas depuis 1804. Il faut que le changement ne soit en rien inégalitaire. Autrement, cela ferait toujours prévaloir les créanciers nantis de sûreté, c'est-à-dire non pas simplement les plus rapides, mais les privilégiés, les plus rapides venant effectivement ensuite, comme c'est de tradition.
En outre, la « miniprocédure » collective est coûteuse, car elle implique l'intervention d'un mandataire et génère des contentieux sur le compte de répartition.
Je vous remercie également d'avoir souligné l'intérêt du mandat à effet posthume et du pacte successoral pour la transmission des entreprises.
Je partage votre attachement à la réserve héréditaire, qui permet notamment de préserver la paix dans les familles.
S'agissant de l'inscription du PACS en marge de l'acte de naissance, je vous rappelle que la préservation de l'anonymat des partenaires correspond aux souhaits exprimés par le groupe de travail qui avait été mis en place par mon prédécesseur sur l'amélioration du PACS et aux conclusions de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants. C'est donc l'aboutissement de la réflexion d'un certain nombre de personnes réputées représentatives.
Madame Dini, vous avez évoqué la situation des personnes adoptées par la voie de l'adoption simple en souhaitant qu'elles puissent bénéficier des exonérations des droits de mutation à titre gratuit lorsqu'elles n'ont pu satisfaire aux conditions de l'adoption plénière.
Tout d'abord, cette question est de nature purement fiscale. Elle devrait donc être débattue dans le cadre du projet de loi de finances.
Ensuite, permettez-moi de vous rappeler deux éléments. D'une part, l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation a supprimé la notion de filiation naturelle. D'autre part, le principe d'égalité devant l'impôt ne permet pas de prévoir une imposition différente pour une même catégorie de contribuables.
Monsieur Robert Badinter, vous avez souligné la filiation dans laquelle s'inscrit cette réforme, et vous avez eu raison. Ce projet de loi ne remet pas en cause notre droit des successions et des libéralités. Il cherche au contraire à l'améliorer en simplifiant et en accélérant les procédures.
S'agissant de l'indivision, je ne suis pas favorable à l'application de la majorité des deux tiers aux actes de disposition. D'ailleurs, je pense que la totalité de la population française nous suivrait. En effet, il s'agit d'actes importants, qui portent atteinte au droit de propriété.
Vous vous interrogez sur le mandat à effet posthume. Il s'agit d'un simple mode de gestion d'un bien qui ne porte pas atteinte à la réserve et qui est destiné à assurer la survie des entreprises. Comme je l'avais indiqué dans mon propos liminaire, 450 000 entreprises devront bientôt prévoir une succession. Il faut que notre législation puisse être prête pour ces différentes successions d'entreprise.
Ce mandat, je le répète, est fortement encadré. En effet, aux termes du projet de loi, il doit être justifié par un « intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l'héritier ou du patrimoine successoral, précisément motivé ». Il appartient au juge de vérifier le bien-fondé du mandat au regard de ces critères.
En principe, la durée du mandat est de deux ans renouvelables. Ce délai a été porté à cinq ans par votre commission dans certains cas déterminés comme l'inaptitude, l'âge de l'héritier, la nécessité de gérer des biens professionnels ou des compétences spécifiques pour gérer le patrimoine.
Pour conclure sur le mandat à effet posthume, vous considérez qu'il risque de susciter la division des héritiers. Je pense au contraire que c'est l'absence d'organisation de la succession qui provoque les divisions familiales.
Monsieur Cambon, vous avez bien voulu souligner l'objet essentiel de ce projet de loi, à savoir accélérer et simplifier le règlement des successions, en évoquant particulièrement les règles de partage successoral.
Vous l'avez dit, cette étape est souvent l'occasion d'un blocage entre les membres d'une même famille. C'est la raison pour laquelle ce texte tend à réformer le dispositif en profondeur, en favorisant le recours au partage amiable afin de limiter le partage judiciaire aux seuls cas où il existe un véritable litige. Ainsi, pour le cas d'un héritier taisant, mais non opposé au partage, il est prévu de mettre en place une procédure de représentation nécessitant une intervention judiciaire simplifiée et limitée.
Vous avez également évoqué l'assouplissement des règles de l'indivision, qui permettra d'effectuer l'ensemble des actes nécessaires au bon fonctionnement de l'indivision à une majorité des deux tiers. Je crois comme vous que cette mesure permettra de répondre aux souhaits de nombre de nos concitoyens.
Monsieur Othily, je vous remercie d'abord d'avoir souligné l'utilité de ce texte, qui permet d'adapter un droit ancien aux nouvelles réalités sociologiques de notre société contemporaine.
Vous avez notamment mentionné la donation-partage transgénérationnelle, qui permettra une transmission plus souple du patrimoine ; j'y suis très attaché. Je souhaite comme vous que ce texte fasse l'objet d'un large consensus au Sénat, témoignant ainsi de la volonté unanime de la représentation nationale de simplifier et d'accélérer des procédures auxquelles tous les Français sont un jour ou l'autre confrontés.
Madame Mathon-Poinat, vous avez regretté l'absence de dispositions fiscales dans ce texte. Je ne peux que vous rappeler que tel n'était pas l'objet de cette réforme, qui tend à modifier des dispositions du code civil.
En revanche, il est incontestable que de nombreuses mesures fiscales ont été adoptées en faveur des familles sous la présente législature, notamment pour faciliter la transmission de leur patrimoine.
Je pense en particulier aux dispositions prévues par la loi de finances de 2005, qui a permis un abattement général de 50 000 euros pour la transmission de tout patrimoine et des abattements spécifiques en fonction du lien de parenté, ainsi qu'une réduction significative des droits de succession.
Monsieur Détraigne, vous avez notamment évoqué l'article 23 sexies et la nécessité de ne pas encadrer trop strictement la profession des généalogistes. Je partage votre souci et je souhaite également que nous puissions nous mettre d'accord sur une rédaction permettant de faire directement appel à cette profession lorsque l'état de la succession le justifie.
Monsieur Gautier, vous avez évoqué la question des assurances vie qui ne seraient pas honorées du fait de la méconnaissance de leur existence.
La loi du 15 décembre 2005, qui permet à toute personne de savoir si elle est bénéficiaire d'un contrat, et un accord de partenariat conclu en 2002 entre les notaires et les assurances permettent aujourd'hui de répondre à vos interrogations. Il est vrai que ces dispositions sont très récentes et que nous n'avons pas encore suffisamment de recul.
Monsieur Madec, vous avez abordé le problème du conjoint survivant pacsé. Le projet de loi prévoit un certain nombre de mesures à cet égard : droit temporaire au logement pendant un an, attribution préférentielle par testament, suppression de la réserve des ascendants et consécration des libéralités graduelles. Il est donc inexact de dire que le texte ne comporte aucune avancée notable dans ce domaine.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a dit qu'il fallait aller plus loin !
M. Pascal Clément, garde des sceaux C'est le fruit du travail mené par une commission pluraliste qui permet aujourd'hui d'aboutir à de telles propositions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que nous puissions maintenant approfondir tel ou tel point en examinant les amendements que vous avez présentés sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX SUCCESSIONS
Article 1er
Dans le titre Ier du livre III du code civil, le chapitre VI devient le chapitre VII, les chapitres IV et V sont ainsi rédigés et le chapitre VI est ainsi rétabli :
« CHAPITRE IV
« De l'option de l'héritier
« Section 1
« Dispositions générales
« Art. 768. - L'héritier peut accepter la succession purement et simplement ou y renoncer. Il peut également accepter la succession à concurrence de l'actif net lorsqu'il a une vocation universelle ou à titre universel.
« Est nulle l'option conditionnelle ou à terme.
« Art. 769. - L'option est indivisible.
« Toutefois, celui qui cumule plus d'une vocation successorale à la même succession a, pour chacune d'elles, un droit d'option distinct.
« Art. 770. - L'option ne peut être exercée avant l'ouverture de la succession, même par contrat de mariage.
« Art. 771. - L'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession.
« À l'expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l'initiative d'un créancier de la succession, d'un cohéritier, d'un héritier de rang subséquent ou de l'État.
« Art. 772. - Dans les deux mois qui suivent la sommation, l'héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu'à la décision du juge saisi.
« À défaut d'avoir pris parti à l'expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l'héritier est réputé acceptant pur et simple.
« Art. 773. - À défaut de sommation, l'héritier conserve la faculté d'opter, s'il n'a pas fait par ailleurs acte d'héritier et s'il n'est pas tenu pour héritier acceptant pur et simple en application des articles 778, 790 ou 800.
« Art. 774. - Les dispositions des articles 771, 772 et 773 s'appliquent à l'héritier de rang subséquent appelé à succéder lorsque l'héritier de premier rang renonce à la succession ou est indigne de succéder. Le délai de quatre mois prévu à l'article 771 court à compter du jour où l'héritier subséquent a eu connaissance de la renonciation ou de l'indignité.
« Art. 775. - Les dispositions visées à l'article 774 s'appliquent également aux héritiers de celui qui décède sans avoir opté. Le délai de quatre mois court à compter de l'ouverture de la succession de ce dernier.
« Les héritiers de celui qui décède sans avoir opté exercent l'option séparément, chacun pour sa part.
« Art. 776. - L'option exercée a un effet rétroactif au jour de l'ouverture de la succession.
« Art. 777. - L'erreur, le dol ou la violence est une cause de nullité de l'option exercée par l'héritier.
« L'action en nullité se prescrit par cinq ans à compter du jour où l'erreur ou le dol a été découvert ou du jour où la violence a cessé.
« Art. 778. - Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits divertis ou recelés. À titre de sanction, les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
« Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
« L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession sur les biens du partage desquels il est exclu.
« Art. 779. - Les pénalités du recel ne sont pas applicables lorsque, avant la découverte des faits, l'héritier ou ses ayants droit révèlent l'existence d'un cohéritier ou restituent spontanément ce qui a été diverti ou recélé.
« Art. 780. - Les créanciers personnels de celui qui s'abstient d'accepter une succession ou qui renonce à une succession au préjudice de leurs droits, peuvent être autorisés en justice à accepter la succession du chef de leur débiteur, en son lieu et place.
« L'acceptation n'a lieu qu'en faveur de ces créanciers et jusqu'à concurrence de leurs créances. Elle ne produit pas d'autre effet à l'égard de l'héritier.
« Art. 781. - La faculté d'option se prescrit par dix ans à compter de l'ouverture de la succession.
« L'héritier qui n'a pas pris parti dans ce délai est tenu pour renonçant.
« La prescription ne court contre l'héritier qui a laissé le conjoint survivant en jouissance des biens héréditaires qu'à compter de l'ouverture de la succession de ce dernier.
« La prescription ne court contre l'héritier subséquent d'un héritier dont l'acceptation est annulée qu'à compter de la décision définitive constatant cette nullité.
« La prescription ne court pas tant que le successible a une juste raison d'ignorer la naissance de son droit, notamment l'ouverture de la succession.
« Art. 782. - Lorsque le délai de prescription mentionné à l'article 781 est expiré, celui qui se prévaut de sa qualité d'héritier doit justifier que lui-même ou celui ou ceux dont il tient cette qualité ont accepté cette succession avant l'expiration de ce délai.
« Section 2
« De l'acceptation pure et simple de la succession
« Art. 783. - L'acceptation pure et simple peut être expresse ou tacite. Elle est expresse quand le successible prend le titre ou la qualité d'héritier acceptant dans un acte authentique ou sous seing privé. Elle est tacite quand le successible saisi fait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter et qu'il n'aurait droit de faire qu'en qualité d'héritier acceptant.
« Art. 784. - Toute cession, à titre gratuit ou onéreux, faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte acceptation pure et simple.
« Il en est de même :
« 1° De la renonciation, même gratuite, que fait un héritier au profit d'un ou de plusieurs de ses cohéritiers ou héritiers de rang subséquent ;
« 2° De la renonciation qu'il fait, même au profit de tous ses cohéritiers ou héritiers de rang subséquent indistinctement, à titre onéreux.
« Art. 785. - Les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d'administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession, si le successible n'y a pas pris le titre ou la qualité d'héritier.
« Tout autre acte que requiert l'intérêt de la succession et que le successible veut accomplir sans prendre le titre ou la qualité d'héritier doit être autorisé par le juge.
« Sont réputés purement conservatoires :
« 1° Le paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent ;
« 2° Le recouvrement des fruits et revenus des biens successoraux ou la vente des biens périssables, à charge de justifier que les fonds ont été employés à éteindre les dettes visées au 1° ou ont été déposés chez un notaire ou consignés ;
« 3° L'acte destiné à éviter l'aggravation du passif successoral ;
« 4° Les opérations courantes nécessaires à la continuation immédiate de l'activité de l'entreprise dépendant de la succession.
« Sont également réputés pouvoir être accomplis sans emporter acceptation tacite de la succession le renouvellement, en tant que bailleur ou preneur à bail, des baux qui, à défaut, donneraient lieu au paiement d'une indemnité, ainsi que la mise en oeuvre de décisions d'administration ou de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise.
« Art. 786. - L'héritier universel ou à titre universel qui accepte purement et simplement la succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent.
« Il n'est tenu des legs de sommes d'argent qu'à concurrence de l'actif successoral net des dettes.
« Art. 786-1. - L'héritier acceptant purement et simplement ne peut plus renoncer à la succession ni l'accepter à concurrence de l'actif net.
« Toutefois, il peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale qu'il avait des motifs légitimes d'ignorer au moment de l'acceptation, lorsque l'acquittement de cette dette aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel.
« L'héritier doit introduire l'action dans les cinq mois du jour où il a eu connaissance de l'existence et de l'importance de la dette.
« Section 3
« De l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net
« Paragraphe 1
« Des modalités de l'acceptation de la successionà concurrence de l'actif net
« Art. 787. - Un héritier peut déclarer qu'il n'entend prendre cette qualité qu'à concurrence de l'actif net.
« Art. 788. - La déclaration doit être faite au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la succession est ouverte. Elle comporte élection d'un domicile unique, qui peut être le domicile de l'un des acceptants à concurrence de l'actif net, ou celui de la personne chargée du règlement de la succession. Le domicile doit être situé en France.
« La déclaration est enregistrée et fait l'objet d'une publicité nationale, qui peut être faite par voie électronique.
« Art. 789. - La déclaration est accompagnée ou suivie de l'inventaire de la succession qui comporte une estimation, article par article, des éléments de l'actif et du passif.
« L'inventaire est établi par un commissaire-priseur judiciaire, huissier ou notaire, selon les lois et règlements applicables à ces professions.
« Art. 790. - L'inventaire est déposé au tribunal dans le délai de deux mois à compter de la déclaration.
« L'héritier peut solliciter du juge un délai supplémentaire s'il justifie de motifs sérieux et légitimes qui retardent le dépôt de l'inventaire. En ce cas, le délai d'un mois est suspendu à compter de la demande de prorogation.
« Le dépôt de l'inventaire est soumis à la même publicité que la déclaration.
« Faute d'avoir déposé l'inventaire dans le délai prévu, l'héritier est réputé acceptant pur et simple.
« Les créanciers et légataires de sommes d'argent peuvent, sur justification de leur titre, consulter l'inventaire et en obtenir copie. Ils peuvent demander à être avisés de toute nouvelle publication.
« Paragraphe 2
« Des effets de l'acceptation de la successionà concurrence de l'actif net
« Art. 791. - L'acceptation à concurrence de l'actif net donne à l'héritier l'avantage :
« 1° D'éviter la confusion de ses biens personnels avec ceux de la succession ;
« 2° De conserver contre celle-ci tous les droits qu'il avait antérieurement sur les biens du défunt ;
« 3° De n'être tenu au paiement des dettes de la succession que jusqu'à concurrence de la valeur des biens qu'il a recueillis.
« Art. 792. - Les créanciers de la succession déclarent leurs créances en notifiant leur titre au domicile élu de la succession. Ils sont payés dans les conditions prévues à l'article 796. Les créances non connues de manière définitive peuvent faire l'objet d'une déclaration à titre provisionnel.
« Faute de déclaration dans un délai de quinze mois à compter de la publicité prévue à l'article 788, les créances non assorties de sûretés sur les biens de la succession sont éteintes à l'égard de celle-ci. Cette disposition bénéficie également aux cautions et coobligés, ainsi qu'aux personnes ayant consenti une garantie autonome portant sur la créance ainsi éteinte.
« Art. 792-1. - À compter de sa publication et pendant le délai prévu à l'article 792, la déclaration arrête ou interdit toute voie d'exécution et toute nouvelle inscription de sûreté de la part des créanciers de la succession, portant tant sur les meubles que sur les immeubles.
« Toutefois, pour l'application des dispositions de la présente section et sous réserve de la signification prévue à l'article 877, les créanciers saisissants sont considérés comme titulaires de sûretés sur les biens et droits antérieurement saisis.
« Art. 792-2. - Lorsque la succession a été acceptée par un ou plusieurs héritiers purement et simplement et par un ou plusieurs autres à concurrence de l'actif net, les règles applicables à cette dernière option s'imposent à tous les héritiers jusqu'au jour du partage.
« Les créanciers d'une succession acceptée par un ou plusieurs héritiers purement et simplement et par d'autres à concurrence de l'actif net peuvent provoquer le partage dès lors qu'ils justifient de difficultés dans le recouvrement de la part de leur créance incombant aux héritiers acceptants à concurrence de l'actif net.
« Art. 793. - Dans le délai prévu à l'article 792, l'héritier peut déclarer qu'il conserve en nature un ou plusieurs biens de la succession. En ce cas, il doit la valeur du bien fixée dans l'inventaire.
« Il peut vendre les biens qu'il n'entend pas conserver. En ce cas, il doit le prix de leur aliénation.
« Art. 794. - La déclaration de l'aliénation ou de la conservation d'un ou de plusieurs biens est faite dans les huit jours au tribunal qui en assure la publicité.
« Sans préjudice des droits réservés aux créanciers munis de sûretés, tout créancier successoral peut contester devant le juge, dans un délai de trois mois après la publicité mentionnée au premier alinéa, la valeur du bien conservé ou le prix de l'aliénation en prouvant que la valeur du bien est supérieure.
« Lorsque la demande du créancier est accueillie, l'héritier est tenu du complément sur ses biens personnels, sauf à restituer à la succession le bien conservé et sans préjudice de l'action prévue à l'article 1167.
« Art. 795. - La déclaration de conserver un bien n'est pas opposable aux créanciers tant qu'elle n'a pas été publiée.
« Le défaut de déclaration de l'aliénation d'un bien dans le délai prévu à l'article 794 engage l'héritier sur ses biens personnels à hauteur du prix de l'aliénation.
« Art. 796. - L'héritier règle le passif de la succession.
« Il paye les créanciers inscrits selon le rang de la sûreté assortissant leur créance.
« Les autres créanciers qui ont déclaré leur créance sont désintéressés dans l'ordre des déclarations.
« Les legs de sommes d'argent sont délivrés après paiement des créanciers.
« Art. 797. - L'héritier doit payer les créanciers dans les deux mois suivant soit la déclaration de conserver le bien, soit le jour où le produit de l'aliénation est disponible.
« Lorsqu'il ne peut s'en dessaisir au profit des créanciers dans ce délai, notamment en raison d'une contestation portant sur l'ordre ou la nature des créances, il consigne les sommes disponibles tant que la contestation subsiste.
« Art. 798. - Sans préjudice des droits des créanciers munis de sûretés, les créanciers de la succession et les légataires de sommes d'argent ne peuvent poursuivre le recouvrement que sur les biens recueillis de la succession qui n'ont été ni conservés ni aliénés dans les conditions prévues à l'article 793.
« Les créanciers personnels de l'héritier ne peuvent poursuivre le recouvrement de leurs créances sur ces biens qu'à l'issue du délai prévu à l'article 792 et après le désintéressement intégral des créanciers successoraux et des légataires.
« Art. 799. - Les créanciers successoraux qui, dans le délai prévu à l'article 792, ne déclarent leurs créances qu'après l'épuisement de l'actif n'ont de recours que contre les légataires qui ont été remplis de leurs droits.
« Art. 800. - L'héritier est chargé d'administrer les biens qu'il recueille dans la succession. Il tient le compte de son administration, des créances qu'il paye et des actes qui engagent les biens recueillis ou qui affectent leur valeur.
« Il répond des fautes graves dans cette administration.
« Il doit présenter le compte à tout créancier qui en fait la demande et répondre dans un délai de deux mois à la sommation, signifiée par acte extrajudiciaire, de lui révéler où se trouvent les biens et droits recueillis dans la succession qu'il n'a pas aliénés ou conservés dans les conditions prévues à l'article 794. À défaut, il peut être contraint sur ses biens personnels.
« L'héritier qui a omis, sciemment et de mauvaise foi, de comprendre dans l'inventaire des éléments actifs ou passifs de la succession ou qui n'a pas affecté au paiement des créanciers de la succession la valeur des biens conservés ou le prix des biens aliénés est déchu de l'acceptation à concurrence de l'actif net. Il est réputé acceptant pur et simple à compter de l'ouverture de la succession.
« Art. 801. - Tant que la prescription du droit d'accepter n'est pas acquise contre lui, l'héritier peut révoquer son acceptation à concurrence de l'actif net en acceptant purement et simplement. Cette acceptation rétroagit au jour de l'ouverture de la succession.
« L'acceptation à concurrence de l'actif net empêche toute renonciation à la succession.
« Art. 802. - Malgré la déchéance ou la révocation de l'acceptation à concurrence de l'actif net, les créanciers successoraux et les légataires de sommes d'argent conservent l'exclusivité des poursuites sur les biens mentionnés au premier alinéa de l'article 798.
« Art. 803. - Les frais de scellés, d'inventaire et de compte sont à la charge de la succession. Ils sont payés en frais privilégiés de partage.
« Section 4
« De la renonciation à la succession
« Art. 804. - La renonciation à une succession ne se présume pas, sous réserve de la renonciation par prescription prévue à l'article 781.
« Pour être opposable aux tiers, la renonciation opérée par l'héritier universel ou à titre universel doit être faite au tribunal dans le ressort duquel la succession s'est ouverte.
« Art. 805. - L'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier.
« Art. 806. - Le renonçant n'est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession. Toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l'ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce.
« Art. 807. - Tant que la prescription du droit d'accepter n'est pas acquise contre lui, l'héritier peut révoquer sa renonciation en acceptant la succession purement et simplement, si elle n'a pas été déjà acceptée par d'autres héritiers ou si l'État n'a pas déjà été envoyé en possession.
« Cette acceptation rétroagit au jour de l'ouverture de la succession, sans toutefois remettre en cause les droits qui peuvent être acquis à des tiers sur les biens de la succession par prescription ou par actes valablement faits avec le curateur à la succession vacante.
« Art. 808. - Les frais légitimement engagés par l'héritier avant sa renonciation sont à la charge de la succession.
« CHAPITRE V
« Des successions vacantes et des successions en déshérence
« Section 1
« Des successions vacantes
« Paragraphe 1
« De l'ouverture de la vacance
« Art. 809. - La succession est vacante :
« 1° Lorsqu'il ne se présente personne pour réclamer la succession et qu'il n'y a pas d'héritier connu ;
« 2° Lorsque tous les héritiers connus ont renoncé à la succession ;
« 3° Lorsque, après l'expiration d'un délai de six mois depuis l'ouverture de la succession, les héritiers connus n'ont pas opté, de manière tacite ou expresse.
« Art. 809-1. - Le juge, saisi sur requête de tout créancier, de toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l'administration de tout ou partie de son patrimoine, de toute autre personne intéressée ou du ministère public, confie la curatelle de la succession vacante, dont le régime est défini à la présente section, à l'autorité administrative chargée du domaine.
« L'ordonnance de curatelle fait l'objet d'une publicité.
« Art. 809-2. - Dès sa désignation, le curateur fait dresser un inventaire estimatif, article par article, de l'actif et du passif de la succession par un commissaire-priseur judiciaire, un huissier ou un notaire, selon les lois et règlements applicables à ces professions, ou par un fonctionnaire assermenté appartenant à l'administration chargée du domaine.
« L'avis au tribunal, par le curateur, de l'établissement de l'inventaire est soumis à la même publicité que la décision de curatelle.
« Les créanciers et légataires de sommes d'argent peuvent, sur justification de leur titre, consulter l'inventaire et en obtenir copie. Ils peuvent demander à être avisés de toute nouvelle publicité.
« Art. 809-3. - La déclaration des créances est faite au curateur.
« Paragraphe 2
« Des pouvoirs du curateur
« Art. 810. - Dès sa désignation, le curateur prend possession des valeurs et autres biens détenus par des tiers et poursuit le recouvrement des sommes dues à la succession.
« Il peut poursuivre l'exploitation de l'entreprise individuelle dépendant de la succession, qu'elle soit commerciale, industrielle, agricole ou artisanale.
« Après prélèvement des frais d'administration, de gestion et de vente, il consigne les sommes composant l'actif de la succession ainsi que les revenus des biens et les produits de leur réalisation. En cas de poursuite de l'activité de l'entreprise, seules les recettes qui excèdent le fonds de roulement nécessaire au fonctionnement de celle-ci sont consignées.
« Les sommes provenant à un titre quelconque d'une succession vacante ne peuvent, en aucun cas, être consignées autrement que par l'intermédiaire du curateur.
« Art. 810-1. - Pendant les six mois qui suivent l'ouverture de la succession, le curateur ne peut procéder qu'aux actes purement conservatoires ou de surveillance, aux actes d'administration provisoire et à la vente des biens périssables.
« Art. 810-2. - À l'issue du délai mentionné à l'article 810-1, le curateur exerce l'ensemble des actes conservatoires et d'administration.
« Il procède ou fait procéder à la vente des biens jusqu'à l'apurement du passif.
« Il ne peut céder les immeubles que si le produit prévisible de la vente des meubles apparaît insuffisant. Il procède ou fait procéder à la vente des biens dont la conservation est difficile ou onéreuse, alors même que leur réalisation n'est pas nécessaire à l'acquittement du passif.
« Art. 810-3. - La vente a lieu soit par commissaire-priseur judiciaire, huissier ou notaire selon les lois et règlements applicables à ces professions, soit par le tribunal, soit dans les formes prévues par le code du domaine de l'État pour l'aliénation, à titre onéreux, du domaine immobilier ou du domaine mobilier appartenant à l'État.
« Elle donne lieu à publicité.
« Lorsqu'il est envisagé une vente amiable, tout créancier peut exiger que la vente soit faite par adjudication. Si la vente par adjudication a lieu pour un prix inférieur au prix convenu dans le projet de vente amiable, le créancier qui a demandé l'adjudication est tenu, à l'égard des autres créanciers, de la perte qu'ils ont subie.
« Art. 810-4. - Le curateur est seul habilité à payer les créanciers de la succession. Il n'est tenu d'acquitter les dettes de la succession que jusqu'à concurrence de l'actif.
« Il ne peut payer, sans attendre le projet de règlement du passif, que les frais nécessaires à la conservation du patrimoine, les frais funéraires et de dernière maladie, les impôts dus par le défunt, les loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent.
« Art. 810-5. - Le curateur dresse un projet de règlement du passif.
« Le projet prévoit le paiement des créances dans l'ordre prévu à l'article 796.
« Le projet de règlement est publié. Les créanciers qui ne sont pas intégralement désintéressés peuvent, dans le mois de la publicité, saisir le juge afin de contester le projet de règlement.
« Art. 810-6. - Les pouvoirs du curateur s'exercent sous réserve des dispositions applicables à la succession d'une personne faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires.
« Paragraphe 3
« De la reddition des comptes et de la fin de la curatelle
« Art. 810-7. - Le curateur rend compte au juge des opérations effectuées par lui. Le dépôt du compte fait l'objet de publicité.
« Le curateur présente le compte à tout créancier ou tout héritier qui en fait la demande.
« Art. 810-8. - Après réception du compte, le juge autorise le curateur à procéder à la réalisation de l'actif subsistant.
« Le projet de réalisation est notifié aux héritiers connus. S'ils sont encore dans le délai pour accepter, ils peuvent s'y opposer dans les trois mois en réclamant la succession. La réalisation ne peut avoir lieu qu'à l'expiration de ce délai, selon les formes prescrites au premier alinéa de l'article 810-3.
« Art. 810-9. - Les créanciers qui déclarent leur créance postérieurement à la remise du compte ne peuvent prétendre qu'à l'actif subsistant. En cas d'insuffisance de cet actif, ils n'ont de recours que contre les légataires qui ont été remplis de leurs droits.
« Ce recours se prescrit par deux ans à compter de la réalisation de la totalité de l'actif subsistant.
« Art. 810-10. - Le produit net de la réalisation de l'actif subsistant est consigné. Les héritiers, s'il s'en présente dans le délai pour réclamer la succession, sont admis à exercer leur droit sur ce produit.
« Art. 810-11. - Les frais d'administration, de gestion et de vente donnent lieu au privilège du 1° des articles 2101 et 2104.
« Art. 810-12. - La curatelle prend fin :
« 1° Par l'affectation intégrale de l'actif au paiement des dettes et des legs ;
« 2° Par la réalisation de la totalité de l'actif et la consignation du produit net ;
« 3° Par la restitution de la succession aux héritiers dont les droits sont reconnus ;
« 4° Par l'envoi en possession de l'État.
« Section 2
« Des successions en déshérence
« Art. 811. - Lorsque l'État prétend à la succession d'une personne qui décède sans héritier ou à une succession abandonnée, il doit en demander l'envoi en possession au tribunal.
« Art. 811-1. - Si l'inventaire prévu à l'article 809-2 n'a pas été établi, l'autorité administrative mentionnée à l'article 809-1 y procède.
« Art. 811-2. - La déshérence de la succession prend fin en cas d'acceptation de la succession par un héritier.
« Art. 811-3. - Lorsqu'il n'a pas accompli les formalités qui lui incombent, l'État peut être condamné à des dommages et intérêts envers les héritiers, s'il s'en présente.
« CHAPITRE VI
« De l'administration de la succession par un mandataire
« Section 1
« Du mandat à effet posthume
« Paragraphe 1
« Des conditions du mandat à effet posthume
« Art. 812. - Toute personne peut donner à une ou plusieurs autres personnes, physiques ou morales, mandat d'administrer ou de gérer, sous réserve des pouvoirs confiés à l'exécuteur testamentaire, tout ou partie de sa succession pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers identifiés.
« Art. 812-1. - Le mandat n'est valable que s'il est justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l'héritier ou du patrimoine successoral, précisément motivé.
« Il est donné pour une durée qui ne peut excéder deux ans, prorogeable une ou plusieurs fois par décision du juge, saisi par un héritier ou par le mandataire. Il peut également être donné pour une durée indéterminée, en raison de l'inaptitude, de l'âge du ou des héritiers ou de la nécessité de gérer des biens professionnels ou de posséder des compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine.
« Il est donné et accepté en la forme authentique.
« Il doit être accepté par le mandataire avant le décès du mandant.
« Préalablement à son exécution, le mandant et le mandataire peuvent renoncer au mandat après avoir notifié leur décision à l'autre partie.
« Art. 812-1-1. - Les actes réalisés par le mandataire dans le cadre de sa mission sont sans effet sur l'option héréditaire.
« Art. 812-1-2. - Tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, le mandataire ne peut effectuer que les actes conservatoires mentionnés à l'article 785.
« Art. 812-1-3. - Le mandat à effet posthume est soumis aux dispositions des articles 1984 à 2010 qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la présente section.
« Paragraphe 2
« De la rémunération du mandataire
« Art. 812-2. - Le mandat est gratuit s'il n'y a convention contraire.
« S'il est prévu une rémunération, celle-ci doit être expressément déterminée dans le mandat. Elle correspond à une part des fruits et revenus perçus par l'hérédité et résultant de la gestion ou de l'administration du mandataire. À défaut, elle peut prendre la forme d'un capital.
« La rémunération ne porte pas atteinte aux droits réservataires des héritiers.
« Art. 812-3. - Les héritiers visés par le mandat ou leurs représentants peuvent demander en justice la révision de la rémunération lorsqu'ils justifient de la nature excessive de celle-ci au regard de la durée ou de la charge résultant du mandat.
« La rémunération doit également être révisée lorsqu'elle a pour effet de priver les héritiers de tout ou partie de leur part de réserve.
« Paragraphe 3
« De la fin du mandat à effet posthume
« Art. 812-4. - Le mandat prend fin par l'un des événements suivants :
« 1° L'arrivée du terme prévu ;
« 2° La renonciation du mandataire ;
« 3° La révocation judiciaire ;
« 4° La conclusion d'un mandat conventionnel entre les héritiers et le mandataire titulaire du mandat à effet posthume ;
« 5° L'aliénation par les héritiers des biens mentionnés dans le mandat ;
« 6° Le décès ou la mise sous mesure de protection du mandataire personne physique, ou la dissolution du mandataire personne morale ;
« 7° Le décès de l'héritier intéressé ou, en cas de mesure de protection, la décision du juge des tutelles de mettre fin au mandat.
« Un même mandat donné pour le compte de plusieurs héritiers ne cesse pas entièrement pour une cause d'extinction qui ne concerne que l'un d'eux. De même, en cas de pluralité de mandataires, la fin du mandat intervenant à l'égard de l'un ne met pas fin à la mission des autres.
« Art. 812-5. - À la demande des héritiers intéressés, il peut être mis fin au mandat en cas de disparition de l'intérêt sérieux et légitime ou de mauvaise exécution par le mandataire de sa mission.
« Art. 812-6. - La révocation pour cause de disparition de l'intérêt sérieux et légitime ne donne pas lieu à la restitution par le mandataire de tout ou partie des sommes perçues au titre de sa rémunération, sauf si elles ont été excessives eu égard à la durée ou à la charge effectivement assumée par le mandataire.
« Sans préjudice de dommages et intérêts, lorsque la révocation est intervenue en raison d'une mauvaise exécution de sa mission, le mandataire peut être tenu de restituer tout ou partie des sommes perçues au titre de sa rémunération.
« Art. 812-7. - Le mandataire ne peut renoncer à poursuivre l'exécution du mandat qu'après avoir notifié sa décision aux héritiers intéressés ou à leurs représentants.
« Sauf convention contraire entre le mandataire et les héritiers intéressés ou leurs représentants, la renonciation prend effet à l'issue d'un délai de trois mois à compter de la notification.
« Sans préjudice de dommages et intérêts, le mandataire rémunéré par un capital peut être tenu de restituer tout ou partie des sommes perçues.
« Art. 812-8. - Chaque année et en fin de mandat, le mandataire rend compte de sa gestion aux héritiers intéressés ou à leurs représentants et les informe de l'ensemble des actes accomplis. À défaut, une résolution judiciaire peut être demandée par tout intéressé.
« Si le mandat prend fin par suite du décès du mandataire, cette obligation incombe à ses héritiers.
« Section 2
« Du mandataire désigné par convention
« Art. 813. - Les héritiers peuvent, d'un commun accord, confier l'administration de la succession à l'un d'eux ou à un tiers. Le mandat est régi par les articles 1984 à 2010.
« Lorsqu'un héritier au moins a accepté la succession à concurrence de l'actif net, le mandataire ne peut, même avec l'accord de l'ensemble des héritiers, être désigné que par le juge. Le mandat est alors régi par les articles 813-1 à 814.
« Section 3
« Du mandataire successoral désigné en justice
« Art. 813-1. - Le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.
« La demande est formée par un héritier, un créancier, toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l'administration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant, toute autre personne intéressée ou par le ministère public.
« Art. 813-2. - Le mandataire successoral ne peut agir que dans la mesure compatible avec les pouvoirs de celui qui a été désigné en application du troisième alinéa de l'article 815-6, du mandataire désigné en application de l'article 812 ou de l'exécuteur testamentaire, nommé par le testateur en application de l'article 1025.
« Art. 813-3. - La décision de nomination est enregistrée et publiée.
« Art. 813-4. - Tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, le mandataire successoral ne peut accomplir que les actes mentionnés à l'article 785, à l'exception de ceux prévus à son deuxième alinéa. Le juge peut également autoriser tout autre acte que requiert l'intérêt de la succession. Il peut autoriser le mandataire successoral à dresser un inventaire dans les formes prescrites à l'article 789, ou le demander d'office.
« Art. 813-5. - Dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés, le mandataire successoral représente l'ensemble des héritiers pour les actes de la vie civile et en justice.
« Il exerce ses pouvoirs alors même qu'il existe un mineur ou un majeur protégé parmi les héritiers.
« Le paiement fait entre les mains du mandataire successoral est valable.
« Art. 813-6. - Les actes visés à l'article 813-4 accomplis par le mandataire successoral dans le cadre de sa mission sont sans effet sur l'option héréditaire.
« Art. 813-7. - À la demande de toute personne intéressée ou du ministère public, le juge peut dessaisir le mandataire successoral de sa mission en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de celle-ci. Il désigne alors un autre mandataire successoral, pour une durée qu'il définit.
« Art. 813-8. - Chaque héritier peut exiger du mandataire successoral la consultation à tout moment des documents relatifs à l'exécution de sa mission.
« Chaque année et à la fin de sa mission, le mandataire successoral remet au juge et à chaque héritier sur sa demande, un rapport sur l'exécution de sa mission.
« Art. 813-9. - Le jugement désignant le mandataire successoral fixe la durée de sa mission. À la demande de l'une des personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article 813-1 ou à l'article 814-1, il peut la proroger pour une durée qu'il détermine.
« La mission cesse de plein droit par l'effet d'une convention d'indivision entre les héritiers ou par la signature de l'acte de partage. Elle cesse également lorsque le juge constate l'exécution complète de la mission confiée au mandataire successoral.
« Art. 813-10. - Supprimé
« Art. 814. - Lorsque la succession a été acceptée par au moins un héritier, soit purement et simplement, soit à concurrence de l'actif net, le juge qui désigne le mandataire successoral en application des articles 813-1 et 814-1 peut l'autoriser à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession.
« Il peut également l'autoriser, à tout moment, à réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession, et en déterminer les prix et stipulations.
« Art. 814-1. - En toute circonstance, l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée en qualité de mandataire successoral à l'effet de le substituer dans la charge d'administrer et de liquider la succession. »
Mme la présidente. L'amendement n° 119, présenté par M. Othily, est ainsi libellé :
À la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 771 du code civil, supprimer les mots :
ou de l'État
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Le projet de loi prévoit le possible placement de l'option héréditaire sous la tutelle étatique, alors même que l'État ne serait pas créancier de la succession. Il n'est, me semble-t-il, ni nécessaire ni souhaitable que l'État intervienne ici dans la sphère strictement privée.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'État peut bénéficier de la succession lorsqu'elle est déclarée vacante. C'est la raison pour laquelle l'État a un intérêt à obliger l'héritier à prendre position.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Lorsque l'héritier n'opte pas, la succession est susceptible d'être déclarée vacante. C'est dans cette situation que l'État, via le service des domaines, est concerné. Il est donc bien évident que l'on ne peut pas exclure l'État.
Avant d'entamer un travail souvent difficile et susceptible d'entraîner la mise en cause de sa responsabilité, il est souvent nécessaire que l'État connaisse l'attitude des héritiers à l'égard de la succession.
Certes, il n'appartient pas à l'État de gérer des successions pour le compte et le bénéfice des héritiers qui pourront un jour décider de l'accepter. Mais en recourant à l'action interrogatoire, l'administration des domaines pourra, d'une part, éviter de voir l'héritier accepter une succession qu'elle aura liquidée dans le régime de la vacance et, d'autre part, se prémunir contre le risque d'une remise en cause des actes accomplis.
Par conséquent, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Othily, l'amendement est-il maintenu ?
M. Georges Othily. L'État pourra intervenir alors même que la succession ne sera pas réglée. Toutefois, les explications fournies par M. le garde des sceaux et l'avis défavorable émis par la commission me conduisent à retirer cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 119 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 120, présenté par M. Othily, est ainsi libellé :
Après les mots :
du délai supplémentaire accordé,
rédiger ainsi la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 772 du code civil :
l'héritier inerte est réputé renonçant. Dans ce cas, il dispose d'un délai de deux mois pour entamer un recours.
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Le projet de loi prévoit que l'héritier taisant est réputé acceptant pur et simple. Cette solution est incompréhensible et contraire aux réalités successorales. À cet égard, je citerai le professeur Philippe Malaurie : « quelle drôle d'idée de réputer acceptant quelqu'un qui, sommé de prendre parti, refuse d'accepter ».
C'est pourquoi, je préfère reprendre la recommandation émise par la commission Carbonnier-Catala qui considère que, à défaut d'avoir pris parti à l'expiration du délai de la sommation, l'héritier inerte est réputé renonçant.
En outre, dans un souci d'équilibre, il faudrait veiller à faire en sorte que le renonçant ait au moins la possibilité de déposer un recours dans un délai bref.
Mme la présidente. L'amendement n° 128, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 772 du code civil, remplacer les mots :
l'héritier est réputé acceptant pur et simple
par les mots :
l'héritier pourra être déclaré renonçant par le juge
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement recoupe celui de M. Othily. La solution proposée par le Gouvernement est contraire à celle que préconisaient nos collègues Jean-Jacques Hyest et Nicolas About, laquelle avait le mérite d'être logique.
La sanction du silence par la renonciation semble plus conforme à la règle énoncée au texte proposé pour l'article 781, alinéa 2, du projet de loi et, plus généralement, à la règle selon laquelle le silence ne vaut pas acceptation en droit privé. Si l'héritier se tait, c'est parce que la succession est présumée ne pas l'intéresser, ce qui signifie qu'il y renonce.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Ces amendements ne sont pas conformes à l'adage populaire selon lequel « qui ne dit mot consent ». Certes, M. Badinter me rétorquera que cet adage n'a pas de valeur juridique, mais il est plein de bon sens.
Si ces amendements étaient adoptés, nous aboutirions à un résultat contraire à celui que nous recherchons, à savoir alléger le règlement des successions.
Le projet de loi présente l'avantage de prévoir que les héritiers du renonçant concourent au partage lorsqu'il y a renonciation par un des héritiers. Si l'héritier taisant est présumé renonçant, il faudra rechercher tous les héritiers subséquents, afin de les sommer d'opter. Cette procédure est lourde.
A contrario, le fait de prévoir que l'héritier taisant est réputé acceptant n'entraîne aucun risque pour lui. En effet, l'héritier acceptant pur et simple qui, après avoir accepté un héritage, a connaissance d'une dette dont il ignorait l'existence, pourra en être déchargé.
En outre, le tribunal a la possibilité de faire représenter l'héritier taisant réputé acceptant lors des opérations de partage. Celui-ci est donc complètement protégé. La disposition proposée ne vise qu'à accélérer la procédure, afin de faciliter le partage.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'avis du Gouvernement est conforme au bon sens populaire : « qui ne dit mot consent ». C'est d'ailleurs ce que prévoit le projet de loi. MM. Othily et Badinter souhaitent dire le contraire, mais le bon sens a quelquefois raison.
La sommation est généralement faite par des créanciers qui souhaitent être payés et ont besoin, pour ce faire, que l'héritier dise s'il accepte ou non la succession. Si la sanction du silence de l'héritier est la renonciation, les créanciers n'auront plus intérêt à faire cette sommation, ce qui aura pour effet de laisser les successions dans un état indéterminé pendant de nombreuses années.
En outre, si, en cas de silence, l'héritier est protégé par une renonciation automatique, il n'aura aucun intérêt à faire savoir qu'il renonce à la succession lorsque celle-ci est déficitaire, ce qui ralentira également le règlement de la succession.
Si, en revanche, comme le prévoit le projet de loi, la sanction est l'acceptation automatique, l'héritier d'une succession déficitaire aura tout intérêt à faire savoir qu'il souhaite y renoncer.
Par ailleurs, il ne me semble pas utile d'offrir un délai de recours à une personne qui se désintéresse de la succession au point de ne pas répondre à la sommation qui lui a été adressée.
Ces amendements sont donc contraires non seulement à l'état actuel du droit, mais également, et surtout, à la logique d'accélération du règlement des successions qui sous-tend ce texte.
Je demande donc le retrait de ces deux amendements. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Othily, l'amendement n° 120 est-il maintenu ?
M. Georges Othily. Les arguments avancés par M. le garde des sceaux pourraient me convaincre de retirer mon amendement. Toutefois, je pense que la disposition proposée sera une source de contentieux entre les héritiers et les créanciers, qui ne parviendront pas à trouver une solution satisfaisante. Je souhaite donc bonne chance au juge qui aura à trancher cette question.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme toujours, j'ai écouté avec beaucoup d'attention M. le garde des sceaux. À tout le moins, il faudrait prévoir que, lors de la sommation, l'héritier sera prévenu qu'à défaut de prendre parti il sera réputé acceptant.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Le projet de loi le mentionne expressément : il sera sommé de prendre parti ! Un décret prévoira de lui notifier le fait qu'il sera réputé acceptant s'il ne se prononce pas. Il s'agit simplement de faciliter la succession !
Je dois avouer que, dans un premier temps, j'étais plutôt favorable au fait de dire que l'héritier taisant était réputé renonçant. Mais cela ne contredit pas la logique du dispositif proposé.
Le texte me semble équilibré et ne comporter aucun risque. Le risque serait plus grand si, en cas de silence, l'héritier était déclaré renonçant, dans la mesure où cela contribuerait incontestablement à compliquer le règlement de la succession s'agissant des autres héritiers.
Pour toutes ces raisons, j'ai été convaincu par les arguments avancés tant par M. le garde des sceaux que par M. le rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Les arguments avancés par M. le garde des sceaux ne vont pas jusqu'au bout de la logique juridique. Un décret doit explicitement prévoir que l'héritier renonçant doit avoir la possibilité de déposer un recours. Dans le cas contraire, nous ne réussirons pas à simplifier le débat juridique en la matière. Seul un décret peut nous apporter satisfaction si la loi énonce le grand principe prévu dans le texte proposé pour l'article 771 du code civil.
Si le Gouvernement s'engage à publier un tel décret, je suis d'accord pour retirer mon amendement. À défaut, je le maintiens.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Le décret pourra prévoir que, dans la sommation, il conviendra de préciser qu'en cas de silence l'héritier sera présumé acceptant.
M. Georges Othily. Vous pourriez déposer un amendement tendant à prévoir qu'un décret sera pris en la matière !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Ce sera précisé dans le décret ; cela ne relève pas de la loi !
Mme la présidente. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Toute cette émotion est inutile. En effet, comment un héritier inerte réputé renonçant peut-il disposer d'un délai de deux mois pour entamer un recours ? À partir du moment où il sera sommé de prendre parti, il sera informé que son silence vaut acceptation de la succession. On tend ici à simplifier les choses. Une procédure devant le juge allongerait encore les délais puisqu'il faudrait plaider l'affaire par l'intermédiaire d'un avocat.
Mme la présidente. L'amendement n° 124, présenté par M. Béteille, est ainsi libellé :
Au début de la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 778 du code civil, supprimer les mots :
à titre de sanction,
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je le reprends, madame la présidente.
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 124 rectifié.
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel, sur lequel la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
fruits et revenus
rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 778 du code civil :
produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. L'amendement n° 132, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
et revenus
rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 778 du code civil :
produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Mon amendement est similaire à celui que vient de défendre M. le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'amendement n° 132 est satisfait par l'amendement n° 1.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 132 n'a plus d'objet.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 121, présenté par M. Othily, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article 779 du code civil.
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Le texte proposé par le projet de loi pour l'article 779 du code civil me semble inutile. En effet, avec la multiplication du nombre de familles recomposées, la jurisprudence contemporaine, qui est saisie d'un grand nombre de recours de ce type, répond à ces préoccupations.
Cette jurisprudence n'est pas suffisamment stable et ferme pour être aujourd'hui consacrée dans la loi. Il est donc précipité de vouloir légiférer sur ce point.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 779 du code civil, remplacer le mot :
du
par le mot :
de
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 121.
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'amendement n° 2 est rédactionnel.
S'agissant de l'amendement n° 121, il tend à supprimer le principe selon lequel les pénalités de recel ne sont pas applicables lorsque l'héritier révèle spontanément la présence d'un héritier ou restitue ce qui a été recélé avant la découverte des faits.
La commission émet un avis défavorable, considérant qu'il convient de consacrer la jurisprudence sur ce point.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Exceptionnellement, je ne rejoins pas la position de M. le rapporteur.
Monsieur Othily, vous proposez de supprimer la règle relative au repentir en cas de recel successoral. Je comprends votre réserve, car il s'agit là d'une question délicate, qui nécessite une appréciation subjective. En particulier, le repentant est-il de bonne foi ou de mauvaise foi ?
Aussi, j'émets un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 121.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le fait qu'il y ait recel implique l'absence préalable de bonne foi. Je pense donc que M. Othily a raison.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Mon objectif est simplement d'encourager la personne de bonne foi qui se repent avant la découverte des faits en lui permettant d'en tirer un certain profit. En ce sens, le repentir est positif. C'est en tout cas ma conception !
Ne voulant pas sanctionner le repentir, la commission avait émis un avis défavorable sur l'amendement n° 121. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. En définitive, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat, tout en estimant qu'il faut encourager par tous les moyens le repentir.
M. Robert Badinter. Vous exercez votre droit de repentir !
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 2 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 3, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 781 du code civil, remplacer les mots :
tenu pour
par le mot :
réputé
L'amendement n° 4, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 781 du code civil, remplacer les mots :
une juste raison
par les mots :
des motifs légitimes
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'amendement n° 3 est un amendement de précision et l'amendement n° 4 un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 785 du code civil :
Sont réputés être des actes d'administration provisoire les opérations courantes nécessaires à la continuation à court terme de l'activité de l'entreprise dépendant de la succession.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement de précision vise à étendre le champ des actes liés à la continuation de l'entreprise et pouvant être accomplis par le successible.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. M. le rapporteur apporte une précision utile, car les opérations courantes nécessaires à la continuation d'une entreprise doivent être qualifiées non pas d'actes conservatoires, mais bien d'actes d'administration provisoire.
En outre, il est indiqué que ces actes ne peuvent être accomplis que dans l'optique d'une continuation à court terme de l'activité de l'entreprise, et non seulement pour la continuation immédiate de celle-ci.
La rédaction est ainsi plus souple, tout en permettant d'éviter que ne s'éternise cette situation qui, parce qu'aucune option n'a été prise, doit demeurer temporaire.
J'émets donc un avis favorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 133, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 785 du code civil.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. L'Assemblée nationale a complété la liste des actes qui peuvent être accomplis par l'héritier sans entraîner une acceptation tacite de succession.
Il est important que ces actes soient précisés parce que l'acceptation de la succession emporte de graves conséquences. Or on est frappé par le caractère vague du texte adopté par l'Assemblée nationale : si je n'ai rien à redire sur le renouvellement des baux, je ne vois pas comment « la mise en oeuvre de décisions d'administration ou de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise » peut faire partie des actes pouvant être accomplis sans emporter acceptation tacite de la succession.
Nous n'y gagnons rien, sinon en confusion.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. D'une part, les baux dont le renouvellement peut être effectué sans que cela emporte acceptation tacite de la succession sont ceux qui, faute d'un tel renouvellement, donneraient lieu à paiement d'une indemnité.
D'autre part, s'agissant de la mise en oeuvre des décisions d'administration et de disposition, il s'agit de celles qui avaient été engagées par le défunt. Aussi est-il opportun qu'il y ait continuité. C'est la raison pour laquelle nous considérons que la mise en oeuvre de ces décisions n'emporte pas acceptation tacite de la succession.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, il vise à supprimer la possibilité, pour les héritiers qui n'ont pas encore opté, d'accorder le renouvellement d'un bail qui, à défaut de renouvellement, entraînerait le paiement d'indemnités augmentant le passif de la succession.
Par ailleurs, il tend à supprimer la possibilité de mettre en oeuvre des décisions d'administration ou de disposition engagés par le défunt dans le cadre du fonctionnement de son entreprise.
Comme je l'ai déjà souligné, la transmission des entreprises est un problème majeur. Leur disparition a principalement pour cause l'absence d'actes d'administration à la suite du décès de leur dirigeant. Il est donc essentiel de prévoir une certaine souplesse, afin de permettre aux héritiers d'effectuer une gestion efficace pour assurer la continuité de l'entreprise.
À ce titre, l'ajout de l'Assemblée nationale me paraît important : il permet de concilier deux objets de cette réforme : la sécurité des héritiers et la bonne gestion du patrimoine successoral.
Le présent amendement revenant sur cette logique, le Gouvernement y est défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 122, présenté par M. Othily, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de la section 3 du chapitre IV du titre 1er du livre III du code civil :
« De l'acceptation sous bénéfice d'inventaire
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. L'intitulé de la section 3 « De l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net » a suscité un vaste débat au sein de la commission des lois. J'ai toujours pensé que la formulation « De l'acceptation sous bénéfice d'inventaire » était la plus élégante. M. le garde des sceaux et M. le rapporteur se sont longuement expliqués à cet égard.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement est sympathique puisque la formulation « De l'acceptation sous bénéfice d'inventaire » est finalement plus claire que celle qui figure dans le projet de loi et qui me semble un peu trop technocratique. Cependant, un système nouveau est instauré. En outre, la formulation « De l'acceptation sous bénéfice d'inventaire » n'est plus usitée.
Aussi, souhaitant que le nouveau système fonctionne, je considère qu'il est cohérent d'entériner cette nouvelle formulation, même si je la trouve un peu compliquée.
Pour cette raison, la commission émet, à contrecoeur, un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Comme le dit M. le rapporteur, l'amendement de M. Othily est en effet sympathique, mais l'expression populaire « acceptation sous bénéfice d'inventaire », dont il déplore la disparition, si elle est très utilisée dans le langage courant, est fort peu employée sur le plan juridique.
Au fond, monsieur Othily, vous regrettez une virtualité. Mais vous avez tort de regretter une expression que vous aurez toujours le droit d'employer pour généralement tout à fait autre chose.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est excessif d'affirmer que cette expression est très peu appliquée ; je peux, comme plusieurs juristes ici présents, porter témoignage du contraire. (Plusieurs sénateurs font un signe d'approbation.)
En outre, je constate que tant M. le rapporteur que M. le ministre sont contraints de se reporter à leur fiche pour retenir la nouvelle formulation. Cela ne durera peut-être pas : on s'habitue à tout !
En tout cas, je considère que la formulation « De l'acceptation sous bénéfice d'inventaire » était parfaitement claire. Si elle n'était pas suffisamment employée, c'est peut-être parce qu'elle n'était pas assez connue. Mais l'amendement de notre collègue Georges Othily se comprend parfaitement.
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Je ne nourris aucune nostalgie pour une formulation qui a fait florès dans le langage populaire, sans toujours avoir un sens juridique exact. Ce qui me préoccupe, c'est l'utilisation d'un adjectif qui n'est pas neutre sur le plan comptable. Dans le texte initial du projet de loi, il était simplement question de l'actif. L'Assemblée nationale a ajouté le terme : « net ». Or la notion d'actif net peut être interprétée de multiples manières. Aussi, je ne suis pas certain que, s'agissant d'un texte de droit civil, on y gagne en précision. Au contraire !
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Othily, pour explication de vote.
M. Georges Othily. Je fais appel à la sagesse de notre assemblée et je prie mes collègues d'accepter la formulation que je propose, et qui ne ressortit aucunement au langage populaire.
En remplaçant les mots : « De l'acceptation sous bénéfice d'inventaire » par les mots : « De l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net », nous prendrions le risque d'introduire une nouvelle notion en droit civil. La formulation que je suggère, et que nous connaissons tous, est plus élégante et plus exacte en matière de droit civil.
Mme la présidente. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.
Mme Lucette Michaux-Chevry. L'inventaire est un moyen, pour le notaire, de ne jamais donner la réalité de l'actif et du passif ; des créances supplémentaires peuvent apparaître. Je l'ai constaté au cours de ma vie professionnelle.
En revanche, l'actif net suppose un engagement du notaire concernant les créances et les dettes. Dans ces conditions, celui qui accepte une succession sait parfaitement la réalité du patrimoine qu'il va acquérir, puisque l'actif est déterminé après inventaire. Cette décision ne lèse pas les héritiers dans une situation où des opérations apparaîtraient ultérieurement.
D'ailleurs, il existe une jurisprudence constante s'agissant de la remise en cause de successions sous bénéfice d'inventaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Charles Gautier. Toute la question porte sur la définition de l'« actif net », que vous avez utilisé dans son sens le plus courant. Mais cette expression fait aussi référence à la comptabilité, laquelle a subi un certain nombre d'évolutions au fil du temps : l'actif net dont on parle aujourd'hui n'est pas celui que l'on évoquait voilà dix ans, notamment s'agissant des amortissements.
Cela signifie que le texte devra être modifié si, demain, des évolutions sont constatées sur le plan comptable. Il serait donc préférable de maintenir un vocabulaire utilisé dans le langage courant et accepté de tous, au lieu de courir le risque d'un changement au sein d'une spécialité qui n'a rien à voir avec ce dont nous discutons dans cet hémicycle.
Mme Lucette Michaux-Chevry. La notion d'actif net a une valeur juridique !
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Le notaire doit procéder à l'inventaire des biens avant de déterminer l'actif net. Or, en droit civil, l'inventaire n'existe pas : on passe directement à l'acceptation d'un actif net sans qu'il y ait eu inventaire. Ce n'est pas du droit positif !
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 789 du code civil, remplacer les mots :
huissier ou notaire
par les mots :
un huissier ou un notaire
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 134, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 790 du code civil, remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
quatre
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Il s'agit de prévoir la déchéance de l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net. Le projet de loi initial prévoyait cette déchéance à défaut du dépôt de l'inventaire dans le délai d'un mois. Ce délai a ensuite été porté à deux mois, mais il nous paraît encore trop court et nous souhaitons qu'il soit fixé à quatre mois.
Je vous rappelle que l'établissement de l'inventaire exige de s'adresser aux banques, aux commissaires-priseurs, aux experts-comptables. Tout cela doit être effectué dans un délai raisonnable. Le fait d'abréger excessivement le délai ne fera que compliquer le règlement ultérieur de la succession.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je précise que ce délai de deux mois s'ajoute aux quatre mois avant la sommation et aux deux mois pour la réponse à cette sommation, ce qui représente au total un délai de huit mois.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je suppose que M. Badinter a une arrière-pensée. Sinon, je ne comprends absolument pas son amendement.
Soyons clairs : l'objet de l'ensemble de ce projet de loi est d'accélérer le règlement des successions, ce qui répond à une demande des Français. Or l'amendement de M. Badinter vise à allonger le délai au-delà de huit mois.
Honnêtement, je ne peux pas émettre un avis de sagesse sur cet amendement ; j'y suis totalement défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous savons tous que les successions sont très longues à liquider en France. On dit souvent que c'est la faute des notaires. Or, comme vous renforcez le rôle des notaires, je ne suis pas du tout convaincu que nous réussissions à aller beaucoup plus vite. L'avenir le dira !
MM. Hyest et About avaient prévu un délai de quatre mois, et ils avaient raison. En effet, bien souvent, les intéressés ne sont pas chez eux au cours des deux mois d'été.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je crois que M. Michel Dreyfus-Schmidt n'a pas compris. Permettez-moi d'exposer la situation dans le détail.
Actuellement, l'héritier dispose tout d'abord d'un délai de quatre mois avant la sommation. Ensuite, en cas de sommation, il bénéficie encore de deux mois. Enfin, après avoir opté, l'héritier se voit accorder un délai supplémentaire de deux mois pour déposer un inventaire. Cela représente huit mois au total. M. Badinter voudrait aller au-delà. Sans commentaires !
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. M. le garde des sceaux me fait riche d'arrière-pensées. Je le ramènerai à une réalité qu'il connaît aussi bien que moi.
Dans un tel cas, grâce à la fixation d'un délai supplémentaire, sans un éventuel recours au juge, la situation des tribunaux, toujours encombrés par des contestations inutiles, sera améliorée.
Vous savez aussi bien que moi que, pendant la période d'inaction initiale, l'héritier n'aura rien fait. Après sommation, s'il accepte la succession, il devra réunir les documents nécessaires. Ne croyez pas que les banques ou les commissaires-priseurs sont à sa disposition, sans oublier les périodes de vacances !
Il est préférable de prévoir un délai supplémentaire plutôt que d'avoir recours au juge pour obtenir une prorogation. Il n'y a, croyez-le bien, aucune arrière-pensée dans cette affaire, qui ne mérite pas plus que ces considérations.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Avec Internet, les relevés bancaires sont disponibles immédiatement !
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 790 du code civil, après les mots :
Les créanciers
insérer le mot :
successoraux
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 790 du code civil, remplacer le mot :
publication
par le mot :
publicité
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 792 du code civil :
Les créances dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées à titre provisionnel sur la base d'une évaluation.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Madame la présidente, Je demande la réserve des amendements nos 135 et 197 jusqu'après l'examen de l'amendement n° 136.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame la présidente, nous allons aborder la discussion de nombreux amendements qui traitent du même sujet. Pour la cohérence de nos débats, je suggère de les examiner après la suspension de séance. (Assentiment.)
13
remplacement d'un sénateur décédé
Mme la présidente. J'informe le Sénat que M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a fait connaître à M. le Président du Sénat que Mme Annie Jarraud-Mordrelle est appelée à remplacer au Sénat, à compter du 17 mai 2006 à zéro heure, notre regretté collègue André Labarrère.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
14
Réforme des successions et des libéralités
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme des successions et des libéralités.
Article 1er (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 1er, à l'examen de l'amendement n° 10.
L'amendement n° 10, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 794 du code civil, remplacer les mots :
dans les huit jours
par les mots :
dans les quinze jours
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement tend à porter de huit à quinze jours le délai imparti à l'héritier pour déclarer l'aliénation ou la conservation du bien.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 794 du code civil, après les mots :
du bien conservé ou
insérer les mots :
, lorsque la vente a été faite à l'amiable,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à améliorer la sécurité juridique des transactions faites par l'héritier qui a accepté à concurrence de l'actif net, en prévoyant que la contestation du prix n'est pas possible lorsque la vente a été réalisée aux enchères publiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cet amendement est fort utile, car il sécurise la situation de l'héritier qui a fait le choix d'une procédure de vente plus formalisée et il évite des contestations inutiles.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 136, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 796 du code civil, remplacer le mot :
inscrits
par les mots :
titulaires d'un droit de préférence
II. A la fin de l'avant-dernier alinéa du même texte, remplacer les mots :
désintéressés dans l'ordre des déclarations
par les mots :
payés par distribution
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Le paiement des créanciers dans l'ordre des déclarations est radicalement inacceptable après l'ouverture d'un processus collectif de liquidation.
Dès lors qu'un délai commun à tous les créanciers est fixé par la loi, l'égalité des chirographaires qui ont respecté ce délai s'impose absolument. Je rappelle que la distribution par contribution est un principe constant des règlements organisés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La question posée est de savoir comment procéder à la distribution des biens lorsqu'il y a acceptation à concurrence de l'actif net et que l'héritier a réalisé les biens.
Deux possibilités sont ouvertes : la première est celle du paiement au prix de la course, c'est-à-dire que le premier créancier qui produit est payé. Ainsi, les créanciers sont payés au fur et à mesure qu'ils se présentent dans le délai prévu par le projet de loi, et lorsqu'il n'y a plus rien à payer, l'action s'éteint.
Il est bien évident que le créancier qui se présenterait après le terme du délai retenu par le législateur - quinze mois, un ou deux ans, par exemple - pour le paiement de toutes les créances serait forclos.
Le paiement au prix de la course existe dans le code civil, sauf que, à l'heure actuelle, un créancier peut s'y opposer et demander la distribution et le paiement au marc le franc, ou, plutôt, au marc l'euro. C'est la loi.
L'autre solution telle qu'elle est proposée par les auteurs de l'amendement n° 136 vise à remplacer le paiement au prix de la course par une procédure de distribution qui ressemble à une sorte de mini-procédure collective : on fixe un délai, dont la durée dépend du choix du législateur, pour permettre aux créanciers de produire. A l'issue de ce délai, on procède à la répartition au marc l'euro afin de payer tous ceux qui ont produit dans ce délai.
Cet amendement a donné lieu à un large débat en commission.
Pour ma part, j'y suis défavorable, pour différentes raisons.
En effet, les plus gros créanciers étant en général couverts et protégés par une garantie hypothécaire et ayant, dans ces conditions, la sécurité d'être payés, le système préconisé par le Gouvernement permet aux petits créanciers d'être payés rapidement sans devoir attendre longtemps.
En outre, et surtout, l'idée particulièrement novatrice de cette réforme est de donner un rôle central à l'héritier qui conduit la procédure de paiement des créanciers. Au contraire, la procédure visée par cet amendement fait intervenir un tiers, puisqu'elle implique d'organiser une mini-procédure collective.
La commission des lois a émis, pour sa part, un avis favorable sur cet amendement auquel je crois avoir été le seul à m'opposer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Badinter, je ne comprends pas très bien vos objections. Vous estimez que le paiement des créanciers dans l'ordre des déclarations serait inacceptable après l'ouverture d'un processus collectif de liquidation.
Or, le paiement par distribution que vous prévoyez dans votre amendement remet totalement en cause le mécanisme de l'acceptation à concurrence de l'actif net que nous avons longuement évoqué avant la suspension de séance.
J'ai indiqué que le Gouvernement avait substitué ce mécanisme à l'ancienne appellation « sous réserve d'inventaire » que M. Othily souhaitait conserver et qui aurait été effectivement significative pour l'opinion publique, mais qui était fort peu utilisée.
Le système de l'acceptation à concurrence de l'actif net comprend deux éléments : d'abord, les créanciers nantis sont prioritaires, ce qui est de nature à tous nous rassurer. Ensuite, pour les créanciers chirographaires, il s'agit d'appliquer le droit commun, c'est-à-dire la règle du paiement du premier qui se présente.
A cet égard, le projet de loi s'inscrit dans le droit commun. Vous vous interrogez, vous, sur le côté exceptionnel du droit commun. Or, je le répète, pour les chirographaires, le droit commun prend en considération l'ordre de présentation, ni plus ni moins.
Où est donc la surprise ? Pourquoi cet étonnement ? Cette affaire ne me paraît pas soulever la moindre difficulté. Il n'y a là rien d'extraordinaire ni d'original !
Je suis fermement opposé à cet amendement, et je le dis devant le Sénat, parce que, s'il était adopté, la formule que vous proposez ralentirait considérablement le système que nous préconisons, qui risquerait de connaître de ce fait le même sort que le mécanisme des successions sous bénéfice d'inventaire auquel il doit se substituer, autrement dit de ne pas être appliqué.
Sous le bénéfice de ces explications, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 136 et invite le Sénat à ne pas vous suivre, monsieur le sénateur, car il n'y a aucune raison de le faire, sauf à vouloir mettre en péril le nouveau système, qui paraît avantageux pour tous les intéressés.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Je me suis, hélas ! mal fait comprendre, monsieur le garde des sceaux ; sans doute, l'âge aidant, mes capacités d'expression faiblissent ! (Sourires.)
Sur le sujet qui nous occupe, je mettrai donc les points sur les i. Ce que vous avez dit ne prend pas en compte votre propre projet de loi.
Vous avez décrit le système actuel dans lequel, en effet, la règle qui s'applique aux créanciers chirographaires consiste à donner l'avantage à celui qui arrive le premier pour se faire payer. C'est un système que nous connaissons tous.
Mais vous avez apporté à ce système une novation essentielle, puisque le dispositif que vous proposez prévoit, pour les créanciers chirographaires, un délai au-delà duquel ils n'auront plus droit à rien s'ils ne se sont pas présentés. Nous entrons là dans un système de procédure collective.
Je n'ai aucune objection à opposer au fait de prévoir un délai de un ou deux ans, peu importe, à l'intérieur duquel s'applique la règle de la course permettant à celui qui la gagne d'être payé le premier.
En revanche, vous avez ajouté, ne l'oublions pas, que ceux qui ne produiront pas dans le délai prévu seront forclos. Autrement dit, le délai a complètement changé de nature puisqu'il a été transformé en une forclusion, je dirais même en une prescription de la créance ! (M. Michel Dreyfus-Schmidt approuve.)
D'où l'exigence d'équité, qui s'impose dans toute procédure de règlement collectif organisé. En l'occurrence, il s'agit d'un actif de succession face à un passif à régler au profit des créanciers.
La procédure normale, la seule dont je demande l'application, est non pas celle du paiement à celui qui aura gagné la course, les autres étant payés ou non, mais celle consistant à produire la créance dans le délai retenu et à répartir le paiement au marc l'euro. On verra ensuite ce que l'on fait de l'éventuel actif restant au regard du créancier qui n'aura pas produit dans les délais.
A cet égard, l'équité et le principe se rejoignent. Puisque vous organisez la procédure de paiement du passif au profit des créanciers, rendez-la simple et juste. Prévoyez un délai -nous aborderons la question de sa durée tout à l'heure - et, pour les créanciers qui ont produit dans ce délai, appliquez la règle du paiement au marc l'euro.
J'espère m'être fait entendre cette fois-ci.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'avais peut-être mal interprété votre pensée, monsieur le sénateur, aussi je reviens volontiers sur ce point et je vous prie de me reprendre si je me trompe.
Comme nous nous en sommes expliqués tout à l'heure, dans le projet de loi initial étaient prévus huit mois, qui sont devenus quinze mois.
Non seulement votre amendement vise à ajouter deux ans à ces huit mois, mais en outre, différence fondamentale, au lieu de payer les chirographaires dans l'ordre des déclarations, vous choisissez de leur distribuer, selon un pourcentage qui sera calculé à l'issue des deux ans, le peu qui restera, c'est-à-dire, nous sommes bien d'accord, à peu près rien.
Votre volonté d'être plus juste se traduira donc par la distribution aux créanciers chirographaires qui se seront manifestés de rien ou presque, et ce au bout de deux ans au lieu de quinze mois. Très honnêtement, je ne vois pas l'intérêt de cet amendement, qui ne servira qu'à ralentir la procédure sans avantager personne.
Pour le peu qui restera - les nantis privilégiés auront déjà été servis, ne l'oublions pas -, divisé par les x chirographaires, ce n'est pas la peine que le Sénat en fasse un drame. Il s'agit de très peu de chose, pour ne pas dire de rien ; alors, choisissons la procédure la plus rapide ! C'est mon dernier argument.
Je demande donc au Sénat de ne pas adopter l'amendement de M. Badinter.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le rapporteur a bien voulu rappeler qu'il a été le seul à défendre son point de vue et que c'est la position exposée par notre collègue Robert Badinter qu'a adoptée l'ensemble de la commission, dont les membres étaient présents en grand nombre : dès lors, ce n'est plus maintenant un « amendement Badinter », c'est, je le répète, un amendement de la commission.
Or il est évident, monsieur le garde des sceaux, que notre collègue vous a parfaitement répondu. Il s'agit de peu de chose, affirmez-vous. Cela dépend de la succession ! Certaines sont de petites successions, mais pas toutes ! Lorsque l'on se trouve face à une grosse succession, la somme en jeu est élevée, et je ne comprends pas comment vous pouvez prétendre qu'il s'agit alors de peu de chose.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais dans ce cas, il n'y a pas de bénéfice d'inventaire !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Comme vient de le rappeler le président de la commission, il n'y a pas, alors, de bénéfice d'inventaire ! Si la succession est importante, on ne se pose aucune question !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et même si cela porte sur peu de chose, le dispositif, ainsi que Robert Badinter l'a rappelé, est tout à fait nouveau puisqu'il ne sera plus possible, par la suite, de revenir en arrière.
Vous créez donc un processus collectif de liquidation. Dans ces conditions, il est tout à fait normal que tous ceux qui ont produit soient payés au marc l'euro. C'est ce à quoi tend cet amendement.
Effectivement, monsieur le garde des sceaux, vous aviez d'abord mal compris. Mais, la seconde fois, ce n'était plus le cas !
M. le président. Nous en revenons aux amendements nos 135 et 197, faisant l'objet d'une discussion commune, qui ont été précédemment réservés.
L'amendement n° 135, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 792 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Faute de déclaration dans un délai d'un an à compter de la publicité prévue à l'article 788, les créances non assorties de sûreté ne sont pas admises à la distribution. Cette disposition libère les cautions et les coobligés, ainsi que les personnes ayant consenti une garantie autonome portant sur lesdites créances.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Nous proposons d'abréger le délai prévu pour la déclaration de créances, conformément d'ailleurs à ce qu'avaient suggéré MM. Hyest et About, en le ramenant à un an, de façon que les choses puissent suivre un cours plus rapide.
M. le président. L'amendement n° 197, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 792 du code civil, remplacer les mots :
quinze mois
par les mots :
deux ans
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 135.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Le texte du projet de loi tel que l'a présenté le Gouvernement accordait aux créanciers deux ans pour se manifester, période à l'issue de laquelle ils sont forclos.
Entre ce délai initial de deux ans et le délai de un an que tend à instaurer l'amendement n° 135, il nous semble que les quinze mois retenus par l'Assemblée nationale marquent un juste milieu. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 135.
Par ailleurs, je retire l'amendement n° 197, qui n'avait de sens que dans l'hypothèse où le Sénat, suivant l'avis favorable de la commission, aurait adopté l'amendement n° 136 de M. Badinter.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je répète après M. le rapporteur que le Gouvernement avait initialement prévu un délai de deux ans, qui a été ramené à quinze mois et que vous voulez, monsieur le sénateur, réduire à un an.
Il semble que ce délai serait inadapté, en particulier pour les entreprises, qui ne peuvent parfois identifier un défaut de paiement qu'une fois l'année sociale terminée. Dans ces cas-là, un an risque de ne pas suffire pour s'informer du décès et effectuer la déclaration. C'est la raison pour laquelle, par prudence, nous estimons préférable d'en rester à quinze mois.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je me suis permis tout à l'heure, dans un rappel au règlement, de souligner les conditions particulières dans lesquelles nous travaillions. Mais nous progressons !
Ce matin, lors de la réunion de la commission des lois, nous étions très nombreux pour discuter de ce texte. Or je constate, sans vouloir choquer qui que ce soit, que n'est présent sur les travées de la majorité qu'un seul de ceux de nos collègues qui ont participé à nos travaux de ce matin.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce genre de réflexion est insupportable !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est dire que les autres n'ont pas suivi de très près les travaux ! C'est ainsi, je le constate, et je le regrette.
Sans doute nos collègues sont-ils retenus, peut-être par la préparation du débat sur l'immigration, je ne sais. Toujours est-il que cela rend les discussions difficiles et qu'elles ne reflètent pas ce qui s'est passé en commission : je le répète, nous étions très nombreux ce matin et le rapporteur était isolé.
Si bien que l'amendement que nous examinons actuellement est celui de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'aurais d'ailleurs pas été choqué que le rapporteur le présente lui-même, puisqu'il a été adopté par la commission à une écrasante majorité.
Bien évidemment, nous voterons cet amendement n° 135.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, je trouve particulièrement déplacé de faire le décompte de ceux qui sont là, de ceux qui ne sont pas là...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai ou pas ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Chacun est libre de faire ce qu'il veut, on le sait très bien. Certains collègues qui étaient présents ce matin partent en mission demain matin... toutes sortes de raisons peuvent les empêcher d'être là ce soir.
Certes, les commissions jouent un rôle éminent, surtout la commission des lois, c'est évident, pour éclairer le débat.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le Gouvernement aussi tient sa place dans ce dialogue. Mais c'est le Sénat dans son ensemble qui tranche, et quand un amendement n'est pas adopté malgré le soutien de la commission, que voulez-vous, c'est la loi générale du parlementarisme, il ne faut pas s'en formaliser !
De surcroît, monsieur Dreyfus-Schmidt, si nous avons émis un avis favorable sur un amendement de notre éminent collègue M. Badinter, ce n'était pas pour autant un amendement présenté par le rapporteur. Cela arrive, bien entendu, et c'est le débat qui le permet, mais chaque collègue est libre ensuite d'agir comme il le souhaite et a même le droit de changer d'avis. Vous savez ce que l'on dit de ceux qui ne changent jamais d'avis...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il serait dommage qu'en permanence vous mettiez en cause nos collègues, d'autant que les membres de la commission des lois sont beaucoup plus nombreux ce soir que vos propos ne le laisseraient croire. On ne fait pas le compte ! Vous l'avez indiqué une fois, je crois que cela suffit pour la soirée, et sans doute même pour quelques jours !
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que chaque sénateur a le droit, et même le devoir, de participer aux débats de la Haute Assemblée et de voter en son âme et conscience, quelle que soit la commission à laquelle il appartient, et même s'il n'a pas suivi les travaux de la commission saisie au fond.
Il faut au contraire se réjouir que tous puissent s'exprimer et voter. Sans cela, la situation ne serait plus tout à fait conforme au fonctionnement des institutions de la République.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils ne s'expriment pas !
M. le président. L'amendement n° 164, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 797 du code civil, remplacer les mots :
deux mois
par les mots :
quatre mois
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. L'article 797 du code civil modifié précise, dans son premier alinéa, le délai dans lequel doit intervenir le paiement des créanciers.
L'Assemblée nationale, sur l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a porté de un à deux mois le délai pour payer les créanciers à compter soit de la déclaration de conserver le bien, soit du jour où le produit de l'aliénation est disponible.
S'il faut saluer le passage de ce délai de un à deux mois au cours de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, cet amendement a pour objet d'aller plus loin. Ainsi, nous vous proposons de porter ce délai à quatre mois afin de l'aligner sur celui qui est pratiqué en matière d'obtention de prêt bancaire ou d'acquisition immobilière.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Effectivement, le projet de loi initial prévoyait un délai de un mois, porté à deux mois par l'Assemblée nationale, pour payer les créanciers à compter de l'aliénation du bien à la suite de la déclaration. Aujourd'hui, on nous propose un délai de quatre mois.
La commission s'en remet sur ce point à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'essaie de comprendre et, si possible, de faire comprendre.
Mme Dini, et par sa voix M. Zocchetto, défend un amendement visant à prolonger le délai, si bien qu'un créancier qui prendrait la décision d'hériter d'un bien pourrait attendre non plus deux mois, mais quatre mois pour payer. Pourquoi ? Je cherche à comprendre, et je n'y parviens pas.
À partir du moment où il complète sa part d'héritage, où son banquier lui accorde un crédit, il est en mesure de rembourser le solde. Pourquoi attendre quatre mois ? Il a indiqué son accord pour racheter le bien, il a obtenu son crédit, il a déjà un délai de deux mois... Je ne vois pas l'intérêt d'en ajouter encore deux.
Ce qui était vrai pour un certain nombre d'amendements du groupe socialiste l'est également pour cet amendement-ci : l'un des objets du projet de loi est d'aller plus vite, de gagner du temps et de faire en sorte que les Français ne passent pas un temps infini à régler leur succession ; je suis ahuri de voir le nombre d'amendements qui, sans fondement réel, visent à allonger les délais !
Honnêtement, sans explication que je puisse comprendre, je ne souhaite pas que le Sénat adopte cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, je retire l'amendement n° 164.
M. le président. L'amendement n° 164 est retiré.
L'amendement n° 137, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 798 du code civil :
« Art. 798. - Les créanciers successoraux qui n'ont pas déclaré leur créance dans le délai prévu à l'article 792 n'ont de recours contre l'héritier qu'à concurrence du reliquat d'actif qui lui est échu, ou encore contre les légataires qui auraient été remplis de leurs droits.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement, que j'ai présenté ce matin en commission des lois, n'a pas eu la même fortune que le précédent, puisqu'il n'a pas été adopté. Cela me laisse augurer que, cette fois peut-être, la majorité sénatoriale acceptera ma proposition qui, derrière la complexité du langage juridique, est très simple ! (Sourires.)
Il existe aujourd'hui une « course » des créanciers visant à se faire payer par l'héritier ayant accepté ce que l'on appelait jusqu'à maintenant le « bénéfice d'inventaire ». Il reste le plus souvent un reliquat et, s'il y a acceptation, le créancier qui ne s'est pas présenté peut toujours obtenir le paiement.
Ici, nous sommes dans un nouveau système, qui comporte un délai Nous avons, d'une part, des créanciers chirographaires qui seront toujours payés selon la course et, d'autre part, des créanciers qui ne se seront pas présentés dans le délai prévu parce qu'ils habitent loin, qu'ils n'étaient pas informés, parce qu'il s'agissait d'une créance peu importante.
Mais ils détenaient bien une créance contre le défunt. Or, quel est le principe fondamental du droit français ? « Le mort saisit le vif », c'est-à-dire que l'héritier répond des dettes de son auteur. Il n'a pas à s'enrichir au détriment du créancier. L'auteur avait contracté cette dette, et si le créancier se présente et qu'il reste quelque chose, il est payé.
Dans le nouveau système, lorsque le délai est expiré, il y a forclusion, le créancier ne peut plus rien, c'est-à-dire que pour n'avoir pas satisfait au respect d'un délai, à une exigence de forme, il perd le bénéfice de sa créance.
Au nom de quoi proposez-vous d'instaurer cette extinction ? Il n'y a pas prescription, le droit du créancier n'est pas mort. Pourquoi le perdrait-il et au nom de quoi l'héritier ne répondrait-il plus des dettes de son auteur et s'enrichirait-il directement au détriment du créancier ? Parce qu'il n'a pas produit sa créance dans les délais ? ...
On vous a expliqué tout à l'heure que ce n'était pas comme en droit commercial, qu'il ne s'agissait pas d'une procédure collective.
Nous parlons ici d'une obligation civile. Des prescriptions et des causes d'extinction sont prévues dans le droit civil, mais il n'en existe aucune selon laquelle l'héritier conserve le montant de la créance si elle n'a pas été produite dans le délai prévu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Contrairement à ce qu'indique M. Badinter, une prescription de courte durée existe en matière de rétablissement personnel.
Il s'agit ici de petites créances - les grosses créances sont, en règle générale, couvertes par une sécurité ou une garantie - et nous donnons un délai de quinze mois aux créanciers pour se déclarer. Au terme de ce délai, il y a en effet forclusion, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent plus recouvrer quoi que ce soit.
Pourquoi avons-nous décidé de changer le système ?
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le régime de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire était quasiment inutilisé, car il n'était pas attractif. Il était donc devenu obsolète.
Nous proposons aujourd'hui de substituer à un système qui ne marchait pas un régime attractif qui protègera à la fois les héritiers et les créanciers, car nous considérons qu'un délai de quinze mois est suffisant pour permettre aux créanciers de pouvoir prendre position et de déposer leurs créances.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il s'agit ici de l'acceptation à concurrence de l'actif net. Un délai de huit mois est prévu, dont quatre mois pour le délai d'acceptation, puis quinze mois sont donnés aux créanciers.
M. Badinter propose qu'il n'y ait pas d'extinction de la dette. Le projet de loi, au contraire, vise, d'une part, à raccourcir les délais et, d'autre part, à apporter une sécurité juridique.
S'il n'y a pas de délai, deux ans, trois ans ou quatre ans après, un créancier se présentera en demandant à être payé, et le scénario pourra se répéter indéfiniment.
Monsieur Badinter, vous proposez de prolonger les délais de façon considérable, et ce faisant vous créez une insécurité sur le plan juridique. C'est tout à fait contraire à l'esprit du projet de loi.
Il faut conserver ce délai de quinze mois et considérer -c'est l'un des progrès qu'introduit le projet de loi - que le droit des créanciers s'éteint à ce terme.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 799 du code civil, remplacer les mots :
ne déclarent leurs créances qu'après l'épuisement
par les mots :
déclarent leurs créances après l'épuisement
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 800 du code civil, après le mot :
créancier
insérer le mot :
successoral
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 804 du code civil, supprimer les mots :
, sous réserve de la renonciation par prescription prévue à l'article 781
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 138, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 805 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« La part du renonçant échoit à ses représentants ; à défaut, elle accroît à ses cohéritiers ; s'il est seul, elle est dévolue au degré subséquent.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. L'article 805 du code civil dispose que l'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier. Toutefois, le projet de loi ne précise pas ce que devient la part du renonçant.
L'amendement n° 138 se calque sur l'actuel article 786 du code civil et prévoit que la part du renonçant échoit à ses représentants ; à défaut, elle accroît à ses cohéritiers ; s'il est seul, elle est dévolue au degré subséquent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 138, à condition qu'il soit précisé : « Sous réserve des dispositions de l'article 845 ».
M. le président. Monsieur Badinter, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?
M. Robert Badinter. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi de l'amendement n° 138 rectifié, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 805 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions de l'article 845, la part du renonçant échoit à ses représentants ; à défaut, elle accroît à ses cohéritiers ; s'il est seul, elle est dévolue au degré subséquent.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 807 du code civil, remplacer les mots :
d'autres héritiers
par les mots :
un autre héritier
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 165, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 810-3 du code civil :
« Tout créancier peut exiger que la vente soit faite en justice.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. L'article 810-3 du code civil définit les modalités de cession par le curateur des biens qui font partie de la succession vacante.
Dans le cadre de la gestion des successions vacantes, les pouvoirs du curateur s'avèrent très importants, et sans véritable contrôle.
Sans dénier la qualité habituelle des fonctionnaires des Domaines, il ne faut pas perdre de vue qu'ils n'agissent que pour le compte de successibles potentiels dont les intérêts méritent une protection accrue.
Le droit de tout créancier à recouvrer sa créance dans un délai raisonnable en s'adressant à un juge impartial, conformément à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, n'est pas assuré par le texte actuel, puisque la restriction du droit d'exiger une adjudication des immeubles est par trop restreinte par l'obligation du créancier requérant d'assurer la différence entre le prix d'adjudication et le prix qui avait été proposé à l'amiable.
Au surplus, cette disposition n'a pas de contrepartie lorsque le prix de l'adjudication exigée est supérieur au prix amiable proposé. Dans un cas, le créancier est exproprié d'une partie de sa créance sans indemnisation préalable, contrairement aux dispositions de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne des droits de l'homme, et dans l'autre il n'a aucune récompense.
Comment comprendre que l'État agissant par la personne du curateur puisse se soustraire en ce cas à toute exigence de transparence à l'heure où le droit européen et français impose des procédures de passation des marchés publics ouvertes, publiques et concurrentielles, ce qu'est l'adjudication publique en justice ?
L'adjudication en justice reprend les termes de l'actuel article 839 du code civil et permet d'englober l'adjudication mobilière devant un officier public comme immobilière devant le tribunal.
C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que tout créancier puisse exiger que la vente soit faite en justice.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'objectif recherché par le projet de loi est de permettre une gestion allégée et plus dynamique du patrimoine successoral afin d'obtenir un règlement plus rapide des créanciers de la succession. C'est la raison pour laquelle il établit une responsabilisation du créancier à l'égard des autres.
Or, l'amendement n° 165 ne va pas dans ce sens.
Il est inexact d'affirmer que le curateur gère la succession vacante sans véritable contrôle. En effet, il exerce sa mission sous le contrôle du juge et lui rend compte de sa mission. Dans ces conditions, il engage sa responsabilité.
De surcroît - c'est un point important, j'y insiste - les procédures de vente par l'État de biens dépendant de la succession offrent des garanties pour les créanciers qu'il s'agisse de l'adjudication, de la vente amiable, qui donne lieu à publicité et mise en concurrence, ou de la vente par un officier public ou ministériel.
C'est la raison pour laquelle j'avais émis des réserves sur cet amendement. Dans le cadre de la discussion animée et passionnante que nous avons eue en commission des lois, monsieur le garde des sceaux, nous avons décidé de nous ranger à l'avis du Gouvernement. (Sourires.)
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les auteurs de l'amendement souhaitent que la vente ait lieu chaque fois à la barre du tribunal, c'est-à-dire que ce soit une vente judiciaire.
Quel est l'objectif du projet de loi ? Il vise la simplicité, c'est-à-dire la vente à l'amiable. Mais si le créancier conteste cette vente à l'amiable parce que le prix serait à ses yeux inférieur à ce qu'il espérait du bien, il peut exiger et obtenir une vente par adjudication.
Toutefois, il peut se faire que, lors de cette vente par adjudication, le prix obtenu soit inférieur au prix qui avait été proposé lors de la vente à l'amiable. A ce moment-là, le demandeur devra payer la différence : c'est la « responsabilisation du créancier ».
Le projet de loi vise à accélérer les procédures et à donner au créancier le choix entre l'adjudication et la vente à l'amiable. Nous ne voulons pas que le créancier aille directement à la barre du tribunal, car c'est plus long et cela ne rapporte pas nécessairement plus.
Les dispositions prévues dans le projet de loi constituent, pour le créancier, une alternative intéressante - l'adjudication ou la vente amiable - et elles sont d'application infiniment plus rapide. Je demande donc au Sénat d'en suivre la philosophie.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sur la forme, comme M. Fauchon le faisait observer ce matin en commission des lois à M. Zocchetto, il vaudrait mieux écrire que tout créancier « peut exiger » que la vente soit judiciaire. J'invite donc M. Détraigne à rectifier l'amendement dans ce sens.
M. le garde des sceaux, que, fidèle à mon habitude, j'ai écouté avec beaucoup d'attention, affirme que la vente judiciaire est systématiquement demandée. Or, tel n'est pas le cas. Il ajoute que le créancier peut en faire la demande, mais cette possibilité ne figure pas dans le texte.
Normalement, la vente est faite par le service des Domaines mais, s'il le souhaite, le créancier peut exiger que la vente soit judiciaire.
Je vois que M. le garde des sceaux souhaite intervenir. Peut-être a-t-il mal compris ? Peut-être l'ai-je mal compris ? Ce qui est sûr, c'est que les ventes des Domaines ne font pas l'objet de publicité. Je suis avocat et je vis dans une petite ville, à une cinquantaine de mètres du palais de justice : je n'ai jamais vu de publicité pour une vente faite par le service des Domaines afin de liquider une succession vacante et je n'ai jamais été avisé d'une telle vente, sauf a posteriori.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il faut regarder les affiches !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr ! Mais si la vente est judiciaire, la publicité est assurée. C'est la raison pour laquelle nous voterons l'amendement n° 165.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je ne suis pas convaincu par l'argumentation de M. Dreyfus-Schmidt.
Je rappelle que nous sommes dans le cas de successions vacantes ou en déshérence et que nous examinons les possibilités de rembourser les créanciers.
Vous imaginez l'hypothèse du créancier qui souhaite ralentir la procédure. Il en a le droit. Nous considérons pour notre part que, dans ce cas, il faut décider l'adjudication. Par ailleurs, le créancier sera responsable si le prix produit par l'adjudication est inférieur au prix prévu par la vente amiable et il paiera la différence.
Vous estimez que le créancier a le droit de ralentir la procédure, d'exiger une vente judiciaire, c'est-à-dire d'aller à la barre du tribunal, ce qui demande beaucoup plus de temps, et que, si le prix produit par l'adjudication est inférieur au prix prévu par la vente amiable, cela n'a pas d'importance.
Non, car, dans cette hypothèse, il n'y a pas de responsabilisation. C'est pourquoi je considère que, d'un point de vue philosophique, cette solution est moins bonne.
Nous voulons que le créancier qui ralentit la procédure supporte les conséquences éventuellement défavorables pour lui de sa décision. C'est plus responsabilisant.
Je pense que je vous ai bien compris et que vous m'avez bien compris. Il existe une différence importante entre les délais qui peuvent être « gratuits » pour une personne qui prend des mesures dilatoires et le créancier de bonne foi qui prend ses risques en optant pour l'adjudication.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne figure pas dans le texte !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Si !
M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 165 est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Compte tenu des arguments qui viennent d'être exposés, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 165 est retiré.
L'amendement n° 16, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A la fin du texte proposé par cet article pour l'article 811-1 du code civil, remplacer le mot :
procède
par les mots :
fait procéder dans les formes prévues par l'article 809-2
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que l'inventaire des biens d'une succession en déshérence doit être réalisé dans les mêmes conditions que celui des biens d'une succession vacante, c'est-à-dire par un commissaire priseur, par un notaire, par un huissier de justice ou par un fonctionnaire de l'administration des Domaines.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de vingt et un amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 129, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I - Supprimer le texte proposé par cet article pour la section 1 du chapitre VI du titre 1 du livre III du code civil.
II - En conséquence, supprimer le texte proposé par cet article pour les articles 812, 812-1, 812-1-1, 812-1-2, 812-1-3, 812-2, 812-3, 812-4, 812-5, 812-6, 812-7 et 812-8 du code civil et les paragraphes 1, 2 et 3 de cette section.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Nous voici parvenus à l'un des points les plus intéressants, probablement même le plus novateur des dispositions qui nous sont soumises, à savoir l'introduction, dans le droit français des successions, de principes qui lui sont complètement étrangers, à la faveur de la création de ce que l'on appelle le « mandat posthume ».
Je me suis déjà exprimé sur ce sujet, mais permettez-moi d'y revenir.
Prenons le cas d'un chef d'entreprise qui gère sa propre affaire depuis très longtemps. Afin que sa volonté puisse continuer à s'exercer après son décès, il peut choisir un mandataire en qui il a confiance. Ainsi, sans même en informer ses héritiers, ou sans que ces derniers approuvent sa décision, il peut rédiger un mandat notarié, ce qui garantit l'excellence de la forme, en indiquant pour quels motifs, qu'il considère, lui, sérieux et légitimes, la gestion de son entreprise doit être confiée soit à l'un de ses héritiers, soit à un tiers, voire, ce qui est extraordinaire, à une personne morale.
L'introduction du mandat posthume constitue une innovation, car elle contredit certains principes de notre droit. Permettez-moi de les rappeler rapidement.
Tout d'abord, selon la règle générale du droit des successions qui concerne les personnes physiques, le mandat donné par le mandant s'éteint avec lui. Ici, il commence avec sa mort.
Ensuite, s'agissant des principes énoncés dans les articles 720 à 724 du code civil, on évince de facto la saisine des héritiers.
J'ajoute que le mandat peut être confié à l'administration d'un tiers pour une longue période, cinq ans dans la dernière version de la commission des lois, qu'il est prorogeable indéfiniment, et que le projet de loi prévoit que cette disposition pourra s'appliquer à un certain nombre d'autres biens. On peut dès lors se demander ce qu'il adviendra des héritiers réservataires qui doivent avoir le bien libre de toute charge.
Enfin, l'introduction d'un tiers dans la succession peut se faire sans l'accord des héritiers et sans qu'ils en soient informés. Ce n'est pas une conséquence de leur éventuelle mésintelligence, cela s'apparente plutôt au personal representative, propre au droit britannique.
J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer les interrogations et même les inquiétudes que suscite cette disposition. Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple simple et concret d'un chef d'entreprise qui a trois fils travaillant avec lui.
Un de ces fils, pour des raisons qui lui sont personnelles, partagent les vues de son père sur l'avenir de l'entreprise. Les deux autres veulent passer à d'autres technologies ; nous sommes dans un temps où tout va vite et où, chacun le sait, la concurrence est rude.
Dans cet exemple, il s'agit du rapport entre les héritiers. Le père pourra décider de donner le mandat de gestion à celui de ses héritiers qui partage ses vues. Bien que les deux autres enfants représentent 60 % des actions, qu'ils soient majoritaires, c'est le minoritaire qui sera le maître de l'affaire.
Toute autre forme de restructuration, de fusion est impossible. Un des héritiers, par la volonté de son père, devient majoritaire. Le père pourra certes justifier sa décision en écrivant qu'il est, lui semble-t-il, plus sérieux, plus compétent, plus légitime. Croyez-vous que le juge sera à même de décider quelle politique économique doit être choisie par une entreprise, surtout s'il s'agit d'une entreprise de pointe ? Allons donc !
Dans l'hypothèse où c'est un tiers qui recevra le mandat, la situation sera encore plus singulière. Il peut s'agir du directeur général, qui aura su obtenir la confiance de son patron durant les dernières années. C'est à lui que le de cujus pourra léguer son affaire alors que ses trois fils travaillent dans l'entreprise. Vous me rétorquerez sans doute que les héritiers peuvent vendre et que, dès lors, le mandat s'arrête de lui-même. Certes, mais ils seront alors contraints de vendre. Et qui achètera ? Et dans le cas où l'un des fils reçoit le mandat, la vente est impossible, puisqu'il faut l'accord de tous les héritiers et qu'un suffirait pour s'y opposer.
Ainsi, pour un avantage que l'on espère, on va créer, entre les héritiers, dans le cas du choix d'un mandataire post mortem, des ressentiments et des difficultés extrêmes.
Et s'il s'agit d'un tiers, on contredit le principe simple qui veut que l'on n'emporte pas ses affaires avec soi. Lorsque l'on s'en va, quand l'heure est venue, les biens appartiennent aux héritiers. A eux de s'entendre, de s'inspirer de l'exemple paternel pour aller de l'avant. Mais on ne confie pas à un tiers de son choix la gestion d'un patrimoine qui appartient à cet instant-là à des héritiers et qui, par conséquent, doit être géré selon leur volonté, conformément aux principes du droit civil et du droit commercial.
Lorsque les héritiers sont des mineurs ou des majeurs incapables, une forme de protection existe. Il y a des exécuteurs testamentaires et, le cas échéant, un administrateur judiciaire peut être nommé. Mais il s'agit-là de cas particuliers.
D'une manière générale, cette innovation sera source de contentieux extrêmement durs. Et ce n'est certainement pas, contrairement à ce que vous souhaitez, monsieur le garde des sceaux, la voie ouverte à la meilleure sauvegarde des entreprises.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je suis heureux de pouvoir prendre la parole maintenant, puisque M. Badinter a attaqué le fond du débat.
Monsieur Badinter, la différence fondamentale entre nous est d'ordre philosophique : c'est le regard pessimiste que vous portez sur la nature humaine.
Au-delà de cette appréciation philosophique, qui peut toujours se discuter, le projet de loi répond à votre pessimisme. Quel que soit le cas de figure, je ne vous suivrai donc pas.
Je reprends votre exemple, celui du père attaché à son outil de travail, une usine un peu « poussiéreuse ». Ses trois fils travaillent dans l'entreprise et deux d'entre eux voudraient renouveler la technologie. Le troisième, plus conservateur, plus proche de son père aussi, se contente de laisser « partir en sifflet » la production.
Dans votre logique, le père, tout naturellement, choisit la mauvaise solution, c'est-à-dire le fils qui ne veut pas renouveler la technologie, et lui donne un mandat posthume. C'est donc ce fils-là qui reprendra la direction de l'affaire après le décès de son père, même s'il ne détient que le tiers de la propriété de l'entreprise.
Monsieur Badinter, si l'un des héritiers conteste la décision du père, le projet de loi prévoit qu'il peut aller devant le tribunal, lequel peut révoquer le mandat posthume, car ce dernier doit être fondé sur un intérêt sérieux et légitime.
En d'autres termes, en cas de contestation, c'est le juge qui apprécie. Dans l'exemple que vous avez cité, même un juge qui n'est pas spécialisé dans le droit des affaires comprendrait qu'il ne faut pas donner raison au fils qui a reçu le mandat. Si un mandant choisit mal la personne à qui il confie le mandat posthume, le texte prévoit la possibilité de s'en remettre à la décision d'un juge.
Si vous observez les pratiques en cours dans les entreprises du CAC 40, vous constaterez - c'est à la mode, surtout depuis deux ou trois ans - que le président d'une entreprise devient brutalement président du conseil de surveillance, lequel choisit son directeur général. Je n'ai pas entendu dire que le président se trompait. Tout le monde semble considérer que son choix est le bon, même lorsque la personne choisie fait des allers et retours, ce qui s'est produit voilà quelques mois dans une grande entreprise cotée dans le CAC 40.
Bref, c'est la vie, monsieur Badinter ! Dans la vie, les responsables choisissent un jour leur successeur. En tout cas, dans le monde des affaires, c'est extrêmement courant, et dans le monde des affaires patrimoniales, ce n'est pas courant, c'est élémentaire ! Au demeurant, si jamais l'auteur se trompait, le projet de loi prévoit de renvoyer l'affaire devant le juge.
Quant aux enfants mineurs ou handicapés, monsieur Badinter, vous vous adressez à la tutelle, et c'est justement ce que je ne veux pas ! En effet, vous savez très bien que, dans le cadre de la tutelle, les juges d'instance - les pauvres ! - sont quelquefois appelés à gérer des patrimoines considérables, alors qu'ils n'ont ni la formation ni la compétence pour ce faire. Ce problème devrait d'ailleurs être réglé par un projet de loi que j'aimerais défendre devant vous, le plus vite possible, afin que cette gestion sous tutelle puisse être confiée à des gens qui soient formés.
Je rappelle le chiffre qui a été donné tout à l'heure : 450 000 chefs d'entreprise devront trouver un successeur dans les années qui viennent. Il est donc indispensable d'adopter ce texte sur le mandat à effet posthume, grâce auquel le futur de cujus pourra choisir un mandataire. Je prends surtout l'exemple de l'entreprise, mais ce dispositif peut valoir pour un certain nombre de patrimoines importants.
Le nouveau mandat à effet posthume, qui ne comporte aucun risque, ne présente que des avantages. C'est dire à quel point j'appelle le Sénat à adopter la proposition du Gouvernement. Au moment où un certain nombre d'amendements vont être présentés, je voulais souligner la philosophie du texte, pour bien rappeler au Sénat qu'il s'agit d'une solution bien réfléchie et moderne, qui va répondre à des situations nombreuses dans les mois et les années à venir.
M. le président. Je rappelle que nous sommes dans le cadre d'une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il me paraît normal d'exposer en cet instant le point de vue de la commission, monsieur le président.
L'argument principal de M. Badinter est le suivant : le mandat à effet posthume aurait pour but de permettre au futur de cujus de se survivre à lui-même et de gérer son patrimoine depuis sa tombe.
M. Badinter a donc, comme M. le garde des sceaux l'a dit, une vision pessimiste concernant les intentions des futurs de cujus ; il croit que leur conception de la vie est égoïste. Selon moi, au contraire, la majeure partie des futurs de cujus qui se trouvent à la tête d'un patrimoine ou d'une société ont pour objectif principal la survie de leur société, l'intérêt de leurs héritiers et la préservation de l'emploi.
Compte tenu des différentes situations familiales - la jeunesse des héritiers, leur incompétence, leur manque d'intérêt ou leur division - le futur de cujus peut estimer qu'il est préférable de confier la gestion de son entreprise ou de son patrimoine à quelqu'un en qui il a confiance.
Je ne nie pas qu'il puisse y avoir des abus ; je ne nie pas non plus que le contrôle du juge puisse susciter des interrogations. Ce dernier sera-t-il suffisamment compétent pour décider si les motifs invoqués sont « sérieux et légitimes » ? À mon avis, il a la compétence requise.
Je suis sûr qu'il est préférable, en cas de désaccord entre les héritiers ou lorsque ceux-ci n'ont pas la compétence pour gérer la succession, de confier la gestion de l'entreprise ou du patrimoine à quelqu'un en qui le futur de cujus a confiance, en raison de ses qualités, de son honnêteté et de sa compétence, plutôt que d'attendre que le décès créé un litige entre les héritiers. Dans ce dernier cas, en effet, ceux-ci se retrouveraient devant le tribunal pour demander la nomination d'un mandataire judiciaire, lequel, à la tête d'un cabinet surchargé, n'aurait pas le temps nécessaire ni la compétence pour gérer la succession.
Par conséquent, dans la mesure où la majeure partie des futurs de cujus se préoccupent de l'intérêt de leurs enfants, de leur société et de la survie de l'entreprise, je pense qu'il s'agit d'une bonne solution.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. Mon cher collègue, nous n'en sommes pas aux explications de vote !
La situation est très simple : vingt et un amendements sont en discussion commune. Après la présentation de l'amendement n° 129, M. le ministre a pris la parole, comme il en a le droit. Ensuite, M. le rapporteur, qui peut également prendre la parole à n'importe quel moment, a expliqué la position de la commission. De la même manière, M. le président de la commission peut intervenir quand il le souhaite.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela ne saurait tarder ! (Sourires.)
M. le président. Aussi, après avoir entendu M. le ministre et M. le rapporteur, nous passons à la présentation des autres amendements qui font l'objet de la discussion commune.
L'amendement n° 17, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 812 du code civil par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le mandataire peut être un héritier.
« Il doit jouir de la pleine capacité civile et ne pas être frappé d'une interdiction de gérer lorsque des biens professionnels sont compris dans le patrimoine successoral.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, auquel M. Badinter s'opposera, puisqu'il tend à préciser que le mandataire, dans le cadre du mandat à effet posthume, peut être un héritier qui doit, bien entendu, jouir de la pleine capacité civile et ne pas être frappé d'une interdiction de gérer.
M. le président. L'amendement n° 166, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 812 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Le mandataire ne peut être le notaire chargé du règlement de la succession
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Cet article vise à instaurer l'une des grandes innovations de ce projet de loi, à savoir le mandat à effet posthume.
Si nous saluons cette initiative, nous approuvons aussi son encadrement rigoureux, dans l'intérêt des héritiers. M. le rapporteur a proposé un encadrement dans le temps, nous souhaitons aller plus loin en assurant l'impartialité du mandataire et en clarifiant son identité.
En effet, cet amendement tend à rendre impossible la nomination, en tant que mandataire à effet posthume, du notaire chargé du règlement de la succession.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par cet article pour l'article 812 du code civil, insérer un article ainsi rédigé :
« Art. 812-1-A- Le mandataire exerce ses pouvoirs alors même qu'il existe un mineur ou un majeur protégé parmi les héritiers. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que, pour le mandat à effet posthume comme pour le mandat successoral, le mandataire exerce ses pouvoirs, même en présence d'un héritier protégé parmi les héritiers.
M. le président. L'amendement n° 130, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
deux ans
remplacer la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 812-1 du code civil par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, ce délai peut être prorogé une fois, d'une année par le juge à la demande d'un héritier ou du mandataire.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement, je le souligne, est un amendement de repli.
Sa présentation ne facilite pas la discussion, puisque, alors que le problème de principe a été posé, à savoir l'introduction, ou non, du mandat à effet posthume dans notre droit, nous discutons maintenant de ses modalités ! Si nous nous étions prononcés contre une telle disposition, la discussion se serait arrêtée là. Si nous nous étions prononcés pour le mandat à effet posthume, nous aurions travaillé à l'améliorer. Mais mélanger le tout ne me paraît pas de très bonne méthode !
Donc, dans la mesure où l'on déciderait de recourir au mandat à effet posthume, du moins faudrait-il en limiter sa durée. En effet, je le répète, son premier effet est de mettre sous la tutelle de l'un des héritiers ou d'un tiers un élément essentiel du patrimoine, c'est-à-dire une entreprise.
On pourrait concevoir que ce mandataire post mortem soit destiné à « amortir » le choc initial, en remplissant une sorte de fonction de conciliation entre les héritiers, si ceux-ci n'arrivent pas à se mettre d'accord, comme cela arrive trop souvent dans ces instants. Pendant les mois qui suivent la mort, un tiers, par exemple le directeur général, pourrait se voir confier l'entreprise pendant deux ans.
C'est pourquoi nous proposons, accompagné d'une possibilité de prorogation, d'encadrer ce mandat en limitant sa durée à deux ans. Le mandat à durée indéterminée doit être absolument supprimé ! On ne place pas des héritiers adultes sous la tutelle de quiconque pour une durée indéterminée !
M. le président. L'amendement n° 125, présenté par M. Béteille, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 812-1 du code civil.
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Cet amendement, qui ne remet pas en cause le principe du mandat à effet posthume ni même son renouvellement, vise à encadrer ce dispositif, en rendant nécessaire, si le mandat doit être renouvelé, le recours au juge à période régulière.
Selon moi, il n'est pas possible d'imaginer que le de cujus, plusieurs années après son décès, continue à exercer, par le biais d'un mandataire, un pouvoir sur la succession. Si ce mandat à effet posthume peut avoir une utilité, il ne peut cependant pas se prolonger indéfiniment.
Par conséquent, le fait d'en limiter la durée à deux ans seulement et d'en prévoir le renouvellement par un juge me paraît être une bonne mesure.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 812-1 du code civil :
Toutefois, il peut être donné pour une durée de cinq ans, prorogeable dans les mêmes conditions, en raison de l'inaptitude, de l'âge du ou des héritiers ou de la nécessité de gérer des biens professionnels.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à remplacer le mandat à durée indéterminée autorisé dans certaines hypothèses par un mandat à durée déterminée de cinq ans, prorogeable par le juge. En effet, cette durée indéterminée paraît très contestable. Sur ce point, je rejoins l'argumentation développée par MM. Badinter et Béteille.
Nous considérons que le mandat de cinq ans, prorogeable par le juge et non pas de plein droit, est une mesure tout à fait raisonnable.
M. le président. L'amendement n° 189 rectifié, présenté par MM. Lecerf et Portelli, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 812-1 du code civil.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Cet amendement est l'occasion d'interroger M. le garde des sceaux sur la règle de forme prévue par le projet de loi, qui exige un acte authentique à peine de nullité pour le mandat à effet posthume.
Le but d'une telle solennité ne convainc pas immédiatement.
En effet, s'il s'agit d'assurer la publicité du mandat ou le caractère certain de sa date, l'acte sous seing privé peut remplir ce double rôle. Il suffira de l'enregistrer.
Si la solennité est uniquement requise pour protéger le consentement, des arguments peuvent lui être opposés. D'une part, lorsqu'une personne rédige un testament olographe, elle peut prendre des dispositions post mortem désignant un exécuteur testamentaire. D'autre part, aucun acte authentique n'est prévu pour organiser les dispositions de fin de vie par lesquelles une personne peut décider d'interdire l'acharnement thérapeutique ou de permettre les prélèvements d'organes. Il s'agit pourtant d'actes lourds de conséquences.
Enfin, puisque ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, certaines autres professions - je pense, en particulier, aux avocats - s'estiment tout aussi compétentes pour rédiger un mandat à effet posthume.
Toutefois, je ne demande qu'à être convaincu par la réponse de M. le garde des sceaux, ce qui me permettrait de retirer mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 812-1-2 du code civil :
« Art. 812-1-2. - Tant qu'aucun héritier visé par le mandat n'a accepté la succession, le mandataire ne dispose que des pouvoirs reconnus au successible à l'article 785.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à étendre les pouvoirs reconnus au mandataire à effet posthume tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 812-2 du code civil :
En cas d'insuffisance ou d'absence de fruits et revenus, elle peut être complétée par un capital ou prendre la forme d'un capital.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à permettre une rémunération mixte - fruits, revenus et capital - du mandataire.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 812-2 du code civil.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement précédent.
M. le président. L'amendement n° 141, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 812-2 du code civil :
« La rémunération ne peut grever que la quotité disponible de la succession.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Au début du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 812-3 du code civil, ajouter une phrase ainsi rédigée :
La rémunération du mandataire est une charge de la succession qui ouvre droit à réduction lorsqu'elle a pour effet de priver les héritiers de tout ou partie de leur réserve.
II. Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 812-3 du code civil.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que la rémunération du mandataire à effet posthume est une charge de la succession. Dans ces conditions, celle-ci ne peut priver les héritiers de leur réserve.
M. le président. L'amendement n° 142, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
être révisée lorsqu'elle
rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 812-3 du code civil :
peut grever la quotité disponible de la succession.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article 812-4 du code civil :
« 3° La révocation judiciaire, à la demande d'un héritier intéressé ou de son représentant, en cas de disparition de l'intérêt sérieux et légitime ou de mauvaise exécution par le mandataire de sa mission ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Monsieur le ministre, je procède dans l'ordre du dossier qui est préparé pour la présidence. Au Sénat, nous avons pour principe d'entendre la présentation de tous les amendements en discussion commune sur une même disposition du texte de loi - en l'occurrence, il y a une vingtaine d'amendements -, puis l'avis de la commission et du Gouvernement et, enfin, les explications de vote.
Le représentant du Gouvernement aurait sans doute préféré que nous procédions différemment ; si je peux le comprendre, je suis néanmoins contraint d'appliquer le règlement du Sénat tel qu'il est à ce jour. La discussion est peut-être organisée différemment ailleurs,...
M. le président. ... et il semble que vous la jugiez meilleure.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Elle n'est pas meilleure, mais l'exercice que vous demandez au Gouvernement est impossible !
M. le président. Monsieur le ministre, encore une fois, en procédant de cette façon, je ne fais qu'appliquer le règlement.
Lorsque les amendements sont très nombreux, il arrive que la commission demande le fractionnement de la discussion commune ; mais tel n'est pas le cas ce soir. Même si, sur le fond, vous pouvez avoir raison, je n'ai pas d'autre choix que d'appeler successivement tous les amendements.
Le sous-amendement n° 198, présenté par M. Béteille, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 24 pour le 3° de l'article 812-4 du code civil, après les mots :
en cas
insérer les mots :
d'absence ou
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Il s'agit d'un sous-amendement de repli par rapport à l'amendement n° 158 rectifié que j'exposerai tout à l'heure.
Le projet de loi précise qu'à la demande des héritiers intéressés il peut être mis fin au mandat à effet posthume, notamment en cas de disparition de l'intérêt sérieux et légitime ou de mauvaise exécution par le mandataire de sa mission. Mais encore convient-il de permettre au juge d'apprécier dès le départ l'existence même de l'intérêt sérieux et légitime invoqué par le futur de cujus.
L'intérêt sérieux et légitime peut en effet ne pas en être un ou se révéler insuffisamment sérieux, voire non légitime.
M. le président. L'amendement n° 131, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa (7°) du texte proposé par cet article pour l'article 812-4 du code civil, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« ... ° La décision unanime des héritiers ;
« ... ° La désignation d'un mandataire par convention dans les conditions prévues par l'article 813.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Il s'agit ici des modalités par lesquelles il va être mis fin au mandat à effet post mortem.
Le texte proposé pour l'article 812-4 du code civil prévoit une liste des événements par lesquels le mandat prend fin. Nous proposons au Sénat d'ajouter deux cas - la décision unanime des héritiers et la désignation d'un mandataire par convention dans les conditions prévues par l'article 813 - afin que, d'un commun accord, les héritiers puissent confier l'administration de la succession à l'un d'entre eux ou à un tiers. Le mandat conventionnel se substituerait alors au mandat à effet posthume. Cela vaut beaucoup mieux que d'avoir un litige entre héritiers ou un litige des héritiers qu'arbitrera le tribunal au regard d'un tiers.
Je rappelle que c'est un mandat post mortem, c'est-à-dire qu'en droit français il ne devrait pas exister. Si ceux qui sont propriétaires des biens, les héritiers, sont tous d'accord, je ne vois pas pourquoi la volonté posthume continuerait à régenter l'entreprise qui est la leur.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article 812-5 du code civil.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 158 rectifié, présenté par M. Béteille, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 812-5 du code civil :
« Art. 812-5. - A la demande de tout héritier, il peut être mis fin au mandat en l'absence d'intérêt sérieux et légitime ou en cas de disparition de celui-ci. Il en est de même en cas de mauvaise exécution par le mandataire de sa mission.
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Je ne reviendrai pas sur les explications que j'ai fournies en présentant le sous-amendement n° 198 et qui motivent également cet amendement s'agissant de l'absence éventuelle d'intérêt légitime ou de la mauvaise exécution par le mandataire de sa mission.
Le second point de cet amendement concerne une modification introduite par l'Assemblée nationale limitant aux seuls héritiers « intéressés » la possibilité de contester le mandat. Or cet adjectif peut avoir deux significations.
S'il vise simplement l'intérêt à agir, nécessaire pour toute procédure, cette précision est inutile.
En réalité, je crains que l'on ne veuille strictement réserver l'action en contestation du mandat à effet posthume aux seuls héritiers qui ont été visés par le de cujus, conformément au texte proposé dans le projet de loi pour l'article 812 du code civil, auquel cas cette réduction me paraît inopportune. En effet, même si le mandat n'a été confié que pour protéger l'un des héritiers, il peut y avoir un intérêt à agir pour d'autres héritiers. En particulier, la mauvaise exécution par le mandataire de sa mission - c'est la dernière hypothèse dans laquelle il peut être mis fin au mandat - peut nuire à l'héritier visé par le de cujus, mais elle peut également, à mon sens, être nuisible aux autres cohéritiers qui, dans ce cas, auraient intérêt à agir.
Par conséquent, avec cet amendement, je voudrais également m'assurer - M. le garde des sceaux nous éclairera peut-être à ce sujet - que tout héritier qui serait concerné par la mauvaise gestion du mandataire pourra demander qu'il soit mis fin aux fonctions de ce dernier.
M. le président. L'amendement n° 143, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 812-5 du code civil,
I. après les mots :
héritiers intéressés,
insérer les mots :
ou leurs représentants, et à l'unanimité,
II. remplacer les mots :
il peut être mis fin,
par les mots :
il est mis fin
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Complétant ce que j'ai évoqué précédemment, cet amendement tend à prévoir que l'unanimité des héritiers ou de leurs représentants met fin au mandat posthume en cas de disparition de l'intérêt sérieux et légitime ou de mauvaise exécution par le mandataire de sa mission.
M. le président. L'amendement n° 126, présenté par M. Béteille, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 812-8 du code civil, supprimer le mot :
intéressés
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Avec cet amendement, je souhaite préciser que le compte rendu de gestion effectué par le mandataire concerne la totalité des héritiers et non pas seulement certains d'entre eux.
M. le président. Les membres du Sénat présents, qui n'appartiennent pas tous à la commission des lois, ayant entendu la présentation de l'ensemble des amendements en discussion commune, nous allons maintenant écouter successivement les positions de la commission et du Gouvernement avant de passer aux explications de vote.
Ayant ainsi une vision globale des dispositions en discussion commune, le Sénat sera en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 166, qui tend à interdire au notaire chargé du règlement de la succession d'être mandataire à effet posthume.
Elle est défavorable à l'amendement n° 130, qui a pour objet de limiter le mandat à effet posthume à trois ans. Les raisons pour lesquelles il y a lieu d'avoir un mandat à effet posthume peuvent exister au-delà de cette durée, que nous jugeons trop limitée. Un délai de cinq ans prorogeable répond mieux à l'attente de nos collègues en permettant une durée raisonnable.
La commission est défavorable à l'amendement n° 125, qui tend à supprimer la possibilité de prévoir un mandat à durée indéterminée. Je vous rappelle qu'elle a en effet souhaité remplacer le mandat à durée indéterminée par un mandat d'une durée de cinq ans.
L'amendement n° 189 rectifié tend à supprimer l'exigence de forme authentique du mandat. Sur ce point, je rejoins le point de vue de M. Badinter : le mandat à effet posthume est un mandat grave, car il prive les héritiers de la liberté de gestion de leur héritage. Cette privation rend nécessaire une solennité. Si l'on suivait l'auteur de l'amendement, il serait possible, par un acte sous seing privé enregistré qui donne date certaine, de conclure un mandat à effet posthume. Il suffirait de faire du « copier-coller » sur d'autres mandats sans aucune autre protection.
L'acte authentique, outre sa solennité, présente l'avantage de ne pouvoir être remis en cause que par la procédure de l'inscription de faux, contrairement à l'acte sous seing privé. De plus, compte tenu de l'importance du mandat, nous pensons nécessaire qu'il conserve la forme authentique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela a un intérêt pour les notaires !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Mon cher collègue, nous ne sommes pas là pour faire du corporatisme, dans un sens positif ou négatif ! Nous ne cherchons pas l'intérêt des notaires,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si, quand même !
M. Henri de Richemont, rapporteur. ... qui n'est pas le but essentiel ; il est même inexistant en ce qui nous concerne ! Ce qui nous intéresse, c'est de préserver l'héritier et de donner une forme solennelle à ce qui est un acte grave. Je suis persuadé qu'au fond de vous-même vous êtes d'accord avec moi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'amendement rédactionnel n° 141, qui vise à préciser que la rémunération ne peut grever que la quotité disponible de la succession, est satisfait par l'amendement n° 23, selon lequel la rémunération du mandataire est une charge de la succession. La commission invite donc ses auteurs à le retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
La commission est défavorable à l'amendement rédactionnel n° 142, qui est contraire à son amendement n° 23.
Elle est favorable au sous-amendement n° 198, qui vise à ajouter à l'amendement n° 24 le cas d'absence d'intérêt sérieux et légitime pour contester le mandat à effet posthume devant le juge.
L'amendement n° 131 tend à ajouter deux causes à celles par lesquelles le mandat prend fin, mais cela change complètement la nature du mandat, car les héritiers auraient alors la possibilité de mettre fin à ce dernier de manière unilatérale. De plus, la désignation d'un mandataire par convention irait à l'opposé de la volonté du futur de cujus et serait contraire à l'esprit du mandat à effet posthume, lequel, précisons-le, disparaît en cas de vente des biens.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Aucun rapport !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Un seul héritier peut saisir le juge et contester l'existence de l'intérêt sérieux et légitime. Dans ces conditions, le mandat peut éventuellement être révoqué par le juge. Encore une fois, nous pensons qu'il n'appartient pas aux héritiers de mettre fin à un mandat à effet posthume de leur propre gré. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 158 rectifié tend à ouvrir aux héritiers non concernés la possibilité de demander la révocation du mandat à effet posthume. Là encore, nous ne comprenons pas la raison du dépôt de cet amendement. Il est bien évident que seuls les héritiers concernés ont intérêt à demander la révocation du mandat. La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 143 tend à prévoir que l'accord unanime des héritiers puisse mettre fin au mandat. Cet amendement est satisfait par l'amendement n° 24 de la commission, qui tend à prévoir qu'un héritier intéressé ou son représentant peut demander cette révocation.
L'amendement n° 126 vise à ce que le compte rendu du mandat soit adressé à tous les héritiers. Là non plus, nous ne comprenons pas la raison de cet amendement. Il n'y a en effet aucune raison que les héritiers qui ne sont pas concernés par le mandat reçoivent un compte rendu du mandataire ! La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président, je ne sais pas si je pourrai donner l'avis du Gouvernement sur tous ces amendements - il y en a plus de vingt ! -, car cet exercice me semble très au-dessus de mes capacités... J'essaierai de ne pas me contenter de dire « favorable » ou « défavorable », ce qui serait pourtant logique compte tenu de la difficulté de l'exercice.
L'amendement n° 17 vise à apporter deux précisions, qui sont implicites dans le texte. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Il émet également un avis favorable sur l'amendement n° 166. Celui-ci tend à interdire au notaire chargé de la succession d'être également mandataire posthume. Tout le monde comprendra qu'il est juste que celui-ci ne puisse être à la fois juge et partie dans l'affaire. Il y aurait là un conflit d'intérêt, qu'il vaut mieux éviter.
L'amendement n° 18 vise à apporter une précision importante, et le Gouvernement émet donc un avis favorable.
En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 130, qui vise à limiter à une seule fois la prorogation du mandat à effet posthume par le juge.
Monsieur Badinter, votre amendement de repli est cohérent, puisque vous êtes hostile au mandat à effet posthume. Mais permettez-moi de dire qu'il est un peu calamiteux : le mandataire serait en effet renommé pour une durée d'une seule année, ce qui signifie qu'on ne lui fait aucune confiance. On sent bien que vous ne croyez pas à la disposition du mandat à effet posthume, et que c'est, à votre avis, une mauvaise idée. Nous, nous y croyons, et nous souhaitons un mandataire.
À l'inverse, l'amendement n° 125 vise à supprimer la possibilité de donner un mandat pour une durée indéterminée. M. Badinter est favorable à une durée de deux ans, prorogeable une fois d'une année, tandis que M. Béteille souhaite un recours régulier au juge pour le renouvellement ! Quant à la commission des lois, elle a proposé, dans l'amendement n° 19, de ramener cette durée à cinq ans, ce qui me paraît convenable. Je demande donc à M. Béteille de bien vouloir retirer son amendement au profit de celui de la commission, auquel le Gouvernement est donc favorable. Cela règlera le problème.
L'amendement n° 189 rectifié tend à ce que le mandat à effet posthume soit établi par un acte sous seing privé. On passe d'un extrême à l'autre ! Certains voudraient que le mandat soit décidé par le juge, d'autres - c'est votre cas, monsieur Lecerf -, par acte sous seing privé.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour la bonne et simple raison qu'aucune contestation ne doit pouvoir apparaître quant au contenu et à la portée du mandat. Tel serait le cas s'il s'agissait d'un acte sous seing privé. Il faut tout de même, me semble-t-il, qu'un notaire intervienne. Il s'agit non pas d'aider particulièrement telle ou telle profession, mais de rendre incontestable le contenu et la portée de l'acte.
L'amendement n° 20 de la commission vise à étendre les pouvoirs dont dispose le mandataire posthume avant l'acceptation de la succession par les héritiers. Le texte adopté par l'Assemblée nationale limite ces pouvoirs aux actes conservatoires. Or il y a aussi les actes d'administration provisoire. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Il est également favorable à l'amendement n° 21 de la commission, qui vise à préciser la forme de la rémunération pouvant être allouée au mandataire. Il est évident que la rémunération doit se faire sur la quotité disponible ou sur les fruits de la réserve, si celle-ci en produit. C'est du moins, de mémoire, ce qu'il me semble avoir compris. Je vous rappelle que nous en sommes maintenant au onzième amendement et que j'ai donc quelques difficultés !
Le Gouvernement émet aussi un avis favorable sur l'amendement n° 22.
En revanche, il invite M. Badinter à retirer l'amendement n° 141, qui tend à prévoir que la rémunération allouée au mandataire posthume ne peut grever que la quotité disponible. Le texte le prévoit. Son amendement est donc satisfait.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 23 de la commission, qui vise à conserver le principe selon lequel la rémunération ne doit pas porter atteinte à la part de réserve des héritiers.
Il invite M. Badinter à retirer l'amendement n° 142, pour les raisons que j'ai précédemment évoquées.
L'amendement n° 24 est rédactionnel, et le Gouvernement y est donc favorable.
Il est en revanche défavorable au sous-amendement n° 198. Le problème est toujours le même : il s'agit d'apprécier l'intérêt sérieux et légitime invoqué par le de cujus.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La commission y était favorable !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement n'est pas d'accord avec la commission !
Je suis tout à fait opposé à l'amendement n° 131 de M. Badinter, qui tend à prévoir que les héritiers peuvent, à l'unanimité, mettrent fin au mandat posthume. Dès lors qu'un mandataire a été désigné par le de cujus, c'est au juge, et sûrement pas à l'unanimité des héritiers, de considérer qu'il n'y a plus d'intérêt sérieux et légitime. Imaginez que les héritiers d'une entreprise soient âgés respectivement de dix-huit ans, de dix-neuf ans, de vingt ans et de vingt et un ans : il ne leur appartient pas de décider de diriger l'entreprise alors que leur père avait prévu un mandataire !
L'amendement n° 25 vise à opérer une coordination, et le Gouvernement y est donc favorable.
Il invite M. Béteille à retirer l'amendement n° 158 rectifié, dont la première partie est satisfaite. Quant à la seconde partie, j'avoue ne plus savoir sur quoi elle porte...
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 143, qui tend à prévoir que l'accord unanime des héritiers peut mettre fin au mandat à effet posthume. Je rappelle encore une fois que c'est au juge d'apprécier si l'intérêt sérieux et légitime persiste ou non.
Monsieur Béteille, je vous invite à retirer l'amendement n° 126, qui vise à rendre obligatoire pour le mandataire posthume de rendre compte à tous les héritiers, y compris à ceux qui ne sont pas visés par le mandat.
Enfin, monsieur le rapporteur, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 26, qui est rédactionnel.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, je me réjouis que nous ayons examiné l'ensemble des amendements concernant le mandat à effet posthume ! (M. le garde des sceaux proteste.)
Monsieur le garde des sceaux, lorsque l'on arrive dans cette maison, on est effectivement un peu étonné par cette façon de procéder.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je ne m'y fais pas, et je dirai à chaque fois la même chose, car cette pratique est contraire au bon sens !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne le crois pas, car elle permet à tous nos collègues de savoir que nous avons discuté du mandat à effet posthume, de sa durée éventuelle et des moyens d'y mettre fin. C'est comme cela ! Les sénateurs sont habitués à cette procédure. Je ne pense donc pas que, pour l'instant, le Sénat modifiera son règlement sur ce point. Aux termes de la Constitution, sauf si vous avez quelque chose contre elle, c'est en effet au Conseil constitutionnel qu'il reviendrait de l'apprécier.
Monsieur le garde des sceaux, un certain nombre de choses ont été dites sur le mandat à effet posthume, qui constitue une innovation. Certes, il existe d'autres mandats à effet posthume, mais très limités, comme celui de l'exécuteur testamentaire. (M. Michel Dreyfus-Schmidt proteste.) C'est tout de même un mandat à effet posthume qui est donné à l'exécuteur, même s'il est de moindre ampleur que celui que nous évoquons !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y a des pessimistes et des optimistes. Je me range plutôt dans la catégorie des optimistes.
J'évoquerai un cas particulier. Je vous rappelle - mais vous le savez, monsieur le garde des sceaux, puisque vous avez évoqué les tutelles - que des parents peuvent très bien établir un testament-partage et ne donner mandat que pour une part, par exemple pour un incapable majeur.
Il est rassurant pour des parents de savoir que, grâce à une personne de confiance, leur enfant, incapable majeur, quelquefois mineur, pourra disposer de revenus garantis et que quelqu'un s'occupera vraiment de ses affaires. On voit tous les jours des parents inquiets de l'avenir de leurs enfants, notamment lorsque ceux-ci sont handicapés. Pour cette seule raison, le mandat à effet posthume présente un intérêt.
L'intérêt économique du mandat à effet posthume a également été évoqué. De nombreuses lois ont été votées, depuis longtemps, monsieur le garde des sceaux, afin de permettre aux entreprises familiales de perdurer au-delà de leur responsable. Il arrive en effet parfois qu'il n'y ait pas d'enfants ou pas d'héritiers qui soient en mesure ou qui aient envie de poursuivre l'activité de l'entreprise.
Ce que certains oublient de dire, c'est que le mandat peut être limité à certains héritiers. Avec les dispositions relatives au partage, on n'est pas obligé de confier au mandataire la totalité des biens de tous les héritiers. Ceux-ci ne sont donc pas privés des droits auxquels ils peuvent prétendre. C'est là une vision très réductrice de ce que peut être le mandat.
Aux termes de la version initiale du projet de loi, la durée du mandat pouvait être indéterminée, notamment en raison de l'incapacité d'un héritier. Cela pouvait se concevoir dans ce cas-là, même s'il est évidemment préférable de limiter cette durée et de permettre de la proroger si le besoin s'en fait sentir et si cela est justifié par un intérêt sérieux et légitime. Quand il n'y a plus d'intérêt sérieux et légitime, ou quand il n'y en a jamais eu d'ailleurs, en cas d'abus de la part du défunt - quand il ne s'agit que d'ennuyer sa famille -, peut-être le juge pourrait-il se prononcer.
Telles sont les raisons pour lesquelles, après y avoir beaucoup réfléchi, la commission des lois, notamment son rapporteur, a abouti à une durée de cinq ans pouvant être prorogée. Cette solution constitue, me semble-t-il, un équilibre.
Je pense que cette innovation qu'est le mandat à effet posthume manquait à notre dispositif juridique. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'esclaffe.)
N'en déplaise à M. Dreyfus-Schmidt, je crois sincèrement que le mandat à effet posthume mérite de prospérer, car il constitue un apport intéressant à notre législation. C'est pourquoi la commission s'opposera à tous les amendements visant à le supprimer ou à en limiter par trop la portée.
M. le président. Monsieur le garde des sceaux, je souhaiterais, en quelques mots, clore le débat sur la forme qu'empruntent nos travaux.
Chaque assemblée, chaque cénacle a ses modes de fonctionnement. Ceux du Sénat lui sont propres, et je peux comprendre que d'autres enceintes fonctionnent différemment. C'est pourquoi il me paraît préférable que le Gouvernement ne porte pas de jugement sur la façon de fonctionner de notre assemblée, qui n'a pas à rougir des résultats qu'elle obtient en regard du travail qui est effectué dans d'autres enceintes, voire au Gouvernement. La sérénité qui caractérise nos débats ne nuit en rien au travail qui est ici accompli dans le respect des règles qui ont été définies.
Vous avez émis le voeu, nous l'avons bien compris, que ces règles puissent, le cas échéant, évoluer. Dans l'immédiat, il est bon que chacun respecte les us et coutumes des uns et des autres.
Nous en revenons à l'amendement n° 129.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt pour explication de vote sur cet amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, s'il nous arrive d'être en désaccord sur le règlement du Sénat, nous sommes en revanche d'accord sur le point que vous venez d'évoquer. D'ailleurs, nous avons constaté qu'un grand nombre d'anciens députés devenus sénateurs - à commencer par le président de la commission des lois ! - se sont parfaitement adaptés au règlement du Sénat, lequel, bien évidemment, en tant que tel, est soumis au Conseil constitutionnel, qui l'a donc reconnu. Par conséquent, critiquer notre règlement, c'est également critiquer le Conseil constitutionnel, ce que personne n'a le droit de faire.
Cela étant dit, j'en reviens à l'essentiel, c'est-à-dire à ce mandat à effet posthume.
Vous êtes tous convaincus, à commencer par le président de la commission des lois, que le mandat à effet posthume manquait à notre dispositif juridique. On ne s'en était pourtant jamais rendu compte. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parlez pour vous !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Évidemment, il vaudrait mieux ne pas mourir ; c'est vrai pour les individus comme pour les entreprises.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce n'est peut-être pas vrai pour toutes les entreprises !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais tout le monde est mortel.
De surcroît, la mesure ne concerne pas que les entreprises. Le texte proposé pour l'article 812 du code civil dispose en effet que « toute personne peut donner à une ou plusieurs autres personnes, physiques ou morales, mandat d'administrer ou de gérer [...] tout ou partie de sa succession [...] ». Il peut donc s'agir d'autre chose qu'une entreprise, même si, durant toute la discussion, il n'a été question que d'entreprises.
On nous dit que le futur défunt a le souci de la continuation de son entreprise. C'est possible, mais il peut aussi avoir une tout autre idée en désignant un mandataire posthume, par exemple celle d'ennuyer ses héritiers.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas le but !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce pourrait l'être. Or il n'y a même pas de contrôle. La mesure s'applique de droit, et ce n'est qu'a posteriori que l'on peut en référer au juge pour apprécier l'intérêt quelconque d'une telle mesure.
Nous aurons à discuter des éléments subsidiaires après avoir passé le cap de l'amendement n° 129. Évidemment, l'adoption de cet amendement présenterait l'avantage de mettre un terme à l'ensemble de la discussion, et le mandat à effet posthume serait purement et simplement supprimé. (Sourires.) Vous avez beau vous évertuer à trouver toutes les vertus à ce mandat, vous pourriez cependant - c'est du moins ce que nous pourrions tout de même espérer de votre part - comprendre les critiques que nous formulons.
Monsieur le président de la commission, l'exécuteur testamentaire n'a pas un mandat posthume, cela n'a strictement rien à voir ! Il s'agit d'un mandat qui est donné après la mort pour exécuter les volontés du testateur : il n'a pas pour objet de modifier la volonté du défunt ni de permettre la volonté du défunt contre les héritiers. Au contraire, l'exécuteur testamentaire agit en faveur des héritiers en respectant la volonté de celui qui n'est plus là.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est donc un mandat posthume !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Là, il s'agit d'une nouveauté.
Notre droit est tout de même caractérisé par divers principes. Il est trop facile, sur certains points, d'invoquer la tradition et, sur d'autres, l'indispensable changement.
Cette disposition va à l'encontre des principes fondamentaux de notre droit, et, à cet égard, je ne verrais pour ma part aucun inconvénient à ce que le Conseil constitutionnel soit éventuellement saisi de ce dispositif.
Voilà ce que je voulais dire pour ramener cette affaire à ses justes proportions. Ce n'est pas seulement d'une entreprise qu'il s'agit, et le but pourrait être totalement différent de celui qui est affiché.
Bien sûr, vous nous renvoyez à l'appréciation du juge. Mais s'il faut que les héritiers saisissent le juge, cela va encore allonger la procédure. Vous nous direz d'ailleurs quel tribunal sera éventuellement compétent - il faudra bien évidemment que tout le monde puisse se défendre - dans l'hypothèse malheureuse où subsisterait le mandat à effet posthume, création de l'esprit qui n'est pas sans me rappeler les ?uvres anthumes d'Alphonse Allais...Le moins que l'on puisse dire est que cette disposition est tout à fait critiquable, et c'est pourquoi nous vous demandons d'adopter notre amendement n° 129.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Monsieur Dreyfus-Schmidt, si tout homme est mortel, pour autant, les entreprises ne disparaîtraient pas si l'homme ne mourait pas.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Beaucoup disparaissent sans que les patrons meurent !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Or 7 000 entreprises disparaissent chaque année, et bien des disparitions auraient pu être évitées si le futur de cujus avait pu disposer du mandat à effet posthume. Je rappelle que 400 000 entreprises sont sur le point d'être transmises. Par ailleurs, 800 000 familles ayant un enfant handicapé ont comme souci la survie de leur entreprise ou la gestion de leur patrimoine dans l'intérêt de cet enfant. C'est donc un but tout à fait légitime.
Vous avez évoqué l'idée que le futur de cujus pourrait utiliser le mandat à effet posthume à dessein d'ennuyer ses héritiers. C'est un cas de figure possible, mais extrêmement limité. En règle générale, le futur de cujus souhaite agir par solidarité avec ses descendants et par souci du bien de ces derniers.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il peut toujours désigner un exécuteur testamentaire !
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Je reconnais volontiers être pessimiste. Trente ans de vie professionnelle et vingt-cinq ans de vie publique n'ont pas suscité chez moi un optimisme particulier sur la nature humaine, qu'il faut tempérer par de bonnes lois et de bonnes institutions. Je suis non pas rousseauiste, mais disciple de Montesquieu et de Condorcet. Je ne partage donc pas la vision irénique du mandat à effet posthume que vous nous avez présentée.
Cette disposition, que le Sénat s'apprête à adopter, n'est pas le remède s'agissant de la survie des entreprises, et là est le problème. Loin d'apporter la solution, vous allez créer des difficultés supplémentaires. Je suis convaincu que fortune s'accroîtra pour les donneurs de conseils ou pour ceux qui plaident. C'est pour moi une évidence. Que cette disposition soit un nid à procès en est une autre.
S'il s'agit, monsieur le président de la commission des lois, de protection légitime des mineurs incapables, des handicapés, etc., je souligne que nous disposons déjà d'un nombre considérable de techniques, que nous allons d'ailleurs opportunément compléter avec le pacte successoral. Si vous avez à ce point des doutes sur le régime des tutelles, qui est le régime normal des mineurs et des majeurs incapables, alors, rénovons-le, ajustons-le et orientons-nous vers une sorte d'exécuteur testamentaire, de fidei, à cet effet pour ces personnes.
Mais on me dit que ce mandat à effet posthume permettra d'éviter la liquidation des entreprises, et j'entends M. le garde des sceaux évoquer l'exemple des grandes sociétés du CAC 40 pour se féliciter de la façon dont les choses se déroulent : l'entrepreneur ou le président du conseil d'administration désignerait son successeur, et tout le monde en serait satisfait. Soyons sérieux, ce n'est certainement pas le président sortant, ni l'héritier, qui nomme le successeur !
M. Robert Badinter. Ce sont les actionnaires qui décident, le président du conseil d'administration, si son avis a du poids, ne fait que proposer un nom.
Je serais le premier à soutenir le mandat post mortem, si, dans le testament, celui qui va partir pouvait écrire qu'il recommande à ses enfants de choisir pour lui succéder l'actuel directeur général de l'entreprise, par exemple, pour telle et telle raison. Mais ce n'est pas ce qui est prévu : le défunt place, après sa mort, ses héritiers sous tutelle ou peut avantager l'un au détriment des autres.
Tout cela ne sera pas sans conséquence. Croire qu'aucun contentieux ne s'ensuivra est un leurre, car il n'y a rien de plus blessant que la révélation de ce mandat post mortem. Que dit ce dernier, sinon que l'on n'est pas capable de gérer les biens qui vous ont été laissés ? Telle est en effet la signification du mandat post mortem, qui est l'expression de la défiance du de cujus à l'encontre des héritiers. Croyez-vous que ceux-ci ne vont pas le ressentir comme une blessure ? Croyez-vous que, si le mandat est à l'avantage d'un des héritiers, les autres ne vont pas, dans ce moment difficile, le ressentir comme une atteinte directe, presque comme un coup qui leur serait porté au dernier moment par le de cujus ? « Non pas toi, tu n'es pas digne ! Toi, oui, tu as tous les mérites ! » Pensez-vous qu'avec une telle disposition vous allez assurer la transmission paisible des patrimoines ?
Et si le défunt préfère désigner une fiducie, une personne morale, quel désaveu dans ce choix du lien privilégié choisi pour administrer l'entreprise ! C'est la proclamation de l'incapacité totale de tous ceux qui ont le plus direct intérêt et qui sont, je le rappelle, les propriétaires des actions ou du bien.
Le mandat post mortem illustre cette vision anglo-saxonne qui consiste à privilégier la liberté testamentaire, c'est-à-dire le choix de celui qui s'en va, sur les droits de ceux qui restent. Il est exactement et fondamentalement contraire à la tradition, à l'esprit même de nos lois en matière successorale depuis la Révolution : la réserve, qui assure la continuité, et l'égalité entre les héritiers.
Vous allez voter cette disposition. Prenons rendez-vous : j'en suis convaincu, nous verrons émerger une jurisprudence passionnante sur « l'intérêt sérieux et légitime », tel qu'il sera apprécié par les magistrats. Bien entendu, en présence d'une situation donnée, ces derniers se diront que le de cujus était, après tout, mieux placé qu'eux pour savoir quel devait être l'avenir économique de l'entreprise.
L'ennui, c'est que, dans le monde actuel, les choses changent très vite. Quant aux hommes, la confiance qu'on peut leur accorder à un instant ne se retrouve pas nécessairement à l'instant suivant.
Je le répète, le mandat à effet posthume aboutit à dessaisir les héritiers et à mettre en échec un principe constant de notre droit : quand l'héritier est saisi par l'héritage, il devient le maître de ses biens. Vous le mettez en tutelle, c'est votre choix.
M. le président. Monsieur Béteille, l'amendement n° 125 est-il maintenu ?
M. Laurent Béteille. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 125 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 19.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Lecerf, l'amendement n° 189 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-René Lecerf. Non, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 189 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 20.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 141 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 23.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 142 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 198.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce sous-amendement nous paraît particulièrement bienvenu dans la mesure où il tend à ce que le juge saisi puisse apprécier non seulement si « l'intérêt sérieux et légitime » est maintenu ou disparaît, mais encore, tout simplement, si cet intérêt existe ou non.
Lorsque cette proposition a été faite en commission, tout le monde a reconnu qu'elle était parfaitement fondée, et elle a été adoptée à l'unanimité. J'avoue donc que je n'ai pas compris que le Gouvernement s'y oppose. Quoi qu'il en soit, nous voterons ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission des lois a bien entendu considéré que « l'intérêt sérieux et légitime » pouvait disparaître dans le temps mais que, parfois, il n'existait pas dès le départ. Certains d'entre nous craignaient des abus.
Pour simplifier le débat, la formulation « l'absence ou la disparition de l'intérêt sérieux et légitime » me paraît plus claire, puisqu'on peut ainsi établir l'inexistence de cet intérêt ab initio. Cette précision nous paraît cohérente.
La commission des lois a donc émis un avis favorable sur le sous-amendement n° 198, qui lui semble tout à fait pertinent.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 131.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai pas compris les avis défavorables du Gouvernement et de la commission sur cet amendement.
De quoi s'agit-il ? Le projet de loi énumère un certain nombre d'événements qui mettent fin au mandat à effet posthume dont vous avez retenu la création. Nous proposons de compléter cette liste par la décision unanime des héritiers et la désignation d'un mandataire par convention.
S'agissant de la décision unanime des héritiers, il nous paraît certain que les héritiers, qui sont les propriétaires, ont parfaitement le droit de se mettre d'accord pour dire qu'ils ne veulent plus de mandataire posthume.
Je sais bien que l'intérêt de l'entreprise, ou d'autre chose, est en jeu, mais la volonté des propriétaires doit aussi être prise en compte ! Si les propriétaires sont unanimes à ne pas vouloir du mandataire posthume, leur volonté nous paraît devoir être prise en considération.
Avec la désignation d'un mandataire par convention, tous les héritiers se mettraient d'accord pour désigner eux-mêmes un mandataire : ce dernier serait donc non plus la personne qui avait été prévue au départ par le défunt, mais celle qui serait désignée par l'ensemble des héritiers. Nous ne voyons pas non plus pourquoi cette faculté leur serait refusée.
Je demande donc, monsieur le président, un vote par division sur l'amendement n° 131, d'abord, sur la décision unanime des héritiers, puis sur la désignation d'un mandataire par convention.
M. le président. Il est de droit.
L'avis de la commission reste-t-il le même sur les deux parties de l'amendement ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Oui, la commission est défavorable aux deux parties de l'amendement.
M. le président. Et l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Nous allons donc procéder à un vote par division sur l'amendement n° 131.
Je mets aux voix la première partie de l'amendement n° 131.
(Ce texte n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix la seconde partie de l'amendement n° 131.
(Ce texte n'est pas adopté.)
M. le président. Les deux parties de l'amendement ayant été repoussées, il n'y a pas lieu de procéder à un vote sur l'ensemble.
Je mets aux voix l'amendement n° 25.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Les amendements nos 158 rectifié et 143 n'ont plus d'objet.
Monsieur Béteille, l'amendement n° 126 est-il maintenu ?
M. Laurent Béteille. Je vais le retirer, monsieur le président, d'autant plus que le projet de loi prévoit un peu plus loin que les héritiers peuvent réclamer le compte rendu. J'avais envisagé une disposition plus généreuse en leur faveur, à savoir que le compte rendu leur soit adressé systématiquement. Mais j'estime que mon amendement est satisfait par le texte que nous allons examiner. Je retire donc l'amendement n° 126.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le reprends !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 126 rectifié.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour le défendre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'avoue ne pas comprendre en quoi certains des héritiers seraient intéressés et d'autres ne le seraient pas. Que des légataires, ayant reçu ce qui aurait été donné au surplus, ne soient pas intéressés, d'accord ! Mais les héritiers, alors qu'il n'y a pas eu de partage, sont tous intéressés, me semble-t-il.
J'ai repris cet amendement dans l'espoir d'obtenir une explication à cet égard, mais je ne tiens pas plus que cela à ce texte, pour les raisons que j'ai déjà développées. Donc, après l'avoir repris, je le retire. Mais pourra-t-on m'expliquer en quoi tous les héritiers ne sont pas intéressés ?
M. le président. L'amendement n° 126 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 26.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 144, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 813-1 du code civil, remplacer les mots :
Le juge
par les mots :
Le Président du tribunal
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 144 est retiré.
L'amendement n° 167, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 813-1 du code civil, après les mots :
physique ou morale,
insérer les mots :
à l'exception du notaire chargé du règlement de la succession,
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Dans la continuité de ce que nous avons indiqué tout à l'heure à propos de notre amendement n° 166 sur le mandat à effet posthume, l'amendement n° 167 vient encadrer la désignation du mandataire successoral en justice.
Cet amendement tend à rendre impossible la désignation par le juge du notaire chargé du règlement de la succession comme mandataire successoral.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. En ce qui me concerne, j'étais défavorable à cet amendement, compte tenu du fait qu'il est bien clair que, en matière de mandat à titre posthume, le notaire chargé de la succession ne peut pas être mandataire.
En revanche, dans le cadre d'un mandat judiciaire, il convient de faire preuve de plus de souplesse, surtout lorsque nous sommes en présence de petites successions dont les revenus sont faibles, en particulier en province ou dans le monde rural. Ajouter un mandataire judiciaire au notaire pourrait donc grever la succession d'une manière importante. Je pense qu'il y a lieu de faire confiance au juge.
Tel était mon avis personnel ; néanmoins, j'ai été mis en minorité par la commission... ce qui peut arriver ! Cette dernière a émis un avis favorable, malgré la position de son rapporteur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je remercie M. le rapporteur d'avoir expliqué très clairement en quoi l'idée reprise par l'amendement n° 167 est contestable.
Tout à l'heure, nous avons souhaité qu'un notaire ne puisse pas être désigné comme mandataire posthume. En revanche, et par souci d'équilibre, nous souhaitons qu'un notaire puisse être désigné comme mandataire judiciaire.
Comme l'a très justement fait observer M. le rapporteur, cette formule est de très loin la moins coûteuse. Pensez aux petites successions, c'est l'intérêt des Français !
M. le président. Madame Dini, l'amendement n° 167 est-il maintenu ?
Mme Muguette Dini. M. Zocchetto m'ayant chargée de suivre l'avis du rapporteur, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 167 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 127 est présenté par M. Béteille.
L'amendement n° 168 est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste-UDF.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 813-1 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Les héritiers ont la possibilité de faire un recours par la voie du référé contre la désignation du mandataire successoral. »
La parole est à M. Laurent Béteille, pour défendre l'amendement n° 127.
M. Laurent Béteille. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter l'amendement n° 168.
Mme Muguette Dini. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je demande le retrait de ces amendements, compte tenu du fait, d'une part, que la question de la compétence est d'ordre réglementaire et, d'autre part, que les héritiers ont toujours la possibilité, par la voie du référé, d'obtenir la réformation d'une ordonnance qui a été rendue sur requête.
Par conséquent, dès lors que la voie du référé est toujours ouverte aux héritiers et que la désignation du mandataire successoral est une question purement procédurale relevant du domaine réglementaire, je demande le retrait de ces deux amendements, qui sont superfétatoires.
M. le président. Madame Dini, l'amendement n° 168 est-il maintenu ?
Mme Muguette Dini. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Béteille, maintenez-vous l'amendement n° 127 ?
M. Laurent Béteille. Non, monsieur le président, je le retire également.
M. le président. Les amendements identiques nos 127 et 168 sont retirés.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je les reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc des amendements nos 127 rectifié et 168 rectifié.
Vous avez la parole pour les présenter, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. On ne demande plus l'avis du Gouvernement ?... C'est sans doute ce que prévoit le règlement du Sénat...
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter les amendements identiques nos 127 rectifié et 168 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai repris ces amendements pour revenir sur l'amendement n° 144, dont Robert Badinter a annoncé le retrait alors que nous étions convenus ce matin que nous profiterions de sa présentation pour demander au Gouvernement de nous indiquer quel juge pourra être saisi pour la désignation du mandataire successoral. Certes, cela relève du domaine réglementaire, mais il faudrait tout de même savoir s'il s'agira du président du tribunal de grande instance ou d'un juge d'instance. Dans la mesure où il nous paraît nécessaire que toutes les parties puissent être entendues, il serait préférable, à notre sens, qu'il s'agisse du président du tribunal de grande instance.
M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est sûrement le cas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous souhaitions interroger le Gouvernement sur ce point, c'est pourquoi je me suis permis de reprendre ces amendements que nous allons, bien entendu, retirer.
M. le président. Monsieur le ministre, souhaitez-vous répondre à M. Dreyfus-Schmidt ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas de réponse ? Cela étant, je retire les amendements.
M. le président. Les amendements identiques nos 127 rectifié et 168 rectifié sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 145, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Madec et Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 813-9 du code civil :
« Le mandataire successoral est désigné par le jugement pour une durée qui ne peut excéder deux ans. À la demande de l'une des personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article 813-1 ou à l'article 814-1 il peut être prorogé une ou plusieurs fois par décision du juge. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Peut-être M. le garde des sceaux aura-t-il eu le temps de réfléchir à la question que je me suis permis de lui poser à l'instant, et pourra-t-il nous dire quel juge rendra le jugement désignant le mandataire successoral...
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 813-9 du code civil par les mots :
ainsi que sa rémunération
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 27 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 145.
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'amendement n° 27 vise à préciser que le juge qui désigne le mandataire fixe le montant de la rémunération de ce dernier. Cette précision nous semble tout à fait indispensable.
Quant à l'amendement n° 145, il tend à restreindre la faculté, pour le juge amené à désigner un mandataire successoral - il ne peut s'agir, à mon sens, que du président du tribunal de grande instance -, de fixer la durée du mandat de ce dernier. Or j'estime que, dès lors qu'il s'agit d'une désignation en justice, le tribunal doit avoir toute latitude pour fixer la durée de ce mandat. Il faut faire confiance au juge, et c'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les auteurs de l'amendement n° 145 souhaitent prévoir que le mandataire judiciaire soit désigné pour une durée maximale de deux ans. Nous entendons pour notre part laisser au juge le soin de fixer la durée du mandat, « le juge » étant la formulation consacrée, monsieur Dreyfus-Schmidt : on ne fait jamais référence au tribunal de grande instance.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 145.
En ce qui concerne l'amendement n° 27 de la commission, qui est un amendement de forme, le Gouvernement y est favorable.
M. le président. Nous avons achevé la discussion des amendements examinés par la commission.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
15
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l'amélioration de l'efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3144 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre vert. Initiative européenne en matière de transparence.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3145 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, au nom de la Communauté européenne, du protocole de la convention alpine sur l'agriculture de montagne.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3146 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil portant acceptation, au nom de la Communauté européenne, du protocole portant amendement de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), fait à Genève le 6 décembre 2005.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3147 et distribué.
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ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 17 mai 2006, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 223, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme des successions et des libéralités ;
Rapport (n° 343, 2005-2006) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour les inscriptions de parole
Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative aux délégués départementaux de l'éducation nationale (n° 299, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 mai 2006, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives (n° 305, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 mai 2006, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD