sommaire
Présidence de M. Guy Fischer
situation du service public de la poste à paris
Question de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mmes Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur ; Nicole Borvo Cohen-Seat.
situation de l'établissement de l'imprimerie nationale à choisy-le-roi
Question de Mme Hélène Luc. - Mmes Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur ; Hélène Luc.
difficultés financières des syndicats de bassin
Question de M. Simon Sutour. - Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur ; M. Simon Sutour.
prolifération des panneaux publicitaires aux abords des villes et villages
Question de M. André Boyer. - MM. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; André Boyer.
logement des artistes plasticiens professionnels
Question de M. Yann Gaillard. - MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; Yann Gaillard.
difficultés de réception fm dans l'est parisien
Question de Mme Bariza Khiari. - M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; Mme Bariza Khiari.
Question de M. Philippe Richert. - MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; Philippe Richert.
conséquences de la hausse du prix des carburants pour les pêcheurs professionnels
Question de M. Pierre-Yvon Trémel. - MM. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Pierre-Yvon Trémel.
financement des contrats d'agriculture durable
Question de M. Alain Vasselle. - MM. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Alain Vasselle.
Question de M. Louis Souvet. - MM. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Louis Souvet.
réglementation du marché du travail
Question de M. Georges Mouly. - MM. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes ; Georges Mouly.
conditions d'exercice de la compétence « route » transférée aux départements
Question de M. Alain Fouché. - MM. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ; Alain Fouché.
circulation des ambulances sur les voies réservées aux bus et taxis à paris
Question de M. Roger Madec. - MM. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ; Roger Madec.
Question de Mme Sandrine Hurel. - MM. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ; Mme Sandrine Hurel.
réforme de la filière d'enseignement des sciences et techniques de laboratoire
Question de M. Philippe Madrelle. - MM. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ; Philippe Madrelle.
compétence commerciale du tribunal de grande instance de saint-pierre
Question de Mme Anne-Marie Payet. - M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ; Mme Anne-Marie Payet.
Suspension et reprise de la séance
présidence de Mme Michèle André
4. Volontariat associatif et engagement éducatif. - Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture
MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-François Voguet.
Amendements nos 28 de M. Jean-François Voguet et 5 de M. David Assouline. - MM. Jean-François Voguet, David Assouline, Bernard Murat, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; Mme Lucette Michaux-Chevry. - Rejet des deux amendements.
Amendement no 6 de M. David Assouline. - MM. David Assouline, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements nos 7 de M. David Assouline et 29 de M. Jean-François Voguet. - MM. David Assouline, Jean-François Voguet, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Amendement no 8 de M. David Assouline. - MM. David Assouline, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 9 de M. David Assouline. - Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements nos 10 de M. David Assouline et 30 de M. Jean-François Voguet. - MM. David Assouline, Jean-François Voguet, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Amendement no 11 de M. David Assouline. - MM. David Assouline, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
MM. Patrice Gélard, David Assouline.
Adoption de l'article.
Amendement no 31 de M. Jean-François Voguet. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 12 de M. David Assouline. - MM. David Assouline, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 13 de M. David Assouline. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre, Mme Marie-Christine Blandin. - Rejet.
Amendement no 14 de M. David Assouline. - MM. David Assouline, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 15 de M. David Assouline. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Articles 7 bis à 7 quater. - Adoption
Amendement no 19 de M. Serge Lagauche. - MM. Serge Lagauche, le rapporteur, le ministre, David Assouline. - Rejet.
Amendement no 32 de M. Jean-François Voguet. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Articles 9 bis et 9 ter (supprimés)
Amendements nos 16 de M. David Assouline et 33 de M. Jean-François Voguet. - MM. David Assouline, Jean-François Voguet, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendement no 34 de M. Jean-François Voguet ; amendements identiques nos 20 de M. David Assouline et 35 de M. Jean-François Voguet ; amendements nos 36 à 38 de M. Jean-François Voguet. - MM. Jean-François Voguet, David Assouline, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des six amendements.
Adoption de l'article.
Amendement no 21 rectifié de M. David Assouline. - MM. David Assouline, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 39 de M. Jean-François Voguet. - MM. Jean-François Voguet, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 22 rectifié de M. David Assouline. - MM. David Assouline, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
M. Aymeri de Montesquiou, Mme Monique Papon, MM. David Assouline, Jean-François Voguet.
Adoption définitive du projet de loi.
M. le ministre.
Suspension et reprise de la séance
5. Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Amendement no 10 rectifié bis de la commission et sous-amendements nos 108 à 110 de M. Alain Dufaut et 247 de M. Jack Ralite ; amendement no 124 rectifié de M. David Assouline et sous-amendement no 232 de Mme Marie-Christine Blandin ; amendements nos 125 de M. David Assouline, 224 de Mme Marie-Christine Blandin et 144 de M. Jack Ralite. - MM. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; MM. Alain Dufaut, Ivan Renar, David Assouline, Mme Marie-Christine Blandin, M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. - Retrait du sous-amendement no 232 ; rejet du sous-amendement no 247 ; adoption des sous-amendements nos 108 à 110 et de l'amendement no 10 rectifié bis modifié rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Amendements nos 11 rectifié ter de la commission, 126 de M. David Assouline et sous-amendement no 233 de Mme Marie-Christine Blandin ; amendements nos 225 de Mme Marie-Christine Blandin et 145 de M. Jack Ralite. - MM. le rapporteur, David Assouline, Mmes Marie-Christine Blandin, Annie David, M. le ministre. - Retrait du sous-amendement et de l'amendement no 126 ; adoption de l'amendement no 11 rectifié ter rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Article additionnel après l'article 3
Amendement no 127 de M. David Assouline. - MM. David Assouline, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements nos 146 de M. Jack Ralite, 12 rectifié de la commission et sous-amendement no 279 du Gouvernement. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement no 146 ; adoption du sous-amendement no 279 et de l'amendement no 12 rectifié modifié rédigeant l'article.
Amendements identiques nos 13 de la commission, 69 de M. Michel Charasse et 128 de M. David Assouline ; amendements identiques nos 147 de M. Jack Ralite et 204 de Mme Marie-Christine Blandin. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, David Assouline, Ivan Renar, Mme Marie-Christine Blandin, M. le ministre. - Retrait de l'amendement no 69 ; adoption des amendements nos 13 et 128 supprimant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Amendement no 14 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement no 193 de M. Bernard Fournier. - MM. Bernard Fournier, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 5
Amendement no 70 de M. Michel Charasse et sous-amendement no 282 du Gouvernement. - MM. Michel Charasse, le ministre, le rapporteur. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendements nos 49 et 50 de Mme Catherine Morin-Desailly. - Mme Catherine Morin-Desailly, MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait des deux amendements.
Amendements identiques nos 51 de Mme Catherine Morin-Desailly et 148 de M. Jack Ralite ; amendement no 15 de la commission et sous-amendement no 184 du Gouvernement. - Mmes Catherine Morin-Desailly, Annie David, MM. le ministre, le rapporteur. - Rejet des amendements nos 51 et 148 ; adoption du sous-amendement no 184 et de l'amendement no 15 modifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 71 de M. Michel Charasse et 111 de M. Alain Dufaut. - MM. Michel Charasse, Alain Dufaut, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement no 71 ; adoption de l'amendement no 111.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 16 de la commission et 72 de M. Michel Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, le ministre. - Retrait de l'amendement no 72 ; adoption de l'amendement no 16 supprimant l'article.
Articles additionnels avant l'article 6 ou après l'article 10
Amendements nos 149 de M. Jack Ralite et 211 de Mme Marie-Christine Blandin. - M. Ivan Renar, Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Motion no 283 de M. Jack Ralite. - MM. Jack Ralite, le rapporteur, Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles ; le ministre. - Rejet.
M. Yann Gaillard, Mme Marie-Christine Blandin, M. Bruno Retailleau, Mme Catherine Morin-Desailly.
Amendement no 17 rectifié de la commission, sous-amendements identiques nos 181 rectifié de M. Jack Ralite, 52 rectifié de Mme Catherine Morin-Desailly et 188 rectifié ter de M. Bruno Retailleau, sous-amendements nos 115 rectifié de Mme Catherine Morin-Desailly, 189 rectifié bis, 190 rectifié bis de M. Bruno Retailleau, sous-amendements identiques nos 191 rectifié bis de M. Bruno Retailleau et 271 de Mme Catherine Morin-Desailly, sous-amendements nos 277 rectifié bis de M. David Assouline, 228, 229, 272 rectifié de Mme Catherine Morin-Desailly, 278 de M. Jack Ralite, 284 rectifié et 285 de Mme Marie-Christine Blandin ; amendements nos 73 de M. Michel Charasse, 114, 116 à 118 de Mme Catherine Morin-Desailly, 129 rectifié de M. Serge Lagauche, 205 rectifié de Mme Marie-Christine Blandin et sous-amendement no 257 de M. David Assouline ; amendement no 206 de Mme Marie-Christine Blandin. - M. le rapporteur, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Bruno Retailleau, Philippe Nogrix, David Assouline, Jack Ralite, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Michel Charasse, Serge Lagauche, le ministre, Yann Gaillard. - Retrait de l'amendement no 129 rectifié, rejet des sous-amendements nos 115 rectifié, 189 rectifié bis à 191 rectifié bis, 271, 272 rectifié, 278 et 285 ; adoption des sous-amendements nos 181 rectifié, 52 rectifié, 188 rectifié ter, 277 rectifié bis, 228, 284 rectifié et, par scrutin public, de l'amendement no 17 rectifié modifié, les autres amendements et sous-amendements devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
6. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean Colin, qui fut sénateur de l'Essonne de 1968 à 1988.
3
Questions orales
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
situation du service public de la poste à paris
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 1018, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la dégradation de la qualité du service public rendu par la Poste, en particulier dans mon département, à Paris.
Depuis 2002, date de l'adoption de la directive européenne modifiant les modalités de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté, des restructurations des activités postales ont été progressivement mises en place par La Poste sur le territoire national. La promulgation de la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales accélère ce processus avec la perspective d'une ouverture totale du marché envisagée pour 2009.
La concurrence acharnée à laquelle se livrent désormais La Poste et ses concurrents néerlandais et allemands se fait principalement au détriment du service public pour les usagers et les agents ; c'est le cas à Paris.
Après les fermetures de centres de tri dans plusieurs arrondissements - ce qui entraîne diverses conséquences, notamment en termes de transports -, la suppression de la deuxième tournée dans la capitale, la baisse constante du nombre d'agents aux guichets, il serait envisagé pour 2006 des centaines de suppressions d'emplois à La Poste de Paris, dont 300 postes de guichetiers supplémentaires.
Une telle mesure va une nouvelle fois imposer aux Parisiens des conditions d'accès fortement dégradées dans les bureaux de La Poste avec des attentes prolongées ne pouvant qu'exaspérer davantage les usagers et engendrer des conflits avec les agents qui, eux aussi, subissent une dégradation de leurs conditions de travail.
À cette dernière mesure s'ajoute le projet de modifier ou de réduire l'amplitude des horaires d'ouverture des bureaux de poste.
Cette question ayant déjà été posée précédemment, il a bien évidemment été répondu qu'il n'en était pas question. Si, il en est question ! Car, aujourd'hui, dans les quartiers populaires, on constate que les agents sont en nombre nettement insuffisant pour faire face aux nécessités du service public.
J'aimerais donc, madame la ministre, obtenir de votre part une réponse sur le maintien de la qualité du service public dans la capitale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. François Loos, qui est actuellement en Algérie pour traiter des problèmes concernant des contrats de gaz.
L'ouverture à la concurrence des services postaux constitue un défi majeur auquel doit répondre La Poste pour les années à venir. Aussi doit-elle, d'ores et déjà, dessiner progressivement ce que sera la poste de demain, un service moderne et performant. Par ailleurs, La Poste doit adapter sa performance aux rythmes de la vie contemporaine et à la demande de ses clients.
C'est pourquoi le réseau des bureaux de poste entame une refonte rapide et profonde de sa stratégie en faisant place à la dynamique commerciale, à la relation client et à la convivialité de l'espace d'accueil.
Dans ce cadre et depuis longtemps, La Poste analyse de très près le phénomène des files d'attente en bureau de poste et s'efforce de le maîtriser : celui-ci est propre aux très grandes villes, il est cyclique, notamment à l'occasion du paiement des prestations sociales en début de mois et il est lié aux modes de vie puisque l'on observe une forte fréquentation des bureaux de poste en début et en fin de journée ainsi qu'en fin de matinée le samedi.
La Poste a décidé d'y apporter une réponse dans le cadre de son projet « Cap Relation Client », mis en oeuvre depuis 2005 et dont les premières réalisations donnent des résultats encourageants, selon les observations de postiers eux-mêmes.
À cette fin, un nouveau concept a été développé, le « bureau du futur », qui repose sur une répartition des clients par le responsable de l'accueil, en fonction des attentes différenciées des clients. Ainsi, les services aux clients s'organisent autour de l'espace conseil dédié aux services financiers, de l'espace guichet, des espaces libre-service et de l'espace boutique pour des achats qui peuvent souvent d'ailleurs être effectués en libre-service. Le temps d'attente est réduit et connu de l'utilisateur lorsqu'il se présente.
La grande nouveauté est la création d'un « espace accueil » situé à l'entrée du bureau afin d'orienter l'usager vers l'espace qui correspond à sa démarche. En effet, dans de nombreux cas, les demandes peuvent être traitées en dehors des guichets et les clients peuvent accéder en libre-service à toute une gamme de produits : philatélie, emballages colis, carterie, papeterie, objets de correspondance, livres et petits cadeaux liés à l'univers postal.
Cette nouvelle organisation des flux, qui donne déjà des résultats notables dans les bureaux situés place de Clichy, place de la Bourse et, bientôt, à École Militaire, revient effectivement à réorienter des emplois de guichet vers ces nouvelles fonctions d'accueil. Ainsi, en 2006 et 2007, près de 100 postes de responsables d'accueil et 130 postes de gestionnaires de clientèle vont être créés à Paris et seront par conséquent pourvus par des personnes actuellement affectées à des activités de guichet.
Par ailleurs, parallèlement à ce redéploiement des positions, La Poste développe de nouveaux services à ses clients : deuxième présentation des colis en cas d'absence du destinataire ; test de « Cityssimo » des consignes automatiques dédiées au retrait des colis ; développement de cartes de retrait adaptées aux bénéficiaires de minima sociaux ; accroissement du parc d'automates et de services en ligne.
Toutes ces actions commencent à porter leurs fruits. Dans les bureaux pionniers, le temps d'attente a été réduit de 25%.
La poursuite du programme « Cap Relation Client » permettra d'aller plus loin encore.
Le projet de La Poste est d'offrir à ses clients un service adapté à leurs besoins, simple d'accès et modernisé.
Mon collègue François Loos, ministre chargé des postes, suit avec une très grande attention les grands projets de réorganisation de La Poste, qui, tout en se modernisant, doit continuer à rester au service de l'ensemble de la population. C'est d'ailleurs la mission qui a été assignée à cet établissement public, en tant que prestataire en charge du service universel par la loi de régulation des activités postales du 20 mai 2005.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, je vous remercie des éléments de réponse que vous venez de m'apporter.
J'ai moi-même constaté les transformations des bureaux de poste. Toutefois, si la réorganisation et la mise en place des agents d'accueil sont utiles, le redéploiement des postes s'est fait au détriment des guichetiers.
Dans les quartiers les plus populaires, ces mesures sont à l'heure actuelle inadaptées. Les files d'attente sont très longues, les usagers en ont assez et s'en prennent aux agents,...
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... ce qui est aberrant, à tel point que l'on finit par se demander si ce n'est pas le but recherché afin de justifier l'accélération du processus de privatisation de La Poste. Les usagers s'en prennent au service public alors que celui-ci doit être à leur disposition !
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des pétitions ont été déposées qui ont recueilli des milliers de signatures. Le Conseil de Paris s'est prononcé en majorité pour le maintien de la qualité du service public de La Poste. Les expériences menées dans les bureaux situés place de Clichy, place de la Bourse ou à École militaire, ne doivent pas faire oublier les situations insupportables que vivent les gens dans les XVIIIe, XIXe ou XXe arrondissements, qui doivent faire la queue le matin, le soir et le samedi.
Évidemment, personne n'est opposé à une modernisation, à une réorientation des bureaux de poste et à l'amélioration de l'accueil des usagers - je préfère ce mot à celui de clients - mais cela ne peut pas se faire au détriment des guichetiers qui remplissent des fonctions indispensables et font défaut aujourd'hui. Il faut donc en tenir compte. La politique de concurrence de La Poste ne doit pas se faire principalement au détriment de la qualité du service public rendu aux usagers.
situation de l'établissement de l'imprimerie nationale à choisy-le-roi
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 1021, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Hélène Luc. Madame la ministre, je regrette que, bien qu'il m'ait prévenue, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Breton, n'ait pu être présent. Je pense que vous êtes tout à fait habilitée à me donner une réponse, pourvu qu'elle soit positive.
L'Imprimerie nationale, institution séculaire créée par le cardinal de Richelieu en 1640, est gravement menacée dans sa pérennité. Pourtant, elle a fait preuve d'un savoir-faire indiscutable, qui lui vaut une réputation allant bien au-delà de nos frontières, qu'il s'agisse de l'imprimerie ou de son atelier artistique, mémoire du travail effectué depuis plusieurs centaines d'années et que les salariés veulent transmettre.
Depuis plus de deux ans, malgré les engagements pris auprès des salariés, des autorités de la direction générale de la concurrence de la Commission de Bruxelles et de la profession, à la suite de sa recapitalisation par des fonds publics, l'Imprimerie nationale est progressivement démantelée.
Ce démantèlement s'est déjà traduit par la vente de ses imprimeries rotatives de Bondoufle et de Strasbourg, ainsi que de ses activités « Édition technique » et « Beaux-livres », et par la cession de ses services de logistique et de vente par correspondance implantés à Douai.
Ce démantèlement prend la forme d'arrêts d'activités, de restructurations ou de filialisations et résulte de décisions financières, industrielles et politiques qui ont des conséquences sociales intolérables.
En 1993, 1900 salariés travaillaient à l'Imprimerie nationale dans le XVè arrondissement à Paris. En 2003, après un premier plan social, ils n'étaient plus que 1450 ; en 2005, après un second plan social, il restait 550 personnes. Aujourd'hui, l'annonce de la cession de Choisy-le-Roi réduirait à nouveau de 120 personnes les effectifs de l'entreprise !
L'avenir de l'établissement de Douai n'est nullement assuré puisque, malgré la décision du Conseil d'État de lui confier la fabrication et la personnalisation des passeports biométriques, ce marché ne lui a été attribué par convention que pour huit mois, alors que des résultats remarquables ont pourtant été obtenus pour la qualité, le prix de revient et le temps de réalisation de ces passeports. Madame la ministre, voilà la preuve du savoir-faire de l'Imprimerie nationale, voilà pourquoi il faut le conserver à tout prix !
La vente de l'établissement de Choisy-le-Roi à une société privée signifierait le démantèlement complet de l'Imprimerie nationale alors qu'elle appartient au patrimoine industriel et culturel de la France Le déménagement du XVè arrondissement vers Choisy-le-Roi n'aurait été qu'un leurre, alors qu'il devait être un nouveau départ !
Ce serait un véritable gâchis économique, culturel et social.
Gâchis économique, tout d'abord, puisqu'il serait la conséquence d'un désengagement de l'État, détenteur de 100 % du capital de l'entreprise, sur un site dont l'installation a été largement financée par l'argent public de l'État, de la région, du département et de la ville de Choisy-le-Roi. En outre, ce site étant implanté dans l'une des zones franches supplémentaires créées par le projet de loi pour l'égalité des chances et voulues par le Premier ministre, il serait incohérent que l'État disparaisse ainsi d'un territoire de développement prioritaire.
Gâchis culturel, ensuite, de par la perte de mémoire ; gâchis social, enfin, puisqu'un accord d'entreprise avait fixé à l'année 2008 le bilan des restructurations qui se sont traduites par la suppression de 900 emplois au niveau du groupe. Cet accord et l'échéancier annoncé doivent être respectés pour permettre le déploiement des stratégies industrielles et commerciales prévues.
Madame la ministre, il est hors de question d'accepter la vente du site de Choisy-le-Roi, car tout nouveau plan social compromettrait irrémédiablement l'avenir de l'ensemble du groupe !
Dans cette affaire, la responsabilité de l'État est entièrement engagée, car il n'a pas joué son rôle, directement ou par l'entremise du secteur public, et n'a pas assuré une charge de travail suffisante à l'imprimerie de Choisy-le-Roi.
C'est ainsi que, par exemple, depuis la décision de France Télécom de ne plus lui confier l'impression de ses annuaires, le chiffre d'affaires de l'entreprise ne cesse de diminuer, son département « sujets d'examens et de concours » ne pouvant, à lui seul, suffire à pallier ce manque. D'autres commandes, comme la note Évaluation de l'Éducation nationale ou les imprimés d'autres ministères, lui ont également fait défaut.
À quoi donc servirait une imprimerie nationale, si l'État ne se réserve pas un certain nombre de travaux, en premier lieu les documents sécurisés, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays européens ?
Madame la ministre, je vous demande donc de bien vouloir m'informer des mesures que vous avez l'intention de prendre pour contribuer à assurer une charge de travail suffisante aux établissements de Douai et Choisy-le-Roi, et empêcher la vente de Choisy-le-Roi. Quelles mesures comptez-vous prendre, avec le ministre de la culture, pour reloger et faire fonctionner l'atelier d'art, provisoirement abrité dans un entrepôt à Ivry-sur-Seine ?
Ce sont les conditions essentielles pour garantir le statut de l'Imprimerie nationale et préserver sa mission de service public.
M. le président. Madame Luc, compte tenu de l'importance du problème, je vous ai laissé dépasser votre temps de parole avec une grande générosité.
Mme Hélène Luc. Je vous en remercie, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Madame la sénatrice, si mon habilitation à vous répondre dépend de la nature de ma réponse, je m'interroge... Je puis vous assurer, en tout cas, du regret de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de ne pouvoir être présent ce matin pour vous répondre.
À la suite de déficits grandissants depuis la fin des années 1990 et de la perte du marché des annuaires téléphoniques en 2002, l'Imprimerie nationale a dû faire face à la nécessité d'un plan de restructuration d'une grande ampleur, en même temps qu'au besoin d'une très forte recapitalisation.
Cette dernière a été acceptée par la Commission européenne, à hauteur de 197 millions d'euros, moyennant un très fort recentrage de l'entreprise sur les métiers les plus liés aux fonctions de souveraineté de l'État français : passeports, cartes d'identité, permis de conduire, cartes grises, notamment, tous ces documents étant désormais réalisés sur le site de Douai. Dans le cadre de ce plan, l'activité « offset feuilles », jusque-là exercée sur le site historique de Paris, a été transférée sur le nouveau site de Choisy-le-Roi au printemps 2005.
Je sais quelle a été l'implication des élus de la commune de Choisy-le-Roi et du département du Val-de-Marne pour convaincre l'Imprimerie nationale d'implanter à Choisy-le-Roi ses activités d'imprimerie « offset feuilles » et de sujets de concours, même si ces dernières, dans le plan présenté à la Commission européenne, ne faisaient pas partie du coeur de cible de l'entreprise.
J'ai conscience aussi des inquiétudes que peut nourrir actuellement le projet de cession de cette usine à un repreneur privé.
Il est fondamental, aujourd'hui, de souligner que, si le soutien de 197 millions d'euros accordé par l'État à l'Imprimerie nationale l'a été dans le strict respect de la réglementation communautaire, l'État ne peut plus aujourd'hui verser de dotation complémentaire à l'entreprise. La situation de l'Imprimerie nationale dans sa globalité demeurant très fragile, celle-ci ne peut, sans mettre sa survie en péril, conserver des activités qui, à la fois, ne relèvent pas de son coeur de métier et constituent des foyers de pertes récurrents. Le maintien de la feuille au sein des activités de l'Imprimerie Nationale dépendait donc de son retour à l'équilibre.
Or, les résultats de ces deux dernières années sont largement déficitaires, et les projections financières pour les prochains exercices ne permettent pas d'anticiper une évolution suffisamment favorable. À ce titre, il est important de souligner que le secteur de la feuille est malheureusement, comme celui de la rotative, un secteur en difficulté, où l'État ne peut pas garantir une charge de travail, compte tenu du caractère concurrentiel de cette activité.
Désormais, il me paraît important de noter que la cession de la feuille ne signifie en aucun cas que cette activité soit destinée à disparaître. Bien au contraire, l'objectif de l'entreprise est de céder cette activité à un partenaire industriel plus à même que l'Imprimerie nationale de réussir sa consolidation et son développement, et qui soit déterminé à assurer sa pérennité sur le site de Choisy-le-Roi.
Je puis vous assurer que l'État, en tant qu'actionnaire de l'Imprimerie nationale, sera très attentif au projet industriel du repreneur et aux perspectives qu'il offrira à la division et à l'ensemble de ses salariés.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Madame la ministre, les propos que vous venez de tenir au nom de M. Breton ne me rassurent pas, je dois l'avouer franchement.
Après notre entrevue au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avec le directeur adjoint de cabinet de M. Breton, nous espérions que vous nous feriez des propositions. Nous attendions l'annonce d'un effort commercial de la part du directeur de l'Imprimerie nationale. En effet, les commerciaux qui auraient dû être embauchés lors du déménagement du xvè arrondissement vers Choisy-le-Roi ne viennent que de l'être et n'ont donc pas été en mesure de créer les conditions pour que l'entreprise tourne à plein.
Nous ne voulons pas entendre parler d'un repreneur privé dans les conditions que vous avez mentionnées.
Dans les tribunes et devant le Sénat, des délégations de salariés de Choisy-le-Roi, de Douai et d'Ivry-sur-Seine attendent des réponses qui prouvent que l'engagement du Gouvernement à oeuvrer pour sauver l'Imprimerie nationale sera suivi d'actes concrets, comme l'a dit le directeur adjoint du cabinet de M. Breton lors de sa rencontre avec M. Daniel Davisse, maire de Choisy-le-Roi, et moi-même.
Or, tel n'est pas le cas aujourd'hui. La vente de l'imprimerie, dans les conditions envisagées par le directeur, n'apporte pas de réponse aux questions posées. La population de Choisy-le-Roi vit cette situation comme une tromperie et un gâchis inexcusable.
Des décisions commerciales urgentes et énergiques doivent être prises et, en même temps, l'État doit faire face à ses engagements. Nul doute que le personnel saura se montrer à la hauteur des exigences, comme il a su le prouver dans la confection des passeports biométriques.
Madame la ministre, comme nous l'avons déjà dit, avec le maire de Choisy-le-Roi, Daniel Davisse, le président du conseil général du Val-de-Marne, Christian Favier, nous sommes décidés à mener ce combat jusqu'au bout, aux côtés des salariés et de la population de Choisy-le-Roi et de Douai.
Plus de 4 000 pétitions ont déjà été signées et un conseil municipal ouvert à la population se tiendra le jeudi 11 mai pour renforcer la mobilisation, car le temps presse, il n'y a plus un seul jour à perdre ! Nous attendons le rendez-vous promis par M. le ministre dans quelques jours, afin de décider des mesures à prendre en fonction des solutions que propose le Gouvernement.
difficultés financières des syndicats de bassin
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question n° 1031, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Simon Sutour. Madame la ministre, le bassin Rhône Méditerranée et, en particulier, le département du Gard sont caractérisés par l'existence de « structures de gestion concertée par bassin versant ». Ces dernières couvrent environ 70 % du territoire du bassin et la totalité du département du Gard.
Dans mon département, un effort constant depuis plus de quinze ans - largement encouragé par l'État et l'agence de bassin Rhône Méditerranée et relayé par le conseil général -permet aujourd'hui à l'action publique de s'appuyer sur huit « structures de gestion concertée par bassin versant » et une mutuelle départementale de financement qui réunissent les caractéristiques suivantes : territoire d'intervention cohérent au plan hydrologique, instances de décisions regroupant la quasi-totalité des collectivités locales, existence de services techniques et administratifs, autofinancement solidaire, actions en faveur de la gestion et de la préservation des ressources en eau.
Ces structures sont aujourd'hui un élément essentiel pour faire face au défi qu'impose la directive cadre de l'Union européenne concernant la bonne qualité des cours d'eau à l'horizon 2015. Elles sont à une période charnière de leur existence et doivent désormais consolider leur fonctionnement pour être à même de répondre aux nombreuses et légitimes attentes des collectivités et des habitants, traumatisés par les dernières inondations de 2002 et 2005.
Le risque réside dans un potentiel désengagement des collectivités locales, laissant à l'État et aux agences de bassin le soin d'assumer seuls ce domaine de compétences.
La question centrale qui se pose aujourd'hui, pour ces structures, est donc bien celle de la pérennisation de leurs moyens d'action. Le développement de ressources pérennes, a minima pour couvrir les frais de fonctionnement, semble nécessaire.
L'agence de bassin est sollicitée, dans le cadre de la mise en oeuvre de son neuvième programme, pour garantir un soutien fort et durable à ces structures, mobilisant ainsi une solidarité territoriale élargie, incontestablement nécessaire.
Toutefois, cela ne saurait suffire, et un dispositif complémentaire de ressources propres des structures doit être mis en place. Cependant, une redevance « pour service rendu », telle qu'en prévoit le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, n'est pas adaptée à certains cas.
Tout d'abord, une telle redevance est plutôt réservée au financement d'investissements, et non à la couverture de dépenses de fonctionnement.
Ensuite, elle est juridiquement fragile du fait de la grande difficulté qu'il y a à identifier précisément le « service rendu » pour asseoir le montant de la redevance en proportion de ce service.
Enfin, seuls les établissements publics territoriaux de bassin, les EPTB, pourraient prélever cette redevance. Pourtant, il existe, sur de nombreux territoires hydrologiques pertinents, des structures tout à fait légitimes, répondant à tous les critères garantissant une action publique adaptée mais ne pouvant accéder au statut d'EPTB. De ce fait, elles se verraient interdire le bénéfice de cette ressource financière propre.
Pour autant, ce dispositif est, dans son principe, intéressant, à condition qu'il puisse être ouvert à toutes les structures de gestion concertée et donner droit à la perception de redevances autres que celles « pour service rendu ».
Pour ce faire, il serait donc nécessaire d'introduire la possibilité d'instaurer une redevance qui serait perçue par l'agence de bassin sur le territoire concerné et reversée à la structure l'ayant mise en place, et de prévoir que des collectivités locales ou des groupements de collectivités locales autres que des EPTB puissent instituer et percevoir cette redevance. Sur ce dernier point, une seconde solution consisterait à ouvrir le statut d'EPTB à d'autres structures que les seuls syndicats mixtes fermés.
C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, si le Gouvernement compte donner la possibilité aux structures de bassin d'instaurer une redevance autre que « pour service rendu », afin d'assurer la pérennité de leur financement et de leurs indispensables actions dans le cadre de la prévention des inondations et de la préservation des ressources en eau à l'horizon 2015, comme le prévoit la directive cadre de l'Union européenne.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord d'excuser l'absence de ma collègue Nelly Olin, qui aurait souhaité vous répondre directement, mais se trouve actuellement retenue par la préparation du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.
M. Simon Sutour. Je pensais qu'il s'agissait des ours ! (Sourires.)
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Elle s'occupe des ours et des eaux !
Mme la ministre de l'écologie et du développement durable est très consciente de l'importance du rôle joué par les syndicats de bassin versant dans la gestion équilibrée des cours d'eau et soutient vivement leur création.
L'article L. 213-10 du code de l'environnement, qui instaure officiellement ce type de structures dénommées « établissements publics territoriaux de bassin », limite leur création aux institutions interdépartementales et aux syndicats mixtes dits « ouverts », dépassant le seul échelon intercommunal.
Cette exclusion des groupements constitués uniquement de communes et de groupements intercommunaux s'est justifiée par le rôle essentiellement coordonnateur, à l'échelle d'un grand bassin, que le législateur a voulu donner aux EPTB, de façon à les distinguer, précisément, des syndicats de rivière, plus locaux et maîtres d'ouvrage des travaux.
Il s'avère finalement, à l'expérience, que cette exclusion entrave inutilement certains groupements intercommunaux couvrant un bassin hydrographique cohérent et sur lequel aucune autre structure plus large ne semble devoir se former.
Pour résoudre cette question, la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale a adopté une proposition d'amendement au projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, que le Gouvernement soutiendra, tendant à ouvrir les EPTB aux syndicats mixtes fermés.
Cet élargissement des EPTB à tout type de groupements est toutefois sans rapport avec la possibilité d'instituer une redevance pour service rendu en application de l'article L. 211-7 du code de l'environnement. Tous types de groupements de collectivités territoriales peuvent d'ores et déjà faire application de cette redevance. Seule l'utilisation des moyens de perception des agences de l'eau est réservée aux EPTB par l'actuel article 35 du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Si le projet d'amendement précité est adopté, cette possibilité sera ouverte aux syndicats mixtes fermés s'étant fait reconnaître officiellement comme EPTB.
Cette redevance est insuffisamment utilisée. La complexité de sa mise en place réside surtout dans le fait que peu d'exemples existent qui permettraient d'encourager cette dernière et de la rendre systématique. Elle est pourtant l'un des meilleurs moyens existants pour financer certains travaux pris en charge volontairement par les collectivités territoriales au nom de l'intérêt général local.
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. J'avais posé cette question à la suite d'une réunion avec des représentants de l'ensemble des structures de bassin de mon département. Je constate que leurs préoccupations ont été relayées par d'autres parlementaires, le problème ayant dû se présenter dans d'autres zones du territoire national que le département du Gard.
Votre réponse marque une avancée, madame la ministre. Le débat à l'Assemblée nationale montrera si nos collègues députés entendent aller dans ce sens. En tout cas, le texte sera examiné au Sénat au mois de juin, me semble-t-il, et nous serons alors un certain nombre à faire preuve de vigilance.
prolifération des panneaux publicitaires aux abords des villes et villages
M. le président. La parole est à M. André Boyer, auteur de la question n° 1026, adressée à M. le ministre. délégué aux collectivités territoriales.
M. André Boyer. Monsieur le ministre, on assiste en France à une inquiétante dérive qui amène la transformation des bords des routes et des abords des villes et des villages en tunnels publicitaires continus, le phénomène prenant chaque année davantage d'ampleur.
On peut s'interroger d'abord sur l'efficacité d'une telle pratique : trop de publicité tue la publicité, car à trop en voir, on ne la regarde plus. Et je ne parle même pas des panneaux publicitaires datant d'une époque révolue, telle cette vieille publicité d'une marque de matériels photographiques qui perdure dans nos campagnes, vantant encore la pellicule argentique à l'heure du numérique !
Je m'inquiète surtout, monsieur le ministre, des conséquences de cette agression contre l'environnement. Le souci que j'exprime ici est partagé, je le sais, dans les villes et pays d'art et d'histoire, par exemple dans le pays d'art et d'histoire de la vallée de la Dordogne, que je connais bien.
On parle beaucoup des pollutions atmosphérique et sonore, mais celle qui nous préoccupe aujourd'hui constitue aussi une pollution, visuelle celle-là, qui parasite à la fois les esprits et les lieux. C'en est fini de la diversité et de la richesse des paysages, l'horizon est bouché, la pensée vagabonde, privée de sortie. Cette forme de publicité est de surcroît particulièrement pernicieuse et agressive, car elle s'impose à tous, et ce quotidiennement.
Je sais, monsieur le ministre, et vous ne manquerez pas de me le rappeler, qu'une réglementation existe à cet égard. Tout en réaffirmant le principe de liberté d'information, la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes, dont les dispositions ont été insérées dans le code de l'environnement, a été élaborée dans un souci de protection du cadre de vie. Comme la loi du 2 février 1995, elle donne notamment aux maires la possibilité d'adopter des règlements locaux visant à limiter la pression publicitaire.
Or force est de constater que le nombre de procédures engagées à la suite d'infractions reste trop modeste au regard de l'importance du parc de panneaux installés et que nombre de ces infractions sont relevées sans que cela débouche sur des sanctions. Des dispositifs publicitaires installés sauvagement ou sur des terrains privés finissent, hélas ! par prendre racine sans qu'intervienne un rappel à l'ordre des autorités compétentes.
Monsieur le ministre, la réglementation de la publicité a fait l'objet d'une évaluation qui a donné lieu à la publication d'un bilan à la fin de 2005. Ce volet de la question a-t-il été abordé ? Si oui, pouvez-vous nous indiquer quelles conclusions ont été tirées, et nous dire si des propositions concrètes seront faites en faveur d'une répartition équilibrée et réaliste de l'affichage publicitaire, notamment à travers la promotion d'une démarche de qualité, d'une plus grande homogénéité ou de la réduction du nombre des panneaux et de la taille de certains d'entre eux ?
Une plus grande maîtrise de la publicité extérieure, qui constitue l'un des éléments essentiels de la mise en valeur du patrimoine, ne peut qu'avoir un effet très favorable sur nos conditions de vie, mais aussi sur une fréquentation touristique qui contribue largement au développement économique de notre pays.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous soulevez à juste titre une question très importante pour tous ceux qui sont attachés à la qualité des abords des villes et des villages. L'arrivée anticipée dans l'hémicycle du ministre de la culture nous permettra de lui faire partager nos préoccupations sur ce sujet ! (Sourires.)
Ainsi que vous l'avez rappelé, la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes, dont les dispositions ont été intégrées dans le code de l'environnement, fixe les règles applicables en matière de publicité pour assurer la protection du cadre de vie tout en réaffirmant la liberté d'expression, qu'il n'est naturellement pas question d'entraver.
Cette législation donne aux maires la possibilité d'adopter des réglementations locales, qui peuvent, en particulier, créer des règles de densité afin de limiter la pression publicitaire. À ce jour, environ 1500 règlements locaux de publicité ont été élaborés ou sont en cours d'élaboration.
Dans le Lot, vous le savez, il existe deux règlements locaux, l'un s'appliquant à la ville de Cahors, l'autre à celle de Figeac. La commune de Gramat envisagerait elle aussi de se doter d'un tel règlement dans les prochains mois, tandis que la ville de Cahors est en train de modifier le sien pour faire face à l'inflation du nombre d'enseignes constatée à l'entrée sud du chef-lieu, où sont regroupés, pour l'essentiel, les centres commerciaux.
Le développement considérable de ces règlements s'accompagne d'une très ferme volonté des pouvoirs publics de faire respecter les dispositions de cette loi.
Ainsi, dix-neuf pôles de compétence spécialisés dans ce domaine ont été créés suite à la circulaire du ministre de l'écologie en date du 5 avril 2001 relative à la mise en oeuvre des textes sur la publicité, les enseignes et les préenseignes.
Ces pôles de compétence, créés par les préfets de département, sont placés sous l'autorité d'un chef de projet. Ils ont pour objectif de coordonner l'application de la réglementation par les divers services déconcentrés de l'État concernés que sont les directions régionales de l'environnement, les directions départementales de l'équipement, les services départementaux de l'architecture et du patrimoine, les services de police, la gendarmerie et les services des préfectures.
Pour ce qui concerne votre département, monsieur le sénateur, il existe une mission spécialisée chargée de l'affichage publicitaire à l'abord des villes. Elle est confiée, depuis plus d'un an, à une fonctionnaire de la direction départementale de l'équipement, qui s'efforce de tout mettre en oeuvre pour rendre plus efficace cette politique, aussi bien dans sa dimension préventive que dans sa dimension répressive, la prévention devant bien entendu être privilégiée.
Le ministère de l'écologie et du développement durable a procédé, en 2005, à une évaluation de la réglementation, qui devrait être poursuivie en 2006 afin d'améliorer la protection du cadre de vie et de simplifier les textes, qui sont pour le moins touffus, et parfois obscurs.
Par ailleurs, le mécanisme de la déclaration préalable pour toute installation de dispositif de publicité, institué par le législateur en 1995, a confirmé son rôle dissuasif, au même titre que les possibilités de sanctions financières.
Enfin, le code de l'environnement permet aux associations de protection de la nature de demander au préfet de faire déposer tout panneau irrégulier.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Ces différents instruments et dispositifs constituent, le plus souvent, des outils de contrôle efficaces permettant désormais de limiter la prolifération des panneaux publicitaires, notamment aux abords des villes et villages.
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse et de votre rappel des initiatives locales qui ont déjà été prises dans mon département.
J'ajoute que le conseil général du Lot, sensible aux problèmes évoqués, a décidé, avec les collectivités territoriales, la mise en place d'une signalisation d'information locale permettant aux usagers de repérer les équipements et les services et conforme aux dispositions réglementaires. Il s'agit là d'une refonte complète de la signalisation directionnelle, mettant notamment en valeur toute la diversité des attraits touristiques de notre territoire.
En échange, les prestataires devront renoncer à l'implantation de préenseignes dérogatoires et a fortiori de toute publicité illégale. Ce serait un véritable gâchis économique et social. Cependant subsiste le problème des entrées des villes et des villages, où il est très difficile de mettre en place une zone publicitaire restreinte, qui permettrait pourtant, d'une part, d'éliminer les supports multiples, dont le caractère répétitif constitue souvent un bégaiement insupportable, et, d'autre part, de mettre fin à l'aspect agressif des façades des immeubles dont les propriétaires font preuve d'une complaisance intéressée.
Si les règlements existent, il faut les appliquer. L'attention des communes doit être attirée sur ce point, monsieur le ministre. Mais le développement des règlements n'est bien entendu utile que s'il s'accompagne d'une volonté ferme de faire respecter les dispositions générales de la loi, s'agissant notamment des sanctions et de la suppression des panneaux publicitaires illégaux.
logement des artistes plasticiens professionnels
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, auteur de la question n° 1020, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Yann Gaillard. Monsieur le ministre, aujourd'hui, vous allez inaugurer solennellement l'exposition « La force de l'art » au Grand Palais. Or, ma question porte sur ce qui est à la base même de l'art, c'est-à-dire la condition des artistes. Cette condition, essentielle, consiste à ce que les artistes soient dotés d'ateliers ou d'ateliers-logements leur permettant d'exercer leur activité et d'exprimer leur créativité dans de bonnes conditions.
En Île-de-France, la grande région créative de France, il y aurait au total 2 035 ateliers d'artiste, dont 900 à la ville de Paris, 300 à l'office public d'aménagement et de construction de Paris, 440 à la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, auxquels il faut ajouter quelques cités des arts, d'ailleurs menacées par la spéculation immobilière, comme on le constate aujourd'hui à la résidence des arts de Montmartre.
Beaucoup de problèmes se posent et la Maison des artistes a d'ailleurs créé une commission sur la condition de l'artiste qui se propose d'étudier le problème des ateliers ou des ateliers logements.
D'abord, il y a le problème de la destination des ateliers, souvent transformés en logements, qui sont quelquefois sous-loués et disparaissent donc de la géographie artistique. Ensuite, il y a le problème de la spécialisation. Avec la multiplication des techniques, l'atelier doit être différent dans sa dimension et dans sa contexture du simple atelier où l'on peut faire de la peinture abstraite avec un chevalet. Enfin, il y a le problème de la spéculation immobilière.
Je voudrais vous faire une suggestion, monsieur le ministre. Ne pourriez-vous pas vous réunir avec le maire de Paris et le président de la région d'Ile-de-France dans une sorte de grande commission oecuménique qui, sans opérer bien entendu de distinction entre la condition des artistes français et celle des artistes étrangers faisant depuis toujours la gloire de l'École de Paris, étudierait cette question émouvante au moment même où vous exaltez la force de l'art en France ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous avez raison d'insister sur le lieu et les conditions de vie des artistes qui travaillent dans notre pays.
Je vous remercie aussi d'évoquer cette très grande exposition qui ouvre ses portes demain au public au Grand Palais et dont le vernissage se tient aujourd'hui même. Elle a comme objectif de mettre en valeur la création contemporaine et ce grand rendez-vous trisannuel sera peut-être pour beaucoup de nos concitoyens une première confrontation avec la création contemporaine.
Vous avez évoqué à juste titre les difficultés rencontrées par les artistes plasticiens professionnels pour se loger dans notre pays, notamment en Ile-de-France où ils sont le plus nombreux, et plus généralement le problème des ateliers et des résidences d'artistes.
Récemment, j'ai donné à tous les préfets de région, que j'avais réunis, des instructions très précises pour que, dans l'ensemble de la politique contractuelle de l'État, qu'il s'agisse de la rénovation urbaine ou du logement social, la dimension culturelle des projets d'aménagement ne soit pas oubliée.
En effet, outre le fait qu'il s'agit de rendre satisfaisantes les conditions de vie des artistes plasticiens, la présence d'un atelier ou d'une résidence d'artistes au sein d'un quartier est l'occasion de rencontres, de discussions et d'une effervescence positive. Vous avez donc entièrement raison de soulever ce problème.
Depuis le début des années soixante, le ministère de la culture et de la communication soutient activement la construction et l'aménagement d'ateliers pour artistes plasticiens afin de contribuer à résoudre le problème du manque et du coût élevé de tels locaux.
Cette action se traduit par l'octroi de subventions d'investissement en contrepartie d'un droit de réservation au bénéfice du ministère de la culture et s'est principalement développée en Île-de-France où le ministère est réservataire de près de 1 000 ateliers d'artistes, majoritairement constitués d'ateliers-logements à loyers modérés.
Très attaché à l'amélioration des conditions de travail des créateurs, j'ai confié à l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles une mission permettant, à partir du diagnostic des pratiques mises en oeuvre sur l'ensemble du territoire par l'État et les collectivités territoriales, de déterminer sur les plans juridique, administratif et technique de nouveaux outils d'intervention de l'État en faveur de cette action.
Je retiens en tout cas votre proposition de coopération très étroite entre l'État, la région et la ville et je mènerai ce travail de concertation avec comme seuls objectifs l'efficacité et le résultat, sans aucun point de vue partisan. Nous devons les uns avec les autres résoudre ce problème des conditions de travail de nos artistes plasticiens si nous voulons que notre pays continue d'être un foyer vivant pour la création contemporaine.
Je vous signale d'ailleurs que le projet de loi relatif au droit d'auteur, dont vous allez poursuivre la discussion aujourd'hui et demain, a pour objet, notamment à propos du droit de suite, de traiter un certain nombre de problèmes concrets. De la même manière, les dispositions annoncées par le Premier ministre pour exonérer d'un certain nombre de mesures fiscales les artistes plasticiens dans les cinq premières années de leur travail sont novatrices et importantes.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le ministre, j'aurais mauvaise grâce à ne pas témoigner ma satisfaction devant l'ampleur de votre réponse, qui a de beaucoup dépassé l'objet limité de ma demande. Puisque vous avez fait allusion au droit de suite, je pense que nous aurons à en reparler dans quelque temps, voire quelques heures.
difficultés de réception fm dans l'est parisien
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, auteur de la question n° 1017, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, en tant qu'élue de Paris, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés qui entravent la réception FM dans l'Est parisien. Les auditeurs de l'est des XIXe et XXe arrondissements de Paris, ainsi que de la petite couronne, de Bagnolet, des Lilas et de Romainville en Seine-Saint-Denis, ne peuvent bénéficier de l'accès à la plupart des radios de la bande FM diffusées dans l'agglomération parisienne, et singulièrement aux radios nationales, donc au service public.
Je vous prie de m'excuser de ne pas entrer dans des détails trop techniques ; là n'est pas mon rôle. Mais il est en effet impossible de fixer une réception, celle-ci étant instantanément couverte par des émissions et parasites divers, quelle que soit la qualité de l'appareil de réception, j'insiste sur ce point. Cela nous semble incompréhensible, à l'heure du règne des nouvelles technologies de l'information et de la communication, de la multiplication de l'offre audiovisuelle !
Les habitants des zones concernées, au minimum 40 000 foyers, ont décidé de se regrouper pour peser sur les pouvoirs publics. Ils se sont constitués en association : ce sont les Sans radios de l'Est parisien. Pourtant, le problème perdure depuis des années. Croyez-moi, ces citoyens en ont assez d'entendre que le problème vient de la mauvaise qualité de leurs appareils ! Ils ont longtemps entendu cette réponse de la part du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, qui prend le problème, semble-t-il, avec un peu trop de désinvolture.
Sous la pression des Sans radios, le CSA a tout de même organisé une concertation technique entre les opérateurs techniques de radiodiffusion et Radio France. Mais le problème reste entier, malgré les solutions techniques et théoriques formulées par ce groupe de travail et malgré l'implication de nombreux élus. Des voeux ont ainsi été votés par les conseils municipaux de Bagnolet, des Lilas et de Montreuil, ainsi que par le conseil régional d'Île-de-France.
Il ne s'agit pas seulement là d'une question de confort. Ce problème remet en cause le principe même d'égalité des administrés face au service public, puisque 40 000 foyers sont ainsi privés de radios nationales telles que France Info, France Culture, France Inter ou encore France Musique. Je vous rappelle que les principes d'égalité d'accès et de continuité du service public sont des principes constitutionnels. Pour moi, 40 000 foyers privés de l'information fournie par le service public, ce n'est pas une anecdote, c'est une situation grave.
Par conséquent, je vous demande, Monsieur le ministre, ce que vous comptez faire pour mettre un terme à cette situation qui prive un certain nombre de nos concitoyens de l'accès au service public.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, vous soulevez ici un problème réel qui interpelle les pouvoirs publics. Des auditeurs de l'Est parisien et de certaines communes de Seine-Saint-Denis peuvent en effet rencontrer des difficultés de réception des programmes radios, notamment ceux de Radio France. Le Gouvernement est particulièrement préoccupé et désireux d'établir l'égalité de tous les Français face aux progrès de la technologie. C'est ce qu'a rappelé d'ailleurs le Président de la République jeudi dernier à propos de la TNT, comme vous-même pour la radio.
Notre paysage radiophonique est riche : dans l'agglomération parisienne, on ne compte pas moins de 57 radios sur la bande FM. C'est une offre comme il n'en existe nulle part ailleurs et elle incarne notre conception de la liberté de communication. Cette richesse a un corollaire : la technique obéit à ses règles et il existe des zones de moins bonne réception résultant de l'exploitation massive des fréquences. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) recherche avec les opérateurs radios les solutions les mieux à même de minimiser les brouillages occasionnés sans pénaliser les auditeurs. Il est vraiment mobilisé.
Ainsi plusieurs scénarios d'amélioration ont été expérimentés depuis l'été dernier, par exemple une modification des antennes implantées sur les Tours Mercuriales à Bagnolet, ou bien le transfert temporaire à Romainville de l'émetteur d'une radio.
Parallèlement le CSA, accompagné d'opérateurs radiophoniques, s'est rendu au domicile de certains auditeurs rencontrant des difficultés de réception. Il en ressort que plusieurs actions très simples sont de nature à améliorer la réception, comme, par exemple, une meilleure orientation des antennes filaires ou une diminution de leur longueur. Ces observations ont conduit le CSA à publier, en septembre dernier, un dépliant d'information à destination des particuliers et des professionnels du secteur.
Enfin, dans le cadre des appels aux candidatures généraux en bande FM, le CSA a lancé une consultation publique sur l'Île-de-France, close depuis le 24 mars dernier. Elle doit être l'occasion pour chacun de proposer des pistes d'amélioration avant le lancement de l'appel à candidatures en septembre prochain pour les 66 % des fréquences de la bande FM en Île-de-France qui ne sont pas utilisées par le service public. .Je peux vous garantir que je vais rester particulièrement vigilant sur ce dossier en liaison et en articulation avec le CSA, qui l'est déjà particulièrement puisqu'il organise même, vous l'avez dit, des visites sur place pour constater les faits.
L'émission des programmes est une chose, leur réception par tous dans les meilleures conditions en est une autre. Il en va effectivement, et vous avez raison de le rappeler, de l'égalité devant le service public, qui est une valeur partagée par tout le monde.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions. Je suis sensible au fait que vous n'ayez pas allégué la mauvaise qualité des radios et des équipements des habitants de l'Est. Des réponses en ce sens leur ont souvent été faites.
Je n'ignore pas qu'un appel d'offres a été lancé et que des choix doivent intervenir au mois de septembre prochain.
Je rappelle simplement que l'un des prestataires d'émissions a été condamné à démonter des antennes à la suite d'une décision judiciaire. Nous ne souhaitons pas, bien évidemment, en arriver à une telle judiciarisation de cette question, nous cherchons simplement à résoudre les problèmes.
Pour cette raison, monsieur le ministre, j'en appelle à votre vigilance sur les choix qui seront faits, qu'il s'agisse de l'offre radiophonique comme de la qualité de réception des émissions. Nous vous faisons confiance pour régler cette question le plus rapidement possible.
Engagements de la France dans le cadre du Partenariat mondial du G8 contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, auteur de la question n° 1025, transmise à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, chacun a en mémoire les images de la flotte et des sous-marins nucléaires soviétiques se décomposant dans de vieux ports faisant office de cimetières navals. De telles images, régulièrement retransmises par les chaînes de télévision, ne peuvent nous laisser indifférents.
Les risques de pollution liés aux résidus nucléaires ou aux stocks d'armes sont particulièrement aigus, et le défi consistant à contrôler puis à démanteler cet arsenal concerne la planète entière, compte tenu des conséquences dramatiques qui pourraient survenir.
Face à ces menaces, les membres du G8 se sont mobilisés et ont lancé à Kananaskis, en juin 2002, un Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes. La France s'est alors engagée à participer à cet effort concerté, et nous saluons la détermination du Président de la République, qui a annoncé une contribution de 750 millions d'euros sur dix ans. Nous sommes donc parvenus à mi-chemin.
Aujourd'hui, les programmes conduits par les différents pays partenaires sont largement avancés. Le Royaume-Uni, qui s'est engagé sur un montant équivalent à celui de la France - 750 millions d'euros sur dix ans -, a déjà concrétisé de très nombreux projets, dont le chiffrage correspond bien aux engagements prévus, c'est-à-dire à environ 375 millions d'euros à la date actuelle.
J'aimerais savoir où en est la participation de notre pays, connaître les moyens qui ont déjà été engagés et ceux qui restent encore à mettre en oeuvre pour honorer, dans les délais prévus, les engagements du Président de la République, lesquels vont, bien évidemment, au-delà de l'intérêt de notre seul pays et concernent l'avenir de notre planète.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous avez raison d'insister sur la mobilisation politique particulièrement forte du Président de la République sur cette question.
Dans le cadre du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, lancé en juin 2002 lors du sommet du G8 à Kananaskis, les pays du G8 se sont engagés à appuyer des projets de coopération, en commençant par la Russie, pour promouvoir la non-prolifération, le désarmement, la lutte contre le terrorisme et la sûreté nucléaire.
La destruction des armes chimiques, le démantèlement des sous-marins nucléaires retirés du service, l'élimination des matières fissiles et le recrutement d'anciens chercheurs du secteur de l'armement figurent parmi les principales préoccupations identifiées. Les pays du G8 se sont engagés à rassembler jusqu'à 20 milliards de dollars pour appuyer de tels projets au cours des dix prochaines années.
Ces engagements ont été confirmés depuis, et le total des contributions annoncées s'élève à l'heure actuelle à près de 18 milliards de dollars. Notre pays a annoncé que sa contribution porterait jusqu'à 750 millions d'euros sur dix ans, comme vous l'avez rappelé.
Dans le même temps, cette initiative a été élargie à de nouveaux partenaires : six nouveaux donateurs ont été accueillis - la Pologne, la Suisse, la Suède, la Finlande, la Norvège et les Pays-Bas - à Évian en 2003, puis sept autres - l'Australie, la Belgique, le Danemark, l'Irlande, la Nouvelle-Zélande, la République de Corée et la République tchèque - en 2004. Le G8 a également entériné en 2004 l'entrée de l'Ukraine dans le Partenariat comme récipiendaire potentiel.
La France poursuit, au travers de projets concrets, les objectifs que nous nous étions fixés. Le séminaire intergouvernemental franco-russe tenu cette année à Moscou a permis d'aboutir à la signature, le 14 février, des deux accords destinés à encadrer notre coopération bilatérale avec la Russie pour la mise en oeuvre de cette initiative, l'un dans le domaine chimique, l'autre dans le domaine nucléaire. Ces deux accords constituent le cadre de référence afin de fournir toutes les garanties nécessaires quant à l'utilisation des fonds mobilisés et à la protection juridique des intervenants français.
Le total des engagements de la France dans le cadre de ce Partenariat mondial s'élève à l'heure actuelle à près de 200 millions d'euros. Près de 21 millions d'euros ont effectivement été dépensés pour la mise en oeuvre concrète des projets correspondants. Afin d'optimiser son action, la France s'est engagée simultanément dans des programmes multilatéraux et bilatéraux destinés à renforcer la sécurité internationale dans les domaines nucléaire, chimique et biologique.
La France, avec une contribution annoncée de 40 millions d'euros, est ainsi le premier pays contributeur au fonds créé par la Commission européenne et par la Banque européenne de reconstruction et de développement afin de financer des programmes de démantèlement de sous-marins nucléaires russes retirés du service. La France participe également au financement des fonds internationaux destinés à la construction du nouveau sarcophage de la centrale de Tchernobyl et à la réhabilitation du site de Tchernobyl.
La France est également engagée, en premier lieu en Russie, dans plusieurs programmes bilatéraux. Ces programmes sont mis en oeuvre pour la France par le Commissariat à l'énergie atomique dans une logique de partenariat associant tant en France qu'en Russie les organismes publics et les opérateurs industriels impliqués dans la réalisation de ces projets.
La France intervient ainsi, dans le domaine nucléaire, sur le chantier naval de Severodvinsk, afin d'optimiser les capacités de traitement des déchets nucléaires sur ce site. La France conduit également, sur l'ancienne base navale russe de Gremikha, des études techniques afin d'établir un programme d'assainissement de ce site dédié au démantèlement de sous-marins nucléaires russes. La France coopère aussi au programme de modernisation des systèmes de sûreté de la centrale nucléaire de Kalinine : nous avons indiqué être prêts à consacrer 30 millions d'euros à ce projet, conduit en partenariat étroit avec EDF. Enfin, la France participe, avec la Norvège et le Canada, à un programme de démantèlement de sources radioactives dans le Grand Nord russe, afin de remplacer ces sources utilisées dans les balises de navigation par des sources d'énergie alternative ne présentant aucun risque en cas de vol ou de détournement.
Dans le domaine chimique, la signature de l'accord intergouvernemental de coopération rend désormais possible la mise en oeuvre d'actions concrètes. Un premier projet a déjà été identifié.
Dans le domaine biologique, les actions proposées par la France s'inscrivent dans le cadre du Centre international pour la science et la technologie de Moscou. Ces coopérations sont destinées à mettre en place des outils efficaces de lutte contre la menace bioterroriste. Les actions menées s'inscrivent dans le cadre de programmes de réemploi des scientifiques russes et privilégient un partenariat direct entre les laboratoires français et russes.
Dans le cadre de ce Partenariat mondial du G8 contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, nous attachons également une importance toute particulière à la réalisation du programme d'élimination du plutonium militaire russe déclaré en excès des besoins de défense. Ce programme constitue à l'heure actuelle le principal programme d'envergure en matière de non-prolifération nucléaire à l'étude depuis plusieurs années ; la finalité de ce programme s'inscrit exactement dans l'effort de réduction de la menace mis en oeuvre par le Partenariat mondial du G8.
L'ambition de la France est donc d'intervenir dans les différents domaines identifiés par les chefs d'État et de gouvernement du G8 lors du lancement de ce Partenariat en juin 2002. Nous avons également souhaité privilégier dans notre démarche l'établissement d'un partenariat effectif entre opérateurs français et russes, pour éviter les travers d'une assistance réduite au seul volet de financement.
Cependant, la définition de notre participation aux programmes de coopération conduits en Russie dans le cadre du Partenariat mondial doit également tenir compte des positions adoptées par la partie russe. La Russie a en effet souhaité limiter le champ de ce Partenariat, en le limitant à deux priorités : la destruction des armes chimiques et le démantèlement des sous-marins nucléaires russes retirés du service.
Il nous appartient donc de poursuivre nos efforts pour mettre en oeuvre nos engagements, afin d'atteindre avec nos partenaires l'ensemble des objectifs de ce Partenariat et de contribuer ainsi au renforcement de la sécurité internationale et de la sûreté.
Vous m'excuserez d'avoir été un peu long, monsieur le sénateur, mais l'importance du sujet me semblait légitimer une réponse précise.
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.
M. Philippe Richert. Je tiens à remercier M. le ministre pour les précisions qu'il nous a apportées concernant les programmes déjà mis en oeuvre ou en préparation qui engagent notre pays. Les nombreux projets auxquels nous participons démontrent en effet tout l'intérêt que nous portons à ces questions.
Je souhaiterais cependant que notre pays ne soit pas en retard par rapport à d'autres États. Je me permets d'insister sur le fait que les engagements et les déclarations doivent être relayés efficacement par les moyens financiers correspondants, afin que ces programmes se traduisent concrètement par des démantèlements réels. Si j'ai cité le cas de la Grande-Bretagne, ce n'est pas par hasard : on observe en effet un important décalage entre les crédits réellement dépensés par nos deux pays. Il ne faudrait pas que notre pays donne le sentiment d'être très engagé dans ses déclarations mais en retard dans les faits.
J'ajoute que c'est l'avenir de la planète qui est engagé. Chacun, ici comme ailleurs, est préoccupé par ce qui se passe en Iran. Les montagnes de produits radioactifs qui croupissent dans des ports pourraient, demain, se trouver à la merci d'organisateurs de réseaux. Des chercheurs inemployés dans certains pays pourraient accepter de rejoindre des équipes prêtes à les accueillir pour réaliser des projets que nous voudrions tous éviter...
Il importe donc, monsieur le ministre, de concrétiser le plus rapidement possible les projets sur lesquels nous nous sommes engagés. Il y va, bien sûr, de l'image de la France et du respect de ses engagements, mais aussi de l'avenir de la planète.
Conséquences de la hausse du prix des carburants pour les pêcheurs professionnels
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, auteur de la question n° 1024, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le ministre, j'ai déposé cette question orale le 12 avril dernier, à un moment où les inquiétudes et les attentes étaient très fortes, sur les quais des ports de pêche, face à la flambée du prix du gazole, qui dépasse désormais 50 centimes d'euro le litre.
Le mercredi 26 avril, à l'occasion de l'assemblée générale de la Société centrale de crédit maritime mutuel, vous avez présenté un plan d'aides de 91 millions d'euros. J'en ai bien entendu pris connaissance, et vous avez donc déjà répondu en partie à ma question.
Je vous saurais gré, toutefois, de bien vouloir me donner des informations sur le contenu de ces aides. J'aimerais en particulier être éclairé sur les aides en faveur des dispositifs techniques permettant de réduire la consommation et donc la facture de carburant.
Au-delà de ces informations, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre point de vue sur les trois questions suivantes : les aides annoncées sont-elles eurocompatibles ? Que devient exactement le fonds de prévention des aléas pêche, le FPAP ? Quand le plan d'avenir de la pêche, que vous avez annoncé en 2005 et qui est, vous le savez, très attendu, sera-t-il mis en place ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, votre question est importante.
Avant d'y répondre, je souhaite rendre hommage, devant le Sénat, aux deux pêcheurs morts en mer ce matin et au pêcheur porté disparu au large du cap d'Antifer en Seine-Maritime, devant le port du Havre, que les recherches n'ont pas encore permis de retrouver.
Malheureusement, cette profession difficile paye un tribut épouvantable chaque année à la mer. Ces disparitions s'ajoutent, en effet, à une liste déjà longue, et votre région, la Bretagne, monsieur le sénateur, est particulièrement touchée.
En dehors du problème de la dangerosité du métier, la pêche connaît des difficultés de deux natures.
D'abord, l'Europe, qui gère la politique de la pêche, diminue les quotas pour essayer de reconstituer la ressource.
Ensuite, les charges, en particulier le poste carburant, progressent.
Cette augmentation brutale des cours du gazole, malheureusement pérenne, est très difficile à supporter par les pêcheurs. Je pense aux chalutiers, qui ont particulièrement besoin d'énergie pour tracter le chalut. La flotte de pêche française est constituée encore en majorité de chalutiers, même si, depuis quelques années, d'autres techniques de pêche moins gourmandes, tels le filet, la palangre, la senne, se sont développées.
En outre, de nombreuses entreprises sont également fragilisées par des problèmes de gestion et se sont endettées pour acquérir leur navire.
Par ailleurs, se pose également le problème des marins salariés lorsqu'ils sont rémunérés « à la part », dans le cas de la pêche artisanale où les frais communs sont partagés entre l'armateur et l'équipage.
Monsieur le sénateur, vous avez rappelé les moyens dont disposent les entreprises pour faire face à ces difficultés.
En ce qui concerne tout d'abord la couverture du risque d'envolée du prix du gazole sur les marchés à terme, nous avons mis en place en 2004 un outil, le fonds de prévention des aléas de la pêche, le FPAP, qui permettait de lisser les pics du cours du gazole.
En tout état de cause, nous ne pouvons utiliser durablement cet outil pour des raisons de compatibilité avec les règles européennes sur lesquelles je ne m'étendrai pas.
Néanmoins, tant que les dispositifs que j'ai annoncés au mois d'avril ne seront pas partout effectifs, nous continuerons d'abonder ce fonds pour aller jusqu'au bout du traitement que nous devons aux pêcheurs.
La solution souhaitable, naturellement, est l'augmentation des cours du poisson. Cette dernière est réelle, mais limitée pour l'instant à certaines espèces. Faut-il rappeler que la France importe malheureusement les deux tiers de ses besoins en produits de la mer ? Cela signifie également que nos marins sont en situation de concurrence. Lorsque les pêcheurs d'Arcachon se mettent d'accord, comme ce fut le cas la semaine dernière, avec les autorités portuaires pour augmenter de dix centimes d'euro les prix - cette mesure est tout à fait compréhensible, car elle tire les revenus vers le haut -, cela pose des problèmes à l'égard des importations et de la concurrence !
Les deux autres pistes pour améliorer la situation sont la réduction de la consommation du gazole - j'y reviendrai - et l'amélioration de la productivité des entreprises.
En dehors du FPAP, qui ira vers l'extinction quand les autres mesures seront en oeuvre, j'ai proposé un plan de restructuration et de modernisation de notre flotte, solution durable pour permettre à nos entreprises de vivre avec un gazole qui sera certainement cher encore pendant de nombreuses années.
Des solutions existent d'ores et déjà pour réduire la consommation de gazole.
Il s'agit, par exemple, d'aider les pêcheurs à mieux régler leur moteur. Nous devons encourager la généralisation des dispositifs allant en ce sens.
À moyen terme, de nouvelles pratiques de pêche devront remplacer le chalut.
De même, les moteurs doivent être plus performants pour être moins consommateurs d'énergie. Des substituts au gazole doivent être testés, notamment les biocarburants. La loi d'orientation agricole a d'ailleurs ouvert la possibilité aux pêcheurs d'utiliser des huiles végétales pures.
Le Gouvernement accompagnera cette restructuration, et 40 millions d'euros y seront consacrés pour aider les entreprises à investir.
Néanmoins, les entreprises doivent disposer d'un peu de temps pour se restructurer. C'est pourquoi, monsieur Trémel, des soutiens immédiats seront apportés aux entreprises afin de conforter leur trésorerie jusqu'à la restructuration.
Des avances de trésorerie et des allégements de charges seront accordés aux entreprises qui s'engagent dans un processus de restructuration.
Pour les armements hauturiers, qui vont au-delà de la mer territoriale, un aménagement de la taxe professionnelle sera réalisé. Par ailleurs, des mesures sociales seront prises en direction de leurs équipages.
Ce volet « soutien » représentera également 40 millions d'euros, monsieur le sénateur, et je précise, pour répondre à votre question, que ce plan sera notifié à la Commission européenne. Il prendra effet après la réalisation d'un bilan précis de la situation, bilan que nous sommes en train d'élaborer. Sous trois mois, nous disposerons d'une analyse de la situation, entreprise par entreprise. Les aides seront accordées au regard de cette étude et prendront la suite des avances du FPAP.
Cette restructuration de la flotte est donc un chantier important.
Pour autant, je n'oublie pas les autres pistes à explorer : la productivité et l'augmentation des prix au producteur. Telle est la mission qui a été confiée à la députée du Finistère Mme Hélène Tanguy, dont j'attends les propositions pour le mois de juin prochain.
D'autres défis doivent aujourd'hui être relevés pour assurer un avenir à ce secteur : la gestion des ressources, la réforme de l'organisation professionnelle, l'installation des jeunes, la transmission des entreprises, la rémunération des marins, la formation et la sécurité - encore aujourd'hui au coeur de nos préoccupations.
Le plan d'avenir de la pêche, que j'ai annoncé en octobre à Nantes, sera proposé à la fin du mois de mai ou dans le courant du mois de juin. Sur tous les points que je viens de citer, en dehors du plan de restructuration, nous présenterons des solutions et des outils concrets, complétés par les propositions de Mme Tanguy, lesquelles seront naturellement intégrées en partie dans ce plan d'avenir de la pêche.
Tel est l'état des lieux de la pêche en France, monsieur Trémel. Il s'agit d'une filière qui connaît de vraies difficultés. Je sais que les collectivités territoriales, notamment la région Bretagne et votre département, s'attachent à être aux côtés de l'État dans la gestion de ce dossier, car nous devons unir nos efforts pour aider nos pêcheurs.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes les informations que vous avez bien voulu me transmettre.
Nous le savons bien, la pêche française doute très fortement de son avenir. En vingt ans, la flotte de notre pays a été réduite de 52 %, et de fortes menaces continuent à peser sur les petits armements, en particulier sur la pêche artisanale. Les territoires sont donc menacés.
Quoi qu'il en soit, aviculture, pêche : dure dure, la vie de ministre ! (Sourires.) Je vous souhaite donc bon courage, monsieur le ministre, et vous donne rendez-vous au mois de juin prochain pour parler de nouveau de ce très attendu plan d'avenir pour la pêche.
financement des contrats d'agriculture durable
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, auteur de la question n° 1008, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, il y a peu, lors de questions d'actualité au Gouvernement, je vous avais interpellé en vous rappelant que l'agriculture française était soumise à trois contraintes : des contraintes administratives, liées aux déclarations de la politique agricole commune, la PAC ; des contraintes financières, avec la mise en place de la modulation et du fonds de réserve national pour les droits à paiement unique, les DPU ; enfin, des contraintes environnementales, liées à l'écoconditionnalité.
Nous avons tous connu la première réforme de la PAC en 1992, dont l'objet était de compenser les prix par une aide publique afin d'assurer le maintien du revenu des agriculteurs.
La compensation, à l'époque, était intégrale. Or, depuis cette date, Bruxelles n'a cessé de rechercher les voies et moyens lui permettant de diminuer le budget destiné à l'agriculture.
C'est ainsi qu'a été lancée la deuxième réforme de la PAC, avec la mise en place des DPU, qui érodent encore un peu plus le revenu de l'agriculteur. Non seulement ils ne compensent plus la baisse des revenus mais, de surcroît, ils substituent à un dispositif d'aide à la production des droits découplés, qui se traduisent par une baisse globale des aides, accentuée elle-même par la modulation et le prélèvement destinés à la réserve nationale !
Enfin, en vue de se montrer vertueux à l'égard de l'opinion publique, il a été décidé de conditionner le versement au respect de nouvelles contraintes environnementales qui pèsent sur les coûts de production, sans compenser les charges qu'elles engendrent.
Les agriculteurs et les éleveurs se trouvent donc ainsi doublement pénalisés.
M. Glavany avait inventé la modulation pour prendre de l'argent aux riches agriculteurs en vue de le redistribuer aux pauvres. En réalité, c'était prendre de l'argent aux grandes structures pour le redistribuer aux petites structures. C'est ainsi que fut créé le fameux contrat territorial d'exploitation, le CTE !
Le CTE, financé pour moitié par la modulation et pour moitié par les crédits européens, avait une double visée : sociale et environnementale. Il n'était pas plafonné.
M. Glavany en avait profité pour « vendre » la modulation à l'Europe. Cette dernière ne s'est d'ailleurs pas fait prier, prenant la mesure comme une aubaine lui permettant de diminuer son budget et de faire financer l'écoconditionnalité aux agriculteurs !
M. Gaymard, quant à lui, n'a pas remis en cause la modulation, que nous avions d'ailleurs condamnée au Sénat, et a transformé les CTE en contrats d'agriculture durable, les CAD, en les plafonnant. Il faut dire que son prédécesseur avait omis de financer les CTE !
Aujourd'hui, les CAD sont devenus peau de chagrin en raison de la régulation budgétaire. Bercy a fermé le « robinet » : 2 000 CAD seront finançables en 2006, alors que de 8 000 à 10 000 CAD par an avaient été financés en 2004 et en 2005.
Compte tenu de la baisse des crédits, les CAD sont donc dorénavant limités à la culture biologique, à la filière ovine et aux mesures agro-environnementales.
Ainsi, les exploitations céréalières du nord de la Loire continueront-elles à financer les CAD à travers la modulation, sans pouvoir y accéder puisqu'elles ne seront plus éligibles à ce dispositif. Pourtant, elles sont elles-mêmes soumises à de fortes contraintes environnementales au travers de l'utilisation des engrais - notamment l'azote - et des produits phytosanitaires.
Les CAD, comme les feus CTE, avaient pourtant pour objet le financement de mesures environnementales, ce qui constituait une compensation financière à ces contraintes pour les exploitations.
L'Oise, compte tenu des crédits qui lui sont octroyés, ne pourra financer que deux CAD pour 2006, monsieur le ministre, alors que ce département en avait financé soixante en 2005 !
Que comptez-vous faire pour permettre à ce département de financer les soixante CAD en attente et le renouvellement des CTE ?
Quelle agriculture réservez-vous à notre pays au-delà de 2013, monsieur le ministre, avec la disparition de ces aides qui font, vous le savez très bien, le revenu des agriculteurs ? La disparition de ces dernières entraînera le dépôt de bilan de milliers d'exploitations.
Une hausse des prix à la production est-elle envisageable alors que, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, l'Europe s'apprête à sacrifier l'agriculture au profit d'intérêts industriels ?
Quels professionnels en France, mes chers collègues, consentiraient, pour une baisse des prix à la consommation, à transformer une partie de leurs revenus en aide publique quand cette aide n'est compensée qu'à 70 % ou à 80 % de son niveau d'origine ?
Monsieur le ministre, il est plus que temps de rassurer la profession, car son moral est tellement bas qu'elle n'a même plus la force de réagir !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, avant de répondre à votre question, je dirai devant la Haute Assemblée deux choses importantes
Premièrement, dans l'affaire de l'OMC, il ne faut pas être pessimiste. La France est mobilisée, et nous ne sommes pas tout seuls : il y a autour de nous une majorité d'États européens pour résister aux volontés de M. Lamy, à l'action du G20 et à celle d'un certain nombre de pays du groupe de Cairns. J'ajoute que nous n'avons pas l'intention de baisser la garde dans cette affaire !
Ainsi, nous avons résisté à Hong-Kong, au mois de décembre. Les réunions qui devaient se tenir au début du mois de mai à Genève n'ont pu avoir lieu en raison d'un manque d'avancées sur ce dossier, et nous avons l'intention de nous battre jusqu'au bout !
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Dominique Bussereau, ministre. Deuxièmement, en ce qui concerne l'après 2013, je n'en sais pas plus que vous, monsieur le sénateur !
Nous savons simplement qu'une étape intermédiaire de réflexion débutera en 2009-2010.
Le Président de la République a bien obtenu de Bruxelles, à la fin de l'année dernière, que les financements de la politique européenne soient pérennes en ce qui concerne le premier et le deuxième pilier jusqu'en 2013.
Le Parlement européen vient d'ailleurs de voter l'enveloppe pour le deuxième pilier, ce qui fait que nous connaissons d'ores et déjà la réalité de ce dernier jusqu'en 2013.
Il appartiendra ensuite aux gouvernements qui se succéderont après 2007 de se battre pour qu'en 2013 ne soient pas remis en cause les fondements de la politique agricole commune.
En ce qui concerne les CAD, il est vrai que nous disposons de moins d'argent, et pas simplement d'ailleurs en raison de la régulation budgétaire. En effet, dès l'examen du projet de loi de finances, j'ai malheureusement dû accepter une réduction du nombre de CAD.
Comme vous l'avez indiqué - vous connaissez d'ailleurs merveilleusement bien ces sujets -, nous ne pourrons donc dégager que 100 millions d'euros cette année. Nous avons accordé trois priorités : le maintien des pâturages extensifs fondamentaux, la filière ovine et les contrats d'agriculture biologique.
En 2003, M. Hervé Gaymard, alors ministre de l'agriculture, a créé la prime herbagère agri-environnementale, la PHAE. Les agriculteurs engagés depuis plusieurs années dans des contrats de gestion extensive de système herbager, prime à l'herbe puis contrat territorial d'exploitation peuvent donc souscrire une PHAE à l'issue de leur CTE.
Une enveloppe a également été affectée à l'agriculture biologique.
Cette situation explique la diminution de la dotation pour la région Picardie, et donc pour votre département de l'Oise. Néanmoins, de nouveaux investissements sont envisagés.
Comme il était inscrit en loi de finances, un plan végétal pour l'environnement viendra remplacer cette année les volets « investissements » des CAD. Ce plan sera effectif à partir du second semestre, et nous mobiliserons 14 millions d'euros pour répondre aux objectifs de protection de l'environnement, d'investissements spécifiques, d'acquisition d' « agro-équipements environnementaux ».
Ce plan végétal pour l'environnement, qui avait été annoncé par le Premier ministre à l'automne dernier à Rennes au salon SPACE, le salon des productions animales-Carrefour européen, pourra se mettre en place dans votre département de l'Oise.
Enfin, nous mettrons en oeuvre le règlement de développement rural 2007-2013. En la matière, vous connaissez le choix du Gouvernement : 50 % de crédits déconcentrés, le maintien, dans la part nationale, de l'indemnité compensatoire de handicap naturel, de l'installation des jeunes et de la politique de la forêt.
Là encore, les préfets de région recevront un mandat afin de bâtir le volet déconcentré de la programmation. Une enveloppe suffisante du FEADER, le fonds européen agricole pour le développement rural, sera mise en place, à laquelle s'ajouteront des crédits nationaux. De cette manière, un certain nombre de mesures nouvelles pourront être mises en oeuvre dans votre région.
J'ajoute, monsieur Vasselle - mais vous connaissez mieux que moi la mécanique financière du Sénat -, que si, au moment de l'examen du projet de loi de finances rectificative, nous parvenons à dégager des moyens supplémentaires ou à obtenir des dégels en cours d'année, je les consacrerai en priorité aux CAD. Naturellement, je penserai aux départements qui ont été mal servis, comme celui de l'Oise que vous représentez.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier des éléments de réponse que vous avez bien voulu porter à la connaissance de la Haute Assemblée. Je ne manquerai pas de m'en faire écho auprès de la profession agricole de mon département.
Quelques-unes de ces informations sont de nature à apaiser les inquiétudes. Des mesures de substitution permettront en effet aux agriculteurs qui ne seront plus éligibles au CAD de pouvoir bénéficier du plan végétal pour l'environnement et des mesures agro-environnementales.
J'entends bien que vous attendez du collectif budgétaire la possibilité d'obtenir des crédits supplémentaires pour les CAD qui n'ont pas pu être financés jusqu'à présent.
Toutefois, je souhaite que le collectif budgétaire ainsi que la prochaine loi de finances permettent d'aller au-delà des crédits qui seront mobilisés en faveur du plan végétal pour l'environnement. En effet, 14 millions d'euros pour financer des mesures agro-environnementales pour tous les professionnels agricoles du nord de la Loire, c'est bien peu à côté des 100 millions d'euros réservés au CAD !
J'ai également conscience que votre marge de manoeuvre est très étroite et que vous dépendez totalement de la politique européenne.
J'entends bien également que vous-même et le Président de la République faites preuve de la plus grande fermeté afin de ne pas sacrifier les intérêts de l'agriculture française.
Enfin, je souhaite appeler votre attention sur un point, mais je ne sais pas comment vous pourriez le graver dans le marbre.
Je sais que l'Europe offre la possibilité aux États qui le souhaitent de pouvoir faire passer la modulation de 5 % à 25 %. Or ma grande crainte est que, dans les années à venir, l'un des gouvernements qui succèdera à celui auquel vous appartenez ne soit tenté d'utiliser cette marge de manoeuvre. Il ne faudrait surtout pas que cela se produise, et nous ferons tout pour l'éviter. À défaut, l'agriculture française serait mise à mal et se retrouverait en sérieuse difficulté : non seulement la trésorerie des exploitations serait consommée, mais en plus on commencerait à creuser le trou !
Je sais que vous avez conscience de tout cela, monsieur le ministre. C'est pourquoi je vous remercie de tout faire pour continuer à défendre avec le talent qui est le vôtre l'intérêt de la profession agricole.
Institution d'un fonds de solidarité nationale intervenant lors de certaines procédures de licenciement
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 1011, adressée à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
M. Louis Souvet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les mécanismes de prise en charge des salariés lors des licenciements collectifs sont ce qu'ils sont, à savoir toujours perfectibles. Cependant, ils ont au moins le mérite de permettre le versement des reliquats de salaires, des primes diverses, etc. Encore faut-il que toutes les pièces administratives ad hoc soient fournies. Selon les contextes et les enjeux tant économiques que sociaux du moment, cela n'est pas toujours le cas.
Les salariés en question, avec des dossiers temporairement incomplets - j'insiste sur le terme « temporairement » -, ne peuvent prétendre percevoir ces indemnités en temps utile. Certains licenciements collectifs se déroulent en effet dans des circonstances telles que le strict respect de la procédure ne peut pas toujours être assuré. Il conviendrait donc, à l'instar des accidents de voiture impliquant un conducteur non assuré, de mettre en place un fonds national de solidarité, qui, de façon temporaire, permettrait de verser des avances de trésorerie aux salariés ne pouvant pas apporter provisoirement toutes les pièces nécessaires à l'administration.
Il s'agit non pas d'instituer un énième mécanisme de versement d'allocations chômage, mais de pallier les conséquences financières d'un plan social ne se déroulant pas strictement selon les exigences légales.
Les organismes officiels - l'ANPE, les ASSEDIC - ne peuvent logiquement prendre en compte que des dossiers complets. Or, il existe un risque avéré que, pendant l'instruction des dossiers, les paiements soient différés de quelques mois, avec toutes les conséquences financières que cela induit pour les ménages concernés.
Afin que l'esprit de mon intervention soit bien compris, j'insiste, d'une part, sur le caractère collectif d'une telle situation et, d'autre part, sur l'impossibilité temporaire pour les salariés en question de percevoir des indemnités et des salaires qui sont indiscutables, car ils découlent de règles très précises et encadrées.
Par conséquent, monsieur le ministre, et sans vouloir aucunement remettre en cause les principaux équilibres et les dispositions essentielles de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, entrée en vigueur le 1er janvier 2006 et complétant le décret n° 85-295 du 1er mars 1985 pris pour application de la loi relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, je vous demande si de telles situations bien spécifiques pourraient être prises en compte.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, vous appelez l'attention du Gouvernement sur les difficultés que peuvent rencontrer certains demandeurs d'emploi pour justifier de leurs droits aux allocations chômage et sur la mise en place d'un fonds national de solidarité se substituant temporairement, comme vous l'avez précisé, à l'assurance chômage pour des procédures collectives.
Tout d'abord, il est bon que je rappelle la situation. Ensuite, parce que c'est d'actualité, je tracerai les perspectives ouvertes par la signature de l'accord tripartite entre l'État, l'ANPE et l'UNEDIC, qui a eu lieu le 5 mai dernier et qui jette les bases d'un rapprochement longtemps espéré et que le Gouvernement vient de réussir à accomplir.
En ce qui concerne la situation, je rappelle que, afin de bénéficier du droit aux allocations, le demandeur d'emploi doit remettre à l'ASSEDIC dont il dépend les pièces justificatives permettant le calcul de ses droits, notamment l'attestation prévue à l'article R. 351-5 du code du travail. Selon les termes de ce même article, l'employeur est d'ailleurs tenu de lui délivrer cette attestation au moment de la résiliation, de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail sous peine de sanctions.
À la suite d'un décret du 30 mars 2006 - c'est donc tout à fait récent - modifiant l'article L. 351-5 du code du travail, les employeurs doivent désormais transmettre directement l'attestation aux organismes d'assurance chômage. Cette démarche obligatoire doit permettre de simplifier les démarches du demandeur d'emploi au moment de son inscription et d'accélérer sa prise en charge par le régime d'assurance chômage, lui évitant ainsi le risque de se trouver temporairement sans ressource.
En cas d'impossibilité totale d'obtenir ce document - cela peut effectivement se produire, y compris lors de procédures collectives, et j'ai d'ailleurs un cas de ce type présent à l'esprit -, si l'employeur n'existe plus au moment de la demande d'ouverture des droits, les ASSEDIC peuvent prononcer une ouverture des droits après examen du dossier par une commission paritaire.
Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans le cadre d'une procédure de licenciement, les conditions de prise en charge au titre de l'assurance chômage, notamment celles qui ont trait au délai de versement de l'allocation, peuvent varier sensiblement selon la situation des personnes ayant été licenciées, voire suivant les options qu'elles auraient prises : je pense à cet égard à une convention de reclassement personnalisée, sachant que 50 000 conventions de reclassement personnalisé ont déjà été signées, alors que ce système n'a été mis en place qu'en juin dernier.
Les règles d'assurance chômage prévoient un décalage dans le temps du début de l'indemnisation. Celui-ci doit notamment tenir compte des indemnités versées par l'employeur au titre des congés payés non pris et des indemnités de licenciement dont le montant serait supérieur aux minima légaux en vigueur.
Dans nombre de cas, le versement de l'allocation chômage ne peut intervenir dès le lendemain de la cessation du contrat de travail. Selon le niveau des indemnités qu'aura perçu le salarié, ce décalage peut atteindre plusieurs semaines. Sans pour autant constituer un prétexte pour l'employeur à se décharger de ces obligations, ce décalage peut atténuer les conséquences d'un éventuel retard.
J'en viens aux perspectives que vous tracez, monsieur le sénateur.
Les règles de prise en charge des allocataires par l'assurance chômage, les nouvelles obligations que j'évoquais, qui pèsent sur les employeurs du fait des dispositions prévues par le code du travail, devraient permettre de réduire au maximum les délais de prise en charge des demandeurs d'emploi.
Plus généralement, et nous partageons votre préoccupation, la réduction des délais et la simplification des démarches sont des objectifs importants pour les partenaires sociaux et pour l'État. Il s'agit de réduire au maximum les risques de rupture, non seulement en termes de prise en charge au titre de l'indemnisation, mais aussi au titre de l'accompagnement du demandeur d'emploi dans sa recherche d'emploi.
En ce sens, la signature du 5 mai 2006 - soit vendredi dernier - de la convention entre l'État, l'ANPE et l'UNEDIC relative à la coordination des actions du service public de l'emploi nous paraît constituer une étape importante. Elle permettra de simplifier les démarches des demandeurs d'emploi et d'améliorer l'efficacité de leur accompagnement. Je rappelle les objectifs : un guichet unique, un parcours d'accompagnement différencié, un dossier unique du demandeur d'emploi et un système informatique unique. Ce ne sont donc plus simplement des perspectives, c'est aujourd'hui une réalité !
Une évaluation est prévue au bout d'un an. Le comité de pilotage tripartite examinera si les difficultés que vous avez soulignées ont pu être réduites. Si tel n'était pas le cas, il pourrait être envisagé un dispositif de solidarité en essayant de trouver une formule simple. En effet, comme vous l'avez dit vous-même, s'agissant de procédures par nature complexes et variant suivant la situation du salarié, nous pourrions paradoxalement assister à une complexification au moment d'établir les compensations.
Voilà pourquoi la signature de cette convention tripartie est un moment important. Je sais que la Haute Assemblée la souhaitait depuis longtemps. La commission des affaires sociales, au sein de laquelle vous jouez un rôle important, monsieur Souvet, la demandait. Cette convention tripartite est donc le fruit d'un long travail, qui s'est déroulé dans le dialogue et la concertation.
Il sera également important que la représentation nationale puisse examiner au bout d'une année si, parmi toutes les préoccupations, la vôtre a été prise en compte par le travail réalisé en commun dans le cadre de la convention tripartite.
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.
M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier des précisions que vous venez d'apporter.
Si je vous ai posé cette question, c'est parce que j'ai malheureusement vécu de tels cas, de surcroît avec des employeurs étrangers, ce qui rendait la situation encore plus complexe. Dans ces conditions, je persiste et signe.
Comme vous l'avez proposé, il est nécessaire que, dans un an - peut-être pour un nombre de cas limités, mais qui sont graves -, le Parlement se penche sur l'application de la convention passée entre l'État, l'ANPE et l'UNEDIC. Ainsi, nous aurons l'occasion d'évaluer s'il est nécessaire de créer ou non un fonds national de solidarité.
réglementation du marché du travail
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 1019, adressée à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en janvier dernier, le Sénat a examiné le projet de loi déclaré d'urgence pour le retour à l'emploi et les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.
J'avais approuvé ce texte, mais j'avais également regretté que la démarche ne se situe pas dans le cadre d'une réforme globale tendant à apporter plus de lisibilité. De ce point de vue - c'est une preuve a contrario -, j'avais mentionné l'existence d'une dizaine de contrats, en en omettant sans doute autant, et j'en oublierais encore aujourd'hui si je me hasardais à vouloir tous les citer. J'avais conclu en exprimant le souhait que l'on prenne toujours le temps de dresser le bilan d'une formule existante et de bien clarifier, expliquer et informer en vue d'une meilleure mobilisation en faveur de l'emploi.
Depuis plusieurs mois, le chômage diminue. On ne peut évidemment que s'en réjouir. Ce résultat est lié au retour de la croissance, mais il est également le fruit d'une politique gouvernementale avec des éléments forts, et disant cela, je pense notamment à certains aspects du plan de cohésion sociale.
Dans ce contexte, et même si cela peut paraître paradoxal alors que la situation s'améliore, il serait à mon avis souhaitable - mon collègue M. Bernard Murat m'a d'ailleurs demandé de l'associer à cette démarche - d'y voir plus clair dans ce que d'aucuns ont appelé la « galaxie des contrats », ainsi peut-être que dans les aides aux entreprises.
Ainsi, le Conseil d'État observe que de « nouveaux contrats de travail spéciaux aidés ou dérogatoires sont constamment créés ». De même, le Haut Conseil de la population et de la famille regrette la segmentation par âge et constate que la lourdeur et la complexité des procédures contribuent à créer une instabilité juridique.
Même s'il est exprimé différemment, ce sentiment est d'ailleurs partagé par le MEDEF et le Conseil d'État. Ce dernier relève la complexité croissante du droit, ainsi que l'insécurité juridique qui en découle pour les entreprises, en particulier pour les plus petites d'entre elles.
Je mentionnerai également un autre point de vue, celui du Centre des jeunes dirigeants d'entreprise, dont la présidente déclarait récemment que « trop de contrats tue l'efficacité » ; elle ajoutait ceci : « je défie n'importe quel chef d'entreprise de me citer tous les contrats existants ».
Monsieur le ministre, je n'irai pas jusqu'à poser aujourd'hui la question de savoir, même si c'est le point de vue de quelques personnes autorisées, s'il faudrait mettre en place des contrats spécifiques ou plutôt opérer une réforme générale du contrat à durée indéterminée, le CDI.
Mais n'y aurait-il pas lieu - c'est là ma question - que le Gouvernement et l'ensemble des acteurs concernés envisagent une réflexion sur le sujet précis d'une simplification destinée à apporter plus de clarté dans cette galaxie des contrats ? Au demeurant, n'est-ce pas déjà une démarche de ce type qui a abouti à la proposition de loi sur l'accès des jeunes à la vie active en entreprise ? Ce sont en effet trois contrats précisément ciblés.
À cet égard, je citerai l'invitation faite par le Gouvernement aux employeurs : « Simplifiez-vous l'embauche ! Des outils adaptés pour un recrutement plus facile ».
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, vous avez mentionné le projet de loi pour le retour à l'emploi et les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux. Vous avez également évoqué la situation de l'emploi et les 200 000 chômeurs de moins.
Permettez-moi d'aborder la question de l'apprentissage. Dans le cadre de la journée de l'Europe, je recevais ce matin des apprentis, dont certains sont engagés dans le programme Leonardo. Celui-ci nous permettra d'élargir les échanges avec d'autres pays européens, échanges qui concernent seulement 2 % de nos apprentis aujourd'hui. L'objectif du Gouvernement est de multiplier ce nombre par quatre pour donner plus d'ouvertures à ces jeunes.
C'est d'ailleurs l'un des éléments des contrats d'objectifs et de moyens que nous avons signés avec toutes les régions métropolitaines. Sur les trois premiers mois de l'année, le nombre des contrats de professionnalisation signés a progressé de 30 %. Cela fait partie d'un certain nombre de signes tout à fait encourageants.
Mais j'en reviens au nombre de contrats. Je vais me hasarder à vous donner un chiffre, monsieur le sénateur. Il y a une vingtaine de contrats ou, du moins, dix-sept familles différentes de contrats. Je parle bien de contrats de travail, et non de dispositifs que l'on qualifie abusivement de contrats, mais qui, en tant que tels, ne recouvrent pas tel ou tel point soit législatif, soit réglementaire, soit issu d'accords conventionnels. Tout cela entraîne un certain manque de lisibilité du fait de la segmentation, à laquelle s'ajoutent des recoupements partiels.
Afin de contribuer à la mise en oeuvre d'une politique d'égalité des chances, vous vous demandez s'il ne serait pas opportun d'organiser une table ronde rassemblant les pouvoirs publics et les partenaires sociaux en vue d'une nécessaire simplification.
Il est exact que le code du travail est devenu difficile d'accès et peu lisible. Un certain nombre de contrats ont été créés depuis de longues années pour répondre à des situations diverses en vue de favoriser le retour à l'emploi, notamment des personnes en difficulté.
La démarche qui a conduit à la création d'une vingtaine de types de contrats avait pour objet d'essayer de lutter contre le chômage et de faciliter le retour à l'emploi.
Ces contrats sont parfois mal connus et participent d'une certaine complexité. Or, tous les acteurs concernés, qu'ils soient salariés, employeurs, organisations professionnelles ou syndicales et corps de contrôle, doivent pouvoir appliquer l'ensemble des dispositifs existants, et ce avec une totale sécurité juridique.
Voilà pourquoi nous avons souhaité engager le chantier de la recodification du droit du travail d'abord à droits constants. La mise en cohérence qui en résultera facilitera la compréhension des différents contrats existants. C'est un aspect de l'effort de simplification du droit mené par le Gouvernement.
En fait, l'adaptation du droit des contrats de travail est un mouvement permanent. Cela doit permettre de favoriser la rencontre de l'offre et de la demande sur le marché du travail, qui a lui-même évolué.
Monsieur le sénateur, vous nous suggérez l'organisation d'une table ronde. M. le Premier ministre l'a souhaitée devant la commission nationale de la négociation collective le 12 décembre dernier.
L'équilibre semble pouvoir être amélioré. Voilà quelques semaines, le MEDEF a adressé un courrier à l'ensemble des organisations syndicales afin de les inviter à faire le point sur de nouveaux sujets de discussion, notamment pour réfléchir sur l'ensemble des situations de précarité et de flexibilité. J'ai naturellement rencontré les partenaires sociaux depuis l'envoi de ce courrier. Des rencontres entre ces derniers doivent se dérouler d'ici à la fin du mois de mai et au cours du mois de juin.
Des sujets comme la sécurisation des parcours professionnels et la rupture négociée pourraient être abordés en liaison avec les partenaires sociaux et dans le respect du dialogue entre ces derniers. Le Gouvernement suivra avec attention ces dossiers.
Nous avons récemment eu un débat national sur le contrat de travail. Nous avons rencontré des difficultés, mais un certain nombre d'idées ont fait leur chemin. Les partenaires sociaux sont, je crois, en train de se saisir de l'idée d'une nécessité de nous adapter aux réalités du marché du travail tout en sécurisant les parcours et en luttant contre la précarité. Il y a là des terrains nouveaux. Nul doute que le dialogue social permettra de les enrichir dans les semaines à venir. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement est extrêmement attentif à ces questions, tout comme il sera attentif - vous aurez bientôt à connaître ce sujet - à l'avancement de la recodification du droit du travail à droits constants, recodification que nous souhaitons voir aboutir avant la fin de cette année.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, je vous remercie de la teneur de votre propos, qui me donne satisfaction sur le fond.
Certes, j'ai bien conscience que la création de multiples contrats avait pour objet de répondre à des situations précises, chaque contrat correspondant à une réalité donnée. Il n'empêche que le résultat en est bien la situation que j'ai décrite. Vous en convenez d'ailleurs, monsieur le ministre, si j'ai bien compris.
Puisque vous avez évoqué l'apprentissage, permettez-moi de faire une brève parenthèse. J'avais prévu de poser une question orale avec débat sur ce sujet, mais je crois que je vais y renoncer, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, nombre d'actions sont déjà menées. Ensuite, j'ai sous les yeux un document relatif aux journées de l'apprentissage, au cours desquelles nombre de choses ont été dites. Toujours est-il que je resterai très vigilant sur ce sujet, qui constitue un aspect de la politique gouvernementale et sociale auquel je tiens beaucoup.
Monsieur le ministre, ce n'est pas à vous que j'apprendrai la qualité et la nécessité du dialogue. De ce point de vue-là, je vous remercie de votre action. En l'occurrence, le dialogue que je souhaitais est entamé. J'espère que, entre autres résultats, nous parviendrons à ce que j'appelle encore de mes voeux, à savoir la clarté nécessaire pour parvenir à la situation souhaitée par tous.
conditions d'exercice de la compétence « route » transférée aux départements
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 995, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question est certes de nature technique, mais elle est importante s'agissant des transferts de compétence.
Dans le cadre de l'application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, je souhaite vous interroger sur la mise en oeuvre du transfert aux conseils généraux des moyens mis à leur disposition au titre de la compétence des routes départementales et des moyens correspondant au transfert des routes nationales d'intérêt local.
En effet, s'agissant des moyens en personnel, les éléments qui sont aujourd'hui notifiés aux présidents des conseils généraux font apparaître, d'une part, le nombre d'agents calculé en équivalent temps plein nécessaire à l'exercice des compétences et, d'autre part, l'effectif transféré, qui est limité au nombre entier d'agents calculé dans chaque catégorie de personnel.
Dans le département de la Vienne, que j'ai l'honneur de présider, le calcul effectué au titre des activités dites « supports » fait apparaître que deux agents et demi devraient être transférés, alors qu'un seul le sera.
Ainsi, l'État, dans une période où il doit rechercher des économies et la meilleure gestion possible de ses moyens en personnel, ne transfère pas aux départements les moyens nécessaires à l'exercice de leurs compétences, et les effectifs non transférés donnent lieu à une compensation financière.
Par conséquent, monsieur le ministre, je vous remercie de bien vouloir, d'une part, me confirmer que les départements recevront effectivement, pour exercer leurs compétences, les moyens nécessaires tels qu'ils ont été définis par les calculs conduits en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et, d'autre part, m'indiquer si le transfert aux départements d'un nombre d'agents arrondi selon des modalités négociées ou en fonction d'une masse salariale équivalente peut être envisagé.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord vous rassurer sur le fait que les départements se verront bien transférer au titre de la compétence « route » les moyens équivalents à ceux que l'État consacrait avant transfert, comme le prévoit la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Le dimensionnement des moyens humains a effectivement constitué la question la plus difficile. Nous avons d'ailleurs déjà eu l'occasion d'en débattre, monsieur le sénateur. En effet, après la définition du réseau transféré et du réseau maintenu sous responsabilité d'État, la question la plus difficile a été celle des effectifs humains, et donc du transfert à prévoir en ce domaine.
Le principe retenu, s'agissant des moyens humains, est celui d'une discussion entre le conseil général et les services de l'équipement, sous l'égide du préfet.
Ces moyens se décomposent en deux volets.
Le premier volet comprend les emplois en nombre entier sur lesquels des agents pourront se positionner. Ce point est très important. Le processus se déroulera en effet en deux phases : tout d'abord, le nombre d'emplois transférés sera défini ; ensuite, le personnel pourra se porter candidat soit aux emplois transférés, soit aux emplois maintenus.
Le second volet comprend les fractions d'emplois qui seront compensées financièrement, conformément à la loi.
Ces fractions peuvent effectivement donner lieu à des discussions. À cet égard, monsieur le sénateur, vous avez cité l'exemple précis d'une catégorie de personnels de la Vienne. Il faut en effet veiller à ce que l'enveloppe financière correspondant aux fractions d'emplois ne soit pas utilisée comme marge de manoeuvre, en vue de faciliter les choses.
J'ai donc demandé aux directeurs de l'équipement et aux préfets, dans leurs discussions avec les conseils généraux, de privilégier le premier volet, c'est-à-dire les emplois entiers ; ces derniers correspondent en effet à des personnels qui sont en poste, qui connaissent le métier, ont de l'expérience, et sont donc susceptibles, s'ils le souhaitent, d'entrer dans les organigrammes proposés par les conseils généraux. L'enveloppe financière doit donc être limitée au minimum incontournable.
Par ailleurs, vous indiquez, monsieur le sénateur, que l'État est maintenant parvenu à un accord avec la très grande majorité des départements. C'est d'ailleurs le cas avec votre propre département.
Toutefois, un certain nombre de départements restent en désaccord avec les services du ministère. Dans ces cas-là, les arrêtés de mise à disposition ne seront pris qu'après avis motivé de la Commission nationale de conciliation, comme le prévoit la loi du 13 août 2004.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Je vous remercie, monsieur le ministre, des explications que vous avez données. Je suis heureux que, dans ce domaine, les emplois entiers soient privilégiés.
Circulation des ambulances sur les voies réservées aux bus et taxis à Paris
M. le président. La parole est à M. Roger Madec, auteur de la question n° 993, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. Roger Madec. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés croissantes rencontrées à Paris par les ambulanciers dans l'accomplissement de leur mission.
En effet, au terme de la réglementation, le droit d'utiliser les voies réservées renvoie à deux logiques distinctes, le transport de voyageurs, d'une part, et le transport d'urgence, d'autre part.
Ainsi, l'article L. 2213-3 du code général des collectivités territoriales précise que des voies de circulation peuvent être réservées aux transports publics de voyageurs et aux taxis. La notion d'urgence relève, quant à elle, du code de la route, qui définit à l'article R.311-1 les catégories de véhicules d'intérêt général prioritaires et de véhicules d'intérêt général bénéficiant de facilités de passage.
En pratique, le recours aux couloirs d'autobus est exceptionnellement possible pour les ambulanciers, qui sont considérés comme des véhicules d'intérêt général, alors qu'il est permis aux taxis.
Cette distorsion dans le traitement des patients tend à accroître l'activité des unités mobiles hospitalières, mais aussi celle des pompiers de Paris. En outre, elle entraîne, de fait, une concurrence déloyale entre les compagnies d'ambulances privées et les taxis parisiens. On dénombre, à Paris et dans sa petite couronne, quelque cinq cents ambulances. L'autorisation de circuler dans les couloirs de bus et de taxis ne me paraît donc pas de nature à favoriser un usage abusif des voies réservées.
Enfin, je tiens à rappeler que, au cours du mois de juillet 2005, quatre caméras automatiques ont été installées dans les couloirs de bus. Cette mesure a engendré une multitude de contraventions à l'encontre des ambulanciers parisiens. Les compagnies d'ambulances, selon leurs estimations, ont cumulé plus de 1 million d'euros d'amendes.
Ces difficultés mettent l'activité des ambulanciers parisiens en danger.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que, pour répondre à l'inquiétude de ces professionnels, vous procédiez à une modification de la réglementation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé l'état actuel du droit, qui peut effectivement donner lieu à un certain nombre de confusions.
Aujourd'hui, les services mobiles d'urgence et de réanimation rattachés à un SAMU sont prioritaires.
S'agissant des véhicules de transport sanitaire, plus particulièrement les véhicules sanitaires légers, les VSL, il y a effectivement une différence de traitement. Les ambulances sont considérées comme des véhicules d'intérêt général bénéficiant de facilités de passage, les VSL étant, quant à eux, considérés comme des véhicules normaux.
Une différence existe également entre Paris et les autres villes.
À Paris, aux termes de l'ordonnance préfectorale du 15 septembre 1971, les ambulances ont accès aux couloirs d'autobus, mais uniquement lorsqu'elles interviennent en urgence. Cela pose, j'en conviens, une difficulté d'interprétation : dans quels cas la situation est-elle urgente ? Dans quels cas l'est-elle moins ?
Dans les autres villes au contraire, aucun texte n'autorise les ambulances à emprunter les couloirs réservés, alors que cette facilité est offerte, comme vous l'avez rappelé, aux autobus et aux taxis.
Il faut en effet sortir de cette situation. Je suis donc tout à fait favorable à ce qu'une réflexion s'engage sur l'ouverture des voies réservées, dans des conditions restant à déterminer, non seulement aux ambulances, mais également à l'ensemble des véhicules de transport sanitaire, y compris les VSL.
Le plus simple serait de procéder à une modification de l'article L. 2213-3 du code général des collectivités territoriales afin d'ajouter les véhicules de transport sanitaire à la liste des véhicules dont les maires peuvent faciliter la circulation dans les voies réservées. Un véhicule législatif doit être trouvé pour modifier cet article, en lien étroit avec le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, mais je pense que nous devrions y parvenir.
En ce qui me concerne, je suis tout à fait prêt à aller dans cette direction. La situation actuelle n'est en effet pas satisfaisante, car elle n'est pas conforme au bon sens.
M. le président. La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Je me félicite de notre convergence de vue, monsieur le ministre. Il faut en effet mettre fin à ce dysfonctionnement.
Avenir du port de Dieppe
M. le président. La parole est à Mme Sandrine Hurel, auteur de la question n° 1016, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Mme Sandrine Hurel. Monsieur le ministre, Dieppe, ville maritime et touristique située entre Rouen et Le Havre, a en partie bâti son économie autour de quatre activités portuaires : le Transmanche, lien économique entre la France et la Grande-Bretagne ; la pêche, Dieppe étant le premier port pour la coquille Saint-Jacques ; la plaisance, qui constitue un vecteur économique et touristique important ; enfin, le port de commerce, qui génère plus de 2 000 emplois directs et indirects.
Or, depuis des années, le Gouvernement a laissé à l'abandon le port de Dieppe, qui est pourtant un port d'intérêt national.
Récemment, le Gouvernement, par la voix de son représentant, le préfet de région, a annoncé sa décision de ne pas financer un certain nombre de projets liés à la rénovation du port de Dieppe et au désenclavement de notre territoire, notamment l'achèvement de la route nationale 27, restée dans le giron de l'État, ces projets étant pourtant inscrits dans le contrat de plan État-région signé en 2000.
Sur la forme, je ne peux que regretter la méthode consistant à faire connaître par voie de presse les intentions du Gouvernement, en ignorant totalement les élus locaux concernés.
Sur le fond, au moment même où la vocation portuaire de Dieppe est réaffirmée avec force par le département et la région, il n'est pas acceptable que le Gouvernement réduise à néant le travail entrepris depuis des mois par tous les acteurs économiques et politiques.
En ne respectant pas le contrat de plan État-région, le Gouvernement compromet concrètement la nécessaire remise à niveau des équipements portuaires. Il compromet également le transfert du port de Dieppe, qui doit intervenir le 1er janvier 2007, conformément à la loi du 13 août 2004, et, en premier lieu, la négociation avec la région Haute-Normandie.
Six mois après avoir fait acte de candidature à la reprise du port de Dieppe, la région ne dispose toujours pas de l'ensemble des informations administratives, techniques et financières lui permettant d'appréhender l'état du port et de réfléchir ainsi en toute connaissance de cause à sa stratégie de développement future.
Je pense en particulier au devenir de la concession et de la dette contractée par l'actuel concessionnaire, à savoir la chambre de commerce et d'industrie de Dieppe, à la liste des personnels concernés par ce transfert, à la délimitation des limites administratives du port, mais aussi et surtout - c'est le plus important - au montant des dotations financières transférables à la région.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir clarifier la situation à cet égard. Il s'agit en effet de questions capitales pour la collectivité qui assumera la compétence du port et vitales pour l'avenir économique de la région dieppoise.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Madame la sénatrice, je sais comme vous combien la situation du port de Dieppe est préoccupante, alors que le principal importateur, filiale du groupe Sea-invest, vient d'indiquer qu'il arrêtait toutes ses escales commerciales.
Je sais que la chambre de commerce et d'industrie s'emploie à trouver de nouvelles perspectives de développement. Je suis d'ailleurs actuellement en discussion avec sa présidente et le bureau de la chambre, que je dois recevoir de nouveau dans les prochains jours.
Pour l'heure, cette situation a conduit à la liquidation de la société de manutention et au licenciement des quarante-sept dockers du port. J'ai demandé, dès le mois de février dernier, au préfet de région d'engager avec l'opérateur et les collectivités partenaires du port des discussions pour trouver le meilleur dispositif possible afin d'atténuer les conséquences de cette situation pour les personnels. Je souhaite que, comme cela a été le cas récemment pour Brest, des réponses puissent être trouvées à un tel sinistre.
La situation de la concession portuaire, qui est difficile, fait l'objet d'une attention toute particulière de la part de mes services et de moi-même, ainsi que de la part des autres services de l'État concernés et de la chambre de commerce et d'industrie de Dieppe.
Le préfet discute également du transfert de ce port avec la région Haute-Normandie, dans le cadre de la loi du 13 août 2004. Des décisions difficiles doivent être prises.
Vous avez rappelé l'essentiel des problèmes qui se posent : que va-t-il en effet se passer concernant les engagements financiers, les dettes ? Où en sont les discussions entre le concessionnaire actuel et la structure porteuse de demain ? Ces discussions n'ont pas abouti pour l'instant, mais il est effectivement indispensable de les accélérer.
Vous avez également évoqué, madame la sénatrice, les projets inscrits dans le contrat de plan État-région. Il est vrai que les difficultés du port n'ont pas permis de suivre le déroulement prévu.
Toutefois, plusieurs opérations inscrites dans ce plan doivent être réalisées cette année, le niveau d'engagement de l'État pour 2006 s'élevant à près de 500 000 euros : les études nécessaires à la restauration des quais seront menées ; les travaux du quai de la Marne seront lancés. Les études préalables à la remise en état du système de manoeuvre du pont Jean Ango seront également réalisées.
Quant aux crédits de paiement, prévus à hauteur de 840 000 euros cette année, ils permettront, avec l'accord de la région, la restauration des portes du bassin de pêche.
Je peux donc vous assurer que cette question retient toute l'attention de l'État et que celui-ci se mobilise afin de trouver la meilleure issue possible à la situation actuelle.
Vous avez également évoqué la desserte routière du port de Dieppe, la section de la RN 27 située entre Manéhouville et Dieppe, qui constitue le dernier maillon de la liaison vers Rouen et doit être aménagée en deux fois deux voies. Cet itinéraire a été maintenu, vous l'avez dit, dans le réseau routier national. Cette liaison, très importante pour l'État, est d'intérêt national.
La concertation conduite avec l'ensemble des collectivités locales et des acteurs socio-économiques concernés a permis d'arrêter un tracé en 2005. Le projet est déclaré d'utilité publique depuis le mois de novembre dernier. Nous poursuivons les études de détail nécessaires. Les travaux pourront être engagés sur cette voie de desserte en 2007, grâce aux crédits inscrits dans l'actuel contrat de plan État-région, comme cela avait été prévu.
M. le président. La parole est à Mme Sandrine Hurel.
Mme Sandrine Hurel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes ces précisions, qui laissent penser que vous êtes effectivement attentif à l'avenir du port de Dieppe.
Vous comprendrez, bien sûr, que les élus, les acteurs économiques et sociaux, ainsi que les habitants de la région de Dieppe soient inquiets. L'activité du port est en effet importante pour l'économie dieppoise.
Permettez-moi d'ajouter une précision s'agissant des discussions qui sont engagées avec le préfet sur le licenciement des dockers. Le département et la région ont fait des propositions financières ; nous attendons maintenant l'accord des personnels, dont il faut régler la situation, pour finaliser ce dossier.
J'espère, monsieur le ministre, que nous aurons, dans un avenir proche, l'occasion de nous réjouir d'une issue positive. J'espère aussi que nous pourrons avancer avec vos services concernant le transfert du port de Dieppe, car la région est prête à donner à ce dernier une nouvelle dynamique et à investir en ce sens. Pour cela, vous l'avez compris, nous avons besoin de disposer de toutes les informations le concernant et, surtout, de moyens financiers.
réforme de la filière d'enseignement des sciences et techniques de laboratoire
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 1014, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le ministre, je souhaiterais vivement que vous nous apportiez des précisions sur le projet de réforme des baccalauréats de la série technologique « sciences et technologies de laboratoire » dans les lycées professionnels. Ce matin, je me fais le porte-parole d'une certaine catégorie de professeurs, les enseignants des sciences et techniques de laboratoire, qui sont inquiets face au projet de rénovation des enseignements dispensés au sein de cette filière.
Trop souvent délaissé, pour ne pas dire méprisé, au profit de l'enseignement dit « classique », l'enseignement technique présente pourtant un certain nombre d'avantages puisqu'il propose aux élèves un véritable choix entre différentes matières. En effet, jusqu'à maintenant, les lycéens ayant opté pour ce type d'enseignement pouvaient choisir entre les trois options « physique », « chimie » ou « biologie-génie biologique », qui correspondent à des domaines technologiques bien différenciés.
Grâce à cette faculté de choix, les lycéens peuvent exercer leurs talents notamment au cours des différentes séances de travaux pratiques effectuées en laboratoire sous la conduite de leurs enseignants respectifs. Ces séances devaient permettre à certains élèves de se révéler dans telle ou telle matière, de trouver ainsi leur voie et leur motivation pour préparer et pour passer avec succès un baccalauréat scientifique.
Ces mêmes élèves, souvent issus de milieux sociaux défavorisés, n'auraient peut-être pas pu atteindre cet objectif en suivant une filière classique qui les aurait conduits à l'échec.
Chaque filière, qui débouche sur une offre riche en matière d'enseignement supérieur, permet aux titulaires du baccalauréat de poursuivre soit en BTS, soit en DUT ou, pour les meilleurs d'entre eux, en section de classes préparatoires aux grandes écoles.
Il suffit de consulter les statistiques d'insertion professionnelle de ces jeunes dans les différents emplois de technicien, de technicien supérieur, d'ingénieur pour constater leur réussite professionnelle.
Vous en conviendrez, monsieur le ministre, la qualité des baccalauréats technologiques n'est plus à démontrer. Cette force repose sur la construction de la réussite des élèves à partir d'une pédagogie fondée sur la motivation des jeunes dans un domaine technologique donné associée à un enseignement technologique lourd. Face à un succès aussi encourageant, pourquoi envisager une réforme d'un système qui fonctionne et qui a fait ses preuves ?
Vous comprendrez donc l'inquiétude des enseignants des lycées techniques face à ce projet de fusion des enseignements qui risque de conduire à un ensemble informe et incohérent, annulant de facto la performance pédagogique et scientifique de ces sections.
Au moment où la jeunesse de notre pays est inquiète et attend des réponses fortes quant à son avenir, il me paraît essentiel, monsieur le ministre, de revoir ce projet de réforme des baccalauréats de la série technologique « sciences et technologies de laboratoire », en fonction des objectifs de réussite scolaire et professionnelle des lycéens et en privilégiant le dialogue et la concertation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, je répondrai à la place de M. de Robien, qui ne peut être présent au Sénat ce matin.
Monsieur Madrelle, la rénovation de la voie technologique a pour objet de permettre à un plus grand nombre de lycéens suivant ce type d'enseignement d'accéder, s'ils le souhaitent, à l'enseignement supérieur. L'objectif consistant à faire en sorte que l'enseignement supérieur soit accessible, quelles que soient les filières suivies dans l'enseignement secondaire, est largement partagé.
M. de Robien tient à rappeler qu'il a rénové la série « sciences et technologies tertiaires », dorénavant dénommée « sciences et technologies de la gestion ».
Au cours des derniers mois, les services de l'éducation nationale ont étudié plusieurs hypothèses pour adapter les enseignements des autres séries à l'évolution technologique.
Ces travaux préparatoires ont permis de lancer, au cours du mois dernier, la consultation des enseignants sur les nouveaux programmes proposés pour la série « sciences médico-sociales » qui seront mis en application à la rentrée 2007 en classe de première.
S'agissant de la série « sciences et technologies de laboratoire », dont relèvent les spécialités « physique », « chimie » et « biochimie-génie biologie », je tiens à vous informer que sa rénovation n'a fait l'objet que de réflexions préparatoires. À ce stade - il est important de le souligner -, aucune décision n'a été prise quant à la fusion de ces matières.
J'ajoute qu'il n'a pas été envisagé de remettre en cause l'importance des travaux pratiques en laboratoire. Bien au contraire, les réflexions en cours préconisent de valoriser leur importance dans le cadre d'un projet technologique interdisciplinaire. Ce point vous tient à coeur, monsieur le sénateur, et il est vrai que de nombreux jeunes peuvent se découvrir un goût, une aptitude pour un métier à travers ces travaux pratiques.
Monsieur le sénateur, soyez donc assuré que, lorsque le ministère de l'éducation nationale arrêtera la rénovation de la série « sciences et technologies de laboratoire », comme cela a été fait récemment pour la série « sciences et technologies de la gestion » et le sera très prochainement pour la série « sciences médico-sociales », mon collègue en charge de ce dossier sera très attentif à l'objectif que vous avez rappelé, à savoir que cette réforme permette une bonne insertion professionnelle des jeunes.
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J'ose espérer que la situation va s'arranger, car il n'est pas possible de laisser disparaître des formations grâce auxquelles de nombreux jeunes peuvent exercer des métiers scientifiques en conformité avec leurs aptitudes et leurs motivations.
compétence commerciale du tribunal de grande instance de saint-pierre
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 1015, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Anne-Marie Payet. Dans un courrier en date du 12 janvier 2006, j'ai appelé l'attention de M. le garde des sceaux sur la question de la compétence commerciale du tribunal de grande instance de Saint-Pierre. M. Clément m'a répondu le 16 mars, ce dont je le remercie. Cependant, je regrette que sa réponse n'apporte d'éléments positifs que sur un aspect partiel de la question, deux problèmes ayant été entremêlés.
S'agissant de la compétence pour connaître des procédures collectives concernant les personnes qui ne sont ni artisans ni commerçants, le décret du 27 janvier 2006 rectifie en effet les dispositions du décret du 30 décembre 2005. Cette rectification concerne non seulement la Réunion mais également quatre-vingt-un tribunaux de grande instance de France métropolitaine.
Je tiens à souligner que ces procédures, peu nombreuses, représentent une fraction modeste de l'activité en matière de procédures collectives. L'essentiel de l'activité concerne, bien évidemment, les commerçants et artisans, et la réponse de M. le garde des sceaux ne fournit aucune précision sur ce sujet.
Pour un commerçant de Cilaos, de Saint-Joseph ou de Saint-Philippe, ou de toute autre commune du Sud, il est donc toujours obligatoire de s'adresser au tribunal de Saint-Denis, avec tous les inconvénients liés à l'éloignement et aux difficultés de transport que connaît notre département et qu'a pu constater récemment, lors d'une mission, M. le président Fischer.
L'actualité récente illustre de façon dramatique les inconvénients majeurs que crée une telle situation. Ainsi, les intempéries du mois de mars ont souligné la vulnérabilité de notre réseau routier et le danger qui en résulte pour la sécurité et la vie des personnes ; la fermeture totale de la route du littoral pendant plus d'un mois après l'éboulement du 24 mars en est un autre exemple. Enfin, l'épidémie de chikungunya a placé nombre d'entreprises dans une situation économique extrêmement précaire, ce qui laisse présager une hausse brutale du nombre de procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire.
Le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis éprouve déjà de sérieuses difficultés à absorber les affaires en provenance du Sud. Dans le contexte actuel, cette situation ne peut que se dégrader au détriment des entreprises commerciales et artisanales de l'ensemble du département.
J'ajoute que les juridictions de l'outre-mer font l'objet d'un traitement différent que celui qui est réservé aux juridictions situées sur le territoire métropolitain. En effet, les DOM-TOM sont les seuls ressorts dans lesquels un seul tribunal a compétence pour tout le département, alors qu'il en existe plusieurs. Dans les départements métropolitains possédant plusieurs tribunaux de commerce, ces derniers ont tous conservé leur compétence. Tel est le cas du département du Calvados dans lequel coexistent cinq tribunaux de commerce. Les nouvelles procédures collectives qu'ont eu à traiter les tribunaux de Bayeux, Lisieux et Honfleur s'élèvent respectivement à cinquante et une, soixante et onze et quatre-vingt-douze en 2004. Ces tribunaux ont conservé leur compétence alors que leur activité est nettement inférieure au tribunal de Saint-Pierre, lequel a connu deux cents procédures nouvelles en 2004 et deux cent soixante-dix en 2005.
Je ne pense pas que les difficultés de transport, notamment, soient les mêmes que celles que connaît la Réunion et puissent justifier ce traitement inégalitaire.
En conséquence, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir me faire connaître les mesures que vous envisagez de mettre en oeuvre afin de remédier à cette situation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre. Madame la sénatrice, comme vous le savez, le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer que je suis se trouvait voilà quelques jours à la Réunion. Une fois de plus, j'ai pu constater la nécessité de sécuriser les relations routières notamment entre le nord et le sud de l'île.
Tout en conservant ce fait à l'esprit, je vous répondrai en lieu et place de M. Pascal Clément, qui ne peut être présent au Sénat ce matin.
Vous avez raison de souligner que le décret du 20 février 2006 ne règle effectivement qu'une petite partie de la question que vous avez soulevée. Ainsi, le tribunal de grande instance de Saint-Pierre sera compétent pour ce qui concerne les procédures intéressant les personnes qui ne sont ni commerçants ni artisans.
Je vais maintenant vous annoncer une bonne nouvelle : M. le garde des sceaux va transmettre dans les meilleurs délais au Conseil d'État un projet de décret, actuellement soumis pour avis au ministère de l'outre-mer, attribuant compétence pour les procédures collectives concernant les commerçants et les artisans à la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saint-Pierre. Le problème sera ainsi réglé.
Ce décret devrait donc permettre aux communes du sud de la Réunion de voir leurs dossiers administratifs ou judiciaires traités dans cette partie de l'île, ce qui permettrait de répondre à votre attente, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui confirme ce que j'ai appris voilà quelques jours par voie de presse, dans Le Journal de l'Île. J'aurais préféré, je l'avoue, que la primeur de l'information me soit réservée. J'ai néanmoins maintenu ma question orale afin qu'une confirmation officielle me soit apportée.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Michèle André.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Volontariat associatif et engagement éducatif
Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif (n° 163, 192).
Je rappelle que nous avons commencé la deuxième lecture de ce texte le mercredi 22 février.
Rappels au règlement
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, mon rappel au règlement porte sur l'organisation générale de nos travaux.
Nous nous souvenons tous qu'un soir, il y a déjà quelque temps, alors que nous discutions calmement de ce texte relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, dont - je le rappelle - l'examen avait déjà été interrompu, tout d'un coup, sans préavis, nous avons appris que la discussion devait impérativement s'arrêter. Elle fut suspendue alors même que nous aurions pu la continuer dans la nuit, mais il ne fallait surtout pas que des mauvaises conditions fussent créées qui pussent porter atteinte au déroulement de la discussion du divin CPE.
Toutes affaires cessantes, il nous a donc fallu tout arrêter pour discuter de cette disposition tellement urgente, tellement attendue par la population de ce pays, tellement espérée par la jeunesse, le CPE ! Chacun sait la façon dont tout cela s'est terminé...
Monsieur le ministre, vous portez un certain nombre de coups, d'atteintes à la belle idée du volontariat.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Voilà autre chose !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout d'abord, en effet, vous présentez un texte - nous avons eu l'occasion de le dire lors des débats précédents et nous y reviendrons - qui est très minimaliste : pour ce qui est des moyens accordés aux associations, de la formation des bénévoles, d'un certain nombre de garanties relatives au code du travail, nous considérons que ce texte n'a pas l'envergure que devrait appeler une action réellement déterminée en faveur du volontariat. Une telle action, de très nombreux parlementaires la réclament ; ils ont signé en ce sens un appel lancé par le journal La Vie, qui a une autre ambition que celle qui a présidé à la rédaction de ce projet de loi.
Je tiens ensuite à rappeler que, si le CPE est mort et enterré, il reste, dans ce texte funeste qui l'instaurait, un chapitre sur le volontariat qui avait pour objet, avions-nous dit alors, de faire passer la pilule du CPE.
Je résume la situation : nous voici devant un texte relatif au volontariat qui est minimaliste, qui ne traduit pas la forte ambition à laquelle nous aspirons, dont la discussion s'est arrêtée, a repris, s'est arrêtée à nouveau pour laisser toute la place, toute l'avenue, un boulevard au CPE, lequel était accompagné, en codicille, de nouvelles dispositions destinées à faire passer la pilule du CPE et dont nous nous demandons bien pourquoi elles ne figurent pas dans le présent texte. Tout cela est bien décevant !
En fait, nous avons le sentiment que le volontariat sert de bouche-trou : quand il ne faut pas parler d'autre chose, on parle du volontariat. Le développer n'est pas pour vous une véritable ambition. Nous en avions déjà eu la démonstration lors de la discussion du texte sur le volontariat de solidarité internationale. Depuis le vote de ce texte, des associations qui envoient des volontaires à l'étranger se rendent compte qu'elles ont moins de moyens qu'avant.
Nous voulons autre chose, car nous avons une autre vision du volontariat.
Mme la présidente. Monsieur Sueur, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Mon intervention ira dans le même sens que celle de notre collègue Sueur.
Après une interruption de deux mois et demi, nous reprenons nos travaux sur le projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif. Chacun admettra qu'il ne s'agit pas là de conditions optimales pour accomplir un travail législatif sérieux.
Avant l'interruption de nos travaux, M. le rapporteur et M. le ministre nous expliquaient que ce texte était d'une importance telle qu'il devait s'appliquer sans tarder. C'était une question de jours ! Le débat devait donc être rapide et écourté, pour se terminer par un vote conforme. Pourtant, nos travaux ont été interrompus le 22 février dernier, alors que nous avions encore la possibilité de les achever.
La preuve a donc été ainsi faite qu'il n'y avait pas d'urgence à adopter ce texte !
Dans ces conditions, je vous demande, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, de nous rendre la possibilité d'amender ce texte, afin de tenter d'en améliorer le contenu. Renoncez à obtenir dès cette lecture un vote conforme !
J'espère que cette interruption, que nous n'avons pas souhaitée, aura été pour tous l'occasion d'une nouvelle réflexion sur ce texte, que les valeurs portées par le mouvement social contre le CPE et le projet de loi relatif à l'égalité des chances nous éclaireront aujourd'hui et que, par-delà nos fortes divergences, mes chers collègues de la majorité, nous aurons l'occasion de nous faire entendre : c'est l'intérêt général qui doit primer, mais ce ne sera pas possible si vous vous obstinez à refuser la pensée des autres.
Notre faible représentation dans cet hémicycle ne peut vous empêcher de faire aboutir vos projets, nous le savons, mais ne vous contentez pas de permettre à l'opposition de s'exprimer, sachez aussi l'écouter ! Les amendements que nous présentons, comme ceux de nos amis socialistes et Verts, voire de certains membres de votre tendance politique, sont importants. Sachez donc écouter nos arguments et votez en conscience sur ces amendements ! Il doit vous être possible de vous interroger sur quelques-uns d'entre eux : voter pour équivaudrait-il, pour vous, à renier vos convictions ? Ne serait-ce pas plutôt accepter un avis justifié ou une idée à laquelle vous n'aviez pas pensé ?
Les lois, une fois adoptées, s'appliquent ; aussi, elles ne doivent pas remettre en cause les conditions de vie de nos concitoyens, mais, au contraire, les améliorer. Dès lors, permettez que, durant nos travaux, se noue un véritable débat démocratique !
Monsieur le ministre, compte tenu de la situation sociale actuelle, sachez reconnaître que nos diverses propositions d'encadrement des contrats de volontariat ne les remettent pas en cause ! Elles expriment l'inquiétude sociale qui s'est fortement exprimée ces dernières semaines. En refusant nos amendements, vous renforcerez donc nos craintes et, finalement, les justifierez.
Les points de vue que nous exposons sont bien plus que de simples convictions personnelles plus ou moins bien formulées ici ; ce sont ceux d'une grande partie de l'opinion publique. Même si nous sommes minoritaires en cette enceinte, les idées que nous portons sont, bien souvent, majoritaires dans notre peuple, vous le savez ! En conséquence, nous souhaitons que vous nous entendiez et que vous nous écoutiez.
Mme la présidente. Monsieur Voguet, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 6.
Article 6
Dans le cadre du projet associatif de l'organisme d'accueil, le contrat de volontariat mentionne les modalités d'exécution de la collaboration entre l'organisme agréé et la personne volontaire, et notamment la détermination ou le mode de détermination du lieu et du temps de sa collaboration ainsi que la nature ou le mode de détermination des tâches qu'il accomplit.
Le contrat de volontariat est conclu pour une durée maximale de deux ans. La durée cumulée des missions accomplies par une personne volontaire pour le compte d'une ou plusieurs associations ou fondations ne peut excéder trois ans.
Le volontaire mobilisé pour une période d'au moins six mois bénéficie d'un congé de deux jours non chômés par mois de mission. Pendant la durée de ces congés, la personne volontaire perçoit la totalité de l'indemnité mentionnée à l'article 7.
L'organisme agréé assure à la personne volontaire une phase de préparation aux missions qui lui sont confiées.
Il peut être mis fin de façon anticipée à un contrat de volontariat en cas de force majeure, de faute grave d'une des parties, et dans tous les autres cas moyennant un préavis d'au moins un mois.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 28, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
La convention de volontariat mentionne les modalités de la collaboration entre l'organisme agréé et la personne volontaire notamment le temps de l'activité quotidien et hebdomadaire, les temps de repos et de congés, le lieu ou le mode de détermination du lieu d'activité, la nature des tâches réservées au volontaire.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Au cours de la première lecture, vous vous êtes chaque fois opposé, monsieur le ministre, à ce que la loi encadre les règles qui seront mises en oeuvre dans ce nouveau type de contrat. Vous nous avez même accusés de vouloir tout régenter en refusant de faire confiance aux parties en présence.
Nous restons persuadés qu'il s'agit là de la liberté du renard dans le poulailler ou, si vous le voulez, du principe de la règle du plus fort qui s'applique !
Le plus fort ne sera certainement pas le candidat volontaire. Nous savons que, lors de la deuxième lecture, vous n'accepterez pas ce que vous avez refusé lors de la première. Cependant, j'ose espérer que vous ne refuserez pas que, si les modalités de la collaboration restent librement fixées entre les parties, la loi s'assure que les conditions de cette collaboration soient réellement fixées dans le contrat et que celle-ci soit donc clairement définie.
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, après le mot :
mentionne
insérer les mots :
l'objet de la mission de la personne volontaire et les engagements réciproques de la personne volontaire et de l'organisme agréé,
La parole est à M. David Assouline
M. David Assouline. Je tiens à dire, en préambule, que je souscris aux interventions de mes collègues, qui ont bien décrit le contexte dans lequel nous reprenons ce débat.
Monsieur le ministre, beaucoup de choses se sont produites depuis deux mois et demi, et nous ne pouvons pas faire comme si rien ne s'était passé. Alors que, prenant prétexte de l'urgence qu'il y avait à faire adopter ce texte, vous repoussiez tout ce qui pouvait être contraire, voire simplement différent de ce qui avait été voté à l'Assemblée nationale et pouvait donc empêcher un vote conforme, aujourd'hui, après la forte mobilisation contre le CPE, la situation vous impose de tenir compte des attentes de la population, notamment des jeunes, en matière sociale et de ses interrogations par rapport à tout ce qui est précarité.
Nos amendements tendent à préciser le droit, les statuts, à encadrer, à permettre qu'il y ait le moins d'incertitude possible relativement au volontariat. Nous vous demandons de faire preuve d'ouverture d'esprit à l'égard de ceux qui vont être examinés à partir de maintenant.
J'en viens à l'amendement n° 5, qui vise à imposer des précisions supplémentaires dans le contenu du contrat de volontariat.
Le premier élément à intégrer dans le contrat de volontariat est, en effet, l'objet de la mission, avant même de détailler la détermination des tâches qui en relèvent.
C'est à travers l'objet de la mission que peuvent ensuite, d'un commun accord, être définis le lieu, les modalités et le temps nécessaire à la collaboration. C'est aussi à ce moment que sera fixé le montant de l'indemnisation.
Par ailleurs, il nous paraît nécessaire de rééquilibrer la rédaction de l'article 6, qui, sous sa forme actuelle, ne prend pas suffisamment en compte la nécessité de clarifier les engagements réciproques de la personne volontaire.
Il ne suffit pas de définir les tâches et les contraintes du volontaire. Il faut aussi prévoir les obligations de l'association à son endroit. Ainsi, il n'est pas suffisant de préciser les diverses modalités d'exécution de la collaboration : il faut aussi indiquer quels moyens sont mis à la disposition du volontaire afin que celui-ci puisse remplir sa mission.
Il faut par exemple indiquer, en cas d'obligation de déplacement, implicitement contenue dans le projet de loi, quelles facilités seront accordées à la personne volontaire. Si tel n'était pas le cas, on ne pourrait savoir à la charge de qui imputer les frais engagés : à l'association ou au volontaire.
Ces précisions ont également pour objectif de prévenir les futurs contentieux et de faciliter le contrôle du juge. C'est en effet à ce dernier et à lui seul que reviendra la résolution des inévitables conflits.
Ne l'oublions pas : le volontaire n'est représenté par personne. Ne faisant pas partie des effectifs salariés de l'association, il n'est pas représenté par les délégués du personnel et ne bénéficie pas de la protection de l'inspection du travail. Il sera donc seul pour apprécier la conduite à tenir lors de la signature du contrat mais aussi par la suite, au cas où sa situation n'évoluerait pas favorablement.
Nous devons donc veiller à ce que les clauses du contrat soient rédigées de la façon la plus claire possible, car chaque volontaire doit pouvoir signer en connaissance de cause.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur de la commission des affaires culturelles. L'amendement n° 28 aurait pour conséquence d'alourdir considérablement la procédure applicable, au détriment de la mise en oeuvre concrète du dispositif. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 5, qui avait déjà été déposé en première lecture et rejeté par le Sénat, est redondant par rapport à la rédaction actuelle de l'article 6. Le dispositif proposé précise en effet que le contrat de volontariat doit mentionner la nature des tâches accomplies par le volontaire. Les engagements réciproques de la personne volontaire et de l'organisme agréé sont par ailleurs définis dans les dispositions mêmes du projet de loi : les énumérer à nouveau dans le contrat serait fastidieux et inutile.
L'avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Nous reprenons aujourd'hui ce débat là où nous l'avions laissé il y a quelques semaines, et je constate une fois de plus, monsieur Assouline, que nos conceptions de l'engagement volontaire sont totalement différentes.
En effet, lorsqu'un volontaire s'engage volontairement dans un projet d'intérêt général, il le fait en toute connaissance de cause, dans une association qui, non seulement, est capable de l'accueillir, mais qui également met en place toutes les conditions susceptibles de permettre à cet engagement volontaire de se passer au mieux et d'être productif.
Monsieur le sénateur, avec cet amendement, vous prenez en quelque sorte les choses à l'envers. Vous considérez que l'association qui va employer ce volontaire cherchera immédiatement à l'exploiter. Pour ma part, je fais davantage confiance aux associations, aux bénévoles et à leur volonté de servir notre pays sous cette forme. C'est là l'esprit du volontariat.
Monsieur Sueur, vous avez évoqué la question du service civique obligatoire en faisant référence à deux séries d'articles parus dans l'hebdomadaire La Vie.
M. Jean-Pierre Sueur. À l'appel signé par de très nombreux parlementaires !
M. Jean-François Lamour, ministre. C'est un problème : faut-il ou non instaurer un service civique obligatoire ? Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce service concernerait 800 000 garçons et filles. Pour sa durée, on a évoqué des périodes de quinze jours, alors qu'une durée de six mois au moins serait nécessaire. Rendez-vous donc compte des difficultés que poserait l'organisation d'un tel service obligatoire pour 800 000 jeunes !
Je pense, en ce qui me concerne, qu'il vaut mieux promouvoir le volontariat, en favorisant la mise en place de missions intéressantes à la fois pour les associations, le public concerné et les volontaires eux-mêmes, que d'obliger 800 000 jeunes à effectuer un service civique obligatoire.
M. Jean-Pierre Sueur. Je rappelle que 350 parlementaires ont signé cet appel !
M. Jean-François Lamour, ministre. Si tel est votre objectif, je vous souhaite bon courage, monsieur le sénateur !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. À travers les réponses de M. le rapporteur et de M. le ministre, on peut savoir quel ton sera donné à cette discussion : au lieu de faire preuve d'ouverture d'esprit, on nous oppose le caractère prétendument redondant d'un des amendements et l'arrière-pensée de suspicion à l'égard du mouvement associatif dont serait entaché l'autre.
Voyons, monsieur le ministre ! C'est vous, comme nous le verrons ultérieurement, qui semez le doute sur le mouvement associatif en instaurant, à travers des articles essentiels de ce projet de loi, un contrôle des associations.
Il y aura, certes, un contrat entre le volontaire et l'association dont il dépend et nous savons que, globalement, le mouvement associatif jouera le jeu. Mais nous savons aussi que, dans la situation économique et sociale actuelle, il arrive que de fortes pressions s'exercent, y compris sur les associations, pour régler les problèmes de l'emploi. Dans ce contexte, les volontaires peuvent devenir une variable d'ajustement pour des associations en proie à de grandes difficultés et peu regardantes sur les principes, qui pourraient utiliser ce texte pour résoudre leurs problèmes.
Il ne s'agit pas pour nous de jeter une quelconque suspicion sur l'ensemble du mouvement associatif mais de lui rendre service : en effet, celui-ci sera d'autant plus fort qu'il ne sera pas terni par certaines pratiques douteuses.
Monsieur le ministre, vous considérez qu'il est inutile d'inscrire noir sur blanc les garanties dont devrait bénéficier le volontaire au motif qu'elles iraient de soi, et ce malgré la situation actuelle de précarité que connaît la jeunesse de notre pays, mais cet argument n'est pas recevable, d'autant que les volontaires ne peuvent bénéficier de l'assistance des délégués du personnel ou des inspecteurs du travail.
Que la loi prévoie de faire figurer dans le contrat qui les lie à une association les garanties dont les volontaires pourront bénéficier et sur lesquelles ils pourront s'appuyer est le minimum que nous pouvions vous demander. Votre ouverture d'esprit n'est pas suffisante pour que vous l'acceptiez ; nous en tiendrons compte !
M. Jean-François Humbert. Des menaces !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.
M. Jean-François Voguet. Nous ne pouvons laisser dire que nous ne connaissons pas le monde associatif ou que nous en avons une vision déformée.
Dans la ville dont je suis maire, 500 associations travaillent dans des secteurs qui touchent aux divers aspects de la vie, et nous avons des rapports quotidiens avec ce monde associatif.
Chacun s'accorde à dire que le mouvement associatif joue un rôle important dans la vie de la nation et des collectivités locales, assumant parfois des missions de service public, notamment dans le secteur de l'aide à la personne. Dans ces conditions, dire qu'il est juste et judicieux d'accorder davantage de garanties aux volontaires ne me semble pas relever d'une conception étrange du monde associatif. Il s'agit simplement de protéger le mieux possible le jeune volontaire ; c'est tout ce que nous demandons.
Vous refusez ces amendements : cela ne me semble pas de bon augure pour la suite de la discussion ; en tout cas, ce n'est l'intérêt ni du monde associatif ni des jeunes concernés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Ces amendements ont pour finalité de changer le sens fondamental de l'association, qui est un travail d'équipe à partir du don de soi de volontaires.
On veut donner une force sociale au volontariat, sans pour autant faire appel aux termes de « syndicats » ou de « représentants du personnel », car ceux-ci n'entrent pas dans ce cadre. Mais le rôle de l'association est de préparer les personnes à donner, à partager, à apporter quelque chose de plus à la société, ce qui est une vertu fondamentale. Il est de permettre aux volontaires, dès le plus jeune âge, de développer leur sens des responsabilités et du civisme.
Pour ma part, je ne souhaite pas que l'on dénature cette réserve de générosité très forte que canalisent les nombreuses associations qui oeuvrent en Haïti ou en Afrique du Sud en apportant le savoir-faire français, car elle est l'image de la France à l'étranger.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
La durée quotidienne d'activité de la personne volontaire ne peut excéder huit heures et la durée hebdomadaire trente-cinq heures. La durée minimale du repos quotidien ne peut être inférieure à douze heures consécutives. L'accomplissement de la mission ne peut être réalisé entre 22 heures et 6 heures du matin. L'organisme agréé est tenu de laisser à celles de ces personnes qui suivent une formation le temps et la liberté nécessaires.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Il ne s'agit pas de faire représenter les volontaires par les syndicats. Relisez le texte de notre amendement, madame Michaux-Chevry !
C'est justement parce que le statut de volontaire n'est pas un statut de salarié que nous souhaitons compenser cette absence de protection juridique importante en faisant figurer dans la loi un minimum de garanties concernant les missions des volontaires et la façon dont elles s'exercent. Ceux qui ont suivi ce débat depuis le début savent de quoi je parle : les autres feraient bien de lire les amendements. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Compte tenu des nombreuses garanties dont le volontaire associatif est privé, le statut de ce dernier n'est pas totalement assimilable à celui de salarié. En d'autres circonstances, nous aurions pu mettre l'accent sur la précarité de ce statut, mais la généralisation de la précarité à laquelle nous assistons actuellement ne constitue plus le caractère principal de ce statut.
Le volontaire bénéficie même d'un contrat qui n'est plus inférieur, du point de vue de la précarité, au contrat nouvelles embauches ou au contrat première embauche - il en était ainsi en tout cas avant que celui-ci ne soit supprimé - puisque le terme de son contrat est fixé à l'avance et qu'il ne peut y être mis fin de manière anticipée, sauf en cas de force majeure ou de faute grave. Dans tous les autres cas, un préavis d'un mois est prévu. Nous notons avec intérêt que cette durée est supérieure, si l'on peut dire, à celle du préavis de rupture de ce qu'aurait pu être un CPE de moins de six mois, qui n'était que de quinze jours. Voilà qui donne à penser sur la valeur que vous accordiez au CPE !
Je formulerai une autre remarque portant sur l'indemnité perçue par le volontaire. Celle-ci est si modique qu'il n'est pas envisageable de faire travailler le volontaire au-delà des horaires légaux. Il faudrait alors parler d'exploitation, mais nous ne pouvons imaginer une seconde que tel soit votre objectif, monsieur le ministre, et encore moins celui des associations.
Il est donc indispensable d'établir des garde-fous. Ainsi, le volontaire ne doit pas être astreint à effectuer plus de huit heures de présence par jour et plus de 35 heures par semaine, puisqu'il ne bénéficie pas de la législation sur les heures supplémentaires, même si celles-ci peuvent aujourd'hui n'être rémunérées qu'à 10 % au-dessus du taux horaire dans certains cas.
Ensuite, le volontaire ne doit pas disposer de moins de douze heures de repos consécutives par jour et ne doit pas être astreint à effectuer un travail de nuit entre 22 heures et 6 heures du matin.
Enfin, l'organisme agréé doit avoir l'obligation de laisser au volontaire qui suit une formation le temps et la liberté nécessaires pour mener celle-ci à bien.
Ce sont des rappels très simples. En effet, si le volontaire n'est pas un salarié, il n'en a pas moins besoin, comme tous les êtres humains qui travaillent - et le volontariat, c'est du temps donné -, que son activité soit encadrée au maximum, pour qu'elle ne s'accomplisse pas dans des conditions déplorables qui seraient néfastes au volontariat. Le jour où le volontariat sera une forme détournée de l'emploi précaire, dans laquelle tous les acquis et toutes les relations établis dans notre code du travail seront détruits, il représentera un danger.
C'est dans cet objectif, et uniquement dans celui-ci, que je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. En première lecture, les auteurs de cet amendement avaient proposé de fixer au volontariat une durée annuelle maximale de 1 600 heures. Cet amendement avait été rejeté par le Sénat, au nom de l'exigence de souplesse du dispositif.
L'amendement déposé rigidifie de nouveau le statut du volontaire en imposant notamment des plafonds d'heures journalières et hebdomadaires. Il convient de rappeler que le projet de loi relatif au volontariat associatif vise à assouplir le dispositif de la loi du 4 mars 2000, dont l'échec est dû en partie à sa trop grande rigidité. Faisons donc confiance aux associations, dont le but n'est pas d'exploiter les volontaires !
De plus, comme vous le savez, monsieur Assouline, à l'initiative de la commission des affaires culturelles, le volontaire dispose désormais d'un congé de deux jours chaque mois, à l'issue de l'accomplissement d'une mission de volontariat de six mois.
Pour toutes ces raisons, l'avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Il est identique à celui de la commission.
Je précise que c'est justement pour éviter, si besoin était, des dérives que l'agrément de l'État n'est pas délivré une fois pour toutes : les associations doivent le demander pour chaque projet impliquant un engagement volontaire. Il est évident que l'État vérifiera, en fonction des dispositions prises pour accompagner le volontaire dans sa démarche, qu'il s'agit non pas, comme vous semblez le craindre, monsieur Assouline, d'une exploitation mais bien d'un partenariat.
Mme Michaux-Chevry a bien compris le sens de cette notion d'engagement volontaire. (M. David Assouline sourit.) Il est un peu triste de vous voir sourire, monsieur Assouline : Mme Michaux-Chevry, sénatrice de la Guadeloupe, est tout autant que vous au fait des réalités de l'engagement volontaire, et c'est bien le principe de partenariat qui lie l'association et le volontaire, comme il lie d'ailleurs l'association et le bénévole, et qui fait la richesse de l'engagement volontaire, et non pas toute une série de procédures, de réglementations, de contraintes et de carcans qui, comme le disait très justement M. le rapporteur, n'apportent rien.
L'agrément délivré par l'État permettra justement de cadrer cette activité et pourra, si nécessaire, être remis en cause si nous nous apercevions qu'une association se comportait mal à l'égard d'un volontaire.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, vous n'avez pas été jusqu'à dire que, si un projet ne prévoyait pas les garanties - sur le travail de nuit, le nombre d'heures par jour et par semaine - que notre amendement vise à préciser, vous ne l'agréeriez pas. C'est, avez-vous dit ce que vous feriez si une association « se comportait mal », mais vous ne précisez pas ce qu'est un comportement « correct ». Or nous, nous avons entendu le message qui vous a été adressé pendant deux mois par des millions de jeunes et qui va à l'encontre de tout ce que vous n'avez cessé de répéter, et que vous venez de répéter là encore, à savoir que les excès de réglementation empêcheraient les recrutements et, en l'occurrence, les recrutements de volontaires.
Nous considérons que vous avez tort. Parce que les jeunes sont confrontés à une situation sociale d'extrême difficulté et de précarité, pour lutter contre les abus que vous dites vouloir éviter, nous voulons, nous, que la loi impose un cadre, non seulement aux associations, mais aussi aux volontaires, afin que ceux-ci puissent s'appuyer sur elle s'ils doivent faire valoir leur droit.
C'est l'objet de cet amendement, comme celui des autres amendements que nous présenterons.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, après les mots :
est conclu pour
insérer les mots :
une durée minimale de trois mois et
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous souhaitons établir une distinction avec le bénévolat et, surtout, éviter une trop grande précarisation du statut de volontaire.
Alors que nous en sommes au stade de la création de ce dispositif, il est difficile, vous en conviendrez, monsieur le ministre, de déterminer avec précision quelle durée minimale est la plus opportune.
Nous avons tendance à penser qu'une durée de trois mois permet à la fois qu'une mission soit remplie, mais sans que la personne volontaire soit retenue dans un dispositif ou l'exécution de tâches qui ne lui conviendraient pas.
Cette remarque se justifie d'autant plus si l'on considère, comme Mme le rapporteur pour avis, que le volontariat doit être une occupation à temps plein.
Nous préférons donc cette période de trois mois, qui peut s'apparenter à une période probatoire ou d'essai, notamment dans le cas de missions difficiles ou demandant une grande technicité. À l'issue de ce délai, soit le contrat pourrait être renouvelé, soit la personne pourrait, en accord avec l'organisme, mettre fin à son engagement.
Mme la présidente. L'amendement n° 29, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du deuxième alinéa de cet article par les mots :
et ne peut être inférieur à trois mois
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Lors des différentes auditions que nous avons menées, les principales associations se déclarant prêtent à s'ouvrir à ce nouveau type de contrat nous ont fait part de leur avis sur la durée de ce type de convention.
Il leur paraissait difficile d'envisager un vrai programme d'intervention volontaire pour une période de moins de trois mois.
C'est la première raison qui motive notre amendement.
Par ailleurs, il s'agit aussi d'éviter que certains volontaires ne se voient offrir qu'une succession de contrats de moins de trois mois par divers organismes agréés.
En effet, si de telles situations se présentaient, le volontaire dont l'activité s'échelonnerait pourtant sur plusieurs mois ne pourrait être pris en charge par le fonds mentionné au quatrième alinéa de l'article 8 pour couvrir son risque vieillesse.
La volonté du législateur d'assurer la couverture de ce risque serait ainsi finalement détournée.
C'est aussi pour éviter ce problème que nous vous proposons, mes chers collègues, de voter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Tout d'abord, je veux faire remarquer à M. Assouline qu'il n'y a pas de rapporteur pour avis en deuxième lecture.
Ensuite, en proposant de fixer une durée minimale au volontariat, les auteurs de l'amendement n° 7 vont à l'encontre de l'esprit du texte, qui repose sur la liberté des parties au contrat de volontariat.
Ce point a été très largement débattu lors de l'examen du projet de loi en première lecture et les sénateurs s'étaient ralliés à cette position. L'Assemblée nationale et les députés ont fait de même.
Par ailleurs, en prévoyant que le fonds de solidarité vieillesse ne contribue à la prise en charge des cotisations des volontaires qu'après l'accomplissement des trois mois de volontariat, le dispositif prévoit d'ores et déjà des garde-fous contre le risque de voir se développer des volontariats de quelques semaines.
En conséquence, la commission est défavorable à l'amendement n° 7, ainsi qu'à l'amendement n° 29.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission.
Monsieur Voguet, vous avez, je le sais, consulté de très nombreuses associations mais peut-être pas la Croix-Rouge, association qui, elle, souhaite une certaine souplesse dans l'engagement volontaire. En effet, certaines missions humanitaires d'extrême urgence peuvent nécessiter l'engagement immédiat à temps plein de volontaires tout en étant limitées dans le temps et ne durant pas plus d'un mois et demi ou deux mois, en tout cas pas plus de trois mois.
Une certaine souplesse me paraît donc nécessaire pour que le volontariat s'adresse également à ce type d'associations ou de structures et permette à de futurs volontaires d'exprimer leur envie de s'engager au service des autres au travers d'un projet de volontariat pour une durée éventuellement inférieure à trois mois.
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
La durée annuelle consacrée par la personne volontaire à l'accomplissement de sa mission ne peut excéder 1 600 heures.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement a pour but de faire en sorte que la personne qui s'engagerait pour ce que l'on n'ose appeler un travail à temps plein ne puisse se voir contrainte d'y consacrer plus de 1 600 heures par an. Cette durée correspond à celle d'un temps plein, moins, évidemment, le lundi de Pentecôte...
Certes, l'engagement associatif suppose une certaine souplesse dans l'organisation des tâches à accomplir. C'est pourquoi nous proposons que la durée maximale consacrée à sa mission par la personne volontaire soit calculée annuellement et non pas de façon hebdomadaire, ce qui serait vite incompatible avec la réalité.
Toutefois, il nous paraît nécessaire de fixer une borne au dévouement qui sera exigé ou décidé par le volontaire. On peut en effet se trouver devant deux situations : soit une contrainte exercée par pression des responsables de l'organisme sur la personne ; soit une sorte d'autocontrainte, par laquelle la personne négligerait sa santé et la nécessité de disposer de loisirs et de repos par souci d'exécuter à fond son engagement.
À ce stade, il revient au législateur de protéger le volontaire, y compris contre lui-même, et cela d'autant plus qu'il ne bénéficie pas de la protection liée au statut de salarié et qu'il ne perçoit qu'une faible indemnité.
Le risque d'exploitation, même s'il est déplaisant à envisager et s'il ne correspond pas à l'éthique de l'immense majorité des associations, est réel.
Nous proposons donc, en ajoutant cette clause de durée annuelle, que la personne volontaire ne puisse dépasser une durée de travail équivalant à un temps plein et ne puisse se voir imposer ou s'imposer à elle-même des heures supplémentaires au détriment de sa santé et sans une indemnisation correcte.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Déjà présenté en première lecture et rejeté par le Sénat, cet amendement a été de nouveau défendu à l'Assemblée nationale, où il a été repoussé par les députés.
Outre les rigidités déjà évoquées, il engendre un risque de confusion, 1 600 heures annuelles correspondant à un temps plein, alors que nous sommes dans le cadre du volontariat et non dans celui du salariat.
L'avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
L'organisme agréé prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des personnes volontaires. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques, d'information et de formation ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés, ainsi que, le cas échéant, l'adaptation de ces mesures.
Lorsque la personne volontaire a un motif raisonnable de penser qu'elle est dans une situation présentant un danger grave et imminent pour sa vie, elle bénéficie d'un droit de retrait sans qu'aucune mesure, notamment de caractère pécuniaire, puisse être prise par l'organisme agréé à son encontre.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement répond à la même préoccupation que les précédents, mais concerne lui le champ de la protection en matière d'intégrité physique et mentale.
On ne saurait imaginer que les personnes agissent totalement à leurs risques et périls non plus qu'imaginer que l'organisme agréé soit totalement exonéré de toute forme de responsabilité en matière de prévention. Il convient donc de prévoir que les règles minimales d'hygiène et de sécurité bénéficient aux volontaires.
Il n'est pas possible de parler ici d'accidents du travail et de maladies professionnelles stricto sensu, mais le projet de loi prévoit le versement de cotisations à ce titre par l'organisme agréé. Nous nous situons donc pleinement dans la logique de cette disposition en prévoyant que l'organisme doit assurer un minimum de prévention en matière d'hygiène et de sécurité : il s'agit de clarifier une ambiguïté.
Nous proposons donc d'inscrire dans le texte que l'organisme doit prendre, comme pour les salariés qu'il rémunère, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et pour protéger la santé physique et mentale des volontaires.
Il s'agit de mesures techniques de prévention, mais aussi de l'information et de la formation sur les questions que le volontaire rencontrera inévitablement dans l'exécution de sa mission. Cet aspect de la formation devrait d'ailleurs être intégré à la formation adaptée que l'organisme doit assurer au volontaire.
Par ailleurs, nous complétons cet amendement par l'application du droit de retrait lorsque le volontaire a un motif raisonnable de penser qu'il est en péril. Cette disposition est évidemment adaptée du droit du travail et vise à protéger le volontaire qui aurait jugé nécessaire d'agir ainsi de toute forme de mesure de rétorsion à son encontre.
Avec ces deux alinéas, nous nous situons véritablement au minimum de la protection due à toute personne qui met ses compétences, son énergie et son temps au service d'une organisation.
Nous ne sommes pas dans l'incantation et le discours, ce que j'illustrerai par deux exemples concrets, et il ne s'agit ni d'initiation à l'escalade ou de promenade dans les cimes des arbres.
Ainsi, l'aide à la rénovation d'un local modeste peut être l'occasion d'intervenir sur une toiture ou de l'éliminer. Or, combien de toitures, notamment dans les locaux sportifs, sont encore en fibrociment ? Nous savons maintenant que de nouvelles contaminations par l'amiante sont occasionnées par quelques fibres inhalées seulement : un coup de perceuse ou de scie mécanique malencontreux suffit.
Il est du devoir du législateur de prévoir l'obligation pour l'association de prévenir le risque et de protéger le volontaire.
Autre pratique, la rénovation des canoës en fibre de verre avec des résines et des solvants comporte des risques d'inhalation hautement toxique. Il est indispensable de prévoir l'obligation d'agir en plein air et de porter un masque, et c'est à l'association d'assurer son respect.
Je ne doute pas que les responsables d'association soient avertis et bien intentionnés ; vous ne doutez pas vous-mêmes que les chefs d'entreprise le sont tout autant, et la protection des salariés est pourtant prévue dans la loi. Prévoyons les mêmes précautions pour les volontaires associatifs !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Calqué sur le statut du stagiaire étudiant, cet amendement, repoussé par le Sénat et par l'Assemblée nationale en première lecture, vise à prévoir au profit du volontaire la mise en oeuvre d'un certain nombre de mesures de sécurité.
D'une part, les contraintes qu'il impliquerait pour l'association d'accueil sont irréalistes : actions de prévention des risques, d'information et de formation et mise en place d'une organisation adaptée.
D'autre part, précisément parce que le volontaire ne se trouve pas dans un lien de subordination juridique par rapport à l'organisme d'accueil, il est susceptible de se soustraire de lui-même à des situations de danger sans encourir de sanction.
La précision qu'il est proposé d'ajouter est par conséquent inutile et l'avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Préalablement à l'agrément sera analysée par les services de l'État la capacité de l'organisme à créer autour du volontaire une équipe d'autres volontaires plus ou moins formés en fonction des compétences qu'ils auront pu acquérir précédemment et, surtout, - et c'est cela qui va nécessiter un examen précis de la part des services de l'État - qui sera le chef d'équipe, qui organisera la mission du volontaire. C'est après cette analyse très précise et particulièrement poussée que sera délivré ou non l'agrément, madame la sénatrice.
Que cela plaise ou non à M. Assouline, l'agrément sera délivré pour un projet, et non pas une fois pour toutes à l'association support, ce qui permettra d'éviter un certain nombre de dérives, un coût trop important pour les associations, comme le rappelait tout à l'heure M. le rapporteur, et garantira la souplesse nécessaire.
Allez donc rendre visite à ces associations qui font du volontariat dans des conditions difficiles - vous l'avez certainement déjà fait, je n'en doute pas -, vous vous rendrez compte de la qualité de l'encadrement. Il en est une que je cite toujours en exemple à cet égard et qui le mérite bien : c'est Unis-Cités. C'est sur cette base de qualité que nous allons rédiger les principes qui présideront à l'octroi ou non de l'agrément aux associations supports.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa de cet article, supprimer les mots :
mobilisé pour une période d'au moins six mois
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement vise à supprimer la condition de six mois de volontariat requise pour qu'une personne puisse bénéficier de deux jours non chômés par mois de mission.
Le code du travail, dans une disposition que vous n'avez pas encore songé à supprimer, l'article L.223-2, précise en effet : « Le travailleur qui, au cours de l'année de référence, justifie avoir été occupé chez le même employeur pendant un temps équivalant à un minimum d'un mois de travail effectif, a droit à un congé dont la durée est déterminée à raison de deux jours et demi ouvrables par mois. ».
On comprend mal pourquoi, alors que le volontaire ne bénéficie pas des mêmes garanties que les salariés, alors qu'il n'a droit qu'à une faible indemnité, vous proposez, de surcroît, de ne lui ouvrir le droit à congé que s'il effectue une mission de six mois au moins.
Là encore, vous instituez un particularisme qui place le volontaire en dessous du minimum légal, ce qui ne laisse pas d'être inquiétant.
Je veux vraiment insister sur cet aspect. Nous ne voulons pas que le volontariat soit un autre salariat, bien au contraire. Mais ce que le législateur a fait figurer dans les textes, ce n'est pas ce qui concerne le salarié en tant que tel, c'est ce qui est supportable par l'être humain en général. Nous sommes ici dans le domaine du droit à congé : peu importe qu'il s'agisse d'un volontaire, d'une entreprise, d'une association. Le code du travail a déterminé qu'il fallait au salarié deux jours et demi ouvrables par mois pour recharger ses batteries, être à nouveau disponible et le plus performant possible. La différence que vous instituez en matière de droit à congé est difficilement justifiable par le fait qu'il s'agit d'un volontaire.
Certes, mes chers collègues, par cet amendement très limité nous vous demandons de revenir sur ce qui a été adopté et au Sénat et à l'Assemblée nationale. Mais deux mois et demi de réflexion et un peu d'ouverture d'esprit vous permettront peut-être de modifier votre point de vue.
Mme la présidente. L'amendement n° 30, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa de cet article, supprimer les mots :
pour une période d'au moins six mois
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Malgré le refus du Sénat en première lecture, nous souhaitons, par cet amendement, insister sur la nécessité de créer les conditions d'un droit au repos réparateur pour les volontaires.
Pourquoi refuser que ceux-ci disposent, comme les salariés, de deux jours de congés par mois d'activité ?
Déjà, vous refusez que la loi prévoie un nombre d'heures quotidiennes et hebdomadaires et un repos par semaine, sans aucune justification.
Tout ce que vous avez su nous dire, c'est que vous ne vouliez pas contraindre les organismes agréés à prévoir une organisation de l'activité de leur volontaire dans un cadre trop réglementé.
Tout de même, il ne nous semble pas excessif, mais de bonne logique, que la loi contraigne les organismes à octroyer des congés dès le premier mois de volontariat.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 10 pour les mêmes raisons que pour l'amendement précédent visant à fixer un seuil de trois mois obligatoire au volontariat.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 30, qui tend à élargir le bénéfice du congé de deux jours de repos mensuel sans attendre l'accomplissement de six mois de volontariat. L'exercice de six mois de volontariat obligatoire nous paraît une condition nécessaire, et non excessive, pour accorder des jours de repos au volontaire. Celui-ci peut à tout moment arrêter sa mission s'il s'estime fatigué ou s'il trouve les conditions de son volontariat inacceptables.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
La nature, les modalités et le temps dévolus à cette formation adaptée sont mentionnés dans le contrat de volontariat.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. La manière dont est rédigé cet alinéa relatif à la formation que l'organisme doit assurer à la personne volontaire afin qu'elle soit en mesure d'assurer sa mission laisse beaucoup de choses dans l'ombre.
Dans quelles conditions cette formation sera-t-elle assurée ? Par qui ? De quelles garanties dispose-t-on quant à la compétence des formateurs ? Quels financements seront mobilisés ? La formation sera-t-elle assurée par l'association ou un organisme extérieur ?
Aucun de ces éléments n'est aujourd'hui connu. Il est bien évident qu'il ne peut y avoir en la matière de règle uniforme. La variété des secteurs couverts par le champ associatif est en effet considérable, et les types d'activités susceptibles d'être accomplies dans le cadre de missions à peu près infinis. Il nous faut également tenir compte avec réalisme des moyens des associations.
Néanmoins, un minimum de garanties doit entourer la manière dont cette formation sera assurée. Le candidat au volontariat doit être mis en mesure de constater si cette formation lui paraît sérieuse et suffisante ou non.
C'est pourquoi nous proposons que la nature, les modalités et le temps dévolus à cette formation soient précisés dans le contrat de travail.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Cet amendement parle d'une « formation adaptée. » Je rappelle, dans un premier temps, qu'il ne s'agit pas d'une formation, mais d'une phase de préparation. Sur le fond, pour les mêmes raisons qui ont conduit le Sénat à repousser cet amendement en première lecture, la commission est défavorable.
De surcroît, cette disposition, trop contraignante, pourrait dissuader certaines petites associations d'avoir recours au volontariat, alors même que les volontaires se forment au fur et à mesure de l'accomplissement de leur mission.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote sur l'article 6.
M. Patrice Gélard. Je tiens à faire remarquer que la quasi-totalité des amendements déposés sur cet article ont déjà été discutés et repoussés en première lecture, tant ici qu'à l'Assemblée nationale.
Ce type de comportement, qui consiste systématiquement à représenter des amendements préalablement repoussés, n'est pas une bonne chose. Cela justifie pleinement que le Gouvernement, sur presque tous les textes, soit amené à demander l'urgence pour éviter de voir se reproduire ce genre de chose. Il est de notre intérêt à tous d'éviter de telles pratiques, d'éviter de recommencer les mêmes débats en représentant les mêmes arguments sur des textes dont nous avons déjà discuté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'article 6.
M. David Assouline. Monsieur Gélard, vous avez peut-être raison sur un plan général, mais, en l'occurrence, nous sommes dans une situation particulière.
La discussion en première lecture remonte à de nombreux mois. Quand ce texte est venu en deuxième lecture, il y a deux mois et demi, nous avons eu le temps d'aller jusqu'à l'article 6. Après quoi, nous nous sommes interrompus parce qu'il y avait urgence pour le CPE. C'était totalement illogique d'arrêter ainsi une discussion en cours de deuxième lecture.
Lors de nos interventions préalables, Jean-Pierre Sueur et moi-même avons mis en garde tout à l'heure sur la conception de M. le ministre qui estimait que, sans qu'il y ait d'opposition philosophique entre nous, il n'y avait pas matière à être si regardant, si précis sur certaines questions, notamment sur les garanties à donner aux jeunes volontaires.
Le débat qui a eu lieu dans le pays a été vif et important, et les arguments qui ont été défendus ont réussi à convaincre le Gouvernement, qui a retiré le CPE, considérant qu'il y avait une telle attente sociale et une telle précarité dans la jeunesse, qu'il fallait prendre en compte la demande forte de sécurité chez les jeunes.
L'ensemble des amendements que nous présentons depuis le début de la séance vise à sécuriser : qu'il s'agisse de l'hygiène, de la santé, des jours de repos. Ils concernent les jeunes volontaires qui vont consacrer beaucoup de leur temps à la collectivité. En contrepartie, nous pensons qu'il nous faut, nous, législateur, leur donner un certain nombre de garanties.
Cela justifie amplement que nous représentions les arguments qui, hier, ne pouvaient pas être entendus, mais qui, à la lumière de l'actualité de ces derniers mois, peuvent être acceptés par le Gouvernement sans qu'il se déjuge complètement, ainsi que par nos collègues de la majorité. Il est normal que nous reprenions un certain nombre de débats à l'éclairage de ce qui vient de se passer.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 6 bis
Le contrat de volontariat peut être rompu avant son terme, sans application du préavis d'un mois, si la rupture a pour objet de permettre à la personne volontaire d'être embauchée pour un contrat à durée déterminée d'au moins six mois ou pour un contrat à durée indéterminée. - (Adopté.)
Article 7
Une indemnité, dont le montant est prévu par le contrat, est versée par l'organisme agréé à la personne volontaire. Le montant maximum de cette indemnité est fixé par décret. Cette indemnité n'a pas le caractère d'un salaire ou d'une rémunération. Elle n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu, ni assujettie aux cotisations et contributions sociales pour ce qui concerne le volontaire. Les conditions dans lesquelles l'indemnité est versée au volontaire associatif sont fixées dans le contrat.
Les volontaires peuvent également recevoir les prestations nécessaires à leur subsistance, leur équipement et leur logement. Ces prestations doivent rester proportionnées aux missions confiées aux volontaires.
Mme la présidente. L'amendement n° 31, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :
montant
insérer les mots :
minimum et
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Effectivement, entre la première et la deuxième lectures de ce projet de loi, plusieurs mois se sont écoulés. Puis, de nouveau, entre la première partie de cette deuxième lecture et sa fin, quelques mois se sont écoulés. Cette période fut émaillée d'événements que je ne rappellerai pas ici mais qui pouvaient nous laisser croire qu'en cette fin de débat nous pourrions faire adopter quelques amendements, notamment celui-ci que, dans sa sagesse, le Sénat avait adopté en première lecture.
Il nous semble en effet important de prévoir un minimum d'allocations, disposition que, je le rappelle, nous avions adoptée ici, mais que les députés ont supprimée, au motif que ce minimum serait difficile à déterminer.
Cette explication ne nous semble pas du tout pertinente. En effet, déterminer un minimum n'est pas plus complexe que de définir un maximum. Vous pourriez nous objecter, monsieur le ministre, qu'il s'agit là encore d'une rigidité, mais il ne s'agit au demeurant que d'une garantie de ressources.
Il ne nous semble pas possible d'envisager qu'un volontaire développe son activité sans aucune rétribution.
Le rapporteur conditionne cette éventualité - il l'envisage donc - au fait que les besoins de vie quotidienne du volontaire soient assurés par ailleurs ou indirectement pris en charge par l'association.
Mais le texte qui nous est proposé ne prévoit pas cette condition. Il n'y a donc aucune raison qu'elle trouve une application.
De ce fait, la porte est ouverte à une activité non rémunérée. Ce n'est pas acceptable pour nous, vous vous en doutez !
C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons de revenir au texte voté en première lecture en adoptant notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Le temps passe vite, mes chers collègues ! En effet, il s'est écoulé non pas quelques mois mais un an, soit douze mois, depuis la première lecture de ce projet de loi. Or, pendant cette période, en tant que maire, à l'instar de notre collègue Jean-François Voguet, j'ai vécu tous les jours au contact du monde associatif et je me suis particulièrement intéressé au devenir des volontaires afin de leur donner la possibilité de s'investir encore plus dans le monde associatif.
Pendant des mois ou tout au moins des semaines, la jeunesse nous a lancé des messages forts, que nous avons les uns et les autres entendus étant tous des parents, voire des grands parents ; personne, en effet, ne pouvait rester sourd à ces manifestations.
Toutefois, il est une chose que je n'ai pas entendue ou du moins que je n'ai pas comprise de la même manière que M. Assouline - ce qui, au demeurant, n'est peut-être pas si étrange - à savoir que certains jeunes réclamaient plus de sécurité. Personnellement, il m'a plutôt semblé que les jeunes demandaient plus de générosité et que c'est précisément parmi eux que se comptent les candidats au volontariat.
Dès lors, il ne me paraît pas souhaitable d'utiliser la contestation de ces jeunes, à l'instar de certains qui l'ont largement instrumentalisée, alors qu'ils cherchent à s'engager dans le monde associatif et surtout dans le volontariat en manifestant tout simplement leur générosité.
Il s'agit là, selon moi, d'un point tout à fait important et, en notre qualité de législateur, il nous revient de nous préoccuper du cadre dans lequel s'exerce le volontariat. Or, de ce point de vue, je ne sache pas que le rapport que j'ai rédigé en faveur du bénévolat aille à l'encontre de l'ensemble de ces préoccupations. En tout cas, comme M. le ministre l'a confirmé, s'agissant des agréments, toutes les garanties sont données.
C'est la raison pour laquelle, madame David, la commission est défavorable à l'amendement n° 31. La fixation d'un montant minimum d'indemnité est contraire à l'esprit du dispositif.
En effet, d'une part, cet amendement, s'il était adopté, ne permettrait pas à certains volontaires qui le souhaitent d'être indemnisés en totalité en nature et, d'autre part, il évincerait du dispositif certaines associations que vous connaissez bien ; je pense en particulier aux scouts ou à la communauté d'Emmaüs.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Faisant suite aux propos de M. le rapporteur, je voudrais revenir sur la situation du scoutisme français, qui, dans toutes ses composantes, attend avec beaucoup d'impatience la promulgation de cette loi relative, notamment, au volontariat associatif.
Chacun sait que les scouts ne sont ni rémunérés ni indemnisés, une partie de leur engagement étant seulement prise en charge par le mouvement. Cet amendement aurait pour conséquence d'empêcher le scoutisme de faire appel aux volontaires. Il convient donc de garder à l'esprit cette notion de souplesse.
Je souscris bien sûr, également, aux propos de M. le rapporteur quand il exprime la volonté, le besoin des jeunes de s'engager pour les autres. Il y a dans ce domaine une forte demande. Les jeunes souhaitent qu'un tel engagement s'accompagne d'une grande souplesse, sans trop de contraintes. Laissons-leur donc la capacité d'analyser et de choisir les meilleurs supports pour s'engager de façon volontaire auprès d'associations dans le cadre de missions d'intérêt général. Nous touchons vraiment là au principe, au coeur même du dispositif du volontariat.
Depuis le début des débats qui ont eu lieu sur ce texte en février dernier, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, vous essayez d'imposer la notion de sous-salariat, comme si cela devait légitimer vos critiques à notre endroit. Or, je le répète, le volontariat est tout sauf un engagement salarié auprès de telle ou telle structure. Il s'agit d'un engagement totalement volontaire et désintéressé, pris en charge par l'association sous la forme d'indemnités ou de diverses prestations.
Il convient, selon moi, de s'en tenir à cette philosophie, faute de quoi l'opposition pourrait effectivement nous reprocher une forme de sous-salariat ou de salariat bis.
C'est la raison pour laquelle nous devons tenir bon et faire en sorte de démontrer que le volontariat est tout sauf cela. Cette notion de volontariat que nous défendons, qui est assez novatrice en France alors qu'elle existe déjà dans d'autres pays, mérite, j'en suis convaincu, d'être développée.
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase du premier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
Le montant mensuel de cette indemnité ne peut être inférieur à soixante fois le taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Je pourrais écrire une ode au mouvement associatif, à l'esprit de générosité des jeunes et, notamment, au volontariat, c'est-à-dire au besoin de s'engager.
Toutefois, cela ne se résume pas en quelques mots. Pour prendre un exemple, je rappellerai que j'ai consacré une grande partie de mon existence à cet engagement. Par ailleurs, en tant qu'adjoint au maire de Paris chargé de la vie étudiante, j'ai mis en place une maison des initiatives étudiantes regroupant mille associations qui animent la vie universitaire après s'être beaucoup engagées dans des actions de volontariat répondant à cette demande d'engagement des jeunes, et ce avec succès, je dois le dire ; à cette occasion, j'ai pu découvrir une mine de créativité. Mais cela ne signifie pas que la générosité se situe en marge d'un besoin de sécurité dans le monde actuel, ni qu'a fortiori elle serait en contradiction avec lui. C'est bien cela que vous ne voulez pas prendre en compte, monsieur le ministre !
Si nous étions dans une situation de plein-emploi et qu'aucun problème d'emploi ne se posait pour les jeunes, que ceux-ci trouvaient sans difficulté un travail stable, rémunéré, ce dont nous discutons n'aurait pas grand sens. Le volontariat serait alors vraiment une voie différente qui ne pourrait jamais être utilisée par qui que ce soit, ne serait-ce que par le jeune lui-même qui, indépendamment de sa générosité, peut y trouver aujourd'hui une réponse partielle au manque d'emploi.
Par ailleurs, certaines associations connaissent de grandes difficultés, et ce par la faute du Gouvernement qui a, notamment, supprimé les emplois-jeunes. Disposant de peu de moyens, elles peuvent parfois être tentées - je ne dis pas que c'est le cas de toutes les associations - d'utiliser le volontariat à la place du salariat.
C'est bien dans ce contexte que nous posons cette question et non pas en général.
Il nous faut être précautionneux et, sans vouloir m'appesantir sur cet amendement n° 12, je dirai simplement que nous y abordons les nombreuses incertitudes qui entourent le montant de l'indemnité qui sera octroyée aux volontaires ainsi que ses modalités de versement.
Pour ce qui est du montant, tout d'abord, je me permettrai de faire observer l'existence de certaines contradictions dans les arguments avancés pour expliquer la manière dont est envisagé le volontariat.
On nous dit tout et son contraire, monsieur le ministre, à savoir que le volontariat doit être une activité à temps plein et que l'indemnité versée aux volontaires doit leur permettre de bénéficier de conditions de vie décentes. Dès lors, il est permis de déduire de ces affirmations que le montant de l'indemnité devrait se situer aux alentours du SMIC, qui n'est autre que le minimum légal de rémunération d'un travail à temps plein, même si, comme nous le savons, la majorité des minima conventionnels leur demeurent inférieurs.
Cela étant dit, en l'occurrence, il s'agit non pas d'un travail mais d'une mission. C'est pourquoi nous n'aboutissons pas aux mêmes conclusions.
En effet, selon le projet de décret, l'indemnité annoncée serait de 400 euros par mois, sans que le sort d'éventuels avantages en nature soit clairement fixé. Ces derniers seront-ils compris dans l'indemnité ? Pourront-ils venir en supplément ? Pourraient-ils même y suppléer ?
Bien entendu, monsieur le ministre, vous n'êtes pas obligé d'accepter notre amendement, mais en répondant aux questions précises que je vous pose, vous pourriez lever un certain nombre d'incertitudes quant à l'interprétation des choses et au montage des projets.
Ce problème n'est pas simple et entraîne deux autres questions qu'il n'est décidément pas possible de contourner : quelle est la nature du volontariat et, en conséquence, qui pourra y accéder ?
Pour notre part, nous avons le sentiment que ces questions n'ont pas été résolues avant de venir en discussion devant le Parlement.
Soyons précis : avec une indemnité de 400 euros par mois, soit moins que le montant du RMI, il est évident que l'on ne peut vivre décemment, puisqu'il s'agit précisément du revenu minimum !
Parallèlement, il nous est dit que la rémunération doit permettre aux volontaires de vivre décemment. N'est-il pas contradictoire de nous proposer un montant inférieur au minimum vital, tout en nous disant que ce minimum est nécessaire ?
Il ressort de tout cela qu'il faut soit disposer d'un hébergement gratuit, soit pouvoir vivre des revenus de son patrimoine. En d'autres termes, le volontariat serait réservé aux personnes disposant d'une certaine aisance financière ou aux femmes au foyer désireuses de s'engager dans un semi-bénévolat afin de pouvoir bénéficier d'un petit complément de revenus non imposable. Or, pour cette catégorie de la population, une activité à temps plein sera-t-elle acceptable ?
Si nous nous situons dans l'hypothèse d'un temps plein, les étudiants ne pourront pas non plus accéder au volontariat, puisqu'il leur faudra consacrer du temps à leurs études. Au reste, ils gagneront sans doute plus en travaillant à temps partiel !
Cette question en amène une autre, inévitable, monsieur le ministre : pour les représentants des collectivités locales que nous sommes, ce texte conduit, une nouvelle fois, à laisser celles-ci se débrouiller s'agissant du fonctionnement des associations et du financement de l'emploi associatif, et ce sans même que soit évoqué un transfert de charges, puisque l'État s'en est préalablement déchargé !
Enfin, les associations auront, on le conçoit sans peine, quelques difficultés à recruter des personnes à temps plein pour 400 euros par mois, ce qui ne manquera évidemment pas de limiter le volontariat.
Certains n'ont-ils pas imaginé, dans le cadre des nouvelles procédures de contrôle des chômeurs et des allocataires de minima sociaux, de contraindre ceux qui ne parviennent pas à retrouver un emploi ou qui sont jugés récalcitrants à se consacrer pendant quelque temps au volontariat ?
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. J'avoue avoir eu un peu de mal à suivre la démonstration de M. Assouline et je comprends que les jeunes comprennent de moins en moins bien la situation, tant ce discours...
M. Jean-Pierre Sueur. Il n'est pas sûr qu'ils vous comprennent mieux !
M. Bernard Murat, rapporteur. Peut-être, mon cher collègue, mais, pour l'instant, le principal est qu'ils puissent nous comprendre au moment où nous pourrons nous adresser à eux directement, ce qui ne saurait tarder.
M. David Assouline. Rendez-vous est pris !
M. Bernard Murat, rapporteur. Mais oui, rassurez-vous, monsieur Assouline, les matchs ont lieu tous les dimanches ! (Sourires.)
L'amendement n° 12 tend à prévoir que le montant de l'indemnité ne pourra être inférieur au minimum actuellement fixé à 456 euros.
Cette disposition, qui, je tiens à le souligner, a été rejetée tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, du fait, notamment que son montant était trop élevé par rapport à celui qui est envisagé par le ministère, risque d'évincer du volontariat un certain nombre de petites structures associatives dans lesquelles, bien souvent, les jeunes commencent leur volontariat et qui, étant plus accueillantes, répondent plus directement à ce qu'ils attendent.
Par ailleurs, je rappellerai qu'il ne s'agit pas de raisonner en termes de rémunération, étant donné que le volontariat est une collaboration désintéressée ; combien de fois faudra-t-il le répéter ?
Il est vrai qu'il existe sur ce point un désaccord de fond entre nous, monsieur Assouline, car nous sommes sur deux voies parallèles. En effet, alors que, pour votre part, vous vous en tenez toujours à l'idée d'emplois précaires, pour nous, le volontariat est avant tout un engagement.
Je me souviens que lors des premiers débats, voilà un an, certains n'hésitaient pas à parler de formation professionnelle en évoquant le volontariat. Or si, à l'époque, nous n'avions pas réellement réfuté cette assertion, nous étions tous d'accord pour dire qu'il fallait faire très attention à ne pas tout mélanger et qu'il ne saurait être question pour ces jeunes volontaires de véritable formation professionnelle, même si leur expérience était de nature à leur procurer des avantages de ce point de vue.
L'échec du volontariat civil institué par la loi du 14 mars 2000 est en grande partie dû au montant de l'indemnité qui avait été fixé à 570 euros ; il ne s'agit pas de reproduire cette erreur.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Monsieur Assouline, le volontariat procède d'un état d'esprit qui ne semble pas vous avoir encore effleuré, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais je suis sûr que, à terme, nous parviendrons à vous convaincre !
Vous évoquez le cas des étudiants qui s'engagent de façon bénévole. Nous le connaissons bien, mais notre logique est différente de la vôtre : nous considérons ce temps de volontariat comme un temps de respiration, au cours duquel l'étudiant se consacre exclusivement à un engagement. Ne mélangez donc pas tout, monsieur Assouline ! Vous tentez en permanence de faire croire que nous sommes en train de créer un sous-contrat de travail ou d'obliger les étudiants à faire du volontariat, ce qui n'est pas vrai.
Nous avons une autre vision de la jeunesse. Nous savons que les jeunes ont soif d'engagement, dans un cadre certes organisé, mais pas trop contraignant pour autant. Nous savons également que les associations ont besoin de faire épauler leurs bénévoles, et parfois leurs salariés pour des missions d'intérêt général. Tel est précisément l'objet du volontariat.
Contrairement à ce que vous avez prétendu, nous ne nourrissons pas d'arrière-pensées. Nous ne souhaitons pas, loin s'en faut, contraindre les demandeurs d'emploi à passer par une période de volontariat.
En revanche, je suis convaincu qu'en évoquant un service obligatoire, comme l'a fait tout à l'heure M. Sueur, vous tentez de faire croire aux jeunes qu'une telle période les mettra à l'abri de certaines contraintes. En tout cas, vous tentez de faire croire que le volontariat constitue un passage obligé pour les jeunes, et uniquement pour eux, alors qu'il est ouvert à toutes les classes d'âge.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !
M. Jean-François Lamour, ministre. Vous montrez du doigt les jeunes en affirmant qu'ils doivent accomplir une période de volontariat obligatoire. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous n'avons pas la même vision de la jeunesse ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Ça, c'est vrai !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, affirmer ici, au nom du gouvernement, sans en faire la moindre démonstration, que vous êtes en osmose avec la jeunesse, que vous l'avez comprise, contrairement à nous, c'est tellement dérisoire que je préfère me contenter de relever vos propos et me rasseoir (Rires sur les travées de l'UMP.),...
M. Bernard Murat, rapporteur. Bonne idée !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Allez-y !
M. David Assouline. ... car l'actualité, me semble-t-il, a tranché ! Les choix qu'exprimeront les Français lors des prochaines échéances électorales restent largement indécis.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !
M. David Assouline. Toutefois, je puis vous l'assurer, ce qui est de moins en moins indécis, c'est la réponse qu'apporteront alors les jeunes à ceux qui ont soutenu le CPE !
M. Patrice Gélard. Quel est le rapport ?
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
L'indemnité doit être versée selon une périodicité mensuelle.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je me placerai dans le cadre que vous avez tracé. Comme vous le voyez, pour ma part, je fais des efforts pour me rapprocher de vos positions. (Sourires.)
Supposons qu'une personne se soit engagée comme volontaire et qu'elle doive percevoir une indemnité. À travers cet amendement, nous proposons que cette indemnité soit versée mensuellement.
Vous avez affirmé que l'indemnité devait permette à un volontaire à temps plein de vivre décemment. Or, si nous ne précisons pas la périodicité de cette rémunération, rien n'empêche, par exemple, que quelqu'un soit engagé comme volontaire et ne perçoive l'indemnité qu'à l'issue de sa période de volontariat. Dans ce cas, comment cette personne vivra-t-elle en attendant ?
Monsieur le ministre, dès lors que votre texte prévoit la possibilité du versement d'une indemnité, ne serait-il pas souhaitable de garantir à la personne qui s'est engagée une rémunération mensuelle, puisque cette indemnité lui sera versée de toute façon ? Il s'agirait, me semble-t-il, d'une mesure de bon sens, destinée à éviter des abus et à clarifier le dispositif.
À travers cet amendement, nous n'évoquons ni le niveau de l'indemnité, ni le caractère obligatoire qu'elle pourrait avoir, mais seulement une de ses modalités.
En adoptant ce texte, nous pourrions enrichir très utilement ce projet de loi, me semble-t-il. Mais pour cela, encore faudrait-il que le diktat du vote conforme ne s'appliquât pas une fois de plus !
Monsieur Gélard, j'ai bien entendu les propos que vous avez tenus tout à l'heure. Mais, mon cher collègue, reconnaissez que, s'il a été décidé que ce texte devait recevoir un vote conforme, notre travail est inutile. D'ailleurs, pourquoi devrait-il y avoir un vote conforme ? En quoi serait-il préjudiciable au Parlement et aux citoyens que ce texte fasse l'objet d'un examen en commission mixte paritaire ?
Nous ne comprenons pas ce choix, surtout pour un texte de cette nature, que nous avons pris le temps d'examiner -on ne peut dire le contraire - même si c'est pour des raisons étrangères au projet de loi... (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, notre proposition est de bon sens, et j'espère qu'elle sera accueillie de manière positive.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Monsieur Sueur, je ne sais pas si mon bon sens vous conviendra.
M. Jean-Pierre Sueur. Je l'espère !
M. Bernard Murat, rapporteur. Nous verrons bien !
J'en reviens à ce qui constitue la colonne vertébrale de ce texte, à savoir notre choix de faire confiance au contrat.
Comme M. le ministre l'a précisé, lorsque le jeune s'engagera, il signera, avec une association qui a été accréditée, un contrat relatif à une mission précise dûment validée. Il aura donc toutes les garanties possibles et imaginables, y compris celle d'être rémunéré.
En effet, vous avez raison de le souligner, monsieur Sueur, même si le volontaire s'est engagé parce qu'il souhaitait donner de sa personne, il est normal qu'il puisse être rémunéré. De ce point de vue, le volontaire aura toute latitude lors de la signature de son contrat pour négocier le montant et la périodicité de sa rémunération.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l'amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Les propos de M. le rapporteur sont de bon sens et je reprends à mon compte les arguments qu'il a présentés. Avant de signer son contrat, le jeune s'assurera qu'il peut vivre pendant cette période d'engagement.
De même, je ne vous cache pas que l'agrément délivré par l'État sera largement fonction de la capacité laissée au volontaire de vivre décemment pendant la durée de sa mission.
Monsieur Sueur, je suis d'accord avec vous pour estimer que la responsabilité doit être partagée et qu'il faut vérifier que l'association prend bien soin de ses volontaires. Toutefois, le « double parapet » que constituent le contrat et l'agrément nous permet, me semble-t-il, de régler ce problème.
En outre, votre proposition se heurterait à un petit obstacle technique, puisque nous avons décidé que le volontariat pourrait être inférieur à un mois et ne durer que trois semaines.
Je crois qu'il faut conserver de la souplesse à ce dispositif et laisser aux différentes parties, à travers le contrat et l'agrément, le soin de trouver un accord, sans qu'il y ait d'obligation d'engagement. Si le volontaire estime que les conditions ne sont pas réunies, il peut tout à fait ne pas signer le contrat !
Monsieur le sénateur, notre logique est celle de l'engagement volontaire, et non de l'obligation. Avec la combinaison du contrat et de l'agrément, il me semble que nous avons trouvé une solution conforme à l'esprit de l'engagement volontaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je prends bonne note de vos propos, aux termes desquels votre administration, grâce à l'agrément, fera en sorte que les associations ou les organismes assurent, à travers les contrats signés, des conditions de vie décentes aux personnes engagées dans une action de volontariat.
Pour notre part, nous sommes tout à fait favorables aux principes du partenariat, du contrat et de la concertation. Vous savez d'ailleurs qu'en des temps pas si éloignés il aurait été souhaitable de s'inspirer de cette philosophie ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Toutefois, si nous estimons que le contrat, la négociation et la discussion doivent avoir toute leur place, nous considérons en même temps qu'il revient à la loi, et donc au législateur, de fixer un certain nombre de garde-fous. C'est d'ailleurs ce que nous faisons quotidiennement : nous édictons à travers les lois des règles de portée générale afin d'éviter des situations qui seraient préjudiciables. C'est exactement ce que nous vous proposons de faire à travers cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. La « collaboration désintéressée » que vient d'évoquer M. le rapporteur entre tout à fait dans le champ du « don de soi ». Il s'agit d'un « état d'esprit », affirmez-vous, monsieur le ministre. Pourquoi pas ? Vous confirmez d'ailleurs que le volontariat « n'est pas un sous-contrat de travail ».
Même si nous vous suivions dans la définition de cet état d'esprit, il serait injuste que le volontaire, au-delà de la contribution physique ou intellectuelle qu'il apporte, doive prendre sur ses ressources personnelles pour pouvoir assurer sa tâche et fasse l'avance des dépenses entraînées par sa mission.
Vous avez refusé l'accès au statut de volontaire aux RMIstes, aux handicapés et à toute personne disposant d'une maigre allocation. N'oubliez pas que le simple coût des déplacements, du bus ou du RER, quand on habite en banlieue, n'est pas à la portée de tous.
Le versement mensuel de l'indemnité n'est tout de même pas une demande arrogante ! Vous affirmez que le volontaire, s'il n'est pas satisfait, peut ne pas signer le contrat.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !
Mme Marie-Christine Blandin. C'est vrai, mais ce n'est pas le but que nous visons ! Notre objectif est que les volontaires, les missions et les associations actives soient nombreux. Nous devons mettre tout en oeuvre pour l'atteindre.
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
L'indemnité ne peut faire l'objet d'une prestation en nature.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous souhaitons préciser que l'indemnité ne doit en aucun cas être versée exclusivement sous la forme d'une prestation en nature.
En effet, une telle faculté ouvrirait la porte à toutes sortes de dérives et porterait atteinte au libre arbitre du volontaire, qui doit pouvoir disposer librement de l'indemnité. Si cette dernière est versée en nature, le volontaire n'a qu'un usage orienté et contraint de son indemnité.
Or le libre arbitre du volontaire nous paraît fondamental. Une rémunération en nature serait source d'infinis contentieux, ce qui ne serait pas raisonnable. Nous vous demandons d'entendre cet argument de bon sens.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Comme je l'ai déjà indiqué tout à l'heure, de nombreux engagés volontaires sont rétribués en nature, leur logement et leur repas étant fournis par les associations. C'est ce qui se passe, par exemple, chez les Compagnons d'Emmaüs.
Il est bien précisé dans le projet de loi que les conditions dans lesquelles l'indemnité est versée aux volontaires associatifs sont fixées par le contrat.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le montant minimal de l'indemnité ne peut être inférieur à l'ensemble des frais engagés par la personne volontaire en vue d'accomplir la mission qui lui est confiée, notamment en matière de transport, de logement et de restauration.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Là encore, il s'agit de prévoir un garde-fou, si vous me permettez cette expression.
L'amendement se justifie par son texte même. Nous proposons d'inscrire dans la loi que « le montant minimal de l'indemnité ne peut être inférieur à l'ensemble des frais engagés par la personne volontaire en vue d'accomplir la mission qui lui est confiée, notamment en matière de transport, de logement et de restauration ».
Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant ! Il peut arriver qu'un engagement contraignant ait de lourdes conséquences financières pour la personne volontaire et, éventuellement, pour sa famille. Nous ne prétendons pas qu'il s'agit là du cas le plus fréquent, mais une telle situation peut se produire.
Il est clair que l'engagement associatif doit être encouragé, nous en sommes d'accord. Par ailleurs, il ne nous appartient pas de décider à la place des volontaires de ce qui doit constituer la limite de leur engagement. Nous devons respecter la liberté des associations et celle des personnes. Toutefois, nous estimons que poser une telle limite pécuniaire, c'est-à-dire prévoir que l'indemnité sera au minimum égale aux charges entraînées pour le volontaire en matière de transport, de logement et de restauration, ne porte aucune atteinte à la capacité de l'association à bénéficier, le cas échéant, de libéralités.
Dans le cadre de la relation particulière qui unit le volontaire et l'organisme agréé, et compte tenu de toutes les incertitudes qui demeurent, nous considérons qu'il est utile de protéger le volontaire contre tout préjudice éventuel.
À cet égard, le préjudice qu'il a le plus à craindre est, bien entendu, le non-remboursement des frais engagés, qu'il est si facile d'« oublier ». Si cela devait arriver, son indemnité serait alors réduite à néant et son engagement pourrait même lui être coûteux.
C'est bien là que se situe clairement, pour nous, la frontière entre le bénévolat et le volontariat, et les limites doivent donc être clairement posées. Autant nous ne proposerions pas ce genre de mesures dans le cadre du bénévolat, autant nous estimons qu'elles sont utiles dans celui du volontariat.
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, les idées que nous vous soumettons n'ont qu'un but : améliorer ce texte ; elles devraient donner lieu à un débat tout à fait serein, de façon que nous trouvions un terrain d'accord et que certains de nos amendements, dont l'objet, je le répète, n'altère en rien la teneur du texte, soient adoptés.
M. David Assouline. Absolument !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été avancées précédemment, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
À maintes reprises, vous avez associé l'« engagement » à la « liberté ». Or, immédiatement après, vous invoquez le « règlement ».
M. Jean-Pierre Sueur. Et alors ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Il faudrait tout de même avoir un peu de cohérence !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission sur un amendement qui avait d'ailleurs déjà été déposé en première lecture.
Monsieur Sueur, je le reconnais bien volontiers, dans le domaine de l'engagement, le volontariat associatif représente pour notre pays un secteur nouveau, que nous commençons seulement à explorer. Mais vous et vos amis, vous auriez pu explorer vous-mêmes toutes ces nouvelles pistes lorsque vous en aviez la possibilité, entre 1997 et 2002 !
M. Jean-Louis Carrère. Ne vous inquiétez pas, monsieur le ministre, on le fera bientôt ! Ne nous provoquez pas ! On peut riposter !
M. Alain Dufaut. M. le ministre a raison !
M. Jean-Louis Carrère. Qu'il garde l'épée au fourreau !
M. Jean-François Lamour, ministre. Monsieur Sueur, je vois que vous avez un nouveau supporter. (Sourires.)
En fait, vous vous êtes arc-boutés sur un texte né de la suspension du service national mais absolument pas adapté à la notion de service civil. Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui permet justement d'acquérir la souplesse qui faisait défaut au texte que vous auriez pu alors amender.
Quelles que soient les pistes que nous explorons, il faut conserver l'esprit de liberté qu'a apporté la loi de 1901 sur l'engagement désintéressé et, désormais, volontaire, qui vient en complément du bénévolat et qui concerne non seulement des jeunes, mais également, je le répète, de nombreux adultes.
Par conséquent, monsieur le sénateur, s'il convient de continuer à explorer de nouvelles pistes pour renforcer notre secteur associatif, il importe de ne pas surcharger les contraintes liées à cet engagement volontaire, comme vous proposez pourtant de le faire, au travers, par exemple, de la fixation d'un plancher pour l'indemnité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je tiens, tout d'abord, à vous dire que mes collègues et moi-même nous réjouissons de recevoir, sur ce sujet, le soutien de M. Carrère. Je ne vois pas en quoi il nous serait préjudiciable. Bien au contraire, nous en sommes particulièrement honorés, car celui-ci, de par son expérience de terrain, connaît bien toutes ces questions.
Par ailleurs, j'ai trouvé l'explication de M. le rapporteur quelque peu confondante. Il nous a reproché d'invoquer la « liberté », puis le « règlement ». Et alors ? Personne, dans cet hémicycle, j'en suis sûr, n'est opposé à la liberté, pas plus, d'ailleurs, au règlement, et encore moins à la loi, sinon nous n'aurions rien à faire ici !
Je reste donc confondu devant une telle argumentation, car chacun voit bien qu'elle n'en est pas une. Notre objectif est de permettre à la fois aux citoyens et aux citoyennes de s'engager dans le volontariat en toute liberté et aux associations d'exercer librement leurs missions.
En réalité, monsieur le rapporteur, l'absence de normes réglementaires et législatives risque d'entraîner des dérives, qui, même minoritaires, seront considérables. À l'appui de mon propos, je citerai les diverses formes d'exploitations dont nous avons eu à connaître, dont les sectes, phénomène bien réel, sur lequel il a fallu, avec raison, légiférer.
Enfin, monsieur le ministre, pour parler du passé, je rappellerai que M. Tony Dreyfus avait présenté un texte de loi, qui a d'ailleurs été adopté, sur le bénévolat et le volontariat. Un travail important a donc déjà été réalisé, même si je reconnais volontiers qu'il nous faut le poursuivre. À cet égard, nous disposons de plusieurs pistes.
Je tiens à le souligner, l'appel sur le service civique obligatoire, que vous avez quelque peu critiqué, a été signé par un très grand nombre de parlementaires, plusieurs centaines si mes souvenirs sont exacts. Cela mérite tout de même un minimum de considération, même si la règle, dans notre République, est de pouvoir critiquer n'importe quelle prise de position, fût-elle adoptée par une majorité de parlementaires.
En outre, il convient de mettre fin à la confusion qui s'est installée entre plusieurs éléments, car cela nuit à la bonne compréhension de notre débat. Ainsi, nous avons particulièrement mal perçu l'ajout, dans le projet de loi traitant du CPE, d'un passage sur le volontariat.
En effet, s'il s'agissait d'aborder la question du volontariat, pourquoi ne pas avoir attendu l'examen du projet de loi relatif à ce sujet pour traiter du problème ? Pour notre part, nous avons véritablement eu le sentiment qu'il s'agissait simplement d'utiliser la question du volontariat pour faire passer la pilule du CPE et pour agir indirectement sur le chômage.
Monsieur le ministre, vous en conviendrez, pour développer le volontariat, il ne faut jamais le présenter comme un remède au chômage, faute de quoi nous entrerions dans la logique d'un « pseudo-emploi », qui viendrait prétendument apporter une réponse au problème réel du chômage. (M. le ministre et M. le rapporteur acquiescent.)
Pour faire baisser le chômage, nous devons nous efforcer de créer de vrais emplois. D'un autre côté, il nous paraît utile de développer le volontariat, mais sur des bases claires. Tel est bien le sens de l'ensemble de nos amendements.
M. Michel Moreigne. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 7 bis
Lorsque des conditions d'âge sont fixées conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, celles-ci sont décalées de la durée du volontariat effectivement accomplie par le candidat. - (Adopté.)
Article 7 ter
La personne volontaire peut bénéficier de titres-repas pour lui permettre d'acquitter en tout ou partie le prix de repas consommés au restaurant ou préparés par un restaurateur. Un décret prévoit les modalités d'application de ces titres, en ce qui concerne notamment leur émission, leurs conditions de cession à l'association et la fondation reconnue d'utilité publique visées à l'article 1er et leur remboursement aux restaurateurs, ainsi que les obligations des organismes émetteurs de titres-repas en matière financière, comptable et d'information des utilisateurs.
L'association ou la fondation reconnue d'utilité publique contribue à l'acquisition des titres-repas du volontaire à concurrence de leur valeur libératoire, dont le montant correspond à la limite fixée par le 19° de l'article 81 du code général des impôts.
La contribution de l'association ou de la fondation reconnue d'utilité publique au financement des titres-repas du volontaire est exonérée de toutes charges fiscales, cotisations et contributions sociales, sans qu'il soit fait application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. L'avantage qui résulte de cette contribution, pour la personne volontaire, n'est pas assujetti à l'impôt sur le revenu. - (Adopté.)
Article 7 quater
Toute association, sous réserve d'être régulièrement constituée et après en avoir adopté le principe par délibération prise en assemblée générale, peut remettre à son personnel bénévole des titres spéciaux de paiement désignés sous l'appellation de chèque-repas du bénévole, pour lui permettre d'acquitter en tout ou partie le prix de repas consommés au restaurant ou préparés par un restaurateur.
La situation de bénévole s'apprécie en particulier au regard de l'absence de rémunération ou d'indemnisation et de l'inexistence d'un quelconque lien de subordination entre le bénévole et l'association. Les dirigeants associatifs relevant du d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts sont exclus du bénéfice du chèque-repas du bénévole.
Le montant de la valeur libératoire du chèque-repas du bénévole est égal au maximum à la limite d'exonération fixée par l'arrêté du 20 décembre 2002 pour les allocations forfaitaires liées à la restauration sur le lieu de travail. Il évolue en fonction de l'actualisation de cette limite et est entièrement financé par une contribution de l'association.
Le montant et les modalités d'attribution des chèque-repas du bénévole à leurs bénéficiaires sont décidés par l'association et ratifiés en assemblée générale.
L'association tient à jour la liste des bénéficiaires de ces chèques-repas, en précisant les montants par bénéficiaire.
Un décret précise notamment les mentions devant figurer sur les chèques-repas du bénévole, leurs conditions et modalités d'émission, d'utilisation et de remboursement aux restaurants et restaurateurs.
La contribution de l'association au financement des chèques-repas du bénévole est, pour l'association, exonérée de toutes charges fiscales, cotisations et contributions sociales, sans qu'il soit fait application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. L'avantage qui résulte de cette contribution, pour le bénévole, n'est pas assujetti à l'impôt sur le revenu. - (Adopté.)
Article 8
La personne volontaire est affiliée obligatoirement aux assurances sociales du régime général.
La couverture des risques maladie, maternité, invalidité, décès et accidents du travail et maladies professionnelles est assurée moyennant le versement de cotisations forfaitaires à la charge de l'organisme agréé.
La couverture du risque vieillesse est assurée moyennant le versement, par l'organisme agréé, des parts salariale et patronale des cotisations prévues à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. Ce versement ne peut être inférieur à un montant fixé par décret.
Pour les personnes volontaires titulaires de contrats de volontariat conclus pour une durée minimale continue de trois mois, le fonds mentionné à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale prend à sa charge le versement des cotisations complémentaires nécessaires pour valider auprès du régime général un nombre de trimestres correspondant à la durée du contrat de volontariat.
Mme la présidente. L'amendement n° 19, présenté par MM. Lagauche, Assouline et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article par les mots :
, à moins qu'elle ne soit déjà couverte par un régime d'assurance-maladie.
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. En alignant la protection sociale des volontaires associatifs sur celle des volontaires civils, qui sont obligatoirement affiliés au régime général, la version actuelle du projet de loi ne permet donc pas aux étudiants volontaires de bénéficier des droits à pension qui leur seront validés grâce à l'abondement du Fonds de solidarité vieillesse.
Outre le fait que cette situation pourrait être modifiée par le législateur, il faut souligner qu'un tel alignement est contestable, en particulier pour les étudiants. En effet, alors que le volontariat civil, constituant une activité à part entière, n'est pas conçu pour être conciliable avec des études, la situation est tout autre pour le volontariat associatif. Le projet de loi précise d'ailleurs bien que ce dernier ne saurait se substituer à un emploi, ni même constituer une voie d'insertion professionnelle. Dès lors, il découle de l'esprit du texte que les futurs étudiants s'engageant dans un contrat de volontariat demeureront, avant tout, des étudiants.
À cet égard, les pertes subies par ces étudiants à la suite de leur non-affiliation à leur régime spécifique seraient bien supérieures au fait de ne pas bénéficier de leurs droits à l'égard du risque vieillesse, auxquels les étudiants n'ont d'ailleurs pas accès pendant l'ensemble de leurs études. Si une telle situation est regrettable, il est néanmoins à noter que cela ne les empêche pas d'être de plus en plus nombreux à vouloir faire des études longues.
Il s'agit donc de rappeler en quoi il serait fortement préjudiciable aux étudiants volontaires de les priver des droits afférents au régime étudiant de sécurité sociale.
Ce régime spécifique, créé en 1948, constitue un acquis majeur, en consacrant pour les étudiants le droit à l'autonomie sur les questions relatives à leur santé, ainsi que la possibilité de s'informer et de faire ses propres choix sur des questions éminemment personnelles. Le régime étudiant est, en outre, un acquis démocratique fondamental, permettant aux étudiants, à travers les mutuelles étudiantes, de gérer eux-mêmes leur régime spécifique. Il rend également possible la mise en oeuvre d'un certain nombre d'actes et de prestations spécifiques au public étudiant, notamment la sensibilisation à des comportements à risque, tels que les conduites addictives, et la prévention en matière de contraception.
De plus, par la conclusion de nombreux accords de tiers payant avec les professionnels de santé, entraînant l'exonération de toute avance de frais, par le caractère modéré des tarifs proposés par les mutuelles étudiantes en termes d'affiliation au régime obligatoire et aux régimes complémentaires, l'existence du régime étudiant et sa délégation de gestion aux mutuelles étudiantes permettent de limiter les facteurs financièrement discriminants quant à l'accès aux soins.
Enfin, par ses formes d'organisation spécifiques, ce régime offre aux étudiants un suivi individualisé et des services de proximité leur permettant de mieux maîtriser le système de soins et facilitant l'ensemble de leurs démarches.
Par conséquent, l'étudiant volontaire, qui demeure donc avant tout un étudiant, ne saurait être privé des droits afférents à l'existence chèrement acquise de ce régime spécifique. Bien au contraire, l'étudiant désireux de s'engager dans la sphère publique sera d'autant plus sensible à ce que représente son droit à l'autonomie et à l'acquis démocratique consacrés par ce régime.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous espérons que le Sénat rétablira le texte qu'il avait adopté en première lecture.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Effectivement, mon cher collègue, ce texte avait été adopté ici même, en première lecture. Mais l'Assemblée nationale, après un long débat, l'a supprimé, estimant qu'il aurait pour conséquence de priver les titulaires du bénéfice des droits à pension versés par le biais du Fonds de solidarité vieillesse.
Cet argument justifiant, à nos yeux, la suppression décidée par les députés, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Il y a peut-être eu une longue discussion au sujet des droits à pension des étudiants au titre du Fonds de solidarité vieillesse. Mais la décision de l'Assemblée nationale est tout de même quelque peu paradoxale, eu égard aux avantages du régime étudiant offerts aux personnes en cours d'études !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, je me dois, en cet instant, de vous remettre en mémoire le contexte particulier que nous avons connu au cours de ces dernières semaines.
Ne revenez pas sur une disposition qui a été adoptée en première lecture au Sénat et qui a été perçue comme une avancée puisqu'il s'agissait, par ce biais, de réaffirmer notre attachement au régime de sécurité sociale spécifique aux étudiants.
Ce retour en arrière est vu avec un grand désarroi par le mouvement syndical étudiant dans toute sa diversité. Mon propos n'est en effet nullement partisan, puisque les protestations émanent non seulement de l'UNEF, mais aussi de la FAGE, la Fédération des associations générales étudiantes.
Tous ceux qui sont attachés à protéger les droits offerts par ce régime spécifique vous implorent pratiquement de ne pas adopter cet article en l'état, ce qui ne ferait qu'ajouter une couche à un dispositif qui, ces dernières semaines, a été perçu par les étudiants comme une régression de leur situation.
Mme la présidente. L'amendement n° 32, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :
conclus pour une durée minimale continue de trois mois
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s'agit avant tout d'un amendement de cohérence avec l'amendement n° 29, que vous avez d'ailleurs rejeté, qui tendait à instaurer une durée minimum de trois mois dans le contrat de volontariat. Mais cet amendement tend également à permettre, dès le premier mois, l'activation du mécanisme du Fonds de solidarité vieillesse mentionné dans cet article.
En l'adoptant, nous éviterions les risques de multiplication des petits contrats, laquelle exclurait le volontaire de toute couverture vieillesse. Or nous savons que la volonté du législateur n'est nullement contraire à cette proposition.
C'est pourquoi, en votant cet amendement, nous serons alors tous assurés que le droit à la couverture du risque vieillesse est bien affirmé.
Monsieur le ministre, en donnant votre avis sur l'instauration d'une durée minimum de trois mois pour ce type de contrats, vous avez cité en exemple la Croix-Rouge, qui proposerait des contrats inférieurs à trois mois. Pour autant, vous ne nous avez pas répondu sur l'assurance vieillesse, dont il était également question dans notre amendement précédent. Pourriez-vous, cette fois-ci, nous informer sur ce point ?
Par ailleurs, j'aimerais revenir à mon tour sur le fameux état d'esprit dont vous nous avez parlé concernant le volontariat. Apparemment, avec un tel état d'esprit, vous laissez planer une ambiguïté entre le volontariat associatif, au sujet duquel nous débattons aujourd'hui, et le bénévolat, alors qu'il s'agit de deux notions bien distinctes. En effet, le volontariat associatif a une base juridique, le contrat, dans lequel plusieurs éléments doivent être précisés, notamment en termes de durée et de mission.
En voulant nous faire croire que ces volontaires associatifs seraient des bénévoles, vous laissez planer une ambiguïté qu'il serait bon de lever.
Par ailleurs, vous déclarez que ces contrats seraient ouverts à tous, comme nous le souhaitons, mais, chaque fois que vous répondez à nos questions, tout comme M. le rapporteur, vous ne mentionnez que les jeunes. C'est là une seconde ambiguïté qui appelle des précisions dans la mesure où ces contrats sont ouverts, non pas seulement aux jeunes, mais à tous les publics.
Nous avons certes, les uns et les autres, largement évoqué les jeunes et fait état des événements qui les ont concernés ces derniers mois, mais il me semble que les conditions d'accès à ces contrats instaurent de fait une discrimination entre eux. En effet, certains jeunes pourront s'engager sans même avoir l'assurance d'obtenir un revenu minimum, tandis que d'autres ne le feront que si ces contrats s'accompagnent d'une véritable protection, c'est-à-dire d'un revenu minimum et de tous les droits afférents.
Cette discrimination ne touche d'ailleurs pas que les jeunes puisqu'une personne salariée ne pourra pas, ou ne pourra que très difficilement, rompre ou suspendre un contrat pour s'engager dans un contrat de volontariat associatif sans bénéficier d'un revenu minimum pour garantir sa survie.
J'attends donc, monsieur le ministre, que ces ambiguïtés soient levées. Nous ne parlons pas, ce soir, du bénévolat, mais bien du volontariat associatif, et celui-ci concerne non les seuls jeunes, mais toutes les catégories de la population, et il convient que cela dit clairement.
Pour ce qui est de l'état d'esprit qui préside à l'exercice et du volontariat et du bénévolat, vous n'en avez pas le monopole, monsieur le ministre, je tenais à vous le signaler.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Nous participons ensemble depuis plus d'une heure à ce débat, madame David, mais, apparemment, nous n'avons pas entendu les mêmes choses. En effet, par deux fois, M. le ministre a bien précisé que le volontariat ne s'adressait pas uniquement aux jeunes. Même si nous avons évoqué les jeunes parce qu'ils ont été au coeur de notre débat, c'est une donnée que nous avons bien présente à l'esprit et qui a été exprimée clairement.
Pour ce qui est de la différence essentielle entre volontariat et bénévolat, je pense l'avoir rappelée chaque fois que cela s'avérait nécessaire, précisément pour éviter toute confusion. J'ai donc le sentiment que l'excès de précision sur ce point n'a fait qu'accroître votre confusion...
Mme Annie David. Vous ne m'écoutez pas : j'ai parlé de discrimination !
M. Bernard Murat, rapporteur. C'est le grand problème en matière de communication : on ne s'écoute pas et on ne s'entend pas ! Mais quand vous relirez les comptes rendus ...
M. David Assouline. Vous savez que vous allez voter le texte conforme, donc vous n'écoutez pas !
M. Bernard Murat, rapporteur. Cela n'a rien à voir avec les points que nous discutions intelligemment avec Mme David !
Pour ma part, madame David, sur les points que vous avez soulevés, je ne vois pas la moindre divergence entre nous, et vous pourrez constater, en relisant les comptes rendus de nos discussions, que nous nous situons, vous et nous, exactement sur la même ligne.
C'est d'ailleurs bien parce que ce contrat de volontaire associatif, distinct du bénévolat, s'adresse à tous les citoyens que nous ne voulons pas l'assimiler à un contrat de travail et que nous ne pouvons pas parler à son sujet de garanties au même titre que s'il s'agissait d'un contrat de travail.
Vous dites une chose et son contraire et, personnellement, je n'ai vraiment pas entendu les mêmes propos que vous.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Je vous renvoie, madame David, au propos introductif que j'avais tenu il y a environ un an : j'avais alors bien précisé qu'il ne s'agissait ni de bénévolat ni de salariat, mais que nous nous inscrivions vraiment dans une logique d'engagement volontaire.
Mme Annie David. Alors, créez les conditions !
M. Jean-François Lamour, ministre. Je ne comprends donc pas que vous parliez d'« ambiguïté ».
Il s'agit d'une formule qui, culturellement, est loin d'être établie. C'est pourquoi j'ai dit, en m'adressant, non pas à vous, madame la sénatrice, mais à M. Assouline, que l'«état d'esprit » auquel elle répondait n'était pas encore bien ancré dans les mentalités. Cependant, je répète, je suis convaincu que nous parviendrons à le développer.
C'est plutôt un aspect positif de l'engagement des jeunes que nous tentons de valoriser aujourd'hui, et nous nous efforçons de le faire de manière assez souple.
Pour ce qui est du problème des retraites, vous ne l'ignorez pas, pour calculer un trimestre, il faut trois mois de mission. Par commodité, nous avons donc simplement appliqué cette règle d'acquisition de points de retraite en l'appliquant à cette mission a minima de trois mois.
S'agissant enfin de l'âge des volontaires, il faut savoir que le contrat est ouvert à toutes les tranches d'âge, même si, vous en conviendrez, c'est essentiellement la phase de basculement des études, qu'elles soient réussies ou non, vers une activité professionnelle, voire vers une vie familiale, qui est la plus propice à l'engagement volontaire.
M. Sueur, évoquant le service civil obligatoire prôné par un certain nombre de parlementaires, disait à juste titre que celui-ci s'adressait plutôt aux jeunes âgés de dix-huit ans ; en fait, nous nous situons dans la même logique, mais le contrat de volontariat s'adresse formellement à toutes les tranches d'âge.
Mme la présidente. Ces articles ont été supprimés par l'Assemblée nationale.
Article 10
L'association de droit français ou la fondation reconnue d'utilité publique qui souhaite faire appel au concours de personnes volontaires dans les conditions prévues par la présente loi doit être agréée par l'État. Cet agrément est délivré par le ministre chargé de la vie associative ou par l'autorité administrative compétente pour une durée déterminée, au vu notamment des motifs du recours au volontariat, de la nature des missions confiées aux personnes volontaires et de la capacité de l'organisme à assurer leur prise en charge. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'octroi et de retrait de cet agrément.
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'association ou la fondation qui souhaite faire appel au concours de personnes volontaires dans les conditions prévues par la présente loi doit être agréée par l'Etat. L'agrément est délivré par le représentant de l'État dans le département dans lequel l'organisme a son siège, après avis d'une commission départementale composée à parité de représentants des services déconcentrés de l'État et de représentants du mouvement associatif.
L'agrément est délivré pour une durée de deux ans au vu notamment des motifs du recours au volontariat, de la nature des missions confiées aux personnes volontaires et de la capacité de l'organisme à assurer leur accueil et leur prise en charge, tels que ces éléments sont indiqués dans le projet associatif communiqué au représentant de l'État.
Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'octroi et de retrait de l'agrément.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Notre amendement présente une rédaction plus précise de l'article 10, relatif à l'agrément.
Nous proposons tout d'abord de préciser quelle est l'autorité habilitée à délivrer l'agrément. C'est en effet un point essentiel puisque, pour justifier le rejet de nos amendements, tout en tentant de nous rassurer, vous avez répondu à chacune de nos remarques : « Il en sera tenu compte dans l'agrément. » Dès lors, il est indispensable d'être plus précis quant aux modalités de l'agrément.
Selon nous, l'autorité habilitée à le délivrer doit être le représentant de l'État dans le département où l'association a son siège.
Pour les associations ou fédérations qui n'ont pas une audience nationale, et qui sont les plus nombreuses, le département est le bon échelon géographique. C'est en effet là que les responsables de ces associations sont le mieux connus.
Nous proposons également - comme vous le savez, c'est une demande forte du mouvement associatif, que vous comprenez bien sûr mieux que nous, monsieur le ministre ! - que cet agrément soit délivré après qu'aura été recueilli l'avis d'une commission paritaire comprenant des représentants des services extérieurs de l'État et des représentants du mouvement associatif.
Les responsables engagés pleinement dans le mouvement associatif se connaissent et connaissent leurs actions respectives. Recueillir leur avis peut donc être un utile éclairage, sans que cet avis, bien entendu, lie la décision de l'administration, afin d'éviter toute dérive.
Les conditions de délivrance de l'agrément méritent aussi, sans doute, un encadrement plus précis.
Encore une fois, c'est là le seul contrôle qui sera exercé par une autorité administrative sur le dispositif du volontariat. En effet, par la suite, il sera directement soumis au contrôle du juge, dans le cadre d'un recours contentieux. La conformité de l'action de l'association ayant recours au volontariat à la législation relative à celui-ci doit donc pouvoir être contrôlée. Les motivations de l'agrément peuvent être un élément important d'appréciation pour le juge.
Il est également important que, dans la phase préliminaire, le représentant de l'État et les services extérieurs soient clairement informés des intentions de l'association. Il faut éviter de laisser la porte ouverte au remplacement subreptice du salarié.
Il ne faut pas non plus manifester une exigence démesurée à l'égard des futurs volontaires et il convient de veiller à ce que leur santé ne soit pas mise en danger. Mais il faut respecter leur engagement et les engagements de l'association par rapport à son projet.
Monsieur le ministre, puisque vous tenez tant à nous rassurer, à apaiser nos craintes d'abus en nous expliquant que l'agrément permettra de les éviter, acceptez donc cet amendement. Vous devriez être d'autant plus enclin à le faire qu'il répond à la demande du mouvement associatif - pour lequel vous ne cessez de proclamer votre amour - d'être représenté au sein une commission émettant un avis préalable à la décision de l'administration.
Mme la présidente. L'amendement n° 33, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase de cet article, après les mots :
du recours au volontariat,
insérer les mots :
des conditions d'exercice ainsi que de rémunération,
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. À diverses reprises au cours de la première lecture vous avez, monsieur le ministre, en réponse à nos craintes concernant les conditions de déroulement des missions de volontariat, affirmé que l'instruction par vos services visant à donner l'agrément aux projets de volontariat permettait de nous assurer de la qualité des contrats proposés.
Si nous faisons évidemment confiance aux autorités administratives qui traiteront ces dossiers, nous souhaitons néanmoins nous assurer que ces autorités seront pleinement informées des conditions d'exercice des missions confiées aux volontaires et disposeront donc des éléments d'information nécessaires à leur jugement.
C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d'inscrire dans la loi que le dossier de demande d'agrément déposé précise bien l'ensemble des conditions du déroulement des missions de volontariat projetées, notamment les conditions d'exercice et de rémunération.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Bien évidemment, à l'échelon local, c'est le représentant de l'État dans le département - le préfet, comme M. le ministre le précisera sans doute - qui sera habilité à délivrer l'agrément, étant précisé qu'il ne s'agit pas de donner une accréditation à une association, mais un agrément à un projet.
Quand nous parlons avec nos concitoyens, ils se disent dépassés par les couches successives qui sont empilées en permanence entre la population et les décideurs. Par conséquent, moins il y aura de commissions et mieux nous nous porterons.
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à l'amendement n °16 ainsi qu'à l'amendement n°°33.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Je souscris pleinement aux remarques émises par MM. Assouline et Voguet : il faut être extrêmement vigilant et précis sur la délivrance de l'agrément, qui est le garde-fou, le parapet susceptible de garantir le bon déroulement des missions.
Pour autant, toutes ces précisions sont du domaine du décret. Le décret en Conseil d'État nous permettra de définir très clairement la notion d'agrément, les procédures et, comme le disait fort justement M Murat, l'échelon où, pour chaque type d'engagement volontaire, se déterminera ledit agrément.
Pas plus que M. le rapporteur, je ne suis vraiment fanatique des commissions. On nous demande déjà d'en limiter le nombre, car elles alourdissent le travail des services de l'État dans les départements. Il nous faut donc être aussi rapides, précis et légers que possible pour délivrer l'agrément.
Pour ce qui est de sa reconduction tous les deux ans, elle ne ferait, elle aussi, monsieur Assouline, qu'alourdir inutilement les procédures puisque, dès lors qu'une association s'engage sur une phase de volontariat, dépose un dossier auprès des services de l'État et obtient l'agrément, elle peut mener à bien ses missions, y compris au-delà de deux ans si nécessaire, à condition naturellement de continuer à répondre aux conditions de l'agrément.
À cet égard, je rappelle d'ailleurs que, dans le champ associatif, l'agrément est délivré une fois pour toutes et sans que personne cherche à savoir si l'association a évolué depuis son obtention. Or, dans le cas qui nous occupe, justement, pour chaque mission et chaque période de volontariat, il faudra demander un agrément. La loi de 1901 est un espace de liberté, mais la vie associative est encadrée par cette notion d'agrément au travers de chacun des projets de volontariat déposés. Je pense que c'est une bonne évolution, qui n'alourdit pas trop le fonctionnement du secteur associatif.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 16.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, tout à l'heure, quand nous avons essayé d'introduire des amendements visant à éviter un certain nombre d'abus, vous nous avez dit qu'il fallait arrêter de vouloir tout réglementer et que, de toute façon, la délivrance de l'agrément apporterait toutes les garanties. Mais, maintenant que nous voulons préciser les conditions de délivrance de l'agrément, vous nous renvoyez au décret ! Donc, nous n'avons d'autre possibilité que de nous taire et d'attendre...
De plus, après nous avoir répété que trop de réglementation empêchait l'action, vous jugez excessive notre proposition de voir le mouvement associatif prendre part, à travers sa représentation dans une commission départementale consultée pour avis, au processus de décision concernant l'agrément.
Certains d'entre nous ont tout de même constaté, au sein des collectivités territoriales, que la démocratie participative, loin de freiner l'action, permettait au contraire, en éclairant les discussions, en évitant les malentendus, d'aller droit au but. Or, pour vous, une commission rendant un simple avis - il ne s'agit donc pas d'empêcher la prise de décision ou de contraindre l'administration - constitue un facteur de retardement ou de blocage.
Vous pouvez rêver du bon temps où absolument rien ne faisait écran entre ceux qui décident et ceux pour qui les décisions sont prises, mais, nous, nous continuons à penser que la meilleure solution n'est pas celle-là !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 10 bis
Le groupement d'intérêt public « Coupe du monde de rugby 2007 » est autorisé à recourir aux dispositions de la présente loi afin d'accueillir des volontaires en vue de l'organisation en France de la coupe du monde de rugby de 2007. - (Adopté.)
TITRE II
L'ENGAGEMENT ÉDUCATIF
Article 11
I. - Non modifié
II. - Le chapitre IV du même titre est ainsi modifié :
1° Son intitulé est ainsi rédigé : « Éducateurs et aides familiaux, personnels pédagogiques occasionnels des accueils collectifs de mineurs » ;
2° Il est complété par un article L. 774-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 774-2. - La participation occasionnelle, dans les conditions fixées ci-dessous, d'une personne physique à des fonctions d'animation ou de direction d'un accueil collectif de mineurs à caractère éducatif organisé à l'occasion de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs, dans les conditions prévues aux articles L. 227-4 et suivants du code de l'action sociale et des familles, est qualifiée d'engagement éducatif.
« Sont également qualifiées d'engagement éducatif :
« - la participation occasionnelle, pour le compte d'une personne physique ou morale bénéficiant de l'agrément «Vacances adaptées organisées» prévu à l'article 48 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, d'une personne physique à des fonctions d'animation ou de direction ;
« - la participation occasionnelle d'une personne physique, pour le compte d'une personne morale agréée au titre de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'accompagnement exclusif des activités de loisirs et des activités sportives, dans des établissements et services pour enfants, adolescents ou adultes handicapés, ou lors de séjours d'accueil temporaire pour des activités liées aux vacances.
« Est qualifiée de la même manière la participation occasionnelle, pour le compte d'une association bénéficiant d'une habilitation de l'autorité administrative et dans les mêmes limites, d'une personne physique à l'encadrement de stages destinés aux personnes engagées dans un cursus de formation leur permettant d'exercer les fonctions mentionnées au premier alinéa.
« Les personnes titulaires d'un contrat d'engagement éducatif ne sont pas soumises aux dispositions des chapitres Ier et II du titre IV du livre Ier, à celles des chapitres II et III du titre Ier du livre II, ni à celles des chapitres préliminaire et Ier du titre II du même livre du présent code.
« Sans préjudice des indemnités et avantages en nature dont elles peuvent bénéficier, les personnes titulaires d'un contrat d'engagement éducatif perçoivent une rémunération dont le montant minimum journalier est fixé par décret par référence au salaire minimum de croissance. Cette rémunération est versée au moins une fois par mois.
« La durée du travail des personnes titulaires d'un contrat d'engagement éducatif est fixée par une convention ou un accord de branche étendu ou, à défaut, par décret. Le nombre de journées travaillées ne peut excéder pour chaque personne un plafond annuel de quatre-vingts. L'intéressé bénéficie d'un repos hebdomadaire minimum de vingt-quatre heures consécutives. Les modalités de décompte du temps de travail et de vérification de l'application de ces dispositions par l'inspection du travail sont fixées par décret. »
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 34, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Monsieur le ministre, dès la première lecture de ce projet de loi, nous avons refusé d'inscrire le contrat d'engagement éducatif dans le code du travail, car il déroge aux principaux piliers de notre droit social.
Après les modifications apportées par l'Assemblée nationale, notre refus est encore plus résolu. Dorénavant, les sociétés privées auront accès à ce contrat, alors que leur seul engagement est de dégager du profit. Nous ne pouvons accepter que cela se fasse par la remise en cause de tous les droits sociaux de leurs salariés.
Ainsi, finalement, les choses sont plus claires. Votre alibi de l'engagement militant au service de l'action éducative tombe. Il ne reste alors que des salariés sans droits.
Ce type de contrat de travail est pire que le CPE. Corvéables à merci durant leur mission, ces jeunes salariés ne se verront rémunérés qu'à hauteur de deux heures de travail, pour les quinze ou vingt-quatre heures qu'ils effectueront journellement. Et ils devront toujours payer des impôts sur les repas qu'ils prendront.
Comment peut-on accepter un tel projet, d'autant que, pour avoir accès à ce type de contrat, il leur faudra toujours payer leur formation, notamment au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur, le fameux BAFA ?
Comment peut-on accepter un tel projet alors que cette activité professionnelle exige une qualification toujours plus grande, mais qui ne sera jamais reconnue ?
Comment peut-on accepter un tel projet alors que le décalage est énorme entre les responsabilités confiées à ces jeunes, y compris sur le plan juridique, et le niveau de leur rémunération ?
Pis, l'oeuvre destructrice inscrite dans votre projet ne s'arrête pas là, car l'ensemble des structures socio-éducatives et médico-sociales pourront dorénavant prétendre à ce type de contrat.
C'est donc un démantèlement complet de la profession d'animateur qui est mis en oeuvre à travers votre projet.
Il aboutit à une telle remise en cause d'une profession naissante que nous n'en comprenons pas le sens. La seule raison possible est la recherche effrénée de réduction drastique des coûts salariaux. Personne n'avait encore osé le faire dans de telles proportions !
Nous sommes persuadés que l'ensemble des associations d'éducation populaire, pourtant à l'origine de ce texte, comprendront mieux, alors, pourquoi il nous est impossible d'adopter ce texte.
Nous regrettons que les nombreux problèmes auxquels elles sont confrontées vous aient finalement servi, monsieur le ministre, de cheval de Troie pour une remise en cause du code du travail d'une telle envergure.
Comme je le disais en première lecture, une autre vision est nécessaire pour replacer le droit aux vacances et aux loisirs au centre d'une véritable politique de l'enfance dans notre pays. Cela passe obligatoirement par un retour de l'investissement des pouvoirs publics dans le financement des actions d'éducation populaire.
C'est une erreur que de penser que l'on peut faire l'économie d'une remise à plat de l'organisation et du financement des activités d'éducation populaire, en usant du salaire des animateurs comme seule variable d'ajustement, pour tenter de ne pas rendre inaccessible les séjours aux familles les plus modestes. On se trompe même de cible !
En tant que maire, je connais bien le problème : la caisse des écoles de ma commune, que je préside, organise chaque année le départ en vacances de plus de 1 500 enfants. Notre taux d'encadrement est de 30 % supérieur aux normes et les salaires de nos animateurs sont supérieurs de moitié au montant de l'allocation forfaitaire que vous prévoyez, monsieur le ministre. Dans ces conditions, la masse salariale représente 25 % du coût moyen de nos séjours.
Je sais bien que comparaison n'est pas raison, mais il est tout de même possible d'estimer que la masse salariale ne doit pas, en moyenne, excéder 15 % à 18 % des coûts de séjours. C'est donc bien les coûts d'hébergement, de nourriture, de transports et d'encadrement spécifique qui font peser les charges sont les plus lourdes, et c'est sur celles-ci qu'il serait temps d'agir si l'on veut réellement que le droit aux vacances et aux loisirs deviennent une réalité accessible à tous.
Par ailleurs, vous le savez, monsieur le ministre, grâce à la TVA, l'État engrange des recettes sur ces activités. Le montant de ces prélèvements est finalement presque aussi important que les coûts salariaux de nos séjours.
Décider de ne prendre comme cible que les coûts salariaux des animateurs est bien un choix politique ; cela va de soi, nous ne le partageons pas.
En demandant la suppression de cet article, nous restons convaincus qu'une solution doit être trouvée pour assurer la pérennité de l'activité « vacances » des associations d'éducation populaire.
D'autres voies doivent être explorées et les pouvoirs publics doivent redevenir des partenaires financiers pour ce type d'activité.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 20 est présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Sueur et Bodin, Mmes Printz et Demontès, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 35 est présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° du II de cet article pour l'article L. 774-2 du code du travail, après les mots :
congés professionnels ou de loisirs
insérer les mots :
par une personne morale de droit privé à but non lucratif
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 20.
M. David Assouline. Notre amendement a pour objet d'exclure le secteur marchand du champ d'application du contrat d'engagement éducatif.
À cet égard, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vous signale que, lors de nos débats en première lecture, l'un de vos principaux arguments, sur cette partie du texte, consistait à dire que le secteur marchand n'était pas concerné. Or, après une lecture à l'Assemblée nationale, le projet de loi nous revient avec cette disposition complémentaire qui change quand même beaucoup de choses. Et n'allez pas me dire, monsieur le ministre, que c'est l'amour du mouvement associatif qui vous a inspiré !
Le contrat d'engagement éducatif est déjà dérogatoire au droit commun du travail. À ce titre, il ne comporte pas les garanties nécessaires en termes de rémunération, de durée du temps de travail, de congé, de préavis, de rupture du contrat. Nous avons déjà longuement exprimé notre réserve sur ces points.
Néanmoins, nous comprenons que les associations à but non lucratif qui organisent des vacances et des loisirs souvent pour des enfants des milieux défavorisés, associations dont les moyens financiers ne sont pas élastiques, puissent avoir recours à de tels contrats. Elles se trouvaient dans une situation de vide juridique préoccupant pour faire face à leurs missions sociales.
Il n'y a aucune raison, en revanche, pour que le secteur marchand, qui organise des séjours et des loisirs à prix fort, acquitté par les consommateurs, puisse avoir recours à ce type de contrat.
On ne connaît malheureusement que trop bien la volonté actuelle du Gouvernement de précariser l'emploi. Le CPE en a été la meilleure illustration ; je n'y reviens pas.
L'ouverture au secteur marchand du contrat d'engagement éducatif procède du même état d'esprit, c'est-à-dire une volonté de précarisation générale de l'emploi. Il ouvre encore davantage la boîte de Pandore. Quel sera le prochain secteur à être happé ?
Vous êtes en train de laminer méthodiquement le droit commun du travail. Le libéralisme forcené guide tous vos choix politiques. Ici encore, nous en avons la preuve, alors qu'il n'était nul besoin d'introduire ce type de disposition puisqu'il s'agissait du secteur associatif.
Aussi souhaitons-nous, par cet amendement, revenir au dispositif initial du projet de loi, qui réservait le contrat d'engagement éducatif au seul secteur non lucratif. Sans doute vous souvenez-vous qu'en première lecture nous nous étions abstenus parce que certaines contraintes pèsent effectivement sur les associations et que nous voulions nous laisser le choix de notre position finale.
De l'adoption ou non de cet amendement découlera donc notre vote sur l'ensemble de ce texte, car, en l'état, il est totalement inacceptable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l'amendement n° 35.
M. Jean-François Voguet. Par cet amendement, nous demandons que, si ce contrat est effectivement créé, malgré notre désaccord, il soit strictement réservé aux personnes morales de droit privé à but non lucratif. Les entreprises privées doivent, à notre avis, rester hors du champ d'application de ce dispositif : sinon, il y aurait là un effet d'aubaine très juteux pour elles.
C'est pourquoi nous vous proposons de revenir à la rédaction initiale de ce projet, tel que notre assemblée l'a adopté en première lecture. Dans sa sagesse, notre assemblée, sollicitée sur cette question, avait en effet rejeté cet élargissement.
Cela dit, je me suis demandé si les clubs de loisirs pour enfants organisés au sein des villages de vacances étaient agréés « jeunesse et sports ». Monsieur le ministre, pourriez-vous répondre à cette question, à mon sens importante ? Je pense notamment au Club Med.
En effet, si de telles structures n'avaient pas besoin de l'agrément de votre ministère, nous serions en droit de nous inquiéter des conditions dans lesquelles des enfants sont accueillis collectivement sur notre territoire et il nous faudrait, à mon sens, légiférer sans attendre.
Si, en revanche, ces structures étaient bien agréées - ce que j'espère -, nous serions alors en présence d'une disposition introduite par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, un amendement que nous pourrions dénommer l'« amendement Club Med ».
En effet, cette disposition, si elle est maintenue, permettra à ce type d'entreprises de signer des contrats d'engagement éducatif, ce que nous ne saurions, comme bon nombre d'entre vous, mes chers collègues, accepter.
Mme la présidente. L'amendement n° 36, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par le 2° du II de cet article pour insérer un article L. 774-2 dans le code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. À première vue, ce nouvel alinéa, adopté à l'Assemblée nationale, semble être cohérent avec la modification apportée au texte afin d'ouvrir la possibilité de contrats d'engagement éducatif aux centres de vacances accueillant des personnes handicapées.
Ainsi, dans un même mouvement, il s'agirait simplement d'ouvrir cette possibilité à toutes les structures socio-éducatives et médico-sociales.
Mais cette cohérence n'est qu'apparente. En effet, avec ce nouvel alinéa, il ne s'agit pas de centres de loisirs et de vacances, mais de structures pérennes. En fait, cet alinéa a pour conséquence la suppression de la profession même d'animateur permanent dans ce type de structures, alors que cette profession est en phase de développement et d'installation. Les animateurs permanents pourront ainsi être remplacés par des vacataires sous contrat d'engagement éducatif.
Pour y parvenir, compte tenu de la contrainte des quatre-vingts jours annuels, on n'emploiera plus ces vacataires qu'une ou deux fois par semaine, avec des périodes de congés.
De ce fait, la compétence d'animation ne sera plus partie intégrante des équipes éducatives de ces structures. Il n'y aura plus, à terme dans ce secteur, que des intervenants extérieurs. Ils seront naturellement beaucoup moins impliqués dans l'action sanitaire et sociale ou médico-éducative collective, pourtant si nécessaire dans ce type d'activité.
L'existence de véritables équipes multidisciplinaires, pourtant essentielle, sera ainsi remise en cause.
Nous ne sommes pas sûrs que cela représente une avancée dans le traitement des publics fragilisés, pour lesquels ces établissements ont été créés.
En tout cas, une chose est sûre : cet amendement a été adopté sans aucune concertation préalable avec l'ensemble des professionnels de ce secteur.
Une nouvelle fois, un alinéa, introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale et d'apparence anodine, met en cause l'équilibre fragile d'une activité sociale. Il n'est inspiré que par une seule idée : réduire les coûts.
Mme la présidente. L'amendement n° 37, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le 2° du II de cet article pour insérer un article L. 774-2 dans le code du travail, insérer une phrase ainsi rédigée :
Divers niveaux de cette rémunération minimum seront prévus afin de prendre en compte la qualification et l'expérience des personnes titulaires d'un tel contrat.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. En lisant attentivement le rapport de M. Murat, chacun aura compris que le montant minimum de la rémunération journalière que le ministre fera appliquer par décret sera le minimum constaté actuellement. On aurait pu prendre pour référence le maximum constaté ou une valeur intermédiaire. En fait, ainsi, nous sommes assurés que le minimum défini sera la règle.
Le problème est que ce minimum pourra s'appliquer indifféremment à des non-diplômés, comme à des stagiaires en validation de BAFA. Mais il s'appliquera aussi aux détenteurs de ce diplôme comme à ceux qui disposent d'une spécialité.
C'est pourquoi nous proposons que la rémunération minimale qui sera définie ne soit pas unique mais qu'elle prenne en compte la qualification et l'expérience de l'animateur. À défaut, les risques seront, à notre avis, multiples.
Nous craignons d'abord, bien entendu, la dévalorisation complète du BAFA, que les jeunes volontaires doivent obtenir en assumant eux-mêmes le coût de la formation, ne l'oublions pas. En effet, l'effort financier qui doit être engagé pour obtenir la qualification qu'il atteste ne sera plus reconnu dans la rémunération.
D'autre part, si l'expérience n'est pas non plus reconnue, pourquoi les animateurs de centres exerceraient-ils plusieurs années ? On prend donc bien le risque d'une baisse de la qualification des animateurs.
Pour toutes ces raisons, un nivellement par le bas des rémunérations va, à notre avis, tarir la source des volontaires pour de tels emplois. Que ferons-nous quand nous n'aurons plus de diplômés ni d'animateurs expérimentés, ni même d'animateurs, tout simplement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 38, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le mot :
repos
rédiger comme suit la fin de la troisième phrase du dernier alinéa du texte proposé par le 2° du II de cet article pour insérer un article L. 774-2 dans le code du travail :
minimum de vingt-quatre heures consécutives, pour chaque tranche de sept jours de la durée de son contrat.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. De prime abord, je le conçois volontiers, notre amendement peut paraître pour le moins tatillon. Cependant, il s'appuie sur l'expérience.
Pour certains organisateurs, une journée de repos hebdomadaire signifie un jour de repos par semaine complète travaillée. Or il se trouve que certains séjours en centre de vacances ne débutent pas le samedi ou le dimanche, mais un jour de semaine. Dans ce cas, la première semaine de travail n'est pas complète, de même que la dernière semaine. Ainsi, trois semaines d'activité, soit un séjour en centre de vingt et un jours, pourront s'étendre sur quatre semaines, mais n'ouvriront parfois droit qu'à deux jours de congé car, sur cette période, seules deux semaines complètes auront été travaillées.
Nous l'avons vu, les salaires sont extrêmement bas et les horaires extrêmement longs. Assurons-nous au moins que chaque animateur de centre de vacances disposera réellement d'un jour de repos par tranche de sept jours travaillés de son contrat.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Ce nouveau régime permet de rémunérer forfaitairement les animateurs et les directeurs occasionnels des centres de vacances et de loisirs qui accueillent des mineurs hors des périodes scolaires.
Considérer que l'extension aux organismes privés revient à « marchandiser » le secteur est soit une opinion qui révèle une profonde méconnaissance du secteur des activités de vacances et de loisirs, soit l'expression d'une mauvaise foi tendant à masquer la volonté de créer un monopole au profit du secteur associatif, en toute méconnaissance des principes constitutionnels et européens de liberté du commerce et de libre concurrence.
En effet, associations et entreprises cohabitent aujourd'hui dans le secteur de l'accueil des mineurs, devenu pleinement concurrentiel. Si cette activité est en grande partie exercée sous forme associative, en France, plus de trois cents entreprises participent au départ de plus de 1 125 000 jeunes en centre de vacances. Soumises aux mêmes contraintes budgétaires et aux mêmes obligations réglementaires, ces entreprises déclarent chaque année leurs activités au ministère de la jeunesse et des sports et sont agréées dans les mêmes conditions que les associations.
La rédaction initiale du projet de loi, qui réservait ce régime aux seules associations, était non seulement contraire L. 132-5 du code du travail, mais également aux principes de liberté du commerce et de l'industrie et de libre concurrence garantis par la Constitution et par les traités européens. C'est la raison pour laquelle les députés ont étendu ce régime à l'ensemble des structures qui exercent les mêmes activités dans les mêmes conditions et aux mêmes prix que les associations. (M. Jean-Louis Carrère proteste.)
Pour ces raisons, la commission est défavorable à l'ensemble des amendements déposés sur l'article 11.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Ce projet de loi tend à sécuriser l'encadrement des colonies de vacances.
M. Jean-Louis Carrère. C'est plutôt le Club Méditerranée qui est sécurisé !
M. Jean-François Lamour, ministre. Ce qui nous intéresse, c'est que des millions de gamins, souvent issus de famille aux revenus modestes, puissent partir en vacances grâce à cet engagement éducatif, alors que tout cela, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, a été remis en cause par un gouvernement que vous souteniez, il faut quand même s'en souvenir !
Nous avons essayé de définir la notion d'engagement éducatif, et surtout celle de projet éducatif porté par ces centres de vacances, en élaborant des dispositions qui permettent aux organisateurs - je salue la présence dans les tribunes de M. Henrard, secrétaire général de la JPA, la Jeunesse au plein air - de continuer à envoyer en vacances ces jeunes issus de familles modestes.
On peut avoir tous les idéaux du monde, mais il faut être pragmatique, je le rappelais lors de la première lecture au Sénat. Nous avons donc dû trouver des solutions pour éviter que, pendant la période estivale, l'inspection du travail passe son temps à remettre en question l'organisation même de ces centres de vacances. Certains étaient menacés de fermeture depuis des années : c'est la réalité, et on s'en moquait un peu ! Trouver des solutions, tel est le sens de l'action gouvernementale, quoi que vous en pensiez !
M. Jean-Louis Carrère. C'est le champion de la jeunesse !
M. Jean-François Lamour, ministre. Monsieur le sénateur, la mission première du ministre de la jeunesse, c'est effectivement de permettre à des millions de gamins de partir en vacances, que cela vous plaise ou non ! (M. Serge Lagauche proteste.)
D'ailleurs, le communiqué de presse de M. Henrard diffusé aujourd'hui même précise bien l'objectif de cet engagement éducatif. Je ne prétends pas que ce dispositif est parfait, mais cette solution pragmatique permet de sécuriser l'activité de ces centres de vacances et de loisirs, au moins cet été. Que vous le vouliez ou non, telle a été notre priorité !
Sur l'amendement n° 34, l'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Concernant les amendements identiques nos 20 et 35, auxquels le Gouvernement est également défavorable, je rappelle que l'ordonnance du 1er septembre 2005 a modifié l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles en définissant le caractère éducatif des séjours de vacances. Grâce à cette modification de la définition de la période de séjour éducatif, nous pouvons effectivement adopter, dans le cadre de ce projet de loi, un certain nombre de dispositions qui ne prennent pas en compte le caractère privé ou public de la personne morale, mais précisent bien la nature du caractère éducatif. Je réponds ainsi, monsieur Voguet, à votre question.
Les amendements nos 36, 37 et 38 appellent le même avis de la part du Gouvernement : le secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire, auquel vous faisiez référence, monsieur Voguet, demandait depuis des années que soit apportée une solution au problème qu'il rencontrait ; avec ce projet de loi, nous lui apportons une solution pragmatique.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 34.
M. David Assouline. Il ne faut pas refaire l'histoire : chacun pourra le constater en consultant le compte rendu des débats de première lecture, nous étions convenus de l'existence d'un vrai problème, résultant d'un vide juridique qui handicape fortement les colonies de vacances, avec le risque de voir l'inspection du travail empêcher que certaines colonies puissent fonctionner, notamment cet été. Nous ne revenons pas sur cette position.
Nous n'étions pas d'accord avec la formule bâtarde que vous avez retenue dans ce projet de loi, bâtarde car elle tend à régler le problème par la bande. En effet, je l'avais démontré dans mon intervention à l'époque, il était possible de faire en sorte qu'un statut de volontaire intègre une clarification juridique sur le point précis qui nous occupe actuellement.
Il reste que nous ne parlions là que du secteur associatif, à but non lucratif et j'observe, monsieur le rapporteur, que vous nous aviez alors dit l'inverse de ce que vous nous expliquez maintenant ! À vous écouter aujourd'hui, la rédaction adoptée en première lecture serait inconstitutionnelle parce qu'elle constituerait une atteinte à la libre concurrence. Or c'est cela que vous nous aviez recommandé de voter !
C'est l'Assemblée nationale qui est revenue sur ce point en introduisant le secteur privé dans cette affaire, ce que personne dans le mouvement associatif n'a demandé ! Ne mélangez pas tout !
Sans être d'accord avec la cohérence de votre dispositif initial, nous nous étions abstenus parce que nous ne voulions pas, dans la perspective des vacances de cette année, adresser un signal décourageant au mouvement associatif, qui porte effectivement cette activité depuis longtemps.
J'ajoute que, dans l'histoire sociale et politique de notre pays, ce secteur n'a pas été particulièrement promu et soutenu par la droite ! Nous n'avons pas donc pas, là non plus, de leçons à recevoir ! Vous pouvez essayer de vous rattraper par un artifice, en disant que vous êtes maintenant les défenseurs de l'engagement pédagogique, mais vous vous démasquez en introduisant par la bande le secteur privé, et c'est là votre véritable empreinte !
M. Jean-Louis Carrère. Ils ne peuvent pas s'en empêcher !
M. David Assouline. Tous les arguments que vous avez invoqués vont à l'encontre de ce que vous avez affirmé en première lecture. Faites donc preuve d'un peu moins de mépris, car ce que nous défendons aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de l'esprit que nous avions voulu insuffler à ce projet de loi en première lecture, tous ensemble, Gouvernement, majorité de la commission et opposition. Le projet de loi ne concernait que le mouvement associatif et ces dispositions ne s'étendaient pas au secteur privé. Faut-il désormais considérer que la libre concurrence, cela signifie que tous les « avantages » liés au caractère associatif et à l'absence de but lucratif - ceux-là et d'autres - doivent être ouverts au secteur privé ?
Monsieur le ministre, le secteur des loisirs, du tourisme, y compris sous la forme de séjours pour les enfants, est en forte expansion. Ce développement est lié au progrès général dans le domaine du temps libre, qui ne porte pas non plus votre marque de fabrique, mais bien la nôtre. Si, dans ce contexte, vous accordez au secteur privé les mêmes conditions qu'au secteur associatif, à terme celui-ci sera anéanti, car ses « avantages » compensaient le fait qu'il ne pouvait pas faire de bénéfices et ne disposait pas de l'argent dont peuvent disposer des organismes privés aussi puissants que ceux qui se consacrent aujourd'hui à l'organisation des vacances.
À terme, non seulement vous ne permettrez pas au mouvement associatif de poursuivre son développement, mais vous allez le tuer, parce que les armes seront inégales.
Tel est l'objet très concret de notre amendement : supprimer la disposition introduite par l'Assemblée nationale et permettant aux organismes privés de bénéficier des dispositions applicables au secteur associatif.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.
M. Jean-François Voguet. Je serai très bref parce que, de toute façon, nous ne sommes ni écoutés ni entendus.
Monsieur le ministre, nous connaissons parfaitement le mouvement d'éducation populaire. Nous en sommes d'ailleurs issus, pour ce qui nous concerne. Il suffit d'évoquer 1936, la Libération... D'ailleurs, pendant longtemps, les municipalités communistes ont montré l'exemple, par le nombre d'enfants envoyés en vacances, notamment d'enfants de familles modestes et pauvres.
Cela étant, je pense qu'il faut que nous travaillions à remettre à plat cette activité. Par exemple, les comités d'entreprise y ont longtemps participé activement. Je pense au comité d'entreprise de la RATP, qui bénéficiait tous les ans du concours de trois cents salariés de la RATP encadrant les colonies de vacances ; aujourd'hui, ils ne sont plus que trente.
Avec l'évolution de la société, les conditions ont changé et il est de plus en plus ardu de faire partir les enfants des familles en difficulté, parce que c'est bien de cela qu'il s'agit quand on parle d'éducation populaire !
Il est bien possible que la question se pose différemment pour les familles à hauts revenus, mais nous parlons de ce que nous connaissons : si ce système, à bien des égards effectivement exemplaire, n'existait pas en France, nous ne pourrions pas permettre à des enfants de familles modestes de partir en vacances.
Cela étant, le coût du séjour n'est pas formé, vous le savez parfaitement, par les seuls salaires : les frais d'hébergement, la nourriture, l'organisation des activités, qui requièrent maintenant des animateurs pourvus d'une qualification spécifique, qu'il faut rémunérer « normalement », pèsent de plus en plus lourdement. En outre, les associations concernées sont soumises à la TVA.
Vous savez aussi que l'État tend à se désengager toujours davantage du financement des séjours de vacances. D'ailleurs, nombre de ces séjours sont aidés par les collectivités territoriales, qui participent d'une certaine façon à leur financement, notamment au travers des quotients familiaux. Tout cela est bien connu.
Il faut enfin évoquer la question des transports : alors que la SNCF, par exemple, a longtemps accordé des tarifs préférentiels, les billets de groupe sont remis en cause.
Nous avons donc effectivement été interpellés par le monde associatif et de l'éducation populaire. En tout état de cause, nous pensons qu'il faut aller plus loin et nous nous sommes exprimés sur ce point.
Cependant, tout autre est le cas des structures privées à but lucratif. À cet égard, je vous ai interrogé, monsieur le ministre, sur le statut des « centres de vacances » mis en place par le Club Méditerranée pour prendre en charge les enfants de ses clients au sein même des « villages ». Le Club Méditerranée va-t-il pouvoir rémunérer ses animateurs dans les mêmes conditions que, par exemple, le Secours populaire ? Ce serait là un vrai problème.
J'ajoute que, de plus en plus, la fonction d'animateur tend à se professionnaliser, à tel point que les animateurs ont obtenu un statut de fonctionnaire territorial, qui leur ouvre des perspectives d'évolution de carrière. Tout donne à penser que cette tendance s'accentuera dans les années à venir, notamment avec la volonté des parents d'être sécurisés, d'être certains de la qualification des personnels encadrant leurs enfants. Le dispositif que vous préconisez aujourd'hui est donc, vous le savez bien, à courte vue. Il faudra indéniablement tout remettre à plat.
M. Michel Moreigne. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 35.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 13
L'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics peuvent confier au Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire le soin de procéder au versement, pour leur compte et selon des modalités qu'ils définissent, des subventions destinées au financement de la rémunération de personnels des associations intervenant dans le domaine de la jeunesse, de l'éducation populaire, du sport, de la culture ou de la protection de l'environnement, ou concourant à l'action sociale des collectivités publiques.
Des conventions précisent les conditions dans lesquelles le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire verse les subventions aux associations bénéficiaires désignées par la personne publique. - (Adopté.)
Article 14
Les associations dont le budget annuel est supérieur à 150 000 € et recevant une ou plusieurs subventions de l'État ou d'une collectivité territoriale, dont le montant est supérieur à 50 000 €, doivent publier chaque année dans le compte financier les rémunérations des trois plus hauts cadres dirigeants bénévoles et salariés ainsi que leurs avantages en nature.
Mme la présidente. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Assouline, Lagauche, Domeizel, Sueur et Bodin, Mmes Printz et Demontès, MM. Madec, Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés , est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. La loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques impose aux patrons des grandes entreprises de révéler leurs rémunérations. Le but visé au travers de ce texte était d'améliorer et de renforcer l'information des actionnaires des sociétés.
Ainsi, le document de référence des sociétés anonymes - il s'agit en général du rapport annuel - doit désormais rendre compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés, durant l'exercice, à chaque mandataire social et dirigeant. Dans la pratique, il semble que bien peu d'entreprises appliquent la nouvelle législation, les salaires des patrons demeurant un tabou en France.
Il est donc pour le moins surprenant que, aujourd'hui, le Gouvernement et sa majorité souhaitent appliquer une mesure similaire au secteur associatif, qui n'a aucun but lucratif, où les rémunérations s'apparentent davantage à un dédommagement qu'à un salaire et où ni dividendes ni actions ne sont répartis entre les membres.
Quel paradoxe ! Le Gouvernement n'hésite pas à précariser l'emploi associatif, à permettre au secteur marchand de recourir au contrat d'engagement éducatif et, parallèlement, il accepte de calquer les règles de publicité des rémunérations dans ce secteur sur celles qui s'appliquent à l'entreprise ! Mais vous n'êtes pas à une contradiction près...
Le dispositif de cet article est insultant pour le secteur associatif et ses responsables, qui sont animés par un tout autre état d'esprit que les patrons d'entreprise et dont l'objectif premier est de remplir une mission socio-éducative, non d'engranger des bénéfices.
Tout cela nous amène à demander la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Article 15
Sont amnistiées de droit les infractions visées à l'article L. 324-9 du code du travail, commises avant la promulgation de la présente loi, à l'occasion d'une activité remplissant les conditions prévues pour la conclusion d'un contrat de volontariat associatif ou d'un contrat d'engagement éducatif.
L'amnistie bénéficie aux personnes physiques et aux personnes morales.
Lorsqu'elle intervient après condamnation définitive, l'amnistie résultant du présent article est constatée par le ministère public près la juridiction ayant prononcé la condamnation, agissant soit d'office, soit sur requête du condamné ou de ses ayants droit. La décision du ministère public peut être contestée dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article 778 du code de procédure pénale.
Mme la présidente. L'amendement n° 39, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa de cet article par les mots :
de droit privé à but non lucratif
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Il s'agit, pour une part, d'un amendement de cohérence.
En effet, nous avons proposé antérieurement que les sociétés privées ne puissent pas recourir à des contrats d'engagement éducatif. C'est donc tout naturellement que nous demandons maintenant qu'elles soient exclues du champ du dispositif prévu à l'article 15.
Pour autant, il ne s'agit pas seulement d'un amendement de cohérence, car même si la proposition que j'évoquais à l'instant n'a pas été adoptée, nous ne saurions accepter que des employeurs ayant, en toute connaissance de cause, refusé d'appliquer le code du travail puissent être aujourd'hui amnistiés et que les procédures en cours aux prud'hommes puissent ne pas aboutir.
Il s'agit là d'une mesure rétroactive que nous considérons comme injustifiée, tout particulièrement si elle doit profiter à des employeurs privés indélicats.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
Les personnes morales de droit public tiennent à disposition du public par voie électronique, dans des conditions fixées par décret, le montant des subventions qu'elles ont accordées aux associations de droit français et aux fondations reconnues d'utilité publique. Un bilan annuel consolidé est disponible chaque année.
Mme la présidente. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Assouline, Lagauche, Domeizel, Sueur et Bodin, Mmes Printz et Demontès, MM. Madec, Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés , est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Comme je l'avais annoncé tout à l'heure, nous revenons sur la question de savoir qui, en vérité, est soupçonneux à l'égard du monde associatif.
Ce dispositif, introduit par l'Assemblée nationale, fait peser un soupçon sur les associations, qui, généralement, ne brassent pas des millions. Elles n'ont aucun but lucratif. Est-ce pour se « dédouaner » de l'ouverture du bénéfice des contrats précaires d'engagement éducatif au secteur marchand que le Gouvernement et sa majorité prétendent, en contrepartie, instaurer une plus grande transparence dans la comptabilité des associations ? Si la mesure est insultante pour le monde associatif, elle est, de surcroît, juridiquement inutile, car redondante.
En effet, la législation actuelle impose à toute entité publique, qu'il s'agisse de l'État, d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public, d'inscrire dans son budget annuel toutes ses dépenses, celles-ci étant ensuite soumises à l'approbation de l'assemblée ou de l'organe délibérant.
De plus, l'article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales prévoit déjà le contrôle des associations subventionnées par les collectivités territoriales par les délégués de ces dernières.
Le deuxième alinéa de ce même article fait obligation aux associations ainsi subventionnées de fournir à l'autorité qui a mandaté la subvention une copie certifiée de leur budget et de leurs comptes de l'exercice écoulé, ainsi que tous les documents faisant connaître les résultats de leur activité.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est normal !
M. David Assouline. Bien sûr, c'est tout à fait normal, mais pourquoi chercher maintenant à aller plus loin ?
La comptabilité des associations est donc déjà soumise à une obligation légale de transparence.
L'article dont nous demandons la suppression oblige, de surcroît, les associations à fournir ces données en ligne au public, ce qui signifie que toute association devra créer son site Internet. Cela n'est pas neutre en termes de budget et d'emplois.
Compte tenu de la réduction budgétaire des crédits aux associations opérée par le Gouvernement et de la pénurie de l'emploi associatif due à cette hémorragie des crédits, les charges induites par ce nouveau dispositif seront trop lourdes à assumer...
M. Michel Moreigne. Eh oui !
M. David Assouline. ... pour de très nombreuses associations qui ont souvent déjà bien du mal à joindre les deux bouts et à jouer leur rôle socio-culturel et éducatif.
Je parle ici, monsieur le ministre, de ces toutes petites associations auxquelles vous faisiez référence tout à l'heure, notamment pour expliquer qu'elles seraient entravées dans leur action par un excès de garanties dans le secteur du volontariat éducatif. Paradoxalement, ce souci de ne pas alourdir les contraintes est ici complètement oublié.
Toutes ces raisons nous amènent à proposer la suppression de cet article, qui ne figurait pas dans le texte qui nous a été soumis en première lecture. Je vous demande en outre, monsieur le ministre, de nous dire quelles raisons vous ont convaincu d'accepter l'introduction d'un tel dispositif, quel est l'objectif réellement visé et ce que vous attendez des associations. Pourquoi tant de suspicion ?
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Je rappelle que les petites associations ne sont pas concernées par ce dispositif. La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Cet article ne figurait pas, en effet, dans la version du projet de loi examinée par le Sénat en première lecture, et cela explique peut-être, monsieur Assouline, que vous ne l'ayez pas bien lu.
Ainsi, les « personnes morales » dont il s'agit, ce ne sont pas les associations, ce sont les financeurs publics, c'est-à-dire les collectivités territoriales ; comprenons-nous bien. Vous avez donc fait une erreur : ce n'est pas aux associations qu'il reviendra de créer un site Internet ou de se doter d'un outil informatique puisque ce sont les collectivités qui devront communiquer au public le montant des subventions qu'elles accordent aux associations.
M. David Assouline. Pas du tout ! Ce n'est pas ce que dit le texte !
M. Jean-François Lamour, ministre. Pour que les choses soient claires, je vais redonner lecture du texte de l'article, monsieur le sénateur :
« Les personnes morales de droit public... - il s'agit des collectivités territoriales, monsieur Assouline, renseignez-vous davantage si vous n'en êtes pas convaincu - ... tiennent à disposition du public par voie électronique, dans des conditions fixées par décret, le montant des subventions qu'elles ont accordées aux associations de droit français et aux fondations reconnues d'utilité publique. Un bilan annuel consolidé est disponible chaque année. »
Comme vous le voyez, il incombera donc aux collectivités territoriales de rendre public le montant des subventions qu'elles ont accordées aux associations. Ce ne sont pas les associations qui devront s'en charger.
MM. David Assouline et Serge Lagauche. Cela se fait déjà !
M. Jean-François Lamour, ministre. Oui, mais pas par voie électronique ! (M. Serge Lagauche s'esclaffe.) M. Assouline nous parlait tout à l'heure de démocratie participative. Cela recouvre, en particulier, le droit, pour tout citoyen, de connaître le montant de la subvention que telle ou telle collectivité verse à telle ou telle association. C'est une question de transparence, ce n'est pas l'inquisition !
M. Jean-Louis Carrère. Pas de leçons ! Gardez-les pour vos amis, ils en ont besoin !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je ne m'appesantirai pas sur le ton méprisant employé par M. le ministre.
Je me bornerai à relever que l'on peut certes vouloir permettre la transparence, mais qu'inscrire dans la loi, alors que tout est déjà « verrouillé », les dispositions que j'ai évoquées revient à susciter inutilement le soupçon.
Vous n'avez cessé, monsieur le ministre, au cours de l'examen de ce texte, de renvoyer aux décrets d'application. Or, cette fois, tout doit être précisé dans la loi ! Nous jugeons que cela est inutile, à moins que cela ne reflète une attitude désagréablement suspicieuse à l'égard du mouvement associatif, que vous ne portez pas dans votre coeur. (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mouvement associatif revêt une importance particulière dans notre pays. Il existe en effet aujourd'hui 1 million d'associations, qui regroupent de 13 millions à 14 millions de personnes. Elles contribuent à affermir un lien social parfois distendu dans notre société, en permettant des échanges thématiques ou libres entre nos concitoyens.
Notre jeunesse est particulièrement attachée à la notion de bénévolat. Le volontariat associatif peut être une occasion de découverte et d'enrichissement, voire représenter une deuxième chance pour certains jeunes qui ne bénéficient d'aucune qualification à la sortie du système scolaire.
Le texte dont nous venons de débattre apporte ainsi une réelle dimension d'intégration sociale au volontariat. La prise en compte des compétences acquises dans le cadre de l'exécution du contrat de volontariat va dans ce sens.
L'ensemble des associations emploient aujourd'hui 1,5 million de salariés. Ceux-ci attendent qu'un régime juridique consolidé leur soit accordé. Le présent projet de loi promeut une philosophie nouvelle, qui répond à la nécessité de donner une portée toujours plus grande à la notion d'effort.
Ce projet de loi semble donc prendre la mesure de la diversité et de la disparité des associations. La création du contrat de volontariat associatif est incontestablement une avancée, notamment grâce à la couverture sociale qu'il institue. La conclusion d'un tel contrat, dont les clauses feront l'objet d'un accord entre le volontaire et la structure d'accueil, sécurise la situation du volontaire, tout en définissant les obligations des deux parties.
Je salue également l'aménagement du régime de rupture du contrat de travail. Il permet désormais aux salariés de droit privé qui le souhaitent de s'engager dans une action de volontariat. La conservation des droits acquis à l'indemnisation au titre de l'assurance chômage constitue une avancée.
Avec le second volet du projet de loi, l'engagement éducatif, est enfin reconnu un véritable statut aux personnels pédagogiques occasionnels qui participent à l'animation des centres de vacances ou de loisirs. Près de 36 000 directeurs, 7 500 formateurs et 200 000 animateurs, tous occasionnels, seront ainsi concernés par le nouveau régime que le législateur s'apprête à créer.
Le présent texte contient d'importantes novations positives. Nous le voterons donc.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Papon.
Mme Monique Papon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela vient d'être dit, notre pays compte un million d'associations, et près de 70 000 s'en créent chaque année. Elles occupent donc une place essentielle dans notre société pour le développement des solidarités et l'exercice de la démocratie.
Une telle réalité a d'ailleurs conduit en 2004, pour la première fois, à la mise en place d'un ministère chargé de la vie associative, qui marque ainsi la reconnaissance officielle du fait associatif. Dernièrement, lors de la conférence de la vie associative, vingt-cinq propositions ont été formulées par le Gouvernement, notamment pour encourager le bénévolat. Je tiens donc à saluer l'action du Gouvernement en faveur des associations.
Le projet de loi que nous avons étudié est le fruit d'un excellent travail, qui répond aux attentes du monde associatif. Le statut du volontariat va permettre à celui-ci de devenir, aux côtés du bénévolat et du salariat, le troisième pilier des associations. Il sera particulièrement bien adapté à l'engagement désintéressé de certaines personnes, qui souhaitent s'impliquer dans une activité citoyenne pendant une période de leur vie.
Depuis que nous avons débuté l'examen du texte, la création du service civil volontaire a été annoncée. Il s'appuiera en partie sur le volontariat associatif. Il était donc primordial de définir un statut du volontaire, qui permette notamment à celui-ci de bénéficier d'une indemnité, d'une véritable protection sociale et de la prise en compte de son engagement dans le calcul de ses droits à la retraite. Les propositions de notre Haute Assemblée et des députés ont permis, d'une part, de renforcer la spécificité du volontariat par rapport au bénévolat et au salariat et, d'autre part, de rendre aussi son statut plus attractif.
Pour que le volontariat connaisse maintenant un plein succès, il faudra qu'il soit porté à la connaissance des jeunes. Nous vous faisons toute confiance, monsieur le ministre, pour mener ce travail de pédagogie et de sensibilisation.
Le projet de loi s'est également enrichi de plusieurs dispositions venant compléter le régime de l'engagement éducatif. Ainsi, le cas des structures commerciales qui proposent l'accueil des mineurs durant les congés et les vacances scolaires a pu être intégré au projet de loi. Nous nous réjouissons également de l'extension du régime aux accueils d'adultes handicapés.
Il me semble que nous sommes arrivés à un ensemble de mesures cohérent et parfaitement opérationnel. Le groupe UMP votera donc ce projet de loi, en remerciant ceux qui consacrent généreusement leur temps au service des autres. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Notre volonté de soutenir le mouvement associatif, énormément fragilisé par votre politique, mais qui a plus que jamais besoin de signaux positifs, aurait justifié de confirmer en deuxième lecture notre abstention de la première lecture.
Cette abstention était le signe de notre esprit d'ouverture dans un débat qui, pour nous, ne faisait que commencer. Lors de la clôture de la discussion en première lecture, je me permettais même d'espérer que la navette produirait encore des éléments nouveaux et positifs qui amélioreraient le texte dans le sens que nous souhaitons.
Nous ne pouvons que nous désoler du résultat final de la navette, qui est probablement le fruit de la radicalisation du Gouvernement et de la majorité en matière de libéralisation du droit du travail. En effet, le groupe UMP de l'Assemblée nationale, avec l'appui du Gouvernement, a rendu tout à fait inacceptable la rédaction du titre II relatif à l'engagement éducatif, qui nous posait déjà beaucoup de difficultés dans sa version initiale.
La modification de l'article 11, qui bouleverse totalement l'économie du dispositif en permettant à des organismes à but lucratif d'en bénéficier, suffit à justifier notre opposition à ce qu'est devenu ce projet de loi. Pour ajouter à l'inacceptable, les quelques amendements que notre groupe avait réussi, je vous le rappelle, à vous faire accepter en première lecture pour améliorer le titre Ier, parfois avec l'appui d'ailleurs du rapporteur et de la commission, ont été supprimés.
Malgré le recul du Gouvernement sur le contrat première embauche sous la pression, très forte, du mouvement social, l'oeuvre de démantèlement de notre droit du travail continue. Preuve en a été donnée avec l'examen de ce projet de loi et la modification dont je viens de parler.
La nature même du volontariat associatif, au carrefour du bénévolat et du salariat, reste imprécise. Les explications du ministre pour clarifier son statut sont d'ailleurs parfois contradictoires.
On nous affirme ainsi que le volontariat doit recouvrir une activité à temps plein et que son indemnisation doit permettre au volontaire d'avoir des conditions de vie décentes. Or le montant annoncé de l'indemnité de volontariat serait, aux termes du projet de décret, de 400 euros mensuels, sans que le sort d'éventuels avantages en nature soit clairement fixé. Seront-ils compris dans l'indemnité ? Pourront-ils venir en supplément ? Pourraient-ils même y suppléer ?
Cette question n'est pas neutre, et amène bien à s'interroger sur la nature même du volontariat, qui n'est pas du bénévolat. Activité à temps plein sans pouvoir être qualifiée de travail salarié, le volontariat semble décidément un dispositif bien mal ficelé, sur lequel nous nous posons bien des questions.
Monsieur le ministre, le titre Ier de votre texte nous laisse donc un fort goût d'inachevé. Le mouvement associatif, qui l'a réclamé, et nous-mêmes, qui avons réfléchi sur ce sujet et voulons nous engager plus avant, espérions et espérons encore d'un tel dispositif. Mais, pour cela, il faut de la clarté. Or ce texte suscite de nombreuses interrogations auxquelles aucune réponse n'a été apportée, ni avant ni pendant son examen par le Parlement.
Soyons précis : avec une indemnité de 400 euros par mois, soit un montant inférieur à celui du RMI, il est évident qu'on ne peut vivre décemment. Dès lors, il faut ou bien disposer d'un hébergement gratuit ou bien pouvoir vivre des revenus de son patrimoine, comme je l'ai dit tout à l'heure.
À ces conditions, le volontariat sera réservé à des personnes ayant une certaine aisance financière ou aux femmes au foyer désireuses de s'engager, pour un petit complément de revenu non imposable, dans le semi-bénévolat. Mais ces dernières pourront-elles accepter une mission à temps plein ?
Quant aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, a priori les premiers visés par ce dispositif même s'il ne leur est pas exclusivement réservé, beaucoup d'entre eux sont étudiants. On voit mal comment ils pourraient s'engager dans une mission de volontariat si celle-ci les mobilise nécessairement à plein temps, en contrepartie d'une indemnité inférieure à la rémunération qu'assure un job à temps partiel. Si l'on veut rassembler beaucoup de volontaires, il faut quand même répondre à cette question très concrète.
Ces questions suscitent une autre interrogation chez les élus locaux, que nous représentons, monsieur le ministre. En définitive, le volontariat associatif n'aurait-il pas vocation à se substituer au dispositif des emplois-jeunes, supprimés, pour des raisons purement idéologiques, d'un trait de plume par l'UMP revenue au pouvoir, mais qui permettait de financer de véritables emplois associatifs avec l'aide de l'État ?
Ne s'agirait-il pas, une nouvelle fois, de laisser les collectivités territoriales se débrouiller avec la question du financement des associations ? Et sans même que soit envisagé, ni d'ailleurs évoqué, un transfert de charges de l'État vers les collectivités locales, alors que nous avons bien assisté là à un désengagement de l'État...
Le statut de volontaire associatif, qui reste donc bien fragile au terme de cette deuxième lecture, n'a pas été totalement dénaturé par les députés UMP, comme l'a été le dispositif du titre II, instaurant une dérogation au droit commun du travail en faveur de l'engagement éducatif.
En l'état actuel du texte, nous ne pouvons qu'être totalement opposés au bénéfice de l'ouverture de l'engagement éducatif au secteur marchand. Nous avons tenté d'y remédier, mais vous préférez vous obstiner dans la voie de la précarisation des conditions de travail de plus en plus de salariés, dans de plus en plus de secteurs.
Nous ne pouvons donc cautionner cette nouvelle dérogation au droit commun du travail et à ses garanties fondamentales. Les syndicats du secteur de l'animation socioculturelle et sportive ne s'y sont d'ailleurs pas trompés et ont exigé ensemble, dans une grande unité syndicale, le retrait du dispositif d'engagement éducatif, notamment pour cette raison.
Aujourd'hui, les opérateurs privés de vacances et de loisirs organisés, à but clairement lucratif, vont en effet pouvoir utiliser le contrat d'engagement éducatif en employant des animateurs à qui ils seront désormais en droit d'offrir une rémunération largement inférieure au SMIC.
Par ailleurs, les dispositions issues de l'Assemblée nationale prétendant instaurer davantage de transparence dans le secteur associatif procèdent, en réalité, d'une démarche suspicieuse, ignorante de la réalité du secteur associatif à but non lucratif, déjà soumis à des obligations légales de transparence des comptes, qu'il faut bien entendu confirmer.
Nous nous sommes exprimés longuement sur ces points dans la défense de nos amendements tendant à la suppression de ces dispositions néfastes et inutiles ; je n'y reviens donc pas.
Il est vraiment regrettable que le débat en deuxième lecture sur un sujet aussi important que l'emploi dans le secteur de l'économie sociale et solidaire n'ait pas été davantage ouvert. Il aurait été souhaitable, sur un sujet comme celui-là, d'obtenir un consensus de notre Assemblée. Et c'était possible. Mais tout était ficelé d'avance de par la volonté du Gouvernement de faire adopter ce texte conforme. À quoi sert la navette parlementaire si le droit d'amendement est nié dans les faits ?
Nous avions, en première lecture, fait preuve d'ouverture en nous abstenant sur le projet de loi. Nous ne pouvons en faire autant en deuxième lecture. L'économie du texte a été profondément déséquilibrée par l'Assemblée nationale, qui ne s'est pas bornée à ajouter des éléments inacceptables à nos yeux, mais qui a également supprimé les quelques avancées issues d'amendements que vous-même, monsieur le ministre, aviez acceptés ici en première lecture. Ce mépris, non seulement pour l'opposition et pour notre travail, mais encore pour la chambre où nous siégeons, est absolument inacceptable.
Compte tenu de la politique de l'emploi que mène ce gouvernement, compte tenu du manque d'ouverture de la majorité à l'égard de nos propositions, compte tenu des apports néfastes de l'Assemblée nationale sur le volet de l'engagement éducatif, et vu les nouvelles contraintes pesant dorénavant sur les associations, nous voterons contre ce texte en deuxième lecture.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès mon intervention liminaire sur ce projet de loi, je vous disais notre décision de voter contre celui-ci. Rien n'étant venu infléchir vos choix au cours de ce débat - cet après-midi encore, vous avez refusé d'examiner nos propositions, pourtant travaillées et sérieuses - vous ne serez pas étonné par notre vote.
Oui, nous restons défavorables à la mise en place des nouveaux contrats de volontariat associatif et d'engagement éducatif ; je vous épargnerai le rappel de l'ensemble des explications qui motivent notre décision.
Si, lors de la présentation de ce texte en première lecture, l'illusion sur les objectifs de ces nouveaux contrats pouvait se cacher derrière le pragmatisme affiché, après les mois de navette et les projets qui sont venus en débat depuis, les arrière-pensées sont maintenant plus claires.
Vous-même, monsieur le rapporteur, vous notiez dans votre rapport les événements que notre pays a connus au mois de novembre dernier. Ainsi, vous inscrivez ce projet comme une réponse aux attentes exprimées par une partie de la jeunesse qui s'est révoltée, et le volontariat associatif s'intègre dorénavant au service civil volontaire, créé par votre loi dite « pour l'égalité des chances ».
Ce faisant, la fonction de ce nouveau contrat est plus clairement définie comme une mesure occupationnelle et d'encadrement pour une jeunesse en difficulté. Avant l'adoption du contrat première embauche, monsieur le ministre, vous aviez ainsi créé les conditions de petits boulots au rabais pour des milliers de jeunes qui devront accepter un petit quelque chose pour éviter d'être dans le dénuement le plus total. Et vous créez les conditions pour que ce soient les associations agissant pour atténuer le « mal-vivre » des jeunes qui deviennent, bien involontairement, les instruments de cette politique.
Cela, nous ne pouvons l'accepter, tout comme nous refusons de cautionner le détournement de la volonté de partage et d'intervention responsable qui motive un grand nombre de jeunes prêts à s'engager dans une action volontaire au sein d'une association.
En ayant refusé les propositions d'encadrement de ces contrats et la revalorisation des allocations prévues, allant même jusqu'à prévoir la possibilité qu'un volontaire intervienne gratuitement, vous souhaitez apprendre à ces jeunes volontaires que les garanties collectives ne sont plus nécessaires et qu'« il vaut mieux un petit peu que rien du tout ».
Vous pratiquez ainsi une véritable pédagogie du renoncement, en les préparant à accepter ensuite un travail lui-même sans garantie.
De contrats volontaires en engagements éducatifs, puis de stages en CNE, l'horizon d'un emploi stable et bien rémunéré s'éloigne toujours plus pour les jeunes, mais tout particulièrement pour ceux qui sont le plus en difficulté.
La logique est maintenant claire : elle est pour nous inacceptable.
En ce qui concerne l'engagement éducatif, vous introduisez la confusion entre engagement militant et emploi salarié pour assurer, à bon compte, l'accueil éducatif dans les centres de vacances et de loisirs, malgré le désengagement financier total de l'État et la baisse des financements patronaux au profit des comités d'entreprise.
Enfin, avec les amendements de l'Assemblée nationale que vous avez acceptés, monsieur le ministre, vous détournez la demande qui vous était formulée par les associations d'éducation populaire en ouvrant dorénavant ce type de contrat aux sociétés privées et aux établissements médico-sociaux.
Ce faisant, malgré le retrait du CPE qu'il vous a bien fallu accepter, vous poursuivez dans votre logique de précarisation de l'emploi des jeunes, sans aucune garantie et particulièrement sous-payé. Ce sont des raisons supplémentaires pour refuser de voter ce texte.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le Sénat pour sa contribution au long cheminement qui a abouti au vote de cette loi.
J'ai bien entendu les interrogations et certaines critiques au sujet du volontariat. Il s'agit d'un espace nouveau, je le reconnais volontiers, qui n'est pas encore véritablement inscrit dans la culture de l'engagement associatif de notre pays, ou qui est encore à l'état embryonnaire malgré un dispositif législatif en vigueur depuis 2000.
La volonté de basculer d'un service volontaire à un service obligatoire a sans doute contribué à perturber nos débats, mais je crois sincèrement qu'elle mettait en danger l'engagement désintéressé, naturel des jeunes - et des moins jeunes, d'ailleurs - dans la société. Cette question devrait faire l'objet d'un beau débat dans les mois qui viennent ; au demeurant, ce débat est d'ores et déjà entamé.
Ensuite, je le reconnais également, le fait de joindre deux textes pouvait susciter des interrogations. (M. David Assouline acquiesce.) Mais, au-delà de toute idéologie, j'avais la volonté d'obtenir des résultats sur le terrain. La pérennisation des centres de vacances et de loisirs n'ayant pas été garantie avant 2002, il fallait donc trouver une solution. D'ailleurs, monsieur Voguet, et M. Henrard le sait bien, la remise à plat que vous demandez prendrait trop de temps pour assurer à court terme la survie de ces centres.
Certes, le texte n'est pas parfait - d'autres pistes avaient d'ailleurs été évoquées -, mais la solution que nous avons retenue est équilibrée. Elle sera surtout - c'était pour moi une priorité - opérationnelle dès cet été : les centres de vacances et de loisirs pourront fonctionner sans problème, sans que les inspecteurs du travail viennent - fort logiquement, au demeurant - remettre en cause l'engagement éducatif et l'encadrement des jeunes. Nous avons fait, dans ce domaine, une réelle avancée.
Compte tenu de la nature même du sujet, nos débats ont été riches, complexes, et je tenais à vous en remercier. Ils permettront de conserver une certaine souplesse et, j'en suis convaincu, de maintenir la confiance entre les responsables d'associations et les jeunes.
Nous ne pouvons pas en permanence contraindre nos jeunes en les mettant dans un carcan. Laissons-les s'exprimer dans le champ associatif, par le volontariat. L'engagement des jeunes est une bonne chose pour notre pays ; il est aussi le signe d'une société solidaire, dont le projet de loi est l'un des symboles.
Le texte que vous venez d'adopter, même s'il n'est pas totalement abouti, représente en tout cas une importante avancée à laquelle nous avons tous contribué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (nos 269, 308).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 2.
Article 2
L'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« 5° La reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu'elle est une partie intégrante et essentielle d'un procédé technique et qu'elle a pour unique objet de permettre l'utilisation licite de l'oeuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d'un réseau faisant appel à un intermédiaire ; toutefois, cette reproduction provisoire ne doit pas avoir de valeur économique propre ;
« 6° La reproduction et la communication au public d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme dans les conditions définies au treizième alinéa (7°) et au quatorzième alinéa de l'article L. 122-5.
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'interprétation, du phonogramme, du vidéogramme ou du programme ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'artiste-interprète, du producteur ou de l'entreprise de communication audiovisuelle. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le 3° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - la représentation ou la reproduction de courtes oeuvres ou d'extraits d'oeuvre, autres que des oeuvres elles-mêmes conçues à des fins pédagogiques, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, et sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs directement concernés, que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire. »
2° Il est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« 5° La reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu'elle est une partie intégrante et essentielle d'un procédé technique et qu'elle a pour unique objet de permettre l'utilisation licite de l'oeuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d'un réseau faisant appel à un intermédiaire ; toutefois, cette reproduction provisoire ne doit pas avoir de valeur économique propre ;
« 6° La reproduction et la communication au public d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme dans les conditions définies aux deux premiers alinéas du 7° de l'article L. 122-5.
« 7° Les actes de reproduction d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, effectués à des fins de conservation, ou destinés à préserver les conditions de sa consultation sur place, effectués par des bibliothèques accessibles au public, par des musées, ou par des services d'archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial ;
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'interprétation, du phonogramme, du vidéogramme ou du programme ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'artiste-interprète, du producteur ou de l'entreprise de communication audiovisuelle. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Le présent amendement a pour objet d'ajouter à la liste des exceptions aux droits voisins deux nouvelles exceptions : l'exception en faveur des bibliothèques, ajoutée par l'Assemblée nationale aux exceptions au droit d'auteur, et l'exception en faveur de l'éducation et de la recherche, que la commission vous a proposé d'ajouter aux exceptions au droit d'auteur.
Cet amendement a été rectifié afin de prendre en compte la préoccupation exprimée au travers du sous-amendement n° 232 de Mme Blandin.
Nous nous sommes également inspirés de la rédaction qui nous avait été proposée par M. Charasse, lors de l'examen de l'exception correspondante en matière de droit d'auteur : « circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs ».
Ces deux compléments permettront de respecter le parallélisme entre les exceptions au droit d'auteur et les exceptions aux droits voisins.
En revanche, il n'y a pas lieu d'intégrer dans l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle une exception relative aux oeuvres graphiques, plastiques ou architecturales, qui, par définition, ne peut concerner que le droit d'auteur.
M. le président. Le sous-amendement n° 110, présenté par M. Dufaut et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 1° de l'amendement n° 10 pour compléter le 3° de l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, remplacer le mot :
représentation
par les mots :
communication au public
La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. S'agissant d'une exception aux droits voisins, et non au droit d'auteur, l'expression usuelle correspondant à la représentation est la « communication au public ».
M. le président. Le sous-amendement n° 109, présenté par M. Dufaut et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 1° de l'amendement n°10 pour compléter le 3° de l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
de courtes oeuvres ou d'extraits d'oeuvre, autres que des oeuvres elles-mêmes conçues à des fins pédagogiques
par les mots :
d'extraits d'objets protégés par un droit voisin ou de courts objets, autres que des objets eux-mêmes conçus à des fins pédagogiques
La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Ce sous-amendement a le même objet que le sous-amendement n° 108, que j'aurai ainsi également défendu.
S'agissant d'une exception aux droits voisins, de manière qu'il n'y ait pas de confusion, il convient d'éviter le terme « oeuvre », qui renvoie systématiquement au droit d'auteur, et d'y substituer le terme juridique « objet ».
M. le président. Le sous-amendement n° 108, présenté par M. Dufaut et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du 7° du texte proposé par le 2° de l'amendement n° 10 pour compléter l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, supprimer les mots :
d'une oeuvre,
Ce sous-amendement a été défendu.
Le sous-amendement n° 247, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du 7° du texte proposé par l'amendement n° 10 pour compléter l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, par les mots :
et que ces actes soient compensés par une rémunération négociée sur une base forfaitaire perçue pour le compte des ayants droit et répartie entre ceux-ci par un ou plusieurs organismes mentionnés au titre II du livre III
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Ce sous-amendement vise à garantir aux ayants droit une juste rémunération correspondant à l'exception en faveur des bibliothèques.
Nous pensons, nous l'avons déjà dit, que le devoir de rémunération au titre des exceptions doit apparaître dans la loi.
Il ne faut certes pas que la loi rende plus complexes, plus coûteux, plus bureaucratiques, les efforts des bibliothèques et des médiathèques afin de remplir leurs missions traditionnelles. Nous soutenons le service public de la lecture. Nous avons conscience des efforts fournis par les collectivités territoriales et les maires de France pour respecter les ayants droit.
Il s'agit ici de confirmer et de garantir les droits des auteurs en continuant d'assurer, en collaboration avec l'État, les droits fondamentaux à l'accès, au partage et à la diffusion des savoirs, de la culture, de la création et de l'information.
M. le président. L'amendement n° 124 rectifié, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant le premier alinéa de cet article, ajouter deux alinéas ainsi rédigés :
Le 3° de l'article L.211-3 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - la représentation ou la reproduction de courtes oeuvres ou d'extraits d'oeuvres, autres que des oeuvres conçues à des fins pédagogiques, à des fins exclusives d'apprentissage, d'illustration ou d'analyse, dans le cadre d'activités d'enseignement et de recherche, sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit au cercle des étudiants, enseignants et chercheurs directement concernés et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire . »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement constitue, pour les droits voisins, le pendant de celui que nous avons déposé à l'article 1er bis, afin de prévoir une exception pédagogique au droit d'auteur.
Comme nous le faisions valoir lors de la défense de cette exception à l'article 1er bis, on constate de lourdes charges pour la catégorie principalement concernée par l'exception pédagogique, à savoir les universités, qui versent déjà, chaque année, environ 2,4 millions d'euros au titre de la photocopie d'oeuvres protégées et 1,5 million d'euros au titre de la redevance pour le droit de prêt en bibliothèque, afin d'assurer la juste rémunération des ayants droit.
Les accords précipités par la reprise du débat à l'Assemblée nationale, en mars dernier, ont été signés par le ministère de l'éducation nationale avec les représentants des ayants droit, branche par branche, portant la date globale du 27 février 2006.
Ils ont permis d'aboutir à des accords pour l'utilisation des oeuvres et objets à des fins pédagogiques ouvrant droit à rémunération des ayants droit des secteurs concernés : écrit, audiovisuel, musique, arts visuels, presse.
Ces accords sont satisfaisants, mais notre amendement tend à leur octroyer une base légale - alors qu'ils ne valent que jusqu'à la fin de 2008 -, tout en insérant, dans nos droits voisins, une exception pédagogique légitime, mais restrictivement définie.
M. le président. Le sous-amendement n° 232, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de l'amendement n°124, remplacer le mot :
strictement
par le mot :
majoritairement
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Ce sous-amendement se justifiait par le fait que le public de l'enseignement et de la recherche ne pouvait être strictement limité aux enseignants, aux élèves et aux chercheurs.
M. le rapporteur, par la rectification qu'il vient d'apporter à son texte, a repris le contenu de ce sous-amendement. Ce dernier n'a donc plus lieu d'être.
M. le président. Le sous-amendement n° 232 est retiré.
L'amendement n° 125, présenté par M. Assouline, Mme Blandin, M. Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les actes de reproduction d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme effectués, à des fins de conservation ou pour permettre sa consultation sur place, par les bibliothèques accessibles au public, par des musées ou par des services d'archives qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect ;
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement constitue le pendant, pour les droits voisins, de celui que nous avons déposé sur l'article 1er bis, afin d'encadrer davantage l'exception au droit d'auteur pour les bibliothèques, musées et services d'archives.
Cette exception, prévue par l'article 5-2c de la directive, se justifie, dans le cadre français, notamment au regard des lourdes charges auxquelles doivent faire face plus particulièrement les bibliothèques, charges qui se trouvent accrues depuis l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs.
Néanmoins, cette exception ne saurait en aucun cas porter atteinte à l'exploitation normale des objets protégés par les droits voisins ni procéder à une diffusion incontrôlée de ce type d'objet.
Ainsi, il nous a semblé qu'il convenait de circonscrire davantage cette exception.
À ce titre, nous proposons une double limitation de l'exercice de cette exception : pour le cas des bibliothèques, elle ne s'appliquerait qu'à celles qui sont accessibles au public ; de façon générale, l'exception ne concernerait que la reproduction d'oeuvres ou d'objets effectuée dans une optique de conservation ou pour être consultée sur place.
Ces restrictions du champ de l'exception permettront d'éviter qu'un véritable droit à la copie illimitée des oeuvres et objets protégés ne soit ouvert par l'insertion dans notre droit de cette nouvelle exception.
M. le président. L'amendement n° 224, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le texte de l'article 2 tel qu'il nous est soumis, tout comme l'amendement n° 10 rectifié de la commission, introduit la rédaction définissant le test en trois étapes, à l'instar de ce qui a été fait à l'article 1er bis. Or ni la convention de Berne ni la directive ne nous y obligent. La seule contrainte est de respecter les critères, c'est-à-dire les étapes.
Aujourd'hui, l'Union européenne va remettre en discussion cette rédaction, fruit d'un compromis et surtout du lissage des traducteurs. Cette remise en cause est liée aux incertitudes engendrées par l'application des critères, qui s'avère être potentiellement « à géométrie variable » tant les termes sont généraux et vagues.
Au fond, entre nous, que signifie l'expression « cas spéciaux » ? Que signifient « exploitation normale » ou « préjudice injustifié » ? Est-ce à dire que certains préjudices sont justifiés ? Cela se réfère-t-il à l'intérêt public ?
La justification ne saurait être l'exception écrite puisque c'est l'exception écrite qui est la conséquence du critère, et non l'inverse !
Que feront les juges saisis, par exemple, pour une courte citation de chanson ? Est-ce ou non un cas spécial ? S'agit-il ou non d'une exploitation normale ? Le préjudice est-il justifié ou injustifié ? Le tribunal de grande instance de Bayonne, celui de Paris et celui de Bordeaux feront-ils les mêmes interprétations ? N'y aura-t-il pas relaxe dans l'un et condamnation à une amende de 1 000 euros pour contrefaçon dans les deux autres ?
La prudence voudrait donc que nous ne fassions pas figurer dans la loi ce test aux contours impressionnistes, peu apte à clarifier ce qui est licite ou non, ce que nos débats ont, en revanche, bien arbitré, avec des exceptions choisies et bien définies, après avoir fait l'objet d'amendements.
M. le président. L'amendement n° 144, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle :
« Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. Le préjudice injustifié sera apprécié en fonction de l'équilibre nécessaire entre les conditions de l'exploitation normale de l'oeuvre et son utilisation sociale. »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Les préoccupations exprimées au travers de cet amendement sont identiques à celles que vient de formuler Marie-Christine Blandin.
Cependant, nous proposons non pas de supprimer cet alinéa, mais de le rédiger différemment.
L'objet de la directive européenne est de transposer les traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l'OMPI, d'harmoniser les législations des États membres, d'assurer un niveau élevé de protection pour les industries de la culture européenne.
Selon nous, il est d'abord ici question de préserver et de développer le droit français en tenant compte des accords internationaux que notre pays a passés, sans forcément s'y soumettre.
Il s'agit donc d'accompagner le développement des technologies en préservant l'exercice des exceptions anciennes et nouvelles entérinées par notre législation.
C'est pourquoi, comme nous l'avons déjà signifié, nous voudrions que le juriste puisse considérer efficacement les nécessités de l'exploitation de l'oeuvre approuvées par l'auteur et celles de son utilisation sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 110, qui est rédactionnel.
Pour les mêmes raisons, elle est favorable aux sous-amendements nos 109 et 108.
La commission émet en revanche un avis défavorable sur le sous-amendement n° 247, car elle n'a pas souhaité que toutes les exceptions soient compensées, comme cela a déjà été expliqué lors de l'examen de l'article 1er bis.
La commission a estimé que les amendements nos 124 rectifié et 125 étaient satisfaits par l'amendement n° 10 rectifié. Elle a donc émis un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 224, le paragraphe 5 de l'article 5 de la directive impose de transposer le test en trois étapes. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 144, comme cela a déjà été expliqué à l'occasion d'un précédent amendement, il ne permet pas d'assurer une transposition fidèle du test en trois étapes. Aussi, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. En ce qui concerne l'amendement n° 10 rectifié, comme je l'ai indiqué précédemment, le Gouvernement a fait signer des accords par l'ensemble des titulaires de droits. Je souhaite bien sûr préserver ces accords, que je suis prêt à adapter si le besoin s'en fait sentir. Ils renvoient à une négociation entre les partenaires afin de définir le périmètre de l'exception, ce qui me paraît souple et plus adapté à l'évolution des usages liés au numérique qu'un mécanisme reposant sur la loi et le contentieux.
Pour des raisons de coordination, je propose de modifier cet amendement afin que les dispositions concernées s'appliquent à compter du 1er janvier 2009. Nous avons déjà débattu de cette question lors de l'examen de l'article 1er bis. Cette solution permettrait au Gouvernement de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur le rapporteur, la commission accepte-t-elle de modifier son amendement dans le sens suggéré par M. le ministre.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 10 rectifié bis, qui est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° a. Le 3° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - la représentation ou la reproduction de courtes oeuvres ou d'extraits d'oeuvre, autres que des oeuvres elles-mêmes conçues à des fins pédagogiques, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, et sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs directement concernés, que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire. »
b. Les dispositions du a s'appliquent à compter du 1er janvier 2009 ;
2° Il est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« 5° La reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu'elle est une partie intégrante et essentielle d'un procédé technique et qu'elle a pour unique objet de permettre l'utilisation licite de l'oeuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d'un réseau faisant appel à un intermédiaire ; toutefois, cette reproduction provisoire ne doit pas avoir de valeur économique propre ;
« 6° La reproduction et la communication au public d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme dans les conditions définies aux deux premiers alinéas du 7° de l'article L. 122-5.
« 7° Les actes de reproduction d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, effectués à des fins de conservation, ou destinés à préserver les conditions de sa consultation sur place, effectués par des bibliothèques accessibles au public, par des musées, ou par des services d'archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial ;
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'interprétation, du phonogramme, du vidéogramme ou du programme ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'artiste-interprète, du producteur ou de l'entreprise de communication audiovisuelle. »
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. En ce qui concerne les sous-amendements nos 110, 109 et 108, le Gouvernement émet un avis favorable.
S'agissant du sous-amendement n° 247, le Gouvernement souhaite s'en tenir à une exception suffisamment claire et encadrée afin que celle-ci ne nécessite pas de compensation financière.
Le fait de souhaiter mettre en place une rémunération des ayants droit en contrepartie d'une exception au droit d'auteur est tout à fait louable dans son principe. Il convient néanmoins d'examiner attentivement les termes de la directive européenne à ce sujet. En effet, le considérant 35 précise bien que le principe d'une compensation équitable au bénéfice des titulaires de droits n'est pas automatique et qu'il doit être apprécié en fonction du contenu de l'exception elle-même.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Il émet également un avis défavorable sur les amendements nos 124 rectifié, 125, 224 et 144.
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 10 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé et les amendements nos 124 rectifié, 125, 224 et 144 n'ont plus d'objet.
Article 3
L'article L. 342-3 du même code est ainsi modifié :
1° Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° L'extraction et la réutilisation d'une base de données dans les conditions définies au treizième alinéa (7°) et au quatorzième alinéa de l'article L. 122-5. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de la base de données ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du producteur de la base. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 11, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 342-3 du même code est ainsi modifié :
1° Après le 2°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° L'extraction et la réutilisation d'une base de données dans les conditions définies aux deux premiers alinéas du 7° de l'article L. 122-5 ;
« 4° L'extraction et la réutilisation d'une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, sous réserve d'en indiquer la source, que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit au cercle des élèves, des étudiants, des enseignants, et des chercheurs concernés, et que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire ; »
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de la base de données ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du producteur de la base. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Cet amendement complète la liste des exceptions aux droits des producteurs de bases de données afin d'y intégrer une exception en faveur de l'enseignement et de la recherche comparable à celle que la commission avait proposée et qui avait été adoptée par notre assemblée.
Cette exception est autorisée par les articles 6 et 9 de la directive du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. Celle-ci permet en effet les extractions réalisées « à des fins d'illustration de l'enseignement ou de la recherche scientifique » sous réserve de l'indication de la source et de l'absence de but commercial.
Par ailleurs, la commission rectifie son amendement afin de prendre en compte la préoccupation exprimée par Mme Blandin dans son sous-amendement n° 233, suivant en cela le même modèle que pour l'exception pédagogique au droit d'auteur et aux droits voisins, en limitant son bénéfice à un public strictement circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 342-3 du même code est ainsi modifié :
1° Après le 2°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° L'extraction et la réutilisation d'une base de données dans les conditions définies aux deux premiers alinéas du 7° de l'article L. 122-5 ;
« 4° L'extraction et la réutilisation d'une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, sous réserve d'en indiquer la source, que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs concernés, et que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire ; ».
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de la base de données ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du producteur de la base. »
L'amendement n° 126, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant le 2° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
... ° Avant le dernier alinéa sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« ... ° L'extraction et l'utilisation d'une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, à des fins exclusives d'apprentissage, d'illustration ou d'analyse, dans le cadre d'activités d'enseignement et de recherche, sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit au cercle des étudiants, enseignants et chercheurs directement concernés, que la source soit indiquée, que son utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire.
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de la base de données, ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du producteur de la base. »
La parole est à M. David Assouline, pour présenter cet amendement.
M. David Assouline. L'amendement n° 126 constitue le pendant pour les droits des producteurs de bases de données des amendements déposés à l'article 1er bis et à l'article 2 afin de prévoir une exception pédagogique au droit d'auteur et aux droits voisins. Nous avons d'ailleurs précédemment fait valoir nos arguments. Les universités versent déjà des sommes au titre de la photocopie d'oeuvres protégées, de la redevance pour droit de prêt en bibliothèque afin d'assurer la juste rémunération des ayants droit.
De surcroît, cette exception est prévue par la directive du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données, qui, dans ses articles 6 et 9, permet les extractions dans un but d'illustration de l'enseignement ou de la recherche scientifique. Il ne s'agit donc que de transposer dans notre droit positif une directive vieille d'il y a déjà dix ans.
M. le président. Le sous-amendement n° 233, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement n°126, remplacer le mot :
strictement
par le mot :
majoritairement
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Prenant acte de la rectification de l'amendement de la commission, je retire ce sous-amendement, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 233 est retiré.
L'amendement n° 225, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement, comme ceux qui ont été déposés à l'article 1er bis ou à l'article 2, vise à supprimer la rédaction qui reprend le test en trois étapes prôné par la directive.
Je n'argumenterai pas davantage sur ce sujet. Je vous donne simplement rendez-vous lors des contentieux judiciaires et, surtout, des arbitrages qui seront rendus, lesquels risquent d'être épars et divers.
M. le président. L'amendement n° 145, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le 2° de cet article pour compléter l'article L. 342-3 du code de la propriété intellectuelle :
« Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. Le préjudice injustifié sera apprécié en fonction de l'équilibre nécessaire entre les conditions de l'exploitation normale de l'oeuvre et son utilisation sociale. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous poursuivons le même but que Marie-Christine Blandin, mais nous ne voulons pas supprimer complètement cet alinéa. Pour notre part, nous proposons de le réécrire.
Ce texte pose, sans qu'il en soit débattu, la question de l'utilisation sociale de l'oeuvre. La copie privée comme les exceptions répondent, en partie, à cette question.
L'utilisation sociale à laquelle nous nous référons n'est pas tout à fait celle qui a été retenue par l'OMPI, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. En effet, alors que vient de se tenir la Journée mondiale de la propriété intellectuelle, l'OMPI met sur le même plan l'oeuvre d'art et l'avancée technique ou technologique.
Or, et sans définir aucune hiérarchie entre ces deux aspects de l'activité de l'esprit, les utilisations sociales de ces réalisations ne sont pas du même tenant : les brevets sont des prototypes réalisés pour être copiés en série, alors que l'oeuvre d'art reste un prototype et n'est considéré que comme tel. C'est pourquoi son accès doit être facilité dans le cadre tant commercial que non commercial, et cela bien évidemment dans le respect de chacun. C'est ce qui justifie le présent amendement.
Pour compléter la défense de cet amendement, je reprendrai quelques-unes des expressions utilisées par Jack Ralite dans la discussion générale.
« Nous rejetons tous les aménagements "confettis" au droit d'auteur, qui le grignotent. »
« Nous sommes pour rechercher des modalités de rémunération des auteurs et des ayants droit en dehors du destin de leurs oeuvres sur le marché. »
« Nous sommes pour que les exceptions ne piétinent pas le droit moral. »
« Nous sommes pour travailler dans le sens d'un investissement public en faveur de la création. »
« Nous sommes pour l'interopérabilité. »
Enfin, sans reprendre toute son intervention, nous sommes pour la mise en débat et la mise en place d'une responsabilité publique et sociale non seulement en matière de création, mais aussi de diffusion culturelle.
Aussi, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de la séance précédente, nous sommes pour une participation de l'État à la juste rémunération des auteurs et de l'ensemble des ayants droit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. L'amendement n° 126 est satisfait pour l'essentiel par l'amendement n° 11 rectifié. Je propose de rectifier ce dernier en y intégrant les mots « que la source soit indiquée ».
M. David Assouline. D'accord.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié bis, qui est ainsi rédigé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 342-3 du même code est ainsi modifié :
1° Après le 2°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° L'extraction et la réutilisation d'une base de données dans les conditions définies aux deux premiers alinéas du 7° de l'article L. 122-5 ;
« 4° L'extraction et la réutilisation d'une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs concernés, que la source soit indiquée et que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire ; ».
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de la base de données ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du producteur de la base. »
L'amendement n° 126 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 225, puisqu'il vise à supprimer la transposition du test en trois étapes.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 145, car il tend à prévoir une transposition qui ne serait pas fidèle au test en trois étapes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Si l'amendement n° 11 rectifié bis est modifié afin qu'il prévoit que les dispositions ne s'appliqueront qu'à compter du 1er janvier 2009, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat.
En ce qui concerne les amendements nos 225 et 145, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Monsieur le président, je rectifie l'amendement de la commission pour ajouter la référence au 1er janvier 2009.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié ter, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 342?3 du même code est ainsi modifié :
1° a. Après le 2°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° L'extraction et la réutilisation d'une base de données dans les conditions définies aux deux premiers alinéas du 7° de l'article L. 122-5 ;
« 4° L'extraction et la réutilisation d'une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs concernés, que la source soit indiquée et que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur un base forfaitaire ; ».
b. Les dispositions du a s'appliquent à compter du 1er janvier 2009 ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de la base de données ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du producteur de la base. »
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et les amendements nos 225 et 145 n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par M. Assouline, Mme Blandin, M. Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique dépose, chaque année, sur le bureau des deux assemblées, un rapport évaluant les incidences financières pour les ayants droit des différentes exceptions prévues aux articles L. 122-5, L. 211-3 et L. 342-3 du code de la propriété intellectuelle. Ce rapport donne lieu à un débat dans les deux assemblées.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Par cet amendement, il s'agit d'atteindre un objectif pédagogique.
On entend dire tout et son contraire concernant les pertes qui résulteraient pour les différents secteurs de l'industrie culturelle des nouvelles exceptions mises en oeuvre. Un éclairage sur cette question d'une importance primordiale s'impose donc.
C'est pourquoi nous souhaitons qu'un rapport fasse annuellement le point sur ce sujet et qu'il donne lieu à un débat devant la représentation nationale. Selon nous, un tel rapport doit être élaboré par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, le CSPLA, et ce pour deux raisons.
D'abord, les questions de cette nature relèvent déjà des compétences du CSPLA. À cet égard, permettez-moi de rappeler les termes de l'arrêté du 10 juillet 2000 portant création cet organisme : « Le Conseil supérieur remplit une fonction d'observatoire de l'exercice et du respect des droits d'auteur et droits voisins et de suivi de l'évolution des pratiques et des marchés ».
Ensuite, confier dans la loi une mission supplémentaire à cette instance revient à lui octroyer de fait une base légale, donc une crédibilité, ce qui lui fait aujourd'hui défaut.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. En déposant l'amendement n° 40, la commission a déjà eu l'occasion de se prononcer en faveur de la présentation d'un rapport relatif à l'application de la présente loi, rapport qui évoquera naturellement les incidences financières des nouvelles exceptions. Il ne nous paraît donc pas utile de le doublonner par un rapport du CSPLA.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. L'amendement présenté par M. Assouline comporte un hommage au CSLPA auquel je souscris. En effet, les membres de ce conseil ont effectué un remarquable travail de concertation pour préparer la transposition de la directive.
Cela étant dit, si vous adoptez l'amendement n° 40, qui tend à insérer un article additionnel après l'article 30 du présent projet de loi, c'est au Gouvernement que vous confierez le soin de présenter un rapport au Parlement pour vérifier l'adéquation entre les évolutions de la technologie et le dispositif juridique nécessaire.
Cela n'exclut d'ailleurs absolument pas que le CSPLA émette un avis sur cette question afin de contribuer à l'analyse de la situation.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 127.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 4
I. - Après l'article L. 131-8 du même code, il est inséré un article L. 131-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-9. - Lorsque la première vente d'un exemplaire matériel d'une oeuvre a été autorisée par l'auteur ou ses ayants droit sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la revente de cet exemplaire ne peut être interdite dans la Communauté européenne et l'Espace économique européen. »
II. - Après l'article L. 211-5 du même code, il est inséré un article L. 211-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-6. - Lorsque la première vente d'un exemplaire matériel d'une fixation protégée par un droit voisin a été autorisée par le titulaire du droit ou ses ayants droit sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la revente de cet exemplaire ne peut être interdite dans la Communauté européenne et l'Espace économique européen. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 146, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. L'article 4 correspond à la lettre à la directive européenne du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information concernée. Aux termes de celle-ci, pour permettre la libre circulation des biens culturels au sein de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, la première vente autorisée de l'oeuvre dans un pays de l'Union ou de l'Espace économique européen autorise la revente dans les autres pays de l'Europe. Une telle façon de voir ne nous semble pas convenable.
Le traitement des oeuvres et leur commerce ne sauraient avoir un caractère mécanique sans entamer furieusement le droit moral de l'auteur ou des ayants droit. L'exportation des films, des livres, des tableaux de peinture et des objets d'art est réglementée. Des accords de pays à pays et d'État à État facilitent et encadrent les métiers de l'exportation de notre patrimoine artistique traditionnel, classique ou contemporain.
L'Europe uniformisée et « efficace » des marchands ne saurait empiéter de façon si impersonnelle sur les relations des auteurs avec leurs diffuseurs.
Dans ce domaine, la diversité nécessite un partenariat d'homme à homme pour ne pas abandonner les oeuvres aux flux des catalogues anonymes des majors et renvoyer nos artistes à l'anonymat.
C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - Après l'article L. 122-3 du même code, il est inséré un article L. 122-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-3-1. - Dès lors que la première vente d'un ou des exemplaires matériels d'une oeuvre a été autorisée par l'auteur ou ses ayants droit sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la vente des exemplaires de cette oeuvre ne peut plus être interdite dans les autres États membres.
II. - Après l'article L. 211-5 du même code, il est inséré un article L. 211-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-6 - Dès lors que la première vente d'un ou des exemplaires matériels d'une fixation protégée par un droit voisin a été autorisée par le titulaire du droit ou ses ayants droit sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la vente des exemplaires de cette fixation ne peut plus être interdite dans les autres États membres. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'améliorer le dispositif de l'article 4, qui introduit le principe de l'épuisement du droit de distribution dans le code de la propriété intellectuelle, et de modifier son emplacement dans la partie du code concernant le droit d'auteur, son insertion après l'article L. 122-3 paraissant plus indiquée.
M. le président. Le sous-amendement n° 279, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. À la fin du texte proposé par l'amendement n° 12 rectifié pour l'article L. 122-3-1 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
des exemplaires
par les mots :
de ces exemplaires
II. À la fin du texte proposé par l'amendement n° 12 rectifié pour l'article L. 211-6 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
des exemplaires
par les mots :
de ces exemplaires
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Ce sous-amendement vise à préciser la portée de la règle de l'épuisement des droits pour la mettre en conformité avec la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information.
Il a également pour objet de rendre la rédaction proposée par M. le rapporteur conforme à la directive, qui prévoit un droit de distribution permettant à l'auteur de contrôler la distribution de l'original ou des copies de son oeuvre. C'est ainsi que certains exemplaires de DVD sont réservés à la location d'autres à la vente.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 146, la directive nous fait obligation de transposer en droit français les dispositions relatives à l'épuisement du droit de distribution communautaire. Le projet de loi ne peut donc pas s'en dispenser. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, la commission est favorable au sous-amendement n° 279.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 146.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le ministre, je souhaite juste obtenir une précision sur votre sous-amendement.
Vous nous proposez de remplacer les mots « des exemplaires » par les mots « de ces exemplaires ». Or la mention « des exemplaires » figure deux fois dans chaque article. Elle est d'abord dans la première ligne de l'article L. 122-3-1 : « dès lors que la première vente d'un ou des exemplaires ». Même chose pour l'article L. 211-6.
Je suppose que cette rédaction reste inchangée et que c'est l'expression « ces exemplaires » qui vient à la fin des deux articles que vous proposez de modifier.
Mais le premier groupe de mots « des exemplaires » dans chaque article ne change pas.
M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 4 bis
Le 2° de l'article L. 214-1 du même code est ainsi rédigé :
« 2° À sa radiodiffusion directe ou indirecte et à sa câblo-distribution simultanée et intégrale, ainsi qu'à sa reproduction strictement réservée à ces fins, effectuée par ou pour le compte d'entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser ses programmes propres diffusés sur son antenne ainsi que sur celles des entreprises de communication audiovisuelle qui acquittent la rémunération équitable.
« Dans tous les autres cas, il incombe aux producteurs desdits programmes de se conformer au droit exclusif des titulaires de droits voisins prévu aux articles L. 212-3 et L. 213-1 ; ».
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Thiollière, au nom de la commission.
L'amendement n° 69 est présenté par M. Charasse.
L'amendement n° 128 est présenté par M. Assouline, Mme Blandin, M. Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Michel Thiollière, rapporteur. L'article 4 bis tend à autoriser la radiodiffusion et la distribution par câble simultanée intégrale des phonogrammes du commerce sans l'autorisation de l'artiste-interprète et du producteur.
La commission propose de supprimer cet article et de revenir à la rédaction initiale du 2° de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, et ce pour deux raisons.
La première raison est d'ordre juridique. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale ne paraît pas compatible avec le point d du paragraphe 2 de l'article 5 de la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information concernée, qui autorise les États membres à prévoir une exception au droit de reproduction « lorsqu'il s'agit d'enregistrements éphémères d'oeuvres effectués par des organismes de radiodiffusion par leurs propres moyens et pour leurs propres émissions ».
Dans le détail, l'exception apportée aux droits exclusifs des ayants droit par le présent article pose trois difficultés.
Premièrement, l'article 4 bis ne respecte pas les dispositions communautaires en ne restreignant pas l'exception aux « enregistrements éphémères ».
Deuxièmement, cet article vise les reproductions effectuées par ou pour le compte d'entreprises de communication audiovisuelle quand les dispositions communautaires ne concernent que les actes effectués par des organismes de radiodiffusion par leurs propres moyens.
Troisièmement, l'article 4 bis fait entrer dans le champ de l'exception la sonorisation des programmes propres de l'entreprise de communication audiovisuelle effectués.
La seconde raison justifiant la suppression de l'article se situe au niveau des principes. Il convient, me semble-t-il, de préserver les intérêts des détenteurs de droits exclusifs en limitant le champ de la rémunération équitable aux seuls actes de radiodiffusion et en laissant à la négociation contractuelle le soin de fixer des montants de rémunération concernant les actes de reproduction.
C'est pourquoi la commission propose de supprimer l'article 4 bis.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 69.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, j'ai une démarche analogue à celle de M. le rapporteur et à celle de mes amis du groupe socialiste, ce qui n'étonnera personne. Je propose la suppression de l'article 4 bis.
Conformément au texte du code de la propriété intellectuelle et au principe de l'interprétation stricte des exceptions, la Cour de cassation a jugé que la licence légale « phonogrammes du commerce » ne pouvait pas être étendue à la reproduction de ces phonogrammes et à leur inclusion dans des vidéogrammes ou dans les programmes ou génériques des services de communication audiovisuelle.
Cette jurisprudence très claire préserve donc l'étendue des droits exclusifs des artistes interprètes, droits qui sont rémunérés dans le cadre de licences contractuelles susceptibles de leur garantir une rémunération certainement plus « équitable »» et, en tout cas, plus transparente et plus contrôlable que la répartition approximative par les sociétés de droits des sommes collectées en contrepartie de la licence légale.
Les contrats d'artistes comportent déjà des clauses prévoyant la rémunération de ces formes d'utilisation des phonogrammes. Les conditions de cette rémunération devraient être précisées et améliorées, en particulier pour les artistes d'accompagnement, dans le cadre d'une convention collective actuellement négociée sous l'égide du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement
À mon avis, il convient donc de supprimer cet article 4 bis - c'est également ce que pensent la commission et mes amis du groupe socialiste -, dont l'adoption porterait une atteinte supplémentaire aux principes du droit de la propriété littéraire et artistique et aux droits exclusifs des artistes-interprètes.
Il se trouve que cet amendement de suppression est identique à l'amendement n° 128. Je retire donc mon amendement au profit de ce dernier.
M. le président. L'amendement n° 69 est retiré.
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 128.
M. David Assouline. J'argumenterai dans le même sens que M. le rapporteur et que M. Charasse.
L'Assemblée nationale a souhaité étendre le régime de licence légale - celui-ci est actuellement réservé à la diffusion radio d'un phonogramme, en vertu de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle - aux services de télévision incluant dans leurs programmes des reproductions de ces mêmes phonogrammes.
L'objectif des députés était de contrecarrer plusieurs décisions récentes de la Cour de cassation, qui viennent d'ailleurs d'être mentionnées - je pense à celle du 29 janvier 2002 et à celle du 16 novembre 2004. La Cour avait estimé que la licence légale applicable aux « phonogrammes du commerce » ne pouvait pas être étendue à la reproduction de ces phonogrammes et à leur inclusion dans des vidéogrammes ou dans les programmes et génériques des services de télévision.
L'Assemblée nationale a assurément légiféré en ce sens, sous la pression tout à fait légitime, mais qu'il faut tout de même rappeler, des services de télévision, insatisfaits de cette jurisprudence. En effet, la rémunération ainsi versée par les services audiovisuels aux ayants droit ne serait manifestement pas « équitable », compte tenu de son montant dérisoire, qui est à l'inverse satisfaisant pour les services concernés.
À l'heure où les droits exclusifs semblent de plus en plus menacés, il convient de supprimer cette disposition qui aurait pour principale conséquence de priver encore plus les ayants droit du bénéfice de l'exercice de ces droits.
Les contrats des artistes comportent déjà des clauses sur la rémunération des phonogrammes ainsi diffusés par les services de communication audiovisuelle. Une convention collective est d'ailleurs en cours de négociation afin de régler les problèmes afférents à ce type de rémunération. Point n'est donc besoin de figer dans la loi un dispositif manifestement défavorable aux ayants droit.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 147 est présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 204 est présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 214-1. - Lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer à la communication au public de ce phonogramme ou d'une reproduction de ce phonogramme, dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle, par fil ou sans fil, sauf en cas de mise à la disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement.
« Ces utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, qu'ils soient reproduits ou non dans un vidéogramme, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes.
« Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce dans les conditions mentionnées au premier alinéa.
« Elle est assise sur les recettes de l'exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas à l'article L. 131-4.
« Elle est répartie par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes. »
La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l'amendement n° 147.
M. Ivan Renar. Nous proposons non pas de supprimer l'article 4 bis, mais de le rédiger différemment.
L'avènement du numérique a bouleversé la distinction entre les deux prérogatives patrimoniales, le droit de représentation et le droit de reproduction : « la dématérialisation liée aux nouvelles technologies de la communication brouille la frontière entre le vecteur qui porte l'oeuvre - exercice du droit de représentation - et le support qui la fixe - droit de reproduction », ainsi que le dit le juriste André Lucas.
Il est donc difficile de démêler le droit quand un phonogramme du commerce est communiqué au public via les modes modernes de diffusion, notamment Internet.
Les « nécessités techniques » de radiodiffusion pourraient se passer de l'application du droit exclusif, plusieurs textes internationaux allant d'ailleurs dans le sens d'une interprétation extensive. En effet, le procédé technique a pour unique finalité de permettre une utilisation licite d'une oeuvre.
Notre amendement vise à inclure légitimement les web radios et le simulcast dans le champ de la rémunération équitable et à les assujettir ainsi au même régime que celui des radios hertziennes.
Cet amendement vise également à mettre fin à l'incertitude créée par l'arrêt de la Cour de cassation en date du 16 novembre 2004, en prévoyant que l'utilisation d'un phonogramme, même incorporé dans un vidéogramme, appartient au champ de la rémunération équitable.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons de voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 204.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement est identique à l'amendement n° 147.
Tout transfert de matière, d'énergie, de signal occasionne des pertes en ligne.
Certains droits, ceux des artistes-interprètes, se sont en effet perdus lors du passage du signal sonore véhiculé par voie hertzienne - nos bonnes vieilles radios ! - au signal numérique des web radios et d'Internet.
Certains droits, les mêmes - ceux des artistes-interprètes - se sont perdus lors du passage du signal sonore au signal sonore et visuel. Ainsi, lorsqu'une chanson est diffusée dans un café - par un bon vieux juke-box -, l'interprète est rémunéré. Mais lorsque cette même chanson, chantée par le même interprète, est diffusée dans le même café sous forme de clip sur un écran numérique, c'est terminé. Dès lors qu'il s'agit d'images, l'interprète n'est plus payé.
Il faut saisir l'opportunité de l'examen du présent projet de loi pour nous mettre en conformité avec les textes européens et pour reconstruire une rémunération équitable et juridiquement sûre. Cet amendement rendra possible une rémunération qu'il était peu réaliste de renvoyer à la négociation avec les producteurs. D'ailleurs, l'article 8-2 de la directive du 19 novembre 1992 prévoit clairement que l'utilisateur participe à la rémunération.
Cet article est également sans ambiguïté s'agissant du support. Il précise en effet : « par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. L'amendement n° 128 étant identique à l'amendement n° 13 de la commission, j'estime qu'il est satisfait.
L'amendement n° 147 tend à modifier profondément le régime de licence légale pour les phonogrammes du commerce, mis en place par la loi Lang de 1985. Il vise en effet à étendre cette licence aux reproductions de phonogrammes par les diffuseurs, y compris les web radios.
Le Parlement devra probablement étudier l'extension de la licence globale à toutes les web radios, lorsque ce secteur aura trouvé un modèle économique viable. Toutefois, afin d'éviter toute confusion sur ce sujet, je tiens à rappeler que l'extension proposée par M. Renar concernerait avant tout les web radios n'ayant pas à ce jour conclu de convention avec le CSA. En effet, les radios hertziennes jouissent d'ores et déjà d'une tolérance leur permettant d'utiliser les phonogrammes du commerce dans les programmes qu'elles proposent à leurs auditeurs par l'intermédiaire d'Internet.
Pour toutes ces raisons, il paraît souhaitable de maintenir en l'état la rédaction de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 147, ainsi que sur l'amendement identique n° 204.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. J'émets un avis favorable sur l'amendement n° 13, ainsi que sur l'amendement identique n° 128.
En revanche, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 147.
S'agissant de l'extension de la licence légale aux web radios, je tiens à rappeler que la justification originelle de l'absence de droit exclusif réside dans le fait que la radiodiffusion est considérée comme un marché secondaire d'exploitation des phonogrammes.
Or les techniques numériques de radiodiffusion bouleversent la hiérarchie entre marché primaire et le marché secondaire. Des services proposent ainsi une programmation dédiée à un artiste ou à un auteur déterminé et exclusivement constituée de phonogrammes publiés à des fins de commerce.
Le maintien d'un droit exclusif paraît nécessaire pour maîtriser ce nouveau mode d'exploitation, dont les contours sont mal définis.
Une démarche contractuelle est tout à fait envisageable. Plusieurs accords ont d'ailleurs déjà été signés, notamment avec AOL ou Yahoo, qui ont lancé ce type de services.
Quant à l'extension de la licence légale à la télévision, nous l'avons déjà évoquée à propos des précédents amendements. J'émets donc également un avis défavorable sur l'amendement n° 204.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 128.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 bis est supprimé et les amendements nos 147 et 204 n'ont plus d'objet.
Article 4 ter
Dans l'article L. 331-4 du même code, après le mot : « procédure », sont insérés les mots : « parlementaire de contrôle, ».
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Je propose de supprimer cet article, qui a été ajouté par l'Assemblée nationale et qui a pour objet d'étendre aux procédures parlementaires de contrôle une exception que l'article L. 331-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit déjà en faveur des procédures juridictionnelles et administratives.
Certes, cette nouvelle exception est autorisée par la directive. On peut toutefois s'interroger sur son opportunité. Nous n'avons en effet pas le sentiment que l'utilisation d'oeuvres publiées dans le cadre de nos rapports justifie d'aller au-delà de l'exception de citation, qui nous permet déjà d'analyser et de reproduire de courts extraits d'un texte, sous réserve d'en indiquer la source et l'auteur.
Il ne nous a donc pas paru nécessaire d'aller au-delà, d'autant plus qu'une telle disposition pourrait apparaître comme une mesure faite uniquement pour les parlementaires. Elle ne serait pas forcément la bienvenue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 4 ter est supprimé.
CHAPITRE II
Durée des droits voisins
Article 5
L'article L. 211-4 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 211-4. - La durée des droits patrimoniaux objets du présent titre est de cinquante années à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle :
« 1° De l'interprétation pour les artistes-interprètes. Toutefois, si une fixation de l'interprétation fait l'objet d'une mise à disposition du public, par des exemplaires matériels, ou d'une communication au public pendant la période définie au premier alinéa, les droits patrimoniaux de l'artiste-interprète n'expirent que cinquante ans après le 1er janvier de l'année civile suivant le premier de ces faits ;
« 2° De la première fixation d'une séquence de son pour les producteurs de phonogrammes. Toutefois, si un phonogramme fait l'objet, par des exemplaires matériels, d'une mise à disposition du public pendant la période définie au premier alinéa, les droits patrimoniaux du producteur de phonogramme n'expirent que cinquante ans après le 1er janvier de l'année civile suivant ce fait. En l'absence de mise à disposition du public, ses droits expirent cinquante ans après le 1er janvier de l'année civile suivant la première communication au public ;
« 3° De la première fixation d'une séquence d'images sonorisées ou non pour les producteurs de vidéogrammes. Toutefois, si un vidéogramme fait l'objet, par des exemplaires matériels, d'une mise à disposition du public ou d'une communication au public pendant la période définie au premier alinéa, les droits patrimoniaux du producteur de vidéogramme n'expirent que cinquante ans après le 1er janvier de l'année civile suivant le premier de ces faits ;
« 4° De la première communication au public des programmes mentionnés à l'article L. 216-1 pour des entreprises de communication audiovisuelle. »
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par M. Fournier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le 3° du texte proposé par cet article pour l'article L. 211-4 du code de la propriété intellectuelle :
« 3° De la première fixation d'une séquence d'images sonorisées ou non pour les producteurs de vidéogrammes. Toutefois, si un vidéogramme fait l'objet, par des exemplaires matériels, d'une mise à disposition du public pendant la période définie au premier alinéa précité, les droits patrimoniaux du producteur de vidéogrammes n'expirent que 50 ans après le 1er janvier de l'année civile suivant ce fait.
« En l'absence de mise à disposition du public pendant la période définie au premier alinéa précité, ses droits expirent 50 ans après le 1er janvier de l'année civile suivant la première communication au public.
La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Le chapitre II du projet de loi a pour effet d'allonger la durée des droits des producteurs de phonogrammes, mais non celle des producteurs de vidéogrammes.
En effet, pour les producteurs de phonogrammes, le délai de protection de cinquante ans débute à la date de première publication, alors que, pour les producteurs de vidéogrammes, il débute à la date de première communication au public.
Cette différence de régime me semble inéquitable pour les producteurs de vidéogrammes.
Le présent amendement a donc pour objet de prolonger la durée des droits des producteurs de vidéogrammes, à l'instar de celle des producteurs de phonogrammes, et ainsi d'harmoniser la durée des droits voisins des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Par cet amendement, il s'agit d'aligner le décompte de la durée des droits voisins des producteurs de vidéogrammes sur celui des producteurs de phonogrammes.
La directive de 2001 ne prévoyant pas cette mesure, la commission s'en remet à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je suis malheureusement obligé d'émettre un avis défavorable sur cet amendement, car l'extension de cette modification aux producteurs de vidéogrammes aurait pour conséquence de remettre en cause l'effet d'harmonisation des législations de cette directive. Les producteurs de vidéogrammes français pourraient en effet bénéficier d'une durée de protection plus longue que leurs homologues européens.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Compte tenu de l'avis que vient d'émettre M. le ministre, je demande à notre collègue Bernard Fournier de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Fournier, l'amendement n° 193 est-il maintenu ?
M. Bernard Fournier. J'ai écouté, un peu déçu, les propos de M. le ministre. Je m'incline donc et retire mon amendement, pour ne pas lui être désagréable ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 193 est retiré.
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- La dernière phrase de l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle est supprimée.
II.- Les dispositions de l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle :
1° ne sont pas applicables aux actes d'exploitation de l'interprétation d'un artiste-interprète décédé antérieurs à la date d'entrée en vigueur de la présente loi ;
2° ne sont pas opposables à l'exploitation des oeuvres, fixations ou programmes en vue de la réalisation desquels les actes d'exploitation mentionnés au 1° ont été autorisés.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Cet amendement propose de mettre enfin un terme à une injustice incompréhensible. Il a déjà une histoire un peu longue, puisque je l'ai présenté au moins à deux ou trois reprises au Sénat, qui, dans un souci de justice, l'a même adopté au moins une fois, lors de la discussion de la loi du 1er août 2000.
À chaque fois cependant, le gouvernement, quel qu'il soit, en a obtenu le retrait ici ou à l'Assemblée nationale, en arguant que, pour adopter cette disposition, à laquelle il n'était pas défavorable sur le fond, il nous fallait attendre d'être saisis de la transposition de la directive. Or nous y sommes !
Cet amendement vise donc à supprimer une disposition de la loi de 1985, qui figure dans l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle. Cette disposition prévoit l'extinction, au décès des artistes-interprètes, de leurs droits à rémunération - cela concerne donc leurs héritiers - pour les modes d'exploitation des oeuvres audiovisuelles non prévus par les contrats antérieurs au 1er janvier 1986.
Le texte en vigueur lèse donc gravement les héritiers des artistes disparus avant le terme de leurs droits. Il est à l'origine de situations particulièrement injustes et de graves difficultés pour certaines familles. Un certain nombre d'enfants, dont certains sont aujourd'hui majeurs, d'artistes décédés - je pense à Joe Dassin, à Claude François, à Coluche - sont ainsi privés des droits considérés en raison de cette disposition.
Surtout, ce texte n'est pas conforme à la directive n° 93/98 CEE du 29 octobre 1993, qui a harmonisé la durée des droits des artistes-interprètes - en prévoyant si nécessaire le rappel à la protection de certains droits. Son application pourrait donc être contestée de ce fait.
Aussi, l'amendement n° 70 a pour objet de mettre en conformité l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle avec le droit communautaire et de rétablir les droits des artistes décédés.
Afin de tenir compte des observations qui m'avaient été faites par l'un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, mon amendement préserve les droits acquis sous l'empire du texte en vigueur. Ainsi, les droits acquis sous l'empire de la loi de 1985 ne seront pas remis en cause. Simplement, cette loi ne produira plus d'effets pour l'avenir.
Telle est, monsieur le président, la mesure que je propose au Parlement, par la voie du Sénat, d'adopter enfin pour mettre un terme à cette injustice et se conformer au droit communautaire.
M. le président. Le sous-amendement n° 282, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet amendement.
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur Charasse, comme je fais un pas dans votre direction, je souhaiterais que vous en fassiez un dans la mienne. En d'autres termes, j'émets un avis favorable sur le paragraphe I de votre amendement et un avis défavorable sur le paragraphe II. Par le sous-amendement n° 282, le Gouvernement propose donc la suppression de la deuxième partie de l'amendement n° 70.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 70 et sur le sous-amendement n° 282 ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission est favorable au I de l'amendement n° 70 et au sous-amendement n° 282.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Il me semble, monsieur le ministre, que vous allez plus loin que moi. Si les dispositions que je qualifierai de « scélérates » de la loi de 1985 « sautent » bien - et, à mon avis, tel est le cas -, je me rallie à votre position. Si je comprends bien, vous supprimez purement et simplement la spoliation.
M. Michel Charasse. Dans ces conditions, je suis d'accord avec vous.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
L'amendement n° 49, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette rémunération est également versée par les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, au titre des copies privées d'oeuvres effectuées par les utilisateurs de leurs services sur tout support, quelle qu'en soit leur source. »
L'amendement n° 50, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : « ou importateurs des supports » sont insérés les mots : « et les organisations représentant les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, tels que »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour défendre ces deux amendements.
Mme Catherine Morin-Desailly. Ce sont deux amendements d'appel, qui ont pour objet d'assujettir les fournisseurs d'accès à Internet au paiement de la rémunération pour copie privée et donc de les faire participer au financement de la culture.
Il ne s'agit pas, je le précise d'emblée pour que l'on ne m'oppose pas ultérieurement cet argument, de réintroduire subrepticement la licence légale ou globale, telle qu'elle a été votée au mois de décembre dernier à l'Assemblée nationale. Ces amendements n'en ont ni l'odeur, ni la couleur. Le groupe UDF avait unanimement rappelé, à la différence d'autres groupes, que la licence globale était une fausse bonne idée qui menaçait la création française. Je souhaite non pas que l'on nous fasse ce procès, mais que nous engagions une véritable réflexion sur les nouveaux modes de financement de la création artistique.
La proposition que je vous soumets n'est également en aucune manière assortie d'une autorisation à copier des fichiers musicaux ou audiovisuels sur les réseaux de peer to peer. Il s'agit simplement de faire contribuer les fournisseurs d'accès au financement de la culture.
L'amendement n° 49 tend à prendre en compte une réalité : les fournisseurs d'accès à Internet se sont enrichis et ont fondé leur stratégie de développement du haut débit sur l'accès aux oeuvres culturelles, qu'elles soient musicales ou audiovisuelles. Parallèlement, on peut constater que les besoins de financement de la création culturelle sont très importants.
Cet amendement se justifie d'autant plus qu'Internet est aujourd'hui un mode de diffusion essentiel des oeuvres et prestations artistiques protégées.
Rappelons-nous que les fournisseurs d'accès à Internet ne voyaient aucun inconvénient à diffuser des publicités en faveur du téléchargement et des logiciels de peer to peer - légal ou non - pour attirer de nouveaux abonnés au haut débit.
Il y a donc une certaine hypocrisie à profiter d'une technologie et du développement des échanges d'oeuvres culturelles et à ne pas participer au financement de la culture. En outre, les fournisseurs précités ont aujourd'hui amorti leur investissement et le risque de voir répercuter le surcoût sur les internautes est faible, étant donné la concurrence acharnée que connaît ce secteur.
Les fournisseurs d'accès à Internet ne sont pas obligatoirement les seuls à devoir participer au financement culturel. Nous savons tous que, dans les années à venir, il faudra trouver de nouvelles sources de financement pour alimenter l'exception pour copie privée et que nous devrons définir ceux qui contribueront demain à la rémunération pour copie privée.
. D'autres supports - et cela nécessite d'importantes réflexions - pourraient être mis à contribution. Je pense aux disques durs d'ordinateurs, qui permettent de stocker de nombreuses copies d'oeuvres et qui ne sont pas assujettis à la redevance pour copie privée, alors que d'autres supports liés au numérique le sont, comme les MP3 ou les clés USB. Je pense également aux téléchargements sur les plates-formes légales, ou encore aux opérateurs de téléphonie mobile qui font des bénéfices en tirant profit du téléchargement de sonneries musicales. Je reviendrai sur ce point tout à l'heure.
Avec le développement de l'internet et du téléchargement, qui constituent un nouveau mode de diffusion de la culture, il s'agit d'engager la réflexion sur les modes de financement de la culture. Force est de reconnaître qu'Internet sera un mode privilégié de diffusion des oeuvres susvisées. Il apparaît donc justifié, comme le préconisait le rapport du Conseil économique et social, que les fournisseurs d'accès participent au financement de la création artistique et littéraire.
Quant à l'amendement n° 50, il est le corollaire des dispositions prévues à l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle et permet aux fournisseurs d'accès de participer aux négociations relatives à l'établissement des différents barèmes de la rémunération pour copie privée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Nous prenons bien volontiers acte de la position que vient d'exprimer Mme Morin-Desailly. Nous partageons son intérêt pour la réflexion à conduire sur ce sujet.
En revanche, il nous paraît aujourd'hui prématuré d'étendre l'assiette de la rémunération pour copie privée aux fournisseurs d'accès à Internet. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 49, tout en gardant à l'esprit l'intérêt de la démarche proposée par notre collègue.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 50.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. L'amendement n° 49 s'inscrit dans la perspective d'une licence globale qui n'est souhaitable ni pour la création, ni pour les internautes.
S'agissant de la contribution des fournisseurs d'accès à la création, je voudrais faire référence à l'accord sur la vidéo à la demande qui a été conclu le 20 décembre dernier entre les fournisseurs d'accès à Internet et les organisations professionnelles du cinéma et de l'audiovisuel et qui prévoit qu'une part de leur chiffre d'affaires sera consacrée aux investissements dans la production d'oeuvres. Aux yeux du Gouvernement, ce mode d'intervention paraît plus favorable à la création et à la diversité culturelle. Grâce à cet accord et au dispositif de sécurité juridique que, j'espère, vous adopterez, mesdames, messieurs les sénateurs, il existera un surcroît de financement pour la création. C'est cette voie que je vous propose de suivre. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 49 et 50.
M. le président. Madame Morin-Desailly, ces amendements sont-ils maintenus ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Non, monsieur le président, je les retire. J'avais bien précisé qu'il s'agissait d'amendements d'appel. Je souhaite simplement que nous engagions une réflexion sur les nouveaux modes de financement de la culture liés à l'apparition du numérique.
M. le président. Les amendements nos 49 et 50 sont retirés.
CHAPITRE II BIS
Commission de la copie privée
Article 5 bis
L'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce montant tient compte des éventuelles incidences, sur les usages des consommateurs, de l'utilisation effective des mesures techniques mentionnées à l'article L. 331-5. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste-UDF.
L'amendement n° 148 est présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l'amendement n° 51.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement vise à supprimer l'article 5 bis, introduit par l'Assemblée nationale et qui prévoit que le montant de la rémunération pour copie privée tiendra compte des incidences de l'utilisation effective des mesures techniques de protection sur les usages des consommateurs.
La rémunération pour copie privée a été instituée par la loi de juillet 1985 pour apporter aux auteurs et artistes-interprètes une compensation pour le préjudice que portait à leurs intérêts le développement des pratiques de copie.
Elle est versée par le fabricant ou l'importateur de supports d'enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé et la commission pour copie privée tient compte du type de support et de la durée d'enregistrement qu'il permet.
Si nous comprenons bien la disposition introduite par l'Assemblée nationale, ses conséquences pour l'exception pour copie privée nous semblent dangereuses.
Premièrement, avec les mesures techniques de protection, on restreint potentiellement l'exercice de l'exception pour copie privée puisqu'un utilisateur ne pourra peut-être plus copier pour son usage personnel et dans le cadre privé un bien légalement acquis.
Dans ce cas, on peut se demander s'il est encore logique de prélever une rémunération pour copie privée sur les supports vierges s'il n'est plus possible techniquement de faire une copie.
Deuxièmement, si l'exercice de l'exception pour copie privée n'est pas devenu impossible du fait des mesures techniques de protection, prévoir dans la loi que le montant de la rémunération pour copie privée dépendra de l'utilisation des mesures techniques nous semble également dangereux.
En effet, cela veut dire qu'à terme le montant de la rémunération pour copie privée sera réduit puisque, avec les mesures techniques de protection, les consommateurs ne pourront plus faire de copie. Logiquement, la rémunération pour copie privée sera de moins en moins alimentée par la redevance sur les supports vierges, qui eux-mêmes, tels les CD ou les cassettes VHS, vont peu à peu disparaître. Ensuite, cette rémunération disparaîtra purement et simplement, faute de pouvoir bénéficier de cette exception.
Il faut bien s'en rendre compte, derrière cette disposition, c'est le financement du secteur culturel qui peut être menacé. En 2005, plus de 160 millions d'euros sont affectés à la rémunération des ayants droit via les sociétés de répartition des droits et la loi prévoit que 25 % de cette somme, soit 40 millions d'euros, sont alloués à des aides à la création artistique, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation d'artistes.
Je m'adresse donc aux élus locaux, qui connaissent l'importance des festivals et des manifestations pour la vie culturelle et économique de leur région. Sans ces financements, issus directement de l'exception pour copie privée, ce sont des structures et des festivals qui pourraient être partiellement remis en cause.
Au moment où le spectacle vivant connaît une crise, il me semble dangereux de réduire encore une de ses sources de financement.
L'article 5 bis nous semble menacer la rémunération pour copie privée qui, avec l'utilisation des mesures techniques de protection, peut être amenée à disparaître. Il s'agit donc, en supprimant ce texte, de la sauvegarder.
Cela conduira peut-être aussi à réfléchir dès aujourd'hui aux nouvelles sources sur lesquelles la redevance pour copie privée pourrait être prélevée dans le monde numérique. Plusieurs pistes en ce sens ont déjà été évoquées précédemment.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 148.
Mme Annie David. Cet amendement est identique à celui qui vient d'être présenté. Nos préoccupations sont semblables à celles de ses auteurs.
Nombreuses et nombreux sont les artistes, interprètes, auteurs, compositeurs, créateurs, mais aussi celles et ceux qui, soucieux de la diversité culturelle dans notre pays, nous ont alertés sur le danger que fait planer le présent projet de loi sur la rémunération pour copie privée.
Il s'agit là non pas, bien évidemment, de « contrefaçon », qui consiste en la mise à disposition publique d'oeuvres sans autorisation, mais bien de la copie privée instituée par la loi qui constitue, quant à elle, une exception au droit exclusif. Elle autorise les particuliers à réaliser des copies pour leur usage privé sur tout support permettant l'enregistrement des oeuvres.
En contrepartie, cette exception ouvre droit à une rémunération au bénéfice des auteurs, artistes-interprètes et producteurs d'oeuvres audiovisuelles ou musicales, ainsi qu'aux auteurs et éditeurs de l'écrit et de l'image fixe.
Une commission de négociation professionnelle détermine les taux de rémunération en fonction des types de supports utilisables pour la reproduction à usage privé. Les perceptions au titre de cette rémunération s'élèvent en 2005, en masse globale, à environ 154 666 millions d'euros hors taxe, dont à peu près 82 millions d'euros sont affectés aux ayants droit du sonore, 69 millions d'euros à ceux de l'audiovisuel et 3 millions d'euros aux ayants droit de l'écrit et de l'image fixe.
Un quart de la somme perçue est alors affecté aux actions d'intérêt général culturelles : aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, à des actions de formations des artistes. Nous connaissons toutes et tous, dans nos départements, des compagnies très actives dans le domaine culturel qui bénéficient de subventions résultant de ce droit à rémunération pour copie privée. Ces subventions participent à leur financement.
Or cet article 5 bis, qui, selon vous, monsieur le ministre, a pour objet de prendre en compte les incidences éventuelles des mesures techniques sur les pratiques de copie effectuées par les consommateurs, remet en cause le calcul de ce droit à rémunération pour copie privée.
Cependant, ces fameuses DRM, ou, pour parler français, ces mesures techniques de protection, hormis le fait, qui n'est pas des moindres, qu'elles sont des possibilités d'intrusion dans la vie privée des internautes par le fichage de chaque utilisateur en fonction de ses pratiques, ne risquent-elles pas, à terme, d'empêcher toute copie privée ? Elles priveraient alors l'ensemble du monde de la création artistique et culturelle de toute rémunération équitable au titre de l'exception de copie privée et le condamneraient aux seules rémunérations perçues par l'achat ou par les copies contrôlées par les producteurs et intermédiaires de la culture.
Vous organiseriez ainsi le tarissement des aides à la création artistique dont je parlais il y a un instant.
Mme Annie David. À cette raréfaction s'ajouteront les effets de l'interdiction des téléchargements autres que payants, grâce auxquels, pourtant, nombre de nouveaux talents se font connaître aujourd'hui.
Nous savons, comme vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ce ne sont pas les multinationales, grandes gagnantes de ce projet de loi (M. le ministre et plusieurs sénateurs de l'UMP protestent), qui apporteront les financements manquant à la culture.
Le risque sera dès lors grand d'un repli de la création artistique et culturel de notre pays. D'où notre amendement, qui vise à supprimer cet article, afin de ne pas tenir compte des DRM, dont nous ne voulons pas, sous leur forme actuelle, en tout cas, pas plus dans le mode de calcul du droit à rémunération pour copie privée qu'ailleurs.
Si votre objectif, monsieur le ministre, n'est effectivement pas de réduire le financement accordé au monde de la culture, vous allez émettre un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle :
« Ce montant tient compte du degré d'utilisation des mesures techniques définies à l'article L. 331-5 et de leur incidence sur le préjudice potentiel subi par les titulaires de droit. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. La mise en oeuvre des mesures techniques de protection est susceptible soit de limiter, voire d'interdire, la réalisation de copie privée, soit de moduler les possibilités de copies en fonction de dispositions contractuelles librement négociées avec les bénéficiaires, et donc, à ce titre, déjà rémunérées.
Aussi, la commission propose une nouvelle rédaction pour prendre en compte ces deux aspects, en se rapprochant encore plus des termes et de l'esprit de la directive, qui, dans son considérant 35, précise que « le niveau de compensation équitable doit prendre en compte le degré d'utilisation des mesures techniques de protection », et suggère de retenir comme critère « le préjudice potentiel subi par les titulaires de droits ».
M. le président. Le sous-amendement n° 184, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet amendement pour compléter l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
le préjudice potentiel subi par les titulaires de droit
par les mots :
les usages relevant de l'exception pour copie privée
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Pour le cas où il y aurait quelque crainte dans cet hémicycle, je tiens à dire que, par définition, le Gouvernement et le ministre que je suis souhaitent que tous les financements soient assurés pour toutes les formes de spectacles vivants, notamment, bien sûr, les festivals.
Instance autonome, la commission pour copie privée fonctionne par négociation et arbitrage entre les représentants des intérêts concernés en bénéficiant de l'apport de leur compétence et en conduisant des études extérieures.
Elle détermine les taux de rémunération en fonction des types de supports utilisables pour la reproduction à usage privé.
La pratique établie et reconnue de ladite commission consiste à évaluer les usages de copie et la part des usages relevant de la copie privée. Cette dernière notion est la clé de voûte du dispositif, puisqu'elle permet de distinguer les usages qui doivent donner lieu à rémunération des autres usages pour en déduire un abattement sur la rémunération.
Ce mécanisme, validé, d'ailleurs, par deux arrêts du Conseil d'État, permet de tenir compte des éventuelles limitations d'usage qu'entraînent les mesures techniques.
La notion de préjudice potentiel paraît trop floue pour rendre cette disposition réellement applicable. Elle remettrait en cause la nature même de la rémunération pour copie privée. Or, comme vous l'avez souligné les uns et les autres, la rémunération pour copie privée est essentielle pour les créateurs, mais elle contribue également, par un soutien financier, à la vitalité de la création du spectacle vivant français, à hauteur de 25 % des sommes collectées.
Je tiens à souligner, d'ailleurs, que la commission de la rémunération pour copie privée est une instance distincte de l'autorité de régulation des mesures techniques. La commission évalue les rémunérations alors que l'autorité sera chargée de garantir et de concilier le droit d'auteur, l'interopérabilité et la copie privée.
C'est la raison pour laquelle je souhaite l'adoption de ce sous-amendement. S'il est adopté, j'émettrai un avis favorable sur l'amendement n° 15.
Quant aux amendements identiques nos 51 et 48, j'y suis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. S'agissant des amendements identiques nos 51 et 148, la directive du 22 mai 2001 subordonne l'exception pour copie privée à la condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l'application ou la non-application des mesures techniques. Ajuster la rémunération pour copie privée à ces exigences de la directive, au demeurant conformes à l'équité, devrait en renforcer la légitimité plutôt que l'affaiblir.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces amendements, qui sont contraires à son amendement n° 15, lequel, loin de préluder à la disparition de la rémunération pour copie privée, tend à l'adapter aux nouvelles réalités de la diffusion numérique des oeuvres.
Quant au sous-amendement n° 184, la commission y est favorable, puisque la notion d'usage, qui relève de l'exception pour copie privée, est, semble-t-il, plus conforme au mode de fonctionnement de la commission de la rémunération pour copie privée que la notion de préjudice potentiel, qui avait d'abord été retenue par la commission.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 51 et 148.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 bis, modifié.
(L'article 5 bis est adopté.)
Article 5 ter
Le troisième alinéa de l'article L. 311-5 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le compte rendu des réunions de la commission est rendu public, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. La commission publie également un rapport annuel, transmis au Parlement. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 71, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-5. - Les types de supports, les taux et les modalités de versement de la rémunération sont déterminés par décret après avis d'une commission composée, pour moitié, de personnes désignées par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération, pour un quart, de personnes désignées par les organisations représentant les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 311-4 et, pour un quart, de personnes désignées par les personnes représentant les consommateurs.
« Le compte rendu des réunions de la commission est rendu public selon des modalités définies par décret en Conseil d'État. La commission publie également un rapport annuel, transmis au Parlement. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. L'article 5 ter prévoit, à juste titre, d'assurer une certaine transparence aux travaux de la « commission copie privée ».
Cependant, il ne résout pas le problème de fond que pose la « délégation de décision », selon les termes du rapport de l'Assemblée nationale, accordée par le législateur de 1985 à une commission qui peut ainsi fixer, par des décisions exécutoires publiées au Journal Officiel, le montant d'un prélèvement dont, comme le rappelle également le rapport de l'Assemblée nationale, le non-paiement est passible de sanctions pénales.
Le présent amendement a donc pour objet de confier à une autorité plus légitime que l'actuelle commission « de l'article L. 311-5 », qui serait seulement investie d'un rôle consultatif, le soin de définir le régime de la rémunération pour copie privée.
Il serait sans doute souhaitable que, comme pour le droit de prêt en bibliothèque, la loi fixe des règles relatives au mode de calcul et à l'importance de la rémunération, par exemple par rapport au prix des supports d'enregistrements.
Dans l'immédiat, le texte proposé répond simplement à l'ambition plus modeste de franchir une première étape vers une définition moins contestable des conditions de compensation de l'exception de copie privée.
Il reprend in fine les dispositions du texte de l'Assemblée nationale, les mesures de transparence prévues gardant toute leur utilité pour éclairer le Parlement et l'opinion publique sur un sujet complexe et appelé à évoluer.
En fait, je suis un peu inquiet du sort qui pourrait être réservé, par une juridiction comme la Cour européenne de Strasbourg, à des mesures de fixation de dispositifs de rémunération obligatoire, sanctionnées pénalement si elles ne sont pas respectées.
Dans la mesure où la commission devient simplement consultative, c'est le ministre qui est l'autorité compétente pour exercer le pouvoir réglementaire : nous sommes alors à l'abri de toute difficulté.
M. le président. L'amendement n° 111, présenté par MM. Dufaut, Karoutchi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
À la fin de la première phrase du texte proposé par cet article pour compléter le troisième alinéa de l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle, supprimer les mots :
en Conseil d'État
La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Cet amendement a pour objet de supprimer la référence au Conseil d'État. En effet, un décret simple paraît suffisant pour préciser les conditions de publication du compte rendu des réunions de la commission de la rémunération pour copie privée. Ce serait plus simple, plus rapide et plus efficace.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. L'amendement n° 71 reprend une proposition formulée dans un précédent rapport de M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances à l'Assemblée nationale, qui préconisait, en 2001, une réforme en profondeur de la rémunération pour copie privée afin de l'ériger en une forme de taxe parafiscale dont les caractéristiques auraient dès lors relevé des pouvoirs publics.
Je souhaite, sur ce point, entendre l'avis du Gouvernement, étant toutefois précisé que cette réforme mériterait d'être conduite à l'occasion d'un autre débat.
Quant à l'amendement n° 111, la commission estime qu'il va dans le sens d'une simplification de procédure et elle émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 71 : en effet, la fixation des types de supports, des taux et des modalités de versement par décret provoquerait une rigidité du système et transformerait la nature de la rémunération, qui est une rémunération de droit d'auteur, en véritable taxe sur les supports d'enregistrement.
Or notre souci est de faire en sorte qu'aux évolutions de la technologie puisse s'adapter, bien évidemment, l'évolution de l'assiette, qui permet de garantir la rémunération pour copie privée.
Je saisis d'ailleurs cette occasion pour vous annoncer, mesdames, messieurs les sénateurs, que je viens de renouveler la composition de la commission de la rémunération pour copie privée, qui constitue le mode adéquat de concertation interprofessionnelle. Ses travaux doivent se poursuivre afin de suivre les évolutions technologiques et celles des usages.
Quant à l'amendement n° 111, le Gouvernement y est favorable.
M. le président. Quel est à présent l'avis de la commission sur l'amendement n° 71 ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne vais pas faire perdre son temps au Sénat, car je vois bien que je ne convaincrai pas M. le ministre, mais je remercie en revanche M. le rapporteur de son ouverture.
En réalité, je veux bien admettre que cette réforme est peut-être prématurée ou, plus exactement, ne peut sans doute pas être engagée dès maintenant, comme l'a dit M. le rapporteur. Il n'empêche qu'à mon avis il faudra la mettre en oeuvre très vite, car le système actuel est fragile.
Il est fragile parce que, contrairement à ce qui se passe lorsque, par exemple, quelqu'un ne paye pas son loyer, le loyer étant une forme de rémunération de la propriété, c'est au civil que cela se règle. Or, là, c'est au pénal.
Par conséquent, un jour viendra sans doute, selon moi, où la Cour européenne de Strasbourg pourrait considérer que nous ne sommes pas là dans les règles du procès équitable, dans la mesure où le droit qui s'impose au pénal est fabriqué par une commission Théodule qui n'a aucune légitimité (M. le ministre fait un signe de protestation), ce - monsieur le ministre, ne prenez pas un air indigné ! - au sens des règles habituelles de notre droit. Je ne vise pas les personnes ! Je ne le fais d'ailleurs jamais. Ou quand il m'arrive de le faire, et contrairement à d'autres, je préviens à l'avance. (Sourires.)
Tout cela est fragile et se terminera mal un jour. Mais je ne veux pas prolonger indéfiniment le débat. Je retire donc l'amendement n° 71, me réservant le droit d'y revenir ultérieurement.
M. le président. L'amendement n° 71 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 111.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 ter, modifié.
(L'article 5 ter est adopté.)
Article 5 quater
L'article L. 311-8 du même code est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les personnes morales ou organismes, dont la liste est arrêtée par le ministre chargé de la santé, qui utilisent les supports d'enregistrement à des fins d'imagerie médicale. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l'article 5 quater, car même si celui-ci soulève un vrai problème, la solution qu'il y apporte nous semble partielle et inadaptée.
La commission chargée par l'article L. 311-5 de déterminer les modalités de calcul de la rémunération pour copie privée a décidé, le 4 janvier 2001, d'étendre la perception de ce prélèvement à l'ensemble des supports d'enregistrement susceptibles d'être utilisés à des fins de copie privée, et notamment aux supports numériques.
Cette décision n'était pas dépourvue de fondement quand ces supports se substituaient rapidement aux supports analogiques et, ces derniers étant seuls taxés, entraînaient une chute de la rémunération, dans le même temps où les pratiques de copie continuaient à se développer. Mais cette extension soulève une importante difficulté, qui tient au fait que les supports numériques se prêtent, beaucoup plus que les supports analogiques, à de multiples usages, y compris professionnels, et sans lien avec la copie privée.
La commission de la copie privée s'efforce certes de prendre en compte ces usages professionnels à travers un abattement forfaitaire, mais il n'en demeure pas moins qu'il existe un relâchement de la corrélation entre copie privée et multiplicité des usages, incitant certains professionnels à réclamer un remboursement à leur profit de la rémunération qu'ils doivent verser.
Je reconnais que cette revendication n'est pas dépourvue de fondement, notamment dans le domaine de l'imagerie médicale qui fait un usage important de ces supports d'enregistrement. Pour autant, devons-nous leur donner satisfaction, au risque d'ouvrir la voie à d'autres demandes, qui mettraient rapidement à mal la logique de mutualisation sur laquelle repose ce dispositif ?
C'est la raison pour laquelle la commission propose de supprimer cet article.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La rémunération pour copie privée peut également donner lieu à remboursement, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État, lorsque le support a été acquis pour un usage professionnel. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Je suis dans une situation bizarre. En effet, je vais plutôt dans le sens du rapporteur car mon amendement n'est pas incompatible avec l'explication qu'il vient de donner. Pourtant, l'un est un amendement de suppression et pas l'autre.
Monsieur le ministre, ou tout le monde est concerné, ou personne ne l'est. M. le rapporteur pense que personne ne doit être bénéficiaire du dispositif même si le Sénat a déjà adopté en 2001 une disposition qui visait tous les professionnels. Pour ma part, j'ai une autre position : je propose que la rémunération pour copie privée puisse donner lieu à remboursement dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État quand le support a été acquis pour un usage professionnel. Je ne vise donc pas seulement l'imagerie médicale comme l'Assemblée nationale.
Le Sénat a donc le choix : ou bien on en reste au droit actuel, et c'est l'amendement de M. Thiollière qui est adopté, ou bien on choisit d'étendre cette solution à tous les professionnels, et c'est le mien qui passe. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 72 ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. M. Charasse a bien résumé la situation. C'est la raison pour laquelle nous nous en tenons à l'amendement déposé par la commission. Mais nous pensons qu'une réflexion d'ensemble sur l'élargissement éventuel des exemptions pour usage professionnel serait préférable à une succession d'exonérations ponctuelles.
Une réforme aussi importante que celle qui est préconisée dans l'amendement de M. Charasse ne peut pas être décidée sans une évaluation préalable et approfondie, conduite, par exemple, dans le cadre du rapport sur l'application de la présente loi, qui devra de toute façon apprécier aussi les conséquences sur les pratiques de la copie privée.
Je demande donc à M. Charasse de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 16 et 72 ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je ne sais pas si cela pourra influencer la décision de M. Charasse, mais je m'en remets à la sagesse du Sénat s'agissant de l'amendement n° 16.
Par ailleurs, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n°72, M. Charasse n'en sera pas surpris puisqu'il avait compris que ces deux amendements s'excluaient l'un l'autre.
M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° 72 est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Si, à cette heure tardive, le Sénat n'est pas sage et ne retient pas l'amendement de M. Thiollière, à ce moment-là, M. le ministre sera favorable au mien. (Sourires.) Sinon, je ne comprends plus rien !
J'ai le sentiment que l'article 5 quater ne va pas passer la nuit : je vais donc retirer l'amendement n° 72. Mais je dois dire que je n'ai fait que reprendre une suggestion formulée par l'ancien président de la « commission de la copie privée », pour laquelle M. le ministre a les yeux de Chimène.
Ceci étant dit, l'amendement n° 72 est mort, mais j'espère que l'article 5 quater le suivra.
M. le président. L'amendement n° 72 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 quater est supprimé.
Vous aviez vu juste, Michel Charasse.
CHAPITRE III
Mesures techniques de protection et d'information
Article 6 A
I. - Après l'article L. 131-8 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 131-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-9. - Le contrat mentionne la faculté pour le producteur de recourir aux mesures techniques prévues à l'article L. 331-5 ainsi qu'aux informations sous forme électronique prévues à l'article L. 331-10 en précisant les objectifs poursuivis pour chaque mode d'exploitation, de même que les conditions dans lesquelles l'auteur peut avoir accès aux caractéristiques essentielles desdites mesures techniques ou informations sous forme électronique auxquelles le producteur a effectivement recours pour assurer l'exploitation de l'oeuvre. »
II. - Après l'article L. 212-10 du même code, il est inséré un article L. 212-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 212-11. - Les dispositions de l'article L. 131-9 sont applicables aux contrats valant autorisation d'exploitation en application des articles L. 212-3 et L. 212-4, entre les producteurs et les artistes-interprètes. »
III. - Les dispositions des I et II s'appliquent aux contrats conclus à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. - (Adopté.)
Articles additionnels avant l'article 6 ou après l'article 10
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 149, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Selon les modalités conformes aux usages, le producteur de phonogrammes est tenu de délivrer aux sociétés visées à l'article L. 321-1, sans frais, toutes les informations nécessaires à la répartition des droits perçus par elles, et principalement, le lieu de fixation, la nationalité du producteur et l'année de fixation du phonogramme.
« Le non-respect de l'obligation définie ci-dessus est puni de 3 750 euros d'amende. »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Par cet amendement, il s'agit d'assurer la transmission des informations qui ne sont généralement pas communiquées par le producteur, alors qu'elles sont nécessaires à une juste répartition des droits par les sociétés de gestion.
Nous constatons que la nouvelle rédaction de l'article 14 quater proposée par la commission va dans ce sens puisqu'elle tend à créer un registre public des oeuvres diffusées sur Internet.
Nous connaissons les difficultés rencontrées par les sociétés de gestion pour obtenir des producteurs concernés les informations légales nécessaires à leur travail. Ces mêmes producteurs ne feront certainement pas l'effort de déposer ces données au registre public des oeuvres diffusées sur Internet puisqu'ils ne le font pas en direction des sociétés civiles concernées. C'est pourquoi nous proposons une pénalisation en cas de non-respect de cette obligation.
Les deux textes, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, ne sont pas incompatibles. Nous pourrions donc les fusionner : une fois n'est pas coutume !
M. le président. L'amendement n° 211, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel un article ainsi rédigé :
Après l'article L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Selon des modalités conformes aux usages, le producteur de phonogrammes est tenu de délivrer aux sociétés visées à l'article L. 321-1, sans frais, toutes les informations nécessaires à la répartition des droits perçus par elles, et principalement : le lieu de fixation, la nationalité du producteur et l'année de fixation du phonogramme. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement a le même objet que le précédent puisque les sociétés de gestion des droits d'auteur, d'artistes-interprètes et de producteurs nous disent ne pas disposer des listings qui leur seraient nécessaires pour distribuer ces sommes aux ayants droit : elles sont bien perçues mais ne peuvent être correctement réparties.
Il est donc nécessaire que les informations concernant le lieu de fixation, la nationalité du producteur et l'année de fixation du phonogramme, ainsi que les autres renseignements qui manquent à ces sociétés, deviennent obligatoires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La préoccupation exprimée dans l'amendement n° 149 devrait être satisfaite par le nouveau dispositif que la commission propose d'adopter à l'article 14 quater. Celui-ci tend en effet à créer un registre public dans lequel les titulaires des droits, notamment les producteurs de phonogrammes, seront tenus d'inscrire les informations relatives à l'identification, aux droits et aux conditions d'accès des oeuvres et ainsi qu'aux objets protégés par un droit voisin.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 149. Elle est également défavorable à l'amendement n° 211.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le rapporteur, certains amendements visent à supprimer l'article 14 quater. Même si on ne peut préjuger la décision du Sénat, ils pourraient être adoptés et votre proposition de registre n'aurait alors plus de support. Par ailleurs, si l'article 14 quater était voté, l'adoption d'un sous-amendement déposé sur notre initiative permettrait d'être plus impérieux à l'égard de ceux qui doivent fournir les renseignements destinés à ce registre.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 211.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
Dans le chapitre Ier du titre III du livre III du même code intitulé « Dispositions générales », sont créées une section 1 intitulée : « Règles générales de procédure », qui comprend les articles L. 331-1 à L. 331-4, et une section 2 intitulée : « Mesures techniques de protection et d'information ». - (Adopté.)
Article 7
Dans la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre III du même code, il est inséré un article L. 331-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 331-5. - Les mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou limiter les utilisations non autorisées par le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur, d'une oeuvre, autre qu'un logiciel, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, sont protégées dans les conditions prévues au présent titre.
« On entend par mesure technique au sens de l'alinéa précédent, toute technologie, dispositif, composant, qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, accomplit la fonction prévue à l'alinéa précédent. Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu'une utilisation visée à l'alinéa précédent est contrôlée grâce à l'application d'un code d'accès, d'un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l'objet de la protection, ou d'un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection.
« Un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article.
« Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur. Les fournisseurs de mesures techniques donnent l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité.
« On entend par informations essentielles à l'interopérabilité la documentation technique et les interfaces de programmation nécessaires pour obtenir dans un standard ouvert, au sens de l'article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, une copie d'une reproduction protégée par une mesure technique, et une copie des informations sous forme électronique jointes à cette reproduction.
« Tout intéressé peut demander au président du tribunal de grande instance statuant en référé d'enjoindre sous astreinte à un fournisseur de mesures techniques de fournir les informations essentielles à l'interopérabilité. Seuls les frais de logistique sont exigibles en contrepartie par le fournisseur.
« Toute personne désireuse de mettre en oeuvre l'interopérabilité est autorisée à procéder aux travaux de décompilation qui lui seraient nécessaires pour disposer des informations essentielles. Cette disposition s'applique sans préjudice de celles prévues à l'article L. 122-6-1.
« Les mesures techniques ne peuvent faire obstacle au libre usage de l'oeuvre ou de l'objet protégé dans les limites des droits prévus par le présent code ainsi que de ceux accordés par les détenteurs de droits.
« Ces dispositions ne remettent pas en cause celles prévues aux articles 79-1 à 79-6 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
« On ne peut pas interdire la publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel indépendant interopérant pour des usages licites avec une mesure technique de protection d'une oeuvre. »
M. le président. Je suis saisi, par M. Ralite et les membres du groupe CRC, d'une motion n° 283, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement du Sénat, le Sénat demande le renvoi à la commission de l'article 7 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (n° 269, 2005-2006).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour cinq minutes, et un orateur d'opinion contraire pour cinq minutes également.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est M. Jack Ralite, auteur de la motion.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment d'aborder l'examen de l'article 7, je dois dire mon trouble à propos des traits que revêtent les transformations proposées par cet article.
Il y a eu un débat à l'Assemblée nationale, un débat difficile, dru, au cours duquel se sont exprimées des oppositions résolues,...
M. Jack Ralite. ...mais riche, en effet.
Pourtant, malgré ces oppositions, auxquelles on a pu assister à la télévision, l'article 7 a été voté à l'unanimité des groupes et avec l'accord du Gouvernement.
On peut certes crier au miracle. Pour ma part, je pense que le caractère dru de la discussion et l'authenticité de la confrontation ont amené chacun des groupes présents à élaborer non pas un consensus mou, mais une sorte de construction convergente qui, par le vote acquis, signifiait qu'il était possible de faire quelque chose ensemble.
Ce texte arrive au Sénat, lieu de sagesse, dit-on. Or la première des sagesses consiste à mettre dans cet article une petite bombe, qui est non pas à retardement mais à effet immédiat.
J'avoue que je ne comprends pas, car il s'agit d'un article important. Si on lit cet article et si on se penche sur cette question de l'interopérabilité, on constate que nous sommes confrontés à un sujet général, qui concerne le monde entier : la primauté et le monopole de sociétés géantes, comme Microsoft, auxquels il faudrait pouvoir opposer un droit anti-concentration, qui, pour le moment, n'existe pas.
Je me souviens qu'ici, au Sénat, lorsque Mme Catherine Trautmann, alors ministre de la culture, avait proposé des mesures anti-concentration concernant la télévision, il n'y avait rien eu à faire. Il ne fallait pas que cela passe et cela n'est pas passé.
Aux États-Unis, il existe un texte, le Sherman Act, qui date du siècle dernier. Le président Clinton, qui avait accepté une espèce de monopole provisoire afin de permettre à Microsoft un retour sur investissement, avait cependant décidé, à un moment donné, de s'attaquer à ce problème. Neuf états américains l'avaient suivi. Ils allaient de l'avant. Je rappelle que Microsoft réalise 84 % de profits par an, fait unique dans l'histoire du monde.
Or M. Bush arrive et, sans nous dire pourquoi, il renonce à cette politique, et Microsoft continue donc à triompher.
Selon moi, l'article 7 permettait, sans régler cette question, à travers la technique, de mettre en cause cette forme de monopole, qui touche notamment les logiciels libres.
C'est la deuxième question.
Il est vrai que cela apporte une réponse intéressante s'agissant des logiciels libres, mais on peut s'interroger sur les conséquences pour le droit d'auteur. C'est une question que je me pose, mais sans parvenir à l'élucider. Je dirai même qu'au fur et à mesure que l'on pénètre ce document on le comprend de moins en moins !
Nous, législateurs, devrions utiliser des mots, des phrases qui renvoient à des réalités intelligibles. Or, nous sommes devant une accumulation de mots machines qui rompent avec le français ordinaire, et même avec la langue du droit, ce qui nous prive en définitive de nos réels droits de législateurs.
M. Jack Ralite. Les amendements qui nous sont proposés sont souvent rédigés ailleurs. Aux Etats-Unis, on les vend aux parlementaires ! Ici, on nous les prête !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Pas ici !
M. Jack Ralite. Cela me choque profondément. J'ai l'impression d'être un élu du peuple diminué.
La troisième et dernière remarque que je ferai avant de formuler ma proposition est que nous sommes dans le domaine du transitoire.
M. Jack Ralite. La situation n'est pas stabilisée. La Commission européenne revoit la question. Je ne lui donne pas plus de vertus qu'elle n'en a, mais elle fait le même constat. Nous devrions donc être plus prudents.
J'en viens à ma proposition.
Que l'on ne me fasse pas dire que le Sénat doit enregistrer purement et simplement tout ce que fait l'Assemblée nationale, mais je ne comprends pas. Je voudrais que l'on m'explique pourquoi on ne reprend pas un texte qui a été voté à l'unanimité. Au lieu de conforter une construction qui, malgré des défauts formels - et même pas seulement formels -, en quelque sorte tient, on la catapulte !
J'estime que cette méthode n'est pas bonne. La commission n'a pas pu travailler vraiment cette question... (M. le président de la commission proteste) et notre assemblée n'y travaillera pas vraiment ce soir.
Mes chers collègues, depuis le début du débat, tous les votes sont préparés ! On parle, mais on n'écoute pas. On est face à un rouleau compresseur,...
M. Jack Ralite. ...mais je considère que l'interactivité, portée richement dans les mots, se trouve ici mutilée.
C'est pourquoi, utilisant l'article 44, alinéa 5, de notre règlement, je propose que la commission se réunisse pour examiner comment sortir de cet imbroglio.
Je sais que j'ai développé mes arguments avec passion, mais la question est trop importante pour que l'on y réponde dans une langue étrangère. Le vocabulaire technique ne m'impressionne pas, il me désarçonne et, en tout cas, il désarçonne la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. J'entends bien les propos de M. Ralite, mais je ne peux pas accepter certains des termes qu'il a utilisés compte tenu du fait que nous travaillons sur ce texte depuis de nombreux mois, voire deux années.
Qu'il s'agisse d'un texte complexe, chacun en convient, parce qu'il nous interpelle à la fois sur des pratiques et des usages, sur la propriété intellectuelle et sur la propriété industrielle. Pour autant, j'estime que la commission a fait un travail, sérieux et approfondi, d'écoute et d'échange avec tous ceux qui avaient à s'exprimer sur ce sujet. Elle l'a fait sans prêter le moindre flanc à la critique non plus qu'aux pressions, diverses et variées, qui peuvent s'exercer, sur ce texte comme sur d'autres.
Comme nous avons procédé à de nombreuses auditions en commission ou, en ce qui me concerne, à titre de rapporteur et comme nous avons un avis à émettre, avis qui n'est certes pas celui de l'Assemblée nationale, mais qui permet de mieux sérier les problèmes constituant l'enjeu de l'article 7, il nous paraîtrait tout à fait déplacé de considérer que le débat n'a pas eu lieu et que cet article doit être renvoyé en commission.
Le débat a lieu ce soir. Il est nourri d'échanges constructifs. En tant que rapporteur, j'entends des avis, j'apprécie certains amendements et nous faisons nôtres diverses considérations qui nous permettront d'améliorer ce texte, certes difficile, mais dont nous devons poursuivre l'examen dans le même esprit que celui qui a présidé au début de nos travaux.
C'est la raison pour laquelle je ne souhaite pas, monsieur le président, le renvoi en commission de l'article 7.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur Ralite, vous faites partie, comme beaucoup d'entre nous, de la commission des affaires culturelles. Je ne peux pas accepter la critique que vous venez de développer.
Sans doute n'avons-nous pas eu, en effet, assez de temps en commission pour auditionner collectivement tel ou tel, encore que les différentes parties prenantes ont été largement entendues par le rapporteur et par moi-même, mais également par nombre d'entre nous au travers des organisations que nous avons mises en place, et notamment des tables rondes.
Je ne vois donc pas ce que le renvoi de l'article 7 en commission apporterait à nos travaux, d'autant que nous savons bien qu'au fur et à mesure que le temps passe et que se rapproche l'échéance du vote définitif nous faisons l'objet, non pas de pressions, mais de nouvelles suggestions. Si nous nous donnions un délai supplémentaire, ce serait encore pire !
Par ailleurs, monsieur Ralite, je ne comprends pas très bien votre raisonnement, car il est en contradiction avec vos critiques de cet après-midi à propos du vote conforme que nous avons émis sur un texte à propos duquel il y avait un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Ce soir, vous nous reprochez de revenir sur un texte voté par l'Assemblée nationale : votre attitude n'est pas homogène !
Nous sommes le Sénat et, en notre âme et conscience, compte tenu des informations dont nous disposons, de la culture et des engagements qui sont les nôtres, nous prenons une position que nous défendons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat fait un travail remarquable et, pour le ministre que je suis, c'est un interlocuteur très précieux, car, sur les différents axes de la politique que j'entends mener, la commission des affaires culturelles est toujours présente et agit avec beaucoup de détermination et d'intelligence.
Pour autant, je ne peux pas émettre un avis favorable sur cette demande de renvoi en commission.
D'abord, sur le plan de la vérité historique, il faut, monsieur Ralite, que vous sachiez qu'à deux reprises j'ai émis sur des sous-amendements de l'Assemblée nationale un avis défavorable et que le vote de ces sous-amendements s'est donc fait contre l'avis du Gouvernement.
Ensuite, ce ne sont pas sur des termes techniques, mais sur de vraies valeurs que vous allez délibérer. Il s'agit en effet de trouver un point d'équilibre entre deux concepts : d'une part - et ce concept est intelligible pour chacun des internautes de notre pays -, la possibilité et le droit de lire une oeuvre quel que soit le support ; d'autre part, le respect du droit d'auteur.
C'est la synthèse, la conciliation entre ces deux concepts qu'il faut opérer et, en la matière, vous n'êtes pas dans le provisoire, vous êtes des précurseurs. En d'autres termes, le Parlement français sera le premier des parlements à délibérer de ce sujet qui va mobiliser l'ensemble de la communauté internationale des internautes. Nous ne sommes pas dans le provisoire, nous sommes dans un rôle d'éclaireurs et de précurseurs.
C'est un sujet très difficile pour lequel il vous appartiendra de définir le bon point d'équilibre, travail très minutieux qui suppose de bien comprendre les opinions qui s'expriment. Je ne cherche pas à opposer les uns aux autres, je m'efforce de les concilier.
M. le président. En conséquence, nous poursuivons la discussion de l'article 7.
La parole est à M. Yann Gaillard, sur l'article.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'avoue être très embarrassé au seuil de cet article 7 relatif à l'interopérabilité, noeud essentiel du présent projet de loi.
Je le suis d'autant plus que l'intervention de M. Ralite, que je trouve exagérée bien que j'admire le talent de celui-ci, rend ma tâche encore plus difficile, car je ne voudrais pas donner le sentiment d'être d'accord avec lui, ce qui peut m'arriver, mais ce qui, en l'occurrence, n'était pas mon intention.
M. le ministre l'a dit à plusieurs reprises, à l'Assemblée nationale comme ici, l'interopérabilité est véritablement, dans les technologies de l'information et de la communication, le fondement de la concurrence, donc celui de la liberté. Aussi, l'interopérabilité est absolument essentielle.
La commission des affaires culturelles et son rapporteur, M. Thiollière, ont accompli un travail gigantesque pour éclairer la question et trouver, par rapport à l'option retenue par l'Assemblée nationale, qui, il faut bien le dire, était celle d'une certaine liberté sous le contrôle de la justice, une solution qui respecte et même protège l'interopérabilité, mais qui le fait dans le cadre d'une institutionnalisation inquiétant divers milieux.
L'introduction d'une autorité administrative dans le dispositif voté - peut-être dans les conditions décrites par M. Ralite, mais je n'en sais rien puisque je n'y étais pas - a en effet paru, dans un secteur économique innovant et à évolution très rapide, lourde de menaces et, pour ma part, je n'aurais pas le moins du monde été mobilisé par cette affaire si je n'avais été profondément choqué par certaines des menaces qui ont été brandies au moment où cet article 7 a été voté à l'Assemblée nationale.
Il y a eu la déclaration d'Apple, menaçant de déserter le marché français,...
M. Yann Gaillard. ...parue en première page de l'International Herald Tribune, édition européenne d'un journal américain, et qui, manifestement, constituait une forme de pression, et il y a eu les déclarations du ministre américain du commerce contre le vote de l'Assemblée nationale.
Il y a tout de même là quelque chose qui m'inquiète, même si je ne veux pas entrer dans la critique des grands trusts, Apple, Microsoft, etc., qui sont d'immenses et admirables entreprises, même si elles sont un peu étouffantes.
Nul n'ignore, en tout cas parmi ceux qui ont approché ces milieux, que la France est riche en ce domaine d'inventeurs, d'expérimentateurs et, pour employer une expression familière, de « petites boîtes » qui créent de petits logiciels, inventent de nouvelles solutions et qui, au fond, ne sont que des échappées libres par rapport à ces admirables monstres que sont Apple, Microsoft et autres.
Les créateurs de ces logiciels libres, pour employer leur expression, tiennent essentiellement à ce que les mesures techniques de protection implémentées par un distributeur puissent faire l'objet d'une réalisation indépendante. Il voudrait être sûr, ce petit créateur, que la technique de protection ne soit pas elle-même protégée et qu'ainsi apparaisse dans le paysage un système de simili brevet, de brevet de fait, ni coûteux, ni limité dans sa durée, utilisé par des tiers et applicable à des logiciels, contrairement à une décision du Parlement européen, qui avait repoussé la brevetabilité du logiciel.
Je suis désolé de devoir traduire un mouvement d'inquiétude profond et d'aller dans un sens qui n'est pas celui de la Haute Assemblée, que je respecte profondément.
En outre, le passage par une autorité indépendante ne risque-t-il pas d'entraîner une grande lourdeur dans un domaine où les petites structures, les PME, les créateurs de logiciels libres, auront beaucoup de mal à se faire entendre face aux grandes firmes internationales, particulièrement aptes à utiliser ce genre de mécanisme ?
J'ajoute que, sur un plan plus général, comme nombre de mes collègues, je redoute la multiplication dans notre droit de ces autorités. C'est une véritable invasion, perturbant notre droit administratif, notre droit public.
Faut-il confier à une nouvelle venue la maîtrise de ces deux points cruciaux de notre débat, interopérabilité et copie privée ? En effet, là aussi, on va revoir une autorité indépendante dans l'article 7 bis sur la copie privée, alors même qu'on vient de raisonner très efficacement sur la commission de la copie privée, dont j'ignore si elle ferait double emploi ou non avec cette autorité indépendante.
Tout cela suscite en moi une certaine appréhension. C'est pourquoi, à mon grand regret, et tout en rendant hommage au grand travail intellectuel de notre commission, je ne me sens pas en mesure d'approuver la nouvelle version qui nous est proposée de l'article 7 et son nouveau complément à l'article 7 bis. Je n'irai pas jusqu'à défendre des sous-amendements, tant je crois qu'il y a vraiment deux systèmes et qu'il est très difficile de les concilier. Mme Morin-Desailly a, elle, choisi cette autre démarche. Pour ma part, je dois dire que, sur cette question importante, je ne pourrai approuver ces deux articles et je ne prendrai pas part au vote. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. L'article 7, s'il n'était rédigé en termes aussi hermétiques et plus techniques que chargés de valeur - je suis désolée, monsieur le ministre, « techniques chargés de valeur », j'avais écrit mon intervention avant que vous n'interveniez - pourrait fort bien faire l'objet de l'illustration d'un sujet de philosophie : « La fin justifie-t-elle les moyens ? » avec, pour exemple, « La légitime rémunération des auteurs justifie-t-elle que l'on sacrifie le logiciel libre et les libertés individuelles ? » Et, pour réponse de la part de l'Assemblée nationale, on va essayer de faire en sorte que non !
Parce que les députés ont été alertés sur les effets collatéraux des dispositifs envisagés avec imprudence, ils ont élaboré une rédaction relativement équilibrée qui, à défaut d'être réellement consensuelle, est pratiquement aujourd'hui identifiée par une très large majorité d'acteurs comme celle du moindre mal !
Les cryptages et autres mesures que les Anglo-saxons regroupent sous le sigle DRM ne feront pas renoncer les contrefacteurs performants qui persisteront dans leur commerce frauduleux.
Or ils traînent un cortège de ventes liées entre matériel de lecture et objets musicaux ou vidéos compatibles entre eux, mais pas avec le matériel du concurrent, un cortège d'insécurité juridique pour tous les acteurs du logiciel libre.
Et c'est, d'une part, un secteur dynamique et compétitif qui est menacé. C'est, d'autre part, une philosophie d'échanges et de partage qui devient suspecte ou entravée.
Les DRM sont, enfin, une menace même pour la diversité culturelle : entendre ceux qui ne sont pas promus comme rentables, pouvoir garder la mémoire sans risque de destruction, pouvoir faire connaître d'autres choix que ceux de la standardisation, tout cela est indispensable à la société humaine.
Enfin, ce sont les progrès de l'informatique elle-même qui peuvent se trouver fragilisés par les DRM. On ne compte déjà plus les exemples de malfaçons induites sous prétexte de protection de propriété artistique - et quand je dis prétexte, je m'adresse aux fabricants d'informatique et aux majors, aux capitaux liés, et non au législateur.
Les Verts ne souhaitent pas que le Sénat ouvre la porte à ces procédés incontrôlés et incontrôlables avec des textes imprudents.
D'autres pistes de ressources garanties ont été évoquées tout à l'heure.
Nous ajouterons à la rédaction initiale deux compléments : que les oeuvres tombées dans le domaine public puissent être libérées de leur protection sans risque de pénalité ; que soit prohibée l'introduction d'éléments parasites dans le matériel de l'internaute. Cette protection repose non pas sur la paranoïa de quelques abonnés, mais bien sur une réalité vécue par les internautes et des mécanismes techniques opérationnels et répandus.
J'ai évoqué en commission la connexion, via un grand moteur de recherche, à « sncf-horaires », un jour de grève, qui nous faisait apparaître une fenêtre avec la promotion d'un certain parti prônant le service minimum obligatoire, ainsi que « banlieues-en-novembre », qui faisait apparaître le nom du leader du même parti.
Il est des usages moins tendancieux nommés cookies. Ils prétendent identifier et diffuser votre profil pour, disent-ils, mieux vous servir et ne vous faire parvenir que les offres qui vous concernent. Il est d'autres usages beaucoup plus sinistres, en d'autres lieux.
Dans la dernière parution de Reporters sans frontières, que voici (Mme Blandin montre la photocopie d'un document.) - il s'agit d'une copie privée, mes chers collègues, j'ai payé mes droits, j'ai acheté le livre ! -, on peut lire, dans un article intitulé « Tout le monde s'intéresse à Internet, surtout les dictateurs », signé de Julien Pain, comment Cisco-système a bâti l'infrastructure internet de la Chine et équipé la police pour le surveiller, comment le journaliste Shi Tao a été condamné à dix ans de prison grâce à la fourniture à la police chinoise par Yahoo ! des données compromettantes récoltées sur son ordinateur.
Parce que ce sont les mêmes entreprises occidentales à qui l'on risque de donner le chèque en blanc de méthodes de cryptage non protégées, nous disons que la confiance n'est pas de mise.
J'attire votre attention sur la notion de chèque en blanc. Prenons une comparaison : il est légitime de vouloir éviter le vol de son véhicule. Une canne qui immobilise le volant ou l'accélérateur est possible. Un anti-démarrage aussi. On envisage un système de reconnaissance vocale du propriétaire, mais il est hors de question que se bloque en pleine vitesse la direction, même si c'est le voleur qui s'est emparé du véhicule et qui conduit.
Jack Ralite a proposé le renvoi en commission. N'en soyez pas ému, monsieur le président, le travail de cette commission n'est pas en cause, c'est simplement le signe de notre désarroi devant la complexité du texte.
On aurait pu envisager que soit saisie la commission des finances pour nous aider à mesurer les flux financiers dans la vente d'un disque, ce qui revient à l'auteur, au compositeur, au producteur et à tous les dispositifs acteurs intermédiaires.
On aurait pu envisager la saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui nous aurait aidés le cas échéant à y voir clair dans ces dispositifs de cryptage, à comprendre leur fiabilité, les conséquences de leur mise en oeuvre, la façon de les limiter.
En attendant, nous fonderons notre démarche sur l'impérieuse nécessité de l'interopérabilité et l'autorisation pour les usages légitimes de la sphère privée du contournement des verrous numériques.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l'article.
M. Bruno Retailleau. Du débat à l'Assemblée nationale, on a retenu le problème de la licence globale, c'est-à-dire, schématiquement, une liberté débridée contre la protection. Il se pourrait bien que, de ce débat dans la Haute Assemblée, on retienne le débat sur l'interopérabilité qui pourrait être, si rien ne changeait, une protection verrouillée contre une liberté anémiée.
Je crois, monsieur le ministre, que de là où vous allez placer le curseur sur l'interopérabilité dépendra très exactement le point de l'équilibre que vous entendez établir entre, d'un côté, la protection des oeuvres et, de l'autre côté, la liberté.
J'ai déjà insisté, lors de la discussion générale, sur le problème fondamental de l'interopérabilité. Qu'il me soit simplement permis de redire que les enjeux sont énormes : enjeux culturels, bien sûr, accès non discriminatoire à la culture, diversité des diffuseurs d'oeuvres, mais aussi et surtout, mes chers collègues, enjeux économiques, contre les abus de position dominante, contre les pratiques anticoncurrentielles.
Devrai-je ici rappeler que ce qui a valu la condamnation de Microsoft, en mars 2004, par la Cour de justice des Communautés européennes, puis ce qui lui a valu de comparaître à nouveau, il y a quinze jours, et d'écoper d'une amende de pratiquement 500 millions d'euros, c'était de n'avoir pas accepté de fournir des éléments essentiels d'interopérabilité ?
Pratiques anticoncurrentielles, donc, et enjeux économiques aussi parce que l'interopérabilité est un élément stratégique fondamental pour l'économie française, la France étant l'un des trois pays leaders au monde pour le logiciel libre.
C'est un marché qui se développe très vite - 46 % de plus en 2004, contre 7 % de plus pour le marché du logiciel propriétaire -, avec de grandes entreprises, en dehors de ce que l'on appelle les développeurs de logiciels indépendants. Ainsi, 80 % des entreprises du CAC 40 utilisent des logiciels libres, 56 % des collectivités territoriales ou locales sont sous système Linux. L'interopérabilité va déterminer le champ des libertés que nous allons accorder ou refuser à ce secteur important de l'économie française.
J'avais rappelé lors de la discussion générale que l'interopérabilité est parfaitement compatible avec le code de la propriété intellectuelle. Et, s'il le faut, nous le démontrerons tout à l'heure lors de la discussion des amendements et sous-amendements.
Je voudrais souligner, après notre ami Yann Gaillard, qu'il ne s'agit pas de faire de l'anti-américanisme. En effet, lorsque les députés ont voté ce texte - évidemment, cher collègue Jack Ralite, à l'unanimité -, un grand magazine américain intitulé Wired avait titré : « Vive la France ! », et avait même sous-titré : « La France sauve la civilisation », en parlant de l'interopérabilité.
Monsieur le ministre, deux conceptions sont défendues, comme l'attestent les deux déclarations que je vais citer. L'une, pour laquelle je n'ai pas payé de copyright (Sourires.), est celle de notre excellent rapporteur : « Il ne faut peut-être pas imposer l'interopérabilité, mais la rendre possible. »
La deuxième conception, c'est la vôtre, monsieur le ministre, que je trouve dans le Herald Tribune : « Notre intention, avec cette loi, est de casser l'emprise d'une technologie sur des oeuvres culturelles. Quand j'achète un CD ou une vidéo sur Internet, je dois pouvoir les lire sur n'importe quelle machine. »
Il faudra choisir, car ces deux positions sont inconciliables, et ce pour trois raisons.
Premièrement, ce que les députés ont voté, ce que nous voulons promouvoir, c'est une opérabilité de droit, une opérabilité de principe, et non pas une opérabilité placée sous la surveillance d'une énième autorité administrative indépendante.
La première raison se situe donc dans cette différence capitale, je dirais même abyssale, entre le principe, le droit ou une simple éventualité.
La deuxième raison tient à une autre différence de conception, concernant cette fois la décompilation qui, dois-je le rappeler, est également parfaitement compatible avec le droit. C'est ainsi que deux directives européennes, l'une datant de 1991, l'autre de 2001 et que nous nous apprêtons d'ailleurs à transcrire, y renvoient directement ou indirectement.
Enfin, troisième raison qui explique que ces deux conceptions sont inconciliables, la question reste encore à trancher de savoir s'il s'agit d'une interopérabilité gratuite ou bien payante au moyen d'un ticket d'entrée sur le marché, au risque de rejeter beaucoup de petites entreprises et de fermer le marché aux standards dit ouverts.
Tel est le débat qui fera l'objet de l'article 7, débat, à mon avis, capital en ce qu'il indiquera l'endroit où sera placé le curseur entre protection et liberté. S'il ne fallait pas à l'Assemblée nationale sacrifier la protection à la liberté, il ne convient pas de faire l'inverse au Sénat, c'est-à-dire de sacrifier la liberté à la protection ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l'article.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l'avons bien compris, avec cet article, nous entrons vraiment dans le vif de la directive et nous abordons un enjeu de société essentiel du présent projet de loi.
En effet, l'article 7 intègre dans notre droit interne les mesures techniques de protection proposées dans la directive comme étant légitimes pour répondre au téléchargement illégal. Il concerne aussi, à la suite des modifications apportées par l'Assemblée nationale, l'interopérabilité.
L'interopérabilité constitue, selon nous, la contrepartie indispensable de la protection juridique des MTP.
En effet, on ne peut comprendre la notion d'interopérabilité que si l'on a également à l'esprit les risques que représente la généralisation de ce que l'on appelle les Digital Rights Management, ou DRM, c'est-à-dire, en français, les « mesures techniques de protection », ou MTP, suivant une traduction qui n'est pas parfaite, ainsi que cela a été souligné à de nombreuses reprises.
Pour ma part, je vois quatre dangers majeurs à la généralisation des mesures techniques de protection.
Le premier d'entre eux réside dans le fait que la généralisation des mesures techniques de protection peut menacer le droit des consommateurs. En effet, relisons la définition minimale de l'interopérabilité est la suivante : il s'agit de pouvoir jouir d'une oeuvre légalement acquise, en la rendant lisible sur tous les supports.
Or je pense pouvoir dire à cet égard que nous sommes tous d'accord pour estimer normal qu'une oeuvre acquise licitement puisse être lue sur n'importe quel support ou n'importe quel logiciel. Cela garantit l'exception pour copie privée remise en cause par les « verrous numériques » que sont les MTP, et qui empêchent l'utilisateur de faire une copie, alors qu'il a payé la redevance pour copie privée en achetant un support vierge. Il faut donc assurer la compatibilité entre tous les systèmes en limitant les procédés anticopie.
Le deuxième danger concerne les mesures techniques de protection qui remettent également en cause les libertés publiques et individuelles, puisque le respect de la vie privée peut être menacé par les dispositifs techniques destinés à contrôler à distance certaines fonctionnalités des ordinateurs personnels, dispositifs qui sont susceptibles de donner ainsi accès aux données personnelles de l'utilisateur.
Les exemples foisonnent de fabricants ayant installé des logiciels espions à l'insu des utilisateurs pour contrôler leur ordinateur. Il n'y a là rien moins qu'une atteinte à la vie privée causée par le caractère intrusif des mesures techniques.
En outre - c'est le troisième danger -, les MTP menacent le développement des logiciels libres et pourraient ainsi porter préjudice, comme l'ont souligné plusieurs de mes collègues, aux petites entreprises innovantes, c'est-à-dire à tout un secteur de la recherche et de l'innovation, autrement dit à la compétitivité industrielle française et européenne.
Je n'aurais garde d'oublier un quatrième danger, je veux parler des risques de monopole industriel qui se profilent derrière les mesures techniques de protection. Notre collègue Yann Gaillard a d'ailleurs évoqué les pressions dont nous avons pu faire l'objet de la part de grandes firmes américaines. Nous savons pertinemment comment agissent Apple et Microsoft dans ce domaine, en empêchant de rendre leurs systèmes interopérables et en obligeant au paiement de licences.
Enfin, il est un argument qui milite en faveur de l'interopérabilité, à savoir les intérêts stratégiques de la France en matière de recherche, de compétitivité, de sûreté nationale, ainsi que l'ont bien compris nos collègues députés en adoptant l'article 7 bis.
Dès lors, les mesures techniques de protection peuvent être considérées comme des obstacles à la recherche industrielle sur des logiciels en ce qu'elles prévoient des sanctions à l'encontre de ceux qui travaillent sur ces logiciels.
Pour tous ces motifs, nous pensons, comme d'autres, qu'il revient au législateur de fixer des règles générales concernant l'interopérabilité, et que celles-ci doivent apparaître noir sur blanc dans la loi, plutôt que de laisser à l'autorité de régulation des mesures techniques de protection le soin de décider des modalités d'existence de l'interopérabilité.
Telle est la raison fondamentale de notre scepticisme, mais nous aurons l'occasion d'évoquer à nouveau, lors de l'examen de l'amendement n° 18, les missions de l'autorité de régulation dont la mise en place a été suggérée par la commission des affaires culturelles.
Quoi qu'il en soit, nous regrettons, chacun l'aura compris, que la commission revienne sur les dispositions prises en faveur de l'interopérabilité qui, pour nous, constituent, je le répète, une avancée considérable, ce qu'a d'ailleurs également reconnu M. le ministre. Pour ma part, je ne citerai pas le Herald Tribune, mais je sais que, dans les colonnes du Monde, monsieur le ministre, vous avez récemment déclaré souhaiter « briser l'emprise de la technologie iTunes développée par Apple sur le téléchargement de la musique », précisant bien qu'il ne s'agissait pas là d'une vengeance ou d'une mesure de protection à l'encontre d'une société étrangère.
Nos six sous-amendements à l'amendement n° 17 rectifié de la commission des affaires culturelles viseront donc à rétablir les dispositions adoptées à l'unanimité par l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable du Gouvernement, dispositions qui garantissent pleinement, selon nous, l'interopérabilité en plaçant la France en pointe dans ce domaine, mais aussi et surtout en la mettant sur la bonne voie pour répondre aux enjeux énormes que mes collègues avant moi ont mentionnés, qu'il s'agisse des enjeux culturels et économiques, bien sûr, mais aussi sociétaux, et ce à l'échelle de la planète. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. Je suis saisi d'un certain nombre d'amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 331- 5 du code de la propriété intellectuelle :
« Art. L. 331- 5. - Les mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou limiter les utilisations non autorisées par les titulaires d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur, d'une oeuvre, autre qu'un logiciel, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, sont protégées dans les conditions prévues au présent titre.
« On entend par mesure technique au sens de l'alinéa précédent, toute technologie, dispositif, composant, qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, accomplit la fonction prévue à l'alinéa précédent. Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu'une utilisation visée à l'alinéa précédent est contrôlée grâce à l'application d'un code d'accès, d'un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l'objet de la protection, ou d'un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection.
« La protection assurée aux mesures techniques efficaces par le présent article ne modifie pas le régime juridique de leurs éléments constitutifs, protocoles, formats et méthodes de protection tel qu'il est défini à l'article L. 611-10.
« Ces dispositions ne remettent pas en cause la protection juridique résultant des articles 79- 1 à 79- 6 et de l'article 95 de la loi n° 86- 1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rappellerai que l'article 7 adopté par l'Assemblée nationale comportait deux séries de dispositions, la première constituée par les trois premiers alinéas ainsi que le neuvième alinéa du texte proposé pour l'article L.331- 5 du code de la propriété intellectuelle, qui a pour objet de définir les mesures techniques de protection et de leur conférer un statut juridique protecteur, et la seconde, constituée par les autres alinéas du même texte, dont l'objet est de veiller à ce que ces mesures techniques n'entravent pas l'interopérabilité.
La commission qui, comme je le rappelle, attache une grande importance à ces questions d'interopérabilité, a souhaité une refonte profonde de ce dispositif. C'est la raison pour laquelle, pour plus de clarté, elle souhaite regrouper les dispositions pertinentes au sein d'un article additionnel avant l'article 7 bis, ce qui lui permettra, en outre, de les rattacher aux compétences de l'autorité de régulation des mesures techniques de protection.
En revanche, le présent amendement recentre, quant à lui, l'article 7 sur la consécration juridique des mesures techniques. Les deux premiers alinéas, qui figuraient déjà dans le projet de loi initial, constituent une reprise presque littérale de la directive et laissent donc peu de marge au législateur national ; quant aux deux derniers alinéas, ils reprennent, cette fois, des dispositions ajoutées par l'Assemblée nationale, moyennant certains aménagements ponctuels.
Certains ont craint que la consécration de mesures techniques de protection ne fournisse un levier à des industriels pour remettre en cause la non-brevetabilité des logiciels, pourtant récemment confirmée par le Parlement européen.
À cette fin, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale précisait que les méthodes de cryptage, de brouillage et de transformation destinées à rendre la mesure technique efficace ne constituaient pas, en tant que telles, des mesures techniques de protection.
Le présent amendement a donc pour objet de clarifier cette distinction par référence à l'article L.611- 10 du code de la protection intellectuelle, qui précise ce qui est brevetable et ce qui ne l'est pas, article dont la portée a déjà été précisée par une abondante jurisprudence.
M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques.
Le premier, n° 52, est présenté par Mme Morin- Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe de l'Union centriste.
Le second, n° 188 rectifié bis, est proposé par MM. Retailleau et Darniche.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331- 5 du code de la propriété intellectuelle :
« Un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly pour défendre le sous-amendement n° 52.
Mme Catherine Morin-Desailly. Ce sous-amendement est le premier d'une série de sous-amendements visant à mettre en cohérence le principe et les règles de l'interopérabilité avec les mesures techniques de protection.
Il a pour objet de rétablir dans sa version initiale le troisième alinéa du texte proposé par l'article 7 pour l'article L. 331-5 tendant à préciser qu'un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage et de transformation ne constitue pas une mesure technique de protection.
En effet, la commission, selon ses propres termes, propose une rédaction plus claire de cet alinéa en précisant que « la consécration juridique des mesures techniques de protection ne remet pas en cause le régime juridique de ses éléments constitutifs tels qu'ils résultent de l'article L.611- 10 du code de la propriété industrielle, qui précise ce qui est brevetable et ce qui ne l'est pas ».
Or la brevetabilité répond à un tout autre souci juridique que celui qui est visé par le troisième alinéa dans la rédaction prévue par l'Assemblée nationale.
Il s'agit, à travers le sous-amendement n° 52, de ne pas intégrer dans le champ des mesures de protection les méthodes et composantes d'une mesure technique de protection telle que le cryptage ou le brouillage. En effet, ces composantes n'ont rien à voir avec des dispositifs opérationnels.
Il est donc important de maintenir la rédaction initiale, car il s'agit d'éviter que les mesures de protection ne constituent un avantage sur certains grands opérateurs.
Cette précision est d'ailleurs conforme à la directive et a déjà été adoptée par d'autres États membres.
L'alinéa qu'il vous est ici proposé de remplacer, mes chers collègues, ne restreint en aucune manière la définition qui figure au sein de la directive. Il s'agit uniquement d'une condition de lisibilité et de sécurité juridique.
Je rappellerai seulement que cette précision avait déjà fait l'objet d'amendements similaires émanant de tous les groupes à l'Assemblée nationale et qu'elle avait recueilli un avis favorable du Gouvernement. Par conséquent, il serait pour le moins dommage, me semble-t-il, de casser cette belle unanimité. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l'amendement n° 188 rectifié bis.
M. Bruno Retailleau. J'ajouterai simplement à ce qu'a dit excellemment ma collègue Catherine Morin-Desailly que le rapporteur, en introduisant la référence à l'article L. 611 - 10 du code de la propriété intellectuelle, renvoie effectivement au problème de la brevetabilité proprement dit.
Pourquoi, sans entrer dans des détails techniques, faut-il écarter, voire s'y opposer, cette idée de brevetabilité d'un logiciel ? Pour deux raisons, l'une étant juridique et l'autre, économique.
La raison juridique est que, depuis le vote de l'article 52 de la convention sur le brevet européen de 1973, l'Europe a toujours écarté l'idée de la brevetabilité du logiciel, et donc toute mesure technique de protection.
Le Parlement européen a tenu, l'an dernier, à rappeler cette position extrêmement ferme qui n'a pas varié depuis toutes ces années.
La deuxième raison est d'ordre économique, le problème étant que les logiciels constituent des innovations cumulatives. En d'autres termes, il faut souvent procéder à des assemblages de plusieurs logiciels pour composer un nouveau logiciel.
Or, si vous ouvrez la porte à la brevetabilité d'un certain nombre de séquences, mes chers collègues, vous allez complètement bloquer la recherche et le développement pour quantité de logiciels !
Par conséquent, pour ces deux raisons, à la fois juridique et économique, la sagesse vous recommande, me semble-t-il, de voter ce sous-amendement n° 188 rectifié bis.
M. le président. Le sous-amendement n° 115 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité. Les fournisseurs de mesures techniques donnent l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Ce sous-amendement tend à préciser les obligations des fournisseurs de mesures techniques en matière d'interopérabilité, en reprenant la formulation utilisée par la directive 91/250 CEE sur la protection des programmes d'ordinateurs.
Ainsi, à travers ce sous-amendement, nous visons un double objectif. D'une part, nous cherchons à éviter que les mesures techniques n'aient pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité. D'autre part, nous souhaitons contraindre les fournisseurs de mesures techniques à donner accès aux informations essentielles à l'interopérabilité.
L'article 6 de la directive de 2001 précise que les mesures techniques sont destinées à empêcher ou à limiter les actes non autorisés par le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur, conformément à l'article 11 du traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d'auteur, adopté à Genève en 1996, qui stipule que « les mesures techniques efficaces sont mises en oeuvre pour restreindre l'accomplissement, à l'égard de leurs oeuvres, d'actes qui ne sont pas autorisés par les auteurs concernés ou permis par la loi ».
Les mesures techniques ne peuvent donc empêcher ou limiter les actes autorisés sans constituer une grave lésion aux droits acquis par le consommateur.
M. le président. Le sous-amendement n° 189 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau et Darniche, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité. Les fournisseurs de mesures techniques donnent l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité.
« On entend par informations essentielles à l'interopérabilité la documentation technique et les interfaces de programmation ainsi que le format de protection et l'accès au système de gestion des droits nécessaires pour obtenir dans un standard ouvert, au sens de l'article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, une copie d'une reproduction protégée par une mesure technique, et une copie des informations sous forme électronique jointes à cette reproduction.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. S'agissant de l'interopérabilité, nous arrivons au coeur du sujet.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Nous y sommes déjà !
M. Bruno Retailleau. À travers ce sous-amendement, je propose de reprendre un paragraphe que nos collègues députés avaient voté, afin de préciser ce que sont les informations essentielles à l'interopérabilité. En effet, la mention des seules interfaces de programmation peut sembler insuffisante.
L'évolution technologique est telle qu'il convient, à mon avis, d'élargir la définition des informations essentielles à l'interopérabilité, en ajoutant aux interfaces de programmation les formats de protection et les accès au système de gestion des droits. Ceux-ci, en effet, comme chacun peut le comprendre, sont susceptibles de revêtir différents habillages technologiques.
S'agissant des propositions de la commission des affaires culturelles relatives à l'interopérabilité, je soulignais dans mon intervention préalable qu'elles marquent un changement radical par rapport à l'approche retenue par l'Assemblée nationale.
M. Bruno Retailleau. Tout d'abord, l'interopérabilité n'est plus de droit, mais elle est négociée et placée sous la surveillance d'une autorité administrative indépendante. Celle-ci pourra d'ailleurs parfaitement refuser l'interopérabilité, ou en tout cas l'accès aux informations et à la documentation.
M. Jacques Valade, président de la commission. Mais non !
M. Bruno Retailleau. Mais si, monsieur Valade ! C'est pourquoi j'estime que nous passons d'une interopérabilité de droit et de principe à une interopérabilité potentielle. Et la différence est d'importance !
Je reviendrai plus longuement tout à l'heure sur cette autorité administrative indépendante. Je vous renvoie au rapport du Conseil d'État qui, il y a quelques années, pointait le foisonnement de ces AAI.
M. Jacques Valade, président de la commission. C'est un lieu commun !
M. Bruno Retailleau. Est-il bien raisonnable d'instituer une autorité de plus ? À chaque fois que nous confions une responsabilité à une autorité administrative indépendante, nous démembrons un peu plus notre État.
Je vous proposerai une solution qui consiste à utiliser une autorité administrative indépendante existante plutôt qu'à en créer une nouvelle.
En effet, l'autorité que vous vous apprêtez à instituer soit ne disposera d'aucun moyen, auquel cas elle ne servira à rien, soit en aura d'importants, et il nous faudra alors invoquer l'article 40 de la Constitution, ...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Cela n'a rien à voir !
M. Bruno Retailleau. ... parce qu'une charge financière serait créée par voie d'amendement.
Une fois encore, il me semble que l'interopérabilité n'est pas négociable et doit s'inscrire dans le plein champ du texte. Pour cela, il faut en revenir à un paragraphe voté par l'Assemblée nationale, d'ailleurs à l'unanimité.
M. le président. Le sous-amendement n° 190 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau et Darniche, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Tout intéressé peut demander au fournisseur de mesures techniques de lui communiquer les informations essentielles à l'interopérabilité.
« À défaut de leur obtention dans un délai de soixante jours, l'intéressé peut saisir le conseil de la concurrence. Il est autorisé à procéder aux travaux de décompilation dans les conditions prévues à l'article L. 122-6-1 du présent code.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. À travers ce sous-amendement, je propose d'instituer une procédure en plusieurs étapes destinée à garantir l'interopérabilité.
Tout intéressé pourra demander au fournisseur de MTP les informations essentielles à l'interopérabilité. S'il ne les obtient pas, il pourra saisir le Conseil de la concurrence.
Pourquoi confier cette mission au Conseil de la concurrence plutôt qu'à une nouvelle autorité administrative indépendante ? Parce que, comme je l'ai souligné dans mon intervention liminaire, les abus de position dominante et les pratiques anticoncurrentielles ressortissent à la compétence du Conseil de la concurrence, qui se trouve parfaitement outillé pour les apprécier.
Ne nous leurrons pas ! Lorsqu'il s'agit d'examiner une pratique anticoncurrentielle, la technique informatique n'est guère un obstacle. La difficulté est de savoir s'il y a réellement abus de position dominante ou pratique anticoncurrentielle. Le Conseil de la concurrence est parfaitement à même de se prononcer sur de telles questions.
Très sincèrement, il ne me semble pas sérieux de créer une nouvelle autorité administrative indépendante. Si nous mettons en place une telle autorité à chaque fois que nous sommes confrontés à un problème technique, nous n'en finirons plus, d'autant que les MTP, les mesures techniques de protection, ne suscitent guère de difficultés !
Par ailleurs, se pose le problème de la décompilation. Pour moi, celle-ci est de droit et se trouve parfaitement garantie juridiquement.
La directive européenne que nous transposons renvoie explicitement à l'article 6 d'une précédente directive communautaire de 1991, qui a été intégré dans notre ordre juridique interne par une loi de 1994, à l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle. Il en résulte que la décompilation est de droit et qu'elle constitue une pratique parfaitement conforme au droit communautaire comme au droit national.
Si nous voulons donner toute sa force à l'interopérabilité, il convient tout d'abord d'autoriser explicitement dans notre droit la décompilation, qui est parfaitement conforme au code de la propriété intellectuelle. Il faut ensuite attribuer les contentieux qui pourraient survenir au Conseil de la concurrence, au lieu d'inventer une énième autorité administrative indépendante.
M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 191 rectifié bis est présenté par MM. Retailleau et Darniche.
Le sous-amendement n° 271 est présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les fournisseurs de mesures techniques ne peuvent exiger de contrepartie financière pour la fourniture d'informations essentielles à l'interopérabilité que lorsque ces informations sont transmises sur un support physique et uniquement pour couvrir les frais d'impression, de stockage et de transport.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter le sous-amendement n° 191 rectifié bis.
M. Bruno Retailleau. L'interopérabilité doit-elle être gratuite ou payante ?
Le texte voté par l'Assemblée nationale précisait que les fournisseurs de mesures techniques ne pourraient exiger de contreparties financières que pour les « les frais logistiques » entraînées par la délivrance d'informations essentielles à l'interopérabilité. Cette expression est un peu vague, je le reconnais.
Dans la rédaction proposée par notre commission des affaires culturelles, c'est l'autorité de régulation des mesures techniques de protection qui définira la rémunération des fournisseurs.
Or nous pouvons fort bien imaginer que cette disposition entraîne le passage d'une interopérabilité quasiment gratuite, pour laquelle seuls les « frais logistiques » seraient facturés - ce qui serait normal, me semble-t-il -, à une interopérabilité payante.
Pour écarter ce risque, et afin d'être plus précis que l'Assemblée nationale, je définis ces frais logistiques comme étant ceux qui sont liés, notamment, au transport éventuel et à l'impression. Allons-nous en rester là ou taxer l'interopérabilité, c'est-à-dire instituer un droit d'entrer sur le marché ?
La question est trop importante pour être confiée à une autorité administrative indépendante. Nous n'avons pas le droit de nous défausser de nos responsabilités et de laisser une autorité qui, pour l'instant, n'existe pas, déterminer comme elle l'entend la rémunération des frais liés à l'interopérabilité ! Cela reviendrait à instaurer un ticket d'entrée sur ce marché.
En adoptant ce sous-amendement, nous pourrions, me semble-t-il, mieux cadrer ce dispositif, expliciter la notion de frais logistiques proposée par les députés et refuser catégoriquement l'instauration d'un droit d'entrée sur le marché de l'interopérabilité. Celui-ci aurait en effet pour conséquence d'écarter les petites entreprises et les standards ouverts qui, de facto, n'auraient plus droit de cité.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour présenter le sous-amendement n° 271.
M. Philippe Nogrix. Les fournisseurs de mesures techniques ne peuvent exiger de contreparties financières pour la fourniture d'informations essentielles à l'interopérabilité que lorsque ces dernières sont transmises sur un support physique, et uniquement pour couvrir les frais d'impression, de stockage et de transport.
Comme la Commission européenne vient de le rappeler lors du procès de Microsoft, qu'a évoqué mon collègue Bruno Retailleau, la fourniture des informations essentielles à l'interopérabilité n'est pas une question de droit de propriété intellectuelle.
Afin de garantir à tout développeur qui en fait la demande l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité, dans des conditions de prix accessibles à tous, et donc réellement non discriminatoires, il convient de préciser que le prix de ces informations ne peut excéder le coût logistique de leur mise à disposition.
Toute autre mode de calcul du prix des informations nécessaires reviendrait à créer une nouvelle forme de propriété intellectuelle, aux effets inconnus. Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, nous nous engagerions alors sur des sentiers aventureux.
Si le législateur ne précise pas le projet de loi sur ce point, les auteurs de logiciels interopérant avec des mesures techniques pourraient se voir imposer des conditions de prix que seuls quelques grands groupes ou quelques grands éditeurs - nous les connaissons bien ! - pourraient acquitter. Ce serait désastreux pour les auteurs indépendants, pour les bénévoles et pour les associations et les petites entreprises françaises créant des logiciels libres.
M. le président. Le sous-amendement n° 277 rectifié bis, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par une phrase ainsi rédigée :
Ces mesures s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-6-1.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Comme nous l'avons souligné lors de la discussion générale, l'usage des mesures de protection doit être rigoureusement encadré, afin d'éviter toute atteinte à la vie privée et tout contrôle des échanges.
Les pouvoirs publics doivent également garantir que la concurrence sera assurée sur le marché de l'édition des mesures techniques de protection. Ne laissons pas ce dernier aux mains des seules grandes firmes éditrices de logiciels propriétaires !
Comme nous l'avons déjà souligné, nous sommes extrêmement attachés à l'effectivité de l'interopérabilité. Nous demandons au Gouvernement d'être vigilant et de faire en sorte que cette interopérabilité soit réellement garantie par les industriels.
En effet, la loi à elle seule ne sera pas suffisamment forte face aux grands groupes. Ceux-ci disposent d'énormes moyens juridiques pour retarder l'application de l'interopérabilité, qui constitue justement l'une des principales avancées du débat à l'Assemblée nationale.
En revanche, nous souhaitons que la garantie de l'interopérabilité s'inscrive dans la continuité des dispositions de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle, qui sont issues de la transposition de la directive de 1991.
Ces dispositions permettent d'ores et déjà la décompilation des logiciels libres à des fins d'interopérabilité, notamment pour les propriétaires de licence. Il convient donc d'étendre ce régime dans le cadre de la protection des oeuvres par des mesures techniques.
Une telle extension ne remettra pas en cause les droits exclusifs des ayants droit, puisque le dispositif même du paragraphe IV de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle, auquel renvoie le texte de notre sous-amendement, soumet l'exception de décompilation au test en trois étapes qui figure dans la directive de 2001 et dans le projet de loi que nous examinons.
Notre position est claire. Nous demandons à M. le rapporteur et au Gouvernement d'y être attentifs.
M. le président. Le sous-amendement n° 228, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mesures techniques ne peuvent s'opposer au libre usage de l'oeuvre ou de l'objet protégé dans les limites des droits prévus par le présent code, ainsi que de ceux accordés par les détenteurs de droits. »
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, ce sous-amendement a pour objet de préserver l'équilibre du droit d'auteur français, auquel vous tenez tant, et d'éviter un contrôle excessif des usages culturels par la technique. Son texte reprend une disposition adoptée par l'Assemblée nationale à l'unanimité voilà seulement quelques jours, afin de préciser ce que ne peut faire une mesure technique.
Par ailleurs, à travers ce sous-amendement, nous souhaitons réaffirmer la primauté du droit moral de l'auteur sur la technique.
Ainsi, il ne nous semble pas envisageable qu'une personne qui achète via internet en toute légalité ne puisse écouter ce qu'elle a acquis sur tout type de support, ne serait-ce que son autoradio.
Ce sous-amendement a donc pour objet de permettre aux usagers de lire normalement les oeuvres achetées, quels que soient le format ou les appareils utilisés à cette fin.
Il s'agit, là encore, d'affirmer un principe de bon sens au regard de l'interopérabilité, principe qui doit guider l'autorité de régulation chargée de faire respecter cette interopérabilité.
À l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez déclaré que cette disposition était très importante, car elle clarifiait les enjeux de l'interopérabilité. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de la retirer du texte. En tout état de cause, vous devriez accepter ce sous-amendement, sinon je ne comprendrais pas comment vous pourriez changer d'avis en si peu de temps !
M. Michel Charasse. C'est vrai que nous n'en avons pas l'habitude...
M. le président. Le sous-amendement n° 229, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions prévues au présent chapitre s'appliquent sans préjudice de celles prévues à l'article L. 122-6-1 du présent code. »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Le considérant 50 de la directive 2001/29/CE précise que la protection juridique des mesures techniques « ne doit ni empêcher, ni gêner la mise au point ou l'utilisation de tout moyen permettant de contourner une mesure technique nécessaire pour permettre d'effectuer les actes réalisés conformément à l'article 5, paragraphe 3, ou à l'article 6 de la directive 91/250/CEE. »
Pour garantir une sécurité juridique et éviter, comme cela s'est déjà produit, que de grands éditeurs ne menacent arbitrairement les développeurs pratiquant la décompilation ou l'ingénierie inverse à des fins d'interopérabilité, il convient donc de réaffirmer le droit à l'exercice des exceptions visant à permettre la recherche de l'interopérabilité. Ces exceptions sont essentielles à la libre concurrence sur le marché du logiciel.
Il importe cependant de ne pas instaurer une autorisation de recherche de l'interopérabilité par décompilation si les informations nécessaires à sa mise en oeuvre sont déjà facilement et rapidement accessibles aux utilisateurs légitimes.
L'article 6 de la directive 91/250/CEE précise, en effet, que les actes de décompilation ne peuvent être effectués que « par le licencié ou par une autre personne jouissant du droit d'utiliser une copie d'un programme ou pour leur compte par une personne habilitée à cette fin » et uniquement si « les informations nécessaires à l'interopérabilité n'ont pas déjà été facilement et rapidement accessibles ».
Ces limitations à l'exception de décompilation sont reprises dans le IV de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle.
Par ce sous-amendement, nous souhaitons donc supprimer la rédaction actuelle de la première phrase du septième alinéa du texte proposé par l'article 7 pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, de façon à rester en conformité avec nos obligations communautaires, tout en rappelant que la protection juridique des mesures techniques ne peut empêcher l'exercice des exceptions prévues à l'article L. 122-6-1 du code précité, qui transpose l'article 5, paragraphe 3, et l'article 6 de la directive 91/250/CEE.
M. le président. Le sous-amendement n° 272, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« On ne peut pas interdire la publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique de protection de l'oeuvre. »
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Michel Charasse. « On ne peut pas interdire » ? Comment pouvez-vous proposer une telle formule ?
M. Philippe Nogrix. Il y aura une rectification rédactionnelle, mon cher collègue.
M. Michel Charasse. Cela vaudrait mieux !
M. Philippe Nogrix. Nous souhaitons rétablir cette disposition majeure pour la mise en oeuvre du principe de l'interopérabilité, qui autorise la publication de codes source de logiciels indépendants interopérant avec une mesure technique, ne serait-ce, par exemple, que pour « lire » une oeuvre protégée.
D'une part, interdire la publication de ces codes reviendrait à porter atteinte à la liberté pour les auteurs des logiciels, protégés par le droit d'auteur, de disposer de leurs oeuvres. En effet, comme le précise l'article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle, qui fonde le droit moral de divulgation, l'auteur « a seul le droit de divulguer son oeuvre [...] il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci ».
D'autre part, sans cette précision, il serait impossible ensuite de développer et d'encourager la recherche informatique en matière de logiciel libre. En effet, ce dernier repose sur le principe de la publication des codes source. Ainsi, le fait d'interdire une telle publication reviendrait à interdire purement et simplement le principe du logiciel libre en France.
Sans cette précision, l'autorité de régulation des mesures techniques de protection pourrait revenir sur la liberté de publication d'un code source par des auteurs de logiciels à codes source ouverts. Ce serait véritablement donner à cette autorité administrative un rôle sans doute trop important au regard de l'enjeu industriel que représentent les logiciels libres.
M. le président. Le sous-amendement n° 278, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout utilisateur légitime est autorisé à procéder aux travaux de la décompilation et d'ingénierie inverse nécessaires à la mise en oeuvre de l'interopérabilité avec une mesure technique, dans les limites prévues à l'article L. 122-6-1 du présent code. »
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Je me suis senti d'un seul coup tout seul quand j'ai entendu M. le rapporteur me répondre ; mais, pour le moment, c'est lui qui, dans les faits, se retrouve isolé ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.) En effet, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous déplorons tous cette béance organisée et soulignons la nécessité de la voir « bouchée », en rétablissant le texte voté à l'Assemblée nationale et en y ajoutant quelques enrichissements.
À cet égard, le présent sous-amendement ne vise qu'à apporter des précisions à l'article 7, qui a donc été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Son adoption nous permettrait de nous mettre en conformité totale avec nos obligations communautaires, tout en garantissant aux petites et moyennes entreprises françaises l'accès à des marchés porteurs et stratégiques. Il convient, en effet, de réaffirmer le droit à la recherche de l'interopérabilité tel qu'il est prévu à l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle.
Il existe un conflit entre l'article 6 de la directive 2001/29/CE, que transpose le projet de loi, et les articles 5, paragraphe 3, et 6 de la directive 91/250/CEE.
Nous avons d'ailleurs déjà eu l'occasion de dénoncer ici le conflit juridique, qui génère une insécurité sur le marché du logiciel, notamment pour les petites entreprises et les auteurs indépendants : les fournisseurs de mesures techniques, qui sont souvent en position dominante, arguent de la protection juridique des mesures techniques pour menacer les développeurs ayant exercé leur droit à la recherche de l'interopérabilité.
Par ce sous-amendement, nous souhaitons donc rappeler clairement que les activités autorisées au titre des exceptions prévues à l'article L. 122-6-1, qui reprend les articles 5, paragraphe 3, et 6 de la directive 91/250/CEE, incluent les cas de rétention d'informations essentielles à l'interopérabilité.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons, mes chers collègues, à voter ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 284, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre n'autorisent pas la mise en place de dispositifs matériels ou logiciels permettant la surveillance des données émises, traitées ou reçues par les personnes, sans autorisation préalable de l'autorité judiciaire. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Les dispositions présentées dans ce sous-amendement, ainsi que dans le suivant, figuraient à l'origine dans des amendements à part entière à l'article 7. Elles sont donc désormais proposées en complément de l'amendement n° 17 rectifié, qui sera éventuellement adopté.
Par le sous-amendement n° 284, nous vous proposons simplement d'affirmer que les éditeurs ne peuvent recourir à des mesures techniques qui modifieraient de façon durable les appareils de lecture des consommateurs ou les rendraient émetteurs de données personnelles.
L'adoption de cette disposition complémentaire ne toucherait pas à l'équilibre de la rédaction de l'article 7, mais apporterait une garantie, tant pour l'usager d'Internet, car de nombreux réseaux ont été financés sur fonds publics, que pour le « consommateur » de signaux, car il s'agit là d'échanges le plus souvent commerciaux.
Mes chers collègues, je vous ai cité tout à l'heure quelques exemples, les uns amusants, les autres dramatiques. Certes, nous n'en sommes pas encore arrivés à de tels extrêmes. Et c'est d'ailleurs bien pour cela que vous aurez le courage, je l'espère, de voter ce sous-amendement.
Je le répète, l'adoption d'un tel ajout n'entamerait pas l'équilibre trouvé à l'Assemblée nationale et permettrait d'assurer la protection la plus élémentaire de l'usager et du consommateur.
Lors de la discussion générale, j'ai évoqué l'impérieuse nécessité que la loi soit compréhensible par tous.
M. Michel Charasse. C'est une exigence constitutionnelle !
Mme Marie-Christine Blandin. À mon sens, l'objet de ce sous-amendement répond à une telle exigence.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, que croyez-vous qu'un citoyen répondrait à la question : « Si vous achetez ou utilisez un matériel crypté, accepteriez-vous qu'il installe un ajout dans votre lecteur ou qu'il renseigne par Internet le vendeur ou le prestataire de services à votre insu et sans que votre accord soit sollicité ? » Non, bien évidemment ! D'ailleurs, ce citoyen n'imaginerait pas un seul instant que celui ou celle qui le représente ne le protège pas sur ce sujet.
M. le président. Le sous-amendement n° 285, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne peut désactiver les mesures techniques de protection lorsque l'oeuvre n'est plus protégée par le droit d'auteur. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Ce sous-amendement vise également à tenir compte des oeuvres qui ne sont plus protégées par le droit d'auteur et qui sont tombées dans le domaine public.
Il vise donc à préciser que toute personne peut désactiver les mesures techniques de protection, sans encourir quoi que ce soit, et ce quelles que soient les peines que voterait, malgré moi, le législateur.
M. le président. L'amendement n° 181, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, après le mot :
contrôlée
insérer les mots :
par les titulaires de droits
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Le présent amendement apparaît, à première vue, comme un simple amendement de précision. Mais nous y tenons beaucoup, et il nous semblerait inconcevable qu'il soit rejeté tant il se rattache à un principe sur lequel nous sommes tous d'accord : les titulaires de droits, qu'ils soient auteurs, artistes ou ayants droit, sont les véritables « contrôleurs » des mesures dites de protection, qui devraient être d'abord des mesures d'information et de prévention.
Ces mesures doivent être considérées comme le relais, l'expression de la volonté de tous les titulaires de droits, ce qui inclut, outre les auteurs et les producteurs, les artistes interprètes.
L'objectif déclaré de la loi est de prévenir les échanges illicites, qui amputent les revenus des créateurs, auteurs, artistes et producteurs. Sa motivation première est la question de l'interopérabilité, qui serait la cause de ces échanges considérés, tous confondus, comme illicites.
À propos de ces échanges, nous ne pouvons l'ignorer, toute mesure technique est intrinsèquement contournable et aucune loi ne suffit ou ne suffira à éviter les abus ou le piratage, qu'il faut d'ailleurs bien distinguer.
C'est pourquoi, comme nous l'avons déjà dit, la définition légale et réglementaire de la contrefaçon, ainsi que les outils de sanction des fraudes à la disposition de la police, de la gendarmerie et des douanes sont suffisants. Il aurait seulement fallu, pour ne pas en arriver à la prolifération actuelle des échanges et à l'« émoi » des majors, que le législateur et la justice se prononcent.
De plus, la protection juridique des mesures techniques prévue à cet article introduit un conflit entre cette protection, prévue dans la directive 2001/29/CE, et l'autorisation de recherche des informations essentielles à l'interopérabilité, via ingénierie inverse ou décompilation dont il est question dans la directive 91/250/CEE.
La protection juridique des mesures techniques place également les auteurs, éditeurs et distributeurs de logiciels libres dans une insécurité juridique, puisque la publication du code source du logiciel est en contradiction avec les DRM. La Commission européenne a conscience de ce fait, mais elle ne propose pas de solution.
In fine, il en résulte une mise en captivité des utilisateurs-consommateurs et la création d'un péage incontournable sur des technologies bas niveau d'accès à la culture et à l'information. Les auteurs et les oeuvres en pâtissent déjà.
L'article 7, voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, apportait une solution moyenne à ces problèmes, et nous regrettons qu'il y soit touché. Il serait bon, donc, de le maintenir en l'état.
C'est aussi le sens de notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 73, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Supprimer les huit derniers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. La rédaction de l'amendement de la commission traduit un réel effort de simplification d'un texte très compliqué et bien mal écrit. Ainsi, il est même écrit au dernier alinéa de l'article 7 : « On ne peut pas interdire ». Cette formule a dû être soufflée par un jeune sur Internet, car cela ressemble au langage moderne ! Pour ma part, je n'ai jamais vu des dispositions pareilles dans la loi, mais passons...
Mon amendement a donc pour objet de supprimer les huit derniers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle.
À cet égard, chacun convient que les dispositifs de gestion des droits ne doivent pas être utilisés par les fournisseurs de services, de biens culturels ou de matériels électroniques pour fausser la concurrence et constituer des marchés captifs. C'est ce que soulignait tout à l'heure notre collègue Yann Gaillard.
Toutefois, mes chers collègues, de telles pratiques sont du ressort des autorités de régulation de la concurrence. Le Conseil de la concurrence a d'ailleurs déjà été saisi d'une affaire de cet ordre et a rendu une décision fort intéressante, le 9 novembre 2004, dans laquelle, accessoirement, il donne la solution technique - très simple et connue, sans doute, de nombreux adolescents - du problème qui a occupé une partie non négligeable des débats de l'Assemblée nationale sur le présent projet de loi, à savoir l'impossibilité alléguée de transférer sur certains baladeurs des titres téléchargés sur certaines plateformes.
Chacun convient, également, que les consommateurs ne doivent pas être « trompés sur la marchandise » et qu'ils ont le droit d'être exactement informés des conditions d'utilisation des biens et services qu'ils achètent.
Le texte qui nous est soumis renforce opportunément cette obligation d'information du consommateur, dont l'absence est déjà sanctionnée par le juge. En outre, si les conditions d'utilisation de certains supports ou services sont trop restreintes, les consommateurs s'en détourneront, ce qui constituera évidemment une puissante incitation à l'interopérabilité...
En revanche, il convient aussi d'être conscient des conséquences catastrophiques que peut avoir le dispositif, aussi critiquable dans le fond que dans la forme, introduit à l'article 7 du projet de loi ; le Gouvernement en est le premier responsable pour avoir eu l'idée surprenante de recopier, dans le projet de loi initial, des dispositions de la loi sur la liberté de communication qui s'inscrivaient pourtant, on s'en souvient, dans un tout autre contexte.
Outre qu'elles portent atteinte au droit de propriété, au droit des contrats, aux droits des titulaires de droits sur les mesures techniques de protection et à celui des titulaires de droits de propriété littéraire et artistique de les protéger aussi efficacement que l'état de la technique le permet, ces dispositions nous isolent au sein du marché européen et mondial des NTI. N'en déplaise aux tenants du logiciel libre tous azimuts et à certaines associations, ce n'est pas en violant le droit de propriété, base du droit français et du droit européen, que nous défendrons efficacement notre place ni dans l'univers de la culture ni dans celui du numérique.
Enfin, on saisit mal ce que ces dispositions un peu absurdes et sans doute absconses ont à voir avec la transposition de la directive 2001/29. On peut en revanche douter de leur compatibilité avec les directives « logiciels ».
Le présent amendement a donc pour objet de les supprimer.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, pour répondre à l'observation de notre collègue Michel Charasse, je rectifie le sous-amendement n° 272 et en améliore ainsi la rédaction.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 272 rectifié présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, et ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« La publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique de protection de l'oeuvre ne peut être interdite. »
L'amendement n° 114, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
À la fin de la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, supprimer les mots :
, dans le respect du droit d'auteur
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Il s'agit d'un amendement de clarification. En effet, la mise en oeuvre de l'interopérabilité en violation du droit d'auteur constituerait une contrefaçon. Cette disposition est donc superfétatoire et confondante quant à la légitimité de l'interopérabilité.
M. le président. L'amendement n° 129 rectifié, présenté par M. Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer le septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle.
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. En raison du dépôt du sous-amendement n °277 rectifié, nous retirons cet amendement.
M. le président. L'amendement n °129 rectifié est retiré.
L'amendement n° 116, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle :
« Les dispositions prévues au présent chapitre s'appliquent sans préjudice de celles prévues à l'article L. 122-6-1 du présent code.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Cet amendement a le même objet que le sous-amendement n °229.
À des fins de sécurité juridique, il réaffirme le droit à l'exercice des exceptions, notamment la décompilation visant à permettre la recherche de l'interopérabilité. Ces exceptions sont essentielles à la libre concurrence sur le marché du logiciel.
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'antépénultième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.331-5 du code de la propriété intellectuelle :
« Les mesures techniques ne peuvent limiter ou empêcher les actes autorisés par la loi ou par les détenteurs de droits.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Il s'agit encore une fois par cet amendement de clarifier les dispositions de l'article 7 voté par l'Assemblée nationale. La notion de « libre usage » pouvant prêter à confusion, cet amendement vise à la clarifier.
L'article 6 de la directive 2001/29 CE précise que les mesures techniques sont destinées à « empêcher ou limiter [...] les actes non autorisés par le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur », conformément à l'article 11 du traité de l'OMPI sur le droit d'auteur, adopté à Genève en 1996, qui dispose que les mesures techniques efficaces sont mises en oeuvre pour « [restreindre] l'accomplissement, à l'égard de leurs oeuvres, d'actes qui ne sont pas autorisés par les auteurs concernés ou permis par la loi ».
Les mesures techniques ne peuvent donc empêcher ou limiter les actes autorisés sans constituer une grave lésion aux droits acquis par le consommateur.
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.331-5 du code de la propriété intellectuelle, supprimer les mots :
pour des usages licites.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. L'amendement n °118 sera notre dernier amendement de clarification. Il vise à supprimer la notion d'usage licite dans la mesure où un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique pour des usages illicites serait tout simplement interdit ; sa conception et sa mise à disposition du public seraient passibles des sanctions prévues aux articles 13 et 14 de ce projet de loi.
Cette disposition est donc superfétatoire et toujours aussi confondante quant à la légitimité de l'interopérabilité, que nous défendons, comme vous le savez.
M. le président. L'amendement n° 205, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre n'autorisent pas la mise en place de dispositifs matériels ou logiciels permettant la surveillance des données émises, traitées ou reçues par les personnes, sans autorisation préalable de l'autorité judiciaire. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. J'ai déjà défendu cet amendement en présentant le sous-amendement n °284. Je rappelle qu'il s'agit de protéger le consommateur contre l'entrée contre son gré dans son matériel de dispositifs permanents ou émetteurs de données.
Cela étant, monsieur le président, et pour faire suite à une remarque de la commission, je souhaite rectifier le sous-amendement et l'amendement en remplaçant la mention de l'autorité judiciaire, qui n'était donc pas judicieuse, par celle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n °284 rectifié, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, qui est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre n'autorisent pas la mise en place de dispositifs matériels ou logiciels permettant la surveillance des données émises, traitées ou reçues par les personnes, sans autorisation préalable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
Je suis également saisi d'un amendement n ° 205 rectifié présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, qui est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre n'autorisent pas la mise en place de dispositifs matériels ou logiciels permettant la surveillance des données émises, traitées ou reçues par les personnes, sans autorisation préalable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
Le sous-amendement n° 257, présenté par M. Assouline, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 205 pour compléter l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
l'autorité judiciaire
par les mots :
la Commission nationale de l'informatique et des libertés
Ce sous-amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 206, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne peut désactiver les mesures techniques de protection lorsque l'oeuvre n'est plus protégée par le droit d'auteur. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. J'ai déjà défendu cet amendement en présentant le sous-amendement n° 285, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de donner l'avis de la commission sur les différents amendements et sous-amendements présentés ce soir par nos collègues, je voudrais redire en quelques mots les principes qui ont guidé sa réflexion et les principes qu'elle a suivis en rédigeant ses propres amendements.
Je souhaiterais d'abord rappeler avec solennité que la commission a souhaité distinguer les deux parties de cet article 7 dans la rédaction issue de travaux de l'Assemblée nationale de manière à bien sérier les problèmes et à garantir les deux fonctions : d'une part, la définition, qui figure de façon très précise dans la directive, des mesures techniques de protection, d'autre part, le statut protecteur qui doit leur être conféré. C'est une exigence forte de la directive que nous avons souhaité inscrire dans cet article 7, de façon que les choses soient précises, comprises et ainsi connues de tous.
De la même manière, la directive encourage fortement, sans en formuler fermement la demande, l'interopérabilité.
Or, comme le soulignait précédemment M. le ministre, aucun parlement européen ne s'est jusqu'à ce jour engagé dans cette voie. Le parlement français est donc sans doute le premier au monde à viser à l'interopérabilité et à la consacrer dans une loi en lui conférant donc toute l'effectivité qui s'attache à un texte de cette nature.
L'interopérabilité, si j'ai bien compris ce qui a été dit ce soir, est souhaitée par l'immense majorité d'entre nous, mais encore faut-il qu'elle puisse être suivie d'effets... C'est la raison pour laquelle la commission a souhaité la mise en place d'une autorité administrative indépendante.
Cette dernière ne se substitue pas à la loi, mais elle vient l'appliquer de façon concrète. Elle lui permet donc de rendre effectif notre souhait d'interopérabilité, d'abord, parce que l'autorité administrative aura comme cadre général la loi que nous voterons, ensuite, parce qu'elle permettra d'adapter, au fur et à mesure de l'avancée des technologies, notamment, et des usages éventuellement, le principe d'interopérabilité à l'évolution de la société tout en prenant le plus grand soin de ce qui est l'acte fondateur de ce que nous défendons ce soir, à savoir le droit d'auteur.
Il est important que l'interopérabilité ne se fasse pas au détriment du droit d'auteur mais qu'elle le préserve d'abord tout en garantissant l'interopérabilité. Dans ce cadre, nous avons confié à l'autorité administrative deux missions essentielles : premièrement, favoriser, dans un acte de conciliation des parties, l'interopérabilité et, deuxièmement, au cas où la conciliation se révélerait impossible, garantir par voie d'injonction avec éventuellement mise sous astreinte, l'interopérabilité.
Je pense donc que nous faisons oeuvre utile, d'abord en dissociant les deux problèmes principaux qui sont eux-mêmes dissociés dans la directive européenne. À ce propos, je rappelle que, si nous avons l'obligation de transposer les mesures techniques de protection, leur définition et la garantie d'un statut protecteur pour elles, il n'en va pas de même pour l'interopérabilité, qui ne fait l'objet que d'un encouragement de la directive européenne.
Pour ce qui nous concerne, nous allons beaucoup plus loin puisque, alors que la France est l'avant-dernier État membre à transposer cette directive, son parlement est le premier d'Europe, et sans doute le premier au monde, à inscrire dans la loi le principe d'interopérabilité. Cependant, cette seule inscription dans la loi, je le répète, ne garantit pas l'effectivité de la loi et c'est la raison pour laquelle nous avons souhaité mettre en place cette autorité administrative.
C'est à la lumière de ces quelques précisions que je vais maintenant vous communiquer les avis de la commission sur les différents amendements et sous-amendements qui ont été déposés sur cet article.
Les sous-amendements nos52 et 188 rectifié bis tendent à revenir à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale pour le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5. Nos deux rédactions ciblent le même objectif : distinguer les mesures de protection, qui doivent être juridiquement protégées, de leurs composants, qui ne doivent pas nécessairement l'être.
La rédaction proposée par l'Assemblée nationale ne nous est pas parue d'une parfaite lisibilité.
Dans un premier temps, comme je l'ai déjà signalé, elle reprend le texte de la directive, et érige un certain nombre de procédés en critères justifiant qu'une mesure soit juridiquement protégée, et, dans un second temps, elle dénie toute protection à ces mêmes éléments.
Cette ambivalence avait conduit le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale à émettre un avis défavorable sur cette adjonction, qu'il jugeait contraire à la directive.
Nous avons pensé clarifier les choses en nous adossant à l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle, dont la portée a été précisée par la jurisprudence et qui distingue clairement, en matière de brevetabilité, ce qui est brevetable et ce qui ne l'est pas.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable, sous réserve que les auteurs des deux sous-amendements identiques acceptent de les modifier en remplaçant la formule « méthode de cryptage » par les mots « algorithme de cryptage »
M. le président. Acceptez-vous de rectifier vos sous-amendements respectifs dans le sens souhaité par la commission, madame Morin-Desailly, monsieur Retailleau ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Oui, monsieur le président, je rectifie en ce sens le sous-amendement n° 52.
M. Bruno Retailleau. Et je fais de même pour le sous-amendement n° 188 rectifié bis.
M. le président. Je suis donc saisi de deux sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 52 rectifié est présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF.
Le sous-amendement n° 188 rectifié ter est présenté par MM. Retailleau et Darniche.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle :
« Un protocole, un format, un algorithme de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Dans ces conditions, la commission émet un avis favorable sur les sous-amendements identiques nos 52 rectifié et 188 rectifié ter.
La commission est en revanche défavorable au sous-amendement n° 115 rectifié. Elle est également défavorable à l'amendement n° 189 rectifié bis, car la régulation de l'interopérabilité doit relever des compétences de l'autorité de régulation créée par amendement de la commission, et paraît très éloignée des compétences actuelles du Conseil de la concurrence telles qu'elles sont actuellement définies par le code de commerce et qui portent sur les entraves à la concurrence et les abus de position dominante.
S'agissant du sous-amendement n° 190 rectifié bis, la commission, comme vous le savez, a profondément remanié ce dispositif dans son amendement n° 18 et a prévu que l'autorité de régulation s'assurerait que la fourniture des informations essentielles à l'interopérabilité serait rémunérée de façon appropriée, répondant ainsi à la préoccupation exprimée dans ce sous-amendement. La commission émet donc un avis défavorable.
Pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable aux sous-amendements identiques nos 191 rectifié bis et 271.
Elle est en revanche favorable au sous-amendement n° 277 rectifié bis.
M. David Assouline. Je ne suis pas venu pour rien ! (Sourires.)
M. Michel Thiollière, rapporteur. Le sous-amendement n° 228, qui reprend une disposition adoptée par l'Assemblée nationale, a pour objet de préciser que les mesures techniques de protection ne peuvent faire obstacle au libre usage de l'oeuvre dans le respect des droits protégés. Cette disposition est guidée par le souci de permettre aux usagers de lire normalement les oeuvres achetées, quels que soient les formats ou les appareils utilisés. C'est un objectif que partage la commission et qu'elle s'efforce de garantir à travers les dispositions nouvelles qu'elle vous proposera à l'amendement n° 18 portant article additionnel avant l'article 7 bis.
Elle estime donc que le sous-amendement n° 228 est en quelque sorte déjà satisfait ou sur le point de l'être. Toutefois, compte tenu de l'engagement que le sous-amendement traduit en faveur de l'interopérabilité, la commission n'a pas voulu émettre un avis défavorable et s'en remet à la sagesse du Sénat.
Sur le sous-amendement n° 229, la commission estimant qu'il est satisfait par le sous-amendement n° 277 rectifié bis, elle demande à son auteur de bien vouloir le retirer.
Sur le sous-amendement n° 272 rectifié, la commission émet un avis défavorable.
En effet, nous devons nous efforcer de concilier la publication du code source avec la protection des mesures techniques, à la fois parce que la directive nous y oblige et parce qu'elle conditionne la protection du droit d'auteur et des droits voisins que ces mesures garantissent.
Certains, comme les auteurs du sous-amendement n° 272 rectifié, souhaiteraient que l'on grave dans la loi « l'interdiction d'interdire » la publication du code source, et d'autres, comme les auteurs du sous-amendement n° 241 rectifié bis portant article additionnel avant l'article 7 bis, ont souhaité subordonner la publication du code source à de telles conditions qu'elle serait en fait impossible.
Là encore, la commission a privilégié une voie d'équilibre : la liberté de publier le code source sera plutôt la règle, mais le titulaire des droits sur les mesures techniques ne pourra l'interdire que s'il apporte la preuve que la publication aurait pour effet de porter gravement atteinte à la sécurité et à l'efficacité de la mesure technique.
Sur le sous-amendement n° 278, la commission a donné un avis défavorable.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 284 rectifié, que vous avez eu raison de modifier, madame Blandin, car le contrôle du dispositif de traitement automatisé des données personnelles relève d'une autorisation préalable de la CNIL et non pas de l'autorité judiciaire, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Le sous-amendement n° 285 procède d'une idée intéressante puisqu'il consiste à ne pas prolonger la protection des mesures techniques au-delà de la protection des oeuvres auxquelles elles s'appliquent. Il devrait cependant prendre en compte non seulement la protection du droit d'auteur mais également celle des droits voisins, dont la durée peut ne pas coïncider.
Il convient en outre de s'assurer que les utilisateurs pourront être clairement informés sur le caractère libre de droits ou non des oeuvres et des objets protégés dont ils envisageraient de désactiver les mesures techniques de protection.
Peut-être le registre des oeuvres envisagé à travers la nouvelle rédaction de l'article 14 quater pourrait-il y contribuer. Cependant, compte tenu des difficultés pratiques que soulèverait la mise en oeuvre de cette disposition, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement avant, éventuellement, de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
L'amendement n° 181 a pour objet de réaffirmer le contrôle des titulaires de droits sur les utilisations de leurs oeuvres ou enregistrements protégés par des mesures techniques. Il rejoint la préoccupation de la commission, qui a prévu de rappeler, à l'amendement n° 18 portant article additionnel avant l'article 7 bis, que les mesures techniques ne devaient pas entraîner dans l'utilisation d'une oeuvre des limitations supplémentaires et indépendantes de celles expressément décidées par des titulaires de droits.
Bien que la commission estime que cet amendement est déjà satisfait par la rédaction qu'elle propose, elle n'a pas souhaité lui donner un avis défavorable, dans la mesure où cet amendement tend à rapprocher la rédaction de l'article L.331-5 du code de la propriété intellectuelle de celle de l'article 6, alinéa 3, de la directive. La commission émet donc un avis favorable.
Sur l'amendement n° 73, qui est contraire à l'amendement n° 18 qu'elle présentera ultérieurement, la commission a émis un avis défavorable.
Sur l'amendement n° 114, là encore, dans la mesure où la commission s'est livrée à une refonte globale du dispositif relatif à l'interopérabilité, l'avis est défavorable
L'amendement n° 116 nous semble satisfait par un sous-amendement à l'amendement n° 18. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 117, les dispositions concernées ont été profondément remaniées dans l'amendement n° 18 de la commission, qui a notamment prévu que les mesures techniques ne devaient pas avoir pour conséquence d'entraîner dans l'utilisation d'une oeuvre des limitations supplémentaires et indépendantes de celles qui auront été expressément décidées par les détenteurs des droits, et elle a chargé la nouvelle autorité de régulation d'y veiller. L'avis est donc défavorable.
Sur l'amendement n° 118, pour les mêmes raisons, la commission émet également un avis défavorable.
La commission était défavorable à l'amendement n° 205, puisque le contrôle des dispositifs permettant un traitement automatisé des données personnelles semble davantage relever d'une autorisation préalable de la CNIL que de celle de l'autorité judiciaire. Mme Blandin ayant opportunément rectifié son amendement, comme elle l'avait déjà fait pour le sous-amendement n° 284 rectifié, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 205 rectifié.
Enfin, sur l'amendement n° 206, la commission s'en remet également à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Tout d'abord, s'agissant du concept d'interopérabilité, je souligne, monsieur Retailleau, que ce qui importe, c'est de définir non pas un mécanisme optionnel mais une garantie. Le rapporteur l'a tout à l'heure parfaitement exprimé.
De la même manière, en définissant, en précurseurs, ce nouveau concept, nous formulons, sans arrogance aucune vis-à-vis de quiconque, un principe qui sera repris par l'ensemble des autres pays. Il ne s'agit pas de régler des comptes, il s'agit de définir une valeur opérationnelle à l'ère du numérique.
En ce qui concerne l'amendement n° 17 rectifié, j'émets un avis favorable. En effet, la rédaction proposée par la commission contribue à la clarification du texte en consacrant un certain nombre de dispositifs relatifs à l'interopérabilité.
En ce qui concerne les sous-amendements identiques nos 52 rectifié et 188 rectifié ter, j'émets un avis favorable puisque leurs auteurs ont opéré la substitution entre algorithme et méthode.
Sur le sous-amendement n° 115 rectifié, j'émets un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 189 rectifié bis est satisfait par l'amendement n° 18 de la commission, qui prévoit que l'autorité de régulation pourra ordonner la délivrance des informations nécessaires à l'interopérabilité, complété par le sous-amendement n° 113 de M. Dufaut, auquel le Gouvernement est d'ores et déjà favorable. J'émets donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 189 rectifié bis.
Je suis également défavorable au sous-amendement n° 190 rectifié bis.
Sur les sous-amendements identiques nos°191 rectifié bis et 271, j'émets un avis défavorable. C'est en effet le mécanisme de la décompilation qui permet d'offrir une voie à la gratuité. L'accès aux informations essentielles qui font l'objet d'investissements doit répondre à des conditions équilibrées et non discriminatoires.
Le sous-amendement n° 277 rectifié bis est très important, car il permet de rappeler que ce projet de loi n'a pas pour objet de revenir sur le droit existant en matière de logiciels. L'exception de décompilation est le mode actuellement privilégié pour permettre aux auteurs de logiciels, en particulier de logiciels libres, d'accéder aux informations essentielles à l'interopérabilité. Elle présente, en effet, de nombreux avantages puisqu'elle ne nécessite ni autorisation, ni procédure de nature juridictionnelle, ni rémunération de l'auteur - ou compensation pour celui-ci - du logiciel ainsi décompilé.
Pour le ministre de la culture et de la communication que je suis, c'est une garantie que la technique n'a pas pour objectif de brider l'accès aux oeuvres ou d'enfermer le consommateur dans des modèles propriétaires. Au contraire, elle doit être un vecteur d'une circulation plus large des oeuvres, d'une relation la plus directe possible entre les créateurs et leur public et d'un développement de nouveaux modèles de distribution ou de diffusion des musiques et des films sur Internet.
J'émets donc un avis favorable sur ce sous-amendement n°277 rectifié bis.
Sur le sous-amendement n° 228, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
En effet, je partage votre préoccupation, madame Catherine Morin-Desailly, mais la notion d'acte autorisé par la loi est trop large et, surtout, trop vague. Ce sont les mesures techniques qui permettent d'offrir aux consommateurs, en contrepartie d'un abonnement très modique, des possibilités d'écoutes illimitées d'un nombre considérable d'oeuvres. Elles favorisent ainsi une offre d'une très grande diversité, et des plus attractives, ce qui est très important. Il est urgent que ces nouvelles offres et ces nouveaux modèles apparaissent ; cela changera d'ailleurs complètement la perception du travail que vous êtes en train d'accomplir.
Je rappelle par ailleurs que seules sont protégées les mesures techniques portant sur une oeuvre protégée, point que nous reverrons dans un autre sous-amendement. Mesdames, messieurs les sénateurs, qui dit « mesures techniques » dit « oeuvres protégées ». S'il n'y a pas d'oeuvres protégées, il n'y a pas de mesures techniques. La mise en place de mesures techniques ne saurait donc entraver l'utilisation des oeuvres du domaine public.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 229, qui est satisfait par le sous-amendement n° 277 rectifié bis, j'en demande le retrait.
Sur le sous-amendement n° 272 rectifié, j'émets un avis défavorable.
L'amendement de la commission, sous-amendé, répond à votre préoccupation d'un équilibre entre la sécurité des droits des créateurs et les intérêts des développeurs de logiciels libres. Rien dans la rédaction proposée n'interdit la publication du code source d'un logiciel indépendant. La lecture d'un DVD sous logiciel libre Linux ou sous tout autre système est parfaitement légale. Un code source doit être soumis aux mêmes règles que le logiciel correspondant. Il est notamment nécessaire d'éviter qu'un code source ne puisse contenir des indications telles qu'un commentaire facilitant une atteinte au droit d'auteur.
Voilà les principes positifs qui conduisent le Gouvernement à émettre un avis défavorable sur ce sous-amendement n° 272 rectifié.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 278, le Gouvernement émet un avis défavorable.
De même, sur le sous-amendement n° 284 rectifié, l'avis du Gouvernement est défavorable. En effet, le projet de loi ne remet nullement en cause l'application des dispositions protectrices de la vie privée que vous avez adoptées en 2004, en modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. La surveillance des communications d'une personne à son insu est ainsi contraire à cette loi, il faut le rappeler pour éviter un certain nombre de peurs inutiles parmi nos concitoyens. Cette loi impose notamment dans son article 6 que les données soient « collectées et traitées de manière loyale et licite ».
Sur le sous-amendement n° 285, je rappelle qu'il n'y a aucune ambiguïté : seules sont protégées les mesures techniques portant sur une oeuvre elle-même protégée. J'émets donc un avis défavorable.
En revanche, pour ce qui concerne l'amendement n° 181, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. Le contrôle visé par cet amendement est celui qui est assuré par la mesure technique elle-même. Ce type de contrôle permet précisément de garantir le respect des autorisations consenties en amont par les titulaires de droits.
Par ailleurs, le nouvel article 6 A introduit par l'Assemblée nationale impose au producteur d'obtenir le consentement des auteurs et artistes interprètes pour mettre en place une mesure technique. Il répond donc, monsieur le sénateur, à votre légitime préoccupation.
S'agissant de l'amendement n° 73, il me paraît nécessaire de garantir dans le cadre du présent projet de loi le principe de l'interopérabilité, c'est-à-dire, faut-il le rappeler, la liberté pour l'internaute de lire une oeuvre acquise légalement sur tout type de support.
J'en profite pour apporter une précision sémantique : une oeuvre acquise « légalement » ne l'est pas nécessairement « commercialement ». J'y insiste parce d'autres interprétations sont parfois données. Cette précision fait d'ailleurs l'objet de l'article 7 bis dans la rédaction résultant des amendements de votre rapporteur. De surcroît, un amendement n° 113 de M. Dufaut, auquel le Gouvernement est favorable et que nous examinerons ultérieurement, répond à cet objectif en articulant clairement les missions de l'autorité de régulation des mesures techniques de protection avec celles du Conseil de la concurrence. Ces deux organismes ne sont pas antagonistes, leurs interventions peuvent s'articuler, leurs vocations ne sont pas les mêmes.
L'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 73 est donc défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 114, l'avis du Gouvernement est défavorable.
Sur l'amendement n° 116, l'avis du Gouvernement est également défavorable, tout simplement parce que le sous-amendement n° 277 rectifié bis répond déjà à votre préoccupation, madame la sénatrice.
En ce qui concerne l'amendement n° 117, l'avis du Gouvernement est défavorable.
Sur l'amendement n° 118, l'avis est également défavorable. Cet amendement souligne avec une grande perspicacité l'ambiguïté qui entoure la notion d'interopérabilité. Je me réjouis que nous nous rejoignions sur la nécessité de garantir cette interopérabilité, tout en précisant très clairement que cette garantie ne saurait servir de prétexte à porter atteinte aux droits des créateurs. L'amendement n° 18 de la commission répond de manière plus précise à cette préoccupation dont je suis heureux qu'elle soit partagée.
S'agissant de l'amendement n° 205 rectifié, l'avis du Gouvernement est défavorable pour des raisons que j'ai déjà indiquées, notamment le respect de la vie privée.
Concernant l'amendement n° 206, l'avis du Gouvernement est défavorable. Je rappelle une fois de plus qu'il n'y a aucune ambiguïté : seules sont protégées les mesures techniques portant sur une oeuvre protégée. La mise en place de mesures techniques ne saurait donc entraver l'utilisation des oeuvres du domaine public, qui est très souhaitable pour l'accès le plus large à la culture et à la connaissance.
M. le président. Monsieur Ralite, pour éviter qu'il ne devienne sans objet, il conviendrait que votre amendement n° 181 soit transformé en sous-amendement à l'amendement n° 17 rectifié.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, je vous remercie de cette remarque et je transforme l'amendement n° 181 pour en faire un sous-amendement à l'amendement n° 17 rectifié.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 181 rectifié à l'amendement n° 17 rectifié de la commission, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, après le mot :
contrôlée
insérer les mots :
par les titulaires de droits
Je le mets aux voix.
(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 52 rectifié et 188 rectifié ter.
(Les sous-amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 115 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 189 rectifié bis.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 190 rectifié bis.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 191 rectifié bis et 271.
(Les sous-amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 277 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Le sous-amendement n° 229 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 272 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 284 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'amendement n° 17 rectifié, modifié.
M. Bruno Retailleau. Les craintes que nous avions exprimées lors de la discussion générale sont malheureusement vérifiées.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez tout à l'heure parlé de la France comme de l'un des pays précurseurs en la matière. C'était bien le cas en effet grâce au texte voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Il n'en sera plus de même désormais si nous adoptons cet amendement. D'une interopérabilité pleine et entière, nous passons en effet à une interopérabilité diminuée.
Nous serons peut-être même l'un des tout premiers pays à tuer ce concept d'interopérabilité, car nous aurons une interopérabilité négociée. L'autorité de régulation des mesures techniques de protection, nous le verrons lors de l'examen des articles suivants, aura le pouvoir d'émettre un avis défavorable à une demande. Il y aura donc un droit d'entrée sur le marché, droit que l'autorité fixera librement. Attendons de voir la suite, mais cela ne fait aucun doute.
L'effectivité de la mise en oeuvre de l'interopérabilité sera tout à fait aléatoire car, avec l'adoption du sous-amendement de M. Assouline, qui précise que « ces mesures s'appliquent sans préjudice de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle », je ne pense pas que vous puissiez dire, monsieur le ministre, que la décompilation soit parfaitement reconnue. Si vous vouliez la reconnaître, il eût fallu à ce moment-là l'inscrire de plein droit dans l'article 7, comme les députés l'avaient fait au dernier alinéa de cet article.
C'est la raison pour laquelle je ne pourrai pas voter l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Sur le fond, je suis d'accord avec la plus grande partie des analyses de notre collègue Retailleau.
Notre seule divergence porte sur l'impossibilité, selon moi, de modifier par amendement le dispositif de régulation de l'interopérabilité proposé par la commission des affaires culturelles pour le rapprocher de celui qui avait été adopté par l'Assemblée nationale. Ces dispositifs obéissent à deux analyses différentes qui, d'ailleurs, peuvent très bien se justifier l'une et l'autre.
Je m'abstiendrai donc sur cet amendement. Je souhaite vivement, si la commission mixte paritaire retient le dispositif du Sénat, que ses auteurs soient comblés, eux qui ont mis beaucoup d'espoirs en lui. En fait, nous cherchons tous à défendre l'interopérabilité, c'est simplement sur les moyens que nous différons.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Le vote que nous devons émettre ce soir revêt sans doute beaucoup plus d'importance que la compréhension trop légère que certains d'entre nous ont de leur propre position.
Nous comprenons tous que les enjeux sont extrêmement importants. Personnellement, je regrette que nous ne travaillions pas comme nos collègues parlementaires d'autres pays, ou que nous n'ayons pas fait d'enquête poussée pour évaluer toutes les conséquences de ce que nous allons voter.
Monsieur le ministre, ni vous, ni la commission, n'êtes en mesure de nous dire quelles sont les incidences financières de ce dispositif, ni quelles sont les répartitions possibles entre les auteurs, les éditeurs, les fournisseurs.
Je trouve donc très dangereux de nous prononcer sur cet amendement n° 17 rectifié. D'autant que vous n'avez pas accepté notre sous-amendement n° 115 rectifié, qui imposait aux fournisseurs de mesures techniques de donner l'accès aux informations essentielles de l'interopérabilité.
Par ailleurs, il ne vous a pas paru nécessaire d'autoriser la publication des codes source.
Dans ces conditions, les précisions que nous demandions d'insérer n'ayant pas été acceptées, on peut craindre que des pratiques censées protéger les droits des auteurs ne brident la liberté d'un grand nombre de ceux-ci.
C'est pourquoi la majorité des membres du groupe de l'UC-UDF voteront contre l'amendement n° 17 rectifié, quelques-uns d'entre eux s'abstenant.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ce débat sur un point crucial du texte a été riche. Maintenant que nous sommes parvenus à son terme, et malgré tout ce qui a pu être dit, je voudrais souscrire à une partie des propos qui ont été tenus par M. Ralite : on sent bien que le travail est inachevé et qu'il va falloir poursuivre la réflexion.
Il conviendra en particulier, sur le plan très pratique de l'application de la loi, de vérifier si certaines préventions qui ont été exprimées ici, s'agissant notamment du monopole, des mesures techniques de protection, des atteintes à la vie privée, du contrôle des échanges, étaient fondées.
Pour notre part, nous avons en tout cas essayé d'affirmer des principes. Nous serons vigilants à l'avenir et, quand il faudra légiférer à nouveau, car il le faudra, n'en doutons pas, nous envisagerons d'intégrer dans la loi les enseignements que l'on aura pu tirer du fonctionnement du marché dans les mois qui viennent.
Cela étant, si nous avons décidé, pour les raisons que nous avons indiquées lors de la discussion générale, de ne pas entrer dans une bataille d'amendements s'agissant d'un texte qui, à notre sens, devra être remis sur le métier dès que possible, je voudrais souligner que, à propos de l'article 7, les éditeurs de logiciels libres ont attiré à juste titre notre attention sur le fait qu'ils n'avaient pas demandé que l'Assemblée nationale aille aussi loin. Leur crainte principale était de subir le retour du bâton, c'est-à-dire de se voir interdire de pratiquer, comme auparavant, la décompilation.
M. Philippe Nogrix. Oui !
M. David Assouline. Le sous-amendement du groupe socialiste qui a été adopté à l'unanimité par le Sénat représente une avancée considérable. Quoi que l'on puisse penser de ses imperfections, son adoption permettra, pour les logiciels libres, une sécurité juridique que réclamaient les éditeurs. D'autres directives interviendront, mais, en tout état de cause, nous apprécions que cette avancée, qui répond à la principale demande émanant des éditeurs de logiciels libres, ait pu être obtenue.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 187 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 234 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 118 |
Pour l'adoption | 173 |
Contre | 61 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 73, 114, 116, 117, 118, 205 rectifié et 206 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
M. le président. La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
6
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres de l'Union européenne, réunis au sein du Conseil, concernant la signature et l'application provisoire de l'accord sur les services aériens entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les États-Unis d'Amérique, d'autre part. Proposition de décision du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres de l'Union européenne, réunis au sein du Conseil, concernant la conclusion de l'accord sur les services aériens entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les États-Unis d'Amérique, d'autre part.
Ce texte sera imprimé sous le n° E- 3136 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres de l'Union européenne réunis au sein du Conseil, relative à la signature et à l'application provisoire de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part. Proposition de décision du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres de l'Union européenne réunis au sein du Conseil, relative à la conclusion de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3137 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du conseil relative à la signature de l'accord entre la Communauté européenne et les États-Unis d'Amérique renouvelant le programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de l'enseignement et de la formation professionnels. Proposition de décision du conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les États-Unis d'Amérique renouvelant le programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de l'enseignement et de la formation professionnels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3138 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de position commune du Conseil modifiant la position commune 2006/276/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certains fonctionnaires de Biélorussie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3139 et distribué.
7
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 10 mai 2006, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 269, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.
Rapport (n° 308, 2005-2006) de M. Michel Thiollière, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Question orale avec débat (n° 11) de M. Jacques Pelletier à M. le Premier ministre sur le respect effectif des droits de l'homme en France ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 10 mai 2006, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques (n° 333, 2005-2006) sur la proposition de loi tendant à promouvoir l'autopartage (n° 183, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 10 mai 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 9 mai 2006, à dix-sept heures.
Débat sur le rapport d'information de M. Yann Gaillard sur la politique de l'archéologie préventive (n° 440, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 10 mai 2006, à dix-sept heures.
Débat sur le rapport d'information de M. Jean-Jacques Jégou sur l'informatisation dans le secteur de la santé (n° 62, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 10 mai 2006, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 329, 2005-2006) sur la proposition de loi de M. Nicolas About visant à accorder une majoration de pension de retraite aux fonctionnaires handicapés (n° 289, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 10 mai 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 mai 2006, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 10 mai 2006, à une heure vingt-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD