I. - Il est ouvert aux ministres, pour 2004, au titre des mesures nouvelles des opérations définitives des dépenses en capital des comptes d'affectation spéciale, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 3 987 000 000 EUR.
II. - Il est ouvert aux ministres, pour 2004, au titre des mesures nouvelles des opérations définitives des comptes d'affectation spéciale, des crédits de paiement s'élevant à la somme de 4 441 256 800 EUR ainsi répartie :
Dépenses ordinaires civiles 454 256 800 EUR
Dépenses civiles en capital 3 987 000 000 EUR
Total 4 441 256 800 EUR
(Adopté.)
Article 52
Le dernier alinéa de l'article 71 de la loi de finances pour 1993 (n° 92-1376 du 30 décembre 1992) est ainsi rédigé :
« - en dépenses, les dépenses afférentes aux achats et aux ventes de titres, de parts ou de droits de sociétés, les dotations en capital, avances d'actionnaire et autres apports aux entreprises publiques et aux établissements publics, les dotations en capital aux fondations reconnues d'utilité publique du secteur de la recherche, les investissements réalisés directement ou indirectement par l'Etat dans des fonds de capital-investissement, les versements au fonds de réserve pour les retraites mentionné à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, les reversements au budget général et les versements à la caisse de la dette publique. » - (Adopté.)
Article 53
Le 2° de l'article 46 de la loi de finances pour 1995 (n° 94-1162 du 29 décembre 1994) est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - les dotations versées aux collectivités locales d'outre-mer au titre de la continuité territoriale. » - (Adopté.)
II. - OPÉRATIONS À CARACTÈRE TEMPORAIRE
Article 54
I. - Le montant des découverts applicables, en 2004, aux services votés des comptes de commerce est fixé à 1 936 967 800 EUR.
II. - Le montant des crédits ouverts au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2004, au titre des services votés des comptes d'avances du Trésor est fixé à la somme de 60 799 890 000 EUR.
III. - Le montant des crédits ouverts au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2004, au titre des services votés des comptes de prêts est fixé à la somme de 175 460 000 EUR. - (Adopté.)
Article 55
Il est ouvert aux ministres, pour 2004, au titre des mesures nouvelles des opérations temporaires des comptes d'affectation spéciale, un crédit de paiement de dépenses ordinaires de 2 542 700 EUR. - (Adopté.)
Article 56
Il est ouvert au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2004, au titre des mesures nouvelles des comptes de prêts, des crédits de paiement s'élevant à 1 145 970 000 EUR. - (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les comptes spéciaux du Trésor.
Budget annexe des Monnaies et médailles
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Monnaies et médailles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, en remplacement de M. Bertrand Auban, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget qui vous est aujourd'hui présenté est celui d'une institution en pleine mutation, parce que bien décidée à se battre.
La Monnaie de Paris est tombée dans la récession plus tôt et plus brutalement que prévu. A la suite d'une surestimation des besoins, trop de pièces d'euros lui ont été demandées et les monnayeurs devront attendre la résorption des stocks, qui interviendra au mieux en 2006, pour retrouver une charge significative de frappe.
Encore faudrait-il que, d'ici là, le billet de 1 euro, que certains réclament pour que notre monnaie rivalise avec le dollar, ou le porte-monnaie électronique, dont le coût pourrait finir par baisser, ne viennent pas trop menacer les pièces métalliques.
Bref, la mission régalienne de frappe de la monnaie est devenue structurellement secondaire. Après une prévision de 400 millions de pièces en 2003, réévaluée à 600 millions en cours d'année, la commande de l'Etat s'élève, pour 2004, à 760 millions de pièces, réparties sur les trois plus petites coupures. On demeure bien loin du pic de production de 2,7 milliards de pièces de l'an 2000 !
Face à cette situation critique, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a fixé un objectif primordial : sauver le savoir-faire et l'outil industriel de la Monnaie de Paris. Pour y parvenir, celle-ci a décidé de s'enraciner dans son métier - la gravure - mais en s'éloignant de la monnaie courante et en volant de ses propres ailes vers des marchés concurrentiels, sachant qu'il lui faut, pour cela, bousculer ses traditions.
Qui dit concurrence dit compétitivité, et donc maîtrise des coûts.
A hauteur de 86,9 millions d'euros, les dépenses diminuent de 6,5 %, alors que l'activité croît sensiblement. Ainsi, des décisions parfois douloureuses ont dû être prises. Certaines sont financièrement lourdes, comme la suppression de la prime d'horaires décalés avec l'arrêt du travail en équipe. D'autres révèlent un nouvel état d'esprit : la limitation des frais de publicité et de mission, la disparition de divers avantages qui s'apparentaient à des acquis. C'était le prix à payer pour préserver l'emploi.
Des progrès ont été réalisés en matière de lisibilité des crédits, mais quelques améliorations sont encore nécessaires. Si la suppression des postes vacants - quatre-vingt-deux en 2003 et cinquante-trois en 2004 - a rendu les effectifs budgétaires plus conformes à la situation observée sur le terrain, en revanche, la prise en charge par Bercy d'une soixantaine de fonctionnaires d'administration centrale en poste à la direction des Monnaies et médailles entraîne une opacité pour le moins malvenue.
Par ailleurs, si les reports de crédits du chapitre « Achats » ont été divisés par près de quatre en trois années, il faut examiner de près un report récurrent de l'ordre de 5 millions d'euros sur les investissements.
J'en viens aux recettes.
La recette de 24,6 millions d'euros provenant du Trésor pour la cession des pièces françaises progresse de 82 %, conséquence de l'effet mécanique de l'augmentation des quantités cédées conjuguée à la réévaluation des prix unitaires de cession, dans un but de vérité des prix entre les deux directions.
Les recettes commerciales, elles, devraient augmenter de 34 % pour atteindre le niveau exceptionnel de 59,6 millions d'euros, grâce à une envolée des ventes des monnaies de collection constatée dès le courant de l'année 2003. Une stratégie ciblée et audacieuse, misant sur le sérieux et la créativité de la Monnaie de Paris, permet d'afficher ces prévisions ambitieuses mais réalistes.
De tout cela, il faut surtout retenir que les recettes équilibreraient les dépenses et qu'aucune subvention de l'Etat n'est sollicitée alors que, l'an dernier, le Parlement a dû voter une aide de 26,5 millions d'euros.
La commission des finances du Sénat, qui n'a pas oublié que la direction des Monnaies et médailles avait, l'an dernier, contribué à hauteur de 3,5 millions d'euros à l'effort de réduction des dépenses qu'elle avait demandé, y voit la marque d'une réelle volonté de sortir au plus vite de la dépendance financière, d'autant que la subvention accordée en 2003 ne devrait être utilisée qu'à hauteur de 18 millions d'euros.
Si la Monnaie de Paris fait face à ses difficultés, c'est aussi grâce à la réactivité des personnels. Ceux-ci ont d'ores et déjà fait preuve de souplesse et de polyvalence en s'adaptant à l'impératif de développement des activités les plus prometteuses, au détriment des moins rentables, ainsi qu'à la nécessaire utilisation d'outils informatiques plus performants.
Par ailleurs, l'établissement girondin, où le rapporteur spécial s'est rendu la semaine dernière, fait tout pour pallier son surdimensionnement : il a internalisé des tâches d'entretien, pris en charge des activités administratives et assurera, en 2004, la fabrication de tous les produits « monétiformes ».
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial. Enfin, pour l'anecdote, je dirai que ce sont des agents pessacais qui ont déménagé d'un immense sous-sol de l'hôtel des Monnaies jusqu'à Pessac les « coins » de la Monnaie de Paris, ces sortes de moules qui représentent un véritable trésor historique et qu'une crue centennale de la Seine menaçait.
Il est impossible de conclure ce propos sans aborder les conséquences de la loi organique relative aux lois de finances. Ce budget annexe semble, en effet, appelé à disparaître, l'activité industrielle et commerciale de la Monnaie de Paris ne donnant pas lieu à un paiement de redevance.
Madame la ministre, cela me conduit à vous poser deux questions.
La commission des finances n'ignore pas la relative sévérité du récent constat de la Cour des comptes, qui demande qu'une réponse soit apportée à ce qu'elle préconise, à savoir un changement de statut pour la Monnaie de Paris pour un statut plus adapté à la nature de son activité. Quelle réponse lui avez-vous donnée ?
Par ailleurs, il est probable qu'à moyen terme la frappe de l'euro devra être rationalisée au sein de l'Europe. Comment s'organisera cette rationalisation et quels seront alors les atouts et les handicaps de la Monnaie de Paris face à ses concurrents européens ?
Sous réserve de ces observations, la commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe des Monnaies et médailles.
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l'on considère l'histoire et l'évolution des monnaies, on observe qu'un lien a existé depuis toujours entre monnaies et médailles, et cela aussi loin que l'on remonte dans le temps.
Au Moyen Age, les symboles chrétiens occupèrent une place centrale dans l'iconographie des monnaies carolingiennes, comme dans celle des monnaies égyptiennes. L'ange terrassant le dragon fut retenu sur la pièce de monnaie de Philippe VI. C'est un chef-d'oeuvre de l'art monétaire du Moyen Age.
Jusqu'en 1791, les monnaies royales conservèrent des références chrétiennes, dans un art décoratif parfois prestigieux.
En 1795, l'instauration d'un nouveau système monétaire républicain bouleversa l'histoire iconographique de notre monnaie. C'est à cette date qu'apparaît l'image de la « liberté au bonnet ».
En 1895, naquit l'image de la Semeuse, devenant la première représentation de la République par un personnage en pied et en action. Il n'y en aura d'ailleurs pas d'autre depuis.
Ainsi, se trouvent liés monnaie, art, médailles.
L'euro n'échappe pas à cette évolution. La pièce de 50 centimes d'euro représente une Semeuse au graphisme moderne et intemporel.
Il n'est pas étonnant de voir cohabiter monnaie, médailles, bijoux. Les séparer serait impossible. Leurs racines sont communes et leur histoire est caractérisée par une profonde continuité.
L'hôtel des Monnaies symbolise ces tâches de toujours. Les activités qui s'y déroulent expriment l'unité française, car même la Semeuse s'intégrant à l'Europe symbolise cette réalité nationale.
Utiliser les cinq minutes dont je dispose pour dire cela n'est pas superflu. Les deux activités, monnaies et médailles-bijoux, sont historiquement liées. Elles sont encore des réalités, complémentaires et efficaces.
Examinons cette complémentarité sur le plan financier, l'existence d'une mission de service public.
L'année 2001 a connu un excédent d'exploitation de 10,1 millions d'euros, dû aux résultats de frappe de l'établissement de Pessac.
L'année 2002 avait vu la baisse de la frappe. Mais médailles et bijoux ont rétabli l'équilibre, permettant même de dégager un excédent d'exploitation de 0,2 million d'euros.
En 2003, la brutale régression de l'activité de frappe laissait craindre le pire. Le Parlement avait admis une prévision de subvention de 26,6 millions d'euros. Surprise : le programme de l'année 2003 était atteint fin juin ! Une subvention de 18 millions se révélait suffisante.
Les prévisions pour 2004 sont intéressantes, car elles sont tournées vers un retour à l'équilibre sans subvention. L'établissement parisien pourrait alors réaliser un excédent permettant de compenser le déficit de l'établissement de frappe situé à Pessac. Le rapport de la commission spéciale le confirme. Il note la mise en place d'un plan triennal visant à fidéliser les clients des monnaies de collection et permettant d'attendre la reprise de la frappe après 2006.
Le rapport initial et le constat fait pour la période 2000-2005 nous confirment qu'il ne faut surtout pas compromettre cet équilibre par une réorganisation profonde de l'établissement. La Cour des comptes, en le souhaitant, n'avait pas en main les bilans 2002-2003. Elle prétend que le déficit réapparaîtrait avec une ampleur accrue. Ce qui ne correspond pas à la création de certains emplois envisagée par l'administration : huit en 2004.
Non, madame la ministre, nous ne sommes pas en présence d'un déficit prévisionnel, mais beaucoup plus en présence de résultats obtenus grâce à un travail acharné de la Monnaie de Paris et à la conquête de nouveaux marchés. La prévision de recettes exceptionnelles de 60 millions d'euros représenterait une progression de 34 % en 2004 par rapport aux prévisions 2003.
Quant aux avantages, qualifiés de déplacés, qui auraient pu être accordés au personnel, selon la Cour des comptes, il sont bien loin de la réalité. En effet, un certain nombre d'avantages et de primes ont été supprimés et, en 2003, quatre-vingt-deux postes d'ouvriers ont été supprimés.
Une réorganisation des responsabilités entre le quai Conti et l'usine de Pessac devrait permettre de rééquilibrer les dépenses et les recettes entre ces deux sites. Et je voudrais noter avec satisfaction la réorganisation de la gestion des stocks et la décision approuvée par le personnel d'un contrôle plus étroit des dépenses, y compris celles qui sont directement liées à la production de stocks, à l'examen critique de la production et à la mise en concurrence systématique.
On ne peut considérer la suppression d'emplois comme la contrepartie de la restructuration d'un service public qui doit certes se moderniser, mais dont la qualité et le savoir-faire de tous les personnels sont encore les meilleurs atouts pour développer ses activités.
Comme M. Michel Moreigne, je souhaiterais, en conclusion, vous demander, madame la ministre, d'être claire et de me répondre sans faux-fuyant - mais je suis persuadée que vous le ferez - sur une application éventuelle de l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances.
Les Monnaies et médailles font partie d'un service public reconnu, important. Il doit conserver son statut régalien. Si la Monnaie abandonnait son statut, que resterait-il des dépouilles d'un Etat qui, pour demeurer fort, doit conserver la totale responsabilité de la monnaie, à l'abri de décisions marchandes d'une éventuelle société anonyme ou d'un établissement public à caractère industriel ou commercial ?
La Monnaie, c'est l'Etat, et sans partage de responsabilité.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le rapporteur, vous avez fait observer que nous vous présentions le budget d'une administration bien décidée à se battre. En effet, les prévisions de charges et de produits fondées sur le recentrage des activités des Monnaies et médailles permettent de proposer un budget 2004 sans recours à une subvention de l'Etat, mais également marquant une évolution favorable à son avenir.
Le projet de budget présenté se traduit par la mise en application des décisions et des orientations définies, retenues depuis le mois d'août 2002. Il s'appuie tout à la fois sur la maîtrise des dépenses - le total des charges d'exploitation passant de 92,7 millions à 86,7 millions d'euros -, sur le développement du chiffre d'affaires dans le domaine concurrentiel, notamment en matière de monnaies de collection.
Après une phase excédentaire pour l'année 2001, correspondant à la fin de la période de frappe du stock d'euros, l'année 2002, grâce aux mesures d'économies mises en oeuvre, a donné lieu à un léger excédent, et ce malgré une chute très importante de la commande publique et un chiffre d'affaires ramené de 182 millions à 139 millions d'euros.
Pour 2003, il était envisagé de recourir à une subvention de plus de 26 millions d'euros ; l'objectif finalement retenu est de 18 millions d'euros, grâce à l'évolution très positive des recettes commerciales.
La réduction de l'activité industrielle institutionnelle impose la recherche de solutions aussi pérennes que possible, qui permettent, d'une part, le maintien de l'outil industriel et du savoir-faire et, d'autre part, le développement du secteur concurrentiel, qui représente désormais plus de 65 % du chiffre d'affaires.
Cette activité soutenue dans le domaine commercial démontre le bien-fondé de la stratégie adoptée depuis plus d'un an. Elle est à vos yeux, monsieur le rapporteur, « réfléchie et audacieuse » ; je vous remercie de ces appréciations. J'ajouterai qu'elle est pertinente et efficace.
Nous devons ici féliciter le directeur des Monnaies et les personnels des établissements de Paris et de Pessac des résultats déjà enregistrés, de leur réactivité et de leur créativité, dont témoigne le succès des monnaies de collection.
L'effort consenti n'est, en effet, pas resté vain. La situation de l'établissement est aujourd'hui en voie d'assainissement, et c'est donc dans un contexte beaucoup plus serein que nous pourrons, le moment venu, nous poser la question d'une évolution de son statut. Une réflexion approfondie est en cours, également sur la base du rapport de la Cour des comptes.
Effectivement, la prépondérance de l'activité industrielle et commerciale rend malaisé le maintien du budget annexe après 2005. Si les Monnaies et médailles restaient un service administratif, la LOLF conduirait à créer un compte de commerce pour retracer les activités commerciales du service.
Notre priorité, je le répète, est de parvenir à une situation d'équilibre, de sauver le savoir-faire et l'outil industriel et de maintenir l'emploi.
La direction des Monnaies et médailles s'est mise en mouvement sur la base de ces trois orientations. Elle a su renforcer ses atouts et atténuer ses handicaps. Je suis convaincue que la poursuite et le renforcement de ces actions devraient lui permettre d'affronter ses concurrents européens dans les meilleures conditions possibles.
Les succès obtenus dans le domaine de la qualité et de la lutte contre la contrefaçon, ainsi que la certification ISO 2001, obtenue en décembre 2002, constituent à ce titre des atouts non négligeables.
Je vous rappelle que les rapporteurs de la Banque centrale européenne ont salué l'activité de l'établissement dans leur audit annuel, la direction des Monnaies et médailles faisant partie, selon eux, dans le domaine du management du système qualité, des trois meilleurs instituts monétaires qui réalisent l'euro.
Tous ces éléments, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur, doivent nous permettre d'envisager avec optimisme et détermination l'avenir des Monnaies et médailles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des Monnaies et médailles et figurant aux articles 48 et 49 du projet de loi.
Services votés
M. le président. « Crédits : 88 142 283 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 48, au titre des services votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président. « I. - Autorisations de programme : 2 433 000 euros ;
« II. - Crédits : moins 1 237 681 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 49, au titre des mesures nouvelles.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe CRC vote contre.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Monnaies et médailles.
Economie, finances et industrie (suite)
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'industrie.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Clouet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la situation en ce qui concerne les crédits de l'industrie ne s'est pas modifiée : il n'y a plus de ministère de l'industrie, il n'y a donc pas de budget du ministère de l'industrie et, pendant quelques semaines, on a même pu penser qu'il n'y aurait plus de ministre de l'industrie. (Sourires.)
Néanmoins, il en est venu un - ou plutôt une - qui a affirmé son existence de façon parfaitement claire. Toutefois, les effets de son action ne peuvent pas se faire sentir dans la structure des crédits pour 2004.
Le ministre délégué dispose donc des mêmes services et des mêmes agrégats que son prédécesseur.
Il dispose des mêmes services d'administration centrale, soit quatre directions et demie : la direction de l'énergie et des matières premières ; la direction de la sécurité nucléaire et de la radioprotection, créée en 2002 ; la direction générale de l'industrie, des techniques, de l'information et des postes ; la direction de l'action régionale et de la petite et moyenne entreprise. Ces deux dernières directions seraient sur le point de fusionner.
Sur le terrain, les DRIRE, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, sont, pour une partie importante de leurs activités, de la compétence du ministre délégué.
La structure des agrégats de crédits est identique : agrégat 18 pour les DRIRE, 21 pour l'énergie et les matières premières, 22 pour les PMI, la recherche et l'innovation, 23 pour l'environnement et la compétitivité et 24 pour les mutations. Le total de ces crédits est légèrement inférieur à 2,6 milliards d'euros.
Il est bien évident que cette somme ne représente pas la totalité de l'effort financier de l'Etat à l'égard de l'industrie. Je le souligne chaque année en souhaitant qu'il en aille autrement, mais ce n'est pas encore le cas.
Ces 2,6 milliards d'euros sont consacrés à assurer l'approvisionnement en énergie de l'économie et de la population dans les meilleures conditions de coût, d'indépendance et de respect de l'environnement ; à optimiser l'avenir industriel de la France, en veillant à la formation des personnels des entreprises et en favorisant leur développement à travers, notamment, leurs activités de recherche et d'innovation ; enfin, à aider aux restructurations ou à la reconversion des secteurs ou des zones géographiques les plus en difficulté.
Ces tâches appellent de très nombreuses attributions de crédits, d'importance très variable et qui constituent pour la plupart des crédits d'appoint.
Trois postes représentent 40 % du montant total des agrégats : les Charbonnages de France - 453,7 millions d'euros -, le CEA - 360,2 millions d'euros - et l'Institut français du pétrole - 200 millions d'euros. C'est le socle de votre compétence, madame le ministre.
A côté de ce socle, où l'on s'étonne du niveau élevé des Charbonnages de France, qui bénéficient cette année d'une progression - et vous nous direz probablement pourquoi -, on note des reculs, touchant notamment la procédure ATOUT, qui est destinée à aider les nouvelles entreprises, et les réseaux de recherche sur les technologies pétrolières et gazières.
On relève également des créations : l'aide aux jeunes entreprises innovantes et le groupement européen d'établissements d'enseignement supérieur, ce qui témoigne d'un double souci concernant la formation et la coopération européenne.
Par ailleurs, des changements d'intitulé affectent certains postes de la nomenclature budgétaire. Il s'agit de tenir compte, par exemple, du fait que la Commission de régulation de l'électricité n'est plus seulement chargée de l'électricité ; elle se nomme donc désormais « Commission de régulation de l'énergie ».
Toutes ces modifications privent de véritable signification une comparaison d'un exercice à l'autre. Il reste que le calcul strictement arithmétique fait apparaître une légère baisse par rapport à l'année dernière.
Je signalerai enfin que vous faites effectuer, madame le ministre, un audit du coût et de l'efficacité de vos services et que vous avez esquissé un programme, notamment en matière d'énergie, pour lequel il vous faut déployer des talents diplomatiques - mais vous n'en êtes certes pas dépourvue - afin de ne point froisser les échelons voisins ou supérieurs.
Peut-être l'exercice 2005 fera-t-il apparaître un vrai budget, c'est-à-dire les objectifs d'une politique et les moyens permettant de les atteindre. Mais ce n'est pas évident ! Fontenelle disait quelques jours avant de trépasser qu'il éprouvait « une grande difficulté d'être ». Il en va ainsi du ministère de l'industrie ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, rapporteur pour avis.
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'industrie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits proposés pour le budget de l'industrie ne reflètent pas à eux seuls l'action dynamique du Gouvernement en direction des entreprises.
En effet, un important volet fiscal est consacré au développement des entreprises innovantes. Je pense au statut de la jeune entreprise innovante, aux mesures pour encourager la prise de risque des « investisseurs providentiels », appelés business angels aux Etats-Unis, ou à l'élargissement du crédit d'impôt-recherche.
Par ailleurs, le rôle accru donné à l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, qui devient l'organisme payeur de l'ensemble des aides en faveur de la recherche industrielle, donne plus de cohérence et de lisibilité au système.
On se rend compte que ce sont plus de 260 millions d'euros qui sont injectés pour des programmes de recherche dans les entreprises.
A un autre niveau, plus technologique certes mais tout aussi important car, dans la mondialisation galopante, il faut à mon sens jouer la carte de la valeur ajoutée à tous les niveaux, permettez-moi de cautionner fortement l'appui budgétaire aux centres techniques industriels.
Toutefois, si la mesure est nécessaire, elle ne me paraît pas suffisante. En effet, l'augmentation de 27 % de son financement n'est que le résultat d'un effet mécanique de changement de système puisqu'il s'agit de compenser la suppression des taxes parafiscales.
Or les moyens de ces centres techniques industriels, qui mettent à la disposition des entreprises leurs infrastructures d'essais et d'évaluation ainsi que leurs compétences techniques, n'ont pas été réévalués depuis 1999.
Ces centres techniques industriels, vous l'avez compris, sont fondamentaux, autant pour l'attractivité de nos terroires que pour la compétitivité de nos entreprises. J'espère donc que l'on saura s'en souvenir lorsque reviendra le temps des vaches grasses.
Pour l'heure, M. le ministre délégué au budget nous a indiqué que le dispositif des taxes affectées était inscrit dans le projet de loi de finances rectificative pour 2003. J'espère que vous pourrez nous le confirmer, madame la ministre.
Pour conclure, je souhaite aborder les perspectives macro-économiques de l'industrie et le thème de la désindustrialisation.
Bien que la croissance de la valeur ajoutée industrielle en volume soit supérieure à celle de l'ensemble de l'économie et que les emplois tertiaires compensent les emplois industriels, il faut tout envisager pour arrêter l'hémorragie de ces derniers dans notre pays.
Je sais bien que les raisonnements aux limites sont absurdes. Mais quels services développerons-nous si la production industrielle régresse ? L'industrie textile va mal, et le démantèlement des accords multifibre prévu au 1er janvier 2005 n'arrange pas les choses. La filière électronique est en perdition et la mécanique souffre. Que faire ? La question est complexe et mérite une analyse précise.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques a décidé de constituer un groupe de travail afin d'étudier l'ensemble des implications de ces phénomènes pour l'économie française.
Il n'est pas question, madame la ministre, de céder au pessimisme ambiant et d'ânonner les idées catastrophes émises par certains. Après tout, le textile va mal, mais la haute couture va bien. On nous dit, dans la filière électronique, que la recherche et la mise au point des produits avant la phase purement industrielle sont parfaitement de notre ressort. Pourquoi ne pas envisager des districts industriels à l'italienne pour nos sous-traitants de la mécanique ? Ce ne sont là que des exemples, voire des images.
Néanmoins, j'espère fortement, madame la ministre, que nous saurons vous transmettre un rapport positif, non pas sur la désindustrialisation, mais bien sur la réindustrialisation de notre pays, fût-elle différente de celle que nous connaissons, car je suis persuadé que nous avons toutes les qualités pour cela.
Quant au budget, eu égard aux conditions difficiles du moment, la commission a émis un avis favorable et vous propose d'adopter les crédits de l'industrie pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les technologies de l'information et La Poste. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'année 2003 restera sans doute une année charnière pour le secteur des postes et télécommunications dans notre pays, dans l'Union européenne et, plus globalement, dans le monde.
En effet, le Gouvernement a entrepris de mener de front les nécessaires réformes du secteur. Si le nouveau contrat de performances et de convergence entre l'Etat et La Poste est la traduction la plus récente de cette politique ambitieuse, le domaine des télécommunications n'a pas été en reste au cours de cette année, loin s'en faut. En effet, ce ne sont pas moins de trois projets de loi qui ont été déposés devant le Parlement.
De façon générale, ces trois projets de loi illustrent le poids très important du droit communautaire - nous y reviendrons prochainement au sujet du « paquet télécoms » - dans un secteur qui bouge énormément, pour assurer un service universel tout en restant compétitif sur le marché concurrentiel. Du reste, la construction du marché unique va de pair avec l'émergence de grands acteurs européens et le développement de la concurrence.
L'ensemble des crédits de La Poste et des télécommunications s'élève pour l'année 2004, à 440 millions d'euros, soit une hausse de 0,7 %. On peut se féliciter de ce que, dans un projet de budget extrêmement contraint et difficile, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, se voulant exemplaire, ait maintenu cette hausse.
Il convient d'y ajouter les crédits de fonctionnement de l'autorité de régulation des télécommunications, l'ART, qui s'élèvent à 17 millions d'euros, en hausse de 6 % en raison de l'extension des compétences de cette instance au secteur postal, prévue par le projet de loi relatif à la régulation des activités postales qui sera soumis à notre assemblée au début de l'année prochaine.
Je rappelle quelques éléments du contrat de performances et de convergence qui vient d'être adopté, le conseil d'administration de La Poste venant d'autoriser son président à le signer à vos côtés, madame la ministre.
Ce contrat est ambitieux dans ses objectifs. Il envisage la création d'un fonds postal national de péréquation territoriale alimenté par l'actuel abattement sur l'imposition aux taxes locales.
Il affirme son orientation en faveur de la mixité de la présence postale sur le territoire à travers les agences postales communales et intercommunales, les « points postes », aux côtés d'une nouvelle organisation modernisée des bureaux de poste.
Il vise également à introduire des mesures de modernisation de l'entreprise postale, notamment l'ouverture dans certaines conditions des services financiers, la clarification du régime de retraite afin de permettre à l'entreprise postale de supporter l'augmentation du coût des charges liées aux départs en retraite dans les années à venir.
Enfin, il prévoit l'éligibilité de La Poste aux allégements de charges sur les bas salaires. Je vous rappelle que cette entreprise, la principale entreprise de main-d'oeuvre en France, n'était pas éligible jusqu'à présent aux allégements de charges sociales, malgré la réduction et l'organisation du temps de travail qu'elle a dû mettre en oeuvre.
J'en viens aux résultats du groupe La Poste, qui m'apparaissent assez préoccupants puisque le résultat financier s'est dégradé entre 2001 et 2002 pour atteindre un déficit de 171 millions d'euros, le résultat net de l'exercice étant déficitaire de 185 millions d'euros. C'est à l'aune de ces résultats que se justifie la hausse du prix du timbre décidée au mois de février 2003, la première depuis sept ans.
Je confirme - et j'ai eu l'occasion de m'en entretenir notamment avec le président de la commission des affaires économiques, M. Gérard Larcher - que le fait de ne pas introduire de hausse tarifaire du timbre pendant sept années consécutives a été une véritable erreur degestion.
La commission des affaires économiques souhaite que les recettes dégagées soient utilisées, aujourd'hui comme demain, pour améliorer l'efficacité industrielle et l'outil que constitue La Poste.
Je souligne néanmoins que le prix du timbre français est encore inférieur de cinq centimes d'euros à celui du timbre allemand. Ne conviendrait-il pas, madame la ministre, d'envisager une harmonisation, voire un système d'indexation des prix de timbrage pour éviter les difficultés, voire les polémiques, au moment de définir les orientations dans ce domaine ?
S'agissant de l'évolution des différentes branches de l'activité de l'opérateur historique, j'insisterai sur deux points.
En premier lieu, il est nécessaire de renforcer la mécanisation du traitement du courrier grâce à des investissements impliquant des sommes importantes et qui sont autorisés dans le contrat de Plan tel qu'il a été finalisé. Ils permettront à l'entreprise postale d'atteindre une taille critique et d'être présente sur des marchés en forte croissance. Il s'agit de favoriser son développement à l'international sur les marchés du colis et de la logistique pour être compétitive avec les principales entreprises postales en Europe et dans le monde.
En second lieu, en matière de services financiers, la commission se félicite, madame la ministre, de l'avancée historique que constitue l'autorisation donnée à La Poste, même si elle comporte des termes de calendrier, d'étendre sa gamme financière à l'octroi de prêts immobiliers sans épargne préalable, et elle estime que cette prestation devrait, à terme, être complétée par une attribution de compétences dans le domaine du crédit à la consommation. En effet, 60 % des onze millions de personnes possédant un compte bancaire à La Poste souhaitent pouvoir contracter un crédit à la consommation avec cet opérateur.
En ce qui concerne la dimension territoriale et l'importance du réseau des bureaux de poste, je considère comme essentielle la perspective de la création d'un fonds de solidarité territoriale, qui s'inscrit dans l'esprit de ce que suggère le président de la commission des affaires économiques dans son rapport d'information.
Nous avons tous saisi l'importance de tous ces problèmes. L'entreprise postale, entreprise publique, doit améliorer ses comptes et tendre vers des équilibres économiques, sans toutefois rechercher exclusivement la rentabilité parce qu'il s'agit d'une entreprise qui assure des services publics.
En conclusion de ce qui précède, j'indique que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de La Poste et des technologies de l'information. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'énergie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a souhaité vous présenter, dans ce rapport budgétaire, outre les voies et moyens de la politique énergétique française, l'actualité de la libéralisation des marchés énergétiques, l'état des différents segments du marché et, enfin, les enjeux de la protection de l'environnement et des économies d'énergie.
Le grand sujet reste le débat national sur l'énergie et le Livre blanc qui en est tiré : leur principale conclusion est que nous ne pouvons ignorer aucune des filières de production énergétique.
La commission des affaires économiques se réjouit de l'initiative prise par le Gouvernement, même si, à titre personnel, je considère que le débat est loin d'être clos et qu'il faut se garder d'annonces prématurées, comme celle du lancement du projet EPR, European pressurised reactor.
Quant à la libéralisation des marchés énergétiques, force est de constater qu'en France l'ouverture est bien réelle. Toutefois, la question de l'effet de la libéralisation sur les prix demeure controversée.
En votant la loi sur l'ouverture du marché de l'électricité, nous avons créé un puissant mécanisme de financement du service public, que nous avons modifié par la loi du 3 janvier 2003. Constatant qu'eu égard aux charges prévisibles la commission de régulation de l'énergie, la CRE, considère qu'il pourrait être nécessaire d'accroître en 2005 le plafond du prélèvement opéré pour le financement - soit 7 % actuellement -, la commission des affaires économiques souhaite interroger le Gouvernement pour savoir s'il confirme ces prévisions.
Elle est également préoccupée par l'attitude de nos partenaires allemands, dont l'ouverture des marchés nous apparaît plutôt « virtuelle » et purement « juridique ». Or je vous rappelle, mes chers collègues, qu'au plus tard le 1er juillet 2004 nous devrons avoir transposé la directive sur l'ouverture des marchés aux professionnels. L'opinion publique française s'étonnerait que l'on poursuive la libéralisation sans obtenir de mouvement équivalent en Allemagne.
Dans le secteur de l'électricité, nous avons assisté à de graves crises enregistrées aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne et en Italie, sans oublier les conséquences de la canicule dans notre pays et la pénurie électrique, que nous avons subie tout en évitant un écroulement général de notre réseau. Nous nous préoccupons donc tout particulièrement du problème de la sécurité de l'approvisionnement électrique.
Etant donné que plus de 80 % de notre électricité est produite par le nucléaire, nous nous interrogeons sur la construction d'un modèle de réacteur de nouvelle génération EPR qui, selon notre commission et si j'en crois le rapport de nos collègues députés Claude Birraux et Christian Bataille, serait nécessaire.
Après avoir exposé dans mon rapport les différentes positions sur ce dossier sensible, je considère, à titre personnel, que cette question ne peut être tranchée sans des compléments d'études allant au-delà des éléments fournis lors du débat national.
Toujours dans le domaine du nucléaire, et de la même manière qu'il m'apparaît nécessaire, à titre personnel, que nous légiférions en matière de sécurité et de transparence, notre commission a souhaité qu'une attention particulière soit portée à l'accroissement de la sécurité des centrales nucléaires des pays bénéficiaires de l'élargissement de l'Union européenne.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, je considère qu'il n'est pas souhaitable que la France reste « sous-développée ». Il m'apparaît, à titre personnel, qu'il faut encore lever nombre d'obstacles administratifs et qu'un coup d'accélérateur s'impose désormais.
M. Pierre-Yvon Trémel. Très bien !
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Au surplus, notre commission s'interroge sur le coût du financement de la filière éolienne, même si, à titre personnel, je le considère comme tout à fait justifié par la nécessité de développer cette énergie propre.
Si la puissance installée de la filière éolienne est de l'ordre de 234 mégawatts en France, contre 13 000 mégawatts en Allemagne, je me plais à souligner - et cela n'étonnera personne - que le département de l'Aude, à lui seul, représente 38 % de la puissance installée avec 90 mégawatts, l'ensemble du Languedoc-Roussillon en rassemblant 45 %.
Pour information, je précise que l'énergie éolienne représente 11 % de la consommation d'électricité dans le département de l'Aude. Au total, avec l'énergie hydraulique, l'électricité produite dans ce département à partir des énergies renouvelables représente 25 % de sa consommation. Ce chiffre me paraît devoir être rapproché de l'objectif de 21 % fixé sur le plan national à l'horizon de 2010.
Sur un plan général, à l'instar du comité des sages, je m'interroge : notre mode de développement actuel peut-il être durable quand on connaît le caractère limité à quelque trente ans des réserves mondiales de pétrole et de gaz et face à un avenir climatique inquiétant, comme le démontrent les phénomènes météorologiques extrêmes qui frappent en ce moment même le sud du pays ?
Mes chers collègues, ainsi que le soulignait l'ancien rapporteur pour avis de la commission des affaires économique pour le budget de l'énergie, M. Jean Besson, nous sommes dans l'attente, à l'horizon de 2030, voire de 2040, des solutions du futur, telles que l'ITER, l'International thermonuclear experimental reactor, l'hydrogène énergétique ou le gaz carbonique séquestré. Il nous faudra bien réaliser la « soudure énergétique » avec cette échéance lointaine.
La commission a repris quelques propositions sur le plan des innovations, en particulier dans un domaine où la tempérance énergétique paraît s'imposer le plus, le secteur résidentiel tertiaire, qui a enregistré une augmentation de 14 % des gaz à effet de serre, ou celui des transports, qui a connu une hausse de 22 % en dix ans.
Je note enfin que, pour respecter les engagements de Kyoto, notre pays envisage d'instituer un marché des « permis d'émission » de gaz à effet de serre. Notre commission se félicite de cette initiative, tout en constatant qu'elle pourrait bien avoir une incidence sur le prix de l'énergie.
Contrairement à l'avis que je lui proposais d'adopter, la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'énergie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004. (Applaudissements.)
M. Daniel Raoul. Excellent rapport !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social, européen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est dans une conjoncture industrielle particulièrement déprimée que nous discutons aujourd'hui du budget de l'industrie.
Une fois de plus, les prévisions de croissance sur lesquelles tablait le Gouvernement ont été démenties de manière flagrante.
On sait aujourd'hui que le taux de croissance révisé sera plus proche de 0 % que de 0,5 %, taux qui a pourtant été annoncé. Nous frôlons la récession !
Le taux de chômage augmente à nouveau de manière inquiétante, frisant la barre des 10 % de la population active, et, dans certains secteurs du pays, notamment dans mon département du Pas-de-Calais, ce chiffre peut être doublé.
Cette dégradation de la situation économique ne doit pas être ramenée au rang d'un simple incident conjonc-turel.
La quasi-stagnation de notre produit intérieur brut s'explique d'abord par une nette insuffisance de l'investissement productif, notamment l'investissement industriel.
Notre industrie est touchée de plein fouet par une vague de délocalisations ainsi que la multiplication de plans de licenciements et de plans sociaux de liquidation. En un an, elle aura encore perdu plusieurs dizaines de milliers d'emplois.
Ce n'est plus seulement notre « vieille industrie », par exemple celle du textile et de l'habillement, qui est touchée, ce sont également nos industries de pointe, de haute technologie.
Ce n'est plus seulement la main-d'oeuvre peu qualifiée qui sert de variable d'ajustement, c'est désormais l'ensemble des salariés, y compris ceux dont le niveau de qualification est élevé. La politique de diminution des charges sociales sur les bas salaires montre ici, de manière flagrante, toutes ses limites.
L'industrie est actuellement engagée dans un processus de rationalisation à tout crin, tandis que les services sont bien incapables de relancer l'activité économique et de jouer un rôle moteur dans la croissance. Ils ont jusqu'ici permis d'amortir la crise, l'industrie externalisant de plus en plus d'activités, développant la sous-traitance en réponse à ses propres difficultés. Ce processus constitue, madame la ministre, un véritable ajustement par le bas.
Au-delà du phénomène de désindustrialisation, certains économistes n'hésitent plus à parler de déclin de la France.
A cet égard, Nicolas Baverez, auteur de La France qui tombe, s'interroge sur le paradoxe d'une situation marquée, d'un côté, par une abondance de capitaux révélée par un taux d'épargne qui est le plus élevé de l'Union européenne et, de l'autre, par la faiblesse de l'investissement, par les délocalisations, les fermetures de site, autant de facteurs qui, à terme, desservent l'emploi et la croissance.
Devons-nous pour autant verser dans le catastrophisme ou la résignation ? Non ! il est au contraire urgent, madame la ministre, de mettre un terme à la course effrénée et sans fin à la baisse des coûts orchestrée par les multinationales avides de profits.
Dans cette logique de court terme, l'emploi en tant que masse salariale directement et rapidement compressible devient la variable privilégiée d'ajustement.
Force est de reconnaître aussi que le développement des marchés financiers, qui favorise la valse des droits de propriété, met l'industrie sous la coupe d'investisseurs qui ne connaissent pas leur industrie et ne se soucient pas des conséquences de leurs décisions sur l'emploi. A cet égard, le cas de Metaleurop est un exemple frappant.
Dans le même ordre d'idée, il devient également urgent de rendre transparentes les relations de sous-traitance afin de permettre d'identifier les donneurs d'ordre.
Lors de plans de licenciement et de fermetures de sites, les salariés et les syndicats sont souvent démunis face à l'absence d'interlocuteurs clairement identifiés. On voit de plus en plus d'activités cédées à des repreneurs qui, quelques mois après avoir touché des subventions afin de moderniser et maintenir l'entreprise, ferment le site sans respecter leurs engagements.
Rétablir la loi sur le contrôle des fonds publics, sanctionner financièrement et fiscalement les entreprises bénéficiaires qui licencient, instituer de nouveaux droits pour tous les salariés, telles devraient être les priorités d'un gouvernement soucieux de l'intérêt général !
Or que constatons-nous, si ce n'est l'absence de réel volontarisme politique et le triomphe du laisser-faire libéral ?
Qu'en est-il des mesures face aux licenciements massifs ? Depuis son arrivée au pouvoir, ce gouvernement s'évertue à faire sauter tous les garde-fous qui protègent les salariés contre des pratiques abusives de licenciement. Les dispositions de la loi de modernisation sociale ont ainsi été supprimées.
Aujourd'hui, il va encore plus loin dans la remise en cause du statut des salariés, de la précarisation de l'emploi, avec le RMA qui n'est rien d'autre qu'un contrat au rabais. Une telle politique ne satisfait que le MEDEF !
Bref, alors que deux économistes réputés libéraux, et qu'on ne peut en aucun cas soupçonner de sympathie envers le mouvement altermondialiste, prônent, dans leur dernier rapport pour le Conseil économique et social, l'idée de taxer les licenciements économiques, le Gouvernement abandonne toute politique de l'emploi et cède face à la toute-puissance des marchés financiers et des actionnaires.
Pour toutes ces raisons, parce que nous désapprouvons totalement la politique ultralibérale du Gouvernement, nous voterons contre ce budget ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de l'industrie tel qu'il nous est présenté aujourd'hui me semble être un budget cohérent, qui participe à l'effort nécessaire de maîtrise des dépenses publiques mais qui permet aussi d'accompagner l'économie française sur la voie de la croissance.
Cependant, je suis préoccupé par la situation de l'industrie dans notre pays, qui reste un secteur en crise.
Il est important de souligner que les crédits du ministère de l'industrie pour 2004 sont complétés par un volet fiscal très important destiné à favoriser l'innovation et à inciter les entreprises à réaliser des investissements de recherche et de développement.
De plus, notons qu'il est procédé à un renforcement des missions de l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche, l'ANVAR, qui se voit confier un rôle accru d'animation et de coordination et qui devient l'organisme payeur de l'ensemble des aides aux entreprises pour l'innovation.
Ce budget se situe donc clairement dans une démarche offensive en matière de recherche, seul moyen pour la France et pour l'Europe de rattraper le retard pris dans le domaine de l'innovation. C'est un avantage non négligeable sur un marché aussi concurrentiel que celui dans lequel nous évoluons aujourd'hui.
Tout d'abord, on ne peut que remarquer les efforts entrepris par le Gouvernement par le biais de ce budget pour renforcer le rôle de la direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes. Son rôle est en effet crucial et doit être soutenu en ce qu'elle contribue au développement de la compétitivité industrielle du territoire français et à la compétitivité internationale des entreprises françaises. Elle favorise l'innovation, le développement technologique et la société de l'information.
Avec le « fonds de compétitivité des entreprises » consacré à la recherche industrielle et le financement des dépenses assumées par les laboratoires publics dans le cadre des partenariats public-privé, les crédits publics en faveur des programmes de recherche industrielle s'élèveront à plus de 260 millions d'euros en 2004.
De ce fait, le budget du ministère de l'industrie en 2004 est recentré pour mieux soutenir la compétitivité des entreprises françaises. Les mesures de modernisation permettent de stabiliser les crédits budgétaires, tout en effectuant une mobilisation plus performante des ressources disponibles.
Par ailleurs, l'effort vise à stimuler la croissance industrielle en agissant sur les facteurs qui favorisent la compétitivité.
En outre, un important volet fiscal est prévu dans le projet de loi de finances pour susciter l'investissement en recherche et développement des entreprises, avec le renforcement du dispositif du crédit d'impôt-recherche, la création d'un statut de la « jeune entreprise innovante » et d'un cadre fiscal approprié pour favoriser le développement des investisseurs providentiels.
Enfin, il nous reste à espérer que la loi sur les responsabilités locales jouera un rôle dans la diffusion de la culture de l'innovation dans les petites et moyennes industries, dans la mesure où cette loi a permis de conforter la région dans ses missions de développement économique par sa gestion nouvelle des aides individuelles aux entreprises.
Néanmoins, malgré les qualités que l'on se doit de reconnaître à ce budget, notamment en ce qui concerne l'offensive en matière de recherche et d'innovation, certaines inquiétudes subsistent dans ce contexte difficile de désindustrialisation de notre pays, compte tenu de toutes les conséquences que ce processus est susceptible d'engendrer sur l'économie et l'emploi.
Ce sujet me tient particulièrement à coeur et c'est pourquoi j'ai tout récemment pris l'initiative de proposer au président de la commission des affaires économiques de constituer un groupe de travail sur ce problème.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Très bien !
M. Christian Gaudin. Sa réponse étant favorable, ce groupe est en cours de constitution.
Dans le projet de loi de finances pour 2004, les dépenses d'accompagnement des mutations industrielles s'élèvent à 657,3 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, en augmentation de 1 % par rapport à l'année précédente, et à 46,5 millions d'euros en autorisations de programme, en augmentation de 8 %. Plus spécifiquement, les crédits de restructuration industrielle atteignent 35 millions en crédits de paiement et 34 millions en autorisations de programme.
En valeur ajoutée, le poids de l'industrie manufacturière représente 15 % du produit intérieur brut. Néanmoins, cette part diminue assez régulièrement en raison de la croissance rapide, d'environ 4 % par an, de la productivité industrielle depuis vingt ans, mais surtout de l'externalisation accrue de certaines activités de production.
La baisse du nombre d'emplois industriels est préoccupante et doit faire l'objet d'une attention toute particulière. C'est bien l'objet de la réflexion que va conduire le groupe de travail que j'ai évoqué tout à l'heure. M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'industrie a également souligné ce point.
Notons que la majorité des crédits de restructuration industrielle est consacrée à la gestion et à l'accompagnement de la fin des exploitations minières.
Toutefois, on peut regretter que, malgré la situation plus que délicate dans laquelle se trouvent aujourd'hui notre industrie et notre économie, l'enveloppe des crédits du comité interministériel de restructuration industrielle ait été réduite.
Les moyens budgétaires sont orientés vers le financement d'aides à la restructuration d'entreprises en difficulté appartenant à des secteurs divers mais dont l'implantation dans des bassins fortement touchés par des suppressions d'emplois importantes impose un traitement particulier de la part des pouvoirs publics.
Une fois encore, il me semble plus que nécessaire de développer les avantages comparatifs de notre industrie en matière d'innovation, de recherche-développement et d'attractivité.
Il me reste à remercier les rapporteurs pour leur excellent travail et à vous dire, madame la ministre, que le groupe de l'Union centriste, que je représente, vous apporte son soutien. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe François.
M. Philippe François. Madame le ministre, à l'occasion de cette discussion budgétaire, je voudrais vous poser une question particulière qui s'inscrit dans la perspective de la question orale que je vous ai posée, le 5 novembre dernier, à propos des énergies renouvelables.
La loi du 10 février 2000 relative à la modernisation du service public de l'électricité a conféré à tout producteur et aux collectivités locales la possibilité de produire de l'électricité à partir d'installations de valorisation énergétique des déchets, des réseaux de chaleur, des énergies renouvelables et de la cogénération.
Ils peuvent dorénavant soit consommer en propre cette électricité soit la vendre ou ne vendre que le surplus à EDF ou à un distributeur non nationalisé, dans le cadre de l'obligation d'achat.
Presque tous les arrêtés tarifaires en fonction de l'origine de l'électricité produite ont été publiés au Journal officiel.
Ces tarifs sont adaptés à chaque source énergétique et sont calculés de façon à encourager les premières années de démarrage des installations produisant de l'électricité d'origine renouvelable ; ils sont financés par un fonds de service public de la production d'électricité.
Cette aide tarifaire est nécessaire et justifiée ; elle doit nous permettre de respecter nos engagements internationaux, notamment la directive du 27 septembre 2001, et de lever les contraintes qui pèsent sur les énergies renouvelables.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Philippe François. Celles-ci tiennent, en effet, à des questions de rentabilité, surtout par rapport à la production d'électricité d'origine nucléaire, et à des questions d'environnement qui concernent l'impact sur la faune, sur la flore, sur les paysages et, dans certains cas, les nuisances sonores. Il faut savoir par ailleurs que les frais d'équipement sont très importants.
Leur développement est donc fortement tributaire de l'obligation d'achat, des aides financières et d'une fiscalité favorable.
Dans ce cadre, ma question est plutôt d'ordre prospectif, mais il faut que la filière des énergies renouvelables dispose de perspectives claires : comment conjuguerons-nous efficacement, à terme, le processus de libéralisation progressif du marché de l'électricité avec le maintien des aides, notamment en matière de prix, pour les énergies renouvelables ? Je vous remercie de répondre à cette importante question, madame la ministre.
Par ailleurs, soyez assurée que je voterai votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Madame le ministre, le projet de budget que vous présentez à la Haute Assemblée mérite d'être voté et soutenu.
En effet, il comporte des évolutions positives telles que le soutien à la compétitivité des entreprises - en hausse de 19,7 % -, la création d'une ligne budgétaire de 25 millions d'euros pour l'aide aux jeunes entreprises innovantes et l'augmentation de 2,13 % de la subvention que vous allez accorder aux Charbonnages de France.
Ce projet de budget de l'industrie se stabilise et pourrait atteindre 2 446,6 millions d'euros. L'action que vous menez au sein de votre ministère est donc digne d'intérêt et nous saluons les stratégies que vous mettez en place.
Permettez-moi d'évoquer de manière plus précise un aspect qui me concerne, l'outre-mer.
Lorsque l'on se penche sur l'histoire de l'énergie électrique en Guyane, par exemple, pour comprendre la situation actuelle depuis la loi du 19 mars 1946 qui a érigé en départements les anciennes colonies françaises, on constate que les départements d'outre-mer se sont trouvés dans une situation de fait particulière, situation d'autant plus préjudiciable pour la Guyane qui dispose du réseau le moins développé de France. Il en résulte une électrification disparate.
En 1975, intervient la fameuse loi du 11 juillet sur la nationalisation de l'électricité dans les départements d'outre-mer. Elle institue, outre le principe de péréquation, le transfert des biens et obligations civiques, celui du personnel des entreprises de production, de transfert et de distribution à EDF.
La Guyane, où la croissance démographique est forte - 6,5 % par an - et la demande en électricité en constante progression, demeure un territoire où la desserte électrique est inégale.
C'est pourquoi, devant la Haute Assemblée, je tiens à vous remercier, madame le ministre, de l'accueil que vous avez réservé à la délégation guyanaise que j'ai accompagnée. Nous vous avons exposé les difficultés que rencontrent les communes de Guyane en matière d'énergie électrique pour satisfaire les élémentaires besoins d'une population.
EDF n'assure pas sa tâche de service public. L'industrialisation des régions de Guyane est impossible sans énergie et l'aménagement du territoire semble difficile à entreprendre.
Nous savons que vous pouvez influer sur les actions d'EDF dans chaque région de France et d'outre-mer. C'est pourquoi j'apprécierais que, devant la Haute Assemblée, vous puissiez me préciser si un expert, choisi par vous, pourrait se rendre en Guyane pour dresser un état des lieux et pour permettre que la Guyane figure dans le programme pluriannuel des investissements pour 2004 et que des actions soient engagées afin que plus de 20 000 habitants de l'ouest et de l'est guyanais bénéficient de l'énergie électrique.
Madame le ministre, la propriété intellectuelle et industrielle revêt une très grande importance dans notre droit français, cependant, cette filière de formation n'est pas suffisamment connue et enseignée.
Je me fais ici l'interprète de mon excellent collègue Pierre Laffitte, qui regrette de ne pouvoir assister à ce débat parce qu'il a dû retourner dans sa circonscription pour une très importante réunion de travail.
Si Pierre Laffitte avait été là, il vous aurait dit que l'initiative prise par votre ministère et l'Institut national de la propriété industrielle de lancer un appel d'offres pour créer un enseignement spécifique sur la propriété industrielle a suscité dans les milieux éducatifs un grand intérêt. Mais confier une fois encore à l'université de Strasbourg cet enseignement spécifique constitue à nos yeux un monopole et empêche notre jeunesse qui se trouve dans d'autres régions universitaires de bénéficier de cet enseignement juridique. Cette initiative aurait pu créer, à notre avis, une certaine émulation et permettre à d'autres régions universitaires de dispenser cet enseignement.
Par ailleurs, est-il exact que les crédits de l'Institut national de la propriété industrielle sont en passe d'être réduits de 10 millions d'euros, alors que cette institution mérite d'être soutenue ?
Enfin, il est envisagé de créer un brevet communautaire qui risque de se superposer au brevet européen. Qu'en est-il exactement ?
Madame le ministre, les réponses que vous voudrez bien nous apporter sur tous ces problèmes nous rassureraient.
Aussi, c'est avec la même assurance que, dans leur grande majorité, les sénateurs du groupe du Rassemblement démocratique et social européen voteront votre budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Le budget que vous nous présentez, madame la ministre, appelle trois observations préliminaires.
Il doit tout d'abord être replacé sous un double éclairage, celui des choix budgétaires - et force est de constater que le budget de l'industrie n'entre pas dans les priorités du Gouvernement - et celui de la situation économique de notre pays, pour prendre un sens. A ce sujet, l'INSEE observe que la France va connaître en 2003 sa troisième plus mauvaise année depuis cinquante ans, après 1974 et 1993.
Ensuite, les crédits dont vous avez la responsabilité embrassent large, même s'ils étreignent peu. Il est très difficile dès lors d'en faire une analyse complète en quelques minutes. Je suis donc contraint de n'aborder que quelques points essentiels.
Enfin, ce budget n'opère qu'une traduction partielle des orientations et des actions concernant votre champ d'intervention. Il faut donc élargir notre propos et nos échanges au « hors budget ».
Dans le contexte économique et budgétaire que nous connaissons, quelle lecture faisons-nous de vos propositions ?
Il vous faut vraiment faire preuve d'ingéniosité et d'imagination pour affirmer que, là où il y a clairement moins, il y aura quand même plus... Les crédits de votre budget pour 2004 diminuent en effet de 36,6 % en autorisations de programme et de 0,38 % pour les dépenses ordinaires et les crédits de paiement. A structure constante et après diverses corrections, les crédits des agrégats « industrie » ont diminué de 110 millions d'euros, soit de 4,3 % depuis 2001. Ils avaient augmenté de 5 % entre 1997 et 2001.
Malgré ce recul regrettable, je note avec satisfaction que vous maintenez votre effort en faveur des écoles d'ingénieurs et des reconversions industrielles, qui ont fait leurs preuves.
Je veux néanmoins relever des évolutions particulièrement négatives : la diminution des crédits d'intervention de l'ANVAR, même si je n'ignore pas le rôle renforcé dévolu à l'agence ni les possibilités ouvertes par les avances remboursables ; la diminution des crédits relatifs aux actions en faveur des PMI dans le cadre des contrats de plan ; surtout, le sort désastreux réservé à l'agrégat 22, les dotations allouées à la recherche industrielle, à l'innovation et au développement des PMI étant en recul de 10,4 % pour les dépenses ordinaires et les crédits de paiement, et de 41 % pour les autorisations de programme.
Cet agrégat devrait, au contraire, connaître une croissance annuelle constante, la recherche et l'innovation, comme nous l'affirmons tous, étant la clé de la croissance de demain et des emplois de l'avenir.
Vous ne manquerez pas d'affirmer, madame la ministre, à l'instar des rapporteurs à l'Assemblée nationale et au Sénat, que cette amputation est compensée par de nouveaux instruments fiscaux et sociaux. Nous verrons à l'usage.
Si nous sommes prêts à accepter le renforcement du dispositif du crédit d'impôt-recherche, nous émettons des doutes sur l'efficacité du statut de « jeune entreprise innovante », les critères proposés apparaissant difficiles à réunir.
J'attirerai à mon tour votre attention, madame la ministre, sur le devenir des centres techniques informatiques, les CTI, et sur les comités professionnels de développement économique, les CPDE. Pouvez-vous nous apporter des garanties sur la pérennité de leur financement ?
En outre, quel sera le rôle des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, qui perdent mission après mission ?
Quelle est votre vision de leur avenir ?
Le hasard du calendrier a voulu que notre commission des affaires économiques organise, dans une même journée, l'audition de l'auteur d'un livre qui a déjà été cité et dont le contenu appelle à la réflexion - même lorsqu'on n'en partage pas toutes les analyses - et la présentation de votre budget par notre rapporteur pour avis. Ce fut une dure journée !
Nous avons été secoués par des affirmations comme celle-ci : « La base industrielle de la France est particulièrement affectée au point d'être en voie de liquidation avec des effectifs passés de 5,6 millions à 3,7 millions depuis 1975, en raison de la multiplication des faillites, d'une part, des délocalisations vers l'Asie et l'Europe centrale, d'autre part. »
Notre rapporteur pour avis relevait devant notre commission la perte de 90 000 emplois dans l'industrie en 2002, la suppression de 60 000 emplois pour le seul premier semestre 2003. Il consacre d'ailleurs à la désindustrialisation une intéressante partie de son rapport.
Daniel Raoul reviendra plus en détail sur ce sujet important. Je souhaite donc poser la question suivante : devant une telle saignée, quelle politique industrielle doit-on adopter pour notre pays et pour l'Europe ?
Les crédits du budget de l'industrie doivent avoir un effet de levier plus fort. A nos yeux, les choix retenus et les moyens consacrés ne règlent pas les problèmes du présent et ne préparent pas suffisamment l'avenir. C'est pourquoi nous émettrons un vote défavorable.
En ce qui concerne l'énergie, nous entrons dans une année qui sera chaude, puisque nous avons à nous prononcer sur des choix déterminants : le statut d'EDF et de GDF, le projet de loi d'orientation sur l'énergie.
Le Livre blanc sur les énergies a été récemment publié. Le débat est désormais ouvert et Jean Besson exprimera son point de vue à ce sujet.
Les partis politiques et les groupes parlementaires auront à se prononcer sur un vrai choix stratégique national. Quel calendrier prévisionnel de travail vous donnez-vous, madame la ministre ?
Par ailleurs, estimez-vous que le budget contraint de l'ADEME lui permettra de tenir ses engagements envers les collectivités locales et de poursuivre ses efforts pour promouvoir les énergies renouvelables ?
Je serai bref sur La Poste et les technologies de l'information et de la communication.
Les crédits se résument à quelques lignes, pour un total de 440 millions d'euros, dont 290 millions pour les aides à la presse. L'essentiel est ailleurs puisque le marché français des télécommunications représente 34 milliards d'euros, et le monde français du courrier 10 milliards d'euros.
J'exprime donc le regret que nous ne disposions pas des crédits suffisants pour assurer un contrôle public dans le domaine de La Poste et des télécommunications, en renforçant, par exemple, les missions de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, la CSSPPT. Je regrette, en outre, que les suggestions des parlementaires ne soient pas prises en compte dans le contrat de plan entre l'Etat et La Poste.
Madame la ministre, je m'interroge sur le réseau national de recherche en télécommunications ; qu'en est-il des crédits publics de recherche sur les télécommunications ? J'aimerais également savoir si le programme lancé en 1998 a fait l'objet d'une évaluation.
S'agissant de La Poste, nous vous donnons rendez-vous, nous en reparlerons dès le mois de janvier. Le contrat qui vient d'être approuvé présente de bonnes orientations, mais il souffre d'un manque de moyens et reporte de nombreuses mesures à demain.
Vous avez confié une mission à M. Henri Paul ; à quel moment vous présentera-t-il ses conclusions, une échéance ayant été fixée au 1er juillet 2004 ? Pour ce qui est de la modernisation du courrier, j'aimerais connaître précisément le montant des crédits d'investissement prévisionnels prévus par La Poste, des chiffres très divers circulant à ce sujet.
Enfin, plusieurs dates méritent d'être précisées sur les télécommunications. Quand allons-nous rediscuter du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique ? Quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de transposition du « paquet télécoms » ? Aurez-vous recours aux ordonnances ou choisirez-vous la voie législative ? Où en êtes-vous concernant le projet de loi annoncé sur la diffusion et l'appropriation des nouvelles technologies ?
Finalement, madame la ministre, qu'il s'agisse de l'industrie, de l'énergie, de La Poste ou des télécommunications, nous sommes confrontés à la même question : quel rôle l'Etat doit-il jouer ? C'est dans la réponse que nos divergences apparaissent. Nous voulons, en ce qui nous concerne, un Etat plus présent, plus ambitieux, plus volontaire, plus engagé et, de ce point de vue, votre projet de budget nous déçoit et ne peut recevoir notre approbation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. De manière liminaire, je souhaiterais aborder deux sujets qui méritent des éclaircissements : la gestion de l'après-mines, d'une part, et la décentralisation, d'autre part.
La gestion de l'après-mines est particulièrement sensible en Lorraine, où l'affaissement minier du 9 août dernier a montré l'importance de la réalisation rapide de la cartographie des risques miniers.
Vous avez annoncé, madame la ministre, une augmentation de crédits de 659 000 euros afin de ramener le délai d'élaboration de cette cartographie de douze à six ans. Pouvez-vous nous assurer que cette augmentation budgétaire est bien à la mesure de cet objectif ?
S'agissant de la décentralisation, je veux parler des grands oubliés de la loi, à savoir les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI. Vous avez consacré la région comme collectivité « tête de file » en matière de développement économique. Que deviennent les EPCI, auxquels leur statut attribue une compétence en matière de développement économique ? Or l'article 72 de la Constitution dispose qu'aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre. Je voudrais donc connaître la position du Gouvernement sur les rôles respectifs de la région et des EPCI concernant cette compétence.
L'industrie française connaît une situation particulièrement grave. Ce phénomène n'est pas nouveau concernant l'industrie lourde.
L'inquiétude grandit dans les secteurs touchés aujourd'hui par des vagues successives de délocalisations et de fermetures - les télécommunications, l'informatique, l'électronique.
Des bassins d'emplois entiers sont sinistrés dans nos régions et le Gouvernement ne peut se satisfaire d'un taux de chômage de 10 % à la fin de l'année 2003.
Pourtant, ne croyez pas que je me range parmi ceux qui voient la France en déclin : elle a des atouts, comme le soulignait l'un de nos collègues. La France est le deuxième pays d'accueil des investissements étrangers, le premier concernant l'attractivité du territoire. La France connaît également la deuxième productivité au monde. Sur trente ans, le PIB a cru de 73 % en France, contre 74 % aux USA. La France ne décline donc pas.
Néanmoins, la situation que nous connaissons aujourd'hui est très préoccupante. La mondialisation de l'économie met en concurrence les emplois des salariés peu qualifiés des pays occidentaux avec les bas salaires des pays en développement.
Le salut de notre industrie réside donc dans notre capacité à développer notre production à haute valeur ajoutée, la technologie de pointe et le service haut de gamme.
La rapidité des mutations technologiques nous impose d'appréhender l'effort d'innovation et de recherche comme la clé de voûte de notre développement économique futur. Nous serons compétitifs demain plus par la qualité que par le prix de production. Si la Chine peut devenir le premier atelier industriel du monde, elle ne maîtrise pas encore la totalité du processus industriel et reste soumise aux volontés des entreprises, qu'elles soient américaines ou européennes.
Certes, une part de l'innovation se trouve concentrée dans des gains de productivité. Néanmoins, le rapport des économistes Robert Boyer et Michel Didier consacré au lien entre innovation et croissance a montré de manière générale que plus le niveau d'innovation est élevé plus les entreprises exportatrices augmentent.
Dans ce secteur, c'est à la concurrence des pays développés que nous devons faire face. Nombreux sont ceux qui ont fait de l'investissement dans l'innovation et la recherche le coeur de leur politique industrielle : 2,82 % du PIB pour les Etats-Unis, 3 % pour le Japon, mais moins de 2 % pour l'Union européenne et 2,2 % pour la France.
C'est dans cette perspective que la France s'est fixé, avec l'ensemble des pays de l'Union européenne, l'objectif de hisser l'effort de recherche à 3 % du PIB. Belle perspective ! Encore faut-il se donner pleinement les moyens de son ambition.
Récemment, Daniel Garrigue a évoqué dans son rapport une situation « d'urgence », un « phénomène préoccupant » tant se creusent encore aujourd'hui les écarts dans les efforts de recherche entre les Etats-Unis et l'Union européenne, ils sont en augmentation respectivement de 3,5 % et de 1,9 % par an.
Notre collègue a raison. En réalité, en pariant sur une croissance moyenne de 2 % par an, il eût fallu augmenter le budget de la recherche de 7 % à 10 % par an pour respecter les promesses du candidat Jacques Chirac.
Pour autant, la volonté affichée du Gouvernement de promouvoir la recherche privée ne peut qu'être louée au regard, notamment, du constat selon lequel les PME européennes investissent jusqu'à huit fois moins en recherche-développement que les PME américaines, selon certaines études.
Mais, là où le bât blesse, c'est que le Gouvernement a clairement fait le choix de la recherche privée au détriment de la recherche publique. Or c'est précisément l'articulation, la complémentarité de la recherche publique et de la recherche privée qui offre les meilleurs résultats. Daniel Garrigue indique lui-même qu'une part de la solution réside dans le dépassement des clivages qui subsistent en France et en Europe entre recherche publique et privée. Loin d'un quelconque dépassement, le budget que vous proposez au pays, madame la ministre, renforce ce clivage.
Votre gouvernement asphyxie la recherche publique. C'est ainsi qu'en 2003 le budget supprimait déjà près de 150 postes de chercheurs au profit d'emplois précaires post-doctorat. Loin d'envisager leur remplacement, dès 2004, sur les 1 100 départs à la retraite prévus, seuls 550 postes seront pourvus de titulaires, les 550 autres ne se voyant attribués que des contrats précaires. Belle manière de garantir la pérennité de la recherche dans certains laboratoires !
De surcroît, de 2006 à 2012, de nombreux chercheurs vont partir à la retraite. Il faut prévoir leur remplacement. Pourtant, entre la précarisation des contrats de chercheurs et l'attractivité des filières scientifiques, toujours faible auprès des étudiants, l'avenir s'annonce mal.
Il faut donc trouver les moyens financiers et d'accueil de façon urgente, afin de stopper le brain drain.
C'est bien la recherche fondamentale qui se trouve fragilisée par le budget du Gouvernement.
C'est une erreur de vouloir opposer la recherche à l'innovation. Loin de les opposer, nous devons trouver des synergies entre innovation industrielle et recherche fondamentale. C'est toute la pertinence de la mise en place des fondations pour la recherche telles qu'elles ont été évoquées par nos collègues René Trégouët et Pierre Laffitte, ainsi que par le ministère de la recherche - dans des domaines comme la santé, les nanotechnologies, les sciences du vivant ou encore les ondes électromagnétiques. Elles permettent la mutualisation efficace et, pour reprendre une expression chère à notre collègue Pierre Laffitte, la « fertilisation croisée » des efforts publics et privés.
A cet égard, je souhaiterais que le Gouvernement nous dise quels moyens seront mis en place.
L'Union européenne doit de nouveau s'imaginer comme une réelle puissance industrielle face au bloc américain et au futur bloc asiatique. Qu'il s'agisse d'Ariane Espace ou d'Airbus, l'Europe a montré sa capacité à élaborer des projets industriels communs nécessitant des investissements considérables qui ne sont pas à la portée d'un seul pays. Ces pôles industriels ont su concurrencer la puissance américaine et le bloc asiatique. La seule initiative privée ne peut pas réunir l'énergie nécessaire à des projets d'une telle envergure. Il faut que les Etats et l'Union européenne servent de catalyseurs, sinon de porteurs de ces projets.
De telles initiatives demandent détermination et ténacité. Elles constituent une piste fondamentale du développement du tissu industriel européen, qui deviendra un tissu technologique et non plus un tissu de production, pour sauvegarder, par définition, l'emploi de chacun des pays de l'Union.
Madame la ministre, quelles sont les initiatives gouvernementales en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. Madame la ministre, l'examen du projet de budget concernant l'énergie s'inscrit, cette année, dans un contexte beaucoup plus structurant, puisque, dans quelques semaines, nous serons appelés à débattre de votre projet de loi d'orientation sur les énergies.
A cet égard, je me réjouis de la continuité de la politique française dans le secteur de l'énergie, notamment sur les deux points suivants, auxquels j'attache une importance particulière : la confirmation de l'option nucléaire, seule garante de notre indépendance énergétique et qui participe au respect du protocole de Kyoto, et l'affirmation du droit d'accès pour tous nos concitoyens à une énergie de qualité sur l'ensemble du territoire.
Avant d'intervenir sur ces deux sujets, permettez-moi de souligner le travail de qualité accompli par notre rapporteur pour avis, Roland Courteau.
S'agissant du nucléaire, vous connaissez, madame la ministre, mon engagement en faveur du réacteur nouvelle génération EPR. Je ne reviendrai pas sur ses principales innovations. Nous avons été nombreux, en effet, à intervenir sur ce sujet qui traverse tous les courants de pensée au sein même des organisations politiques de notre pays.
Le vieillissement du parc des centrales nucléaires françaises est une réalité que personne ne peut ignorer. Il ne faut pas entrer dans un débat qui consiste à opposer énergie nucléaire et énergie renouvelable.
Elu du département de la Drôme, je peux témoigner qu'en vallée du Rhône nous avons su faire cohabiter les énergies nucléaire, hydraulique, éolienne et solaire. Car si nous sommes favorables au nucléaire, nous n'en sommes pas moins convaincus qu'il faut développer parallèlement les énergies renouvelables, que l'Etat doit continuer à favoriser.
Mais nous n'avons pas le droit de laisser croire aux Français que l'on remplacera le nucléaire par les énergies renouvelables. Je propose très solennellement, madame la ministre, avec la présidente du conseil régional de Rhône-Alpes et le président du conseil général de la Drôme, que le réacteur nucléaire EPR soit construit dans notre région Rhône-Alpes. Toutes les conditions sont réunies : une forte volonté politique des élus locaux, une culture industrielle et un savoir-faire de haut niveau sur l'ensemble de la filière.
Non, la France n'est pas isolée dans son choix pour le nucléaire. On dénombre aujourd'hui trente-deux réacteurs nucléaires en construction dans le monde. Nous connaissons, madame la ministre, votre position courageuse sur le sujet, mais nous souhaiterions connaître aujourd'hui les intentions exactes du Gouvernement.
S'agissant des prérogatives de service public, leur affirmation est la contrepartie nécessaire et indispensable de la libéralisation des marchés. Les collectivités locales, concédantes des réseaux d'électricité et de gaz, en sont des garanties déterminées. La fédération nationale des collectivités concédantes et des régies a, bien évidemment, consacré l'essentiel des travaux de son récent congrès à cette question.
Compte tenu de la brièveté du temps de parole qui m'est imparti, je résumerai nos préoccupations en deux points.
Tout d'abord, il convient de garantir la qualité technique et environnementale des réseaux de distribution d'électricité. Il est impératif que soient publiés, au cours de la prochaine étape d'ouverture des marchés, et surtout avant l'ouverture éventuelle du capital des entreprises publiques, les décrets fixant les normes techniques et environnementales à respecter et déterminant les modalités de calcul des pénalités à imposer aux contrevenants.
Ensuite, il importe de réussir l'ouverture à la concurrence pour les petits consommateurs. A cet effet, il est indispensable que la loi instaure une procédure adaptée, simple et rassurante. Nous proposons que les fournisseurs soient obligés de respecter un code de bonne conduite fixé par les pouvoirs publics, dont l'application effective pourra être contrôlée par les collectivités locales compétentes.
Enfin, s'agissant de l'achat d'énergie pour les consommations propres des collectivités, je soulignerai la nécessité d'adapter le code des marchés publics pour faciliter l'achat groupé et instaurer plus de souplesse dans les définitions des quantités à acheter. Je vous remercie, madame la ministre, de l'attention que vous voudrez bien accorder aux préoccupations des collectivités concédantes, préoccupations qui sont aussi celles de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout particulièrement à vous remercier de la qualité de vos travaux et de la pertinence de vos réflexions. J'espère que les réponses que je vous apporterai vous démontreront, monsieur Clouet, que la ministre de l'industrie n'est pas atteinte du mal d'être. (Sourires.)
Comme je m'y étais engagée l'année dernière auprès de vous, j'ai souhaité, dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi organique sur les lois de finances, que le budget pour 2004 du ministère de l'industrie soit un budget recentré et modernisé.
Ce budget doit être modernisé dans le sens où les mesures de simplification et de plus grande transparence des circuits administratifs permettent de réduire de 0,33 % la dotation globale, tout en améliorant nos performances.
A titre d'exemple, j'ai demandé à l'inspection générale de l'industrie et du commerce un rapport exhaustif sur les crédits consacrés aux reconversions industrielles, soit 35 millions d'euros en 2003.
J'ai par ailleurs souhaité que tous les préfets en charge de bassins d'emplois fragilisés évaluent les résultats concrets des interventions du ministère en faveur du reclassement des salariés et de la réindustrialisation des sites. Comme vous avez pu le constater - puisque je vous les ai aussitôt communiqués -, les enseignements à tirer de ces investigations sont extrêmement intéressants.
Ainsi, huit mille emplois ont été créés chaque année sur la période 1996-2002 par les trois sociétés de conversion agissant pour le compte du ministère. Cela a permis d'aider, sur le moyen terme, la création d'un nombre d'emplois équivalant à celui qui a été supprimé dans les zones concernées.
Le taux de réalisation des objectifs de création d'emplois est de 80%. Le coût moyen par emploi créé, de l'ordre de 3 000 euros, est raisonnable et maîtrisé.
Sur la base de ces résultats concrets, précis et chiffrés, je vous demande la reconduction, en 2004, de ces crédits, soit 35 millions d'euros.
Par ailleurs, nos décisions en matière de réforme du ministère sont lourdes et importantes : fusion de deux des quatres directions d'administration centrale, avec réduction des effectifs ; externalisation de la mission de contrôle technique des poids lourds, entraînant la suppression, à terme, de 700 emplois en administration territoriale.
C'est avec ce même souci d'efficacité que j'ai voulu recentrer mon budget autour de trois priorités : faire face aux défis du présent, disposer d'une énergie propre, sûre et compétitive, préparer l'avenir.
Tout d'abord, pour relever les défis du présent, il faut accompagner les mutations industrielles, aider à la reconversion des salariés et à la réindustrialisation des bassins d'emplois fragilisés. La France ne saurait, en effet, se résigner à la désindustrialisation. Je me félicite d'ailleurs que votre commission des affaires économiques ait décidé de constituer un groupe de travail pour étudier toutes les implications de ces phénomènes sur notre économie.
Comme l'ont très bien dit MM. les rapporteurs Jean Clouet et Francis Grignon, ainsi que M. Christian Gaudin, en volume, l'activité industrielle de notre pays connaît une croissance aussi rapide que celle des services.
En réponse aux différentes questions posées par MM. Grignon, Gaudin, Trémel et Raoul, je puis vous dire que cette question de la désindustrialisation est complexe et qu'elle retient toute mon attention.
Je crois en la mise en oeuvre d'un dialogue partenarial et en la concertation pour bâtir, secteur par secteur, en fonction de leur spécificité propre, une vision partagée de l'avenir et de la stratégie industrielle à mettre en oeuvre.
Pour reprendre le secteur du textile, évoqué par M. Grignon, compte tenu de l'urgence des enjeux, nous avons pris les choses à bras-le-corps. J'ai donc réuni les industriels des biens d'équipement de la personne le 25 novembre dernier ; nous avons mis au point une feuille de route, que j'ai ensuite défendue, le 27 novembre, au Conseil européen.
Les avancées sont déjà significatives et la Commission devra proposer, avant la fin du mois de juillet 2004, les premières initiatives concrètes d'un plan d'action européen dans ce domaine.
Le rôle de l'Etat est aussi de libérer et de conforter le dynamisme de nos entreprises industrielles : le meilleur remède à la désindustrialisation, c'est bien la création de nouvelles activités industrielles, comme l'a très bien dit M. Christian Gaudin.
Nous menons donc une action de fond, afin de faciliter la création d'entreprises et de renforcer notre compétitivité.
C'est l'objet de la loi pour l'initiative économique, qui porte déjà ses fruits puisque les chiffres de la création d'entreprises sont repartis à la hausse depuis la rentrée 2002, après plus de deux ans de baisse régulière.
C'est aussi l'objet du plan en faveur de l'innovation, dont l'objectif est clair : encourager l'innovation, dont dépendra demain la moitié de notre croissance ; j'y reviendrai dans quelques instants.
Pour être efficaces, nous couplons cette action avec une initiative au niveau européen. Nous défendons, avec nos partenaires allemands, une démarche active pour renforcer l'investissement dans de grands projets de recherche et de développement dans des secteurs de pointe, comme les semi-conducteurs, les télécommunications, les logiciels et les biotechnologies.
Ainsi, une véritable politique industrielle européenne, que j'avais appelée de mes voeux, est en train d'émerger : elle considère la concurrence de l'Union avec le reste du monde, et pas seulement la concurrence des pays européens entre eux.
C'est pourquoi, malgré des contraintes budgétaires fortes, les crédits du ministère de l'industrie destinés à aider les entreprises à faire face aux évolutions de l'activité industrielle et à assumer les conséquences de la fermeture des sites miniers progresseront de 0,8 % en 2004.
En réponse aux questions de M. Raoul sur l'après-mines, je préciserai deux points. Tout d'abord, conformément aux engagements que j'avais pris à la suite de la survenance d'un fontis minier en août dernier dans la commune d'Ottange, en Moselle, le programme d'étude de risque mené par GEODERIS sera accéléré, afin de ramener de douze ans à six ans les délais d'investigation sur les risques de fontis en Lorraine.
Ensuite, pour traduire en actes cette priorité d'action, j'ai décidé que les moyens de GEODERIS seraient portés à 2,7 millions d'euros en 2004, contre 2 millions d'euros en 2003.
Le deuxième objectif consiste à disposer d'une énergie propre, sûre et compétitive.
Comme l'ont rappelé MM. Courteau et Besson, nous sommes en train de tirer les conclusions du grand débat national sur les énergies, qui s'est déroulé tout au long du premier semestre.
Naturellement, nous intégrons dans cette réflexion les conséquences de la canicule de cet été. A cet égard, je voudrais souligner que le dispositif énergétique français, sur les plans tant technique qu'administratif et politique, a correctement fonctionné : nous avons pu fournir à tout moment la quantité d'électricité dont les citoyens de ce pays avait besoin.
Actuellement, je prépare le projet de loi d'orientation sur les énergies, qui déterminera le cadre énergétique de notre pays pour les vingt à trente ans à venir ; je le présenterai au début de l'année prochaine au conseil des ministres. A ce stade, les principales orientations portent sur la maîtrise de l'énergie, la diversification du bouquet énergétique par le développement des efforts dans le domaine de la recherche et de l'innovation technologique.
Le projet de budget pour 2004 s'inscrit dans ces perspectives, qu'il s'agisse de la contribution de mon ministère aux subventions au Commissariat à l'énergie atomique ou à l'Institut français du pétrole, ou encore à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
Pour répondre plus particulièrement à MM. Courteau et Besson sur la question du Livre blanc sur les énergies et sur EPR, j'indique que le Gouvernement souhaite que l'option nucléaire reste ouverte, afin de disposer de toutes les technologies possibles en 2004 lorsque nous aurons à choisir de renouveler ou non le parc nucléaire dans de bonnes conditions à l'horizon 2020.
C'est la raison pour laquelle nous proposons, dans le cadre du Livre blanc sur les énergies, la construction d'un démonstrateur EPR, reprenant ainsi les conclusions du rapport Birraux-Bataille, largement soutenues par nombre d'entre vous.
En ce qui concerne l'effet de la libéralisation sur les prix, je puis vous dire, monsieur Courteau, que la montée récente des prix de l'électricité n'est pas une conséquence de la libéralisation. Elle résulte simplement de la conjonction d'une situation de court terme créée par la canicule et d'une tendance de long terme qui veut que le nécessaire renouvellement du parc de production européen s'accompagne d'une augmentation de prix.
Pour ce qui est des limites de la contribution au service public de l'électricité, je puis vous dire, monsieur le rapporteur pour avis, que les charges de service public sont en cours d'évaluation et que c'est sur cette base que le Gouvernement pourra apprécier si un relèvement du plafond est nécessaire ou non.
En réponse à M. Philippe François, je confirme que le Gouvernement est favorable au développement de toutes - je dis bien : « toutes » - les énergies renouvelables, pour des raisons de lutte contre le changement climatique et de développement des productions nationales.
Nous savons bien que la plupart de ces énergies ne sont pas compétitives et doivent donc être subventionnées. Aussi avons-nous prévu un mécanisme d'obligation de rachat de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables pour les projets d'une puissance inférieure à douze mégawatts. Les prix de rachat fixés en France sont comparables à ceux qui sont déterminés dans les autres pays.
Pour les projets d'une puissance plus élevée, où les économies d'échelle peuvent être importantes, le Gouvernement a par ailleurs prévu un mécanisme d'appel d'offres, qui incite les producteurs à proposer des prix inférieurs aux tarifs de l'obligation d'achat. Je rappelle, enfin, que le surcoût lié à l'obligation d'achat est réparti entre l'ensemble des producteurs, quel que soit le statut de ladite entreprise. Cela n'est donc pas lié au caractère public d'EDF.
En ce qui concerne l'énergie éolienne, il convient que tous les obstacles administratifs soient levés. C'est la raison pour laquelle nous avons adressé récemment aux préfets une circulaire sur ce sujet. Pour autant, il serait démagogique de rejeter uniquement la responsabilité sur l'administration : si les procédures sont longues, c'est que l'énergie éolienne ne rencontre pas toujours l'adhésion des populations locales et des élus concernés. Faut-il le regretter si cela peut permettre une meilleure acceptation des projets ? Je ne le crois pas !
Enfin, s'agissant de la reprise de la dette de Charbonnage de France, monsieur Clouet, cette société étant amenée à arrêter sa production en 2004, sa politique de refinancement pourrait effectivement être reprise par l'Etat. Ce sujet fait actuellement l'objet d'une étude par les services du ministère, notamment quant à ses aspects juridiques et budgétaires.
Le troisième objectif est de préparer l'avenir.
Nous le préparons d'abord par la formation. Le ministère de l'industrie mène une politique active de formation des ingénieurs, techniciens et cadres, directement à travers les écoles des mines et celles des télécommunications, et indirectement à travers toutes les écoles des chambres de commerce et d'industrie.
Il s'agit de miser sur la valeur ajoutée de l'intelligence, atout majeur de notre pays dans la compétition mondiale. Plus de 209 millions d'euros seront consacrés l'an prochain à cette action, soit une hausse de 4,71 % par rapport à 2003.
J'ai également souhaité donner une dimension européenne à notre politique de formation en favorisant le regroupement d'établissements d'enseignement supérieur installés dans différents pays européens. En s'inspirant du modèle Airbus, il s'agit d'offrir aux étudiants un cursus intégrant des enseignements dispensés, par exemple, la première année en Allemagne, la deuxième année en Grande-Bretagne et la dernière année en France, sur la base d'un programme pédagogique commun. Le premier de ces « Airbus universitaire » a été conclu tout récemment entre l'université de Mannheim et l'ESSEC.
MM. Grignon et Trémel ont évoqué, à juste titre, le devenir du financement des centres techniques industriels. Notre préoccupation première a été de maintenir le financement collectif de ces organismes, utiles à la cohérence et à la mutualisation des secteurs industriels.
L'article 32 du projet de loi de finances rectificative manifeste notre volonté de mettre en oeuvre une vraie relation partenariale, fondée sur la revitalisation du dialogue et de la concertation. Il prévoit la création d'impositions affectées pour les centres techniques de l'industrie et les comités professionnels de développement économique qui l'ont demandé.
Nous préparons aussi l'avenir en encourageant l'innovation et la recherche industrielle. Comme l'a si justement souligné M. Othily, au nom de M. Laffitte, c'est notre première priorité, car seule une politique ambitieuse de soutien public à l'innovation et à la recherche industrielle nous permettra de maintenir et de renforcer notre avantage comparatif, et donc notre rang de cinquième puissance industrielle mondiale.
C'est en encourageant ces investissements qui préparent l'avenir que nous luttons efficacement contre la désindustrialisation.
A cet égard, le budget pour 2004 connaîtra deux évolutions importantes.
La première consiste dans la clarification de l'usage des crédits consacrés à la recherche industrielle. J'ai en effet décidé de créer un nouveau chapitre budgétaire, intitulé « Recherche industrielle, innovation et compétitivité des entreprises », qui regroupe l'ensemble des crédits contribuant au financement des programmes de recherche industrielle stratégique.
Si l'on ajoute à ces crédits budgétaires du ministère de l'industrie les autres sources de financement public - fonds pour la recherche technologique du ministère de la recherche et fonds de concours gérés par l'ANVAR -, le soutien public sous forme d'aides financières s'élèvera en 2004 à près de 500 millions d'euros.
La seconde évolution consiste dans la décentralisation du programme ATOUT d'aide aux PME-PMI. Ce dispositif a fait ses preuves, mais il relève de l'aide aux entreprises, qui, en application des principes de la décentralisation, sera désormais exercée par les conseils régionaux. Ce type de soutien pourra ainsi être initié, financé et décidé au plus près du terrain.
Par ailleurs, l'ANVAR jouera un rôle accru d'animateur de réseau au niveau régional, comme l'ont souhaité les publics concernés lors de la consultation nationale que nous avions engagée sur l'innovation.
Toutefois, notre action en faveur de l'innovation et de la recherche industrielle ne se limite pas à ces seuls crédits budgétaires. Le projet de loi de finances crée également deux outils fiscaux originaux et réforme en profondeur le crédit d'impôt recherche : c'est la mise en oeuvre législative du plan « innovation » que j'ai lancé en début d'année et qui entrera en application, après que le Parlement l'aura définitivement voté, le 1er janvier 2004.
Le premier outil consiste en la mise en place d'un véritable cadre juridique et fiscal qui nous permettra de multiplier le nombre des investisseurs providentiels, ou business angels. Son coût est estimé à 100 millions d'euros. Le second prend la forme d'une exonération de charges sociales et fiscales pour les jeunes entreprises innovantes. Son coût est estimé à 25 millions d'euros par an.
Enfin, le régime du crédit d'impôt recherche est profondément modernisé et renforcé grâce à l'élargissement des dépenses éligibles - un exemple en serait la meilleure prise en compte des frais liés au dépôt et à la défense des brevets - et surtout grâce à l'intégration d'un critère lié au volume de recherche et de développement réalisé par l'entreprise et non pas simplement, comme c'est le cas actuellement, à son accroissement d'une année sur l'autre.
Ces mesures permettront de tripler le nombre d'entreprises qui pourront bénéficier de cet instrument, et donc de multiplier les programmes de recherche qui pourront être financés. En année pleine, le coût fiscal de ce nouveau dispositif est estimé à près de 850 millions d'euros, qu'il faut comparer aux 500 millions d'euros du dispositif précédent.
Ainsi, par la modernisation de notre système d'aide et par le renforcement très significatif de l'outil fiscal, c'est près de 1,4 milliard d'euros que le Gouvernement consacrera l'an prochain à la stimulation de l'innovation et de la recherche industrielle dans les entreprises.
Cette contribution majeure à l'accroissement de nos savoir-faire et à la valeur ajoutée de nos industries et de nos services nous permettra de tirer le meilleur parti de la reprise économique et formera la base d'une croissance durable.
Nous préparons l'avenir, enfin, en modernisant nos grands services publics.
S'agissant de La Poste, et plus précisément de la régulation des marchés postaux, monsieur Hérisson, après le contrat de plan que nous venons de finaliser, le projet de loi relatif à la régulation des activités postales, que le Sénat examinera à la fin du mois de janvier 2004, marquera une nouvelle étape de la modernisation et de l'adaptation de l'entreprise La Poste au nouveau contexte de compétitivité auquel elle doit faire face.
Il s'agit de concilier le plus harmonieusement possible l'ouverture progressive du secteur postal à la concurrence et le respect par La Poste du service universel postal.
Le régulateur sera indépendant, à l'instar de ce qu'ont déjà réalisé onze pays en Europe. Conformément à ce qui a été mis en oeuvre dans huit pays européens, et afin qu'il soit opérationnel le plus rapidement possible, nous avons choisi d'élargir au secteur postal le champ de compétences de l'Autorité de régulation des télécommunications, l'ART, et de mettre en place au sein de ce qui s'appellera l'« autorité de régulation des télécommunications et des postes », la future ARTP, un service dédié aux activités postales.
Le régulateur aura pour mission de s'assurer de la bonne fourniture par La Poste du service universel, en particulier dans le domaine de la qualité de service. Il sera aussi chargé de garantir la pérennité du service universel en veillant à son financement.
Pour permettre au régulateur d'exercer les nouvelles missions que la loi sur la régulation postale lui confiera, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit de renforcer les moyens de l'ART dès 2004. Il s'agit d'une première étape, qui a vocation à être renouvelée en 2005. Il appartiendra au président de l'ARTP, le moment venu, de faire des propositions en ce sens.
S'agissant des tarifs du courrier, monsieur Hérisson, le contrat de plan que nous venons de finaliser avec le président de La Poste, M. Bailly, fait clairement état de la volonté de donner à cet établissement une position tarifaire comparable à celle des principaux opérateurs européens. Le contrat de plan indique également que les tarifs du service universel n'augmenteront pas plus que les prix durant la période 1998-2007.
En février 2003, le Gouvernement a accepté la demande de La Poste de porter le prix du timbre de 0,46 euro à 0,50 euro, ce qui nous situe dans la moyenne des pays européens. L'objectif de cette hausse est de financer l'ambitieux plan de modernisation du courrier.
Monsieur Trémel, les deux estimations financières que vous avez citées au sujet du plan de modernisation de La Poste sont exactes : ce sont bien 1 milliard d'euros qui seront consacrés, en quatre ans, aux investissements du courrier, et 3,4 milliards d'euros pour toutes les activités de La Poste en six ans.
Enfin, je souhaite vous rassurer, monsieur Trémel, quant à la pérennité du Réseau national de recherche en télécommunications, le RNRT. Ce réseau a été relancé en 2003, avec pour objectif le renforcement de la compétitivité de l'industrie française des télécommunications.
Le RNRT permet de structurer durablement le secteur de la recherche en matière de télécommunications en créant un tissu de relations entre des acteurs diversifiés, relations qui, il faut bien le dire, étaient jusqu'à présent largement inexistantes.
Un effort particulier a été engagé en 2003 et sera poursuivi en 2004 en faveur des PME, pour lesquelles une action de sensibilisation est entreprise. Si leur présence s'est renforcée, elles sont encore trop peu nombreuses à être à l'initiative de projets. L'articulation avec les actions régionales, notamment en Bretagne, sera aussi privilégiée.
En réponse à M. Othily, qui s'exprimait également au nom de M. Laffitte, je rappellerai que le développement de la formation et de la sensibilisation à la propriété industrielle constitue une priorité forte de l'action du Gouvernement. C'est pourquoi j'ai décidé la création d'un centre de formation à Strasbourg. D'autres devraient suivre, si j'en juge par la qualité des propositions que j'ai reçues.
En ce qui concerne le brevet communautaire, un accord pourrait intervenir dans les prochains jours sur la base du compromis qui a été négocié à Bruxelles lors du dernier Conseil des ministres européens de la compétitivité, le 27 novembre dernier.
Sur la seconde question que vous avez soulevée, monsieur Othily, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire que j'attachais une grande importance à l'approvisionnement en électricité de l'ensemble de la population française, aussi bien sur le territoire métropolitain que dans les départements d'outre-mer. Je me félicite à cet égard des contacts que EDF a eus avec les élus locaux, parmi lesquels mon collègue Léon Bertrand, afin de trouver les meilleures solutions à ce problème. Mes services sont également en contact étroit avec les services compétents de EDF, et une mission du ministère se rendra sur place au début de 2004.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez, le projet de budget de l'industrie est adapté aux nécessités - et aux contraintes, serais-je tentée de dire - du présent, tout en préparant l'avenir. C'est pourquoi je vous demande votre soutien, dont je vous remercie par avance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je remercie Mme Nicole Fontaine de la précision de ses réponses, qui apaiseront sans doute les inquiétudes qu'ont pu exprimer les sénateurs qui sont intervenus à propos du budget de l'industrie.
C'est vrai, nous devons, les uns et les autres, proclamer que la désindustrialisation et la détertiarisation ne constituent pas une fatalité. Nous devons prendre la mesure de ces risques et susciter, tant à l'échelon européen qu'à l'échelon national, les réponses appropriées, qui, sans doute, passent notamment par la réforme de la fiscalité et par l'allégement des charges sociales.
Naturellement, madame la ministre, la commission des finances vous apportera son soutien.
Je me permettrai cependant d'évoquer l'endettement de Charbonnages de France.
La dette de cet établissement s'élève approximativement à 4,5 milliards d'euros. J'avais constaté l'an passé que le différentiel d'intérêts entre les titres émis par l'Etat et les emprunts de Charbonnages de France représentait 300 points de base, c'est-à-dire 3 %, ce qui représente un supplément d'intérêts d'environ 135 millions d'euros par an.
Alors que l'Etat a vocation à reprendre l'endettement de Charbonnages de France, les banques prêtent à cette entreprise comme si elles ne savaient pas que l'Etat apportait, de fait, sa garantie. Or je suis persuadé que les prêteurs n'ont aucun doute sur l'issue de ces prêts ! Il s'agit donc là d'une forme de subvention aux prêteurs, au détriment des finances publiques.
Je me permets donc d'insister sur ce point, madame la ministre, et de souhaiter solennellement que votre ministère y mette bon ordre, car ce supplément de charges attaché à la dette de Charbonnages de France représentera chaque année, lorsque l'Etat la reprendra, un supplément d'intérêts de 130 millions ou 135 millions d'euros.
Je vous remercie, madame la ministre, de la suite que vous voudrez bien réserver à cette supplique, que je vous avais déjà adressée voilà un an. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'industrie seront mis aux voix aujourd'hui même, à la fin de l'examen des crédits affectés au commerce extérieur.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 38 779 003 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 34 020 317 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 521 030 000 euros ;
« Crédits de paiement : 137 184 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 846 253 000 euros ;
« Crédits de paiement : 181 526 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
J'appelle en discussion l'article 76 bis, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à l'industrie.