PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
Economie, finances et industrie (suite)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, ce matin, le Sénat a entamé l'examen des crédits concernant les charges communes et figurant au titre III.
Il en est parvenu aux explications de vote sur l'amendement n° II-8 rectifié, présenté par MM. Fréville et Braun, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
« Titre III : moins 592 234 960 euros.
« Augmenter cette réduction de 5 000 000 d'euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 597 234 960 euros.»
La parole est à M. Simon Loueckhote, pour explication de vote.
M. Simon Loueckhote. J'ai beaucoup apprécié les observations formulées tout à l'heure tant par M. le président de la commission des finances que par M. le rapporteur général sur la justification que j'ai tenté de donner d'un éventuel retrait de l'amendement n° II-8 rectifié. J'aurais cependant préféré que la commission décide d'accepter ma suggestion !
Quoi qu'il en soit, l'adoption de cet amendement entraînerait un certain nombre d'injustices. Je pense notamment ici au cas de certains ressortissants de l'outre-mer qui travaillent aujourd'hui en métropole et qui, demain, quand ils prendront leur retraite, seront pénalisés à leur retour dans leur collectivité d'origine parce que, malheureusement, ils ne pourront peut-être pas justifier de cinq années de présence effective outre-mer auparavant.
En outre, je continue de penser également que, au-delà de notre volonté de moraliser les choses et de lutter contre les abus, nous n'avons pas suffisamment apprécié l'incidence de la mesure présentée sur l'économie outre-mer, particulièrement en Polynésie française.
Ainsi, notre collègue Gaston Flosse nous expliquait récemment que si, en Polynésie française, l'économie est fondée principalement sur le tourisme, il fallait aussi prendre en compte l'apport des retraités qui vivent sur place et qui participent à l'animation économique, notamment en consommant et en achetant.
Pour ces raisons, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, je maintiens ma demande de retrait de l'amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voudrais saluer, une fois encore, la lucidité et le courage de notre collègue Simon Loueckhote. Malheureusement, il me sera difficile d'exaucer son souhait en retirant l'amendement.
Toutefois, si le Sénat adopte ce dernier, je m'engage à ce que nous trouvions en commission mixte paritaire une rédaction répondant mieux aux préoccupations que M. Loueckhote a exprimées.
Cela m'amène à aborder par anticipation la présentation de l'amendement n° II-7 rectifié. Celui-ci est d'ailleurs lié à l'amendement n° II-8 rectifié, comme l'a souligné ce matin Mme la ministre.
L'amendement n° II-8 rectifié prévoit que, « dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi de finances, un décret précise que l'indemnité temporaire prévue aux décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954 est réservée aux agents mentionnés dans les décrets précités en poste dans une des collectivités concernées pendant les cinq dernières années qui précèdent la liquidation de leur retraite ».
Or il se pourrait fort bien qu'un agent fonctionnaire dans l'une des collectivités visées soit nommé en métropole quelque temps avant son départ à la retraite et perde ainsi le bénéfice de l'indemnité temporaire lorsque celui-ci intervient. Afin de prévenir une telle situation, je propose donc de rectifier l'amendement, pour prévoir que les agents visés devront avoir servi pendant au moins vingt ans dans l'une des collectivités concernées. Une telle rédaction me semble de nature à apaiser vos craintes légitimes, monsieur Loueckhote.
Sous le bénéfice de cette précision, je demande au Sénat d'adopter l'amendement n° II-8 rectifié, puis, en conséquence, de réserver le même sort à l'amendement que je viens d'évoquer.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Cette intervention vaudra à la fois pour les amendements n°s II-7 rectifié et II-8 rectifié.
Le débat qui nous occupe n'est pas nouveau, comme l'a rappelé ce matin M. le président de la commission des finances. Nous pouvons effectivement reconnaître une certaine constance aux auteurs de l'amendement, puisque ce n'est pas la première fois qu'une telle proposition est formulée.
Ainsi, la question des majorations de pensions pour les fonctionnaires résidant outre-mer avait déjà été soulevée lors de la discussion de la loi de programme pour l'outre-mer, par le biais d'un amendement similaire à celui que la commission des finances a déposé, qui serait la traduction d'une recommandation quasi impérative de la Cour des comptes.
Cela étant, pourquoi les fonctionnaires d'origine métropolitaine jouissent-ils, outre-mer, d'une majoration de pension en vertu de décrets datant des années cinquante ? Essentiellement parce que la vie outre-mer est chère, compte tenu de multiples paramètres. C'est bel et bien pour cette raison précise que la majoration des pensions des fonctionnaires résidant outre-mer a été décrétée en 1952.
La situation a-t-elle évolué depuis ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on est fort loin d'avoir constaté une réduction de l'écart avec la métropole en termes de coût de la vie. L'ensemble de la situation salariale et statutaire de la fonction publique outre-mer mériterait même, de notre point de vue, de faire l'objet d'autres dispositions que la suppression des décrets de 1952.
En effet, les conditions économiques générales prévalant outre-mer ont une telle incidence sur la formation des prix que de très nombreux produits, y compris de consommation courante, y sont très nettement plus chers qu'en métropole, en dépit de la réfaction des taux de TVA.
Il faudrait en fait se demander comment adapter les niveaux des rémunérations et des pensions à cette situation économique spécifique. Celle-ci impose manifestement qu'il soit procédé à un rattrapage en faveur de l'ensemble des fonctionnaires résidant outre-mer, qu'ils soient ou non originaires de métropole, afin de prévenir la fragilisation de l'économie. D'autres solutions que celles qui sont préconisées au travers des amendements n°s II-8 rectifié et II-7 rectifié doivent être envisagées.
Pour être plus claire encore, je dirai que, si le droit parlementaire s'y prêtait, nous aurions probablement proposé un tel rattrapage dans le cadre du projet de loi de finances.
La disparition programmée des majorations de pensions ne mettra fin ni à la vie chère outre-mer ni aux disparités de traitements entre fonctionnaires. Comme vient de le souligner notre collègue Simon Loueckhote, elle risque au contraire de créer de nouvelles injustices.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous voterons contre les amendements qui nous sont proposés.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je suis sensible aux arguments qui ont été avancés par M. le président de la commission des finances et par M. le rapporteur général. Sur le fond, on ne peut pas repousser des considérations de justice.
Pour autant, les craintes qui ont été évoquées de voir apparaître de nouvelles inégalités nous troublent quelque peu. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.
Je voudrais revenir sur l'amendement « TVA ». Il s'agit bien du remboursement réel d'une TVA virtuelle.
Mme Odette Terrade. Effectivement !
M. Daniel Raoul. La Fédération des entreprises des départements d'outre-mer, la FEDOM, que j'ai rencontrée, n'est pas hostile à un toilettage, à condition que les fonds servent bien au développement économique des départements et territoires d'outre-mer. Il conviendra d'être clair sur ce point. Il faut non pas agir par le biais de « petits » amendements, mais procéder à une analyse au fond.
A ce stade, compte tenu des explications fournies par M. Arthuis, nous nous abstiendrons. Nous verrons ce qui résultera des travaux de la commission mixte paritaire. Pour ma part, je redoute la création de nouvelles inégalités.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-8 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 104
:
Nombre de votants | 301 |
Nombre de suffrages exprimés | 189 |
Majorité absolue des suffrages | 95 |
Pour | 181 |
Contre | 8 |
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 688 683 500 euros. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur les crédits du titre IV.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, à l'occasion de l'examen du titre IV du budget des charges communes, je souhaiterais revenir sur la ligne budgétaire relative au financement du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, par l'Etat au titre d'employeur.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 qui a crée ce fonds stipule qu'il est financé par une contribution de l'Etat et par une contribution de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, AT-MP.
Ce sont donc non seulement les employeurs du secteur privé mais également l'Etat qui financent le FIVA, instauré pour indemniser de façon intégrale les préjudices subis par les victimes de l'amiante.
Par cet abondement, l'Etat, à l'instar du secteur privé, a reconnu qu'il peut être directement responsable de la contamination de ses agents, tant dans la fonction publique nationale que dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière, ainsi que pour les ouvriers de l'Etat et les salariés des entreprises nationales.
Lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, nous avions notamment insisté sur la nécessité d'inscrire dans la loi une clé de répartition chiffrée des contributions annuelles de la branche AT-MP et de l'Etat au financement du FIVA.
La ministre des affaires sociales de l'époque avait affirmé que l'Etat en sa qualité d'employeur financerait un tiers du FIVA, mais avait refusé que cette proportion figure explicitement dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Le budget des charges communes pour 2004 nous montre malheureusement à quel point nous avions raison d'exiger cette référence dans la loi. En effet, l'Etat, pour l'année 2004, n'apporte tout simplement aucune contribution au FIVA ! Cette absence de financement soulève quelques questions essentielles.
Au total, l'abondement du FIVA par la branche AT-MP pour 2004 est de 100 millions d'euros, contre 190 millions d'euros en 2003.
Je note cependant qu'au 31 août 2003 le nombre de dossiers reçus par le FIVA s'élevait à 7 991, et que le rythme de dépôt de nouveaux dossiers était, en septembre et en octobre, de 550 à 600 par mois. Sachant qu'au 31 mai 2003 le rapport annuel du FIVA indiquait un montant moyen d'indemnisation, toutes pathologies confondues, de 50 763 euros par dossier, le calcul est simple. Pour les seuls dossiers déposés au 31 décembre 2003, soit environ 10 000 demandes, 500 millions d'euros seront nécessaires. Restera ensuite à indemniser, dans un délai de six mois après leur dépôt, les dossiers déposés au FIVA en 2004 : vous voyez donc bien que les réserves seront vite épuisées.
Si les réserves du FIVA devraient suffire, au vu du rythme de progression des nouveaux dossiers, à indemniser les victimes et leurs ayants droit en 2004, quelles garanties auront-ils pour 2005, lorsque le fonds aura largement puisé dans ses réserves ?
Cette gestion à vue est-elle, madame la ministre, de nature à assurer la pérennité de la réparation intégrale du préjudice subi par les victimes de l'amiante et leurs familles ?
De plus, comme l'indique le rapport d'activité du FIVA pour la période de juillet 2002 à juin 2003, « les fonds cumulés alloués au FIVA au titre des années 2001, 2002 et 2003 s'élèvent à 886 millions d'euros, dont 78 millions versés par l'Etat » : nous sommes bien loin du tiers initialement prévu. La contribution de l'Etat à hauteur du tiers doit être respectée.
Même si les réserves du FIVA sont suffisantes pour assurer l'indemnisation des victimes et des ayants droit en 2004, la contribution de la branche AT-MP pour 2004, certes baissée à 100 millions d'euros, montre tout de même que la continuité de financement du fonds est nécessaire.
Les barèmes votés en janvier dernier par le FIVA sont déjà bien en deçà des attentes et des besoins des victimes.
La prochaine étape, dans cette dégradation des objectifs initiaux du FIVA, serait-elle le désengagement financier progressif de l'Etat et la baisse répétée de la contribution de la branche AT-MP ?
Cette façon de procéder est dangereuse et suscite déjà la colère et l'incompréhension des victimes.
En toute objectivité, nous avons bien entendu, au cours du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, le ministre confirmer l'engagement de l'Etat d'abonder le fonds si ses réserves se révélaient insuffisantes. Nous serons vigilants à cet égard. Les victimes et leurs familles seront, quant à elles, particulièrement attentives à la préservation de la réparation intégrale pour toutes les victimes de l'amiante.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Madame Beaudeau, la trésorerie du FIVA est largement suffisante pour les besoins de 2004. Il va de soi que les crédits nécessaires seront apportés dès que les réserves seront épuisées.
M. le président. L'amendement n° II-9, présenté par M. Fréville au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Augmenter la réduction des crédits du titre IV de 2 300 000 euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 690 983 500 euros. »
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation pour les charges communes. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
Lors de l'examen de la première partie du présent projet de loi de finances, nous avons transféré dans les prélèvements de l'Etat la compensation par l'Etat aux départements des réductions des taux de taxe de publicité foncière et de droits d'enregistrement en faveur des jeunes agriculteurs. Il est, bien sûr, logique de supprimer dans le budget des charges communes les crédits qui ont été rétablis en première partie dans l'état A.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Favorable. Il s'agit d'une disposition technique.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-9.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV, modifiés.
Mme Odette Terrade. Le groupe CRC vote contre.
M. Daniel Raoul. Le groupe socialiste s'abstient.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 151 000 000 euros ; « Crédits de paiement : 18 000 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
Mme Odette Terrade. Le groupe CRC vote contre.
M. Daniel Raoul. Le groupe socialiste s'abstient.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 74 bis, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés aux charges communes, ainsi que l'amendement n° II-7 rectifié de la commission des finances, tendant à insérer un article additionnel après l'article 74 bis.
Charges communes
Le huitième alinéa de l'article L. 421-1 du code des assurances est ainsi rédigé :
« Le fonds de garantie est également chargé de gérer et de financer, à compter de l'exercice 2003 les majorations de rentes prévues à l'article 1er de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974 relative à la revalorisation de certaines rentes allouées en réparation du préjudice causé par un véhicule terrestre à moteur et à l'article 1er de la loi n° 51-695 du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères, au titre des états justificatifs certifiés. Les créances relatives aux majorations de rentes visées au présent alinéa se prescrivent dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Le fonds peut contrôler sur pièces et sur place l'exactitude des renseignements fournis par les organismes débirentiers. » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 74 bis
M. le président. L'amendement n° II-7 rectifié, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 74 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi de finances, un décret précise que l'indemnité temporaire prévue aux décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954 est réservée aux agents mentionnés dans les décrets précités en poste dans une des collectivités concernées pendant les cinq dernières années qui précèdent la liquidation de leur retraite.
« Ces dispositions ne s'appliqueront qu'aux personnes percevant leur pension à compter de la date de promulgation de la présente loi de finances. »
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'ai déjà eu l'occasion de motiver cet amendement. Peut-être n'est-il pas nécessaire de reprendre cette présentation ?
Je voudrais toutefois confirmer que la commission modifie cet amendement. L'article additionnel que nous proposons d'insérer serait ainsi libellé : « Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi de finances, un décret précise que l'indemnité temporaire prévue aux décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954 est réservée aux agents mentionnés dans les décrets précités en poste dans une des collectivités concernées pendant vingt ans ou les cinq dernières années qui précèdent la liquidation de leur retraite. »
Autrement dit, un fonctionnaire qui aurait exercé dans un territoire pendant vingt ans mais qui serait venu, à la fin de sa carrière, exercer en métropole ne serait pas privé du bénéfice de ce supplément de retraite.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-7 rectifié bis, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission, et ainsi libellé :
« Après l'article 74 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi de finances, un décret précise que l'indemnité temporaire prévue aux décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954 est réservée aux agents mentionnés dans les décrets précités en poste dans une des collectivités concernées pendant vingt ans ou les cinq dernières années qui précèdent la liquidation de leur retraite.
« Ces dispositions ne s'appliqueront qu'aux personnes percevant leur pension à compter de la date de promulgation de la présente loi de finances. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. J'observe, tout d'abord, que le Sénat a déjà eu l'occasion d'examiner un amendement similaire lors de la discussion du projet de loi de programme pour l'outre-mer, le 22 mai dernier.
Le Gouvernement avait alors souligné une difficulté juridique liée au fait que la disposition proposé était d'ordre réglementaire. L'amendement avait d'ailleurs été retiré.
Quoi qu'il en soit, les questions de fond me semblent beaucoup plus importantes. Le complément de retraite prévu par le décret du 10 septembre 1952 doit être examiné au regard de certains éléments économiques tenant au coût de la vie élevé qui caractérise les territoires concernés, comme le disait Mme Terrade tout à l'heure, mais aussi au soutien au fonctionnement de l'économie locale...
Mme Odette Terrade. Bien sûr !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. ... que constitue la présence permanente de ces retraités de l'Etat, surtout en dehors des périodes fastes sur le plan touristique.
Le fait que l'amendement n° II-7 rectifié bis vise à maintenir l'octroi de ces indemnités aux agents en poste dans les collectivités concernées pendant les cinq années qui précèdent la liquidation de la retraite montre d'ailleurs que, ce qui pose problème, c'est moins le principe d'un complément de retraite que la définition du champ des bénéficiaires. Or celui qui est proposé ici engendrerait des difficultés considérables.
D'abord, l'amendement aurait pour effet d'écarter de la mesure des retraités ayant toute légitimité pour résider dans ces territoires, notamment ceux qui en sont originaires, dès lors qu'ils n'y auraient pas exercé d'activité professionnelle pendant vingt ans, puisque M. le président Arthuis a rectifié son amendement.
Ensuite, le critère d'octroi de l'indemnité prévu par l'amendement, à savoir une limitation aux agents en poste pendant vingt ans, paraît contraire à l'égalité de traitement due à des personnes placées dans une même situation.
La modification que vous proposez, monsieur le président de la commission des finances, n'infirme pas la position du Gouvernement, je dirai même qu'elle nous confirme que tout cela mérite une étude approfondie avant d'adopter une disposition aux conséquences importantes.
Mme Odette Terrade. Absolument !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Au total, nous ne pouvons accepter cet amendement. La suppression du dispositif ne peut en effet être envisagée sans une étude préalable visant à en mesurer toutes les conséquences sur les économies locales.
A cet effet, je puis vous dire que le Gouvernement va lancer une étude d'ensemble sur l'incidence économique et sociale des majorations de rémunération des fonctionnaires exerçant outre-mer et des fonctionnaires retraités qui y résident. Cette étude va être réalisée par l'INSEE. Elle sera disponible au 1er juillet 2004. C'est à la lumière de ses conclusions que le Gouvernement pourra débattre avec vous de ces sujets particulièrement délicats.
Dans l'immédiat, je vous demande, monsieur le président Arthuis, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, l'amendement n° II-7 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean Arthuis, président de la commission. Chacun est bien conscient du souhait qui est le mien d'aller vers le Gouvernement. Mais, madame la ministre, nous avons déjà échangé des arguments et le Sénat vient de se prononcer par scrutin public.
Par ailleurs, je rappelle que le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur un article identique, l'article 26, d'une loi d'orientation promulguée le 13 décembre 2000 et qui était ainsi rédigé : « Dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présentera un décret modifiant (...) »
Le Conseil constitutionnel a validé cette rédaction par sa décision du 7 décembre 2000, et l'ensemble de la loi en question a été promulguée le 13 décembre 2000. Vous me permettrez donc, madame la ministre, de réfuter votre critique sur le plan juridique.
Pour le reste, comme je l'ai dit ce matin, je prends l'engagement de recevoir, dès demain, le président du groupe d'études et d'amitié des élus de l'outre-mer. La commission des finances, en relation très étroite avec le Gouvernement, est à la disposition des élus de l'outre-mer pour mettre sur la table l'ensemble des problèmes.
Je rappelle qu'il s'agit de mettre fin à une pratique critiquable qui est largement décrite sur quelques sites Internet dont je me garderai de rappeler les adresses et qui consiste à bénéficier de cet avantage quand on est fonctionnaire métropolitain.
Ce n'est pas trahir les principes de la République que de voter cet amendement.
Madame la ministre, je ne suis pas habilité par la commission des finances à retirer l'amendement n° II-7 rectifié bis et je souhaite que le Sénat, tirant les conséquences du vote qui vient d'avoir lieu, adopte également le présent amendement, d'autant qu'il a été rectifié pour tenir compte des observations que vous avez formulées ce matin.
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour explication de vote.
M. Robert Laufoaulu. Ce matin, M. Louekhote a déjà présenté presque tous les arguments contre cet amendement. Je voudrais ajouter que les parlementaires de l'outre-mer auraient souhaité être associés un peu plus à ce débat, qui touche à un sujet important de la vie de l'outre-mer... et de la vie nationale, bien sûr.
Nous avons eu l'impression d'être mis à l'écart du processus de prise de conscience et de lutte contre certains abus. Nous avons même eu l'impression d'être montrés du doigt, voire accusés de ne pas faire ce qu'il faut pour corriger des situations qui ne sont pas justes, comme l'a dit ce matin M. le président de la commission des finances.
La grande majorité des parlementaires de l'outre-mer est tout à fait consciente qu'il y a des abus, des situations injustes. Mais procéder comme on le fait maintenant lui semble injuste à son égard. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. J'ai évidemment écouté avec beaucoup d'intérêt l'échange qui vient de s'engager.
Je suis très sensible aux arguments qui ont été développés par les uns et les autres, mais, n'étant pas un grand spécialiste de la question, je souhaite ardemment que le Sénat puisse trouver, grâce à son vote,...
Mme Odette Terrade. Le temps de la réflexion !
M. Henri de Raincourt. ... la réponse adaptée aux besoins et à la question qui se pose.
C'est la raison pour laquelle, au nom du groupe de l'UMP, je demande une suspension de séance de dix minutes.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à cette demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La suspension de séance a permis à la commission de se rapprocher de la position exprimée par le Gouvernement.
Elle a mis au point une proposition que je vous soumets, mes chers collègues.
Le Gouvernement pourrait déposer, dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi de finances, un rapport indiquant quelle suite il entend donner aux observations formulées par le rapport d'avril 2003 de la Cour des comptes. Le reste de l'amendement disparaîtrait. (Très bien ! sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Odette Terrade. Sage décision !
M. Roger Karoutchi. Voilà !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-7 rectifié ter, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission, et ainsi libellé :
« Après l'article 74 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi de finances, le Gouvernement présente un rapport indiquant dans quelle mesure il envisage de donner suite aux observations formulées par le rapport public particulier d'avril 2003 de la Cour des comptes au sujet de l'indemnité temporaire prévue aux décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Je pense qu'un délai de trois mois est un peu court pour réunir toutes les informations nécessaires. Néanmoins, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. En fait, tous les principes qui ont été invoqués par le président de la commission des finances sont remis en cause.
Cela dit, madame la ministre, je suggérerais au Gouvernement de faire porter son étude non seulement sur les pensions, salaires ou indemnités des fonctionnaires, mais aussi de considérer l'impact de l'ensemble des interventions économiques sur les départements et territoires d'outre-mer.
En tout cas, nous sommes favorables au dépôt de ce rapport.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Notre groupe prend acte de l'évolution de la discussion.
Sans doute le délai de trois mois est-il trop court en effet pour établir un rapport suffisamment détaillé. De toute façon, comme vient de le suggérer notre collègue M. Raoul, ce rapport devrait prendre en compte l'impact de l'apport des versements en cause sur l'économie locale.
Quoi qu'il en soit, nous voterons pour cet amendement rectifié.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je me réjouis du consensus qui résulte de nos échanges. (Sourires.)
Mme Odette Terrade. Aux forceps !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais je voudrais que l'on ne se méprenne pas quant à la portée du texte que vient de nous proposer le rapporteur général. A ceux qui ont laissé entendre que les pensions pouvaient servir à soutenir l'économie, je répondrai qu'à ce moment-là il faudrait les inclure dans le budget de l'outre-mer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Evitons le mélange des genres, s'il vous plaît !
Il ne s'agira pas de s'apesantir sur les conséquences pour l'économie ; nous devrons nous en tenir à la référence du rapport de la Cour des comptes et en tirer les conclusions.
Ainsi, nous demandons au Gouvernement de nous faire des propositions dans les trois mois.
Je pense que chacun sera sensible à la position du Sénat. De toute façon, il faudra bien infléchir des pratiques que je persiste à qualifier de perversions, car nous ne pourrons en aucune façon continuer à être complices d'une telle dérive.
M. Henri de Raincourt. Il a raison !
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce serait offenser l'outre-mer que d'imaginer qu'il s'accommode de telles pratiques. Il est donc urgent d'y mettre un terme : il y va de la justice, du respect des principes républicains. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-7 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 74 bis.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les charges communes.
M. le président. Nous allons maintenant examiner les articles 50 à 56 du projet de loi de finances qui concernent les comptes spéciaux du Trésor.
C. - Opérations à caractère définitif
des comptes d'affectation spéciale
Le montant des crédits ouverts aux ministres, pour 2004, au titre des services votés des opérations définitives des comptes d'affectation spéciale, est fixé à la somme de 3 187 590 000 euros.
M. le président. L'amendement n° II-40, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin de cet article, remplacer la somme : "3 187 590 000 euros" par la somme : "3 195 590 000 euros". »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Il s'agit d'un amendement de coordination qui tire les conséquences, d'une part, d'un amendement adopté en première partie affectant les ressources du compte n° 902-15, « compte d'emploi de la redevance audiovisuelle », et, d'autre part, de l'amendement n° II-23 rectifié à l'article 59 bis, que vous avez adopté vendredi dernier lors de l'examen des dispositions relatives à la communication, et qui précise la nouvelle répartition entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle.
Il est donc proposé de majorer de 8 millions d'euros les dépenses du chapitre 01, « versements aux organismes du secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision », du compte d'emploi de la redevance audiovisuelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais, s'agissant d'un amendement de conséquence, à titre personnel, j'émets un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-40.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 50, modifié.
(L'article 50 est adopté.)