Article additionnel après l'article 35 A

M. le président. L'amendement n° 92, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 35 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Au premier alinéa (1°) de l'article 21-4 du code civil, après les mots : "défaut d'assimilation,", sont insérés les mots : "autre que linguistique". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

La modification relative à l'introduction de la connaissance du français comme condition de recevabilité de la déclaration acquisitive de la nationalité française à raison du mariage avec un ressortissant français doit entraîner une modification du premier alinéa de l'article 21-4 du code civil, article qui ne visera plus que l'indignité et le défaut d'assimilation autre que linguistique comme motif d'opposition.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre, vous aurez remarqué que vos explications n'ont pas entraîné de nouvelles demandes de parole ! (Sourires.)

Puisque cet amendement concerne toujours le même domaine, permettez-moi de vous dire que nous ne vous croyons pas ! C'est à celui qui affirme de prouver. Or vous n'avez pas essayé de prouver que ce qui nous est proposé résultait bien des travaux du groupe de travail. Ce serait d'ailleurs plutôt à la commission des lois, qui est à l'origine de cet amendement, de nous communiquer les éléments émanant de ce groupe de travail.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Non !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 35 A.

Article 35 B

Le 1° de l'article 21-12 du code civil est ainsi rédigé :

« 1° L'enfant qui, depuis au moins cinq ans, est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou confié au service de l'aide sociale à l'enfance ; ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 197 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 289 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 93, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par cet article pour le 1° de l'article 21-12 du code civil, remplacer les mots : "cinq ans" par les mots : "cinq années" ».

La parole est à M. Jacques Mahéas, pour présenter l'amendement n° 197.

M. Jacques Mahéas. M. le ministre se réclame du pragmatisme et de l'humanité. Nous allons, avec cet amendement de suppression, lui fournir l'occasion de revenir effectivement sur le texte.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Merci !

M. Jacques Mahéas. Je rappelle que le projet de loi introduit un délai de cinq ans de prise en charge. Nous avons été approchés par des responsables d'associations qui nous ont fait part de cas extrêmement concrets.

L'association Parada, par exemple, s'occupe depuis un certain nombre d'années des mineurs isolés, étrangers, notamment d'origine roumaine, qui sont en danger dans les rues de Paris et de sa région. Ses responsables nous indiquent qu'ils ont porté assistance à environ quatre cents jeunes, principalement roumains, et qu'ils en ont convaincu cent seize de quitter durablement la rue par le biais du retour à l'école, d'une amorce de formation et, pour seize d'entre eux, du retour en Roumaine, dans leur famille ou en institution. Cette association dispose de moyens limités et d'une équipe réduite, mais réalise un excellent travail de rue.

J'ajoute que Parada n'a jamais poussé un jeune à adopter la nationalité française mais que, malheureusement, cette option est parfois l'unique possibilité pour un jeune de poursuivre un travail éducatif ou d'insertion dans la durée, notamment pour envisager une formation professionnelle.

Introduire un délai de cinq ans de prise en charge revient donc purement et simplement à supprimer cette possibilité d'accéder à la nationalité française pour ces mineurs victimes qui, sauf rares exceptions, ont plus de treize ans lors de leur prise en charge.

Cette association, dans la mesure où elle oeuvre sur le terrain, est bien placée pour savoir que l'accession à la nationalité française grâce à une prise en charge de l'aide sociale à l'enfance n'est absolument pas la raison pour laquelle les jeunes dont elle s'occupe arrivent sur le territoire. Les facteurs déterminants sont l'énorme disparité économique qui existe entre la France et les pays d'origine, la difficulté à lutter efficacement contre les réseaux de trafic d'êtres humains - lutte qui nécessite une étroite collaboration entre la police et les associations capables de gagner la confiance des victimes - et l'absence de prévention dans les pays d'origine.

En outre, on ne dispose d'aucune statistique fiable sur cette question.

Pour toutes ces raisons - et je ne voudrais pas que vous en fassiez un enjeu idéologique - je vous demande de revenir de manière pragmatique sur cette partie du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voilà encore un sujet sur lequel il a été dit beaucoup de choses fausses. Je ne vise pas personnellement M. Mahéas, car lui-même a été actionné par un réseau qui a actionné tout un tas de gens. L'argumentation, on la connaît par coeur, elle a été servie sur tous les tons, comme d'habitude.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. N'employez pas le mot « réseau » !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vous ai connu moins sensible, monsieur Dreyfus-Schmidt !

On dit de quelqu'un qu'il a des réseaux ; on l'a même dit de moi, ce qui m'a plutôt flatté. (Sourires.) Honnêtement, ce n'est pas injurieux. Les réseaux sont constitués de gens organisés, assez déterminés et, en l'occurrence, effectivement, on peut parler de réseau.

Monsieur Mahéas, songez qu'un enfant, par exemple algérien, né en France et ayant passé toute son enfance et son adolescence en France, ne sera français qu'à dix-huit ans.

M. Jacques Mahéas. Il n'a pas été confié à la DDASS !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et un mineur chinois - puisque des problèmes se posent de ce côté-là - qui arrive à quinze ans à Roissy, qui ne parle pas un mot de français, qui n'a jamais passé une minute en France, serait français dans les quinze jours ?

Pour ma part, je veux protéger ces mineurs algériens nés en France qui ne peuvent devenir français qu'à dix-huit ans ou, sous certaines conditions, à seize ans ou à treize ans. Convenez, monsieur Mahéas, qu'il y a là une incohérence !

M. Jacques Mahéas. L'un a un milieu familial, l'autre pas !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous parlez de milieu familial. Mais connaissez-vous l'existence de ces filières asiatiques qui font venir sur notre territoire des mineurs isolés ? Une fois que ces mineurs ont obtenu la nationalité française, les parents arrivent et, comme ils deviennent parents d'enfants français, le titre de séjour est de droit !

M. Jacques Mahéas. Mais punissez les filières !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il ne suffit pas de crier toujours à la répression. La répression n'est pas tout ; ce que je veux, c'est qu'une telle situation prenne fin.

La Haute Assemblée, et notamment le groupe de l'Union centriste, doit être informée de la parfaite incohérence qu'il y a à accorder un avantage à un mineur isolé qui n'a jamais mis les pieds en France. Cela ne veut évidemment pas dire qu'on ne l'accueillera pas ; le Gouvernement souhaite qu'il soit pris en charge. Cette situation pourra durer cinq ans, mais il ne deviendra pas nécessairement français. Il ne perdra aucun de ses droits sociaux et cela permettra de vérifier que l'on ne fait pas venir les parents clandestinement. En outre, des injustices pourront ainsi être évitées. Si le mineur est réellement isolé, il ne l'est pas seulement pour cinq semaines.

Bien entendu, je ne prétends pas que le Gouvernement a raison. Mais je crois qu'après ces explications plus personne ne pourra dire qu'il n'y avait pas une bonne raison d'agir.

M. Jacques Mahéas. Après dix-huit ans, il est majeur. Ce n'est pas pour cela qu'il va devenir français !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 289.

Mme Nicole Borvo. Vos arguments ne sont pas convaincants, monsieur le ministre. Plaçons-nous du côté des enfants plutôt que des parents qui vont profiter de sa situation.

En 1973, la diminution du délai avait pour objet de placer les enfants privés de leurs parents dans des conditions plus favorables à leur intégration dans notre pays en leur donnant un statut protecteur permettant formation, construction d'un projet éducatif et stabilité de vie. En général, ces enfants ont traversé des épreuves difficiles, quelles que soient les intentions de leurs parents, et ils se retrouvent seuls dans un pays étranger. C'est pourquoi je me place de leur côté.

Contrairement à ce que vous avez défendu tout au long de ce débat, c'est le statut qui devrait permettre l'intégration et non l'inverse. Selon qu'il sera français ou étranger, l'enfant ne sera pas traité de la même façon, le second ne pouvant bénéficier que d'une protection provisoire. A la veille de l'examen du projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, il serait tout de même indécent d'instituer une maltraitance administrative à l'égard des enfants, au seul motif qu'ils sont étrangers. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Hilaire Flandre. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Mme Nicole Borvo. Le Sénat s'honorerait de rejeter une telle disposition. D'ailleurs, nous considérons qu'il faudrait aller plus loin en permettant, comme nous le suggérons au travers de l'amendement n° 288, d'octroyer automatiquement la nationalité française aux pupilles de l'Etat qui ne la possèdent pas.

Le récent colloque organisé en septembre par l'Organisation internationale des migrations sur la traite des mineurs, comme les résultats des descentes de police dans les camps, devraient nous inciter à développer au maximum la protection de ces enfants.

Selon l'adjointe au maire de Paris chargée des affaires sociales, le nombre de mineurs étrangers passés par l'aide sociale à l'enfance a quadruplé en quatre ans dans la capitale. Au lieu de les traiter comme des clandestins, voire des délinquants potentiels, dans un contexte de durcissement des politiques migratoires, il est absolument nécessaire de leur garantir une protection particulière au titre de l'enfance en danger.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est ce que l'on propose !

Mme Nicole Borvo. L'octroi de la nationalité par voie de déclaration, sans condition de durée, permettrait de leur donner un statut protecteur.

J'ajouterai à l'adresse de M. le ministre et de M. Cointat que la France a été honorée dans les domaines économique, scientifique, sportif ou culturel grâce à l'obtention de la nationalité française par des enfants étrangers.

M. Robert Bret. On en a des exemples précis !

Mme Nicole Borvo. On se plaît à dire que le Sénat est une assemblée de réflexion. Alors réfléchissons à cette question pour l'avenir !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Madame Borvo, je ne demande pas mieux que de réfléchir, mais convenez qu'il n'est pas très facile d'avoir un débat de réflexion quand les orateurs lisent un papier prérédigé ne tenant pas compte du débat qui nous intéresse ! (Mme Borvo s'exclame.)

Madame Borvo, je ne veux en aucun cas être désagréable avec qui que ce soit. J'essaie de m'adapter au débat, d'apporter des réponses, de replacer les propositions dans un certain contexte. Je ne vous en veux pas d'être très organisée, mais vos papiers ont été rédigés selon une certaine logique avant que le débat ne commence. Ils ne tiennent donc pas compte des arguments que je développe ! (Mme Nicole Borvo et M. Robert Bret protestent.) Je ne vous fais aucun reproche, mais reconnaissez qu'il est très difficile de faire avancer un débat si chacun arrive avec des papiers figés, certain d'avoir raison sur tout et faisant preuve d'une forme d'autisme concernant tous les arguments présentés parce qu'ils émanent soit de l'opposition, soit du Gouvernement !

C'est un sujet suffisamment difficile pour que nous ne nous fassions pas des procès d'intention les uns aux autres ! Il ne s'agit pas d'affamer ni de brimer qui que ce soit ! Il s'agit simplement d'éviter de rendre service à des filières qui utilisent des enfants mineurs.

Rappelez-vous l'horrible affaire de L'Ile-Saint-Denis où une trentaine de mineurs roumains, enlevés à leurs parents, ont été placés dans un véritable campement. Nous avons eu l'occasion d'en parler avec M. Mahéas à maintes reprises.

Alors, de grâce, ne nous donnez pas de leçon sur la générosité de la France et sur l'attitude qu'il faut adopter à l'égard des mineurs ! La France en a plus qu'assez de recevoir des leçons. Elle fait en général plus et mieux que les autres pays. Reconnaissez au moins l'action de notre pays et de nos compatriotes et arrêtez de donner l'image d'une France qui ne serait pas généreuse - cela ne correspond en rien à la réalité - pour le simple plaisir de lire un papier qui a été rédigé sans tenir compte de mes propositions ni de la qualité du débat qui nous a opposés jusqu'à présent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 93 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 197 et 289.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 93 est purement rédactionnel.

Les deux amendements de suppression de l'article concernent un sujet très difficile. Il faut éviter l'écueil qui consisterait à aider les réseaux criminels à faire entrer des enfants en France dans les conditions que vient de décrire M. le ministre.

La commission des lois a donc été partagée et a sollicité l'avis du Gouvernement. M. le ministre nous a fait comprendre qu'il était défavorable à la suppression de cet article.

Je voudrais dire, à titre personnel, que je me rallierai à l'avis du ministre, car il me semble primordial de réussir à arrêter les réseaux criminels dont les activités ont des conséquences particulièrement dramatiques sur les enfants.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement n° 197.

M. Jacques Mahéas. Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit. Nous vous avons toujours soutenu dans votre action contre les filières. La législation ne sera jamais assez sévère pour ceux qui exploitent la misère humaine.

M. Christian Cointat. Prenons des mesures !

M. Jacques Mahéas. Nous avons déjà dit - et je pense avoir été suffisamment explicite sur ce point - que nous admettions une augmentation des peines encourues pour les délits commis par des passeurs. Nous sommes d'accord sur ce point.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Un homme à la mer !

M. Jacques Mahéas. Revenons un instant aux enfants pris en charge par les services de l'action sanitaire et sociale du département. Le petit Algérien était au moins dans une famille, ce qui n'était pas le cas des Roumains. Mettez-vous à leur place ! La France est pour eux un pays d'accueil. Sauf à retrouver leur famille en Roumanie, ces jeunes resteront en France. Si nous voulons favoriser leur insertion, il ne faut pas les menacer en leur disant qu'ils n'auront jamais la nationalité française.

M. Hilaire Flandre. On ne l'a jamais dit !

M. Jacques Mahéas. En effet, cinq ans, pour un jeune de treize ans, c'est l'éternité ! Si nous voulons inciter ces enfants à quitter la rue pour suivre une formation professionnelle, nous devons faire un pas dans leur direction.

Cela dit, je suis prêt, si M. le ministre l'accepte, à admettre la fixation d'un laps de temps d'observation de ces jeunes, à condition qu'il soit inférieur à cinq ans, ainsi que l'intervention d'associations reconnues ou de la DDASS. Cela ne me paraît pas exagéré, au plan humain, mais n'a évidemment aucun lien avec les profiteurs et les filières que nous condamnons.

M. Hilaire Flandre. Mais vous voulez les faciliter !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai prévu un délai de cinq ans parce que c'est le délai de droit commun en la matière et que je ne souhaite pas multiplier les seuils, monsieur Mahéas.

Si vous pensez qu'un délai de trois ans permettrait d'obtenir un consensus, le Gouvernement est prêt à l'accepter. Je ne peux pas faire preuve de plus d'ouverture. Nous aurions pu couper la poire en deux et choisir un délai de deux ans et demi (Non ! sur les travées de l'UMP), mais cela n'aurait pas eu de sens.

Sur un sujet aussi sensible, obtenir un quasi-consensus est une étape importante. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Je vous aurais donc gêné à ce point-là ?... Vous faites une ouverture, je m'y engouffre, et vous reculez immédiatement ! (M. Nicolas About rit.) MonsieurDreyfus-Schmidt, laissez M. Mahéas assumer son ouverture !

M. Mahéas, l'orateur du groupe socialiste à qui je m'adressais, me dit qu'il est prêt à faire un pas ; je suggère donc d'abaisser le délai de cinq à trois ans. Le Gouvernement proposera cette solution si la majorité le veut bien.

M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.

M. Nicolas About. Si nous avons retiré l'amendement que nous avions préalablement déposé, c'est parce que nous avons le sentiment qu'il faut offrir une chance à l'enfant qui a déjà subi une maltraitance en étant « exporté » hors de son pays, maltraité ou laissé à l'abandon. Le but inavoué, M. le ministre a eu raison de le dire, est souvent de permettre l'arrivée ultérieure des parents et d'autres étrangers. Instrumentaliser un enfant, telle est la première caractéristique de la maltraitance. Il faut mettre fin à l'utilisation des enfants par des filières.

La proposition qui figure à l'article 35 B est bonne. Mais retenir un délai de cinq ans nous paraît excessif. C'est pourquoi nous avions voulu déposer un amendement de retrait pour revenir à la situation actuelle.

Ayant entendu à l'instant M. le ministre, je pense qu'il a raison et que le délai de trois ans serait adéquat non seulement pour combattre les filières et empêcher que d'autres enfants ne soient maltraités, mais aussi pour permettre à ceux qui sont malheureusement victimes de ces filières de pouvoir être intégrés, dans un délai raisonnable, au sein de la communauté française.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. Il est toujours très agréable d'être traitée de débile par le ministre !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Il n'a pas dit ce mot !

Mme Nicole Borvo. Il est tout à fait normal de travailler les dossiers avant le débat. Cela n'empêche pas d'écouterle débat. S'il s'agit de lutter contre les trafics, écrivez-le noir sur blanc et prévoyez dans un chapitre « trafics » toutes les mesures nécessaires pour s'attaquer aux trafics.

M. Robert Bret. Très bien !

Mme Nicole Borvo. Je me place du point de vue de l'enfant. Je rejoindrai en cela les propos de M. About : quels que soient les motivations ou les objectifs des parents, l'enfant est de toute façon en situation de maltraitance.

Monsieur le ministre, vous devriez lire les romans de Michel Del Castillo - je suis sûre que vous connaissez cet auteur -, cela vous éclairerait sur ce qu'il en est des enfants trimballés, abandonnés dans tel ou tel pays, qui cherchent à trouver un point de chute quelque part.

Nous estimons que le dispositif envisagé aboutit en réalité à ce qu'un enfant qui entre entre France après l'âge de treize ans ne puisse plus, de fait, acquérir la nationalité française.

C'est clair ! Alors pourquoi vouloir allonger le délai ? D'ailleurs, monsieur le ministre, il s'agit d'un ajout de l'Assemblée nationale et non de l'une de vos propositions !

M. Nicolas About. Un ajout pas forcément débile ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo. Peut-être, mais vous n'avez pas besoin de le défendre à cor et à cri. Je ne sais pas si nous allons faire des marchandages sur le délai. Bien évidemment, si on le raccourcit, je serais satisfaite. Mais au moins, écoutez nos arguments.

M. Nicolas About. Il faut protéger les enfants qui ne sont pas encore venus !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai eu raison de provoquer un peu Mme Borvo, car elle a été formidable ! (Sourires. - Mme Borvo lève les yeux au ciel.) Dégagée de son papier, c'est la vraie présidente du groupe communiste. Nous ne sommes pas débiles non plus, madame Borvo ; nous connaissons aussi Michel Del Castillo. Il nous est même arrivé de lire, car nous savons lire aussi ! (Sourires.)

Et il nous arrive aussi d'être généreux. Nous sommes sensibles autant que vous à la misère et à la détresse des enfants. Nous sommes humiliés autant que vous par cette vision dégradante, mais nous n'avons pas proposé de changement de ce point de vue.

S'agissant d'un enfant qui est recueilli en France par une famille, je propose de maintenir le délai de cinq ans, car c'est le délai de droit commun pour un enfant né en France ou arrivé en France avant. Je crains beaucoup d'avoir une échelle de perroquet.

En revanche, s'agissant d'un enfant qui arrive en France et qui est confié à un service social, et notamment au service de l'ASE, on pourrait porter ce délai à trois ans.

M. Nicolas About. Tout à fait !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pour le droit commun, il ne s'agit pas de refuser et le délai de trois ans, mais il faut éviter d'avoir des échelles incompréhensibles.

S'il y a un consensus sur cette proposition, je dispose cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.

M. Laurent Béteille. Je comprends que l'on veuille prendre en compte l'intérêt de l'enfant, et c'est ce que nous faisons. L'intérêt de l'enfant, c'est d'abord d'être confié à des institutions qui s'occupent correctement de lui et l'aident à retrouver une situation acceptable pour s'épanouir. Cela dit, la nationalité française ne constitue pas un élément obligatoire de ce travail éducatif.

M. Jacques Mahéas. C'est tout de même important !

M. Laurent Béteille. En réalité, la mise en oeuvre de cette mesure apparemment généreuse, c'est-à-dire l'octroi immédiat de la nationalité française, a eu des effets absolument désastreux contraires à l'objectif recherché.

En effet, des fraudeurs se sont engagés dans la brèche ouverte par cette mesure : le nombre d'enfants arrachés à leur famille, à leur pays d'origine et arrivés illégalement sur notre territoire a ainsi augmenté dans des proportions considérables.

Monsieur le ministre, des filières, notamment en provenance de Chine, profitent de ce système. Je crois savoir qu'un millier d'enfants ont ainsi été victimes de ce type de filières. Pouvez-vous me le confirmer ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le sénateur, pour l'année 2002, 985 enfants sont concernés, si mon souvenir est exact.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais faire une suggestion, que j'ai d'abord soumise à mon ami Jacques Mahéas, puisque vous avez précisé tout à l'heure, monsieur le ministre, que c'est à lui que vous répondiez.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est lui qui m'interpellait !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne dis pas le contraire, mais j'ai bien le droit de parler à M. Mahéas !

M. Hilaire Flandre. C'est son conseil !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je disais donc à M. Mahéas qu'il serait bon de créer un groupe de travail sur la nationalité, puis je me suis rappelé tout à coup que vous nous aviez indiqué qu'il en existait déjà un. (M. Nicolas About rit.) Cela étant, monsieur le ministre, ne venez pas prétendre que c'est ce groupe de travail qui a formulé la proposition qui nous est présentée ; c'est M. Goasguen.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voulez-vous que je vous remette les conclusions du groupe de travail ? Les voici ! (M. le ministre brandit un document.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très volontiers ! D'ailleurs, si vous nous communiquiez vos pièces avant les débats, mon cher confrère, je n'y verrais aucun inconvénient ! (Rires.)

M. Nicolas About. Ils nous font le coup du barreau !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que l'on me permette, à cet instant, de donner lecture des deux premiers alinéas de l'article 21-12 du code civil, qui est en vigueur depuis 1993 :

« L'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.

« Toutefois, l'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France. »

Par conséquent, monsieur le ministre, ne nous dites pas que les petits Algériens adoptés doivent attendre d'avoir atteint l'âge de dix-huit ans pour réclamer la nationalité française. Le code civil prévoit déjà, nous le savons tous, que la situation est différente en matière d'adoption.

M. Nicolas About. Oui, en matière d'adoption ! Ce n'est pas pareil !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne dis pas le contraire ! J'affirme qu'il existe des cas où un enfant peut devenir français sans aucune condition de délai.

M. Nicolas About. Oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ajoute que l'on a sans doute considéré que les enfants confiés au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un organisme public ou privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat relèvent, dans une certaine mesure, de l'adoption et que, en outre, pour ces enfants, le fait de devenir français faciliterait celle-ci.

Quoi qu'il en soit, il m'apparaît nécessaire de réfléchir encore sur les problèmes liés à la nationalité, sans chercher à les trancher aujourd'hui.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Mais si !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne l'aviez d'ailleurs pas proposé initialement, monsieur le ministre, puisque l'article 35 B a été inséré dans le projet de loi à l'Assemblée nationale, sur l'initiative de M. Goasguen. Certes, tout parlementaire a le droit de déposer des amendements, mais ne nous dites pas que vous êtes pressé d'agir, parce que si vous l'aviez été, vous n'auriez pas manqué d'introduire d'emblée les dispositions adéquates dans le texte. De grâce, supprimons le dispositif présenté ; à défaut, monsieur le ministre, si vous jugez préférable de prévoir d'autres délais que ceux figurant dans la rédaction actuelle de l'article, formulez vos propositions sans attendre un consensus !

A cet égard, l'amendement n° 216 rectifié bis de M. Détraigne, Mmes Payet et Létard, qui a été retiré avant la séance, reflétait des préoccupations identiques aux nôtres. Il conviendrait vraiment de prendre le temps de la réflexion ! Evidemment, la navette aurait pu permettre de maintenir le dispositif en attendant de revenir sur la question lors de la deuxième lecture, mais il n'y aura pas de navette ! Toutefois, puisqu'il existe un groupe de travail sur la nationalité, il serait bon de lui confier le soin de mener une réflexion.

M. Hilaire Flandre. Comme d'habitude, on renvoie à une commission !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est ce que nous avons décidé pour répondre aux interrogations de M. Cointat tout à l'heure !

M. Robert Bret. Oui, mais c'était M. Cointat !

M. Hilaire Flandre. Ce n'était pas le même problème !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce ne sont pas non plus les mêmes travées !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Comme je l'ai annoncé tout à l'heure, je souhaite déposer un amendement au nom du Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 331, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Le 1° de l'article 21-12 du code civil est ainsi rédigé :

« 1° L'enfant qui, depuis au moins cinq ans, est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou qui, depuis au moins trois ans, est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ; ».

La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je tiens d'abord à prier la Haute Assemblée de bien vouloir m'excuser de déposer un amendement dans ces conditions, mais les aléas du débat l'imposent et cela fait suite à l'interpellation de M. Mahéas.

Dans un souci de consensus, le Gouvernement propose de prévoir un délai de cinq ans pour l'enfant recueilli en France et élevé par un Français et un délai de trois ans pour l'enfant confié au service de l'aide sociale à l'enfance. C'est exactement ce que j'avais annoncé voilà quelques instants.

Par ailleurs, je voudrais remercier M. Dreyfus-Schmidt : c'est au moins la dix-huitième fois en trois jours qu'il propose la constitution d'une commission ou d'un groupe de travail. Avec M. Dreyfus-Schmidt, la réflexion est nourrie, c'est une certitude ! En ce qui concerne l'action, c'est un peu plus calme... (Sourires.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe de travail existe, vous vous êtes caché derrière lui tout à l'heure !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 197 et 289.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 331 ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 331 n'a donc pas pu être soumis à la commission des lois, mais, compte tenu des explications de M. le ministre, j'émets à titre personnel un avis très favorable sur la proposition du Gouvernement, qui permet de répondre aux questions posées.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, contre l'amendement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En l'état actuel des choses, comme le disait le président Dailly, « on verra après, pour l'instant je suis contre », en particulier parce que l'amendement est incomplet.

En effet, on a oublié de viser, dans sa rédaction, le cas des enfants confiés soit à un organisme public, soit à un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat. Je ne veux pas croire qu'il puisse s'agir d'une Commission volontaire, mais il me paraît nécessaire de réparer cet oubli.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce cas est déjà prévu au 2° de l'article 21-12 du code civil.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !

M. Jacques Mahéas. On l'a supprimé !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pas du tout !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela concerne la formation française.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. On ne touche pas au 2° de l'article 21-12 du code civil !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, mais je propose pour ma part de viser les enfants confiés au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un organisme public ou un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat. Les enfants peuvent avoir été confiés à d'autres services que celui de l'aide sociale à l'enfance.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. La remarque formulée par M. Dreyfus-Schmidt correspond à l'esprit qui sous-tend la rédaction actuelle du code civil. Par conséquent, son intervention me semble mériter une réponse. Si le Gouvernement a fait un pas dans la bonne direction, nous ne sommes pas entièrement satisfaits.

En outre, à propos du délai, pourquoi prévoir que l'enfant devra avoir été recueilli depuis « au moins » trois ans ? Il serait à mon sens préférable de retenir la formulation : « depuis trois ans », qui ne me semble pas comporter la nuance restrictive introduite par la rédaction du Gouvernement. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je soulignerai tout d'abord que le service de l'aide sociale à l'enfance présente l'avantage d'être clairement identifié et reconnu, et dispose des personnels absolument remarquables. A quels autres organismes font allusion les membres du groupe socialiste ? S'agira-t-il de n'importe quelle association ? Les choses pourront évoluer dans l'avenir, mais j'ai souhaité, pour l'heure, viser le service de l'aide sociale à l'enfance.

Par ailleurs, la formule « depuis au moins trois ans » est juridiquement consacrée.

M. Hilaire Flandre. C'est clair !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela étant, si les mots : « au moins » vous gênent, monsieur Mahéas, au point de vous retenir de voter l'amendement, je suis prêt à les supprimer. Cependant, ne vous laissez pas troubler par vos voisins, monsieur Mahéas, faites ce dont vous avez envie. (Rires.) Mieux vaut un petit regret qu'un gros remords ! Par conséquent, laissez-vous aller, on ne vous prendra pas pour autant pour un ami de la majorité ! (Nouveaux rires.)

M. Jacques Mahéas. Pas de risque !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous avez de la marge, monsieur Mahéas !

M. Hilaire Flandre. Il y a du chemin à faire !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 331.

M. Jacques Mahéas. Le groupe socialiste s'abstient.

M. Hilaire Flandre. Quel courage !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 93 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 35 B, modifié.

(L'article 35 B est adopté.)